Language of document : ECLI:EU:T:2004:2

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)
13 janvier 2004 (1)

Aides d'État – Aides à finalité régionale – Régularité de la signature de l'avocat apposée sur la requête – Qualité pour agir – Motivation – Compatibilité avec le marché commun – Non-discrimination – Droit d'établissement des concurrents nationaux du bénéficiaire de l'aide – Protection de l'environnement – Détournement de pouvoir

Dans l'affaire T-158/99,

Thermenhotel Stoiser Franz Gesellschaft mbH & Co. KG,

Vier Jahreszeiten Hotel-Betriebsgesellschaft mbH & Co. KG,

Thermenhotel Kowald,

Thermalhotel Leitner GesmbH,

établis à Loipersdorf (Autriche), représentés par Me G. Eisenberger, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz et J. Macdonald Flett, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

République d'Autriche, représentée par MM. W. Okresek, H. Dossi, Mme C. Pesendorfer et M. T. Kramler, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande en annulation de la décision SG(99) D/1523 de la Commission, du 3 février 1999, déclarant compatible avec le marché commun une aide d'État en faveur de la réalisation d'un projet hôtelier à Loipersdorf (Autriche),



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre élargie)



composé de MM. B. Vesterdorf, président, J. Azizi, M. Jaeger, H. Legal et Mme M. E. Martins Ribeiro, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 1 avril 2003,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique du litige

1
L’article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) dispose notamment ce qui suit:

«1.    Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

[...]

3.      Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun:

[...]

c)
les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun [...]»

2
Aux termes de l’article 93 du traité CE (devenu article 88 CE):

«1.    La Commission procède avec les États membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.

2.      Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 92, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

[...]

3.      La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l’article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.»


Antécédents du litige

3
Par lettre du 20 novembre 1997, les requérants, quatre exploitants d’hôtels quatre étoiles de la station de tourisme de Loipersdorf située dans le Land de Styrie (Autriche), ont informé la Commission d’un projet d’aide de ce Land à la société Siemens AG Austria, dans le cadre de la construction d’un hôtel cinq étoiles (ci-après l’«hôtel Siemens») dans cette même localité.

4
La Commission a demandé aux autorités autrichiennes, par lettre du 12 décembre 1997, des informations destinées à lui permettre de se prononcer sur l’opération projetée.

5
Par pli du 23 février 1998, parvenu à la Commission le 25 février suivant, la république d’Autriche a notifié le projet d’aide en question.

6
Après plusieurs lettres de rappel et prorogations du délai de réponse, la Commission a obtenu des autorités autrichiennes des informations complémentaires sur le projet d’aide notifié, par lettre du 30 décembre 1998 délivrée le 5 janvier 1999.

7
Par décision adoptée le 3 février 1999 et communiquée aux autorités autrichiennes par lettre du 2 mars suivant (ci-après la «décision attaquée»), la Commission a déclaré l’aide en cause compatible avec le marché commun, en vertu de la dérogation à l’interdiction des aides d’État instituée par l’article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, concernant les aides d’État destinées à faciliter le développement de certaines régions économiques.

8
L’aide autorisée consistait, d’une part, en un financement de la construction de l’hôtel Siemens à concurrence de 810 302 euros [11 150 000 schillings autrichiens (ATS)] et, d’autre part, en une transaction immobilière subventionnée à hauteur de 893 571 euros (12 295 810 ATS), soit un montant total de 1 703 873 euros (23 445 810 ATS). L’ensemble des capitaux investis dans la construction de l’hôtel Siemens s’élevait à la somme de 38 100 000 euros (524 000 000 ATS).

9
La décision attaquée relève notamment:

«[D]ans le cadre du projet a été également conclu un contrat entre l’exploitant de l’hôtel [Siemens] et les thermes de Loipersdorf. Aux termes de cette convention, les thermes s’engagent à réserver quotidiennement pendant trois ans 50 chambres (soit un coefficient d’occupation de 16,7 %) à un prix correspondant à la moyenne des prix des chambres effectivement obtenus par l’hôtel Siemens. En outre, les thermes s’obligent, d’une part, à agrandir les salles de repos attenantes aux sources thermales, dont 200 places couchées seront réservées exclusivement aux clients de l’hôtel Siemens, et, d’autre part, à ne pas accorder à d’autres hôtels une voie d’accès directe aux sources avant le 1er janvier 2003. En contrepartie, l’exploitant de l’hôtel Siemens s’engage à réserver quotidiennement à tout le moins 200 places couchées et à payer aux thermes le prix d’entrée journalier officiel. Cette obligation a une durée fixe de cinq ans et peut être adaptée ultérieurement.»

10
Par lettre du 6 avril 1999, les requérants ont demandé à la Commission de leur transmettre une copie des pièces du dossier.

11
Par courrier du 29 avril 1999, la Commission a communiqué aux requérants un exemplaire de la décision attaquée, tout en refusant de leur transmettre les pièces du dossier pour des raisons de confidentialité.


Procédure devant le Tribunal

12
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juillet 1999, les requérants ont introduit le présent recours en annulation à l’encontre, d’une part, de la décision attaquée et, d’autre part et à titre subsidiaire, du refus de communication du dossier.

13
Le résumé de la décision attaquée, portant la référence N 136/98, a été publié au Journal officiel des Communautés européennes C 238, du 21 août 1999, p. 3.

14
La Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité du recours, par acte déposé le 18 octobre 1999.

15
Les requérants ont présenté leurs observations sur cette exception le 16 novembre 1999.

16
Par acte déposé le 14 janvier 2000, la république d’Autriche a demandé à intervenir dans la présente procédure, au soutien des conclusions de la Commission.

17
Il a été fait droit à cette demande, par ordonnance du président de la deuxième chambre élargie du 25 février 2000.

18
Par acte déposé le 4 avril 2000, la république d’Autriche a renoncé à se prononcer sur la recevabilité du recours tout en se réservant le droit de présenter des observations sur ce point, dans l’hypothèse où le Tribunal joindrait au fond l’exception d’irrecevabilité.

19
L’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond, par ordonnance du Tribunal (deuxième chambre élargie) du 16 juin 2000.

20
Les requérants ont déposé leur réplique le 11 janvier 2001, soit un jour après l’expiration du délai imparti.

21
Le président de la deuxième chambre élargie a ordonné l’inscription de ce document au registre, par décision du 12 janvier 2001.

22
Dans sa duplique, la Commission a demandé au Tribunal de reconsidérer cette décision et de ne pas tenir compte de la réplique. La Commission a déclaré ne présenter sa duplique que pour le cas où le Tribunal ne donnerait pas suite à sa demande.

23
Par décision du 20 septembre 2001, le juge rapporteur a été affecté à la première chambre élargie, à laquelle l’affaire a, par conséquent, été attribuée.

24
Sur rapport du juge rapporteur, la première chambre élargie a décidé, le 18 janvier 2002, d’inviter la Commission à répondre à plusieurs questions et à produire la notification des autorités autrichiennes du 23 février 1998 concernant le projet d’aide d’État en cause, la correspondance échangée entre la Commission et ces autorités, ainsi que tous les documents fournis au soutien de la notification.

25
Par pli déposé le 13 février 2002, la Commission a répondu aux questions du Tribunal et a produit certains documents.

26
Par courrier du 12 mars 2002, la Commission a précisé que les autorités autrichiennes avaient sollicité le traitement confidentiel de certains des documents produits.

27
La Commission a par la suite indiqué, par lettre déposée le 5 décembre 2002, que ces mêmes autorités n’estimaient plus nécessaire de traiter les documents en question comme confidentiels.

28
Ces pièces ont donc été jointes au dossier de l’affaire et communiquées aux requérants et à la partie intervenante.

29
Par pli déposé le 3 février 2003, la Commission a encore produit, à la suite d’un rappel du Tribunal, copie d’un rapport sur le développement régional de la Styrie, établi en octobre 1994 par l’Institut für Technologie- und Regionalpolitik (Institut de technologie et de politique régionale), et visé au point 3.2.1 de la décision attaquée.

30
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 1er avril 2003.

31
Au cours de cette audience, la Commission a retiré sa demande tendant à ce que le Tribunal ne tienne pas compte de la réplique en ce que celle-ci aurait été déposée tardivement. Pour leur part, les requérants, ayant reçu les pièces du dossier administratif relatif à l’aide en cause, se sont désistés de leurs conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant à la production de ces documents et à l’annulation du refus de la Commission de les leur transmettre.

32
Lors de cette même audience a été produit l’accord de réservation réciproque passé entre les thermes de Loipersdorf et l’hôtel Siemens.


Conclusions des parties

33
Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal:

déclarer le recours recevable et fondé;

annuler la décision attaquée;

condamner la Commission aux dépens.

34
La Commission, soutenue par la partie intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable;

rejeter le recours comme non fondé;

condamner les requérants aux dépens.


Sur la recevabilité

35
La Commission excipe de l’irrecevabilité du recours en articulant deux fins de non-recevoir prises, respectivement, du défaut de signature de la requête par l’avocat des requérants, d’une part, et de l’absence de qualité pour agir des intéressés, d’autre part.

Sur le défaut de signature de la requête par l’avocat des requérants

Arguments des parties

36
La Commission déduit de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal et de l’article 6, paragraphe 3, des instructions au greffier que chaque acte de procédure doit être signé par les représentants des parties et que cette signature doit permettre de distinguer le nom d’un avocat habilité à représenter, en l’espèce, les requérants, aux fins de vérifier la concordance entre la signature figurant sur l’acte de procédure et celle de l’avocat qu’ils ont désigné.

37
Or, le paraphe apposé au milieu du cachet de l’étude d’avocats «Eisenberger-Herzog-Nierhaus-Forcher et Partner OEG» sur la première page de l’original de la requête ne permettrait pas de reconnaître la signature de Me Georg Eisenberger, mandataire ad litem des requérants.

38
À cet égard, la copie du document de légitimation de l’intéressé jointe en annexe à la requête ne saurait être prise en considération pour établir l’authenticité de la signature figurant sur l’original de la requête. Contrairement à ce qu’exige l’article 6, paragraphe 4, des instructions au greffier, aucun bordereau d’annexes à la requête n’aurait été déposé. La mention des annexes sur la première page de la requête ne saurait tenir lieu d’un tel bordereau et ne pallierait pas non plus l’absence de la mention de l’annexe dans la requête pourtant exigée par l’article 6, paragraphe 4, précité.

39
Les requérants objectent que Me Georg Eisenberger a dûment apposé sa signature sur l’original de la requête et que cette signature est identique à celle figurant sur son document de légitimation. Les requérants précisent avoir produit ultérieurement un spécimen de la signature de Me Georg Eisenberger, certifié conforme par acte notarié, pour ne plus laisser subsister le moindre doute sur l’identité de l’auteur de la signature portée sur la requête.

40
En outre, les requérants estiment s’être conformés à l’article 43, paragraphe 4, du règlement de procédure en indiquant sur la première page de la requête la liste des annexes visées par ce document. Les requérants déclarent avoir déposé un document séparé comportant cette même liste pour dissiper toute incertitude à cet égard.

Appréciation du Tribunal

41
Il convient de rappeler à titre préalable que, en vertu de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure, l’original de tout acte de procédure doit être signé par l’agent ou l’avocat des parties.

42
En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever que la première page de l’original de la requête est signée.

43
Deuxièmement, les requérants ont joint à leur requête une copie du titre de légitimation de leur avocat, comportant également une signature de l’intéressé. Eu égard au caractère fondamental que revêt ce titre de légitimation pour la régularité de la requête et, par conséquent, pour la recevabilité du recours en tant que telle, ce document ne saurait être écarté, aux fins d’établir l’authenticité de la signature apposée sur la première page de l’original de la requête, au seul motif que la requête n’était pas accompagnée d’un bordereau d’annexes.

44
Troisièmement, il convient de constater que les requérants ont, à toutes fins utiles, spontanément déposé un spécimen, certifié conforme par acte notarié, de la signature de l’avocat concerné, ainsi qu’un bordereau d’annexes.

45
Eu égard à ces trois éléments, le Tribunal a pu s’assurer du respect de la condition prévue à l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure. En effet, s’il est vrai que la signature apposée sur la première page de l’original de la requête ne permet pas, à elle seule, d’identifier facilement l’avocat concerné et qu’elle constitue, en outre, une version simplifiée de celle figurant sur la copie du titre de légitimation de l’intéressé, il n’en demeure pas moins que la confrontation de ces trois signatures n’a laissé, pour le Tribunal, aucun doute sur le fait que la requête a, en tout état de cause, été dûment signée par l’avocat des requérants.

46
Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée du défaut de signature de la requête par l’avocat des requérants doit être rejetée.

Sur le défaut de qualité pour agir des requérants

Arguments des parties

47
La Commission soutient que la situation des concurrents locaux du bénéficiaire d’une aide d’État, tels que les requérants, ne ressortit pas aux échanges entre États membres, au sens de l’article 92, paragraphe 1, du traité. Cette disposition n’étendrait son champ de protection qu’aux concurrents n’exerçant pas leur activité dans l’État membre qui accorde l’aide contestée.

48
La Commission n’aurait à examiner ni les effets de l’aide en cause sur la concurrence dans une région étroitement circonscrite, telle que Loipersdorf, ni ses effets sur les concurrents dans le même État membre ou dans la même région, parce que cette question est étrangère aux échanges entre États membres au sens de l’article 92, paragraphe 1, du traité.

49
Comme ils sont établis dans le voisinage immédiat de l’entreprise bénéficiaire de l’aide, les requérants ne seraient donc ni visés ni, par conséquent, directement concernés par la décision attaquée, sauf à dénaturer l’article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu article 230, quatrième alinéa, CE), en en faisant une voie de contrôle de légalité objectif.

50
Tout en considérant, au point 16 de leur requête, que la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen des aides d’État au titre de l’article 93, paragraphe 2, du traité, les requérants allèguent, au point 7 du même document, que la Commission a, en réalité, retenu la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché commun au terme de la procédure préliminaire d’examen définie par l’article 93, paragraphe 3, du traité.

51
Les requérants auraient été ainsi privés de la possibilité de présenter leurs observations sur le projet d’aide notifié qui leur est reconnue par l’article 93, paragraphe 2, du traité, en raison de leur qualité d’intéressés au sens de cette disposition.

52
Il s’ensuivrait que les requérants ne peuvent obtenir le respect de ces garanties que s’ils disposent de la possibilité de contester la décision attaquée devant la juridiction communautaire.

53
Les requérants s’estiment, par ailleurs, directement et individuellement concernés par la décision attaquée. D’une part, celle-ci nuirait directement à leurs intérêts et à leur position juridique, sans requérir de mesures internes d’application pour sa mise en œuvre. D’autre part, la décision attaquée concernerait individuellement les requérants en raison de certaines qualités qui leur sont particulières et d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et les individualise ainsi d’une manière analogue à celle dont le destinataire de la décision attaquée le serait.

    Appréciation du Tribunal

54
Compte tenu de l’ambiguïté de l’argumentation articulée par les requérants, il convient d’identifier au préalable la nature, préliminaire ou formelle, de la phase de la procédure d’examen au terme de laquelle la décision attaquée a été adoptée.

55
En vertu de l’article 93, paragraphe 3, première phrase, du traité, les projets tendant à instituer ou à modifier des aides d’État doivent être notifiés à la Commission préalablement à leur mise en œuvre.

56
Celle-ci procède alors à un premier examen des aides projetées. Si, au terme de cet examen, il lui apparaît qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun, elle ouvre sans délai la procédure prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 36).

57
Dans le cadre de la procédure prévue à l’article 93 du traité, il faut donc distinguer, d’une part, la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 93, paragraphe 3, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause, et, d’autre part, la phase formelle d’examen visée à l’article 93, paragraphe 2, qui est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire (arrêts de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198/91, Rec. p. I-2487, point 22; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 16, et Commission/Sytraval et Brink’s France, cité au point 56 ci-dessus, point 38).

58
La phase préliminaire d’examen instituée par l’article 93, paragraphe 3, du traité vise uniquement à ménager à la Commission un délai de réflexion et d’investigation suffisant pour lui permettre de se former une première opinion sur les projets d’aides notifiés, afin de conclure, sans qu’un examen approfondi soit nécessaire, qu’ils sont compatibles avec le traité ou, au contraire, de constater que leur contenu soulève des doutes à cet égard (arrêt de la Cour du 15 février 2001, Autriche/Commission, C-99/98, Rec. p. I-1101, points 53 et 54).

59
La phase formelle d’examen prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité, qui permet à la Commission d’être complètement éclairée sur l’ensemble des données de l’affaire avant de prendre sa décision, revêt un caractère indispensable dès que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun (arrêt Matra/Commission, cité au point 57 ci-dessus, point 33).

60
La Commission ne peut donc s’en tenir à la phase préliminaire d’examen prévue à l’article 93, paragraphe 3, du traité, pour prendre une décision ne formulant pas d’objection à l’égard d’une aide que si elle est en mesure d’acquérir la conviction, au terme de cet examen, que ce projet est compatible avec le traité.

61
En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire ou même n’a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s’entourer de tous les avis nécessaires et d’ouvrir, à cet effet, la procédure formelle d’examen prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité (arrêts de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. 1451, point 13; Cook/Commission, cité au point 57 ci-dessus, point 29; Matra/Commission, cité au point 57 ci-dessus, point 33, et Commission/Sytraval et Brink’s France, cité au point 56 ci-dessus, point 39).

62
Cette dernière procédure donne aux États membres autres que l’État notifiant et aux milieux concernés la garantie de pouvoir être entendus, le traité prévoyant l’obligation pour la Commission de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations.

63
En l’espèce, il ne ressort pas des données de la cause que la décision attaquée ait été adoptée dans le cadre de la phase formelle d’examen prévue à l’article 93, paragraphe 2, du traité.

64
En effet, tout d’abord, il n’est pas allégué par les requérants que la Commission ait publié une communication au Journal officiel des Communautés européennes invitant les intéressés à présenter leurs observations sur le projet d’aide en cause, comme l’exige cette procédure formelle d’examen.

65
Ensuite, la Commission a précisé, en réponse à une question du Tribunal, qu’un résumé de la décision attaquée avait été publié au Journal officiel des Communautés européennes sous la rubrique «Autorisation des aides d’État dans le cadre des dispositions des articles [92 et 93] du traité CE – Cas à l’égard desquels la Commission ne soulève pas d’objection».

66
Or, c’est lorsqu’elle adopte une décision autorisant une aide sans engager la procédure de l’article 93, paragraphe 2, du traité que la Commission publie une telle communication. Celle-ci revêt généralement, comme dans le cas d’espèce, la forme d’une liste type de renseignements sur l’aide d’État en cause (voir Droit de la concurrence dans les Communautés européennes, volume II A, «Règles applicables aux aides d’État» 1995, p. 35, point 36).

67
Enfin, il ressort de l’exposé des antécédents du litige que la Commission a adopté la décision attaquée, le 3 février 1999, soit dans le délai impératif de réflexion et d’investigation, évalué à deux mois par la Cour, dont la Commission disposait pour procéder à l’examen préliminaire du projet notifié à compter de la date, précitée, du 5 janvier 1999 (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 4, et Autriche/Commission, cité au point 58 ci-dessus, points 56 et 72 à 74).

68
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la décision attaquée a été adoptée dans le cadre de la procédure préliminaire d’examen prévue par l’article 93, paragraphe 3, du traité.

69
Or, les requérants ne peuvent obtenir le respect des garanties qu’ils auraient tirées d’une procédure formelle d’examen au titre de l’article 93, paragraphe 2, du traité, si celle-ci avait dû être ouverte par la Commission, que s’ils disposent de la possibilité de contester devant le juge communautaire une décision adoptée, comme en l’espèce, dans le cadre de la procédure préliminaire d’examen au titre de l’article 93, paragraphe 3, du traité.

70
En effet, au nombre des intéressés visés par l’article 93, paragraphe 2, du traité qui sont, en tant que tels, bénéficiaires des garanties procédurales prévues dans le cadre de la procédure formelle d’examen des projets d’aides au titre de cette disposition, figurent les entreprises éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi de l’aide litigieuse, en ce compris les entreprises concurrentes du bénéficiaire de l’aide (arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 16).

71
À cet égard, il est constant que les requérants sont les concurrents directs de l’hôtel bénéficiaire de l’aide en cause et que la décision attaquée leur reconnaît cette qualité.

72
Il convient à cet égard de préciser que les requérants soutiennent formellement, au point 2 de leur requête, qu’ils n’ont pas été entendus en leur qualité d’entreprises concurrentes, contrairement aux exigences de l’article 93, paragraphe 2, du traité.

73
En considération des éléments qui précèdent, il convient de conclure que les requérants ont la qualité d’intéressés au sens de l’article 93, paragraphe 2, du traité. Dès lors, ils doivent être considérés comme directement et individuellement concernés par la décision attaquée dans la mesure où la Commission a déclaré l’aide octroyée par les autorités autrichiennes compatible avec le marché commun sans ouvrir la procédure au titre de l’article 93, paragraphe 2, du traité (voir, en ce sens, arrêt Cook/Commission, cité au point 57 ci-dessus, point 26, et arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission, T‑188/95, Rec. p. II-3713, points 57 et 86).

74
Est, à ce propos, dépourvue de pertinence l’argumentation de la Commission selon laquelle la situation des requérants ne ressortirait pas aux échanges entre États membres au sens de l’article 92, paragraphe 1, du traité.

75
En effet, cette question concerne uniquement la qualification d’une mesure en tant qu’aide d’État au sens des règles communautaires de la concurrence, et non pas les conditions dans lesquelles un recours en annulation peut être formé en vertu de l’article 173, quatrième alinéa, du traité.

76
Il s’ensuit que l’examen de cette question relève du fond du litige et non pas de sa recevabilité.

77
Les requérants ont dès lors qualité pour demander l’annulation de la décision attaquée.

78
Il résulte des développements qui précèdent que l’exception d’irrecevabilité du recours doit être rejetée.


Sur le fond

79
Les arguments articulés par les requérants au soutien de leur demande en annulation de la décision attaquée peuvent être regroupés en huit moyens tirés, respectivement, du non-respect de leur droit d’être entendus, d’une motivation insuffisante de la décision attaquée, d’une méconnaissance de l’article 92, paragraphe 1, du traité ainsi que de l’article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, d’une violation du principe de non-discrimination, de même que du droit d’établissement des concurrents locaux du bénéficiaire de l’aide, d’une contrariété de la décision attaquée à des dispositions communautaires relatives à la protection de l’environnement et, enfin, d’un détournement de pouvoir.

Sur le premier moyen, pris d’une violation du droit d’être entendu en application de l’article 93, paragraphe 2, du traité

Arguments des parties

80
Les requérants considèrent que la Commission était tenue de leur donner l’occasion d’être entendus avant l’adoption de la décision attaquée, conformément aux prescriptions de l’article 93, paragraphe 2, du traité.

81
En effet, la Commission, informée du projet d’aide en cause dès le 20 novembre 1997, aurait manifestement adopté la décision attaquée, le 3 février 1999, dans le cadre de la procédure formelle d’examen définie par l’article 93, paragraphe 2, du traité.

82
En tout état de cause, la Commission n’aurait pu s’en tenir à la phase préliminaire de l’article 93, paragraphe 3, du traité que si elle n’avait pas rencontré de difficultés sérieuses lors de ce premier examen. Dans le cas contraire, elle aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen de l’article 93, paragraphe 2, du traité pour pouvoir apprécier la compatibilité de l’aide avec le marché commun.

83
En omettant de procéder à cette formalité, la Commission aurait commis un grave vice de procédure et méconnu l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

84
La Commission estime avoir légalement adopté la décision attaquée dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire prévue par l’article 93, paragraphe 3, du traité, sans avoir été tenue d’engager la procédure formelle d’examen au titre de l’article 93, paragraphe 2, du traité.

85
Or, dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire instituée par l’article 93, paragraphe 3, du traité, les concurrents éventuels du bénéficiaire de l’aide ne disposeraient d’aucun droit procédural et il incomberait à la Commission non pas d’examiner leurs objections, mais de se forger une première opinion sur la compatibilité des projets d’aides notifiés avec le marché commun.

Appréciation du Tribunal

86
Pour affirmer qu’ils ont été privés des garanties procédurales offertes par la procédure formelle d’examen de l’article 93, paragraphe 2, du traité, les requérants soutiennent, en premier lieu, que la procédure d’examen a été effectivement conduite, en l’espèce, au titre de cette disposition, mais sans qu’ils soient entendus comme ils auraient, dans ce cadre, dû l’être.

87
Il suffit de relever que, comme il a déjà été constaté aux points 62 à 67 ci-dessus, la décision attaquée a été adoptée au terme de la procédure préliminaire d’examen de l’article 93, paragraphe 3, du traité, c’est-à-dire sans ouverture de la procédure formelle de l’article 93, paragraphe 2, du traité, qui prévoit l’invitation des intéressés à présenter leurs observations.

88
En second lieu, les requérants soutiennent qu’ils auraient dû en toute hypothèse bénéficier des garanties que l’article 93, paragraphe 2, du traité prévoit, puisque la Commission était tenue, en présence de difficultés sérieuses, de procéder conformément aux prescriptions de cette disposition et de les entendre avant l’adoption de la décision attaquée.

89
À cet égard, en vue de déterminer si la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 93, paragraphe 2, du traité et, dans ce cadre, d’entendre les requérants, il convient de rechercher, comme il a été rappelé au point 59 ci-dessus, si c’est à bon droit que la Commission a considéré que la compatibilité de l’aide en cause avec le marché commun ne soulevait pas de difficultés sérieuses d’appréciation au vu des éléments dont elle disposait.

90
En effet, en l’absence de difficulté sérieuse d’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché commun, aucune disposition découlant du traité ou d’une autre règle de droit n’imposait à la Commission de procéder autrement qu’elle l’a fait dans le cadre de la procédure préliminaire d’examen de l’article 93, paragraphe 3, du traité, ni, en particulier, d’entendre les intéressés comme elle aurait dû le faire si elle avait ouvert la procédure formelle d’examen au titre de l’article 93, paragraphe 2, du traité.

91
Pour se prononcer sur le premier moyen, il convient d’examiner l’ensemble des autres moyens articulés par les requérants à l’encontre de la décision attaquée, afin d’apprécier le point de savoir s’ils permettent d’identifier une difficulté sérieuse face à laquelle la Commission aurait été tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

Sur le deuxième moyen, pris d’une motivation insuffisante de la décision attaquée

Arguments des parties

92
Les requérants font valoir que la décision attaquée n’est pas fondée sur des indications suffisantes concernant la situation du marché en cause, la part de marché envisagée de l’hôtel Siemens ou la position des entreprises concurrentes, notamment leurs parts de marché et leurs capacités.

93
La Commission soutient que la décision attaquée examine en détail, en son point 3.2.2, les effets de l’aide projetée sur le marché et qu’il n’était pas nécessaire ni possible de procéder à un examen plus approfondi. La Commission se serait limitée à bon droit à relever que seuls les hôtels déjà présents dans la région thermale de Styrie et s’adressant à la clientèle internationale se trouveraient en concurrence directe avec le bénéficiaire de l’aide.

Appréciation du Tribunal

94
Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 190 du traité CE (devenu article 253 CE) doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99 Rec. p. I‑2481 points 35 et 36; arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsvaerftsforeningen e.a./Commission, T-266/94, Rec. p. II‑1399, point 230).

95
En l’espèce, le Tribunal constate que le point 3.2.2 de la décision attaquée contient un exposé de l’essentiel des considérations de fait et de droit pertinentes, notamment, l’évolution du marché régional en cause, le coefficient d’exploitation des hôtels existants et le rapport entre le montant de l’aide contestée et l’ensemble des investissements et des coûts d’exploitation.

96
Une telle motivation suffit pour permettre aux requérants de connaître les justifications de la décision attaquée et au Tribunal d’en contrôler la légalité sur le fondement de l’article 173 du traité.

97
Par ailleurs, pour autant que l’argumentation des requérants puisse être comprise comme visant à critiquer le caractère insuffisant de l’examen auquel a procédé la Commission pour apprécier la compatibilité de l’aide en question avec le marché commun, il y a lieu de rappeler qu’une telle question ne relève pas de la violation des formes substantielles susceptible d’entacher d’illégalité la décision attaquée, mais de l’examen du bien-fondé de l’appréciation portée par la Commission sur la compatibilité de ladite aide (voir, en ce sens, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, cité au point 56 ci-dessus, point 67).

98
Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 92, paragraphe 1, du traité

Arguments des parties

99
Les requérants font en premier lieu grief à la Commission de ne pas avoir intégré dans le montant de l’aide d’État consentie à l’hôtel Siemens à raison de 1 703 873 euros (23 445 810 ATS) l’engagement pris par les thermes de Loipersdorf, établissement public, de réserver chaque jour dans l’hôtel Siemens 50 chambres au prix du marché pendant une durée de trois ans.

100
Or, un tel engagement impliquerait une subvention de 7 267,28 euros (100 000 ATS) par jour, soit près de 7 957 675 euros (109 500 000 ATS) sur trois ans. Dans ces conditions, le volume global de l’aide en cause ne serait plus de 1 703 873 euros (23 445 810 ATS), mais de 9 661 549 euros (132 945 810 ATS). Eu égard au montant de l’investissement total de 38 100 000 euros (524 000 000 ATS), la Commission aurait donc dû retenir comme équivalent‑subvention brut, non pas le taux de 4,45 %, mais un taux de 25,4 %.

101
Cette réservation de chambres, quel qu’en soit le nombre, n’aurait aucun effet sur les recettes revenant aux sources thermales au titre des droits d’entrée et des commandes de restauration, si ce n’est que 100 personnes pourront être gratuitement hébergées chaque jour dans l’hôtel Siemens.

102
Les requérants reprochent, en second lieu, à la Commission de ne pas avoir davantage pris en considération l’obligation assumée par les thermes de Loipersdorf de mettre à la disposition exclusive de l’hôtel Siemens 200 chaises longues dans les salles de repos attenantes aux sources thermales, au prix d’entrée journalier officiel, et de réserver à cet hôtel un accès direct et exclusif aux sources.

103
La Commission objecte que l’accord conclu entre l’hôtel Siemens et l’établissement thermal de Loipersdorf ne comporte pas de promesses d’aides d’État occultes. Les thermes étant une entreprise commerciale, il n’aurait été envisagé à aucun stade de la conception du projet de réserver gratuitement des chambres. Celles-ci devraient être au contraire commercialisées en tant qu’élément d’un ensemble de prestations offertes aux clients des sources.

104
La garantie de réservation des chambres ne pourrait être qualifiée d’aide, car le total des recettes assurées à l’établissement thermal par la clause de réservation quotidienne des 200 chaises longues dépasserait nettement le total des coûts procédant de la réservation ferme des 50 chambres pendant trois ans.

105
En outre, les obligations de réservation des chambres et des chaises longues auraient une durée respective de trois et de vingt ans. À partir de la sixième année, la clause de réservation des chaises longues pourrait être réaménagée dans le sens de la réduction du nombre moyen effectif de places requises. Néanmoins, la réservation de 200 cartes d’accès aux salles de repos attenantes aux bains paraîtrait réaliste pour un établissement hôtelier d’une capacité de 500 lits. Il pourrait être soutenu que l’hôtel Siemens ne sera pas dans l’obligation de solliciter l’adaptation de la clause de réservation des chaises longues, eu égard au coefficient d’occupation de 77 % des hôtels thermaux avancé par les requérants. Dans ces conditions, il n’y aurait pas lieu de s’attendre, à partir de la sixième année d’exécution de l’accord, à une réduction substantielle des locations de chaises longues garanties aux thermes.

Appréciation du Tribunal

106
La notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs (arrêt de la Cour du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C-83/98 P, Rec. p. I‑3271, point 25).

107
Une mesure qu’un établissement public adopte, comme en l’espèce, à l’égard d’une entreprise privée sous la forme d’une convention de réservation ne peut, du seul fait que les deux parties se sont engagées à des prestations réciproques, être a priori exclue de la notion d’aide d’État au sens de l’article 92, paragraphe 1, du traité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 janvier 1999, BAI/Commission, T‑14/96, Rec. p. II‑139, point 71).

108
La qualification d’une mesure d’aide d’État dépend de la question de savoir si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas reçu dans des conditions normales de marché (arrêt du Tribunal du 17 octobre 2002, Linde/Commission, T‑98/00, Rec. p. II‑3961, point 39).

109
En l’occurrence, les requérants ne sauraient reprocher à la Commission de ne pas avoir intégré dans le montant de l’aide d’État en cause les charges financières des thermes découlant de leur obligation de réserver quotidiennement 50 chambres dans l’hôtel Siemens.

110
En effet, la Commission a procédé, au point 2.2 de la décision attaquée, à l’examen de l’accord de réservation réciproque liant les thermes et l’hôtel Siemens.

111
En outre, il n’apparaît pas que la Commission ait estimé à tort que les autorités autrichiennes lui avaient fourni suffisamment d’éléments démontrant que les thermes avaient conclu cette convention pour des raisons purement économiques et que les dispositions de cet acte ne comportaient aucun élément d’aide d’État.

112
L’argumentation des requérants ne permet pas de conclure que les stipulations convenues entre l’hôtel Siemens et les thermes de Loipersdorf échapperaient au cadre d’une transaction commerciale normale conclue entre deux opérateurs privés.

113
En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la clause de réservation quotidienne de 50 chambres dans l’hôtel Siemens n’a aucunement pour effet de permettre d’y héberger chaque jour gratuitement 100 personnes à la charge de l’établissement thermal.

114
D’une part, les recettes tirées du prix des chambres payé par les clients à l’hôtel Siemens, dans l’hypothèse où les 50 chambres trouvent preneurs en totalité où en partie, ne peuvent être qualifiées, à due concurrence, de ressources d’origine étatique.

115
D’autre part, le manque à gagner éventuel résultant pour les thermes de leur obligation de payer pendant trois ans le prix moyen des 50 chambres, dans l’hypothèse où elles ne seraient pas occupées effectivement, trouve sa contrepartie dans les recettes revenant aux thermes au titre de la location garantie par l’hôtel Siemens des 200 chaises longues dans les salles de repos attenantes aux sources thermales.

116
Sur le fondement du coefficient d’occupation de 77 % dont les requérants créditent eux-mêmes les hôtels thermaux de Loipersdorf, l’hôtel Siemens, disposant d’une capacité de 500 lits, doit être considéré comme capable d’honorer en toute hypothèse la clause de réservation des 200 chaises longues au profit de l’établissement thermal.

117
Eu égard au prix unitaire de la location journalière des chaises longues de 18,09 euros (249 ATS), suggéré par la partie intervenante, sans contestation sur ce point de la part des requérants, la clause de réservation des 200 places est de nature à générer au profit des thermes des recettes quotidiennes égales à quelque 3 618 euros (49 800 ATS), soit, à raison du nombre convenu de 357 jours ouvrables par an, à des rentrées annuelles de 1’ordre de 1 291 626 euros (17 778 600 ATS), et à quelque 25 832 520 euros (355 572 000 ATS) pour la durée de validité de la clause fixée par les parties à vingt ans.

118
Il n’y a pas lieu de présumer une révision à la baisse de la clause de réservation des 200 places à partir de la sixième année d’application de l’accord, puisque l’hôtel Siemens doit être considéré, en raison du coefficient d’occupation de 77 % avancé par les requérants, comme étant à même en toutes circonstances d’assurer l’utilisation intégrale des 200 places par ses clients.

119
Compte tenu de la contrepartie de plus de 25 000 000 euros (344 000 000 ATS) susceptible d’échoir aux thermes sur vingt ans en vertu de la clause de réservation des 200 chaises longues, on ne saurait donc admettre avec les requérants que l’engagement des thermes de réserver chaque jour 50 chambres dans l’hôtel Siemens pendant trois ans implique une subvention de 7 957 675 euros (109 500 000 ATS).

120
Il convient encore de relever que le montant de recettes dont les requérants gratifient l’hôtel Siemens au titre de la clause de réservation des 50 chambres est fondé sur une évaluation, non démontrée, du prix d’une nuitée à 145,35 euros (2 000 ATS), alors que, par exemple, la Royal Bank of Scotland avait estimé ce prix à un montant de quelque 87,20 euros (1 200 ATS) dans l’étude de marché qui lui avait été demandée en vue de la construction de l’hôtel Siemens.

121
Le rabais de 10 %, non envisagé par la décision attaquée, et prévu en faveur de l’hôtel Siemens dans la clause de réservation des 200 chaises longues, n’est pas de nature à remettre substantiellement en cause les conclusions qui précèdent.

122
Les requérants sont donc demeurés en défaut de mettre en évidence la présence d’éléments d’aide d’État dans les stipulations de l’accord de réservation réciproque.

123
Il y a lieu de considérer que le troisième moyen n’est pas révélateur d’une difficulté sérieuse qui aurait imposé à la Commission l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen de l’article 93, paragraphe 2, du traité.

Sur le quatrième moyen, pris d’une violation de l’article 92, paragraphe 3, sous c), du traité

Arguments des parties

124
Les requérants soutiennent que, pour apprécier la compatibilité d’une aide d’État avec le marché commun, il convient de retenir les surcapacités existantes, la croissance réduite de la demande, la situation du bénéficiaire sur le marché en cause ainsi que les modalités de l’aide.

125
Or, l’occupation des lits ne cesserait de diminuer aussi bien dans la commune de Loipersdorf que dans la région thermale de Styrie. Un chiffre de 133 196 nuitées, soit une occupation globale de 60,8 % de la capacité en lits, aurait été enregistré en 1996. Or, cinq ans auparavant, les hôtels de Loipersdorf auraient connu 266,9 jours d’occupation, soit un coefficient de 73 %. L’évolution serait analogue dans les autres stations thermales de Styrie.

126
Les espoirs de constituer un segment entièrement nouveau pour résoudre la saturation de la région thermale considérée auraient été déçus. À défaut de coefficient d’occupation suffisant, le groupe hôtelier international Steigenberger se serait retiré de l’exploitation à Bad Waltershof, faute de pouvoir attirer une clientèle allemande consistante. Aux thermes de Bad Blumau, le succès escompté ne se serait pas matérialisé, malgré une campagne de marketing sans précédent pour attirer la clientèle internationale.

127
Les autorités autrichiennes n’auraient fourni à la Commission qu’une étude sur les thermes de Blumau remontant à 1994. Les autres avis auxquels se réfère la Commission n’apprécieraient le projet litigieux que par référence à des critères de gestion d’entreprise et concerneraient la justification économique de l’investissement de la part des investisseurs et de la viabilité de ce projet. À cet égard, l’étude de Pannell Kerr Forster Associates citée par la Commission conclurait qu’il ne s’agit pas d’un investissement particulièrement attractif.

128
En raison de l’ouverture de l’hôtel Siemens, la demande, notamment internationale, ne saurait combler l’offre de lits créés. Par conséquent, un investissement de cet ordre assorti de l’aide d’État contestée entraînerait une concurrence ruineuse entre les hôtels et fausserait les conditions de la concurrence.

129
Une aide d’État ne devrait pas être accordée lorsque le marché se trouve dans un équilibre précaire ou lorsque le bénéficiaire de l’aide dispose, comme en l’occurrence, d’importants moyens propres. En outre, Siemens AG Autriche aurait déjà bénéficié d’aides d’État à plusieurs reprises (arrêt de la Cour du 15 mai 1997,  Siemens/Commission, C‑278/95 P, Rec. p. I‑2507).

130
La Commission répond que la décision attaquée est fondée sur les études et avis cités en son point 2.2. Loin de n’avoir aucune valeur indicative, l’étude de 1994 porterait sur les perspectives à long terme du tourisme thermal en Styrie et suggérerait quelques propositions pour son développement. Celles-ci ne sauraient donc être considérées comme caduques après seulement quelques années au cours desquelles leur mise en œuvre n’a fait que commencer.

131
L’allusion figurant dans l’étude Kerr Forster Associates à l’absence de possibilités d’investissement particulièrement intéressantes ne signifierait pas que le projet n’est pas viable, mais plutôt que les perspectives de profit sont relativement modestes par rapport à celles d’autres investissements. Il serait ainsi démontré qu’une aide d’État était nécessaire à titre d’incitation. L’étude aurait donc été considérée à juste titre comme déterminante dans la décision attaquée.

Appréciation du Tribunal

132
L’article 92 du traité, dispose, en son paragraphe 3, sous c), que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

133
À cet égard, contrairement à ce qu’affirment les requérants, il n’apparaît pas que les appréciations sur lesquelles la Commission s’est fondée pour conclure que l’aide d’État autorisée était de nature à favoriser le développement d’une région éligible au titre des aides au développement régional envisagées par l’article 92, paragraphe 3, sous c), du traité présentaient des difficultés sérieuses de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen au titre de l’article 93, paragraphe 2, du traité.

134
Le Tribunal ne peut ainsi tenir pour établies ni la diminution prétendue de l’occupation des lits dans la région des thermes de Styrie ni la précarité attribuée par les requérants au marché pris en considération. Les requérants créditent eux-mêmes les hôtels thermaux d’un coefficient d’occupation actuel de 77 %, tout en faisant observer par ailleurs que l’occupation globale de la capacité en lits n’était que de 60,8 % en 1996.

135
Le Tribunal n’estime donc pas que la Commission aurait dû procéder à une analyse approfondie du marché concerné pour pouvoir retenir, au point 3.2.2 de la décision attaquée, la tendance à la hausse constante et le caractère non saturé du marché régional du tourisme de bien-être concerné par l’aide en cause, l’important coefficient d’exploitation des quatre hôtels quatre étoiles de Loipersdorf et, enfin, la capacité de l’hôtel Siemens à attirer un supplément de clientèle internationale sans engendrer d’excédents de capacités.

136
En outre, les requérants se sont bornés à alléguer de façon générique, sans aucune ébauche de démonstration, le caractère obsolète du rapport sur le développement régional de la Styrie établi en octobre 1994 par l’Institut für Technologie- und Regionalpolitik.

137
Comme le relève la décision attaquée, ce rapport souligne, sans que cela ait été contesté par les requérants, que l’amélioration des infrastructures existantes dans la région des thermes de Styrie est une condition préalable au développement de son tourisme. Ce rapport recommande l’implantation dans la région d’un tourisme thermal et de soins de santé orienté vers la clientèle internationale et, à cette fin, aussi bien la diversification de l’offre en prestations touristiques que son orientation privilégiée sur certaines catégories de clientèles. A été considérée à cet égard comme essentielle l’extension de capacités hôtelières d’un niveau supérieur à celui des hôtels existants et sur lequel il est constant que l’hôtel Siemens se positionne.

138
Les requérants n’ont pas remis en cause l’aspect positif escompté de l’investissement subventionné sur le marché régional du travail où le projet est présenté comme étant de nature à susciter la création directe de 150 emplois. Les requérants n’ont pas non plus démenti les perspectives de réduction du chômage pour la main‑d’œuvre, notamment féminine, concernée par les emplois susceptibles d’être créés dans le secteur du tourisme de bien-être.

139
Les requérants n’ont pas davantage étayé leur allégation selon laquelle Siemens AG Autriche aurait déjà bénéficié d’aides d’État à plusieurs reprises. Le précédent jurisprudentiel invoqué au soutien de cette affirmation concernait des aides d’État versées à Siemens SA, société de droit belge établie à Bruxelles et exerçant ses activités dans un autre secteur que l’industrie hôtelière. La compatibilité avec le marché commun de l’aide consentie à l’hôtel Siemens devait donc être appréciée au regard de ses seules caractéristiques.

140
La référence, contenue dans l’étude de Pannell Kerr Forster Associates, à la rentabilité peu élevée du projet d’hôtel litigieux n’est pas en soi de nature à démontrer que celui-ci est foncièrement inapte à favoriser le développement de la région des thermes de Styrie.

141
Il y a lieu de considérer que le quatrième moyen n’est pas révélateur d’une difficulté sérieuse qui aurait imposé à la Commission l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen de l’article 93, paragraphe 2, du traité.

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 6, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 12, premier alinéa, CE)

Arguments des parties

142
Les requérants soutiennent que la promesse d’une occupation garantie liée à la réservation d’un accès direct aux thermes méconnaît le principe de non-discrimination édicté à l’article 6, premier alinéa, du traité.

143
Selon la Commission, les requérants n’expliquent nullement comment ils auraient fait l’objet d’une discrimination en raison de leur nationalité au sens de la disposition précitée. Les intéressés n’allégueraient pas que l’hôtel Siemens aurait bénéficié d’un traitement préférentiel par rapport à ses concurrents autrichiens en raison de sa qualité de filiale d’un groupe allemand.

Appréciation du Tribunal

144
L’article 6 du traité dispose, en son premier alinéa, que toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite «dans le domaine d’application du [...] traité» et «sans préjudice des dispositions particulières qu’il prévoit».

145
En l’espèce, d’une part, il est constant que l’entreprise bénéficiaire de l’aide contestée est une société de droit autrichien et il n’a pas même été prétendu que cette aide aurait été approuvée en raison de la qualité de filiale d’un groupe non autrichien que revêt le bénéficiaire.

146
D’autre part, l’article 6, premier alinéa, du traité n’a vocation à s’appliquer de façon autonome que dans des situations régies par le droit communautaire pour lesquelles le traité ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (arrêts de la Cour du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C‑179/90, Rec. p. I‑5889, point 11, et du 14 juillet 1994, Peralta, C-379/92, Rec. p. I‑3453, point 18).

147
Il s’ensuit que l’article 6, premier alinéa, du traité n’a pas vocation à s’appliquer de façon autonome dans le cadre du présent litige, en raison de l’existence des règles de concurrence du traité CE. Celles-ci appréhendent les discriminations, non pas en relation avec la nationalité des entreprises prétendument affectées, mais par référence au marché sectoriel et géographique pris en considération.

148
Il convient de considérer que le cinquième moyen n’est pas susceptible d’être révélateur d’une difficulté sérieuse qui aurait imposé à la Commission l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen de l’article 93, paragraphe 2, du traité.

Sur le sixième moyen, pris d’une violation de dispositions communautaires relatives à la liberté d’établissement

Arguments des parties

149
Les requérants relèvent que l’aide litigieuse contrevient au programme général relatif à la liberté d’établissement destiné à garantir, conformément à l’article 54, paragraphe 3, sous h), du traité CE (devenu article 44, paragraphe 2, sous h, CE), que les conditions d’établissement ne soient pas faussées par des aides accordées par des États membres. Ces dispositions auraient pour objet d’empêcher que des entreprises étrangères bénéficient, lorsqu’elles s’établissent dans un État membre, d’avantages dont les entreprises de cet État membre ne disposent pas.

150
La Commission estime qu’une aide individuelle ne peut relever de l’article 54, paragraphe 3, sous h), du traité. Toute décision autorisant une aide d’État n’avantagerait nécessairement que l’entreprise bénéficiaire en rendant ainsi plus difficiles les conditions d’établissement des concurrents. En conséquence, l’argumentation des requérants impliquerait que les aides individuelles seraient totalement interdites en vertu de cette disposition, résultat que les hautes parties contractantes n’ont assurément jamais envisagé.

151
Il y aurait donc plutôt lieu de penser que la disposition invoquée a pour objectif d’interdire les aides à l’établissement à l’étranger. Or, la décision attaquée ne concernerait pas ce type d’aides.

Appréciation du Tribunal

152
Il résulte des développements qui précèdent, notamment de l’examen du cinquième moyen, que la décision attaquée retient la compatibilité avec le marché commun d’une aide octroyée par les autorités autrichiennes à l’implantation d’une entreprise de droit autrichien sise sur le territoire autrichien.

153
Or, comme il ressort de l’article 52, premier alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 43, premier alinéa, CE) et de l’article 58, premier alinéa, du traité CE (devenu article 48, premier alinéa, CE), les dispositions relatives au droit d’établissement tendent à la suppression des restrictions entravant la liberté d’établissement des ressortissants et sociétés d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre, hypothèse étrangère au cas d’espèce.

154
Il s’ensuit que les dispositions invoquées sont inapplicables à la présente espèce.

155
Il y a lieu de considérer que le sixième moyen n’est pas susceptible d’être révélateur d’une difficulté sérieuse qui aurait imposé à la Commission l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen de l’article 93, paragraphe 2, du traité.

Sur le septième moyen, tiré d’une méconnaissance de dispositions communautaires relatives à la protection de l’environnement

Arguments des parties

156
Les requérants considèrent que la Commission a méconnu les dispositions de l’article 130 R du traité CE (devenu, après modification, article 174 CE), en ce que le projet immobilier aurait requis une évaluation de ses incidences sur l’environnement, en application de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40). Toutefois, la Commission n’aurait pas examiné, dans les motifs de la décision attaquée, dans quelle mesure les nuisances environnementales du projet auraient une incidence sur le développement de la région des thermes de Styrie.

157
La Commission concède que le projet hôtelier aurait pu nécessiter un examen de sa compatibilité avec l’environnement. Toutefois, il ne serait pas dit qu’un tel examen n’ait pas eu lieu ni démontré dans quelle mesure le fait qu’un tel examen aurait dû avoir lieu entraîne l’illégalité de la décision attaquée. De plus, la Commission ne serait pas compétente pour statuer sur la compatibilité de projets d’aides individuels avec l’environnement, notamment dans le cadre d’une décision au titre de l’article 93, paragraphe 3, du traité.

Appréciation du Tribunal

158
La seule cause d’incompatibilité du projet hôtelier en cause avec l’article 130 R du traité qu’invoquent les requérants est l’absence d’évaluation des incidences de ce projet sur l’environnement. Or, si les «complexes hôteliers» figurent effectivement au nombre des projets visés par l’annexe II, point 12, de la directive 85/337, telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 (JO L 73, p. 5), ils ne sont soumis en cette qualité, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, de cette directive à une évaluation de leur impact sur l’environnement que lorsque les États membres considèrent que leurs caractéristiques l’exigent.

159
Dès lors, une éventuelle méconnaissance de la directive 85/337 par les autorités nationales compétentes serait passible, le cas échéant, d’une procédure en constatation de manquement d’État au titre de l’article 169 du traité CE (devenu article 226 CE) mais ne saurait constituer une difficulté sérieuse au titre de l’appréciation par la Commission de la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché commun.

160
À titre surabondant, il peut être relevé que le Verwaltungsgerichtshof de la république d’Autriche a, par arrêt du 23 mai 2001, rejeté l’opposition formée, notamment, par trois des requérants contre le permis de construire du projet d’hôtel Siemens, au motif que celui-ci ne nécessitait pas une étude d’impact sur l’environnement.

161
Il y a donc lieu de considérer que le septième moyen n’est pas susceptible d’être révélateur d’une difficulté sérieuse qui aurait imposé à la Commission l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen de l’article 93, paragraphe 2, du traité.

Sur le huitième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

Arguments des parties

162
Les requérants allèguent que la décision attaquée a été adoptée à d’autres fins que celle indiquée. D’une part, elle aurait exclu de l’appréciation de l’aide d’État en cause l’accord de réservation réciproque conclu entre les thermes et l’hôtel Siemens. D’autre part, la décision attaquée se référerait à l’étude de Parnell Kerr Forster Associates, alors que celle-ci ne considère pas le projet d’hôtel en cause comme un «investissement particulièrement attractif».

163
La Commission exclut toute possibilité de détournement de pouvoir. L’accord de réservation réciproque constituerait une transaction de droit commun à titre onéreux. L’absence d’intérêt particulier de l’investissement en cause relevée par l’étude précitée signifierait seulement que l’investisseur intéressé ne peut escompter de bénéfices spectaculaires.

Appréciation du Tribunal

164
Selon une jurisprudence constante, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles alléguées par l’institution ou d’éluder une procédure spécifiquement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (arrêt du Tribunal du 8 juillet 1999, Vlaamse Televisie Maatschappij/Commission, T-266/97, Rec. p. II-2329, point 131).

165
Or, aucun élément du dossier ne fait apparaître d’indice propre à accréditer l’idée que la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée aurait été engagée dans un but autre que celui d’autoriser une aide au développement d’une région éligible à ce titre.

166
Le huitième moyen ne saurait donc prospérer.

167
Dans ces conditions, aucun des moyens formulés par les requérants ne permet de considérer que la Commission était confrontée à des difficultés sérieuses lui imposant d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 93, paragraphe 2, du traité.

168
Le recours doit donc être rejeté dans son intégralité.


Sur les dépens

169
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions qu’elle a présentées en ce sens.

170
En vertu de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus à un litige supportent leurs dépens. Il s’ensuit que la république d’Autriche supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête:

1)
Le recours est rejeté.

2)
Les parties requérantes sont condamnées aux dépens exposés par la Commission.

3)
La république d’Autriche supportera ses propres dépens.

Vesterdorf

Azizi

Jaeger

Legal

Martins Ribeiro

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 janvier 2004.

Le greffier

Le président de la cinquième chambre

H. Jung

B. Vesterdorf


1
Langue de procédure: l'allemand.