Language of document : ECLI:EU:T:2015:199

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL

27 mars 2015 (*)

« Confidentialité – Contestation par une partie intervenante »

Dans l’affaire T‑429/13,

Bayer CropScience AG, établie à Monheim-sur-le-Rhin (Allemagne), représentée par Me K. Nordlander, avocat, et M. P. Harrison, solicitor,

partie requérante,

soutenue par

Association générale des producteurs de maïs et autres céréales cultivées de la sous-famille des panicoïdées (AGPM), représentée par Me L. Verdier, avocat,

The National Farmers’ Union (NFU), représentée par Mme N. Winter, Solicitor et M. H. Mercer, QC,

Association européenne pour la protection des cultures (ECPA), représentée par M. D. Abrahams, barrister et Mes I. de Seze et E. Mullier, avocates,

Rapool-Ring GmbH, représentée par Mes C. Stallberg et U. Reese, avocats,

European Seed Association (ESA), représentée par Mes P. de Jong, P. Vlaemminck et B. Van Vooren, avocats,

Agricultural Industries Confederation Ltd, représentée par Mes P. de Jong, P. Vlaemminck et B. Van Vooren, avocats,

parties intervenantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Ondrůšek et G. von Rintelen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, et U. Persson, MM. E. Karlsson, L. Swedenborg et C. Hagerman, en qualité d’agents,

Union nationale de l’apiculture française (UNAF), représentée par Me B. Fau, avocat,

Deutscher Berufs- und Erwerbsimkerbund eV,

Österreichischer Erwerbsimkerbund, représentés par Me A. Willand, avocat,

Stichting Greenpeace Council, représenté par Me B. N. Kloostra, avocat,

Pesticide Action Network Europe (PAN Europe),

Bee Life European Beekeeping Coordination (Bee Life),

Buglife – The Invertebrate Conservation Trust, représentés par Me B. N. Kloostra, avocat,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 485/2013 de la Commission, du 24 mai 2013, modifiant le règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation des substances actives clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride et interdisant l’utilisation et la vente de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances actives (JO L 139, p. 12),

LE PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Procédure

1        Le 19 août 2013, la requérante, Bayer CropScience AG, a introduit un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE contre le règlement d’exécution (UE) n° 485/2013 de la Commission, du 24 mai 2013, modifiant le règlement d’exécution (UE) n° 540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation des substances actives clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride et interdisant l’utilisation et la vente de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances actives (JO L 139, p. 12).

2        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2013, le Royaume de Suède a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

3        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013, l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 décembre 2013, l’Association générale des producteurs de maïs et autres céréales cultivées de la sous-famille des panicoïdées (AGPM) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

5        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013, la National Farmers’ Union (NFU) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2013, le Deutscher Berufs- und Erwerbsimkerbund eV (DBEB) et l’Österreichischer Erwerbsimkerbund (ÖEB) ont demandé à intervenir conjointement au soutien des conclusions de la Commission.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 décembre 2013, l’Association européenne pour la protection des cultures (ECPA) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 décembre 2013, Rapool-Ring GmbH a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 décembre 2013, la European Seed Association (ESA) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 décembre 2013, l’Agricultural Industries Confederation (AIC) a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 décembre 2013, Stichting Greenpeace Council a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

12      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 décembre 2013, Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), BeeLife European Beekeeping Coordination (BeeLife) et Buglife – The Invertebrate Conservation Trust (Buglife) ont demandé à intervenir conjointement au soutien des conclusions de la Commission.

13      Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 5 et 26 février, les 6, 18 et 26 mars, les 8 et 10 avril et le 17 juillet 2014 (ci-après, ensemble, la « demande de traitement confidentiel »), la requérante a demandé que, conformément à l’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, certaines données confidentielles soient exclues de la communication aux parties intervenantes, dans l’hypothèse où elles seraient admises à intervenir au litige, de la requête, de la défense, de la réplique et de la duplique, ainsi que des annexes à ces actes. Elle a produit, aux fins de cette communication, une version non confidentielle des pièces en question.

14      Par ordonnances du 21 octobre 2014, il a été fait droit aux demandes d’intervention du Royaume de Suède, de l’UNAF, du DBEB, de l’ÖEB, de Stichting Greenpeace Council, de PAN Europe, de BeeLife et de Buglife au soutien des conclusions de la Commission, ainsi qu’à celles de l’AGPM, du NFU, de l’ECPA, de Rapool-Ring, de l’ESA et de l’AIC au soutien des conclusions de la requérante. Par ailleurs, la décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel a été réservée et la communication des actes de procédure auxdites parties a provisoirement été limitée à une version non confidentielle, en attendant d’éventuelles observations sur la demande de traitement confidentiel.

15      Par lettres déposées au greffe du Tribunal les 12 novembre 2014, le DBEB et l’ÖEB, Stichting Greenpeace, PAN Europe, BeeLife et Buglife, ainsi que l’UNAF ont émis des objections à l’encontre de la demande de traitement confidentiel formulée par la requérante.

 Sur la demande de traitement confidentiel

16      L’article 116, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose :

« Si le président admet l’intervention, l’intervenant reçoit communication de tous les actes de procédure signifiés aux parties. Le président peut cependant, à la demande d’une partie, exclure de cette communication des pièces secrètes ou confidentielles. »

17      Cette disposition pose le principe que tous les actes de procédure signifiés aux parties doivent être communiqués aux intervenants et ne permet qu’à titre dérogatoire d’exclure certaines pièces ou informations secrètes ou confidentielles de cette communication (ordonnances du 4 avril 1990, Hilti/Commission, T‑30/89, EU:T:1990:27, point 10 ; du 22 février 2005, Hynix Semiconductor/Conseil, T‑383/03, Rec, EU:T:2005:57, point 18, et du 18 novembre 2008, Zhejiang Harmonic Hardware Products/Conseil, T‑274/07, EU:T:2008:508, point 17).

 Sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel

18      La demande de traitement confidentiel présentée par la requérante vise six catégories de données.

19      Premièrement, il s’agit de données personnelles, à savoir, les noms et les coordonnées des employés de la requérante.

20      Deuxièmement, la demande concerne des lettres de soutien de tierces parties et des références qui y sont faites.

21      Troisièmement, la requérante demande le traitement confidentiel de certaines études non publiées commanditées par elle, ainsi que d’autres informations, spécifiquement préparées aux fins de la présente procédure.

22      Quatrièmement, il s’agit d’informations et de documents relatifs à des procédures non publiques en cours.

23      Cinquièmement, la demande concerne des informations non publiques relatives aux produits et aux activités de la requérante.

24      Sixièmement, il s’agit d’une liste non publique, établie par la requérante, d’études sur l’imidaclopride et la clothianidine, ainsi que des commentaires y relatifs de l’Agence européenne pour la sécurité des aliments (EFSA).

25      À cet égard, il convient, en premier lieu, de relever qu’il incombe à la partie qui présente une demande de confidentialité de préciser les pièces ou les informations visées et de dûment motiver leur caractère confidentiel (voir ordonnance Hynix Semiconductor/Conseil, précitée, EU:T:2005:57, point 31, et la jurisprudence citée). Les instructions pratiques aux parties (JO 2007, L 232, p. 7) reprennent ces exigences en leur point 76, selon lequel « une demande de traitement confidentiel doit indiquer précisément les éléments ou passages concernés et contenir une très brève motivation du caractère secret ou confidentiel de chacun de ces éléments ou passages ». L’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, des instructions au greffier du Tribunal (JO 2007, L 232, p. 1) prévoit qu’une demande de traitement confidentiel doit être présentée conformément, notamment, au point 76 des instructions pratiques aux parties (voir ordonnance Zhejiang Harmonic Hardware Products/Conseil, précitée, EU:T:2008:508, point 18).

26      En deuxième lieu, lorsqu’une partie présente une demande au titre de l’article 116, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement de procédure, il appartient au président de statuer uniquement sur les pièces et informations dont la confidentialité est contestée (ordonnance Hynix Semiconductor/Conseil, précitée, EU:T:2005:57, point 36). En effet, dans la mesure où une demande n’est pas contestée, il n’y a pas lieu de statuer à son sujet.

27      En troisième lieu, dans la mesure où une demande présentée au titre de l’article 116, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement de procédure, est contestée, il appartient au président, dans un premier temps, d’examiner si chacune des pièces et informations dont la confidentialité est contestée et à propos de laquelle une demande de traitement confidentiel a été présentée revêt un caractère secret ou confidentiel (voir, en ce sens, ordonnances Hynix Semiconductor/Conseil, précitée, EU:T:2005:57, point 38 ; du 11 juin 2007, Deutsche Post/Commission, T‑266/02, EU:T:2007:166, point 21, et Zhejiang Harmonic Hardware Products /Conseil, précitée, EU:T:2008:508, point 19).

28      Lorsque l’examen du président le conduit à conclure que certaines des pièces et informations dont la confidentialité est contestée sont secrètes ou confidentielles, il appartient au président de procéder, dans un second temps, à l’appréciation et à la mise en balance des intérêts en présence, pour chacune de celles-ci (ordonnances Hynix Semiconductor/Conseil, précitée, EU:T:2005:57, point 42, et Zhejiang Harmonic Hardware Products/Conseil, précitée, EU:T:2008:508, point 20).

29      Enfin, il importe de rappeler qu’il incombe en tout état de cause aux parties et aux intervenants à un litige d’utiliser les actes de procédure qui leurs sont communiqués aux fins exclusives de l’exercice de leurs droits procéduraux respectifs (arrêt du Tribunal du 17 juin 1998, Svenska Journalistfôrbundet/Conseil, T-174/95, Rec. p. 1I-2289, point 137 ; ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 5 août 2003, Glaxo Wellcome/Commission, T-168/01, non publiée au Recueil, point 28, et ordonnance Hynix Semiconductor/Conseil, EU:T:2005:57, point 47).

30      En l’espèce, il y a lieu de relever, en outre, que le DBEB, l’ÖEB, Stichting Greenpeace, PAN Europe, BeeLife, Buglife et l’UNAF sont les seules parties intervenantes ayant émis des objections quant à la demande de traitement confidentiel. En revanche, les autres parties admises à intervenir au litige, tant au soutien des conclusions de la requérante qu’au soutien de celles de la Commission, ne s’y sont pas opposées et, par conséquent, ont renoncé implicitement à remettre en cause la confidentialité des éléments du dossier. Il en résulte qu’il n’y a pas lieu d’examiner le bien-fondé de la demande introduite par les requérantes à l’égard de ces derniers (voir, en ce sens, ordonnance du 4 mars 2005, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, Rec, EU:T:2005:78, point 11) et que la présente ordonnance doit se limiter à l’examen de ladite demande à l’égard du DBEB, de l’ÖEB, de Stichting Greenpeace, de PAN Europe, de BeeLife, de Buglife et de l’UNAF, dans la mesure où ils ont contesté la demande de traitement confidentiel.

 Sur certains arguments invoqués par Stichting Greenpeace, PAN Europe, BeeLife, Buglife

31      Les objections au traitement confidentiel soulevées par Stichting Greenpeace, PAN Europe, BeeLife, Buglife sont fondées, en premier lieu, sur le fait que les documents et informations en cause constitueraient des « informations ayant trait à des émissions dans l’environnement » ou des « informations environnementales », au sens de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2005 L 124, p. 1) (Convention d’Aarhus), de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2003, concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil (JO L 41, p. 26), et du règlement (CE) n° 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO l 264, p. 13). Conformément aux dispositions de ces instruments, lesdits documents et informations devraient donc être divulgués.

32      Il suffit de relever, à cet égard, que les intervenants qui ont soulevé lesdites objections n’ont pas démontré en quoi la directive 2003/4 leur serait directement applicable. En outre, ils n’ont pas expliqué en quoi la Convention d’Aarhus et le règlement n° 1367/2006 seraient applicables en l’espèce, alors que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, second alinéa, de ladite convention et de l’article 2, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, les organes ou institutions agissant dans l’exercice de pouvoirs judiciaires sont exclus du champ d’application de ces textes.

33      Les objections tirées de la Convention d’Aarhus, de la directive 2003/4 et du règlement n° 1367/2006 doivent donc être rejetées.

 Sur les données personnelles, à savoir, les noms et les coordonnées des employés de la requérante

34      Le DBEB, l’ÖEB, Stichting Greenpeace, PAN Europe, BeeLife, Buglife et l’UNAF ne contestent pas la demande de confidentialité s’agissant des informations visées au point 19 ci-dessus. Dès lors, conformément à la jurisprudence rappelée au point 26 ci-dessus, il n’y a pas lieu de statuer sur la confidentialité des données personnelles des employés de la requérante, contenues dans les actes de procédure et leurs annexes, à savoir, la référence à l’annexe B.24 de la défense, dans la table des annexes de la défense, ainsi que les annexes B.7, B.9, B.14, B.15, B.17, B.18 et B.24 de la défense, la note de bas de page 59 de la réplique, la référence à l’annexe C.28 de la réplique, dans la table des annexes de la réplique, ainsi que l’annexe C.28 à la réplique, les notes de bas de page 10 et 11 de la duplique, la référence aux annexes D.1 et D.2 de la duplique, dans la table des annexes de la duplique, ainsi que les annexes D.1 et D.2 de la duplique.

 Sur les lettres de soutien de tierces parties

35      S’agissant des lettres de soutien de tiers, présentées en annexes à la requête et dont le traitement confidentiel est contesté par le DBEB et l’ÖEB, ainsi que par l’UNAF, la requérante fait valoir qu’elles ont été écrites pour la présente procédure et qu’elle n’a pas la permission de leurs auteurs de les rendre accessibles au public ou à de tierces parties autres que le Tribunal. Selon elle, en cas de divulgation, ces lettres risquent de lui causer un préjudice sérieux, comme à leurs auteurs.

36      Le DBEB et l’ÖEB font valoir que, dans ses écritures, la requérante attache une importance considérable aux lettres de soutien et que les informations contenues semblent être importantes aux fins de l’appréciation des risques et, partant, pour la décision sur le présent recours. Ils considèrent que, dès lors, ils devraient avoir l’occasion d’examiner les lettres de soutien et de présenter leurs observations à cet égard dans leurs mémoires en intervention.

37      L’UNAF fait valoir, tout d’abord, que, si la requérante n’avait pas la permission des auteurs des lettres de soutien pour les utiliser dans la présente procédure ou si cette permission n’était que très limitée, elle aurait dû s’abstenir de les annexer à la requête, d’autant plus qu’elle pouvait prévoir qu’une partie au moins de ces lettres allaient devoir être communiquées aux intervenants. Selon elle, la violation alléguée, non circonstanciée et non étayée par la requérante d’un prétendu accord entre la requérante et les auteurs ne saurait constituer une justification pour leur traitement confidentiel.

38      Il convient de rappeler, à cet égard, que, dans le cadre de son examen du caractère secret ou confidentiel des pièces et informations dont la confidentialité est contestée, le président ne saurait être lié par l’accord de confidentialité que la requérante a pu conclure avec un tiers au litige au sujet de pièces ou informations concernant ce tiers et figurant dans les mémoires ou annexées à ces derniers (voir, en ce sens, ordonnance du 3 juin 1997, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec, EU:T:1997:82, points 17 à 19, et ordonnance Hynix Semiconductor/Conseil, EU:T:2005:57, point 39). En l’occurrence, il n’est donc pas nécessaire d’inviter la requérante à produire les accords de confidentialité dont elle se prévaut à l’appui de sa demande.

39      En toute hypothèse, ainsi que l’UNAF le fait valoir à juste titre, la requérante doit envisager, eu égard au caractère contradictoire et public du débat judiciaire, la possibilité que certaines des pièces ou informations secrètes ou confidentielles qu’elle a entendu produire au dossier apparaissent nécessaires à l'exercice des droits procéduraux des intervenants et, par suite, doivent être communiquées à ces derniers (voir, en ce sens, ordonnance du 29 mai 1997, British Steel/Commission, T‑89/96, Rec, EU:T:1997:77, point 24 ; ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 2 juin 1992, NALOO/Commission, T-57/91, non publiée au Recueil, point 16, et ordonnance Hynix Semiconductor/Conseil, EU:T:2005:57, point 46).

40      En l’espèce, il convient de relever, d’une part, que la requérante se prévaut du contenu des lettres de soutien à plusieurs endroits de la requête, afin d’étayer ses allégations selon lesquelles les restrictions imposées aux néonicotinoïdes sont susceptibles de léser les abeilles plutôt que de les protéger, les mesures d’atténuation et de gestion des risques sont suffisamment efficaces et les conséquences économiques de l’acte attaqué sur les agriculteurs sont considérables. D’autre part, la requérante n’a pas précisé en quoi la communication des lettres de soutien risquerait de lui causer un préjudice sérieux ou à leurs auteurs, ni en quoi consisterait ce préjudice.

41      Dans ces conditions, la mise en balance des intérêts en présence conduit à estimer que les lettres de soutien apparaissent nécessaires à l’exercice des droits procéduraux des intervenants. En effet, à défaut de connaître ces lettres, la contestation des arguments précités de la requérante leur serait rendue excessivement difficile.

42      Par conséquent, il convient de rejeter la demande de traitement confidentiel concernant le point 190 et les notes de bas de page 73 et 74, le point 192, les notes de bas de page 76, 77, 89 et 92, le point 235 et la note de bas de page 94 de la requête, des annexes A.5, A.31 à A.36, A.41 et A.44 à A.46 de la requête, ainsi que les références à ces annexes dans la liste des annexes à la requête, et concernant le point 212 de la défense. Les lettres de soutien contenant des données personnelles des employés de leurs auteurs et de ceux de la requérante et cette dernière ayant déjà manifesté son souhait de voir traiter de manière confidentielle de telles données, un délai lui sera fixé pour produire des versions desdites lettres dans lesquelles ces données pourront être occultées.

 Sur les études non publiées commanditées par la requérante, ainsi que d’autres informations, spécifiquement préparées aux fins de la présente procédure

43      La requérante fait valoir que les études non publiées qu’elle a commanditées, ainsi que les autres informations qu’elle a spécifiquement préparées aux fins de la présente procédure, contiennent des informations pertinentes pour la procédure d’obtention d’enregistrements pour de nouvelles substances actives ou d’approbations pour de nouveaux produits phytosanitaires, qui ne sont pas disponibles auprès de sources publiques. Certaines des études en cause contiendraient également des informations qui seraient sa propriété, des informations sur la toxicité de l’imidaclopride pour les abeilles ou des informations sur le degré d’exposition et les effets au niveau de la colonie.

44      Le DBEB et l’ÖEB font valoir, à cet égard, que les études et informations en cause sont pertinentes pour la solution du présent litige, puisque la requérante s’en sert pour remettre en question l’appréciation des risques opérée par l’EFSA et par la Commission. En particulier, elles seraient susceptibles de contenir des informations sur l’utilisation des substances visées par l’acte attaqué, le traitement des semences et l’exposition des abeilles par différentes voies. Le DBEB et l’ÖEB considèrent que le traitement confidentiel de ces informations les empêcherait d’introduire dans la procédure leur expertise en apiculture, en particulier s’agissant de l’efficacité des mesures d’atténuation des risques et leur intérêt à la protection des abeilles.

45      Stichting Greenpeace, PAN Europe, BeeLife et Buglife font valoir, en substance, que la requérante n’a pas d’intérêt économique au traitement confidentiel des études et informations en cause. Les études visées ne contiendraient pas d’informations sur la position commerciale ou sur des produits spécifiques de la requérante et, par conséquent, ne seraient pas confidentielles. À tout le moins les protocoles des études devraient être communiqués, puisqu’ils ne contiendraient pas d’informations confidentielles. Stichting Greenpeace, PAN Europe, BeeLife et Buglife indiquent, enfin, que le traitement confidentiel des études et informations en cause violerait leurs droits procéduraux. En effet, la requérante se prévalant d’informations scientifiques et factuelles pour remettre en cause l’acte attaqué, il serait essentiel pour eux d’avoir connaissance de ces informations pour pouvoir se prononcer sur leur qualité et leur pertinence pour l’acte attaqué.

46      L’UNAF fait valoir que, étant donné que le présent litige concerne une matière où l’erreur manifeste d’appréciation sera appliquée par le Tribunal en tant que critère d’examen légal, il serait inapproprié d’exclure les intervenants de l’appréciation, au moins s’agissant des études utilisées pour démontrer une erreur d’appréciation de la part de la Commission. Le traitement confidentiel de ces études mettrait également en péril les principes de précaution et de prévention. Enfin, les informations qui y figurent seraient nécessaires pour l’exercice des droits procéduraux des intervenants et il serait dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de discuter ces études avec tous les intervenants.

47      Il convient de relever, à cet égard, que, même à supposer que les informations contenues dans les études non publiées commanditées par la requérante, ainsi que les autres informations, spécifiquement préparées par elle aux fins de la présente procédure, devraient être qualifiées de secrètes ou confidentielles, la mise en balance des intérêts en présence conduirait à estimer que ces études et informations apparaissent nécessaires à l’exercice des droits procéduraux des intervenants.

48      En effet, la requérante se prévaut de ces études et informations pour remettre en cause le bien-fondé des appréciations de la Commission sur les questions de savoir

–        si les études publiées au début de 2012, invoquées par la Commission, contenaient effectivement des informations scientifiques véritablement nouvelles et pertinentes (points 75 et 76 et annexe A.16 de la requête, point 69 de la défense, points 43 et 48 de la réplique) ;

–        si l’exposition des abeilles aux substances visées dans certaines cultures n’a pas d’effets nocifs sur elles (annexe A.24 de la requête) ;

–        si une déclaration de la Commission exagère grossièrement le degré de toxicité de l’imidaclopride pour les abeilles (note de bas de page 12 de la réplique) ;

–        quel est l’écart entre les niveaux d’exposition susceptibles de créer un risque aigu pertinent, d’une part, pour une abeille individuelle et, d’autre part, au niveau de la colonie (point 17, note de bas de page 16 et annexe C.6 de la réplique) et

–        dans quelle mesure les jardiniers amateurs sont susceptibles de respecter les consignes d’utilisation des produits contenant les substances visées par l’acte attaqué (annexe C.43 de la réplique).

49      Or, force est de constater que toutes ces questions concernent le noyau du litige dans la présente affaire, en ce que les réponses que le Tribunal y apportera seront déterminantes pour l’appréciation de la légalité de tout ou partie de l’acte attaqué et, par conséquent, pour l’issue du recours de la requérante. Dans ces circonstances, le traitement confidentiel des études et informations en cause empêcherait les intervenants de se prononcer utilement sur des questions essentielles à la solution du litige et risquerait ainsi de mettre en échec leurs droits procéduraux.

50      Par conséquent, il convient de rejeter la demande de traitement confidentiel concernant les points 75 et 76 et les notes de bas de page 29 et 30 de la requête, les annexes A.16 et A.24 de la requête, ainsi que la référence à l’annexe 16 dans la liste des annexes à la requête, le point 69 de la défense, et la note de bas de page 12, le point 17, la note de bas de page 16, les points 43 et 48 et les annexes C.6 et C.43 de la réplique, ainsi que la référence à l’annexe C.6 dans la liste des annexes à la réplique.

 Sur les informations et documents relatifs à des procédures non publiques en cours

51      S’agissant des informations et documents relatifs à des procédures non publiques en cours, dont le traitement confidentiel est contesté par le DBEB et l’ÖEB, ainsi que par l’UNAF, ils concernent deux procédures dont la requérante fait valoir, pour l’une, qu’elle est confidentielle et que la décision finale sera anonymisée et, pour l’autre, qu’il s’agit d’un recours en justice qui n’a pas été rendu public.

52      Le DBEB et l’ÖEB supposent que ces informations concernent la correspondance entre la requérante et la Commission dans le cadre de l’appréciation des risques liés aux substances visées par l’acte attaqué et font valoir, à cet égard, qu’il n’y a pas de raison de les considérer comme confidentielles.

53      L’UNAF fait valoir que, étant donné que les décisions finales dans des procédures confidentielles sont, selon la requérante, anonymisées, il n’y a pas de raisons de les traiter de manière confidentielle. Par ailleurs, en tant que syndicat, elle ne serait pas un compétiteur de la requérante et le fait de lui communiquer les informations en cause ne saurait affecter les intérêts de celle-ci.

54      Il convient tout d’abord, s’agissant de la nature des informations et documents relatifs à des procédures non publiques en cours, de relever que, contrairement à la supposition du DBEB et de l’ÖEB, ils ne concernent pas la procédure devant l’EFSA et devant la Commission relative à l’appréciation des risques des substances visées par l’acte attaqué. Par conséquent, les objections du DBEB et de l’ÖEB sont sans objet.

55      Ensuite, contrairement aux affirmations de l’UNAF, le seul fait que la décision finale d’une des procédures en question sera anonymisée n’exclut pas que des documents intermédiaires et non publics dans une telle procédure, tels que ceux en question, puissent contenir des informations confidentielles.

56      Enfin, il convient de relever que les références faites aux procédures en cause ne concernent pas les questions essentielles du litige mais ne servent à la requérante que pour illustrer, d’une part, les reproches qu’elle fait à la Commission sur la façon dont elle a dirigé la procédure ayant conduit à l’adoption de l’acte attaqué et, d’autre part, son argument selon lequel le Tribunal ne ferait pas preuve d’efficacité s’il traitait le recours uniquement pour l’imidaclopride et non pour la clothianidine. Dans ces conditions, la mise en balance des intérêts en présence conduit à estimer que les informations et documents en question n’apparaissent pas nécessaires à l’exercice des droits procéduraux des intervenants.

57      Par conséquent, il convient de faire droit à la demande de traitement confidentiel des points 26 et 27 et des notes de bas de page 15 et 16 de la requête, des annexes A.9 et A.10 à la requête ainsi que des références à ces annexes dans la liste des annexes à la requête, et de la note de bas de page 23 de la réplique.

 Sur les informations non publiques relatives aux produits et aux affaires de la requérante

58      En ce qui concerne les informations non publiques relatives aux produits et aux affaires de la requérante, dont le traitement confidentiel est contesté par Stichting Greenpeace, PAN Europe, BeeLife et Buglife, elles incluent, premièrement, une liste de produits de la requérante pour l’habitat et le jardinage, contenant lesdites substances et enregistrés pour elle, reproduite à l’annexe C.41 de la réplique. La requérante fait valoir que cette liste n’est pas accessible par des sources publiques.

59      Il convient de relever, à cet égard, que, même si la liste en question n’est, en tant que telle, pas publiquement accessible, les différents produits qu’elle contient sont destinés à être vendus au grand public et enregistrés pour la requérante dans des registres publiquement accessibles. Le fait que lesdits produits soient enregistrés pour la requérante ne saurait donc être qualifié de confidentiel ou secret. Dans ces conditions, la liste en tant que simple compilation de données librement accessibles ne saurait elle-même être qualifiée de confidentielle, au sens de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus.

60      Par conséquent, il convient de rejeter la demande de traitement confidentiel de l’annexe C.41 de la réplique.

61      Deuxièmement, il s’agit d’une liste complète des produits phytosanitaires de la requérante contenant des néonicotinoïdes, reproduite à l’annexe A.1 de la requête. Cette liste, contrairement à celle reproduite à l’annexe C.41, inclut les produits visant un public professionnel ; par ailleurs, les produits n’y sont pas désignés par leur marque de commercialisation individuelle mais uniquement par familles de produits. De plus, la liste de l’annexe A.1 contient de nombreuses variations des différentes familles de produits avec, pour chaque produit, une ventilation des quantités des différentes substances actives contenues.

62      Troisièmement, il s’agit de renseignements sur les droits de la requérante sur l’une des substances visées par l’acte attaqué, ainsi que sur des accords passés à cet égard entre la requérante et de tierces parties. Ces éléments figurent à la note de bas de page 2 de la requête, ainsi qu’au paragraphe 25 et à la note de bas de page 22 de la réplique.

63      Il convient de considérer que ces données sont secrètes ou confidentielles par nature et que leur divulgation risque d’affecter les intérêts commerciaux de la requérante par rapport à la concurrence. En outre, force est de constater que lesdites données ne relèvent pas du domaine public, ne sont pas mises à disposition des tiers, et ne constituent pas non plus de l’information historique.

64      Quant à l’appréciation et la mise en balance des intérêts respectifs de la requérante et des intervenants, il convient de rappeler que l’objet du recours dans la présente affaire est d’examiner la légalité de l’acte attaqué, qui a modifié les conditions d’approbation de certaines substances actives et interdit l’utilisation et la vente de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances actives. Or, pour que les intervenants puissent utilement se prononcer sur ladite légalité, il n’est pas nécessaire qu’ils aient connaissance des éléments identifiés aux points 61 et 62 ci-dessus.

65      Partant, il convient de faire droit à la demande de traitement confidentiel de l’annexe A.1 et de la note de bas de page 2 de la requête, ainsi que du paragraphe 25 et de la note de bas de page 22 de la réplique.

 Sur la liste non publique, établie par la requérante, d’études sur l’imidaclopride et la clothianidine, ainsi que des commentaires y relatifs de l’Agence européenne pour la sécurité des aliments (EFSA)

66      À cet égard, il y a tout d’abord lieu de distinguer la liste, établie par la requérante, d’études sur l’imidaclopride et la clothianidine (annexe C.9 de la réplique), d’une part, et les commentaires sur cette liste, faits par l’EFSA (annexe D.3 de la duplique), d’autre part. Le traitement confidentiel des deux documents est contesté par le DBEB, l’ÖEB, Stichting Greenpeace, PAN Europe, BeeLife et Buglife.

67      S’agissant, premièrement, de la liste d’études compilée par la requérante, cette dernière allègue qu’elle n’est pas publiquement accessible par d’autres sources. Toutefois, il convient de relever que la requérante ne fait pas valoir que les études répertoriées dans la liste seraient elles-mêmes confidentielles. Dans ces conditions, la liste en tant que simple compilation de données librement accessibles ne saurait elle-même être qualifiée de confidentielle, au sens de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus.

68      Par conséquent, il convient de rejeter la demande de traitement confidentiel de l’annexe C.9 de la réplique.

69      S’agissant, deuxièmement, des commentaires de l’EFSA sur la liste d’études, force est de constater que la requérante justifie sa demande de traitement confidentiel par les mêmes considérations que celle relative à la liste elle-même, à savoir, que cette dernière n’est pas publiquement accessible par d’autres sources. Dans ces conditions, il convient de considérer que la demande de traitement confidentiel se limite à la liste et ne vise pas les seuls commentaires de l’EFSA.

70      Par conséquent et au regard du rejet de la demande de traitement confidentiel de l’annexe C.9 de la réplique, il convient de rejeter également la demande de traitement confidentiel de l’annexe D.3 de la duplique.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de traitement confidentiel de Bayer CropScience AG, présentée par lettres des 5 et 26 février, des 6, 18 et 26 mars, des 8 et 10 avril et du 17 juillet 2014, en ce qui concerne la référence à l’annexe B.24 de la défense, dans la table des annexes de la défense, ainsi que les annexes B.7, B.9, B.14, B.15, B.17, B.18 et B.24 de la défense, la note de bas de page 59 de la réplique, la référence à l’annexe C.28 de la réplique, dans la table des annexes de la réplique, ainsi que l’annexe C.28 à la réplique, les notes de bas de page 10 et 11 de la duplique, la référence aux annexes D.1 et D.2 de la duplique, dans la table des annexes de la duplique, ainsi que les annexes D.1 et D.2 de la duplique, dans la mesure où ces documents contiennent des données personnelles des employés de Bayer CropScience.

2)      La demande de traitement confidentiel est accueillie en ce qui concerne les éléments suivants :

–        les points 26 et 27 et les notes de bas de page 15 et 16 de la requête, les annexes A.9 et A.10 à la requête ainsi que les références à ces annexes dans la liste des annexes à la requête, et la note de bas de page 23 de la réplique ;

–        l’annexe A.1 et la note de bas de page 2 de la requête, ainsi que le paragraphe 25 et la note de bas de page 22 de la réplique.

3)      La demande de traitement confidentiel est partiellement accueillie s’agissant de la note de bas de page 73 et des annexes A.5, A.31 à A.36, A.41 et A.44 à A.46 de la requête, ainsi que des références aux annexes A.31 à A.34, A.36, A.41, A.44 et A.46 dans la liste des annexes à la requête, dans la mesure où les données personnelles des employés des auteurs des lettres de soutien et de ceux de Bayer CropScience sont concernées.

4)      La demande de traitement confidentiel est rejetée pour le surplus.

5)      Un délai sera fixé à Bayer CropScience pour produire une version non confidentielle des actes de procédure mentionnés aux points 1 à 3 du présent dispositif.

6)      La version non confidentielle des actes de procédure mentionnés aux points 1 à 3 du présent dispositif sera signifiée aux intervenants par les soins du greffier.

7)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 27 mars 2015.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       H. Kanninen


* Langue de procédure : l'anglais.