Language of document : ECLI:EU:T:2014:26

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

23 janvier 2014 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Agents contractuels – Sécurité sociale – Remboursement des frais de transport – Frais de transport pour raisons linguistiques – Article 19, paragraphe 2, de la réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes – Titre II, chapitre 12, point 2.5, des directives générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux »

Dans l’affaire T‑174/13 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 15 janvier 2013, BO/Commission (F‑27/11, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

BO, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Amman (Jordanie), représenté par Mes L. Levi, M. Vandenbussche et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie demanderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, A. Dittrich et S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la procédure écrite,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission européenne demande au Tribunal, d’une part, d’annuler l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (première chambre) du 15 janvier 2013, BO/Commission (F‑27/11, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), et, d’autre part, statuant en application de l’article 13 de l’annexe I dudit statut, de rejeter le recours introduit en première instance.

2        Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a annulé trois décisions de la Commission du 1er juin 2010 refusant la prise en charge de frais de transport et d’accompagnement.

 Cadre juridique

 Statut

3        L’article 72, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») énonce ce qui suit :

« Dans la limite de 80 % des frais exposés, et sur la base d’une réglementation établie d’un commun accord par les institutions de l’Union après avis du comité du statut, le fonctionnaire, son conjoint, […] ses enfants […] sont couverts contre les risques de maladie […]

Les institutions peuvent, par la réglementation visée au premier alinéa, confier à l’une d’entre elles l’exercice du pouvoir de fixer les règles régissant le remboursement des frais […] »

4        En vertu des dispositions combinées des articles 28 et 95 du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), l’article 72, paragraphe 1, du statut est applicable aux agents contractuels employés par les institutions de l’Union européenne.

 Réglementation commune

5        La réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la « réglementation commune ») a été établie d’un commun accord par les institutions de l’Union en application de l’article 72, paragraphe 1, du statut. Elle institue un régime d’assurance maladie commun aux institutions de l’Union (ci-après le « RCAM »).

6        L’article 19 de la réglementation commune est intitulé « Libre choix » et prévoit ce qui suit :

« 1.      Les bénéficiaires du [RCAM] ont le libre choix du médecin et des établissements de soins.

2.      Le principe du libre choix n’implique pas automatiquement le remboursement des frais de transport ou de déplacement ainsi occasionnés ; les règles de remboursement de ce type de frais sont fixées dans les dispositions générales d’exécution. »

7        Il résulte de l’article 52, paragraphe 1, de la réglementation commune que, « [e]n vertu de l’article 72, paragraphe 1, troisième alinéa, du [s]tatut, les institutions délèguent à la Commission la compétence pour fixer, par des dispositions générales d’exécution, les règles régissant le remboursement des frais dans le but de sauvegarder l’équilibre financier du régime et dans le respect du principe de couverture sociale qui inspire l’article 72, paragraphe 1, premier alinéa, du [s]tatut ».

 DGE

8        Le chapitre 12, intitulé « Frais de transport », du titre II, intitulé « Règles de remboursement », de l’annexe de la décision de la Commission du 2 juillet 2007 portant fixation des dispositions générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux (ci-après les « DGE ») est ainsi rédigé :

« 1.      Dispositions générales

1.1      À l’exception des situations d’urgence dûment motivée pour lesquelles l’accord ne peut intervenir qu’a posteriori, une demande d’autorisation préalable est requise. Elle doit être accompagnée d’un certificat du médecin traitant justifiant la nature et la nécessité médicale du transport.

1.2      Si le transport doit être renouvelé régulièrement, la prescription médicale doit en préciser les raisons et justifier le nombre de trajets indispensables.

1.3      L’accompagnement par une tierce personne, s’il est déclaré absolument nécessaire par le médecin traitant notamment en raison de l’âge ou de la nature de l’affection du bénéficiaire, doit également faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable.

1.4      L’autorisation préalable est délivrée après avis du médecin conseil. La décision tient compte entre autres, du fait que les soins ne peuvent être donnés au lieu d’affectation ou de résidence du bénéficiaire et/ou que celui-ci est dans l’incapacité d’utiliser les moyens de transport publics ou privés.

2.      Modalités de remboursement

2.1      Seul est pris en considération le remboursement du moyen de transport adapté au cas du bénéficiaire, vers l’établissement ou le prestataire de soins le plus proche qui est en mesure de prendre en charge sa pathologie de manière adéquate […]

2.5      Ne sont pas remboursés par le [RCAM] :

a)      Les frais de transport pour raisons familiales, linguistiques ou de convenance personnelle, pour la consultation d’un médecin généraliste, pour une cure thermale ou de convalescence, pour se rendre sur le lieu de travail ou pour toute autre raison non reconnue par le bureau liquidateur ;

[…] »

 Faits à l’origine du litige

9        Les faits à l’origine du litige ont été présentés comme suit aux points 7 à 11 de l’arrêt attaqué :

« 7      Le requérant est agent contractuel de la Commission, affecté à la délégation de l’Union à Amman (Jordanie).

8      Le 6 mai 2010, le requérant a introduit une demande d’autorisation préalable auprès du bureau liquidateur d’Ispra (Italie) pour la prise en charge, d’une part, de séances individuelles de psychothérapie pour son fils aîné, âgé de six ans à l’époque des faits, et, d’autre part, des frais de transport jusqu’au cabinet du psychologue, situé à Beyrouth (Liban), pour son fils, de même que pour son épouse et pour lui-même, en qualité d’accompagnateurs en alternance.

9      Dans la note explicative accompagnant sa demande d’autorisation, le requérant précisait :

‘[L]es soins appropriés en termes de qualité et surtout de langue (le français) ne sont pas disponibles dans mon lieu d’affectation en Jordanie, mais le sont à Beyrouth au Liban à 45 minutes de vol seulement. Nous comptons donc effectuer des allers/retours hebdomadaires par avion (parent + enfant) afin que ces soins puissent lui être procurés.’

10      Par décision du 1er juin 2010, le bureau liquidateur d’Ispra a accordé l’autorisation pour des séances de psychothérapie. En revanche, par trois décisions du même jour (ci-après les ‘décisions attaquées’), le bureau liquidateur a refusé la prise en charge des frais de transport et d’accompagnement. Il a indiqué, dans un courrier électronique du 18 mai 2010, que le transport sollicité s’assimilait à un rapatriement sanitaire au sens de l’article 24 de l’annexe X du statut, pour lequel seul le service médical de la Commission à Bruxelles (Belgique) est compétent. Ledit service médical a refusé l’autorisation au motif que le transport hebdomadaire ne pouvait être assimilé à une évacuation sanitaire d’urgence au sens de l’article 24 de l’annexe X du statut.

11      Le requérant a introduit une réclamation, en date du 22 août 2010, contre les décisions attaquées. Par décision du 14 décembre suivant, l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement […] a rejeté la réclamation du requérant au motif que, en application des DGE, les frais de transport pour raisons familiales, linguistiques ou de convenance personnelle ne sont pas remboursés […] »

 Arrêt attaqué

10      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a annulé les trois décisions du 1er juin 2010 par lesquelles le bureau liquidateur d’Ispra (Italie) avait refusé la prise en charge des frais de transport et d’accompagnement (ci-après les « décisions litigieuses »).

11      À titre liminaire, le Tribunal de la fonction publique a considéré que les conclusions dirigées contre la décision par laquelle la Commission avait rejeté la réclamation présentée à l’encontre des décisions litigieuses devaient être regardées comme étant dirigées uniquement contre les décisions litigieuses (arrêt attaqué, point 25).

12      En outre, le Tribunal de la fonction publique a estimé que seule la motivation contenue dans la décision rejetant la réclamation, à savoir l’impossibilité d’accorder le remboursement de frais de transport pour raisons familiales, linguistiques ou de convenance personnelle, prévue au point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE, devait être prise en compte pour apprécier la légalité des décisions litigieuses (arrêt attaqué, point 26).

13      À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a indiqué les raisons pour lesquelles il estimait que le point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE (voir point 8 ci-dessus) ne pouvait être invoqué par la Commission pour justifier le bien-fondé des décisions litigieuses.

14      Premièrement, le Tribunal de la fonction publique a rappelé que les DGE constituaient des dispositions d’application de l’article 19 de la réglementation commune, lequel opérait une distinction entre le remboursement des frais médicaux et celui des frais de transport. À cet égard, le Tribunal de la fonction publique a relevé que le principe du libre choix du médecin et des établissements de soins, prévu à l’article 19 de la réglementation commune, n’impliquait pas un droit automatique au remboursement des frais de transport ou de déplacement et que, en adoptant les DGE, la Commission avait entendu limiter le remboursement des frais de transport à ce qui était strictement nécessaire (arrêt attaqué, point 28).

15      Ainsi, le Tribunal de la fonction publique a observé que le remboursement des frais de transport était subordonné, en dehors des situations d’urgence, à l’obtention d’un accord préalable, sur présentation d’un certificat médical attestant leur absolue nécessité. Le Tribunal de la fonction publique a estimé que l’autorité compétente devait tenir compte des circonstances de l’espèce, telles que l’impossibilité pour le bénéficiaire du RCAM de recevoir des soins sur son lieu d’affectation ou l’impossibilité d’utiliser des moyens de transport publics ou privés. De plus, certaines catégories de frais de transport ne pourraient donner lieu à remboursement, notamment les frais engagés pour des raisons linguistiques (arrêt attaqué, point 29).

16      Selon le Tribunal de la fonction publique, il résulte de l’ensemble de ces conditions que le point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE ne saurait être interprété comme ayant pour effet de faire obstacle au remboursement des frais de transport et d’accompagnement occasionnés par le suivi d’une psychothérapie, lorsqu’il est établi que ce traitement est nécessaire et que le patient ne peut bénéficier d’une telle psychothérapie sur son lieu d’affectation dans une langue qui lui est accessible (arrêt attaqué, point 30).

17      Deuxièmement, le Tribunal de la fonction publique a constaté que, en l’espèce, le traitement de l’enfant du requérant en première instance par psychothérapie était médicalement indiqué et qu’il était établi, d’une part, que cette psychothérapie devait avoir lieu en langue française et, d’autre part, qu’un tel traitement n’était pas accessible sur le lieu d’affectation du requérant en première instance (arrêt attaqué, points 31 à 39).

18      Partant, le Tribunal de la fonction publique a déduit de ces constatations que les conditions permettant de justifier légalement le refus de remboursement des frais de transport et d’accompagnement exposés par le requérant en première instance n’était pas réunies en l’espèce et a, en conséquence, annulé les décisions litigieuses (arrêt attaqué, point 40).

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 25 mars 2013, la Commission a introduit le présent pourvoi.

20      La Commission ayant renoncé à déposer une réplique, la procédure écrite a été close à l’issue du premier échange de mémoires.

21      Les parties n’ont pas présenté de demande d’audience dans le délai prévu à l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal. En application dudit article, le Tribunal (chambre des pourvois) a décidé de statuer sur le présent pourvoi sans phase orale de la procédure.

22      La Commission conclut à ce que le Tribunal :

–        annule l’arrêt attaqué ;

–        rejette le recours introduit par BO devant le Tribunal de la fonction publique et le condamne aux dépens relatifs à la procédure en première instance ;

–        décide que chaque partie supportera ses propres dépens relatifs au pourvoi.

23      BO conclut à ce que le Tribunal :

–        rejette le pourvoi ;

–        condamne la Commission aux dépens des deux instances.

 En droit

 Arguments des parties

24      La Commission invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 19 de la réglementation commune et du point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE.

25      La Commission soutient que le point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE exclut clairement la possibilité d’accorder le remboursement de frais de transport et d’accompagnement exposés pour des raisons linguistiques. Dès lors, elle estime que le Tribunal de la fonction publique a fondé l’arrêt attaqué sur une interprétation contra legem de cette disposition.

26      La Commission, en raison du nombre d’agents qu’elle emploie, y compris dans des pays tiers, serait particulièrement exposée au risque financier inhérent à l’interprétation retenue par le Tribunal de la fonction publique. En effet, les agents ou les membres de leur famille seraient susceptibles de se trouver souvent dans des situations dans lesquelles un traitement médical pris en charge par le RCAM nécessite un transport pour des raisons linguistiques. Or, la Commission aurait estimé raisonnable, dans un souci d’équilibre financier du RCAM, d’exclure le remboursement des frais de transport liés à une thérapie lorsque ceux-ci sont encourus pour des raisons exclusivement linguistiques. En effet, de tels frais pourraient être fréquents pour les locuteurs de langues non parlées sur leur lieu d’affectation et le montant de ces frais dépasserait largement, le plus souvent, celui des frais médicaux pour lesquels ils sont exposés. Le risque financier s’avérerait donc considérable, ce qu’illustreraient particulièrement les faits de l’espèce.

27      Les frais de transport, dont le remboursement est prévu à l’article 19 de la réglementation commune et au point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE, ne constitueraient pas des frais médicaux. Dès lors, il n’y aurait aucun droit de principe à un tel remboursement, puisque l’article 72 du statut concerne la protection des affiliés contre le risque de maladie. Ainsi, le remboursement des frais de transport présenterait un caractère exceptionnel et c’est pourquoi, selon la Commission, l’article 19, paragraphe 2, de la réglementation commune prévoit que, même dans le cas où une prestation médicale peut être remboursée, le principe de libre choix n’a pas pour conséquence d’entraîner un droit subséquent à la prise en charge des frais de transport inhérents à la thérapie qui est prise en charge. En jugeant, au contraire, que le remboursement des frais de transport était de droit lorsque le choix du praticien ne dépendait pas de motifs de convenance personnelle, le Tribunal de la fonction publique aurait donc fait une interprétation erronée de cette disposition.

28      En outre, l’interprétation du Tribunal de la fonction publique violerait directement le point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE, puisque cette disposition prévoit une exclusion spécifique relative aux frais de transport exposés pour des raisons linguistiques, alors que le Tribunal de la fonction publique aurait considéré que cette exclusion devait être écartée dès lors que les frais de transport en cause pouvaient être objectivement justifiés.

29      Le Tribunal de la fonction publique aurait, de plus, méconnu le principe de sécurité juridique, puisque, au point 31 de l’arrêt attaqué, il aurait transformé l’avis du médecin conseil, relatif à la nécessité des prestations de psychothérapie, en un avis portant sur le caractère nécessaire des frais de transport.

30      Enfin, la Commission indique que la stricte application de l’exclusion prévue au point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE ne fait pas peser une charge indue sur les agents, puisque ceux-ci sont censés connaître le statut et les DGE lorsqu’ils acceptent une affectation. En revanche, si l’interprétation du Tribunal de la fonction publique devait être confirmée, la Commission et le service européen d’action extérieure pourraient être amenés à refuser certaines demandes d’affectation en raison du risque financier auquel celles-ci exposeraient le RCAM.

31      Selon la Commission, l’arrêt attaqué doit donc être annulé. La Commission estime que le litige est en état d’être jugé, le Tribunal de la fonction publique s’étant prononcé sur l’intégralité des moyens du recours en première instance. Le Tribunal devrait donc, s’il accueille le pourvoi, statuer sur le recours en première instance et le rejeter.

32      BO conteste les arguments de la Commission.

 Appréciation du Tribunal

33      Par son moyen unique, la Commission fait valoir que, en jugeant que, lorsqu’ils sont exposés pour permettre le suivi d’une thérapie médicalement indiquée, des frais de transport et d’accompagnement ne peuvent faire l’objet d’un refus de remboursement au motif qu’ils ont été exposés pour des raisons linguistiques, au cas où il n’existe pas de possibilité de recevoir de traitement approprié sur le lieu de résidence du bénéficiaire du RCAM et où la langue dans laquelle le traitement en cause est prodigué est un élément inhérent à ce traitement, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit.

34      Il convient de rappeler que le Tribunal de la fonction publique a estimé que le remboursement des frais de transport et d’accompagnement n’était pas automatique, qu’il convenait de tenir compte de ce que les soins pouvaient ou non être donnés sur le lieu d’affectation ou de résidence du bénéficiaire et que seuls pouvaient faire l’objet d’un remboursement les frais strictement nécessaires. Après avoir rappelé que le point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE excluait le remboursement des frais de transport exposés « pour des raisons linguistiques », le Tribunal de la fonction publique a néanmoins jugé que cette disposition « ne saurait être interprété[e] comme interdisant le remboursement des frais de transport occasionnés pour suivre une psychothérapie, lorsqu’il est établi, de façon objective, que ladite thérapie exige l’utilisation d’une langue que le bénéficiaire doit comprendre, qui est la seule dans laquelle il parvient à s’exprimer et que la psychothérapie dans cette langue n’est pas accessible sur le lieu d’affectation du bénéficiaire » (arrêt attaqué, point 30).

35      La Commission soutient, quant à elle, que le point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE exclut clairement la possibilité d’accorder le remboursement de frais de transport et d’accompagnement exposés pour des raisons linguistiques. Dès lors, elle estime que le Tribunal de la fonction publique a fondé l’arrêt attaqué sur une interprétation contra legem de cette disposition, laquelle présente un caractère absolu.

36      L’issue du présent pourvoi dépend par conséquent de l’interprétation de la réserve contenue au point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE, relative aux frais exposés « pour raisons familiales, linguistiques ou de convenance personnelle », qu’il convient de replacer dans le contexte de la réglementation applicable.

37      En premier lieu, l’article 19 de la réglementation commune, prise en application de l’article 72 du statut, prévoit la possibilité du remboursement des frais de transport, en excluant expressément que toute application du principe du libre choix du médecin puisse donner lieu à un droit automatique au remboursement de ces frais et en renvoyant l’adoption de règles plus détaillées aux DGE.

38      En second lieu, les DGE prévoient, d’une part, une série de règles relatives aux conditions auxquelles doivent satisfaire les frais de transport et d’accompagnement (points 1.1 à 1.4 et 2.1 du chapitre 12 du titre II des DGE), notamment leur caractère indispensable pour les besoins des traitements médicaux et leur caractère inévitable, et, d’autre part, des règles d’exclusion (point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE), lesquelles comprennent, notamment, les frais de transport et d’accompagnement « pour raisons linguistiques ».

39      Il résulte de l’ensemble de ces dispositions, ainsi que le fait valoir la Commission, que la prise en charge de dépenses médicales par le RCAM ne crée pas un droit subséquent à la prise en charge des frais de transports correspondants.

40      Ainsi, dans l’hypothèse où des frais de transports apparaissent comme ayant été exposés en conséquence d’un choix, certes conforme au principe de libre choix du médecin prévu à l’article 19 de la réglementation commune, traduisant la préférence du bénéficiaire du RCAM pour recourir aux services d’un médecin ou à un traitement dans une langue qu’il maîtrise, alors que la langue en question ne constitue pas une composante inhérente au traitement et que les soins nécessaires sont accessibles sur le lieu de résidence ou d’affectation du bénéficiaire, les motifs exclusivement linguistiques qui ont présidé au choix du praticien excluent la prise en charge des frais de transports ou d’accompagnement correspondants.

41      En revanche, il n’en va pas de même, ainsi que le Tribunal de la fonction publique l’a considéré à bon droit dans l’arrêt attaqué, dans l’hypothèse où les frais de transport sont exposés pour des motifs ne relevant pas d’un choix de convenance, mais sont indispensables pour permettre au bénéficiaire de suivre un traitement ou de bénéficier de soins qui ne sont pas accessibles sur son lieu de résidence ou d’affectation, étant entendu que la langue dans laquelle le traitement ou les soins en cause sont administrés constitue une condition essentielle de ceux-ci. Tel est le cas lorsque l’emploi d’une langue parlée par le bénéficiaire est inhérent et indissociablement lié au traitement lui-même, notamment dans le cadre d’une pédopsychothérapie.

42      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal de la fonction publique, après avoir constaté, en vertu d’une appréciation souveraine des faits de l’espèce dont la Commission ne soutient pas qu’elle est entachée de dénaturation, que le traitement de l’enfant de BO dans le cadre d’une pédopsychothérapie était médicalement indiqué et qu’il était établi, d’une part, que cette psychothérapie devait avoir lieu en langue française et, d’autre part, qu’un tel traitement n’était pas accessible sur le lieu d’affectation de BO, a considéré que le motif d’exclusion pour raisons linguistiques prévu au point 2.5 du chapitre 12 du titre II des DGE ne pouvait suffire à fonder légalement le refus de prise en charge des frais de transport et d’accompagnement correspondants à ce traitement et a, en conséquence, annulé les décisions litigieuses.

43      En outre, la Commission n’est pas fondée à soutenir que le Tribunal de la fonction publique a méconnu l’article 19 de la réglementation commune, l’arrêt attaqué ne comportant aucune indication, contrairement à ce qu’allègue la Commission, permettant de considérer que le Tribunal de la fonction publique ait estimé que la prise en charge de frais médicaux par le RCAM créait un droit absolu à la prise en charge des frais de transport correspondants.

44      De plus, il convient d’écarter comme inopérantes les considérations d’ordre économique et financier présentées par la Commission à l’appui de ses allégations, de telles considérations, même à les supposer fondées, étant, en tout état de cause, sans incidence sur l’étendue des droits que les agents tirent du statut et de la réglementation qui leur est applicable.

45      Enfin, contrairement à ce qu’allègue la Commission, le Tribunal de la fonction publique, notamment au point 31 de l’arrêt attaqué, s’est borné à constater que le bureau liquidateur compétent en l’espèce avait autorisé la prise en charge des séances de psychothérapie prescrites par le médecin traitant de l’enfant de BO, mais n’a nullement considéré que le médecin conseil de l’institution s’était, de ce fait, également prononcé sur la nécessité des frais de transport et d’accompagnement correspondants. L’argument tiré par la Commission de ce que, en transformant, notamment au point 31 de l’arrêt attaqué, l’avis du médecin conseil en un avis portant sur la nécessité des frais de transport, le Tribunal de la fonction publique aurait méconnu le principe de sécurité juridique procède ainsi d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué et ne peut qu’être écarté.

46      Il résulte de ce qui précède que la demande de la Commission tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, celle tendant au rejet du recours en première instance. Il s’ensuit que le pourvoi doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

47      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

48      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

49      La Commission ayant succombé en ses conclusions et BO ayant conclu à ce qu’elle soit condamnée aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter l’ensemble des dépens exposés dans le cadre de la présente instance.

50      La demande d’annulation de l’arrêt attaqué étant rejetée, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de BO tendant à ce que la Commission soit également condamnée à supporter les dépens qu’il a exposés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de la fonction publique.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      La Commission européenne supportera ses dépens ainsi que ceux exposés par BO dans le cadre de la présente instance.

Jaeger

Dittrich

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 janvier 2014.

Signatures


* Langue de procédure : le français.