Language of document : ECLI:EU:T:2002:193

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

11 juillet 2002 (1)

«Fonctionnaires - Promotion - Examen comparatif des mérites - Recours en annulation»

Dans l'affaire T-163/01,

Juan Pedro Perez Escanilla, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes J.-N. Louis et V. Peere, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade A 4 au titre de l'exercice de promotion 1999,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 18 avril 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1.
    L'article 45, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«La promotion est attribuée par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet.»

Faits à l'origine du litige

2.
    Le requérant est entré en fonction à la Commission le 1er janvier 1987 en tant que fonctionnaire stagiaire de grade A 6. Il a été affecté en tant qu'administrateur à la direction générale «Politiques régionales». Par décision du 23 octobre 1987, il a été titularisé. Il a été promu au grade A 5, le 1er décembre 1991, et au grade A 4, le 31 octobre 2000, au titre de l'exercice de promotion 2000.

3.
    Lors de l'exercice de promotion 1999, la Commission a prévu la possibilité de promouvoir 124 fonctionnaires vers le grade A 4 sur un total de 776 fonctionnaires promouvables. Le requérant a été placé en quatrième position sur la liste des fonctionnaires proposés par sa direction générale pour une promotion vers le grade A 4. Cette liste comprenait six noms, les trois premiers ayant déjà été proposés à la promotion lors de l'exercice de promotion 1998. La Commission a mis à la disposition du comité de promotion chargé de la catégorie A, qui s'est réuni le 13 juillet 1999, la liste des «propositions de promotion par ordre décroissant de total-points». Le requérant était inscrit sur cette liste en 120e position avec un «total-points» de 124.

4.
    Le 10 août 1999, la Commission a publié, par ordre alphabétique, la liste des 178 fonctionnaires jugés les plus méritants. Le nom du requérant était repris sur cette liste. Le 13 août 1999, la Commission a publié la liste des 144 fonctionnaires promus au grade A 4, sur laquelle ne figurait pas le nom du requérant.

5.
    Par lettre du 13 octobre 1999, adressée à M. Bisarre, directeur à la direction générale «Personnel et administration», le requérant a posé des questions au sujet du déroulement de l'exercice de promotion 1999 pour le grade A 4.

6.
    Par lettre du 22 octobre 1999 adressée au requérant, M. Benedetti, secrétaire du comité de promotion A, a confirmé la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») de ne pas le promouvoir. Dans cette lettre, M. Benedetti a indiqué que l'AIPN avait décidé de promouvoir, pour l'exercice de promotion 1999, les trois premiers fonctionnaires proposés par la direction générale «Politiques régionales». Le requérant n'aurait pas été promu en raison, notamment, de son inscription en quatrième position sur la liste des fonctionnaires proposés par sa direction générale et d'une notation inférieure, en points, à la moyenne des notations des fonctionnaires promus. M. Benedetti a notamment constaté dans cette lettre ce qui suit:

«[...] le fait de voir apparaître votre nom sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants indique que vos mérites ont donc déjà été reconnus. Le nombre de points qui sont distribués à chaque fonctionnaire dans le cadre des travaux du comité de promotion n'est pas le critère déterminant dans le choix des promus. Les fonctionnaires effectivement promus sont ensuite choisis par l'AIPN parmi les fonctionnaires jugés les plus méritants sur la base de la comparaison des mérites et de l'ordre de priorité des propositions de chaque direction générale.»

7.
    Par lettre du 11 novembre 1999, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de la Commission du 13 août 1999 de ne pas le promouvoir au grade A 4. Au point 19 de cette réclamation, le requérant a constaté qu'il pouvait être conclu de la lettre de M. Benedetti du 22 octobre 1999 que l'AIPN avait «utilisé un système de quotas par [direction générale], système qui dénature complètement la comparaison des mérites prévue à l'[article] 45 du statut et qui va à l'encontre de la jurisprudence du [Tribunal],ainsi que des principes d'égalité de traitement et de sécurité juridique qui doivent présider les rapports entre l'AIPN et les fonctionnaires».

8.
    Le 18 janvier 2000, M. di Carpegna, directeur de la direction générale «Politique régionale», qui est également notateur du requérant, a adressé une lettre au président du comité de promotion A dans laquelle il faisait remarquer qu'il était plus rigoureux que d'autres directeurs dans l'appréciation des normes de notation.

9.
    Par décision du 23 mai 2000, M. Bisarre a décidé de donner une suite favorable à la réclamation du requérant. Ayant annulé la décision de la Commission du 13 août 1999 dans sa partie concernant le requérant, il a renvoyé le dossier à l'AIPN.

10.
    Par décision du 7 septembre 2000 (ci-après la «décision litigieuse»), l'AIPN a décidé, après réexamen du dossier, de confirmer sa décision du 13 août 1999 de ne pas promouvoir le requérant au grade A 4. Elle a constaté:

«Dans tout examen comparatif des mérites, fait sur la base du rapport de notation, il est essentiel de relativiser la comparaison directe du nombre de croix dans chaque niveau d'appréciation, car les rapports de notation ont été établis par des notateurs différents, dans des [directions générales] différentes.

Pour ce faire, il faut examiner comment chaque proposé se situe par rapport à la moyenne des notations de la [direction générale] d'affectation pour le grade concerné.

Parmi les 144 promus, 6 ont une notation inférieure à celle du réclamant, en termes d'appréciations analytiques (croix) en valeur absolue:

Ces six promus, dont trois étaient plus méritants et un déjà proposé en 1998, ont une notation inférieure à la moyenne de leur [direction générale] pour le grade A 5, tout comme [le requérant]. Il s'agit donc des notations comparables, ce qui permet de prendre en considération aussi les critères objectifs d'ancienneté de grade, de service et d'âge de chaque proposé par rapport [au requérant].»

11.
    Les notations du requérant et des six fonctionnaires en question étaient les suivantes:

Fonctionnaire
Notation
Moyenne DG/A 5
E
S
N
E
S
N
Perez Escanilla
5
5
0,8
5,4
3,7
K.
3
7
0,8
5,4
3,7
G.A.
4
6
0,7
5,5
3,8
A.
4
6
0,7
5,5
3,8
T.
3
7
0,3
5,4
4,3
D.
4
6
0,5
6,9
2,6
C.
10
0,3
5,6
4,7

E = excellent        S = supérieur            N = normal

12.
    L'AIPN a considéré, sur la base d'un nouvel examen comparatif des mérites effectué par rapport aux promus ayant une notation inférieure à celle du requérant en termes de nombre absolu de croix dans chaque niveau d'appréciation, pondéré par les critères objectifs d'ancienneté de grade, de service et d'âge et, dans un cas, de responsabilités du fonctionnaire proposé, qu'elle ne pouvait «qu'arriver à la même conclusion et confirmer sa décision» de ne pas promouvoir le requérant au grade A 4 pour l'exercice de promotion 1999.

13.
    Par lettre du 7 décembre 2000, enregistrée le même jour, le requérant a introduit une nouvelle réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, dans laquelle il maintenait sa réclamation du 11 novembre 1999 et demandait à l'AIPN de reconsidérer sa décision du 7 septembre 2000 et de le promouvoir au grade A 4 avec effet au 1er janvier 1999. Il a également réclamé le versement d'un euro, à titre symbolique, en réparation du préjudice moral subi. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision explicite de rejet en date du 10 septembre 2001.

Procédure et conclusions des parties

14.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juillet 2001, le requérant a introduit le présent recours.

15.
    En application de l'article 47, paragraphe 1, de son règlement de procédure, le Tribunal a décidé, d'une part, qu'un deuxième échange de mémoires n'était pas nécessaire en l'espèce et, d'autre part, sur rapport du juge rapporteur, d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a invité le requérant à répondre à une question, ce qui a été fait dans le délai imparti.

16.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 18 avril 2002.

17.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission de ne pas le promouvoir au grade A 4 au titre de l'exercice de promotion 1999;

-    condamner la Commission aux dépens.

18.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

En droit

Arguments des parties

19.
    À l'appui de son recours en annulation, le requérant invoque un moyen unique tiré de la violation de l'article 45 du statut, des principes de vocation à la carrière, d'égalité de traitement et de non-discrimination, ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation.

20.
    Le requérant soutient que la décision litigieuse est entachée d'illégalité en ce que l'AIPN s'est bornée à un examen comparatif des mérites des six fonctionnaires promus au grade A 4 lors de l'exercice de promotion 1999 ayant une notation inférieure à la sienne. Il fait observer que, ce faisant, l'AIPN n'a pas procédé, en violation de l'article 45 du statut et des principes rappelés par le Tribunal dans son arrêt du 14 avril 1999, Rasmussen/Commission (T-50/98, RecFP p. I-A-63 et II-319), à l'examen comparatif de ses mérites au regard de ceux de tous les fonctionnaires proposés par les différents services ou, à tout le moins, de tous les fonctionnaires promus.

21.
    Le requérant fait valoir qu'il n'a pas été promu en raison de l'attribution, à chaque direction générale, d'un quota de promotion au grade A 4 pour l'exercice de promotion 1999. Il relève que, en application de ce quota, il n'y avait que trois possibilités de promotion au grade A 4 pour cet exercice à l'intérieur de sa direction générale. L'AIPN aurait promu au grade A 4, sans avoir procédé à un examen comparatif des mérites, ses trois collègues qui, bien qu'inscrits sur la liste des fonctionnaires les plus méritants pour l'exercice de promotion 1998, n'avaient pas été promus lors de cet exercice. En procédant ainsi, elle aurait méconnu son obligation de comparer les mérites du requérant avec ceux de tous ses collègues de la Commission promouvables au grade A 4 pour l'exercice 1999.

22.
         Le requérant prétend que l'AIPN a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant en considération sa position par rapport à la moyenne des notations de sa direction générale d'affectation sans tenir compte de l'évaluation ex post évoquée par son directeur, M. di Carpegna, dans sa lettre du 18 janvier 2000 (voir point 8 ci-dessus).

23.
    En outre, il fait valoir que son nom a été inscrit en position utile par le comité de promotion sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants. Il appartiendrait, dès lors, à l'AIPN d'expliquer les raisons précises pour lesquelles elle s'est écartée sensiblement de l'avis du comité de promotion qui a inscrit le requérant en 120e ou122e position sur la liste, établie par ordre de mérites, des 178 fonctionnaires jugés les plus méritants en vue d'une promotion au grade A 4 pour l'exercice 1999. Le requérant fait valoir que la décision litigieuse est illégale et doit être annulée car elle se base sur la seule circonstance que sa direction générale ne disposait que d'un quota de trois promotions au grade A 4. Sa direction générale ayant proposé le requérant en quatrième position, l'AIPN aurait automatiquement, et sans examen comparatif de ses mérites par rapport à ceux des autres fonctionnaires promouvables, exclu la possibilité de le promouvoir pour ledit exercice. L'existence de tels quotas aurait déjà été condamnée par le Tribunal dans son arrêt Rasmussen/Commission, précité.

24.
    La Commission fait valoir que l'AIPN a procédé à l'examen comparatif des appréciations analytiques du rapport de notation de chaque fonctionnaire promouvable au grade A 4 par rapport à la moyenne des appréciations analytiques de sa direction générale d'affectation. Cette méthode aurait été jugée pertinente dans la mesure où elle tend à annihiler la subjectivité des appréciations portées par des notateurs différents (arrêt du Tribunal du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, T-187/98, RecFP p. I-A-195 et II-885, point 85). Elle avance que, lors de l'exercice de promotion 1999, l'ensemble des fonctionnaires promus au grade A 4 avaient un rapport de notation supérieur à la moyenne des rapports de notation établis par leur direction générale d'affectation, à l'exception de six fonctionnaires, qui, comme le requérant, avaient un rapport de notation inférieur à la moyenne des rapports de notation établis par leur direction générale.

25.
    La Commission soutient que, sur ces six fonctionnaires promus, trois figuraient déjà sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants de l'année précédente. Il serait constant que l'exigence d'un examen comparatif des mérites n'exclut pas que l'AIPN puisse prendre en considération la circonstance qu'un candidat a déjà figuré sur la liste des fonctionnaires les plus méritants lors de l'exercice antérieur, à condition que les mérites de chaque candidat soient appréciés par rapport à ceux des autres candidats (arrêt de la Cour du 9 novembre 2000, Commission/Hamptaux, C-207/99 P, Rec. p. I-9485). En outre, pour les fonctionnaires aux mérites comparables, l'AIPN aurait pu légitimement prendre en considération les critères subsidiaires d'ancienneté de grade, de service et d'âge. En application de ces critères, seul un cas, à savoir celui de M. G. A., se rapprocherait de celui du requérant. À cet égard, la Commission estime qu'il était légitime pour l'AIPN de tenir compte des responsabilités qui incombaient aux fonctionnaires promouvables. Elle prétend que, si l'on compare la description des tâches et la justification de la proposition qui figuraient sur les fiches de proposition pour la promotion du requérant et de M. G. A., on relève que les responsabilités de M. G. A., qui avait déjà été proposé par sa direction générale en 1998, peuvent être considérées comme plus importantes et que l'appréciation de ses prestations est plus positive que celle des prestations du requérant.

26.
    La Commission conteste l'argument du requérant selon lequel sa non-promotion serait due à un quota de promotion au grade A 4 dont aurait disposé sa directiongénérale pour l'exercice 1999. Seul l'examen comparatif des mérites des candidats aurait fondé la décision litigieuse. Elle relève que le nombre exact de promotions par direction générale n'est pas connu avant l'exercice. En outre, le comité de promotion ne ferait que proposer les projets de listes des fonctionnaires les plus méritants et ce serait l'AIPN qui déciderait de la liste définitive, ainsi que des promotions elles-mêmes. Rien n'empêcherait celle-ci d'accorder une promotion à un candidat d'une direction générale plutôt qu'à celui d'une autre, si elle estime que le fonctionnaire relevant de la première direction générale possède des mérites particulièrement importants.

27.
    De surcroît, en réponse à l'argument du requérant soulevé au point 20.9 de sa réclamation du 7 décembre 2000 concernant la promotion d'un «fonctionnaire plus jeune, moins ancien dans le grade et dans le service que [lui] et pour lequel, à l'époque, il n'y avait pas de rapport de notation», la Commission prétend que la raison pour laquelle le rapport n'était pas définitif, résidait dans la saisine du notateur d'appel car ce fonctionnaire aurait estimé mériter une notation encore supérieure à celle dont il avait déjà bénéficié. La Commission fait valoir qu'elle disposait du projet de rapport de notation et d'autres éléments objectifs portant sur les mérites de ce fonctionnaire qui ont légitimement pu fonder l'appréciation des mérites de ce dernier.

Appréciation du Tribunal

28.
    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d'une décision de promotion au titre de l'article 45 du statut, l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation et le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites non critiquables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l'AIPN (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p. I-A-257 et II-739, point 66, et du 5 mars 1998, Manzo-Tafaro/Commission, T-221/96, RecFP p. I-A-115 et II-307, point 16). Cependant, le pouvoir discrétionnaire ainsi reconnu à l'administration est limité par la nécessité de procéder à l'examen comparatif des candidatures avec soin et impartialité, dans l'intérêt du service et conformément au principe d'égalité de traitement. En pratique, cet examen doit être conduit sur une base égalitaire et à partir de sources d'informations et de renseignements comparables (voir, notamment, arrêts du Tribunal du 30 novembre 1993, Tsirimokos/Parlement, T-76/92, Rec. p. II-1281, points 20 et 21, et du 21 septembre 1999, Oliveira/Parlement, T-157/98, RecFP p. I-A-163 et II-851, point 35).

29.
    En outre, il ressort expressément des termes de l'article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut que, dans le cadre d'une procédure de promotion, l'AIPN est tenue d'effectuer son choix sur la base d'un examen comparatif des rapports de notation et des mérites respectifs des fonctionnaires promouvables. À cette fin, elledispose du pouvoir statutaire de procéder à un tel examen selon la procédure ou la méthode qu'elle estime la plus appropriée, conformément à une jurisprudence bien établie (voir, notamment, arrêts de la Cour du 1er juillet 1976, de Wind/Commission, 62/75, Rec. p. 1167, point 17, et du Tribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, RecFP p. I-A-195 et II-603, point 20). L'appréciation des mérites des fonctionnaires promouvables constitue ainsi le critère déterminant de toute promotion, tandis que ce n'est qu'à titre subsidiaire que l'AIPN peut prendre en considération l'âge des candidats et leur ancienneté dans le grade ou le service. En cas d'égalité de mérites des fonctionnaires promouvables, ces critères supplémentaires peuvent même constituer un facteur décisif dans le choix de l'AIPN (voir en ce sens, arrêts du Tribunal du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T-280/94, RecFP p. I-A-77 et II-239, point 138, et Manzo-Tafaro/Commission, précité, point 18).

30.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner si, en l'espèce, l'examen comparatif des mérites a été correctement effectué.

31.
    L'AIPN a indiqué dans la conclusion de la décision litigieuse que, à la suite d'un nouvel examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, elle ne pouvait arriver qu'à la même conclusion et confirmer sa décision originelle du 13 août 1999 de ne pas promouvoir le requérant au titre de l'exercice de promotion 1999. Il s'ensuit que la décision de ne pas promouvoir le requérant a été basée sur ce nouvel examen comparatif des mérites, et que seule la validité de ce nouvel examen doit être appréciée à la lumière des principes rappelés ci-dessus.

32.
    Contrairement à ce que prétend le requérant, cet examen comparatif n'était pas limité à une appréciation de ses mérites et de ceux de six des fonctionnaires promus au titre de l'exercice de promotion 1999 qui disposaient d'une notation inférieure à la moyenne des notations de leur direction générale d'affectation.

33.
    À cet égard, il convient de relever que l'examen comparatif des mérites du requérant a été réalisé en plusieurs étapes. Lors d'une première étape, la Commission a procédé a une comparaison des mérites du requérant à ceux des 144 fonctionnaires promus au titre de l'exercice de promotion 1999, les candidatures des autres fonctionnaires figurant sur la liste des 178 fonctionnaires jugés les plus méritants ayant été déjà écartées en raison de leur exclusion de la liste des promus.

34.
    Lors de cette première étape, la Commission a constaté que 138 des fonctionnaires promus avaient une notation supérieure à celle du requérant «en termes d'appréciations analytiques (croix) en valeur absolue». Elle a ensuite considéré que six fonctionnaires avaient une notation inférieure à celle du requérant et, à l'instar de ce dernier, une notation inférieure à la moyenne des notations de leur direction générale d'affectation. Lors d'une deuxième étape, la Commission a comparé les mérites du requérant à ceux de ces six fonctionnaires et a conclu que leurs notations étaient «comparables», de sorte qu'il convenait de passer à une étapeultérieure consistant en l'examen de critères supplémentaires, tels que l'ancienneté dans le grade et dans le service et l'âge des fonctionnaires en question.

35.
    Par conséquent, il ressort de la décision litigieuse que l'AIPN s'est estimée en droit de prendre en considération ces critères supplémentaires en raison de sa constatation selon laquelle les notations du requérant et des six fonctionnaires en question étaient «comparables» et ce, en conséquence du fait que chacune de ces notations se situait en dessous de la moyenne des notations de leur direction générale d'affectation pour le grade A 5.

36.
    S'il est vrai que l'AIPN est en droit d'utiliser une méthode d'appréciation qui consiste en l'examen comparatif des appréciations analytiques des fonctionnaires promouvables et de la moyenne des appréciations analytiques de leur direction générale respective afin d'éliminer la subjectivité résultant des appréciations portées par des notateurs différents (arrêt Cubero Vermurie/Commission, précité, point 85), cela ne la décharge toutefois pas de son obligation de procéder à un examen comparatif des notations individuelles des fonctionnaires en question.

37.
    Or, le seul fait que les notations des fonctionnaires en question se situent en dessous des moyennes des notations de leur direction générale respective n'implique pas en soi que ces notations constituent des «notations comparables». De grands écarts peuvent subsister entre les mérites des fonctionnaires qui ont tous des notations inférieures à la moyenne des notations de leur direction générale d'affectation.

38.
    En l'espèce, il ressort du dossier qu'il y avait un écart important entre, par exemple, les notations du requérant, qui disposait de cinq notations dites «supérieures» et de cinq notations dites «normales», et celles de M. C., qui n'avait que dix notations «normales» (voir tableau au point 11 ci-dessus).

39.
    En outre, le seul fait que les notations des fonctionnaires en question se situent en dessous de la moyenne des notations de leur direction générale respective ne peut signifier que ces notations constituent des «notations comparables» que si l'on tient compte de leurs positions individuelles par rapport aux moyennes respectives des notations de leur direction générale d'affectation. Or, il doit être relevé, à cet égard, que les moyennes des notations des directions générales en question pour les notations dites «supérieures» sont d'un niveau similaire, se situant toutes entre 5,4 et 5,6, à l'exception d'une seule moyenne de 6,9 pour la direction générale d'affectation de M. D. (voir tableau au point 11 ci-dessus). Ainsi, le requérant, qui bénéficie de cinq notations dites «supérieures» sur une moyenne de 5,4 notations dites «supérieures» pour sa direction générale, se trouve beaucoup mieux placé que deux des six fonctionnaires en question, à savoir MM. K. et T., qui n'avaient que trois notations dites «supérieures» par rapport à la même moyenne de notations dites «supérieures» de 5,4. La comparaison des notations de M. K., M. T., M. C. et du requérant, telles qu'elles ressortent du tableau figurant au point 11 ci-dessus, démontre donc qu'ils n'ont pas de mérites ou de notationscomparables. Il y a lieu de considérer que les différences dans les appréciations analytiques concernant MM. K., T., C. et le requérant ne sont pas négligeables.

40.
    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, en l'espèce, la Commission n'a pas correctement effectué l'examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables, au sens de l'article 45, paragraphe 1, du statut, en prenant en considération les critères d'âge et d'ancienneté dans le grade ou dans le service relatifs à M. K., à M. T., à M. C. et au requérant.

41.
    Partant, la décision litigieuse de ne pas promouvoir le requérant doit être annulée, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres arguments soulevés par le requérant.

Sur les dépens

42.
         Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombée, il y a lieu de la condamner à supporter l'ensemble des dépens conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade A 4 au titre de l'exercice de promotion 1999 est annulée.

2)    La Commission est condamnée aux dépens.

Cooke

García-Valdecasas
Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 juillet 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. D. Cooke


1: Langue de procédure: le français.