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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (dixième chambre)

17 juin 2024 (*)

« Recours en annulation et en indemnité – Droit institutionnel – Protection des données à caractère personnel – Règlement (UE) 2018/1725 – Rejet de la réclamation adressée au CEPD concernant le traitement des données à caractère personnel du requérant – Révision de la décision attaquée – Disparition partielle de l’objet du litige – Non-lieu à statuer partiel – Recours en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑546/23,

WS, représenté par Me H. Tettenborn, avocat,

partie requérante,

contre

Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), représenté par MM. D. Nardi, T. Zerdick et Mme X. Kapsosideri, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de Mme O. Porchia, présidente, MM. P. Nihoul et S. Verschuur (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours, le requérant, WS, demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation du point iii) de la décision du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) du 16 juin 2023 de ne pas donner suite à sa réclamation du 16 novembre 2022 relative à la demande d’accès à ses données personnelles qu’il avait adressée à l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) le 18 juin 2022 (ci-après la « décision attaquée ») et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, réparation du préjudice qu’il aurait subi du fait du comportement du CEPD à son égard.

 Antécédents du litige

2        Le 18 juin 2022, le requérant a présenté, en vertu de l’article 17 du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ses données, et abrogeant le règlement (CE) n° 45/2001 et la décision n° 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), une demande auprès de l’EPSO, concernant quatre des candidatures qui figuraient dans son compte EPSO, à la suite de leur transmission dans le cadre de procédures de sélection relatives aux postes d’agent contractuel auprès de l’EPSO et de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

3        Par sa demande, le requérant souhaitait savoir si le traitement de ses données à caractère personnel était toujours en cours, identifier les destinataires auxquels lesdites données avaient été communiquées et obtenir un rapport détaillé indiquant à quel moment et par qui ses données à caractère personnel avaient été consultées.

4        Dans sa réponse du 5 août 2022, l’EPSO a communiqué au requérant des informations concernant, d’une part, l’état du traitement de ses données à caractère personnel par l’EPSO et, d’autre part, des informations relatives aux catégories de destinataires de ses données à caractère personnel ainsi que leur fonction.

5        Le 16 novembre 2022, le requérant a déposé auprès du CEPD une plainte contre l’EPSO dans laquelle il précisait qu’il souhaitait notamment obtenir l’accès aux fichiers journaux de son compte EPSO. Le requérant a également indiqué qu’il ne trouvait pas les informations fournies par l’EPSO « utiles ».

6        Le 16 juin 2023, le CEPD a adopté la décision attaquée, par laquelle il a conclu, premièrement, que les employés de l’EPSO ne pouvaient être considérés comme des destinataires, car ils étaient sous l’autorité du responsable de traitement [point i)] ; deuxièmement, que l’EPSO n’avait pas enfreint le règlement 2018/1725 en fournissant au requérant, dans sa réponse du 5 août 2022, les catégories et fonctions des employés ayant consulté son compte EPSO [point ii)], et, troisièmement, que les fichiers journaux ne contenaient pas les données à caractère personnel du requérant et que, dès lors, il n’était pas autorisé à accéder à ces informations en vertu de l’article 17, paragraphe 1, sous c), du règlement 2018/1725 [point iii)]. Par conséquent, le fait que l’EPSO ne lui a fourni ni les fichiers journaux, y compris l’identité des employés de l’EPSO ayant consulté ses données sous l’autorité de ce dernier et conformément à ses instructions, ni le moment où ils l’ont fait, ne constituerait pas une violation de l’article 17, paragraphe 1, sous c), du règlement 2018/1725.

7        Le 4 juillet 2023, le requérant a soumis une demande de révision de la décision attaquée au sens de l’article 18, paragraphe 1, de la décision du CEPD du 15 mai 2020 portant adoption du règlement intérieur du CEPD (JO 2020, L 204, p. 49), dans laquelle, en faisant référence à l’arrêt du 22 juin 2023, Pankki S (C‑579/21, EU:C:2023:501), il a demandé au CEPD de revoir sa position à l’égard de sa demande d’accès aux données des fichiers journaux concernant son compte EPSO.

8        Le 28 août 2023, en attendant le réexamen susmentionné, le requérant a introduit devant le Tribunal le présent recours.

 Faits postérieurs à l’introduction du recours

9        Le 18 septembre 2023, le CEPD a adopté une décision, notifiée au requérant le 31 octobre 2023 (ci-après la « décision révisée »), par laquelle il a, sur la base de l’arrêt du 22 juin 2023, Pankki S (C‑579/21, EU:C:2023:501), révisé sa position, en ce qui concerne le point iii) de la décision attaquée, en concluant notamment que le requérant avait droit, conformément à l’article 17, paragraphe 1, et à l’article 58, paragraphe 2, sous d), du règlement 2018/1725, de recevoir de l’EPSO les données des fichiers journaux concernant son compte EPSO, ainsi que des précisions sur le moment et la finalité de chaque accès généré par les opérations de consultation de son compte EPSO dans le cadre des quatre procédures de sélection auprès de l’EPSO et de l’EUIPO auxquelles il a participé. Ainsi, le CEPD a ordonné à l’EPSO de communiquer lesdites données au requérant.

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le point iii) de la décision attaquée ;

–        condamner le CEPD à l’indemniser, à hauteur d’un montant à définir par le Tribunal, du préjudice moral et immatériel qu’il a subi en conséquence de la décision attaquée ;

–        condamner le CEPD aux dépens.

11      Dans l’exception d’irrecevabilité, le CEPD conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en annulation comme irrecevable ;

–        rejeter la demande d’indemnisation comme manifestement non fondée ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la demande en annulation

12      En vertu de l’article 130, paragraphes 2 et 7, du règlement de procédure du Tribunal, si une partie le demande, le Tribunal peut constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

13      Le CEPD, dans son exception d’irrecevabilité, fait valoir, en substance, que, du fait de l’adoption de la décision révisée, la demande en annulation est devenue sans objet. Cette conclusion est, en substance, partagée par le requérant dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité.

14      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie que l’objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, points 42 et 43 et jurisprudence citée).

15      La disparition de l’objet du litige peut notamment provenir du retrait ou du remplacement de l’acte attaqué en cours d’instance (ordonnance du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, EU:T:2011:4, point 15).

16      En l’espèce, ainsi que les parties en conviennent, il y a lieu de constater que la demande en annulation est devenue sans objet. En effet, par la décision révisée, le CEPD a procédé à la suppression du point iii) de la décision attaquée et a ordonné à l’EPSO de donner au requérant accès à ses données des fichiers journaux afin qu’il soit en mesure de vérifier la licéité des activités de traitement de l’EPSO conformément à l’arrêt du 22 juin 2023, Pankki S (C‑579/21, EU:C:2023:501).

17      Ainsi, il est constant que le requérant a, par la décision révisée, obtenu le résultat qu’il visait par la présente demande en annulation. Le Tribunal estime donc que la demande en annulation du point iii) de la décision attaquée est désormais dépourvue d’objet et qu’il n’y a plus lieu à statuer sur celle-ci.

 Sur la demande en indemnité

18      Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

19      En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

20      Le requérant prétend avoir subi un préjudice moral du fait que le CEPD l’aurait placé dans un état d’insécurité permanente quant à la manière dont ses données à caractère personnel ont été gérées par la Commission et l’EUIPO. En outre, sa position dans le cadre de tout recours formé contre la Commission et l’EUIPO se trouverait affaiblie, dès lors qu’il ignorerait les données à caractère personnel concernées et qu’aucune information ne lui a été fournie s’agissant de la date et de l’objet des opérations de divulgation et de consultation, qui lui auraient permis de vérifier la légalité des activités de traitement desdites données.

21      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant ajoute qu’il a souffert de plusieurs problèmes de santé au cours des mois précédant l’adoption de la décision révisée et qu’il a dû quitter son travail en octobre 2022 par manque de temps pour faire face au comportement du CEPD à son égard. Partant, il demande au Tribunal de condamner le CEPD à lui payer une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il prétend avoir subi.

22      Le CEPD conteste ces arguments.

23      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses institutions ou de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions présentant un caractère cumulatif, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 65 et jurisprudence citée).

24      Dès lors que l’une des conditions mentionnées au point 22 ci-dessus n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, EU:T:2009:491, point 91).

25      En l’espèce, il convient de constater que, dans ses écritures, le requérant n’a pas établi que les conditions relatives au préjudice et au lien de causalité étaient satisfaites. Ainsi, il n’a fourni aucun élément permettant de déterminer qu’un préjudice avait été effectivement encouru comme il le prétend. Par ailleurs, ni dans la requête ni dans les allégations développées par le requérant au stade des observations sur l’exception d’irrecevabilité, ce dernier n’établit l’existence d’un lien de causalité entre le comportement du CEPD et le préjudice qu’il prétend avoir subi.

26      Il s’ensuit que la demande en indemnité doit être rejetée comme manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

 Sur les dépens

27      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

28      En l’espèce, il convient de relever que la disparition de l’objet de la demande en annulation est la conséquence de l’adoption par le CEPD, après l’introduction du présent recours, de la décision révisée qui a, notamment, ordonné à l’EPSO de donner au requérant accès à ses données des fichiers journaux.

29      Ainsi, le Tribunal estime que, dans les circonstances de l’espèce, il existe des motifs suffisants pour condamner le CEPD à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le requérant dans le cadre de la demande en annulation.

30      En outre, il convient de rappeler que l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé en ses conclusions indemnitaires, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens et ceux exposés par le CEPD relatifs à la demande en indemnité, conformément aux conclusions de ce dernier.

31      Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que le requérant supportera la moitié de ses dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par le CEPD, ce dernier supportant l’autre moitié de ses propres dépens et de ceux exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande en annulation.

2)      La demande en indemnité est rejetée comme manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

3)      WS supportera la moitié de ses propres dépens et de ceux exposés par le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD).

4)      Le CEPD supportera la moitié de ses propres dépens ainsi que de ceux exposés par WS.

Fait à Luxembourg, le 17 juin 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

O. Porchia


*      Langue de procédure : l’anglais.