Language of document : ECLI:EU:T:2022:428

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

6 juillet 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale SPINNING – Marque devenue la désignation usuelle dans le commerce d’un produit ou d’un service pour lequel elle est enregistrée – Article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Public pertinent »

Dans l’affaire T‑246/20,

Aerospinning Master Franchising s. r. o., établie à Prague (République tchèque), représentée par Me K. Labalestra, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka et M. V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Mad Dogg Athletics, Inc., établie à Venice, Californie (États-Unis), représentée par Me J. Steinberg, avocat,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva (rapporteure) et T. Perišin, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu la demande de fixation d’une audience présentée par la requérante dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure,

vu la lettre par laquelle la requérante a renoncé à sa demande de fixation d’une audience et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

vu les questions posées par le Tribunal et les réponses des parties auxdites questions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Aerospinning Master Franchising s. r. o., demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 26 février 2020 (affaire R 369/2019-4), relative à une procédure de déchéance entre elle et l’intervenante, Mad Dogg Athletics, Inc. (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 1er avril 1996, l’intervenante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)]. La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SPINNING.

3        Le 3 avril 2000, la marque demandée a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne pour les produits et les services relevant des classes 9, 28 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Cassettes audio et vidéo » ;

–        classe 28 : « Équipements d’exercice » ;

–        classe 41 : « Entraînement physique ».

4        Le 7 février 2012, la requérante a introduit une demande de déchéance partielle de la marque contestée, conformément à l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001). Cette demande portait sur les produits compris dans la classe 28 et sur les services compris dans la classe 41 et la requérante a produit des éléments de preuve portant principalement sur le caractère distinctif de la marque contestée en République tchèque (point 13 de la décision attaquée).

5        Le 21 juillet 2014, la division d’annulation a accueilli la demande en déchéance et déclaré l’intervenante déchue de ses droits relatifs à la marque contestée dans leur intégralité.

6        Le 12 septembre 2014, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par décision du 21 juillet 2016, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a partiellement annulé la décision de la division d’annulation, dans la mesure où celle-ci visait les produits relevant de la classe 9 alors que ces produits ne faisaient pas l’objet de la demande en déchéance partielle introduite par la requérante. Le recours a été rejeté pour le surplus sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 octobre 2016, l’intervenante a introduit un recours contre la décision du 21 juillet 2016, enregistré sous le numéro T‑718/16.

9        Par arrêt du 8 novembre 2018, Mad Dogg Athletics/EUIPO – Aerospinning Master Franchising (SPINNING) (T‑718/16, EU:T:2018:758), le Tribunal a annulé la décision du 21 juillet 2016 en tant qu’elle concernait les produits relevant de la classe 28 et les services relevant de la classe 41. Plus spécifiquement, le Tribunal a considéré que la chambre de recours avait commis une erreur d’appréciation dans la définition du public pertinent s’agissant du marché des « équipements d’exercice », relevant de la classe 28, en ne tenant pas compte de la perception des clients professionnels intervenant sur ce marché (arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING, T‑718/16, EU:T:2018:758, point 61). Le Tribunal a, dans ce contexte, indiqué, d’une part, que les professionnels, tels que notamment les exploitants de salles de fitness, d’établissements sportifs et de centres de réhabilitation, qui agissaient comme acheteurs des produits relevant de la classe 28, jouaient un rôle central sur les marchés des « équipements d’exercice » et, d’autre part, qu’ils exerçaient une influence déterminante dans le choix, par les utilisateurs finals, des services d’« entraînement physique », relevant de la classe 41 (arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING, T‑718/16, EU:T:2018:758, points 63 et 64). Selon le Tribunal, cette erreur d’appréciation dans la définition du public pertinent viciait l’ensemble de la décision du 21 juillet 2016 et, partant, justifiait son annulation (arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING, T‑718/16, EU:T:2018:758, point 65). Le Tribunal a précisé, toutefois, qu’il y avait lieu de maintenir les effets de la décision du 21 juillet 2016 en ce qu’elle concernait les produits relevant de la classe 9 visés par la marque contestée (arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING, T‑718/16, EU:T:2018:758, point 66).

10      À la suite du prononcé de l’arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758), l’affaire a été renvoyée devant la quatrième chambre de recours sous la référence R 369/2019-4.

11      Par décision du 26 février 2020, la quatrième chambre de recours a annulé la décision de la division d’annulation attaquée devant elle, rejeté la demande en déchéance dans son intégralité et condamné la requérante à supporter les frais exposés aux fins des procédures d’annulation et de recours devant l’EUIPO.

12      Plus spécifiquement, la quatrième chambre de recours a considéré, d’une part, que les éléments de preuve produits par la requérante n’étaient pas suffisants pour établir que la marque SPINNING était devenue, à la date d’introduction de la demande de déchéance en cause, une désignation usuelle en République tchèque pour les produits relevant de la classe 28 et les services relevant de la classe 41 (point 27 de la décision attaquée). D’autre part, et en tout état de cause, les éléments de preuve fournis n’auraient pas été non plus suffisants pour établir que la prétendue perte du caractère distinctif de la marque contestée était due à l’activité ou à l’inactivité de l’intervenante au sens des dispositions applicables en l’espèce (point 59 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

13      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la détermination du règlement applicable rationae temporis

15      Compte tenu de la date d’introduction de la demande de déchéance en cause, en l’occurrence le 7 février 2012, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 6, et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3).

16      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la quatrième chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leur argumentation soulevée au titre de l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

17      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

 Sur le fond

18      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

19      La requérante présente, en outre, des observations s’agissant, premièrement, de l’historique de la création de la marque SPINNING et de sa prétendue bonne foi dans l’utilisation de cette marque, deuxièmement, du fait qu’elle mènerait la procédure de déchéance litigieuse « également dans un but d’intérêt public » et, troisièmement, des conséquences de la déchéance de la marque contestée pour l’intervenante.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

20      Le moyen unique présenté par la requérante se décompose en trois branches.

21      Par la première branche, la requérante fait grief à la quatrième chambre de recours d’avoir erronément délimité le public pertinent en ayant pris en compte la perception des seuls exploitants professionnels de centres de fitness et de centres de réhabilitation en République tchèque et en ayant considéré comme étant non pertinente la perception des utilisateurs et consommateurs finals.

22      Par la deuxième branche, la requérante reproche à la quatrième chambre de recours d’avoir conclu, à tort, dans la décision attaquée, qu’elle n’avait pas démontré l’inactivité du titulaire de la marque contestée au sens de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

23      Enfin, par la troisième branche, la requérante fait grief à la quatrième chambre de recours, en substance, d’avoir commis des erreurs dans le cadre de l’appréciation des preuves qui lui avaient été soumises en vue de démontrer que la marque visée par la demande en déchéance était devenue, dans le commerce, la désignation usuelle d’un produit ou d’un service pour lequel elle était enregistrée.

–       Sur la première branche, relative au public pertinent

24      Selon la requérante, la quatrième chambre de recours aurait procédé à une lecture erronée de l’arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758). En effet, selon la requérante, dans cet arrêt, le Tribunal n’aurait pas reproché à la cinquième chambre de recours d’avoir tenu compte de la manière dont les utilisateurs et consommateurs finals percevaient la marque contestée, mais uniquement de ne pas avoir tenu compte également de la perception des professionnels des secteurs concernés.

25      En invoquant l’arrêt du 29 avril 2004, Björnekulla Fruktindustrier (C‑371/02, EU:C:2004:275), ainsi que l’arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758), la requérante affirme que, certes, sous certaines conditions, selon les caractéristiques du marché concerné, il ne saurait être tiré de conclusion quant à la prétendue transformation d’une marque en nom générique en tenant compte exclusivement de la perception des utilisateurs et consommateurs finals. En revanche, il ne découlerait pas de cette jurisprudence que la perception de ces utilisateurs et consommateurs finals ne devrait pas être prise en considération dans un cas comme celui de l’espèce.

26      Or, en excluant, à tort, du public pertinent les utilisateurs et consommateurs finals, la quatrième chambre de recours aurait non seulement commis une erreur de droit, mais également omis de procéder à l’administration de diverses preuves produites par la requérante. La requérante affirme s’attendre légitimement à ce que le Tribunal annule la décision attaquée, dans la mesure où « [t]oute autre décision serait contraire au principe d’équité, de prévisibilité des décisions et d’égalité des parties ».

27      Par ailleurs, selon la requérante, la quatrième chambre de recours aurait commis une erreur en excluant du public pertinent composé des professionnels, les vendeurs de vélos stationnaires, qui seraient des distributeurs de vélos à destination tant des centres de fitness et de réhabilitation que des particuliers. Il en irait de même des hôtels, des sociétés, des centres communautaires et des clubs de sport. Ces différentes entités feraient partie du public pertinent composé des professionnels et ce serait à tort que la quatrième chambre de recours aurait considéré, au point 47 de la décision attaquée, que, vu qu’aucune de ces entités ne faisait « concurrence sur le marché du fitness », le fait que le titulaire de la marque « [pût] ne pas avoir contrôlé l’usage de la marque en rapport avec ces activités » ne suffisait pas pour établir que l’élément verbal « spinning » avait perdu son caractère distinctif sur le marché pertinent.

28      Enfin, la requérante reproche à la quatrième chambre de recours de ne pas avoir distingué, pour ce qui est de la définition du public pertinent, entre les produits relevant de la classe 28 et les services relevant de la classe 41. Or, les programmes d’entraînement sur vélo stationnaire relevant de la classe 41 seraient achetés par les consommateurs fréquentant les centres de fitness, qui joueraient un rôle déterminant en ce qui concerne la perception de la marque contestée, « même s’il convien[drait] ici aussi, conformément à l’arrêt du [8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758)] de tenir compte de l’avis des professionnels ».

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

30      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si la marque est devenue, par le fait de l’activité ou de l’inactivité de son titulaire, la désignation usuelle dans le commerce d’un produit ou d’un service pour lequel elle est enregistrée.

31      Il ressort de la jurisprudence que l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 vise une situation dans laquelle la marque n’est plus apte à remplir sa fonction d’origine, à savoir identifier le produit ou le service désigné par la marque comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 18 mai 2018, Mendes/EUIPO – Actial Farmaceutica (VSL#3), T‑419/17, EU:T:2018:282, points 22 et 23 et jurisprudence citée].

32      Ainsi, alors que l’article 7 du règlement no 207/2009 énumère des situations dans lesquelles la marque n’est pas susceptible ab initio de remplir sa fonction d’indication d’origine, l’article 51, paragraphe 1, sous b), dudit règlement concerne la situation dans laquelle l’usage de la marque s’est à ce point généralisé que le signe qui la constitue tend à désigner la catégorie, le genre ou la nature des produits ou des services visés par l’enregistrement et non plus les produits ou les services spécifiques provenant d’une entreprise déterminée. La marque, devenue la désignation usuelle d’un produit, a dès lors perdu son caractère distinctif, de sorte qu’elle ne remplit plus cette fonction (voir arrêt du 18 mai 2018, VSL#3, T‑419/17, EU:T:2018:282, point 25 et jurisprudence citée).

33      Le titulaire d’une marque peut alors être déchu des droits qui lui sont conférés par l’article 9 du règlement no 207/2009 pour autant, premièrement, que cette marque est devenue, dans le commerce, une désignation usuelle d’un produit ou d’un service pour lequel elle est enregistrée et, deuxièmement, que cette mutation est due à l’activité ou à l’inactivité dudit titulaire. Il s’agit là de conditions cumulatives (voir arrêt du 18 mai 2018, VSL#3, T‑419/17, EU:T:2018:282, point 26 et jurisprudence citée).

34      Selon la jurisprudence, dans l’hypothèse où des intermédiaires interviennent dans la distribution au consommateur ou à l’utilisateur final d’un produit couvert par une marque enregistrée, les milieux intéressés, dont le point de vue doit être pris en compte pour apprécier si ladite marque est devenue, dans le commerce, la désignation habituelle du produit en cause, sont constitués par l’ensemble des consommateurs ou des utilisateurs finals et, en fonction des caractéristiques du marché du produit concerné, par l’ensemble des professionnels qui interviennent dans la commercialisation de celle-ci (voir arrêt du 18 mai 2018, VSL#3, T‑419/17, EU:T:2018:282, point 31 et jurisprudence citée).

35      En effet, la marque fait partie intégrante d’un processus de communication entre les vendeurs et les acheteurs. Ce processus ne peut avoir le succès voulu et la marque ne pourra assumer la fonction justifiant son existence que si les deux parties à la communication appréhendent la marque comme telle, c’est-à-dire sont conscientes de sa fonction d’indication d’origine. Si l’un des deux groupes voit dans la marque une désignation générique, il y a échec du transfert de l’information communiquée par celle-ci (voir arrêt du 18 mai 2018, VSL#3, T‑419/17, EU:T:2018:282, point 32 et jurisprudence citée).

36      Toutefois, même si l’acheteur ignore qu’il a affaire à une marque, celle-ci peut continuer à exercer sa fonction d’indication d’origine lorsqu’un intermédiaire exerce une influence déterminante sur la décision d’achat de l’acheteur, de telle sorte que sa connaissance de la fonction d’indication d’origine de la marque permet au processus de communication d’aboutir. Tel est le cas lorsque, sur le marché correspondant, il est d’usage que l’intermédiaire donne des conseils déterminant la décision d’achat, voire prenne cette décision en lieu et place du consommateur (arrêt du 18 mai 2018, VSL#3, T‑419/17, EU:T:2018:282, point 33 ; voir également, par analogie, conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Backaldrin Österreich The Kornspitz Company, C‑409/12, EU:C:2013:563, point 59).

37      Ainsi, si les milieux intéressés comprennent avant tout les consommateurs et utilisateurs finals, les intermédiaires jouant un rôle dans l’appréciation du caractère usuel de la marque doivent également être pris en compte (voir arrêt du 18 mai 2018, VSL#3, T‑419/17, EU:T:2018:282, point 34 et jurisprudence citée).

38      Il découle de la jurisprudence citée aux points 34 à 37 ci-dessus que le milieu intéressé dont le point de vue doit être pris en compte pour apprécier si la marque contestée est devenue, dans le commerce, la désignation usuelle du produit commercialisé sous couvert de cette marque, doit être défini eu égard aux caractéristiques du marché dudit produit (arrêt du 18 mai 2018, VSL#3, T‑419/17, EU:T:2018:282, point 35).

39      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que la requérante prétend que la marque contestée est devenue l’appellation usuelle d’une activité sportive spécifique. Dans le cadre de la présente procédure, le Tribunal a déjà constaté que cette activité sportive se pratiquait sur des vélos d’intérieur, en groupe, généralement dans des salles de sport et de fitness et sous la direction d’un entraîneur sportif. Ce sont, d’ailleurs, en règle générale, des exploitants professionnels de salles de fitness, d’établissements sportifs et de centres de réhabilitation qui achètent les vélos d’intérieur utilisés pour la pratique de l’activité sportive en cause. Ainsi, il a été considéré que les clients professionnels, tels que notamment les exploitants de salles de fitness, d’établissements sportifs et de centres de réhabilitation, jouent un rôle central sur les marchés des « équipements d’exercice » et qu’ils exercent une influence déterminante dans le choix par les utilisateurs finals des services d’« entraînement physique ». Par leur connaissance de la fonction d’indication d’origine de la marque contestée, lesdits exploitants permettent ainsi la réalisation du processus de communication entre les prestataires de ces services et les utilisateurs finals (arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING, T‑718/16, EU:T:2018:758, points 58, 59, 63 et 64).

40      La quatrième chambre de recours a considéré que, au vu de ce qui avait été jugé concernant le public pertinent par l’arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758), il lui restait encore à apprécier si la marque contestée était, le jour de l’introduction de la demande en déchéance, perçue comme une désignation usuelle par le public professionnel tel qu’il avait été défini par le Tribunal (point 31 de la décision attaquée).

41      Avant de procéder à cette appréciation, la quatrième chambre de recours a classé les éléments de preuve fournis par la requérante en huit catégories de la façon suivante :

–        1) des articles de journaux et de magazines mentionnant le « spinning » comme un type d’activité sportive et l’analyse correspondante de NEWTON MEDIA pour la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 ;

–        2) des impressions de sites Internet de boutiques en ligne tchèques d’équipements de sport, sur lesquels le terme « spinning » était utilisé en rapport avec des vélos stationnaires ;

–        3) des impressions de sites Internet de centres de fitness, de centres de bien-être et d’hôtels, sur lesquels le terme « spinning » apparaît en lien avec des activités sportives ;

–        4) une étude de marché de FOCUS sur la notion de « spinning » et sa perception (Concept of Spinning and its Perception) de janvier 2010 ;

–        5) des entrées lexicales pour le terme « spinning » dans des dictionnaires anglais et tchèques et l’usage du mot dans des brevets pour des vélos stationnaires ;

–        6) des impressions de répertoires en ligne dans lesquels le « spinning » fait partie de sous-catégories conjointement avec des mots tels que « fitness, aérobic, yoga, sauna » ainsi que des impressions de registres de commerce concernant des licences commerciales accordées pour la « fourniture de services d’éducation physique et de sport dans le cadre d’un centre de fitness et de spinning » ;

–        7) des listes de dénominations sociales, de domaines Internet, de marques enregistrées tchèques ainsi que des listes de produits et services désignés par des marques enregistrées contenant le mot « spinning » ;

–        8) l’usage du mot « spinning » en tant que référence à une activité sportive sur des forums et blogues sur l’internet (point 32 de la décision attaquée).

42      La chambre de recours a cependant d’emblée écarté de son appréciation les éléments classés sous les catégories 5 à 8 mentionnées au point 41 ci-dessus au motif que ces éléments ne permettaient pas « de tirer la moindre conclusion quant à la question de savoir comment le mot “spinning” [était] perçu par le public pertinent composé des exploitants professionnels de centres de fitness et de réhabilitation » (point 33 de la décision attaquée).

43      Il ressort, toutefois, de la lecture des passages y afférents de la décision attaquée que, en réalité, parmi les quatre catégories mentionnées au point 42 ci-dessus, seule la catégorie d’éléments de preuve visant à démontrer que l’élément verbal « spinning » apparaît comme une catégorie dans les répertoires en ligne semble avoir été écartée par la quatrième chambre de recours exclusivement en raison du fait que ces éléments n’étaient pas susceptibles de démontrer la perception de la marque contestée par le public professionnel (point 36 de la décision attaquée). En effet, il ressort de la décision attaquée que la quatrième chambre de recours a écarté les trois autres catégories d’éléments de preuve en question parce qu’ils n’étaient pas pertinents pour démontrer la perception de cette marque par le grand public (points 34, 35, 38 et 39 de la décision attaquée).

44      Il n’en reste pas moins que l’ensemble de l’analyse exposée dans la décision attaquée est plutôt concentré sur la perception de la marque contestée par le public professionnel. Cela ressort de l’appréciation par la quatrième chambre de recours des éléments de preuve relevant des catégories 1 à 4 mentionnées au point 41 ci-dessus et, plus spécifiquement, premièrement, de la partie de la décision attaquée consacrée aux « articles et analyse des médias », dont la plupart a été considérée par la quatrième chambre de recours comme s’adressant « plutôt au grand public qu’au public de professionnels » (point 41 de la décision attaquée) et qui, en général, ne sauraient suffire « pour établir un usage générique par le grand public, et moins encore par le public professionnel » (point 43 de la décision attaquée). Deuxièmement, les éléments relatifs aux « boutiques en ligne d’équipements de sport » ont également été écartés par la quatrième chambre de recours dans la mesure où ils auraient trait uniquement à la perception du consommateur final (point 44 de la décision attaquée). Troisièmement, les éléments censés porter sur les centres de fitness ont été considérés par la quatrième chambre de recours comme n’étant pas suffisants « pour établir que les exploitants professionnels de toute la République tchèque ne connaiss[ai]ent plus SPINNING comme étant la marque de la [requérante], mais la connaiss[aient] seulement comme un nom générique » (point 45 de la décision attaquée). Quatrièmement, s’agissant de l’étude de marché sur la « notion de spinning et sa perception », la quatrième chambre de recours a considéré qu’elle n’avait pas de valeur probante au regard de la perception du public professionnel, « car elle examin[ait] clairement la seule perception des consommateurs finals » (point 48 de la décision attaquée).

45      La requérante invoquait, par ailleurs, devant l’EUIPO, une décision rendue par l’Úřad průmyslového vlastnictví (Office de la propriété industrielle, République tchèque) le 4 novembre 2014 par laquelle ce dernier a rejeté la demande d’enregistrement de la marque SPINNING déposée par l’intervenante (point 53 de la décision attaquée). Après avoir relevé que la décision susmentionnée était en partie fondée sur des éléments se référant à une période antérieure à l’adhésion de la République tchèque à l’Union (point 54 de la décision attaquée), la quatrième chambre de recours a considéré que, du reste, cette décision était fondée « essentiellement sur les mêmes éléments de preuve que ceux produits en l’espèce, qui [n’étaie]nt pas concluants pour la perception du public de professionnels » (point 55 de la décision attaquée).

46      C’est, enfin, en substance, pour les mêmes raisons que la quatrième chambre de recours a considéré que la décision de l’examinateur de l’EUIPO de rejeter la demande d’enregistrement de la marque verbale SPIN-BIKE n’était pas pertinente en l’espèce (point 57 de la décision attaquée).

47      Il s’ensuit que la question posée dans la présente affaire est celle de savoir si, dans un cas comme celui de l’espèce, étant donné les caractéristiques du marché concerné et eu égard aux conclusions qu’il convient de tirer de l’arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758) (voir point 39 ci-dessus), la quatrième chambre de recours a pu, à bon droit, rejeter la demande de déchéance litigieuse en tenant compte principalement de la perception de la marque contestée par la partie du public pertinent composé de professionnels, et notamment d’exploitants de salles de fitness, d’établissements sportifs et de centres de réhabilitation.

48      Au vu de la jurisprudence citée aux points 36 et 37 ci-dessus, il y a lieu de répondre à cette question par l’affirmative.

49      En effet, le Tribunal a conclu, aux points 63 et 64 de l’arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758), que le public composé des professionnels du marché pertinent, tels que notamment les exploitants de salles de fitness, d’établissements sportifs et de centres de réhabilitation, jouaient un rôle central dans le marché des produits relevant de la classe 28 et exerçaient une influence déterminante dans les choix des consommateurs finals, en ce qui concernait les services relevant de la classe 41. Il convient dès lors de considérer que la quatrième chambre de recours a, à juste titre, en l’espèce, dans le cadre de son appréciation, tenu principalement compte de la perception de la marque contestée par les professionnels faisant partie du public pertinent qui exerçaient une influence déterminante sur la décision d’achat des consommateurs finals, au sens de la jurisprudence citée au point 36 ci-dessus.

50      En tout état de cause et contrairement à ce que prétend la requérante (voir point 26 ci-dessus), la quatrième chambre de recours n’a pas exclu totalement de son appréciation les consommateurs finals.

51      À cet égard, force est de constater que la quatrième chambre de recours a, même si ce n’est qu’en partie, apprécié les éléments de preuve en ce que ceux-ci étaient censés démontrer que le grand public percevait la marque contestée comme un nom générique. En effet, d’une part, ainsi qu’il a été indiqué au point 43 ci-dessus, les éléments classés sous les quatre catégories qu’elle a écartés d’emblée de son appréciation l’ont été, dans leur majorité, du fait qu’ils ne permettraient de démontrer la perception de la marque contestée ni par le public professionnel ni par le grand public. D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 44 ci-dessus, la quatrième chambre de recours a examiné les éléments de preuve classés sous la catégorie « articles et analyse des médias » non seulement par rapport à la perception du public composé de professionnels du secteur, mais également à travers le prisme de la perception du consommateur final.

52      Par ailleurs, la quatrième chambre de recours a considéré que l’étude de marché fournie par la requérante ne permettait pas de conclure que le terme « spinning » était perçu comme un nom générique par le grand public tchèque au vu, notamment, du nombre des personnes interrogées (point 49 de la décision attaquée), mais également eu égard au système de licences appliqué par l’intervenante « qui consist[ait] à proposer des cours de “spinning” par l’intermédiaire de centres de fitness agréés et non dispensés par elle-même en tant qu’entreprise unique » (point 50 de la décision attaquée).

53      Partant, même à considérer, à l’instar de la requérante, que la quatrième chambre de recours ne pouvait pas, en l’espèce, à bon droit, fonder son appréciation exclusivement sur la perception de la marque contestée par le seul public composé des professionnels du secteur, il y a lieu de constater qu’elle a, en tout état de cause, à tout le moins en partie, tenu compte, dans le cadre de son analyse, de la perception de la marque contestée par le grand public. Il doit, ainsi, être considéré que la quatrième chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit s’agissant de la définition, en l’espèce, du public pertinent.

54      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments avancés par la requérante à cet égard.

55      Ainsi, d’une part, est vouée au rejet l’argumentation présentée par la requérante concernant l’absence de prise en compte, dans le cadre de l’appréciation effectuée par la chambre de recours, premièrement, des vendeurs de vélos stationnaires qui auraient une clientèle composée tant de centres de fitness que de particuliers et, deuxièmement, des entités telles que les hôtels, les centres communautaires et les clubs de sport qui seraient susceptibles de mettre à disposition de leurs clients des vélos stationnaires (voir point 27 ci-dessus).

56      En effet, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, par son arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758, points 63 et 64), le Tribunal a considéré que le public pertinent professionnel se composait, en l’espèce, essentiellement des « exploitants de salles de fitness, d’établissements sportifs et de centres de réhabilitation », à savoir des catégories de professionnels dont la perception avait été prise en compte par la quatrième chambre de recours.

57      À cet égard, il convient de relever que, pour autant que la requérante se réfère ici aux exploitants de clubs de sport, ceux-ci relèvent des catégories plus large que sont les « exploitants de salles de fitness » et les « exploitants d’établissements sportifs », qui ont bien été pris en compte par la quatrième chambre de recours. Il convient également de relever que la quatrième chambre de recours a expressément tenu compte des hôtels et des centres communautaires susceptibles de mettre à disposition de leurs clients des vélos stationnaires, dans le cadre de l’appréciation des éléments de preuves produits par la requérante, relatifs à la perception de la marque contestée par les exploitants professionnels de centres de fitness (points 45 et 47 de la décision attaquée).

58      Par ailleurs, s’agissant des vendeurs de vélos stationnaires qui auraient une clientèle composée tant de centres de fitness que de particuliers, force est de constater que la quatrième chambre de recours a relevé à juste titre que les utilisateurs finaux achetaient peu les vélos stationnaires chers destinés à être utilisés dans des centres de fitness et qu’il était très peu probable que des exploitants professionnels achètent des vélos stationnaires destinés à être utilisés chez soi, car ils auraient pu ne pas remplir les exigences d’un centre de fitness sur le plan de la durabilité, de la robustesse et de la sécurité. C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la quatrième chambre de recours a considéré que la prise en compte de la perception des vendeurs de vélo n’était pas de nature à contribuer à l’appréciation de la perception de la marque par le public de professionnels pertinent (point 44 de la décision attaquée).

59      D’autre part, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la quatrième chambre de recours n’aurait pas distingué, pour ce qui est de la définition du public pertinent, entre les produits relevant de la classe 28 et les services relevant de la classe 41 (voir point 28 ci-dessus), il ne saurait être ignoré que l’arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758), ne permet pas de faire de distinction à cet égard. En effet, ainsi qu’il a été indiqué au point 49 ci-dessus, le Tribunal y a considéré que les professionnels du secteur concerné jouaient un rôle central dans le marché des produits relevant de la classe 28 et exerçaient une influence déterminante dans les choix des consommateurs finals, en ce qui concernait les services relevant de la classe 41. Partant, l’argumentation y afférente présentée par la requérante doit être écartée.

60      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter la première branche du moyen unique comme non fondée.

61      Ainsi qu’il a été indiqué au point 23 ci-dessus, dans le cadre de la troisième branche de son moyen unique, la requérante présente une série d’arguments qui visent, en substance, à remettre en cause la partie de la décision attaquée consacrée à l’examen de la première des deux conditions cumulatives posées par l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et mentionnées au point 33 ci-dessus, à savoir que la marque visée par la demande en déchéance est devenue, dans le commerce, une désignation usuelle d’un produit ou d’un service pour lequel elle est enregistrée.

62      Dans ces conditions, le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord la troisième branche du moyen unique, concernant le caractère prétendument générique de la marque contestée, avant, le cas échant, d’examiner le bien-fondé de la deuxième branche dudit moyen, relative à la prétendue inactivité du titulaire de ladite marque.

–       Sur la troisième branche, concernant le caractère prétendument générique de la marque contestée

63      Premièrement, la requérante reproche à l’EUIPO « un revirement absolu de position », « aucunement motivé dans la décision attaquée, et encore moins de manière plausible », dans la mesure où il n’y est, notamment, pas expliqué pourquoi l’appréciation des preuves effectuée par les instances saisies auparavant de l’affaire était incorrecte. Ainsi, l’EUIPO aurait violé le droit de la requérante « à un procès équitable » ainsi que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La requérante invoque, en outre, le principe de prévisibilité des décisions et de sécurité juridique et affirme que, sur le fondement des mêmes preuves et en maintenant la même appréciation de celles-ci, l’EUIPO aurait dû parvenir à la conclusion que tant le grand public que les professionnels percevaient la marque contestée en tant que terme générique sur le territoire pertinent.

64      Deuxièmement, la requérante conteste le point 45 de la décision attaquée, selon lequel « il ressort clairement des éléments de preuve produits par [l’intervenante] et non contestés par la [requérante] que le programme d’entraînement commercialisé sous [couvert de] la marque contestée est proposé par [l]es titulaires de licence [sur celle-ci] sur des vélos pour “spinning” et par des instructeurs de “spinning” certifiés par [l’intervenante] ». La requérante allègue qu’elle conteste ces faits depuis le début de la procédure en soulignant que, au contraire, une activité intitulée de manière générale “spinning” était proposée et fournie sur des vélos de marques diverses par un large cercle d’entités, comprenant tant les titulaires officiels d’une licence que des entités tierces tout au long de ladite procédure. Elle invoque à cet égard les éléments de preuve nos132 à 166 qu’elle a produits devant la division d’annulation de l’EUIPO le 8 février 2012.

65      La requérante reproche, troisièmement, à l’EUIPO de ne pas avoir tenu compte de l’élément de preuve no 435, qu’elle aurait fourni lors de la procédure précontentieuse, et qui comporterait 60 autorisations professionnelles relatives à l’exercice de l’activité intitulée « Fourniture de services d’éducation physique et de sport dans le domaine du spinning » délivrées à différentes entités par l’État tchèque.

66      La requérante invoque, enfin, quatrièmement, l’élément de preuve no 414A qu’elle a fourni à l’EUIPO avec ses observations du 21 janvier 2013 et qui démontrerait qu’il y aurait, en République tchèque, des universités, notamment l’université Masaryk de Brno, qui accorderaient des certificats dans le cadre d’un programme intitulé « Instructeur de fitness – spécialisation spinning ».

67      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

68      Premièrement, la requérante soutient que la quatrième chambre de recours aurait, à tort, sur le fondement des mêmes éléments de preuve que ceux examinés par la cinquième chambre de recours, et sans explication à cet égard, abouti à une conclusion totalement opposée à celle de la cinquième chambre de recours dans sa décision du 21 juillet 2016, en considérant que la marque contestée n’aurait pas été perçue par le public pertinent comme un terme générique pour les services et produits pour lesquels elle était enregistrée.

69      À cet égard, il suffit de relever que, à la suite de l’annulation intégrale de la décision de la cinquième chambre de recours par l’arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758), et sa subséquente élimination rétroactive de l’ordre juridique [voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2011, Safariland/OHMI – DEF-TEC Defense Technology (FIRST DEFENSE AEROSOL PEPPER PROJECTOR), T‑262/09, EU:T:2011:171, point 40 et jurisprudence citée], le recours formé par l’intervenante à l’encontre de la décision de la division d’annulation du 21 juillet 2014 est redevenu pendant. Afin de se conformer à son obligation, découlant de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING (T‑718/16, EU:T:2018:758), la quatrième chambre de recours était, dès lors, tenue de procéder à l’examen de l’ensemble des conditions prévues par l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et n’était, à cet égard, nullement liée par les considérations ou les conclusions formulées par la cinquième chambre de recours dans sa décision du 21 juillet 2016 ou encore par celles formulées par la division d’annulation, dont la décision qu’elle était chargée de contrôler à la lumière des arguments et des éléments de preuve présentés devant elle. Force est, à cet égard, de constater que la quatrième chambre de recours a effectué ce contrôle et a motivé ses conclusions.

70      Par ailleurs, ainsi que l’indique l’EUIPO dans ses écritures devant le Tribunal, aucune disposition du règlement 2017/1001 n’exige que, à la suite de la reprise de la procédure devant l’EUIPO subséquente à une annulation de la décision des chambres de recours par le Tribunal, la requérante soit à nouveau invitée à présenter ses observations sur des points de droit et de fait sur lesquels elle avait déjà eu tout loisir de s’exprimer dans le cadre de la procédure écrite antérieurement menée, le dossier étant à cet égard repris en l’état par la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 3 février 2017, Kessel medintim/EUIPO – Janssen-Cilag (Premeno), T‑509/15, non publié, EU:T:2017:60, point 26 et jurisprudence citée]. Partant, il convient de rejeter l’ensemble des arguments présentés par la requérante et exposés au point 63 ci-dessus.

71      Deuxièmement, s’agissant des arguments de la requérante visant à contester le point 45 de la décision attaquée (voir point 64 ci-dessus), il y a lieu, tout d’abord, de relever que, ainsi que la requérante l’a elle-même confirmé dans sa réponse aux questions du Tribunal du 6 décembre 2021, les éléments nos132 à 166, auxquels elle a fait référence dans ses observations soumises à l’EUIPO le 21 janvier 2013, concerneraient uniquement des centres agréés par l’intervenante et non pas d’autres entités. Or, même à admettre que les éléments auxquels se réfère la requérante soient susceptibles de démontrer ses allégations, force est de constater qu’ils ne permettraient pas de remettre en cause le contenu du point 45 de la décision attaquée. En effet, la quatrième chambre de recours n’a pas exclu que certains centres agréés par l’intervenante puissent utiliser la marque de manière générique ou même violer les termes de leur licence. Au contraire, elle a affirmé au point 47 de la décision attaquée que, « lorsqu’un accord [était] conclu, les parties p[ouvai]ent compter sur le respect des conditions de cet accord » et qu’« [a]ucune partie n’[était] obligée de prendre, dès le début, des mesures contre la potentielle violation de cet accord ».

72      En tout état de cause, d’une part, la réponse à la question de savoir quel serait le nombre des entités qui utiliseraient la marque contestée en violation des termes de leur licence ne ressort ni du dossier fourni au Tribunal ni des arguments présentés par la requérante, et encore moins la constatation que ce nombre serait déterminant dans le cadre de la présente appréciation. D’autre part, force est de constater que, par ses arguments présentés devant le Tribunal, la requérante ne semble pas remettre en cause l’existence même du régime de licences mis en place par l’intervenante, même si elle conteste le nombre des centres et instructeurs certifiés par l’intervenante ou bien affirme ignorer le contenu exact des accords de licence conclus sous ledit régime.

73      Troisièmement, s’agissant de l’élément de preuve no 435 (voir point 65 ci-dessus), il ressort des observations soumises par la requérante à l’EUIPO le 12 novembre 2013 que celui-ci comporterait une liste de 66 instructeurs disposant d’une autorisation professionnelle telle que celle décrite par la requérante, dont seulement trois seraient également certifiés par l’intervenante. Toutefois, il importe de relever qu’il est impossible de savoir à partir de ces affirmations à quel point le nombre d’instructeurs disposant de cette autorisation professionnelle est important par rapport au nombre total d’instructeurs de sport en République tchèque afin d’évaluer si cette information est pertinente dans le cadre du présent litige.

74      Enfin, pour ce qui est de l’élément de preuve no 414A invoqué par la requérante (voir point 66 ci-dessus), il convient de relever que, dans le cadre de ses observations soumises à l’EUIPO le 15 avril 2014, l’intervenante allègue que le programme universitaire en question comportait des cours proposés par des instructeurs certifiés par elle, ce qui serait établi à l’appui de divers documents et notamment de la documentation que les participants au programme auraient reçue. Toutefois, force est de constater que la requérante n’allègue pas avoir contesté ces éléments de preuve devant l’EUIPO et n’apporte aucun autre élément de preuve susceptible de les remettre en cause devant le Tribunal.

75      Dès lors, il y a lieu de relever que c’est à bon droit que la quatrième chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas rapporté la preuve que, à la date d’introduction de la demande en déchéance, la marque contestée était devenue, dans le commerce, sur le territoire de la République tchèque, la désignation usuelle d’un produit de la classe 28 ou d’un service de la classe 41 pour lesquels elle est enregistrée.

76      Il convient donc de rejeter la troisième branche du moyen unique comme non fondée.

77      Eu égard à la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus, dans la mesure où l’une des conditions cumulatives pour l’application de l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 n’est pas remplie, il y a lieu de rejeter le moyen unique présenté par la requérante sans examiner le bien-fondé de la deuxième branche dudit moyen, dans laquelle la requérante soutient que c’est à tort que la quatrième chambre de recours a considéré qu’elle n’avait pas démontré que la prétendue mutation de la marque contestée en désignation usuelle dans le commerce des produits et des services pour lesquels elle était enregistrée était due à l’activité ou l’inactivité de l’intervenante.

 Sur les autres observations présentées par la requérante

78      La requérante affirme, tout d’abord, qu’elle aurait réfuté, devant les instances de l’EUIPO, les preuves produites par l’intervenante aux fins d’établir que cette dernière « avait “inventé” le vélo stationnaire et l’indoor cycling et “créé” le mot “spinning” ». La requérante aurait démontré que le terme « spinning » était utilisé en lien avec la pratique du vélo dès le 19e siècle et que, plus spécifiquement, l’activité sportive collective pratiquée sur des vélos stationnaires sous la conduite d’un entraîneur et avec une musique de fond préexistait aux droits du titulaire de la marque contestée. L’élément verbal « spinning » ne posséderait, d’ailleurs, pas de caractère distinctif élevé, car « [il] décri[rai]t le principal mouvement d’exercice que le sportif effectue sur le vélo stationnaire ». La requérante invoque, à cet égard, des extraits de la décision de la cinquième chambre de recours qui iraient en ce sens. Elle considère, d’ailleurs, que l’étendue de l’activité souhaitable de la part du titulaire de la marque contestée doit, dans un cadre comme celui de l’espèce, être directement proportionnelle au caractère descriptif de celle-ci.

79      Or, du fait de l’intérêt réduit que présenterait, pour l’intervenante, le marché tchèque, l’élément verbal « spinning » aurait été utilisé de bonne foi de manière générique sur le territoire pertinent à partir, au moins, de 2007 par la requérante, titulaire depuis 2010 d’une marque de l’Union européenne figurative comportant l’élément verbal « aerospinning » et sérieusement investie dans le marché tchèque, mais aussi par le grand public et les professionnels.

80      La requérante souligne que, une fois aboutie, la procédure litigieuse de déchéance ne lui permettra pas d’obtenir un droit exclusif sur l’usage de la marque contestée. Or, cette procédure serait menée dans un but d’intérêt public depuis près de dix ans, financée par ses propres ressources. Au vu du rôle qu’elle aurait endossé, il serait injuste que « les autorités publiques [la mettent face à des] exigences non appropriées et impossibles à respecter ».

81      Enfin, la requérante relève que la déchéance de la marque contestée ne porterait pas excessivement atteinte à l’intervenante, car, si sa demande en déchéance était accueillie, l’intervenante pourrait demander, sur le fondement de l’article 139 du règlement 2017/1001, la transformation de la marque contestée en marques nationales.

82      L’EUIPO soutient que les observations de la requérante sont dénuées de pertinence pour la solution du présent litige. L’intervenante ajoute que ces observations sont, en outre, inexactes.

83      À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il a été rappelé au point 33 ci-dessus, l’article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 prévoit, pour son application, deux conditions cumulatives, à savoir, premièrement, que la marque contestée soit devenue, dans le commerce, la désignation usuelle d’un produit ou d’un service pour lequel elle est enregistrée et, deuxièmement, que cette mutation soit due à l’activité ou à l’inactivité de son titulaire.

84      Or, les arguments de la requérante relatifs au caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée, à l’éventuelle bonne foi du demandeur en déchéance, à l’objectif de sa démarche, à l’intérêt que présenterait pour le titulaire de la marque contestée le marché pertinent ou bien les conséquences qu’impliquerait pour lui une éventuelle déchéance, portent sur des facteurs qui ne font partie de ceux qui doivent être pris en compte dans le cadre de l’appréciation d’une demande en déchéance telle que la demande litigieuse. Par ailleurs, ainsi que le souligne à juste titre l’EUIPO, la quatrième chambre de recours n’a pas tenu compte de tels éléments. Il convient, dès lors, de constater, à l’instar de l’intervenante, que les observations de la requérante exposées ci-dessus ne sauraient utilement remettre en cause le contenu et les conclusions de la décision de la quatrième chambre de recours.

85      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

87      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de l’EUIPO et de l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Aerospinning Master Franchising s. r. o. est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.