Language of document : ECLI:EU:T:2022:458

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

13 juillet 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative The Standard – Déclaration de déchéance – Lieu de l’usage de la marque – Publicités et offres à la vente destinées aux consommateurs de l’Union – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑768/20,

Standard International Management LLC, établie à New York, New York (États-Unis), représentée par M. M. Edenborough, QC, Mme S. Wickenden, barrister, et Me M. Maier, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Asia Standard Management Services Ltd, établie à Hong Kong (Chine),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et T. Perišin (rapporteure), juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la phase écrite de procédure,

à la suite de l’audience du 17 novembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Standard International Management LLC, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 novembre 2020 (affaire R 828/2020-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 16 juin 2009, Hotelsab LLC, prédécesseur en droit de la requérante, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété Intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif reproduit ci-après :

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4        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18, 25, 38, 39, 41, 43 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Articles en cuir, en particulier accessoires de bureau en cuir, porte-CD en cuir, serre-livres, portefeuilles, sacs à main, sacs à dos, bagages, trousses de maquillage et boîtes à bijoux » ;

–        classe 25 : « Vêtements, en particulier tee-shirts, sous-vêtements pour hommes et dames, chapellerie, vestes, sweat-shirts, peignoirs, chaussures, maillots de bain, vêtements de sport et jeans » ;

–        classe 38 : « Fourniture d’infrastructures informatiques/en ligne d’accès à l’Internet » ;

–        classe 39 : « Services de garage de voitures » ;

–        classe 41 : « Fourniture d’infrastructures de réunions/conventions à des fins éducatives » ;

–        classe 43 : « Services d’hôtels, restaurants, bars, cafés, bars-salons ; salles de banquet et de réception, utilisées pour des occasions spéciales ; services de traiteur ; services de valets de chambre ; fourniture d’infrastructures de réunions/conventions à d’autres fins » ;

–        classe 44 : « Services de salons de coiffure pour hommes/beauté ».

5        La demande d’enregistrement a été publiée le 31 mars 2011 au Bulletin des marques de l’Union européenne no 63/2011. La marque a été enregistrée en tant que marque de l’Union européenne le 8 juillet 2011, pour l’ensemble des produits et services mentionnés ci-dessus.

6        Le 10 octobre 2018, Asia Standard Management Services Ltd a déposé une demande en déchéance de la marque enregistrée pour tous les produits et les services susmentionnés. Les motifs de la demande en déchéance étaient ceux visés à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

7        Par décision du 2 mars 2020, la division d’annulation a prononcé la déchéance de la marque contestée dans son intégralité à compter du 10 octobre 2018.

8        Le 4 mai 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision attaquée, la cinquième chambre de recours a rejeté le recours.

10      En premier lieu, s’agissant du lieu de l’usage de la marque contestée, la chambre de recours a fait observer qu’un nombre considérable d’éléments de preuve concernait les services hôteliers et les services auxiliaires de la requérante fournis aux États-Unis. Parmi ceux-ci, la chambre de recours a relevé divers documents faisant état de publicités, de promotions à destination de la clientèle située dans l’Union, de réservations effectuées directement par des clients et par l’intermédiaire d’agences de voyage situés dans l’Union, de factures à l’attention de clients résidant dans l’Union, d’un portail de réservation accessible aux clients de l’Union par l’intermédiaire du site Internet de la requérante, de chiffres issus du logiciel d’analyse Google Analytics concernant la fréquentation dudit site Internet de la requérante, ainsi que des impressions d’un tel site faisant état de divers services hôteliers et équipements proposés et utilisés par la clientèle, notamment de l’Union, ou encore des articles consacrés à des récompenses et à des prix reçus. La chambre de recours a, à cet égard, considéré que de tels éléments de preuve étaient insuffisants pour conclure que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage dans l’Union, étant donné que les services hôteliers et auxiliaires en cause étaient fournis en dehors du territoire pertinent de l’Union. Elle a considéré que la nationalité ou la provenance géographique des clients était, à cet égard, dépourvue de pertinence ainsi que le fait que des publicités ou des offres de service aient été destinées aux consommateurs de l’Union.

11      En deuxième lieu, s’agissant de l’importance de l’usage, pour les mêmes motifs, la chambre de recours a exclu toutes les preuves ayant trait aux services hôteliers et auxiliaires de la requérante fournis aux États-Unis.

12      Par conséquent, en troisième lieu, dans le cadre de l’appréciation globale des éléments de preuve produits afin d’établir l’usage sérieux de la marque contestée, la chambre de recours a conclu que celui-ci n’avait été prouvé sur le territoire pertinent et au cours de la période pertinente pour aucun des produits ou services pour lesquels la marque avait été enregistrée. Particulièrement, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve pertinents étaient insuffisants, compte tenu du lieu de prestation des services hôteliers et auxiliaires, qui était en dehors du territoire pertinent de l’Union, et ce indépendamment du fait que la requérante ait destiné aux consommateurs de l’Union des publicités et des offres à la vente desdits services.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens exposés devant le Tribunal ainsi qu’à ceux exposés « lors de la phase précédente ».

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la portée du recours

15      Par son premier chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal, sans autre précision, d’annuler la décision attaquée.

16      Cependant, la requérante indique dans sa requête qu’elle conteste la décision attaquée uniquement en ce que celle-ci confirme la déchéance de la marque contestée pour les services hôteliers et auxiliaires, à savoir les services correspondants aux classes 38, 39, 41, 43 et 44.

17      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la décision attaquée n’est pas contestée en ce qui concerne les produits relevant des classes 18 et 25.

18      Partant, les conclusions en annulation que formule la requérante dans son recours doivent être lues comme étant dirigées contre la décision attaquée pour autant que cette décision vise les services correspondants aux classes 38, 39, 41, 43 et 44.

  Sur le fond

19      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 18 du même règlement.

20      Par son moyen unique, la requérante soutient que la chambre de recours a commis quatre erreurs. Le Tribunal estime que ledit moyen s’articule, en substance, autour de deux branches par lesquelles la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir, d’une part, erronément apprécié les éléments de preuve concernant la publicité et l’offre à la vente, auprès du public pertinent, de ses services hôteliers et auxiliaires proposés aux États-Unis et, d’autre part, conclu à tort que les éléments de preuve relatifs à l’ouverture future d’un nouvel hôtel situé à Londres (Royaume-Uni) ne permettaient pas d’établir l’usage sérieux de la marque contestée.

21      La première branche du moyen unique peut être divisée en deux griefs. D’une part, la requérante estime, en substance, que la chambre de recours a conclu à tort que les publicités et les offres à la vente, destinées aux consommateurs de l’Union, des services hôteliers et auxiliaires aux États-Unis ne constituaient pas des éléments de preuve pertinents afin de démontrer, en particulier, que l’usage de la marque contestée s’est produit sur le territoire pertinent de l’Union et de façon suffisamment importante. D’autre part, la requérante estime que de telles preuves de l’usage suffisent à elles seules à établir l’usage sérieux de la marque contestée.

22      Par son premier grief, la requérante allègue que la chambre de recours a commis une erreur en excluant les éléments de preuve de l’usage de la marque contestée faisant état de publicités et d’offres à la vente destinées aux consommateurs de l’Union et en considérant que l’usage avait eu lieu en dehors du territoire de l’Union.

23      En particulier, la requérante avance que, afin d’établir que les actes publicitaires et d’offre à la vente de ses services ont lieu dans l’Union, il convient d’identifier si de tels actes d’usage d’une marque sont destinés aux consommateurs de l’Union. À cette fin, la solution retenue par la Cour dans les arrêts du 7 décembre 2010, Pammer et Hotel Alpenhof (C‑585/08 et C‑144/09, EU:C:2010:740), du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C‑324/09, EU:C:2011:474), et du 5 septembre 2019, AMS Neve e.a. (C‑172/18, EU:C:2019:674), s’appliquerait par analogie. La requérante déduit de son application que la preuve de l’usage d’une marque par un site Internet qui, quand bien même serait-il accessible internationalement, est destiné aux consommateurs de l’Union, constitue un usage d’une marque au sein de ce territoire.

24      L’EUIPO rejoint les allégations de la requérante en ce que la chambre de recours aurait, à tort, confondu le lieu de la prestation du service et le lieu de l’usage de la marque.

25      Néanmoins, l’EUIPO estime que l’erreur de la chambre de recours ne suffit pas à entraîner l’annulation de la décision attaquée, parce qu’elle n’aurait aucune incidence sur son issue dans la mesure où la requérante ne parviendrait pas, en tout état de cause, à prouver l’usage sérieux de la marque contestée dans l’Union. Les preuves soumises par la requérante ne démontreraient pas que les consommateurs ont été exposés à la marque contestée sur le territoire de l’Union. L’EUIPO affirme que la requérante se borne à démontrer que des clients de l’Union ont réservé et ont utilisé ses services hôteliers aux États-Unis, ce qui serait insuffisant pour établir un usage sérieux de la marque contestée sur le territoire de l’Union.

26      L’EUIPO estime que l’usage d’une marque pour des services hôteliers disponibles en dehors de l’Union exigerait un effort plus soutenu de la part de la requérante, tant du point de vue de l’usage effectif de sa marque sur le territoire de l’Union que du point de vue de la fourniture d’éléments de preuve et d’explications à l’EUIPO quant aux raisons pour lesquelles un tel usage de la marque dans l’Union devrait être considéré comme sérieux.

27      À cet égard, à titre liminaire, il importe de relever que la demande de déchéance de la marque contestée ayant été déposée le 10 octobre 2018, la période pertinente de cinq années visée à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 s’étend du 10 octobre 2013 au 9 octobre 2018.

28      Ensuite, il convient d’examiner les motifs pour lesquels la chambre de recours a exclu de l’examen de l’usage sérieux de la marque contestée les éléments de preuve relatifs aux services hôteliers et auxiliaires proposés aux États-Unis.

29      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a exclu les éléments de preuve faisant état de publicités et d’offres à la vente destinées aux consommateurs de l’Union notamment pour deux motifs. En premier lieu, elle a estimé que, les services étant fournis en dehors du territoire de l’Union, lesdites publicités et offres à la vente s’y rapportant ne sauraient être pertinentes aux fins de l’établissement de l’usage sérieux de la marque contestée. Par voie de conséquence, elle a considéré que la jurisprudence de la Cour, indiquée au point 23 ci-dessus, concernant la notion de publicités et d’offres à la vente destinées aux consommateurs de l’Union ne saurait être utilement invoquée afin d’établir le lieu d’usage d’une marque dans l’Union. En second lieu, elle a fait observer que, en tout état de cause, la marque contestée n’étant pas enregistrée pour des services de « publicité », de « réservation », d’« agence de voyage » ou de « vente », sa titulaire ne saurait utilement produire des éléments de preuve faisant état de publicités ou d’offres à la vente.

30      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, « [s]i, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet, par le titulaire, d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l’Union européenne est soumise aux sanctions prévues à ce règlement, sauf juste motif pour le non-usage ».

31      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, afin de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 31 janvier 2019, Pandalis/EUIPO, C‑194/17 P, EU:C:2019:80, point 83 et jurisprudence citée).

32      Il y a lieu de relever que, d’une part, l’expression « usage sérieux dans l’Union », au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, doit être interprétée en ce sens que l’étendue territoriale de l’usage constitue non pas un critère distinct de l’usage sérieux, mais l’une des composantes de cet usage, laquelle doit être intégrée dans l’analyse globale et être étudiée parallèlement aux autres composantes de celui-ci, et que les termes « dans l’Union » visent à préciser le marché géographique de référence pour toute analyse de l’existence d’un « usage sérieux » d’une marque de l’Union européenne. D’autre part, l’expression « usage sérieux dans l’Union », au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, signifie que l’usage de la marque de l’Union européenne dans des États tiers ne peut pas être pris en compte [voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, points 36 à 38 et 58, et du 7 novembre 2019, Intas Pharmaceuticals/EUIPO – Laboratorios Indas (INTAS), T‑380/18, EU:T:2019:782, point 74].

33      En l’espèce, dans un premier temps, il importe d’examiner l’appréciation selon laquelle, les services couverts par la marque contestée étant, en tout état de cause, fournis en dehors du territoire de l’Union, les éléments de preuve relatifs auxdits services ne sauraient être pertinents aux fins de l’établissement de l’usage sérieux de ladite marque.

34      À cet égard, d’une part, il y a lieu de constater que la chambre de recours a considéré à tort que la marque contestée ne saurait d’emblée faire l’objet d’un usage sérieux dans l’Union, car les services hôteliers et auxiliaires de la requérante sont fournis aux États-Unis. En effet, ainsi que les parties le relèvent, la chambre de recours a commis une erreur en ne distinguant pas le lieu desdites prestations de services du lieu de l’usage de la marque. Seul ce dernier est concerné par l’examen de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne.

35      Ainsi que la requérante le fait valoir en substance, l’usage d’une marque se manifeste par de multiples types d’actes et ceux pertinents afin d’établir son usage sérieux ne sauraient se limiter aux seuls actes de fourniture des produits ou des services qu’elle désigne. Notamment, il ressort de l’article 9, paragraphe 3, sous b) et e), du règlement 2017/1001 que, dans les conditions prévues par son paragraphe 2, le titulaire d’une marque de l’Union européenne peut interdire à un tiers de faire usage d’un signe dans la vie des affaires afin d’offrir des produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d’offrir ou de fournir des services sous le signe ainsi que d’utiliser le signe dans les papiers d’affaires et la publicité. Compte tenu des actes d’usage d’une marque reconnus par le règlement 2017/1001, tels que les actes de publicité et d’offre à la vente, dont la requérante se prévaut en l’espèce, ceux-ci sont donc pertinents aux fins de l’établissement de l’usage sérieux de la marque contestée pour autant qu’ils aient lieu sur le territoire pertinent.

36      D’autre part, certes, ainsi que l’a relevé la chambre de recours dans la décision attaquée, il résulte de la jurisprudence que, la notion d’usage sérieux dans l’Union impliquant l’utilisation de la marque dans l’Union, l’usage de cette marque dans des États tiers ne peut pas être pris en compte aux fins d’établir l’usage sérieux de ladite marque (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 38).

37      Cependant, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence que, compte tenu du fait que les services en cause sont fournis en dehors du territoire pertinent de l’Union, les actes d’usage de la marque contestée visant à promouvoir et à offrir à la vente de tels services ont nécessairement lieu en dehors dudit territoire.

38      En effet, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence mentionnée au point 31 ci-dessus, il suffit de constater qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, afin de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services. Or, quand bien même la requérante fournirait des produits ou des services à l’extérieur de l’Union, il ne saurait être exclu que celle-ci fasse un usage de ladite marque visant à créer ou à conserver un débouché pour ces produits et services dans l’Union.

39      Au demeurant, une telle interprétation est corroborée par les lignes directrices de l’EUIPO. Celles-ci indiquent que, lorsque les produits ou les services couverts par la marque contestée sont fournis à l’étranger, comme des lieux de séjour pour vacanciers ou des produits particuliers, leur publicité peut être suffisante à elle seule pour constituer un usage sérieux [lignes directrices de l’EUIPO relatives à l’examen des marques de l’Union européenne, partie C (opposition), section 6 (preuve de l’usage), point 2.3.3.3 (usage dans la publicité)].

40      Dès lors, à l’instar des parties, il y a lieu de constater que reposait sur une prémisse erronée la conclusion de la chambre de recours par laquelle elle a exclu l’ensemble des éléments de preuve concernant les services hôteliers et auxiliaires de la requérante aux États-Unis.

41      Dans un second temps, il convient d’examiner l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, en tout état de cause, la marque contestée n’étant pas enregistrée pour des services de « publicité », de « réservation », d’« agence de voyage » ou de « vente », sa titulaire ne saurait utilement produire des éléments de preuve faisant état de publicités ou d’offres à la vente.

42      À cet égard, il suffit de constater qu’il résulte du point 35 ci-dessus que les publicités et les offres à la vente constituent des actes d’usage d’une marque. Dès lors, ceux-ci sont pertinents afin de démontrer l’usage pour les services ou les produits pour lesquels la marque contestée est enregistrée, dans la mesure où lesdits services ou produits sont l’objet des publicités et offres à la vente.

43      Or, en l’espèce, il est constant que les éléments de preuve produits par la requérante visent à démontrer l’usage de la marque contestée pour les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée, à savoir les services hôteliers et auxiliaires, notamment au moyen de publicités et d’offres à la vente.

44      Dès lors, l’appréciation de la chambre de recours énoncée au point 41 ci-dessus est manifestement erronée.

45      Ainsi, il y a lieu de constater qu’aucun des motifs contenus dans la décision attaquée ne permet de conclure à l’exclusion des éléments de preuve de l’usage sérieux de la marque contestée faisant état de publicités et d’offres à la vente des services hôteliers et auxiliaires de la requérante situés aux États-Unis et destinés aux consommateurs de l’Union.

46      Il résulte donc de ce qui précède que la décision attaquée est entachée d’illégalité.

47      En application de la jurisprudence issue de l’arrêt du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY) (T‑99/01, EU:T:2003:7, point 36), l’EUIPO estime que l’erreur de la chambre de recours ne suffit pas à entraîner l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle n’aurait aucune incidence sur son issue, car les éléments de preuve produits par la requérante ne suffiraient pas à établir l’usage sérieux de la marque contestée.

48      Or, ainsi qu’il a été constaté au point 29 ci-dessus, la chambre de recours a indiqué exclure de son appréciation les éléments de preuve visant à démontrer le lieu de l’usage sérieux de la marque contestée dans l’Union afin de promouvoir et d’offrir à la vente les services fournis par la requérante à l’extérieur du territoire de l’Union.

49      Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation, les preuves en cause étant écartées indument de l’examen de l’établissement du lieu de l’usage sérieux effectué par la chambre de recours. Or, une telle erreur remet en question toute éventuelle appréciation subsidiaire desdits éléments de preuve portée par la chambre de recours lors de l’appréciation de l’ensemble des preuves pertinentes.

50      Partant, l’argumentation de l’EUIPO selon laquelle l’erreur de la chambre de recours ne suffit pas à entraîner l’annulation de la décision attaquée ne saurait prospérer. 

51      Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal de procéder à l’appréciation de ces mêmes arguments et preuves dans le cadre de la demande en annulation de la décision attaquée. En effet, dans le contexte d’une telle demande, le Tribunal ne saurait, dans l’exercice de son contrôle de légalité, se substituer à la chambre de recours pour porter une appréciation factuelle que celle-ci a omis d’effectuer. Or, dans le cadre d’un recours en annulation, comme en l’espèce, si le Tribunal conclut qu’une décision de la chambre de recours, mise en cause dans un recours formé devant lui, est entachée d’une illégalité, il doit l’annuler. Il ne peut pas rejeter le recours en substituant sa propre motivation à celle de l’instance compétente de l’EUIPO, qui est l’auteur de l’acte attaqué [voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2010, Axis/OHMI – Etra Investigación y Desarrollo (ETRAX), T‑70/08, EU:T:2010:375, point 29].

52      De même, il ne saurait être fait droit à l’allégation de l’EUIPO selon laquelle, du fait de la prétendue absence de toute argumentation de la requérante devant le Tribunal en ce qui concerne les services « qui ne sont pas des services hôteliers » – ce que la requérante désigne par « les services auxiliaires » – compris dans les classes 38, 39, 41, 43 et 44, la déchéance de la marque en cause, en ce qu’elle vise de tels services, devrait être confirmée.

53      En effet, la requérante soutient, en substance, que les erreurs de droit qu’elle allègue entachent d’illégalité l’ensemble de la décision attaquée, hormis en ce qui concerne, tel qu’il a été relevé au point 17 ci-dessus, les produits relevant des classes 18 et 25. Il ne saurait donc être déduit ni de ses chefs de conclusions, ni de sa requête, que celle-ci aurait entendu renoncer à contester l’appréciation de la chambre de recours concernant de tels services.

54      Dès lors, eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier grief de la première branche du moyen unique de la requérante et d’annuler la décision attaquée à l’égard des services en cause, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second grief de la première branche, ainsi que la seconde branche du moyen unique.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

56      La requérante a conclu à ce que l’EUIPO soit condamné aux dépens qu’elle a exposés devant le Tribunal ainsi que lors de « la phase précédente ».

57      S’agissant des frais indispensables encourus lors de ladite « phase précédente », s’il peut être compris de ces termes que la requérante se réfère à la procédure, dans son ensemble, auprès de l’EUIPO, une telle demande ne saurait être accueillie en ce qu’elle viserait la procédure devant la division d’annulation. En effet, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation [voir, par analogie, arrêt du 7 décembre 2017, Coca-Cola/EUIPO – Mitico (Master), T‑61/16, EU:T:2017:877, point 126 et jurisprudence citée].

58      Partant, la demande de la requérante tendant à ce que l’EUIPO, ayant succombé en ses conclusions, soit condamné aux dépens ne peut être accueillie que s’agissant des seuls dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant le Tribunal et la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 novembre 2020 (affaire R 828/2020-5) est annulée pour ce qui concerne les services relevant des classes 38, 39, 41, 43 et 44.

2)      L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Standard International Management LLC, y compris ceux exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Costeira

Kancheva

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juillet 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.