Language of document : ECLI:EU:T:2022:853

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)

21 décembre 2022 (*)

« Aides d’État – Marché du biogaz – Exonérations fiscales compensant les surcoûts de production – Décisions de ne pas soulever d’objections – Recours en annulation – Intérêt à agir – Recevabilité – Absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Difficultés sérieuses – Article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE – Article 4, paragraphes 3 et 4, du règlement (UE) 2015/1589 – Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 – Cumul d’aides – Aides accordées par plusieurs États membres – Biogaz importé – Principe de non-discrimination – Article 110 TFUE »

Dans l’affaire T‑626/20,

Landwärme GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mes J. Bonhage et M. Frank, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Blanck, M. A. Bouchagiar et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Suède, représenté par M. O. Simonsson, Mmes C. Meyer-Seitz, A. Runeskjöld, M. Salborn Hodgson, H. Shev, H. Eklinder et R. Shahsavan Eriksson, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius, Mme I. Reine, MM. L. Truchot (rapporteur) et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 2 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Landwärme GmbH, demande l’annulation, d’une part, de la décision C(2020) 4489 final de la Commission, du 29 juin 2020, relative à l’aide d’État SA.56125 (2020/N) – Suède – Prorogation et modification du régime SA.49893 (2018/N) – Exonération fiscale pour du biogaz et du biopropane non alimentaires destinés à la production de chaleur (ci-après la « décision 4489 »), et, d’autre part, de la décision C(2020) 4487 final de la Commission, du 29 juin 2020, relative à l’aide d’État SA.56908 (2020/N) – Suède – Prorogation et modification du régime en faveur du biogaz destiné à être utilisé comme carburant en Suède (ci-après la « décision 4487 » et, prise avec la décision 4489, les « décisions attaquées »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société de droit allemand qui produit du biométhane en Allemagne.

3        Le 1er avril 2020, le Royaume de Suède a notifié à la Commission européenne, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, deux mesures par lesquelles il souhaitait modifier et proroger jusqu’au 31 décembre 2030 deux régimes d’aides, dont les premières applications dataient de 2003 et de 2007, qui avaient déjà été autorisés à plusieurs reprises par la Commission et qui devaient expirer le 31 décembre 2020. Ces régimes consistent à exonérer l’achat de certains gaz combustibles renouvelables (ci-après le « biogaz ») du paiement de certaines accises qui sont, en revanche, dues lors de l’achat de gaz fossiles, tels que le gaz naturel, destinés aux mêmes usages.

4        Le 29 juin 2020, la Commission a adopté la décision 4489, dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 245, p. 2), et la décision 4487, dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 260, p. 4).

5        Par les décisions attaquées, la Commission, à la suite de la procédure d’examen préliminaire prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9) (ci-après la « procédure d’examen préliminaire »), et sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et visée à l’article 6 dudit règlement (ci-après la « procédure formelle d’examen »), a considéré que les mesures notifiées par le Royaume de Suède portaient sur des aides d’État qui pouvaient être déclarées compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

6        À cet effet, en premier lieu, la Commission a relevé que les régimes d’aides visés par les décisions attaquées (ci-après les « régimes litigieux »), qui prévoyaient des exonérations fiscales totales, devaient être qualifiés d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, plus particulièrement d’aides au fonctionnement (considérants 6, 31 et 32 de la décision 4489 et considérants 35 et 50 de la décision 4487).

7        En second lieu, la Commission a évalué la compatibilité des régimes litigieux avec le marché intérieur à la lumière des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 (JO 2014, C 200, p. 1 , ci-après les « lignes directrices PEE ») (considérant 34 de la décision 4489 et considérant 38 de la décision 4487).

8        En particulier, premièrement, la Commission a estimé, d’abord, que les régimes litigieux poursuivaient un but d’intérêt commun, en ce qu’ils contribuaient à permettre au Royaume de Suède d’atteindre les objectifs qu’il s’était fixés en termes d’utilisation de sources d’énergie renouvelable, ensuite, qu’ils étaient nécessaires, au motif que, sans les exonérations fiscales totales prévues par ceux-ci (ci-après les « exonérations fiscales en cause »), le biogaz coûterait plus cher que les gaz fossiles et, enfin, qu’ils avaient un effet incitatif, en ce que l’octroi de ces exonérations encourageait l’utilisation et la production de biogaz (considérants 37 à 40, 42, 43, 47 et 48 de la décision 4489 et considérants 40, 44, 45 et 47 de la décision 4487).

9        Deuxièmement, la Commission a examiné la proportionnalité des régimes litigieux et a notamment relevé que, eu égard aux données fournies par l’Energimyndigheten (agence de l’énergie, Suède) (ci-après l’« agence suédoise de l’énergie »), d’une part, il pouvait être exclu que les aides accordées en vertu de ces régimes dépassent le montant nécessaire pour compenser les coûts plus élevés qu’entraîne la production de biogaz par rapport à la production de gaz fossiles et donnent ainsi lieu à une surcompensation desdits coûts plus élevés (ci-après la « surcompensation »). En effet, en dépit des exonérations fiscales en cause, les coûts de production du biogaz demeuraient plus élevés que le prix du marché pour les gaz fossiles. La Commission a relevé, d’autre part, qu’il était improbable qu’une surcompensation intervienne à l’avenir. En outre, la Commission a précisé que, selon les informations présentées par les autorités suédoises, bien qu’il soit possible que le biogaz bénéficie à la fois des aides prévues par les régimes litigieux et d’autres aides favorisant la production de biogaz, le cumul de ces aides ne donnait pas lieu à une surcompensation. Par ailleurs, la Commission a ajouté que ces autorités s’étaient engagées à contrôler les évolutions du marché, afin de détecter toute possible surcompensation future, et à la tenir informée (considérants 17, 18, 20, 22, 28, 47, 49 à 56 et 64 de la décision 4489 et considérants 19 à 24, 26, 27, 32, 50 à 59 et 67 de la décision 4487).

10      Troisièmement, la Commission a considéré qu’il y avait lieu de faire application du point 116 des lignes directrices PEE, aux termes duquel « la Commission suppose qu’une aide est appropriée et que ses effets de distorsion sont limités si toutes les autres conditions sont remplies », ce qui, selon elle, était le cas des régimes litigieux (considérants 41 et 58 de la décision 4489 et considérants 48 et 60 de la décision 4487).

11      Quatrièmement, dès lors que les régimes litigieux consistaient à accorder des exonérations fiscales, la Commission a examiné la question de savoir si celles-ci étaient conformes aux exigences découlant de la directive 2003/96/CE du Conseil, du 27 octobre 2003, restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité (JO 2003, L 283, p. 51). Elle a considéré que tel était le cas, eu égard notamment au fait que ces exonérations étaient applicables abstraction faite de l’État membre dont provenait le biogaz qui en bénéficiait (considérants 62 à 66 de la décision 4489 et considérants 64 à 68 de la décision 4487).

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      Le Royaume de Suède, intervenant au soutien de la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

15      À l’appui du recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de l’« illégalité de l’aide », le deuxième, de l’« abus du pouvoir d’appréciation », le troisième, de la violation de l’obligation de motivation et, le quatrième, de la violation de l’obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

16      Sans soulever d’exception par acte séparé sur le fondement de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la Commission, en plus de contester le bien-fondé des moyens invoqués par la requérante, fait valoir que le recours est irrecevable. Alors qu’elle ne se prononce pas sur la qualité pour agir de la requérante, la Commission soutient que celle-ci n’a pas intérêt à agir en annulation des décisions attaquées.

 Sur la recevabilité

17      Avant d’examiner l’intérêt à agir de la requérante, il convient de répondre à la question, d’ordre public (voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 45 ; du 24 octobre 1997, EISA/Commission, T‑239/94, EU:T:1997:158, point 27, et du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, points 36 et 37), de savoir si la requérante dispose de la qualité pour agir contre les décisions attaquées.

 Sur la qualité pour agir

18      En vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire que si cet acte la concerne directement et individuellement ou si le recours est dirigé contre un acte réglementaire qui la concerne directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

19      Or, les décisions attaquées ont pour unique destinataire le Royaume de Suède, de sorte qu’il y a lieu de déterminer si la requérante remplit les conditions de recevabilité qui viennent d’être mentionnées.

20      S’agissant de la question de savoir si la requérante est directement et individuellement concernée par les décisions attaquées, il y a lieu de rappeler que, lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, non seulement elle déclare les mesures en cause compatibles avec le marché intérieur, mais également elle refuse, implicitement, d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 39 et jurisprudence citée).

21      Si la Commission constate, dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes ou des difficultés sérieuses quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 40 et jurisprudence citée). Il convient de préciser que, selon la jurisprudence, les notions de « doutes » et de « difficultés sérieuses » coïncident (arrêt du 22 septembre 2021, DEI/Commission, T‑639/14 RENV, T‑352/15 et T‑740/17, sous pourvoi, EU:T:2021:604, point 115 ; voir également, en ce sens, arrêts du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 328, et du 9 septembre 2020, Kerkosand/Commission, T‑745/17, EU:T:2020:400, point 106).

22      Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois.

23      La légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589 dépend de la question de savoir s’il existe des difficultés sérieuses quant à la compatibilité des régimes litigieux avec le marché intérieur. Dès lors que l’existence de difficultés sérieuses doit donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), dudit règlement, il doit être considéré que toute partie intéressée au sens de cette dernière disposition est directement et individuellement concernée par de telles décisions. En effet, les bénéficiaires des garanties de procédure prévues à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester la décision de ne pas soulever d’objections devant le juge de l’Union (voir arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 41 et jurisprudence citée).

24      La notion de « partie intéressée » est définie à l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 comme visant « tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide, en particulier le bénéficiaire de celle-ci, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles ». Cette disposition reprend la définition de la notion d’« intéressés », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, telle qu’elle résulte de la jurisprudence (voir arrêt du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission, C‑647/19 P, EU:C:2021:666, point 56 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, ainsi qu’il résulte des réponses des parties aux questions écrites et orales du Tribunal, les bénéficiaires directs des exonérations fiscales en cause sont les acheteurs de biogaz en Suède, qui, en vertu de celles-ci, ne paient ni l’accise sur l’énergie ni l’accise sur le dioxyde de carbone prévues par la législation suédoise. Toutefois, ces exonérations, même si elles n’ont pas d’incidence sur les coûts de production du biogaz, profitent également, quoique de manière indirecte, aux producteurs et aux importateurs de biogaz. En effet, ceux-ci peuvent vendre du biogaz en Suède à un prix final qui, n’incluant pas ces accises, est inférieur à celui auquel aurait été vendu le biogaz en l’absence de ces exonérations. Celles-ci permettent donc de vendre ce produit à un prix qui peut faire concurrence à celui du gaz naturel, en dépit du fait que les coûts de production de ce dernier sont normalement plus bas que ceux du biogaz.

26      La requérante, bien qu’elle prétende ne plus vendre de biogaz en Suède en raison des prix plus compétitifs pratiqués par les producteurs danois qui profiteraient d’une surcompensation, est une bénéficiaire indirecte potentielle des aides prévues par les régimes litigieux, ainsi que les parties l’ont confirmé lors de l’audience. En effet, d’une part, il n’est pas contesté que la requérante répond aux conditions requises pour être éligible à ces aides. D’autre part, il y a lieu de rappeler que des aides similaires sont accordées par le Royaume de Suède depuis de nombreuses années et que la requérante a, par le passé, bénéficié de ces aides, étant donné qu’elle a vendu son biogaz en Suède en 2013 et, dans des quantités plus importantes, en 2014. Par ailleurs, dès lors qu’elle cherche à vendre son biogaz en Suède, mais s’en trouve empêchée en raison du prix non compétitif qu’elle est contrainte de pratiquer, la requérante est une concurrente des entreprises qui, vendant leurs biogaz en Suède, sont des bénéficiaires actuels de ces aides. En conséquence, elle possède la qualité de « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission, C‑647/19 P, EU:C:2021:666, point 57). Au demeurant, la Commission, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, a reconnu que tel était le cas.

27      Toutefois, pour disposer de la qualité pour agir en annulation des décisions attaquées, la requérante doit également chercher, par le recours, à assurer la protection des droits procéduraux dont elle aurait disposé si la Commission avait ouvert la procédure formelle d’examen, en raison de l’existence de difficultés sérieuses.

28      À cet égard, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une partie requérante demande l’annulation d’une décision au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, elle remet en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard des aides en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant, ce faisant, ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, la partie requérante peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la procédure préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ou d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être rapportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 39 et jurisprudence citée).

29      En conséquence, s’agissant d’un recours contestant la légalité d’une décision adoptée au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, sans ouverture de la procédure formelle d’examen, il convient, en principe, de considérer l’ensemble des griefs et des arguments soulevés par la partie requérante dans le cadre des moyens invoqués, afin d’apprécier la question de savoir s’ils permettent d’identifier des difficultés sérieuses ou des doutes en présence desquelles la Commission aurait été tenue d’ouvrir ladite procédure. Dans le cadre d’un tel recours, les moyens contestant la compatibilité de l’aide doivent alors être appréciés par le Tribunal au regard de l’existence d’une difficulté sérieuse, sans qu’il y ait lieu de les déclarer irrecevables (voir arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, points 45 à 47 et 49 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 57 et 58).

30      Il résulte également de la jurisprudence qu’une partie requérante est en droit, pour démontrer la violation de ses droits procéduraux en raison des doutes que la mesure litigieuse aurait dû susciter quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, d’invoquer des arguments tendant à démontrer que le constat de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur auquel la Commission était parvenue était erroné, ce qui, a fortiori, est de nature à établir que la Commission aurait dû éprouver des doutes lors de son appréciation de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. Partant, le Tribunal est habilité à examiner les arguments de fond présentés par cette partie, afin de vérifier s’ils sont de nature à conforter le moyen tiré de l’existence de doutes justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Achema et Lifosa/Commission, T‑300/19, non publié, EU:T:2021:191, point 203 et jurisprudence citée).

31      En l’espèce, il y a lieu de constater que, par son quatrième moyen (voir point 15 ci-dessus), la requérante fait valoir que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen. Conformément à la jurisprudence rappelée au point 29 ci-dessus, il convient d’examiner l’ensemble des griefs et arguments invoqués par la requérante, afin de déterminer si celle-ci a démontré l’existence de difficultés sérieuses obligeant la Commission à ouvrir ladite procédure. Au cours de l’audience, la requérante a confirmé que, par son recours, elle faisait notamment grief à la Commission de ne pas avoir engagé la procédure formelle d’examen en dépit du fait que, au vu des informations qu’elle lui avait soumises, cette institution ne pouvait ignorer l’existence de difficultés sérieuses quant à la question de savoir si le possible cumul des aides octroyées en Suède en application des régimes litigieux et d’autres aides, accordées par d’autres États membres que le Royaume de Suède aux producteurs de biogaz (ci-après le « cumul litigieux »), donnait lieu à une surcompensation au profit de ces producteurs lorsque ceux-ci vendaient du biogaz en Suède (ci-après le « grief relatif au cumul litigieux »).

32      Dès lors, il y a lieu de conclure que la requérante dispose de la qualité pour agir en ce qu’elle vise à obtenir le respect de ses droits procéduraux, en faisant valoir, notamment, le grief relatif au cumul litigieux.

 Sur l’intérêt à agir

33      La Commission fait valoir que la requérante, en tant que bénéficiaire potentielle des régimes litigieux, n’a pas démontré son intérêt à agir contre les décisions attaquées. En effet, l’annulation de celles-ci ne pourrait avoir pour effet d’autoriser des aides ayant une portée plus étendue que celle des aides prévues par ces régimes. Ladite annulation n’aurait pas d’incidence sur le fait que les producteurs de biogaz qui bénéficient, dans d’autres États membres que le Royaume de Suède, d’aides à la production d’énergie à partir du biogaz, peuvent vendre leur biogaz en Suède à des prix plus avantageux que ceux proposés par la requérante, laquelle ne se voit pas accorder d’aides similaires par la République fédérale d’Allemagne. Selon la Commission, l’intérêt à agir de la requérante ne peut trouver son origine dans le fait que celle-ci aurait vocation à lui présenter des observations, dans l’hypothèse où, à la suite de l’annulation de ces décisions, la procédure formelle d’examen serait engagée.

34      La requérante conteste les arguments de la Commission.

35      Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêts du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 54, et du 4 juin 2015, Andechser Molkerei Scheitz/Commission, C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, point 25).

36      L’intérêt à agir d’une partie requérante doit être né et actuel et ne peut concerner une situation future et hypothétique. Cet intérêt doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci, sous peine d’irrecevabilité, et perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 56 et 57 et jurisprudence citée).

37      Il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (voir arrêts du 4 juin 2015, Andechser Molkerei Scheitz/Commission, C‑682/13 P, non publié, EU:C:2015:356, point 27 et jurisprudence citée, et du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, EU:T:2005:129, point 31 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, la requérante est une bénéficiaire indirecte potentielle des aides prévues par les régimes litigieux (voir points 25 et 26 ci-dessus).

39      Cependant, le seul fait que les décisions attaquées déclarent les régimes litigieux compatibles avec le marché intérieur et ne fassent donc pas grief, en principe, à une entreprise susceptible d’en bénéficier ne dispense pas le juge de l’Union d’examiner si l’appréciation de la Commission produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de cette entreprise (voir, en ce sens, ordonnance du 25 mars 2019, Abaco Energy e.a./Commission, T‑186/18, non publiée, EU:T:2019:206, point 42 et jurisprudence citée). En conséquence, contrairement à ce que prétend la Commission, le fait que la requérante soit une bénéficiaire potentielle des aides prévues par les régimes litigieux ne suffit pas pour considérer qu’elle ne dispose pas d’un intérêt à agir en annulation des décisions attaquées.

40      La requérante répond que les régimes litigieux agissent comme un « catalyseur » qui renforcerait les effets d’exclusion du marché découlant d’aides à la production d’énergie à partir du biogaz accordées par d’autres États membres que le Royaume de Suède. Ces régimes déploieraient leur propre effet anticoncurrentiel, en ce que, afin de profiter des exonérations fiscales en cause, les producteurs de biogaz bénéficiant desdites aides dans leurs États membres augmenteraient leurs exportations vers la Suède et exerceraient ainsi une pression sur les prix pratiqués par les autres producteurs de biogaz, qui ne bénéficient pas d’aides similaires. L’annulation des décisions autorisant ces régimes éliminerait ce « catalyseur » et procurerait ainsi un bénéfice à la requérante.

41      En conséquence, dans l’hypothèse où le Tribunal ferait droit au recours et annulerait les décisions attaquées par un arrêt constatant que les moyens et les arguments invoqués par la requérante, notamment le grief relatif au cumul litigieux, permettent d’établir l’existence de difficultés sérieuses ignorées par la Commission, cette dernière serait tenue, en exécution de l’arrêt ainsi prononcé, d’adopter des décisions au titre de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, ayant le contenu prévu à l’article 6, paragraphe 1, de ce règlement. La requérante, en tant que « partie intéressée » au sens de l’article 1er, sous h), dudit règlement (voir points 24 et 26 ci-dessus), aurait la possibilité de formuler ses observations après avoir analysé ces décisions. Elle serait donc en mesure d’exercer ses droits procéduraux de manière bien plus pertinente et éclairée que pendant la procédure d’examen préliminaire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 52). En particulier, si le Tribunal annulait les décisions attaquées au motif de l’existence de difficultés sérieuses quant à la surcompensation susceptible de découler du cumul litigieux, la requérante pourrait, lors de la procédure formelle d’examen consécutive à cette annulation, présenter à la Commission des observations sur les changements qui devraient être apportés aux régimes litigieux pour qu’ils puissent être déclarés compatibles avec le marché intérieur.

42      Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la requérante a intérêt à agir en annulation des décisions attaquées.

43      L’intérêt à agir de la requérante n’est pas remis en cause par la jurisprudence invoquée par la Commission (ordonnances du 9 juillet 2007, wheyco/Commission, T‑6/06, non publiée, EU:T:2007:202, point 104, et du 25 mars 2019, Abaco Energy e.a./Commission, T‑186/18, non publiée, EU:T:2019:206, point 83). Selon cette jurisprudence, l’intérêt à agir d’une entreprise qui bénéficie d’une aide d’État autorisée par la Commission sans engager la procédure formelle d’examen ne saurait trouver son origine dans le fait qu’elle aurait eu vocation, en cas d’ouverture de cette procédure, à présenter ses observations.

44      En effet, la requérante n’est qu’une bénéficiaire potentielle des aides prévues par les régimes litigieux, étant donné qu’elle n’est plus en mesure de vendre de biogaz en Suède. À cet égard, elle allègue qu’il ne s’agit pas d’un choix commercial de sa part, mais de la conséquence des conditions qui prévalent désormais sur ce marché. Dès lors, sa situation est différente de celle des parties requérantes dans les affaires ayant donné lieu aux ordonnances invoquées par la Commission, qui étaient des bénéficiaires actuelles des aides autorisées par les décisions visées par leurs recours.

45      L’intérêt à agir de la requérante n’est pas davantage remis en cause par les décisions citées au point 43 ci-dessus, en ce que le Tribunal a jugé que l’intérêt à agir des parties requérantes ne pouvait pas trouver son origine dans la violation de leurs droits procéduraux. En effet, dans ces affaires, les parties requérantes, tout en bénéficiant des aides déclarées compatibles par les décisions litigieuses, cherchaient, par leurs recours, à obtenir l’annulation de celles-ci afin que la Commission autorise par la suite des aides ayant un champ d’application plus étendu (voir, en ce sens, ordonnances du 9 juillet 2007, wheyco/Commission, T‑6/06, non publiée, EU:T:2007:202, point 102, et du 25 mars 2019, Abaco Energy e.a./Commission, T‑186/18, non publiée, EU:T:2019:206, point 82).

46      En l’espèce, la requérante, par son recours, ne cherche pas à obtenir que soient autorisées des aides ayant un champ d’application plus étendu que celui des aides prévues par les régimes litigieux. Au contraire, dans l’hypothèse, en effet, où la Commission, à l’issue de la procédure formelle d’examen qu’elle engagerait après l’éventuelle annulation des décisions attaquées, considérerait que la surcompensation dont peuvent bénéficier certains producteurs de biogaz non établis en Suède rend les régimes litigieux incompatibles avec le marché intérieur, la modification de ceux-ci tendrait à limiter leur champ d’application et non à l’étendre.

47      Par ailleurs, ainsi qu’il résulte du point 39 ci-dessus, au point 42 de l’ordonnance du 25 mars 2019, Abaco Energy e.a./Commission (T‑186/18, non publiée, EU:T:2019:206), le Tribunal a relevé que le bénéficiaire d’une aide n’est pas nécessairement dépourvu d’intérêt à agir contre la décision qui déclare cette aide compatible avec le marché intérieur.

48      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’intérêt à agir de la requérante est caractérisé et que son recours est recevable, à tout le moins en ce que, par celui-ci, elle fait valoir le grief relatif au cumul litigieux.

49      Avant d’examiner le bien-fondé ce grief, il y a toutefois lieu de se prononcer sur l’argument de la Commission tiré, en substance, de ce que la requérante n’a pas soulevé d’exception d’illégalité contre les lignes directrices PEE, à la lumière desquelles, notamment de leur point 116, la Commission aurait examiné la compatibilité des régimes litigieux (voir point 10 ci-dessus).

 Sur l’argument de la Commission tiré de la nécessité de respecter le point 116 des lignes directrices PEE

50      Selon la Commission, les lignes directrices PEE ne permettent d’attribuer aucun rôle au cumul litigieux aux fins de l’évaluation de la compatibilité des régimes litigieux. Ainsi, à défaut d’avoir invoqué l’illégalité des lignes directrices PEE, la requérante ne pourrait pas contester, devant le Tribunal, l’absence de prise en compte dudit cumul dans les décisions attaquées.

51      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la Commission, en adoptant des lignes directrices contenant des règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait, en principe, se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêts du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 69, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 143).

52      Le point 116 des lignes directrices PEE prévoit que « la Commission suppose qu’une aide est appropriée et que ses effets de distorsion sont limités si toutes les autres conditions sont remplies ». Toutefois, ce point ne précise pas quelles sont les « autres conditions » auxquelles il est fait référence.

53      À cet égard, comme l’a indiqué la Commission lors de l’audience, il y a lieu de considérer que les autres conditions auxquelles il est fait référence au point 116 des lignes directrices PEE sont, en l’espèce, celles figurant au point 131 de ces lignes directrices et que le contrôle du respect de celles-ci inclut celui de la proportionnalité des aides, visée aux points 69 et 70 de ces lignes directrices.

54      En effet, il convient de rappeler que le point 116 des lignes directrices PEE relève du chapitre 3 de celles-ci, consacré à l’« appréciation de la compatibilité au regard de l’article 107, paragraphe 3, [sous] c), [TFUE] ».

55      Au sein du chapitre 3, la section 3.1 énonce les « principes d’appréciation communs » et énumère, au point 27, les critères cumulatifs qu’une mesure d’aide doit remplir pour qu’elle puisse être déclarée compatible avec le marché intérieur. Au nombre de ces critères figure, ainsi qu’il ressort du point 27, sous e), de ces lignes directrices, la proportionnalité de l’aide, à savoir la limitation de celle-ci au minimum nécessaire.

56      La section 3.2 des lignes directrices PEE, consacrée aux « dispositions générales en matière de compatibilité », contient des précisions sur chacun des critères prévus au point 27 de ces lignes directrices.

57      En particulier, la section 3.2.5 des lignes directrices PEE porte sur la « proportionnalité de l’aide ». Au sein de cette section figurent les points 69 et 70, aux termes desquels « une aide […] est considérée comme proportionnée si son montant par bénéficiaire se limite au minimum nécessaire pour atteindre l’objectif fixé » et, « [e]n règle générale, l’aide sera considérée comme limitée au minimum nécessaire si son montant correspond au surcoût net nécessaire pour atteindre l’objectif, par comparaison avec le scénario contrefactuel, c’est-à-dire en l’absence d’aide ».

58      Il s’ensuit que, au nombre des « autres conditions » visées au point 116 des lignes directrices PEE se trouve celle relative à la proportionnalité de l’aide. Cette condition présente un lien étroit avec celle relative à l’absence d’une surcompensation. Par ailleurs, sans être expressément mentionnée, cette dernière notion est visée notamment au point 131 desdites lignes directrices, qui est formulé comme suit :

« Pour l’énergie produite à partir de sources renouvelables autres que l’électricité, les aides au fonctionnement seront considérées comme compatibles avec le marché intérieur si les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

a)       l’aide par unité d’énergie n’excède pas la différence entre les coûts totaux moyens actualisés de l’énergie produite grâce à la technologie particulière en question et le prix du marché pour le type d’énergie concerné ;

b)       les coûts totaux moyens actualisés de l’énergie produite peuvent inclure la rentabilité normale de l’installation. L’aide à l’investissement est déduite du montant total de l’investissement lors du calcul de ces coûts ;

c)       les coûts de production sont actualisés régulièrement, au moins une fois par an ; et

d)       l’aide n’est octroyée que jusqu’à l’amortissement complet de l’installation selon les règles comptables habituelles, afin d’éviter que des aides au fonctionnement fondées sur les coûts totaux moyens actualisés de l’énergie produite dépassent l’amortissement de l’investissement. »

59      Il convient de souligner que ce point 131 a été repris au considérant 50 de chacune des décisions attaquées, avec l’ajout, entre parenthèses, de la précision « no overcompensation » (pas de surcompensation), après la définition de la condition visée audit point, sous a).

60      Il convient de constater que les lignes directrices PEE ne précisent pas que la seule surcompensation qui doit être évitée pour qu’une aide soit proportionnée est celle susceptible de découler du cumul d’aides émanant d’un seul et même État membre. Ainsi, c’est à tort que la Commission fait valoir que les lignes directrices PEE s’opposent à ce qu’elle examine la surcompensation susceptible de découler du cumul litigieux lors de l’évaluation de la compatibilité des exonérations fiscales en cause avec le marché intérieur.

61      En conséquence, le point 116 des lignes directrices PEE ne dispensait pas la Commission de l’obligation de rechercher si la surcompensation susceptible de découler du cumul litigieux, invoquée par la requérante, soulevait des difficultés sérieuses, afin de s’assurer de la proportionnalité des régimes litigieux. La fait que la requérante n’ait soulevé aucune exception d’illégalité à l’égard de cette disposition est donc sans incidence en l’espèce.

62      Dès lors, il y a lieu d’écarter le présent argument de la Commission et d’examiner le bien-fondé du grief relatif au cumul litigieux.

 Sur le bien-fondé du grief relatif au cumul litigieux

63      Après avoir rappelé les principes relatifs au contrôle juridictionnel portant sur l’existence de difficultés sérieuses, il conviendra d’examiner les éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer en l’espèce, l’existence de difficultés sérieuses relatives à la surcompensation et, enfin, l’argumentation de la Commission et du Royaume de Suède selon laquelle il est exclu que les régimes litigieux puissent tenir compte des aides accordées par d’autres États membres, au motif que cette prise en compte violerait le principe de non-discrimination ou l’article 110 TFUE.

 Sur le contrôle juridictionnel portant sur l’existence de difficultés sérieuses

64      Selon la jurisprudence, la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dépend de la question de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la procédure d’examen préliminaire, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité d’une mesure d’aide avec le marché intérieur, étant donné que, s’ils existent, ces doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), de ce règlement (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 38 et jurisprudence citée). Cette obligation est confirmée par l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, en vertu duquel la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen lorsque la mesure en cause suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, sans disposer à cet égard d’une marge d’appréciation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 113 et 185 et jurisprudence citée ; ordonnance du 25 juin 2019, Fred Olsen/Naviera Armas, C‑319/18 P, non publiée, EU:C:2019:542, point 30, et arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 57).

65      La preuve de l’existence de doutes sur la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide en cause, qui doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision de ne pas soulever d’objections que dans son contenu, doit être rapportée par le demandeur en annulation de cette décision, à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 40 et jurisprudence citée).

66      En particulier, le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés sérieuses dans l’appréciation de la mesure en cause, dont la présence oblige celle-ci à ouvrir la procédure formelle d’examen (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 41 et jurisprudence citée).

67      En outre, la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections prise au terme de la procédure d’examen préliminaire doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction non seulement des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée, mais aussi des éléments dont elle pouvait disposer (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 42 et jurisprudence citée).

68      Or, les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation à effectuer conformément à la jurisprudence rappelée au point 64 ci-dessus et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 43 et jurisprudence citée).

69      En effet, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures en cause de manière diligente et impartiale afin de disposer, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 44 et jurisprudence citée).

70      Il en découle que le contrôle, par le Tribunal, de la légalité d’une décision de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen en raison de l’absence de difficultés sérieuses ne peut se limiter à la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation. En effet, une décision adoptée par la Commission sans ouverture de la procédure formelle d’examen peut être annulée, en raison de l’omission de l’examen contradictoire et approfondi prévu par l’article 108, paragraphe 2, TFUE, même s’il n’est pas établi que les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en droit ou en fait (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2020, První novinová společnost/Commission, T‑316/18, non publié, EU:T:2020:489, points 88, 90 et 91 et jurisprudence citée). Le contrôle exercé par le Tribunal n’est donc pas restreint (voir, en ce sens, arrêt du 20 juin 2019, a&o hostel and hotel Berlin/Commission, T‑578/17, non publié, EU:T:2019:437, point 66).

 Sur les éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer en l’espèce

71      Il convient de relever que, en annexe à sa lettre à la Commission du 18 octobre 2019, qui portait principalement sur les aides à la production d’énergie à partir du biogaz accordées par le Royaume de Danemark, la requérante a produit une étude qui soulignait que le marché géographique du biogaz était désormais transnational et comprenait à tout le moins le Danemark, la Suède, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Cette étude poursuivait en indiquant que le biogaz pouvait être soutenu tant par des aides à sa production que par des mesures incitatives à l’égard de la demande, telles que des exonérations fiscales. Il était précisé que, si ces différentes formes de soutien pouvaient coexister dans un seul État membre, il n’était pas permis de les cumuler au niveau national. Ainsi, selon cette étude, en Allemagne, l’énergie générée à partir du biogaz ayant bénéficié d’aides à la production ne pouvait pas profiter des autres aides prévues pour la vente d’énergie renouvelable. Toutefois, ladite étude précisait qu’un cumul pouvait se produire et donner lieu à une « double subvention » ou à un « excès de soutien », lorsque les aides à la production et les exonérations fiscales émanaient d’États membres différents. Cette étude indiquait également que les chevauchements entre des régimes d’aides adoptés par différents États membres pouvaient occasionner une surcompensation et créer une distorsion de la concurrence. L’exemple fourni à ce sujet portait précisément sur les aides danoises et suédoises. 

72      De même, dans sa lettre à la Commission du 19 juin 2020, qui portait sur les aides danoises, la requérante a néanmoins souligné le lien entre ces aides et les exonérations fiscales accordées par la Suède. Elle s’est spécifiquement référée aux décisions par lesquelles la Commission avait approuvé les régimes d’aides suédois qui ont été prorogés, avec des adaptations mineures, par les décisions attaquées. En outre, l’étude annexée à cette lettre contenait des éléments semblables à ceux figurant dans l’étude mentionnée au point 71 ci-dessus.

73      Dans ces circonstances, il doit être constaté que la requérante avait communiqué à la Commission, avant l’adoption des décisions attaquées, des informations relatives aux possibles effets d’un cumul des exonérations fiscales accordées par le Royaume de Suède et des aides à la production d’énergie à partir du biogaz octroyées par d’autres États membres, en particulier par le Royaume de Danemark.

74      Par ailleurs, ainsi que le Royaume de Suède l’a confirmé, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, le fait que la production d’énergie à partir du biogaz bénéficiait d’aides accordées par le Royaume de Danemark était de notoriété publique. En outre, le Royaume de Suède admet que, dans un décret gouvernemental du 31 mai 2018, produit par la requérante devant le Tribunal, il a été relevé que les aides à la production d’énergie à partir du biogaz accordées par le Royaume de Danemark, lorsqu’elles étaient combinées aux exonérations fiscales en cause, pouvaient donner lieu à une détérioration des conditions de concurrence pour la production de biogaz en Suède. À ce sujet, ainsi qu’il résulte de deux rapports annexés à la requête et ainsi que l’a confirmé la Commission dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, à compter d’octobre 2018, le Royaume de Suède a accordé aux producteurs de biogaz établis sur son territoire des aides à la production en raison du fait que des producteurs établis dans d’autres États membres pouvaient bénéficier du cumul litigieux.

75      Ainsi, lors de l’adoption des décisions attaquées, la Commission disposait d’informations sur le cumul litigieux.

76      À cet égard, la Commission ne saurait se prévaloir du fait que la requérante n’a pas déposé de plainte, au titre de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, avant l’adoption des décisions attaquées, pour démontrer qu’elle n’était pas tenue de prendre en compte les informations relatives au cumul litigieux.

77      Il convient de rappeler que l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 est libellé comme suit :

« 2.      Toute partie intéressée peut déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide. À cet effet, la partie intéressée remplit en bonne et due forme un formulaire figurant dans une disposition d’application visée à l’article 33 et fournit les renseignements obligatoires qui y sont demandés.

Lorsque la Commission estime que la partie intéressée ne respecte pas l’obligation de recourir au formulaire de plainte ou que les éléments de fait et de droit invoqués par la partie intéressée ne suffisent pas à démontrer, sur la base d’un examen à première vue, l’existence d’une aide d’État illégale ou l’application abusive d’une aide, elle en informe la partie intéressée et l’invite à présenter ses observations dans un délai déterminé qui ne dépasse normalement pas un mois. Si la partie intéressée ne fait pas connaître son point de vue dans le délai fixé, la plainte est réputée avoir été retirée. Lorsqu’une plainte est réputée avoir été retirée, la Commission en informe l’État membre concerné.

La Commission envoie au plaignant une copie de toute décision adoptée dans une affaire concernant le sujet de sa plainte. »

78      Ainsi, l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 porte sur des aides qui, soit sont présumées « illégale[s] », au sens de l’article 1er, sous f), de ce règlement , en ce qu’elles auraient été mises à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, en vertu duquel toute mesure d’aide projetée doit être notifiée à la Commission et ne peut pas être mise à exécution avant la décision finale de celle-ci, soit sont présumées avoir été « appliquée[s] de façon abusive », au sens de l’article 1er, sous g), dudit règlement, en ce qu’elles sont utilisées par les bénéficiaires en violation de la décision de la Commission qui les a déclarées compatibles avec le marché intérieur.

79      C’est à l’égard de ces seules aides, telles que définies à l’article1er du règlement 2015/1589, que l’article 24, paragraphe 2, du même règlement, lu conjointement avec l’article 12, paragraphe 1, de celui-ci, octroie à une partie intéressée le droit de déclencher la procédure d’examen préliminaire, en adressant à la Commission, sous la forme d’un formulaire spécifique, une plainte contenant des informations concernant de telles aides, que celle-ci est obligée d’examiner dans le cadre d’une procédure qui prévoit certains droits pour le plaignant (voir, en ce sens, arrêt du 14 mai 2019, Marinvest et Porting/Commission, T‑728/17, non publié, EU:T:2019:325, points 38 à 40 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 37).

80      Selon la jurisprudence, lorsqu’une telle plainte a été déposée, la Commission peut, dans certaines circonstances, être tenue de l’instruire en allant au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant. En effet, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État, de procéder à un examen diligent et impartial de la plainte, ce qui peut rendre nécessaire que la Commission procède à l’examen d’éléments qui n’ont pas été expressément évoqués par le plaignant (voir arrêt du 15 mars 2018, Naviera Armas/Commission, T‑108/16, EU:T:2018:145, point 101 et jurisprudence citée).

81      Or, la présente affaire ne porte pas sur les aides ou modalités d’application d’aides visées à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, mais sur des aides qui ont été dûment notifiées à la Commission par le Royaume de Suède et dont l’application conforme aux décisions attaquées n’est pas contestée en l’espèce.

82      En conséquence, l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 n’étant pas applicable, la jurisprudence rappelée au point 80 ci-dessus est sans incidence en l’espèce.

83      Cependant, la Commission était obligée, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 67 à 69 ci-dessus, de fonder son analyse sur les éléments dont elle disposait ou pouvait disposer, lesquels ne sont pas limités à ceux qui auraient été présentés dans une plainte au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589.

84      Par ailleurs, s’il n’incombe pas à la Commission de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même de telles informations se trouveraient dans le domaine public (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 45 et jurisprudence citée), en l’espèce, la requérante avait communiqué à la Commission des éléments relatifs aux effets du cumul entre les exonérations fiscales accordées par le Royaume de Suède et les aides à la production d’énergie à partir du biogaz octroyées par d’autres États membres, en particulier par le Royaume de Danemark.

85      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission, lorsqu’elle a examiné les régimes litigieux, disposait d’informations sur les effets susceptibles de découler du cumul litigieux. Par ailleurs, la Commission pouvait disposer, si elle l’estimait nécessaire, d’éléments complémentaires qu’elle aurait pu demander à la requérante de lui fournir.

86      Toutefois, ainsi que l’a fait valoir la Commission lors de l’audience, il y a lieu de vérifier si les éléments, figurant dans les lettres de la requérante et dans les études annexées à celles-ci, étaient pertinents pour évaluer la compatibilité des régimes litigieux avec le marché intérieur. Dès lors, il convient de déterminer si ces éléments, relatifs à une éventuelle surcompensation, étaient susceptibles de révéler l’existence de difficultés sérieuses dans la détermination d’une telle compatibilité. En effet, ce n’est que dans l’affirmative qu’il devrait être conclu que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 85).

 Sur l’existence de difficultés sérieuses relatives à la surcompensation

87      Il résulte des principales considérations des décisions attaquées relatives à la surcompensation, résumées au point 9 ci-dessus que, selon la Commission, il était nécessaire, pour que les régimes litigieux puissent être déclarés compatibles avec le marché intérieur, que les exonérations fiscales en cause ne donnent pas lieu à une surcompensation.

88      Les décisions attaquées ne précisent toutefois pas si la surcompensation visée résulte uniquement d’un éventuel cumul des exonérations fiscales en cause avec d’autres aides accordées par le Royaume de Suède ou peut également découler du cumul litigieux.

89      La Commission a expliqué que, lors de l’examen de la surcompensation, elle s’était bornée à étudier l’éventuel cumul des exonérations fiscales en cause avec d’autres mesures d’aides adoptées par le Royaume de Suède. Selon elle, la prise en compte supplémentaire d’éventuelles aides accordées dans un autre État membre n’est prévue ni par les lignes directrices PEE ni par d’autres dispositions du droit de l’Union aux fins de l’examen de la question de savoir s’il existe une surcompensation au profit des bénéficiaires desdites exonérations.

90      Le Royaume de Suède, quant à lui, a évoqué le fait que les rapports de l’agence suédoise de l’énergie, sur lesquels la Commission s’est fondée pour exclure, dans les décisions attaquées, l’existence d’une surcompensation, tiennent indirectement compte des aides accordées par le Royaume de Danemark. Toutefois, il a précisé, en réponse aux questions écrites et orales du Tribunal, que le contrôle de l’absence de surcompensation effectué par l’agence suédoise de l’énergie se faisait au niveau national et qu’il n’existait pas d’obligation de prendre en considération les aides à la production éventuellement accordées par d’autres États membres dont pourrait avoir bénéficié le biogaz importé en Suède.

91      En conséquence, il doit être constaté que, aux fins d’adopter les décisions attaquées, la Commission n’a examiné que la surcompensation susceptible de découler du cumul de plusieurs aides accordées par le Royaume de Suède. Ce faisant, la Commission a exclu que le cumul litigieux puisse susciter des difficultés sérieuses dans la détermination de la compatibilité des régimes litigieux avec le marché intérieur, que seule la procédure formelle d’examen aurait permis d’élucider. Il y a donc lieu de vérifier si cette exclusion est justifiée.

92      Il convient de rappeler que, selon l’article 107, paragraphe 1, TFUE :

« Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

93      Aux termes de l’article 107, paragraphe 3, TFUE :

« Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur :

[…]

c)       les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. »

94      Il s’ensuit que la Commission, avant de décider si des aides d’État sont compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), est tenue d’examiner les effets de celles-ci sur les échanges entre les États membres. En particulier, lorsque, comme en l’espèce, elle adopte des décisions fondées sur cette disposition à l’issue de la procédure d’examen préliminaire, la Commission doit être en mesure de conclure, sans que cette question soulève de difficultés sérieuses, que les aides concernées n’altéreront pas les échanges entre les États membres.

95      Dans les décisions attaquées, adoptées conformément à l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, la Commission est parvenue à la conclusion qu’elle ne devait pas soulever d’objections à l’égard des régimes litigieux, qui constituaient la prorogation de régimes déjà considérés comme compatibles avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

96      Pourtant, la Commission, ne serait-ce qu’à la faveur des informations que la requérante lui avait soumises (voir points 71 à 73 ci-dessus), ne pouvait ignorer que les importations en Suède de biogaz produit dans d’autres États membres, en particulier le Danemark, s’étaient accrues de manière sensible au cours des années précédant la notification des régimes litigieux, au détriment du biogaz en provenance d’autres États membres, en raison de l’existence du cumul litigieux.

97      En conséquence, même si les régimes litigieux ne contenaient pas de modifications fondamentales affectant les régimes qui étaient en vigueur en Suède depuis plusieurs années, la Commission devait tenir compte, dans son appréciation de la compatibilité des régimes litigieux avec le marché intérieur, de l’incidence du cumul litigieux sur l’importance croissante des importations en provenance de certains États membres.

98      Certes, la Commission n’a pas ignoré ces éléments, étant donné qu’elle a insisté sur la nécessité que les régimes litigieux s’appliquent de la même manière au biogaz produit en Suède et au biogaz importé. Toutefois, son examen de l’existence d’une surcompensation éventuelle s’est limité à sa dimension nationale, ainsi qu’il a été relevé au point 89 ci-dessus.

99      Conformément à la jurisprudence rappelée au point 66 ci-dessus, le caractère insuffisant ou incomplet de l’analyse menée par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire quant à la surcompensation susceptible de découler du cumul litigieux est un indice de l’existence de difficultés sérieuses. Ainsi qu’il résulte des points 55 à 59 ci-dessus, d’une part, des aides d’État ne peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur si elles ne respectent pas la condition tenant à la proportionnalité. D’autre part, dans les décisions attaquées, la question de l’absence de surcompensation est étroitement liée à celle de la proportionnalité des régimes litigieux. En conséquence, le fait que la Commission a analysé l’absence de surcompensation de manière insuffisante et incomplète, en ce qu’elle n’a pas tenu compte du cumul litigieux, peut suffire, en l’espèce, pour constater l’existence de difficultés sérieuses.

100    Il convient néanmoins de considérer que, dans l’hypothèse où, ainsi que le soutiennent la Commission et le Royaume de Suède, il serait exclu que les régimes litigieux puissent tenir compte des aides accordées par d’autres États membres, au motif que cette prise en compte violerait le principe de non-discrimination ou l’article 110 TFUE, la question de la surcompensation susceptible de découler du cumul litigieux ne donnerait pas lieu à des difficultés sérieuses.

101    En effet, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, si la procédure prévue aux articles 107 et 108 TFUE laisse une marge d’appréciation à la Commission pour porter un jugement sur la compatibilité d’un régime d’aides d’État avec les exigences du marché intérieur, il résulte de l’économie générale des traités que cette procédure ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement, ou à des dispositions spécifiques des traités, notamment celles concernant les impositions intérieures, dont relève l’article 110 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 2002, Nygård, C‑234/99, EU:C:2002:244, point 54 et jurisprudence citée ; du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T‑359/04, EU:T:2010:366, point 91 et jurisprudence citée). En outre, une aide ne saurait être instituée ou autorisée sous forme de discrimination fiscale, de la part d’un État membre, à l’égard de produits originaires d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T‑359/04, EU:T:2010:366, point 92 et jurisprudence citée).

 Sur le principe de non-discrimination

102    Le principe de non-discrimination ou d’égalité de traitement interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (voir arrêt du 11 juillet 2019, IPPT PAN/Commission et REA, T‑805/16, non publié, EU:T:2019:496, point 216 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 23 et jurisprudence citée, et du 27 septembre 2012, Koninklijke BAM Groep/Commission, T‑355/06, non publié, EU:T:2012:486, point 49 et jurisprudence citée).

103    Le caractère comparable de situations différentes s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de la mesure étatique qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et objectifs du domaine dont relève la mesure étatique en cause (voir, par analogie, arrêt du 12 mai 2011, Luxembourg/Parlement et Conseil, C‑176/09, EU:C:2011:290, point 32 et jurisprudence citée).

104    En l’espèce, la Commission estime qu’elle s’est assurée que les régimes litigieux respectaient le principe de non-discrimination, en ce qu’elle a obtenu du Royaume de Suède la garantie que les exonérations fiscales en cause s’appliquent indépendamment de l’origine du biogaz vendu en Suède, que ce soit le biogaz produit dans cet État membre ou le biogaz produit dans d’autres États membres et importé en Suède.

105    Toutefois, il y a lieu de constater que, au vu de l’objectif des régimes litigieux, la vente de biogaz dont les surcoûts de production ont été compensés ne constitue pas une situation comparable à celle de la vente de biogaz dont les surcoûts de production n’ont pas encore été compensés.

106    En effet, ainsi qu’il résulte des décisions attaquées (voir point 8 ci-dessus), les exonérations fiscales en cause visent à rendre le biogaz compétitif par rapport aux gaz fossiles, en dépit du fait que les coûts de production du premier sont plus élevés que ceux des seconds.

107    Or, si les coûts de production du biogaz, plus élevés que ceux du gaz fossile, ont déjà été compensés par des aides accordées par l’État membre sur le territoire duquel sa production a eu lieu, l’octroi des exonérations fiscales en cause au biogaz importé en Suède perd sa raison d’être.

108    Il résulte des décisions attaquées que la Commission admet l’existence d’une différence entre la vente de biogaz dont les surcoûts de production ont été compensés et la vente de biogaz dont les surcoûts de production n’ont pas encore été compensés. En effet, s’agissant du biogaz produit en Suède, elle s’est assurée qu’il n’existait pas de surcompensation consécutive au cumul des exonérations fiscales en cause avec d’autres aides accordées par les autorités suédoises à la production de biogaz dans cet État membre. Toutefois, la différence entre la situation dans laquelle le biogaz dont les surcoûts ont déjà été compensés et celle dans laquelle les surcoûts du biogaz n’ont pas déjà été compensés existe même lorsque cette compensation résulte d’aides accordées par d’autres États membres que le Royaume de Suède.

109    En conséquence, sauf justification objective, les deux ventes visées au point 105 ci-dessus ne sauraient être traitées de la même manière, consistant à les faire bénéficier de la même exonération fiscale, et ce indépendamment de la question de savoir si le biogaz vendu en Suède a été produit sur le territoire national ou a été importé.

110    Or, dans les décisions attaquées, la Commission n’a pas tenu compte de la surcompensation susceptible de découler du cumul litigieux. Ce faisant, elle n’a pas appliqué le principe de non-discrimination en tenant compte de l’ensemble des éléments pertinents caractérisant les « situations » qu’il convient, en application de ce principe, de comparer. Conformément à la jurisprudence rappelée aux points 64 et 66 ci-dessus et aux considérations formulées au point 99 ci-dessus, cette circonstance révèle l’existence de difficultés sérieuses déclenchant l’obligation pour la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

111    Par ailleurs, à supposer que, ainsi que le fait valoir la Commission, il soit impossible, du point de vue factuel, d’examiner les chevauchements entre les régimes d’aides prévus dans un État membre et ceux en vigueur dans d’autres États membres, il y a lieu de relever que, ainsi que la Commission l’a admis lors de l’audience, les décisions attaquées ne font pas état de cette impossibilité. A fortiori, elles ne qualifient pas celle-ci de justification objective.

112    Dès lors, il doit être constaté que le nécessaire respect du principe de non-discrimination ne permettait pas d’écarter l’existence de difficultés sérieuses quant à l’incidence du cumul litigieux sur la compatibilité des régimes litigieux avec le marché intérieur.

 Sur l’article 110 TFUE

113    Ainsi qu’il a été relevé au point 100 ci-dessus, il y a lieu de déterminer si, comme le soutiennent la Commission et le Royaume de Suède, l’article 110 TFUE s’oppose à ce que les régimes litigieux puissent tenir compte des aides accordées par d’autres États membres.

114    Aux termes de l’article 110 TFUE :

« Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.

En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d’impositions intérieures de nature à protéger indirectement d’autres productions. »

115    Selon la jurisprudence, premièrement, il découle de l’article 110 TFUE que les différenciations en matière de taxation interne ne sont compatibles avec le droit de l’Union que si elles poursuivent des objectifs compatibles, eux aussi, avec ce droit et si leurs modalités sont de nature à éviter toute forme de discrimination, directe ou indirecte, à l’égard des importations en provenance des autres États membres, ou de protection en faveur de productions nationales concurrentes. Ainsi, dans le respect de ces exigences, le droit de l’Union ne restreint pas, en l’état actuel de son évolution, la liberté de chaque État membre d’établir un système de taxation différenciée pour certains produits, même similaires au sens de l’article 110, premier alinéa, TFUE, en fonction de critères objectifs, tels que la nature des matières premières utilisées ou les procédés de production appliqués (voir, par analogie, arrêts du 2 avril 1998, Outokumpu, C‑213/96, EU:C:1998:155, point 30, et du 14 avril 2021, Achema et Lifosa/Commission, T‑300/19, non publié, EU:T:2021:191, point 220).

116    Deuxièmement, la légitimité de certaines exonérations ou de certains allégements fiscaux, notamment lorsqu’ils ont pour but de permettre le maintien de productions ou d’entreprises qui, sans ces avantages de nature fiscale, ne seraient plus rentables en raison de l’augmentation des coûts de production, est soumise à la condition que les États membres qui font usage de ces possibilités en étendent le bénéfice, de manière non discriminatoire et non protectrice, aux produits importés se trouvant dans les mêmes conditions, dans le respect de l’article 110 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2010, British Aggregates e.a./Commission, T‑359/04, EU:T:2010:366, points 93 à 95 et jurisprudence citée).

117    Troisièmement, il est satisfait aux exigences de l’article 110 TFUE dès lors que la législation d’un État membre permet d’appliquer à un bien originaire d’un autre État membre un régime fiscal qui peut être considéré comme constituant l’équivalent du régime appliqué à ce bien lorsqu’il est produit dans le premier État membre (voir, en ce sens, arrêt du 30 octobre 1980, Schneider-Import, 26/80, EU:C:1980:257, points 10 et 15).

118    Il s’ensuit que, lorsque la vente, dans un État membre, de produits nationaux ou importés similaires, ne serait pas rentable en l’absence d’avantages de nature fiscale, l’article 110, premier alinéa, TFUE s’oppose à ce que des produits importés subissent une discrimination, directe ou indirecte, par rapport aux produits nationaux, en ce qu’ils sont soumis à une taxation plus élevée que celle qui est appliquée à ces derniers produits. En revanche, un traitement fiscal différencié est compatible avec cette disposition lorsque ce traitement est le résultat de critères objectifs et permet d’éviter toute forme de discrimination à l’égard des importations en provenance d’autres États membres.

119    Aux fins de l’application de ces principes au cas d’espèce, il y a lieu de relever que celui-ci présente une particularité, par rapport aux situations visées par la jurisprudence, tenant à ce que tout biogaz vendu en Suède, qu’il ait été produit dans cet État membre ou qu’il y ait été importé, bénéficie des mêmes exonérations fiscales. De plus, s’agissant du biogaz importé, ces exonérations, qui sont totales, sont octroyées sans opérer de distinction selon que l’État membre dans lequel ce biogaz a été produit a accordé ou non des aides à la production d’énergie à partir du biogaz.

120    Pour des raisons tenant aux exigences du droit de l’Union applicable aux aides d’État, la Commission s’est assurée que le biogaz produit en Suède ne bénéficiait pas d’une surcompensation (voir point 108 ci-dessus). En conséquence, elle ne saurait soutenir que le biogaz importé d’autres États membres ferait l’objet d’une discrimination interdite par l’article 110 TFUE s’il bénéficiait des exonérations fiscales en cause à la seule condition que soit exclue toute surcompensation consécutive au cumul de ces exonérations et des éventuelles aides accordées par d’autres États membres aux producteurs de ce biogaz, avant qu’il ne soit exporté en Suède. En effet, cette condition, qui tient à l’absence de surcompensation, est analogue à celle exigée pour le biogaz produit en Suède.

121    Certes, pour éviter toute surcompensation, le biogaz importé de certains États membres pourrait alors être frappé, en Suède, par une imposition intérieure qui, parce qu’elle ne prévoit pas d’exonération fiscale ou prévoyant des exonérations moins importantes que celles en cause, serait supérieure à celle qui frappe le biogaz produit en Suède. Toutefois, ce résultat ne serait pas nécessairement discriminatoire. En effet, s’agissant de cette dernière catégorie de biogaz, la Commission a tenu à exclure, avant de considérer que les régimes litigieux étaient compatibles avec le marché intérieur, que le cumul d’aides de nature fiscale et d’aides à la production donne lieu à une surcompensation.

122    En d’autres termes, l’existence d’une surcompensation peut être considérée comme un critère objectif permettant d’appliquer les exonérations fiscales en cause au seul biogaz, domestique ou importé, dont des surcoûts de production par rapport aux gaz fossiles n’ont pas déjà été compensés par d’autres aides, indépendamment de l’État membre ayant accordé ces autres aides et sans préjudice de la possibilité de moduler le taux des exonérations fiscales en cause en fonction de l’importance de ces autres aides. Cette différenciation, fondée sur un critère objectif, est de nature à éviter la discrimination qui résulterait des compensations déjà accordées au biogaz importé de certains États membres.

123    En outre, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, un système de taxation a un effet discriminatoire et protecteur contraire à l’article 110 TFUE lorsqu’il détourne l’achat de produits en provenance d’autres États membres vers les produits nationaux (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 1990, Commission/Grèce, C‑132/88, EU:C:1990:165, points 18 et 19).

124    Il est constant que tel n’est pas le cas des régimes litigieux. En réalité, à défaut de mesures prises pour éviter la surcompensation susceptible de découler du cumul litigieux, les régimes litigieux créent une discrimination à rebours du biogaz produit en Suède au profit du biogaz produit dans d’autres États membres qui accordent des aides à la production d’énergie à partir du biogaz. Ce résultat ne saurait être considéré comme étant imposé par l’obligation pour les régimes litigieux de respecter l’article 110 TFUE, dont la raison d’être consiste à empêcher qu’un État membre favorise sa propre production au détriment de celles des autres États membres. Par ailleurs, il y a lieu de relever que cet article n’est pas applicable à l’hypothèse dans laquelle un État membre accorderait aux produits qu’il importe de certains États membres un traitement fiscal plus favorable que celui qu’il accorde à des produits similaires qu’il importe d’autres États membres.

125    Il convient de relever que, dans les parties des décisions attaquées consacrées au respect du droit fiscal de l’Union (voir point 11 ci-dessus), la Commission a constaté que les régimes litigieux ne donnaient pas lieu à une surcompensation et que les exonérations fiscales en cause étaient applicables indépendamment de l’origine du biogaz. Il s’ensuit que la Commission n’a pas considéré qu’il existait des difficultés sérieuses à cet égard, alors que les considérations figurant aux points 115 à 124 ci-dessus démontrent que de telles difficultés existaient et devaient être examinées dans le cadre de la procédure formelle d’examen.

126    Dès lors, il doit être constaté que le nécessaire respect de l’article 110 TFUE ne permettait pas non plus d’écarter l’existence de difficultés sérieuses quant à l’incidence du cumul litigieux sur la compatibilité des régimes litigieux avec le marché intérieur.

 Conclusions sur le grief relatif au cumul litigieux

127    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il doit être conclu que la requérante a démontré, en s’appuyant sur des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer lors de l’adoption des décisions attaquées, que l’analyse de la compatibilité des régimes litigieux avec le marché intérieur à l’aune de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE présentait des difficultés sérieuses liées à la surcompensation susceptible de découler du cumul litigieux, au regard du principe de non-discrimination et de l’article 110 TFUE. Il s’ensuit que la Commission aurait dû examiner lesdites difficultés dans le cadre de la procédure formelle d’examen, au lieu d’adopter les décisions attaquées à l’issue de la procédure d’examen préliminaire.

128    Dès lors que ces difficultés sérieuses portent sur un principe et sur une disposition relevant du droit primaire, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur les arguments de la Commission et du Royaume de Suède relatifs au fait que la prise en compte de la surcompensation susceptible de découler du cumul litigieux serait contraire à plusieurs actes de droit dérivé, dont il résulterait une interdiction de fixer des taux d’imposition différents sur des produits provenant d’États membres différents.

129    En conséquence, il y a lieu de faire droit au grief relatif au cumul litigieux et d’annuler les décisions attaquées, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs invoqués par la requérante.

 Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

131    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume de Suède supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2020) 4489 final de la Commission, du 29 juin 2020, relative à l’aide d’État SA.56125 (2020/N) – Suède – Prorogation et modification du régime SA.49893 (2018/N) – Exonération fiscale pour du biogaz et du biopropane non alimentaires destinés à la production de chaleur, est annulée.

2)      La décision C(2020) 4487 final de la Commission, du 29 juin 2020, relative à l’aide d’État SA.56908 (2020/N) – Suède – Prorogation et modification du régime en faveur du biogaz destiné à être utilisé comme carburant en Suède, est annulée.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Landwärme GmbH.

4)      Le Royaume de Suède supportera ses propres dépens.

da Silva Passos

Valančius

Reine

Truchot

 

      Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.