Language of document : ECLI:EU:T:2015:72

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

5 février 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale BULLDOG – Marques internationales et nationales verbales antérieures BULL et RED BULL – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Identité des produits – Similitude des signes – Notion de similitude conceptuelle – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑78/13,

Red Bull GmbH, établie à Fuschl am See (Autriche), représentée initialement par Mes A. Renck,T. Heitmann, avocats, et Mme I. Fowler, solicitor, puis par MRenck et Mme Fowler,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. F. Mattina, puis par MM. P. Bullock, A. Schifko, en qualité d’agents, puis par Mme D. Walicka et enfin par M. Schifko,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Sun Mark Ltd, établie à Middlesex (Royaume-Uni),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 16 novembre 2012 (affaire R 107/2012‑2), relative à une procédure d’opposition entre Red Bull GmbH et Sun Mark Ltd,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter (rapporteur), juges,

greffier : Mme J.Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 mai 2013,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

à la suite de l’audience du 6 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er juillet 2010, Sun Mark Ltd a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BULLDOG.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        La demande de marque communautaire n° 9215567 a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 170/2010, du 10 septembre 2010.

5        Le 12 novembre 2010, Sun Mark Ltd a demandé à l’OHMI de limiter la liste des produits en en retirant ceux relevant de la classe 33.

6        Le 15 novembre 2010, elle a demandé à l’OHMI de supprimer le produit « Bières », identifié en tant que tel, de la liste des produits compris dans la classe 32.

7        Par courriers des 22 et 25 novembre 2010, l’OHMI a pris en compte ces demandes de limitation, indiquant que la liste des produits visés par la demande de marque, relevant de la classe 32, était désormais la suivante : « eaux minérales et gazeuses ; boissons énergétiques ; boissons isotoniques ; boissons gazeuses (non alcooliques et bières) ; boissons gazeuses (non alcooliques et bières) ; boissons gazeuses aux arômes de fruits ; boissons de fruits et jus de fruits ; boissons non alcoolisées ».

8        Le 3 décembre 2010, la requérante, Red Bull GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée.

9        L’opposition était fondée, notamment, sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque internationale verbale BULL, enregistrée le 15 juillet 2005 sous le numéro 867085, produisant ses effets sur le territoire de l’Union européenne, désignant des produits relevant de la classe 32 et correspondant à la description suivante : « boissons non alcooliques y compris boissons rafraîchissantes, boissons énergétiques, boissons à base de petit lait et boissons isotoniques (hypertoniques et hypotoniques) (destinées à être utilisées par des sportifs et adaptées à leurs besoins) ; boissons non alcooliques à base de malt ; eaux minérales et gazeuses ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops, essences et autres préparations pour faire des boissons ainsi que comprimés effervescents (sorbets) et poudres pour boissons et cocktails non alcooliques » ;

–        la marque autrichienne verbale BULL, enregistrée le 29 août 2008 sous le numéro 246682, désignant les mêmes produits que ceux couverts par la marque internationale verbale BULL décrite ci-dessus, étant précisé que les « poudres pour boissons » devaient s’entendre comme étant les « poudres effervescentes pour boissons » ;

–        la marque autrichienne verbale RED BULL, enregistrée le 15 janvier 2008 sous le numéro 242873, désignant notamment, d’une part, les mêmes produits que ceux couverts par la marque autrichienne verbale BULL décrite ci-dessus et, d’autre part, des produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « boissons alcooliques (à l’exception de la bière) ; boissons alcoolisées chaudes et mixtes, y compris les boissons énergétiques alcoolisées, vins chauds et boissons alcoolisées mixtes contenant du lait ; boissons alcooliques à base de malt, liqueur de malt ; vins, spiritueux et liqueurs ; préparations alcooliques pour faire des boissons ; cocktails et apéritifs à base de spiritueux ou de vin ; boissons contenant du vin » ;

–        la marque internationale verbale RED BULL, enregistrée le 19 mars 2008 sous le numéro 961854, produisant ses effets sur le territoire des États membres de l’Union, exception faite de celui de la Croatie, de Malte, de l’Autriche et du Royaume-Uni, et désignant, notamment, les mêmes produits relevant de la classe 32 que ceux couverts par les marques internationale et nationale verbales décrites ci-dessus ;

–        la marque internationale verbale RED BULL, enregistrée le 19 mars 2008 sous le numéro 972114, produisant ses effets sur le territoire des États membres de l’Union, exception faite de celui de la Croatie, de Malte, de l’Autriche et du Royaume-Uni, et désignant, notamment, les mêmes produits relevant de la classe 33 que ceux couverts par la marque autrichienne verbale RED BULL décrite ci-dessus.

10      Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

11      Le 17 novembre 2011, la division d’opposition a accueilli l’opposition dans son intégralité et a condamné Sun Mark à supporter les frais.

12      Le 13 janvier 2012, Sun Mark a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

13      Par décision du 16 novembre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a accueilli le recours et a annulé la décision de la division d’opposition, condamnant la requérante au paiement de la taxe de recours, dont le montant de 800 euros avait été exposé par Sun Mark. En particulier, elle a considéré, à l’instar de la division d’opposition, que les produits visés par la demande de marque et ceux couverts par les marques verbales antérieures étaient identiques, mais que les signes en conflit, s’agissant de la comparaison avec les marques verbales antérieures BULL, étaient assez faiblement similaires d’un point de vue visuel et phonétique, et différaient d’un point de vue conceptuel et, s’agissant de la comparaison avec les marques verbales antérieures RED BULL, présentaient un faible degré de similitudes visuelle et phonétique, et étaient différents d’un point de vue conceptuel. Elle a ainsi estimé que la marque demandée et les marques antérieures ne pouvaient être regardées comme globalement similaires en raison de leurs différences conceptuelles importantes et, par conséquent, il n’y avait pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Elle a, en outre, considéré que, en raison du fait que les marques en cause étaient globalement différentes, l’une des conditions posées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 pour que le titulaire d’une marque antérieure soit fondé à s’en prévaloir à l’encontre d’une demande de marque communautaire faisait défaut, ce qui suffisait à écarter les prétentions de la requérante reposant sur cette disposition.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et Sun Mark aux dépens.

15      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      La requérante invoque, au soutien de sa demande d’annulation de la décision attaquée, deux moyens, le premier étant tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et le second portant sur la violation de l’article 8, paragraphe 5, de ce même règlement. Il convient d’examiner successivement chacun d’eux.

 Sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

17      Par son premier moyen, la requérante allègue que l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 a été méconnu. Selon elle, c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’absence de risque de confusion entre la marque demandée et les marques verbales antérieures BULL. Elle indique qu’il en va de même en ce qui concerne le risque de confusion entre la marque demandée et les marques verbales antérieures RED BULL, mais que, « pour des raisons d’économie procédurale », elle entend limiter la portée du premier moyen à l’appréciation portée par la chambre de recours sur le risque de confusion entre la marque demandée et les marques verbales antérieures BULL. Interrogée sur ce point à l’audience, la requérante a confirmé ladite limitation, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

18      C’est donc en tenant compte de cette restriction que le Tribunal examinera si, en procédant à ladite appréciation, la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. D’emblée, il convient d’en déduire que la décision du tribunal administratif fédéral suisse du 28 avril 2014 (B‑2766/2013), versée au dossier et relative au risque de confusion entre la marque verbale BULLDOG et la marque verbale antérieure RED BULL, bien qu’elle constitue une pièce recevable en tant qu’elle revêt un caractère purement illustratif, ne peut que demeurer sans incidence sur le présent litige, le risque de confusion devant uniquement être apprécié entre la marque demandée et les marques verbales antérieures BULL.

19      Le premier moyen se subdivise en deux branches, la requérante estimant, d’une part, que la chambre de recours a apprécié de façon erronée les similitudes visuelle, phonétique, conceptuelle et globale des signes en conflit, en accordant, en particulier, trop d’importance aux supposées différences conceptuelles entre ces derniers et, d’autre part, que la chambre de recours a également commis des erreurs dans l’appréciation du risque de confusion entre les marques en cause.

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

21      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

22      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

23      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

24      Au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé à juste titre, tout d’abord, que certaines des marques verbales antérieures étaient protégées sur le territoire autrichien, d’autres sur le territoire de certains des États membres de l’Union ou sur l’entier territoire de cette dernière. Compte tenu de la limitation du premier moyen énoncée au point 17 ci-dessus, le public pertinent est, d’une part, celui se trouvant sur le territoire autrichien (marque autrichienne verbale BULL) et, d’autre part, celui se trouvant sur le territoire de l’Union (marque internationale verbale BULL). Ensuite, au regard des produits couverts par les marques en cause, qui sont des produits de consommation courante, c’est également à bon droit qu’elle a estimé qu’il s’agissait du grand public, lequel est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec, EU:C:1999:323, point 26). Enfin, la chambre de recours était fondée à distinguer au sein du public pertinent, s’agissant de la perception des marques en cause par les consommateurs, le public anglophone et le public non anglophone [voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2014, Beyond Retro/OHMI – S&K Garments (BEYOND VINTAGE), T‑170/12, EU:T:2014:238, point 25].

 Sur la comparaison des produits

25      Ainsi que l’a pertinemment relevé la chambre de recours au point 27 de la décision attaquée, les produits couverts par les marques en cause sont identiques, ce qui, au demeurant, n’a pas été contesté par les parties au litige.

 Sur la comparaison des signes

26      Les signes en conflit forment des marques verbales, les marques verbales antérieures étant composées du seul mot « bull », tandis que la marque demandée est composée du mot « bulldog ».

27      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêts du 26 janvier 2006, Volkswagen/OHMI – Nacional Motor (Variant), T‑317/03, EU:T:2006:27, point 46, et du 9 septembre 2011, Ergo Versicherungsgruppe/OHMI – DeguDent (ERGO), T‑382/09, EU:T:2011:454, point 42].

28      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

–       En ce qui concerne la comparaison visuelle

29      La requérante conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il n’existerait qu’une assez faible similitude entre les deux signes du point de vue visuel. Elle considère que l’appréciation de la similitude visuelle des signes en conflit par la chambre de recours n’est pas conforme à la jurisprudence, celle-ci n’ayant pas tenu compte du fait que le consommateur prêtait, en général, plus d’attention à la partie initiale d’une marque. Or, cette partie initiale est identique, la marque demandée BULLDOG contenant entièrement les marques verbales antérieures BULL. La chambre de recours aurait donc dû estimer se trouver en présence d’un degré de similitude moyen, et non faible, sans qu’importe le fait que la marque demandée s’écrive également en un seul mot.

30      L’OHMI conteste les arguments de la requérante, en indiquant, quant à la comparaison visuelle des signes en cause, que, même si tous deux contiennent le mot « bull », la marque demandée contient sept lettres, tandis que les marques verbales antérieures en contiennent quatre. Il rappelle que l’hypothèse avancée par la requérante, selon laquelle le consommateur se concentre davantage sur le début d’une marque, n’est pas toujours vraie, notamment lorsque, comme en l’espèce, les signes en conflit sont relativement courts, et conteste la pertinence de la jurisprudence citée par elle à cet égard.

31      En l’espèce, il convient de constater que le début des deux signes en cause comporte quatre lettres identiques, à savoir « b », « u », « l » et « l ». Or, le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’un signe verbal qu’à sa fin. En effet, la partie initiale d’une marque a normalement, sur le plan visuel comme sur le plan phonétique, un impact plus fort que la partie finale de celle-ci [voir, en ce sens, arrêts du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, Rec, EU:T:2006:247, point 51, et du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, Rec, EU:T:2010:347, point 62], même si cette considération ne saurait valoir dans tous les cas [voir arrêt du 27 février 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI – López Cabré (TEEN VOGUE), T‑37/12, EU:T:2014:96, point 70 et jurisprudence citée].

32      En l’espèce, s’agissant de signes verbaux relativement courts, il y a lieu de juger que cette concordance des quatre premières lettres, constituant la totalité de celles composant les marques verbales antérieures et la majorité de celles formant la marque demandée (quatre sur sept) suffit à écarter la qualification retenue par la chambre de recours de signes « similaires à un assez faible degré ». C’est donc à juste titre que la requérante fait grief à l’OHMI d’avoir commis une erreur d’appréciation à cet égard.

33      En revanche, dès lors que, selon la jurisprudence, une différence consistant en une seule lettre peut parfois empêcher la constatation d’un degré élevé de similitude visuelle entre deux signes verbaux relativement courts [voir, en ce sens, arrêts du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, Rec, EU:T:2004:189, point 54, et du 16 janvier 2008, Inter-Ikea/OHMI – Waibel (idea), T‑112/06, EU:T:2008:10, point 54], il échet de relever que la présence de trois lettres supplémentaires dans la marque demandée (« d », « o » et « g ») fait obstacle à ce que l’on regarde les signes en conflit comme possédant un degré élevé de similitude.

34      Il convient donc de conclure à l’existence d’une similitude visuelle simplement moyenne entre les signes en conflit.

–       En ce qui concerne la comparaison phonétique

35      La requérante réitère de plus fort, dans le cadre de la comparaison phonétique des signes en conflit, l’argument tenant à la prévalence de la partie initiale d’une marque, puisque cette partie est prononcée par le consommateur et non plus seulement observée. Elle conteste l’assertion selon laquelle le mot « dog » donne une rime et un rythme différents à la marque demandée, les produits couverts par les marques en cause étant généralement consommés dans des lieux bruyants, dans lesquels la fin des mots risque de n’être pas entendue. Il s’agirait donc, s’agissant de la comparaison phonétique, d’une forte similitude ou, à tout le moins, d’une similitude moyenne, et non, comme l’aurait considéré à tort la chambre de recours, d’une similitude assez faible.

36      Quant à la comparaison phonétique des signes en conflit, l’OHMI fait valoir que la requérante omet de prendre en compte leur prononciation dans sa globalité, ce qui permet de souligner que la dernière consonne « dog », dont le son est dur, les différencie suffisamment pour conclure à un degré de similitude assez faible.

37      Ainsi que cela a été exposé au point 31 ci-dessus, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de juger que le public pertinent accordera une importance plus grande à la partie initiale commune des signes en conflit, à savoir la syllabe « bull », qui constitue l’entièreté des marques verbales antérieures et la moitié phonétique de la marque demandée, celle-ci se composant de deux syllabes.

38      Pour les mêmes raisons que celles exposées à l’occasion du contrôle de légalité de la décision attaquée quant à la comparaison visuelle des signes en conflit, il y a donc lieu de juger que c’est à tort que la chambre de recours a estimé qu’ils présentaient un degré de similitude assez faible.

39      Ne saurait toutefois être retenu l’argument de la requérante selon lequel la seconde syllabe de la marque demandée, « dog », serait plus faiblement perçue par le public pertinent en raison de sa prononciation effectuée dans des lieux bruyants, qui seraient ceux de la consommation habituelle des produits en cause. En effet, s’il est vrai que ces derniers sont servis dans des bars, discothèques et autres lieux particulièrement sonores, il convient de relever qu’ils sont également disponibles dans de nombreux autres endroits, tels les commerces de détail et les grandes surfaces commerciales, la requérante ayant admis, questionnée sur ce point lors de l’audience, que ses ventes étaient réalisées pour moitié dans les bars et discothèques et pour moitié dans les supermarchés et commerces de détail.

40      Il en résulte que la syllabe « dog », dont la prononciation est nette et produit un son dur, comme l’a souligné à bon droit la chambre de recours, apporte un élément de différenciation des signes en conflit qui ne permet pas de les considérer comme présentant un degré de similitude élevé, mais, ici encore, moyen.

–       En ce qui concerne la comparaison conceptuelle

41      La requérante réfute le raisonnement de la chambre de recours concernant la comparaison conceptuelle des signes en conflit. Elle estime que l’on ne peut s’en tenir à l’évocation d’animaux différents, la jurisprudence rappelant qu’existe une similitude conceptuelle lorsque les marques en cause contiennent un mot identique, « bull » en l’occurrence. Les signes en conflit feraient ainsi tous deux référence à la notion de taureau ou, à tout le moins, à un animal agressif. Qui plus est, le bouledogue étant, à l’origine, un chien dressé pour combattre le taureau, il existerait un lien conceptuel entre ces deux animaux.

42      Quant à la comparaison conceptuelle des signes en cause, l’OHMI distingue, concernant la compréhension du mot « bull », la partie anglophone du public pertinent, qui identifiera, par l’emploi de ce terme, un bovin mâle, de sa composante non anglophone, pour laquelle il pourra ne pas revêtir de signification. Il estime, concernant la compréhension du mot « bulldog », que la chambre de recours a considéré à juste titre que ce terme serait compris dans l’ensemble de l’Union, soit parce qu’il est présent en tant que tel dans plusieurs des langues parlées sur le territoire de cette dernière, à commencer, bien sûr, par la langue anglaise, soit parce qu’il en existe, dans les autres langues concernées, des équivalents proches. L’OHMI indique que la requérante n’a pas remis en cause cette analyse de la chambre de recours, l’affirmation d’une certaine similitude conceptuelle entre les signes en conflit en raison de l’agressivité qui serait commune aux deux animaux décrits par les marques en cause ne pouvant être retenue.

43      Il importe de souligner, d’emblée, que, au vu de la définition du public pertinent retenue, à bon droit, par la chambre de recours et rappelée au point 24 ci-dessus, celui-ci, dans sa grande majorité, n’est pas anglophone. Il convient, dès lors, de déterminer si les signes en conflit sont néanmoins susceptibles d’être compris par le grand public non anglophone, à défaut de quoi, conformément à la jurisprudence, force sera de conclure à l’absence d’influence de la comparaison conceptuelle sur l’appréciation de la similitude des signes en conflit [voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2013, Gitana/OHMI – Teddy (GITANA), T‑569/11, EU:T:2013:462, point 67 et jurisprudence citée, et arrêt du 27 février 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI – Nanso Group (TEEN VOGUE), T‑509/12, Rec, EU:T:2014:89, point 45].

44      Sun Mark a soutenu devant la chambre de recours que le mot « bull » pouvait être compris par le public pertinent, d’une part, parce qu’il s’agissait d’un mot intelligible « par un nombre considérable » de consommateurs non anglophones et, d’autre part, parce que plusieurs langues officielles de l’Union connaissaient des traductions très proches de ce terme anglais, à savoir « Bulle » en allemand, langue du pays dans lequel la marque nationale verbale antérieure était protégée, « bullis » en letton et « bul » en néerlandais.

45      Cette assertion ne convainc pas, dès lors que le public pertinent est celui de l’Union dans sa globalité. Le mot « bull » n’est pas, en effet, au nombre des mots pouvant être considérés comme faisant partie du vocabulaire de base de l’anglais, qui seront donc compris par une large partie du grand public même non anglophone qui aurait une connaissance suffisante de l’anglais, comme peut l’être, par exemple, le mot « water » [voir arrêt du 28 novembre 2013, Vitaminaqua/OHMI – Energy Brands (vitaminaqua), T‑410/12, EU:T:2013:615, point 58 et jurisprudence citée].

46      La présence, dans les trois langues officielles de l’Union citées par la chambre de recours à l’appui de son raisonnement, de traductions du mot « bull » correspondant à des termes voisins de celui-ci ne suffit pas à admettre l’extrapolation dudit raisonnement au public pertinent dans son entièreté. Ainsi, dans les langues espagnole et italienne, le mot « bull » se traduit par « toro ». Il se traduit par « tavros » en grec, « touro » en portugais et « tjur » en suédois. Dans la langue française, il correspond à « taureau », le mot se prononçant comme le mot « bull » étant « boule », dont l’une des acceptions correspond, en anglais, à « ball ».

47      Par conséquent, le fait que ce terme ne puisse être revêtu d’une signification précise pour une large partie du public pertinent rend vaine toute comparaison avec l’autre signe verbal, « bulldog », et ce nonobstant le fait que le mot anglais « bulldog », comme la chambre de recours l’a, cette fois, souligné à juste titre, est passé de façon presque inchangée dans la quasi-totalité des langues officielles de l’Union (voir point 35 de la décision attaquée).

48      C’est donc à tort que les parties se prévalent de l’arrêt PICARO, point 33 supra (EU:T:2008:10), pour conclure, en ce qui concerne la requérante, à l’existence d’une ressemblance conceptuelle des signes en conflit et, en ce qui concerne l’OHMI, à leur dissemblance conceptuelle. Il ressort en effet de la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus, comme, d’ailleurs, d’une simple analyse logique, qu’une comparaison n’est possible que si les deux termes de celle-ci sont connus de la personne devant y procéder. Or, ainsi qu’il vient d’être rappelé, le public non anglophone n’aura connaissance que de l’un de ces deux termes, ce qui exclut toute incidence de la comparaison conceptuelle pour la majorité du public pertinent.

49      En revanche, la partie anglophone du public pertinent, présente au Royaume-Uni, mais aussi en Irlande et à Malte, dont l’anglais est l’une des langues officielles, ainsi que dans plusieurs autres États membres de l’Union dont les habitants utilisent cette langue de façon quotidienne, identifiera les signes en conflit comme faisant référence à deux animaux distincts.

50      Cependant, comme le fait valoir à bon droit la requérante, dans ce cas de figure, contrairement à ce qu’a indiqué la chambre de recours, lesdits signes ne sont pas dépourvus d’une certaine ressemblance conceptuelle [voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2013, Nath Kalsi/OHMI – American Clothing Associates (RIDGE WOOD), T‑80/11, EU:T:2013:251, points 52, 53 et 56]. Certes, ne peut être retenu l’argument de la requérante selon lequel la partie anglophone du public pertinent associera le bouledogue et le taureau en raison du fait que le premier était, à l’origine, dressé pour combattre le second, la pratique du bull-baiting (combat de taureaux) n’étant guère connue en dehors de l’Angleterre. Toutefois, tant le taureau, dépeint par les marques verbales antérieures, que le bouledogue, décrit par la marque demandée, ont l’image d’animaux desquels émane une force concentrée, une grande puissance musculaire s’exprimant souvent de façon agressive envers leurs congénères ou l’être humain, a fortiori lorsque celle-ci est mise en scène lors de combats ou de corridas.

51      Au total, c’est donc à tort que la chambre de recours a estimé que les signes en conflit seraient perçus comme étant conceptuellement dissemblables dans une partie substantielle de l’Union, ceux-ci présentant, pour le public anglophone, un faible degré de similitude et n’étant pas comparables d’un point de vue conceptuel pour la majorité du public pertinent.

–       En ce qui concerne la comparaison globale

52      L’OHMI estime que la chambre de recours a correctement indiqué que les signes en conflit étaient globalement dissemblables, ce que conteste la requérante, pour laquelle l’ensemble des considérations qu’elle a exposées conduit à conclure à la similitude globale desdits signes.

53      Il résulte des considérations exposées par le Tribunal concernant la comparaison des signes en conflit que ceux-ci présentent, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, une similitude moyenne d’un point de vue visuel et phonétique et, pour la partie anglophone du public pertinent, un faible degré de similitude conceptuelle, la comparaison n’étant pas possible de ce point de vue pour la majorité du public pertinent, non anglophone.

54      Il convient donc de conclure à une ressemblance globale de ces signes.

55      Il importe, toutefois, afin de déterminer si les erreurs de la chambre de recours doivent conduire à l’annulation de la décision attaquée, de procéder à l’appréciation du risque de confusion en tant que tel.

 Sur le risque de confusion

56      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec, EU:T:2006:397, point 74].

57      La chambre de recours a considéré que la simple coïncidence des marques en cause dans leur début, du fait de la présence des lettres « b », « u », « l » et « l », ne permettait pas d’aboutir à la conclusion que le public pertinent confondrait lesdites marques, la preuve du caractère distinctif accru ou de la renommée des marques verbales antérieures BULL n’ayant pas été apportée par la requérante.

58      Cette dernière soutient que c’est à tort que la chambre de recours a fait application de la jurisprudence permettant de considérer qu’il n’existait pas de risque de confusion lorsque les différences conceptuelles neutralisaient les similitudes visuelles et phonétiques, pourvu que l’un des signes en conflit ait un sens clair et déterminé. Non seulement, fait-elle valoir, cette différence conceptuelle n’est pas fondée, mais, à la supposer établie, elle ne suffit pas à neutraliser lesdites similitudes, en raison, notamment, de l’identité des signes en cause dans leur partie initiale. Elle allègue, en outre, que, dans l’appréciation du risque de confusion, la chambre de recours a omis de prendre en considération le principe d’interdépendance et la renommée des marques verbales antérieures BULL.

59      L’OHMI soutient, concernant l’appréciation du risque de confusion, que la chambre de recours ne s’est pas contredite en estimant que, les signes en conflit étant globalement dissemblables, l’une des conditions essentielles pour l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 faisait défaut et qu’il n’existait donc pas de risque de confusion.

60      Il convient d’emblée de souligner que la chambre de recours a omis de prendre en compte, dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, l’existence d’une complète identité des produits en cause. Au vu, d’une part, de l’importance de cette identité et, d’autre part, de la ressemblance globale des signes en conflit à laquelle il a été conclu au point 54 ci-dessus, force est de juger que le risque de confusion entre les marques en cause est avéré.

61      Il en ressort que c’est à juste titre que la division d’opposition avait fait droit à l’opposition et qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sans qu’il soit besoin de statuer sur le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

63      L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

64      Sun Mark n’ayant pas la qualité de partie au présent litige, les conclusions de la requérante tendant à ce qu’elle soit condamnée aux dépens sont irrecevables.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 16 novembre 2012 (affaire R 107/2012‑2), relative à une procédure d’opposition entre Red Bull GmbH et Sun Mark Ltd, est annulée.

2)      Les conclusions de Red Bull tendant à ce que Sun Mark soit condamnée aux dépens sont rejetées comme irrecevables.

3)      L’OHMI est condamné aux dépens.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 février 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.