Language of document : ECLI:EU:T:2024:302

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

8 mai 2024 (*) (1)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 – Obligation de motivation – Exception d’illégalité – Limitation des effets de l’arrêt dans le temps »

Dans l’affaire T‑393/21,

Max Heinr. Sutor OHG, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes A. Glos, M. Rätz, H.-U. Klöppel et M. Meisgeier, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par M. J. Kerlin, Mme C. De Falco et M. T. Wittenberg, en qualité d’agents, assistés de Mes B. Meyring, T. Klupsch et S. Ianc, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík (rapporteur), K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 9 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Max Heinr. Sutor OHG, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante est un établissement de crédit établi en Allemagne.

3        Une part considérable de l’activité commerciale de la requérante résulte de sa coopération avec la société Raisin DS (ci-après « Raisin »). Cette dernière gère une plateforme destinée à la négociation de placements à l’échelle européenne, grâce à laquelle les clients peuvent accéder aux offres de placement d’un grand nombre d’établissements de crédit européens (ci-après les « établissements de produits »).

4        Les clients de Raisin ouvrent à cette fin un compte en leur nom auprès de la requérante et y versent le montant du placement. La requérante investit fiduciairement les fonds des clients, en son nom propre et pour le compte des clients, dans les produits d’épargne choisis par les clients auprès des établissements de produits. À cette fin, la requérante crée un compte collectif en son sein qui est géré en son nom propre, mais pour le compte des clients (ci-après le « compte de transit »). Les fonds des clients sont transférés ou débités de leurs comptes individuels, ouverts auprès de la requérante, vers ou depuis ce compte de transit.

5        Puis, la requérante ouvre, sur instruction de Raisin, en tant que représentante des clients, en son nom propre et pour le compte des clients, des comptes fiduciaires collectifs auprès des établissements de produits et y dépose les fonds des clients, qu’elle investit dans les placements choisis par ces derniers.

6        Ainsi, selon la requérante, les différentes étapes de cette procédure sont les suivantes :

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7        Selon la réglementation allemande applicable, l’ensemble des dépôts des clients qu’un établissement de crédit, tel que la requérante, gère et place fiduciairement doivent figurer à son bilan en tant qu’actifs dénommés « actifs fiduciaires ». Conformément à cette réglementation, les montants qui correspondent aux obligations d’un tel établissement découlant des droits des clients au remboursement de leurs fonds (ci-après les « passifs fiduciaires ») doivent être inscrits dans son bilan en tant que passifs dénommés « passifs fiduciaires ».

8        Par la décision attaquée, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante »), pour l’année 2021 (ci-après la « période de contribution 2021 »), des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.

9        La décision attaquée inclut les passifs fiduciaires de la requérante parmi les passifs qui sont pris en compte aux fins du calcul de sa contribution ex ante. Ces passifs fiduciaires figurent sur le formulaire de déclaration concernant la contribution de la requérante (ci-après le « formulaire de déclaration »), lequel a ensuite été repris dans la décision attaquée.

10      Par avis de perception du 21 avril 2021, la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin, Autorité fédérale de surveillance des services financiers, Allemagne), en sa qualité d’autorité de résolution nationale au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021, telle qu’elle avait été fixée par le CRU. Cet avis était accompagné de la décision attaquée ainsi que de la communication explicative SRB/ES/2021/24 du CRU, du 14 avril 2021, concernant la requérante et relative aux données utilisées pour le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique (ci-après la « communication attaquée »).

II.    Actes attaqués

11      La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de trois annexes.

12      Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2021, qui est applicable à tous les établissements.

13      Plus particulièrement, dans la section 5 de ladite décision, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2021 (ci-après le « niveau cible annuel »).

14      Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,35 % du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2020 (ci-après le « montant moyen des dépôts couverts en 2020 »), tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

15      Dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021. À cet égard, il a précisé, au considérant 59 de ladite décision, que, pour cette période, 13,33 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par des établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »), conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 86,67 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l’union » et les « États membres participant au MRU »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.

16      Ensuite, le CRU a calculé les contributions ex ante des établissements, tels que la requérante, en suivant les phases principales suivantes.

17      Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au MRU. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif total de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

18      Dans la seconde phase du calcul de la contribution ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d’indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2021 – des bins (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

19      Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

20      Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.

21      L’annexe I de la décision attaquée contient une fiche individuelle pour chaque établissement soumis au versement des contributions ex ante, dont la requérante, qui comporte les résultats du calcul de la contribution ex ante de chacun de ces établissements (ci-après la « fiche individuelle »). Chacune de ces fiches expose le montant de la contribution annuelle de base de l’établissement concerné ainsi que la valeur de son multiplicateur d’ajustement, tant sur la base de l’union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel ledit établissement a été assigné. En outre, la fiche individuelle expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements concernés et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par l’établissement concerné dans le formulaire de déclaration et utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante.

22      L’annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d’établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.

23      L’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des commentaires soumis dans le cadre de la consultation sur les contributions ex ante au Fonds de résolution unique pour 2021 », examine les observations présentées par les établissements lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre les 5 et 19 mars 2021 en vue de l’adoption de la décision attaquée.

24      La communication attaquée est divisée en cinq sections. La section 1 contient une description de la procédure concernant les données déclaratives corrigées pour les périodes de contribution 2018, 2019 et 2020. La section 2 contient une description de la requérante et une explication plus détaillée des données déclaratives corrigées. La section 3 fournit le cadre juridique. La section 4 résume les arguments de la requérante. La section 5 contient, notamment, l’appréciation du CRU en ce qui concerne l’absence d’application aux passifs fiduciaires de la requérante de la dérogation prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63.

III. Conclusions des parties

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ainsi que la communication attaquée ;

–        condamner le CRU aux dépens.

26      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation, maintenir les effets de la décision attaquée jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.

IV.    En droit

27      À titre liminaire, il convient de rappeler que, par son recours, la requérante demande également à titre préventif l’annulation de la communication attaquée, dans l’hypothèse où le Tribunal lui conférerait un contenu autonome par rapport à celui de la décision attaquée en réponse au sixième moyen. Selon la requérante, dans cette communication, le CRU explique sa décision de ne pas faire droit à la demande de révision de ses données concernant les contributions ex ante pour les périodes de contribution 2018 à 2020.

28      À cet égard, force est de constater que, en dépit de l’intitulé du chef de conclusion tendant à l’annulation de la communication attaquée, tel qu’il est formulé par la requérante, l’argumentation de cette dernière se limite en réalité à contester la légalité de la décision attaquée. La requérante n’avance ainsi aucune argumentation autonome et ciblée concernant la communication attaquée. Dans ces conditions, il convient d’en déduire que le sixième moyen et le recours dans son ensemble portent, en réalité, sur la seule décision attaquée.

29      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatorze moyens, tirés :

–        le premier, d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 ;

–        le deuxième, d’une violation du principe de proportionnalité visé à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 ;

–        le troisième, d’une violation du principe d’égalité de traitement ;

–        le quatrième, d’une violation de la liberté d’entreprise protégée par l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après « la Charte ») ;

–        le cinquième, d’une violation de sa liberté d’établissement visée par les dispositions combinées des articles 49 et 54 TFUE ;

–        le sixième, d’une violation de l’article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63 ;

–        le septième, d’une violation du droit d’être entendu prévu à l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte ;

–        le huitième, d’une violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte ainsi qu’à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ;

–        le neuvième, d’une violation du principe de protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47, paragraphe 1, de la Charte ;

–        le dixième, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité des articles 4 à 7 et 9 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63 en raison d’une atteinte à l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE ;

–        le onzième, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité des articles 4 à 7 et 9 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63 en raison d’une violation du principe de protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47, paragraphe 1, de la Charte ;

–        le douzième, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 en raison d’une violation de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et du principe d’égalité de traitement ;

–        le treizième, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 en raison d’une violation de la liberté d’entreprise protégée par l’article 16 de la Charte ;

–        le quatorzième, à titre subsidiaire, d’une exception d’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 en raison d’une violation de la liberté d’établissement protégée par les dispositions combinées des articles 49 et 54 TFUE.

30      Dans sa réplique, la requérante a indiqué qu’elle se désistait des dixième et onzième moyens.

31      Il convient d’examiner d’abord les moyens par lesquels la requérante excipe de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, puis les moyens portant directement sur la légalité de la décision attaquée.

A.      Sur les exceptions d’illégalité soulevées à l’encontre de l’article 3, point 11, de l’article 5, paragraphe 1, sous e), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63

32      Par l’intitulé des douzième, treizième et quatorzième moyens, la requérante soulève des exceptions d’illégalité à l’encontre de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63. Cependant, il ressort des motifs de la requête que la requérante conteste également, en substance, la légalité de l’article 5, paragraphe 1, sous e), de ce règlement délégué.

33      Ainsi, plus concrètement, la requérante soutient, par le douzième moyen, que l’article 3, point 11, l’article 5, paragraphe 1, sous e), et l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 violent l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et le principe d’égalité de traitement. Par le treizième moyen, la requérante fait valoir que ces dispositions du règlement délégué 2015/63 enfreignent également la liberté d’entreprise protégée par l’article 16 de la Charte. Par le quatorzième moyen, la requérante soutient que lesdites dispositions violent la liberté d’établissement protégée par les articles 49 et 54 TFUE.

34      La requérante a soulevé ces exceptions d’illégalité dans l’hypothèse où l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 devrait être interprété comme ne permettant pas l’exclusion des passifs fiduciaires du calcul des passifs servant à déterminer les contributions ex ante.

35      Ainsi, il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, si l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 doit être interprété comme ne permettant pas une telle exclusion. Si tel est le cas, il conviendra d’apprécier, dans un second temps, si l’article 14, paragraphe 2, et l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 sont conformes à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, au principe d’égalité de traitement, à l’article 16 de la Charte et aux articles 49 et 54 TFUE.

1.      Sur la portée de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

36      Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63, sont exclus du calcul des contributions ex ante, « dans le cas des entreprises d’investissement, les passifs découlant de la détention d’actifs ou de liquidités de clients, [...] à condition que ledit client soit protégé par le droit applicable en matière d’insolvabilité ».

37      La requérante fait valoir que cette disposition doit être interprétée en ce sens qu’elle permet d’exclure le montant de ses passifs fiduciaires du calcul de son passif lors de la détermination de sa contribution ex ante, puisque ces passifs remplissent les conditions prévues par ladite disposition.

38      Le CRU conteste les arguments de la requérante.

39      Il ressort de la jurisprudence que l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne confère pas de pouvoir discrétionnaire au CRU pour exclure certains passifs au titre de l’adaptation en fonction du risque des contributions ex ante, mais énumère, au contraire, de manière précise les conditions dans lesquelles un passif fait l’objet d’une telle exclusion (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 93). Selon cette même jurisprudence, la prise en compte des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de proportionnalité ne saurait justifier un autre résultat, dès lors que le règlement délégué 2015/63 a distingué des situations présentant des particularités notables, directement liées aux risques présentés par les passifs en cause (arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 95).

40      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les dispositions qui instaurent une dérogation doivent faire l’objet d’une interprétation stricte (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2019, State Street Bank International, C‑255/18, EU:C:2019:967, points 39 et 40). Ainsi, étant donné que l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 instaure une dérogation à la règle générale prévue par l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 en permettant d’exclure certains passifs du calcul des contributions ex ante, il constitue une disposition devant faire l’objet d’une interprétation stricte.

41      Dans ce contexte, il convient de relever que l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 prévoit trois conditions cumulatives pour l’exclusion des passifs concernés du calcul des contributions ex ante, à savoir, premièrement, le fait que ces passifs doivent être détenus par une entreprise d’investissement, deuxièmement, le fait qu’ils doivent découler de la détention d’actifs ou de liquidités de clients et, troisièmement, le fait que ces clients doivent être protégés par le droit applicable en matière d’insolvabilité.

42      S’agissant de la première condition, la requérante soutient qu’elle doit être considérée comme une entreprise d’investissement au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63.

43      La notion d’« entreprises d’investissement » est définie à l’article 3, point 2, du règlement délégué 2015/63 comme visant « les entreprises d’investissement au sens de l’article 2, paragraphe 1, point 3), de la directive 2014/59 [...] ».

44      Il est constant entre les parties que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59 définissait la notion d’« entreprise d’investissement » comme renvoyant à « une entreprise d’investissement au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 2), du règlement (UE) no 575/2013 [...] », lequel définissait, quant à lui, la notion d’« entreprise d’investissement » comme renvoyant à « une personne au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1), de la directive 2004/39/CE qui est soumise aux exigences imposées par ladite directive, à l’exclusion : a) des établissements de crédit [...] ».

45      Il découle du libellé même de ces dispositions que la dérogation figurant à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué ne s’appliquait pas, au moment de l’adoption de la décision attaquée, aux entités qui étaient à la fois des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, comme c’était le cas de la requérante. À cet égard, il n’est pas contesté que la requérante est un établissement de crédit qui dispose d’un agrément bancaire en tant qu’établissement au sens des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 3, paragraphe 1, point 13, du règlement no 806/2014 ainsi que de l’article 2, paragraphe 1, point 2, de la directive 2014/59.

46      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’affirmation de la requérante selon laquelle elle dispose d’une autorisation pour fournir les services et mener les activités d’investissement visés à l’annexe I, section A, points 1 à 7, de la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO 2014, L 173, p. 349).

47      En effet, comme le soutient le CRU, si la Commission avait entendu viser à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 à la fois les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, voire les établissements de crédit qui sont également des entreprises d’investissement, elle aurait fait référence, dans cette disposition, aux « établissements », et non aux « entreprises d’investissement ». La Commission a d’ailleurs procédé ainsi sous a), b) et f) de cette disposition en utilisant le terme « établissement ». En revanche, lorsque la Commission a entendu limiter l’application d’une exception au titre de l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement délégué à certaines entités, elle a eu recours à des formulations plus précises, telles que les formulations « contrepartie[s] centrale[s] », « dépositaire[s] centra[ux] de titres » et « entreprises d’investissement » employées, respectivement, sous c), sous d) et sous e) de cette disposition.

48      En ce qui concerne, enfin, l’argument de la requérante selon lequel le renvoi par l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59 à l’article 4, paragraphe 1, point 2, du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), constitue une erreur de référence que le CRU aurait dû corriger, la requérante ne fournit aucun élément tangible au soutien de cette affirmation.

49      À cet égard, il convient de rappeler que la définition d’« entreprise d’investissement », telle qu’elle est actuellement prévue à l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59, a été modifiée par l’article 63, point 1, de la directive (UE) 2019/2034 du Parlement européen et du Conseil, du 27 novembre 2019, concernant la surveillance prudentielle des entreprises d’investissement et modifiant les directives 2002/87/CE, 2009/65/CE, 2011/61/UE, 2013/36/UE, 2014/59/UE et 2014/65/UE (JO 2019, L 314, p. 64). Cette définition fait désormais référence à l’article 4, paragraphe 1, point 22, du règlement (UE) 2019/2033 du Parlement européen et du Conseil, du 27 novembre 2019, concernant les exigences prudentielles applicables aux entreprises d’investissement et modifiant les règlements (UE) no 1093/2010, (UE) no 575/2013, (UE) no 600/2014 et (UE) no 806/2014 (JO 2019, L 314, p. 1), qui renvoie, quant à lui, en ce qui concerne la notion d’« entreprise d’investissement », à l’article 4, paragraphe 1, point 1, de la directive 2014/65, lequel définit cette notion comme s’appliquant à toute personne morale qui fournit des services d’investissement à des tiers, sans exclure de cette définition les établissements de crédit.

50      Cependant, il est constant entre les parties que cette modification de la définition d’« entreprise d’investissement » figurant à l’article 2, paragraphe 1, point 3, de la directive 2014/59 n’était applicable qu’à partir du 26 juin 2021, conformément à l’article 67, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2019/2034, lu à la lumière du considérant 39 de cette même directive.

51      Il découle de ce qui précède que l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63, dans sa version applicable au moment de l’adoption de la décision attaquée, le 14 avril 2021, doit être interprété comme ne permettant pas d’exclure les passifs détenus par des établissements de crédit, tels que la requérante, du calcul des passifs servant à déterminer leur contribution ex ante.

52      Dans ces conditions, les passifs fiduciaires de la requérante ne remplissent pas la première condition prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63.

53      Étant donné que les trois conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 ont un caractère cumulatif, l’argumentation de la requérante doit être rejetée dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les deux autres conditions sont remplies.

54      Par conséquent, il convient d’examiner les exceptions d’illégalité que la requérante a formulées dans le cadre des douzième, treizième et quatorzième moyens.

2.      Sur le douzième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 3, point 11, de l’article 5, paragraphe 1, sous e), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires à l’article 103, paragraphe 7, de la directive  2014/59 et au principe d’égalité de traitement

55      Le présent moyen s’articule autour de deux branches, tirées, la première, de l’illégalité de l’article 3, point 11, de l’article 5, paragraphe 1, sous e), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 en raison de la violation de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et, la seconde, de la violation du principe d’égalité de traitement par ces mêmes dispositions.

56      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 impose aux établissements l’obligation de fournir au CRU, à tout le moins, les informations visées à l’annexe II de ce règlement délégué, étant entendu que, selon le deuxième tiret de cette annexe, les établissements sont tenus de soumettre au CRU les données relatives au « [t]otal du passif », lequel est défini à l’article 3, point 11, dudit règlement délégué comme étant le total du passif au sens de la section 3 de la directive 86/635/CEE du Conseil, du 8 décembre 1986, concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des banques et autres établissements financiers (JO 1986, L 372, p. 1), ou au sens des normes internationales d’information financière visées dans le règlement (CE) no 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 19 juillet 2002, sur l’application des normes comptables internationales (JO 2002, L 243, p. 1).

a)      Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 103, paragraphe 7, de la directive  2014/59

57      Il ressort des points 39 à 53 ci-dessus que l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 ne prévoit pas l’exclusion des passifs fiduciaires du calcul des contributions ex ante et inclut ainsi lesdits passifs dans ce calcul. Une telle exclusion n’est pas non plus prévue par l’article 3, point 11, ni l’article 14, paragraphe 2, de ce même règlement délégué.

58      La requérante soutient, en substance, que les dispositions susmentionnées du règlement délégué 2015/63 violent l’article 103, paragraphe 7, sous a), de la directive 2014/59 au motif qu’elles ne tiennent pas compte, pour la détermination du profil de risque des établissements, de l’absence de risque des passifs fiduciaires.

59      Le CRU conteste les arguments de la requérante.

60      À cet égard, il convient de relever que, conformément à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués pour préciser la notion d’« adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements ».

61      Cependant, dans le contexte d’un pouvoir délégué au sens de l’article 290 TFUE, la Commission dispose, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée, notamment, à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 53 et jurisprudence citée).

62      Tel est le cas en ce qui concerne la fixation des critères d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

63      À cet égard, il convient de rappeler que la nature spécifique de ces contributions consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

64      Dans ce contexte, et ainsi qu’il ressort du considérant 114 de la directive 2014/59, le législateur de l’Union a chargé la Commission de préciser, par acte délégué, la façon d’ajuster les contributions des établissements aux dispositifs de financement pour la résolution en proportion de leur profil de risque.

65      Dans cette même optique, le considérant 107 de cette directive précise que, pour assurer un calcul équitable des contributions ex ante aux dispositifs de financement nationaux et encourager l’adoption de modes de fonctionnement moins risqués, il convient que ces contributions soient fonction du risque de crédit, de liquidité et de marché encouru par les établissements.

66      Il découle de ce qui précède que la Commission devait élaborer des règles d’ajustement des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements en poursuivant deux objectifs liés, à savoir, d’une part, assurer la prise en compte des différents risques que génèrent les activités des établissements, bancaires ou plus largement financières, et, d’autre part, encourager ces mêmes établissements à suivre des modes de fonctionnement moins risqués.

67      Or, ainsi qu’il ressort des documents afférents à l’adoption du règlement délégué 2015/63, notamment les documents « JRC technical work supporting Commission second level legislation on risk based contributions to the (single) resolution fund » [Étude technique du JRC au soutien de la législation de deuxième niveau de la Commission sur les contributions fondées sur les risques au fonds de résolution (unique)] et « Commission Staff Working Document : estimates of the application of the proposed methodology for the calculation of contributions to resolution financing arrangements » (Document de travail des services de la Commission : estimations de l’application de la méthode proposée pour le calcul des contributions aux dispositifs de financement des résolutions), l’élaboration de telles règles impliquait des appréciations et des évaluations complexes de la part de la Commission dans la mesure où celle-ci devait examiner les différents éléments au vu desquels les divers types de risque étaient appréhendés dans les secteurs bancaire et financier.

68      Eu égard à ce qui précède, la Commission disposait d’un large pouvoir d’appréciation aux fins d’adopter, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, les règles précisant la notion d’« adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements ».

69      Dans ces conditions, s’agissant de la méthode d’adaptation des contributions annuelles de base au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice du pouvoir d’appréciation octroyé à la Commission n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si celle-ci n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60).

70      Dans ces conditions, il appartient à la requérante de démontrer que les dispositions mentionnées au point 57 ci-dessus sont entachées d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou qu’elles vont manifestement au-delà des limites du pouvoir d’appréciation conféré à la Commission par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 en ne prévoyant pas l’exclusion des passifs fiduciaires du calcul de sa contribution ex ante.

71      À cet égard, la requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, puisque les passifs fiduciaires sont dénués de risque, fait qui serait pertinent aux fins du calcul des contributions ex ante pour deux raisons. En premier lieu selon elle, les liquidités de clients qu’elle détient fiduciairement seraient protégées dans le cas où elle serait insolvable en vertu de droit allemand en matière d’insolvabilité. En second lieu, la requérante soutient que, dans la mesure où elle est tenue de transférer les fonds des clients aux établissements de produits, en cas de défaillance d’un tel établissement, ces fonds seraient en outre protégés par le système de garantie des dépôts au sens de la directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relative aux systèmes de garantie des dépôts (JO 2014, L 173 p. 149).

72      Tout d’abord, il convient de rappeler que l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 prévoit huit éléments que la Commission doit prendre en compte aux fins de l’adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements. Or, bien que « l’exposition au risque de l’établissement » figure parmi ces éléments, de sorte que la Commission est tenue de le prendre en compte lors de l’adoption d’un acte délégué tel que le règlement délégué 2015/63, cet élément ne constitue qu’un critère parmi les huit dont la Commission doit tenir compte dans l’élaboration d’un tel acte.

73      Ensuite, rien dans l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 n’indique que la Commission est tenue d’accorder une importance prépondérante à un ou à plusieurs desdits éléments mentionnés au point 72 ci-dessus, tels que l’exposition au risque de l’établissement. Par ailleurs, cette disposition ne précise pas de quelle manière la Commission doit tenir compte de cette exposition.

74      Enfin, et en tout état de cause, la requérante n’a pas établi que les passifs fiduciaires étaient dépourvus de tout risque en cas de résolution.

75      En effet, en ce qui concerne, tout d’abord, l’argument de la requérante selon lequel les passifs fiduciaires ne présentent pas de risque en cas de résolution, car les liquidités de clients détenues fiduciairement sont protégées par le droit allemand en cas d’insolvabilité, il convient de constater que la requérante n’a pas contesté l’affirmation du CRU selon laquelle ce droit n’octroie pas de protection particulière aux fonds des clients tant qu’ils se trouvent sur le compte de transit.

76      À cet égard, le CRU a expliqué, sans que la requérante le conteste, que le fait de détenir ces fonds sur un compte de transit augmentait le risque associé aux passifs fiduciaires, car ces fonds n’étaient pas immédiatement séparés des autres fonds de la requérante et n’étaient donc pas protégés par le droit allemand en cas d’insolvabilité.

77      Sur ce point, il ressort d’ailleurs de la requête et il a également été confirmé par la requérante lors de l’audience que, en ce qui concerne la requérante, ces fonds sont transférés vers des comptes fiduciaires collectifs auprès des établissements de produits le 15 ou le 30 du mois, ce qui implique que les fonds peuvent demeurer sur le compte de transit pendant un délai maximal de quinze jours sans être protégés par le droit allemand en cas d’insolvabilité.

78      De même, la requérante soutient à tort que les passifs fiduciaires ne présentent aucun risque à partir du moment où les fonds des clients sont transférés du compte de transit aux établissements de produits, puisque, en cas de défaillance de l’un de ces établissements, ces fonds sont protégés par le système de garantie des dépôts.

79      À cet égard, la requérante n’a pas contesté l’argument du CRU selon lequel, pour que les fonds des clients soient protégés par le système de garantie des dépôts, il est nécessaire que les établissements de produits concernés aient leur siège dans un État membre et que les clients ne placent pas plus de 100 000 euros dans de tels établissements, de sorte que ladite protection se trouve limitée tant sur le plan territorial que sur le plan quantitatif.

80      Eu égard à ce qui précède, la requérante n’a pas établi que l’article 3, point 11, l’article 5, paragraphe 1, sous e), et l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 étaient contraires à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

b)      Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

81      La requérante soutient, en substance, que l’absence d’exclusion des passifs fiduciaires du calcul de la contribution ex ante à l’article 3, point 11, à l’article 5, paragraphe 1, sous e), et à l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 est contraire au principe d’égalité de traitement, dans la mesure où les établissements de crédit, tels qu’elle-même, se trouvent dans une situation comparable à celle des entreprises d’investissement visées audit article 5, paragraphe 1, sous e), de ce même règlement délégué, mais sont traités de manière différente.

82      Le CRU conteste cette argumentation.

83      Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 95).

84      La requérante ayant invoqué la violation du principe d’égalité de traitement, c’est à elle qu’il incombe d’identifier avec précision les situations comparables dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière différente ou les situations différentes dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière identique [arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311].

85      Selon une jurisprudence constante, le caractère comparable de telles situations s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).

86      En ce qui concerne l’objet et le but de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, il convient de rappeler que ces actes relèvent du domaine du MRU, dont la création vise, conformément au considérant 12 du règlement no 806/2014, à garantir une approche neutre dans le traitement des établissements défaillants, à renforcer la stabilité des établissements dans les États membres participant au MRU et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres ne participant pas à ce mécanisme, afin de faciliter le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble.

87      S’agissant par ailleurs, plus particulièrement, des dispositions de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63 qui instaurent les contributions ex ante, il ressort du point 63 ci-dessus que celles-ci ont pour objectif de garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et d’encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

88      C’est au regard de ces principes et objectifs qu’il convient d’examiner, en premier lieu, si les établissements de crédit agréés pour exercer également des activités d’investissement, tels que la requérante, se trouvent dans une situation comparable à celle des entreprises d’investissement visées par l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 (ci-après les « entreprises d’investissement ») en ce qui concerne la prise en compte des passifs fiduciaires aux fins du calcul des contributions ex ante.

89      À cet égard, il y a lieu de relever que les contributions ex ante visent à financer des mesures de résolution dont l’adoption est subordonnée à la condition, qui ressort de l’article 18, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 5, du règlement no 806/2014, qu’une telle mesure soit nécessaire dans l’intérêt public, c’est-à-dire qu’elle permette d’atteindre, notamment, l’objectif – mentionné à l’article 14, paragraphe 2, sous b), de ce règlement – d’éviter les effets négatifs significatifs qu’aurait la liquidation d’un établissement sur la stabilité financière, en particulier en prévenant la contagion, y compris aux infrastructures de marché, et en maintenant la discipline de marché.

90      Or, ainsi que l’indique le considérant 4 de la directive 2019/2034, les établissements de crédit et les entreprises d’investissement ne présentent pas un risque comparable en ce qui concerne les effets préjudiciables que leur défaillance pourrait avoir sur la stabilité financière, puisque, contrairement aux établissements de crédit, les entreprises d’investissement ne possèdent pas d’importants portefeuilles de prêts aux particuliers et aux entreprises et n’acceptent pas de dépôts. En effet, le fait de détenir d’importants portefeuilles de dépôts et de prêts aux particuliers et aux entreprises entraîne un risque pour la stabilité financière lorsque les particuliers ou les entreprises débiteurs ne parviennent pas, à grande échelle, à rembourser ces prêts aux établissements de crédit concernés ou lorsqu’un nombre significatif de dépôts est retiré.

91      Il en va d’autant plus ainsi que la clientèle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement est différente. En effet, ainsi que le fait valoir le CRU, sans être contredit sur ce point, la clientèle des entreprises d’investissement est composée de personnes qui font appel à certains services spécifiques liés aux instruments financiers, cette constatation étant confirmée par la définition de la notion de « client » de telles entreprises, qui est définie à l’article 4, paragraphe 1, point 9, de la directive 2014/65. En revanche, ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement no 575/2013, les établissements de crédit, y compris ceux agréés pour exercer également des activités d’investissement, reçoivent du public des dépôts ou d’autres fonds remboursables et octroient des crédits pour leur propre compte, de sorte qu’ils offrent leurs services à un cercle plus large de personnes.

92      Dans ces conditions, la probabilité qu’un établissement de crédit fasse l’objet d’une résolution, en application de l’article 18, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 5, du règlement no 806/2014, est plus élevée que celle qu’une entreprise d’investissement fasse l’objet d’une résolution, de sorte que ces deux catégories d’établissements ne se trouvent pas, à cet égard, dans une situation comparable.

93      De même, la situation de ces établissements n’est pas comparable s’agissant du traitement des passifs fiduciaires.

94      Sur ce point, la requérante n’a pas sérieusement contesté que, conformément à l’article 84, paragraphe 2, du Wertpapierhandelsgesetz (loi sur le commerce des valeurs mobilières), du 9 septembre 1998 (BGBl. 1998 I, p. 2708), les entreprises d’investissement, qui ne sont pas autorisées à effectuer des opérations de dépôt, sont tenues de séparer immédiatement les fonds reçus des clients sur des comptes fiduciaires ouverts auprès d’établissements de crédit. En revanche, un établissement de crédit, tel que la requérante, n’est pas obligé de procéder de la sorte dans le cadre de l’exercice des activités d’investissement étant donné que, ainsi qu’il ressort des considérations énoncées aux points 76 à 77 ci-dessus, il n’est pas tenu de transférer immédiatement lesdits fonds du compte de transit aux établissements de produits.

95      Dans ces conditions, la requérante n’a pas établi que les passifs fiduciaires détenus par les entreprises d’investissement étaient exposés à un niveau de risque qui serait comparable à celui des passifs fiduciaires détenus par les établissements de crédit agréés pour exercer également des activités d’investissement, tels qu’elle-même. Par conséquent, la requérante ne peut soutenir que la situation des établissements de crédit agréés pour exercer également des activités d’investissement, dont elle fait partie, est comparable à celle des entreprises d’investissement et que, partant, ces deux types d’établissements doivent être traités de la même manière s’agissant de l’exclusion des passifs fiduciaires aux fins du calcul des contributions ex ante.

96      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’article 3, point 11, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 introduisent une inégalité de traitement entre les établissements ayant leur siège en Allemagne et ceux ayant leur siège dans des États membres qui se sont prévalus de la dérogation prévue à l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635.

97      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 et à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, le CRU calcule une contribution annuelle de base pour chaque établissement, comme cela est indiqué au point 17 ci-dessus. Cette contribution est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire des États membres participant au MRU – en ce qui concerne la partie de cette contribution calculée sur la base de l’union – et de tous les établissements agréés sur le territoire de l’État membre où l’établissement en question a son siège – pour la partie de ladite contribution calculée sur la base nationale.

98      En ce qui concerne la détermination des passifs devant être pris en compte aux fins de ce calcul, il convient de rappeler que l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 définit le « total du passif » comme le « total du passif au sens de la section 3 de la directive 86/635/[…] ou au sens des normes internationales d’information financière visées dans le règlement [...] no 1606/2002 [...] ».

99      Par ailleurs, conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 86/635, qui fait partie de la section 3 de cette directive, les fonds qu’un établissement gère en son nom propre, mais pour le compte d’autrui, doivent figurer, en règle générale, au bilan de cet établissement lorsque celui-ci est titulaire des actifs correspondants.

100    Cela étant, l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635 dispose que les États membres peuvent permettre aux établissements concernés de faire figurer ces fonds hors bilan à condition qu’il existe un régime particulier permettant d’exclure lesdits fonds de la masse en cas de liquidation collective de l’établissement.

101    À cet égard, les parties ont affirmé que, en vertu des dispositions adoptées par la République fédérale d’Allemagne pour se conformer à l’article 10 de la directive 86/635, les passifs fiduciaires d’un établissement de crédit agréé pour exercer des activités d’investissement ayant son siège dans cet État, tel que la requérante, devaient figurer au bilan de celui-ci.

102    Les parties ont également indiqué que certains États membres avaient fait usage de la faculté offerte par l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635 de permettre aux établissements ayant leur siège dans ces États de faire figurer hors bilan les fonds gérés en leur nom propre, mais pour le compte d’autrui.

103    Il s’ensuit, selon la requérante, que, si un établissement a son siège dans un État membre qui a fait usage de la faculté offerte par l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635, il peut faire figurer les passifs relatifs à de telles activités fiduciaires hors bilan, de sorte que ces passifs ne sont pas pris en compte pour le calcul de sa contribution annuelle de base. En revanche, les passifs fiduciaires des établissements ayant leur siège dans les États membres qui n’ont pas utilisé la possibilité de faire figurer les actifs et passifs fiduciaires hors bilan, tels que l’Allemagne, sont pris en compte aux fins de ce calcul.

104    Ainsi, la conséquence décrite au point 103 ci-dessus découle de l’application conjointe de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 et de l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 lus à la lumière de la section 3 de la directive 86/635 et, notamment, de son article 10, paragraphe 1, troisième phrase, qui définit la notion de « passif » des établissements et consacre la possibilité pour les États membres d’opter pour des règles différentes en ce qui concerne l’inclusion des passifs fiduciaires dans le bilan des établissements.

105    Or, la requérante n’a pas contesté la validité de ces dispositions au regard du principe d’égalité de traitement.

106    Par ailleurs, si l’argumentation de la requérante devait être comprise en ce sens qu’elle soutient, en réalité, que l’article 3, point 11, et l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 enfreignent le principe d’égalité de traitement au motif que ces dispositions ne tiennent pas compte de la différence existant entre les règles comptables des différents États membres pour ce qui concerne l’inclusion des passifs fiduciaires dans le bilan des établissements, il convient de relever que le principe d’égalité de traitement ne peut pas habiliter la Commission, lorsqu’elle adopte des actes délégués au titre de l’article 290 TFUE, à agir au-delà de la délégation conférée par le législateur de l’Union sur la base de cette dernière disposition. Par conséquent, il n’appartient pas à la Commission de remédier à des modalités nationales divergentes de mise en œuvre du droit de l’Union, à moins qu’elle ne se voie octroyer une habilitation à cette fin par un acte législatif.

107    En l’occurrence, ni la directive 2014/59 ni le règlement no 806/2014 n’ont habilité la Commission à harmoniser les règles nationales comptables qui concernent l’inclusion des passifs fiduciaires dans le bilan des établissements.

108    Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la Commission d’avoir violé le principe d’égalité de traitement en n’ayant pas remédié aux divergences existant en ce qui concerne les règles comptables nationales relatives à l’inclusion de ces passifs dans ce bilan.

109    En tout état de cause, à supposer même que la Commission ait pu prévoir, à l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, une autre définition des passifs que celle figurant dans la section 3 de la directive 86/635, il n’en découlerait pas que l’article 3, point 11, ce règlement délégué enfreint le principe d’égalité de traitement.

110    En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, l’interdiction d’une discrimination ne vise pas d’éventuelles disparités de traitement qui peuvent résulter, d’un État membre à l’autre, des divergences existant entre les législations des différents États membres à condition que ces législations affectent de manière égale toutes les personnes relevant de leur champ d’application (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Horvath, C‑428/07, EU:C:2009:458, point 55, et du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 35).

111    Si ce principe a certes été développé dans le cadre de l’interprétation des dispositions du droit de l’Union aux fins de l’appréciation de la compatibilité de la législation nationale avec le principe de non-discrimination, il ne saurait toutefois en aller autrement s’agissant de l’appréciation de la validité de la disposition du droit de l’Union accordant aux États membres une marge d’appréciation au titre de laquelle ils adoptent lesdites législations différentes (arrêt du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 36).

112    En l’espèce, la requérante n’a pas soutenu, et encore moins démontré, que la législation allemande concernée n’affectait pas de manière égale toutes les personnes relevant de son champ d’application.

113    En outre, l’adoption d’une réglementation de l’Union dans un domaine d’action particulier peut avoir des répercussions différentes pour certains opérateurs économiques au regard de leur situation individuelle ou des règles nationales auxquelles ils sont par ailleurs soumis, une telle conséquence ne pouvant être considérée comme une atteinte au principe d’égalité de traitement si ladite réglementation est fondée sur des critères objectifs et adaptés aux buts poursuivis par celle-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C‑373/11, EU:C:2013:567, point 34 et jurisprudence citée).

114    À cet égard, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément dont il ressortirait que l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’il renvoie à la section 3 de la directive 86/635, n’était pas fondé sur des critères objectifs et adaptés aux buts poursuivis par le règlement délégué 2015/63.

115    Il y a donc lieu d’écarter l’argument de la requérante.

116    En troisième lieu, la requérante soutient qu’elle se trouve soumise à une inégalité de traitement par rapport aux établissements de crédit qui dressent leur bilan selon les normes comptables internationales, tandis qu’elle ne pourrait pas dresser son bilan selon ces normes, puisque, selon la réglementation allemande applicable, seules les sociétés mères ont le droit d’établir leur bilan exclusivement selon ces normes.

117    À cet égard, d’une part, il convient de relever qu’une telle prétendue inégalité de traitement est la conséquence de l’application d’une règle qui trouve son origine dans la législation allemande applicable, et non dans l’article 3, point 11, l’article 5, paragraphe 1, sous e), ou l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 dont la requérante conteste la validité.

118    D’autre part, et en tout état de cause, comme la requérante le reconnaît elle-même, elle aurait pu établir des comptes selon les normes comptables internationales, mais elle a choisi de ne pas le faire pour des raisons d’ordre administratif et financier. Dans ces conditions, la requérante ne saurait se prévaloir d’une inégalité de traitement pour ce motif.

119    Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que l’article 3, point 11, l’article 5, paragraphe 1, sous e), ou l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 enfreignaient le principe d’égalité de traitement.

120    Par conséquent, il y a lieu d’écarter le douzième moyen comme non fondé.

3.      Sur le treizième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires à l’article 16 de la Charte

121    La requérante soutient que l’article 14, paragraphe 2, et l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 violent la liberté d’entreprise protégée par l’article 16 de la Charte. En effet, l’intégration des passifs fiduciaires dans la base de calcul des contributions ex ante conduirait à une hausse significative de la contribution ex ante des établissements de crédit agréés pour exercer des activités d’investissement, tels que la requérante, ce qui diminuerait considérablement leur liberté d’entreprise.

122    Une telle atteinte ne serait pas justifiée, dès lors que la prise en compte des passifs fiduciaires ne serait pas nécessaire et que les inconvénients générés par l’obligation de paiement seraient disproportionnés par rapport aux buts poursuivis.

123    Le CRU conteste cette argumentation.

124    Le droit à la liberté d’entreprise comprend, notamment, le droit, pour toute entreprise, de pouvoir librement disposer, dans les limites de la responsabilité qu’elle encourt pour ses propres actes, des ressources économiques, techniques et financières dont elle dispose (arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 78).

125    La protection conférée par l’article 16 de la Charte comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre (voir arrêt du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 79 et jurisprudence citée).

126    Cependant, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue. Elle peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, points 45 et 46 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, points 80 et 81 et jurisprudence citée).

127    Cette circonstance trouve, notamment, son reflet dans la manière dont il convient d’apprécier les actes de l’Union au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 47, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 82).

128    Conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés consacrés par la Charte doit être prévue par la loi, respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés et, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui (arrêts du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 48, et du 21 décembre 2021, Bank Melli Iran, C‑124/20, EU:C:2021:1035, point 83).

129    En l’espèce, à supposer que l’obligation faite à la requérante de verser des contributions ex ante constitue une ingérence dans sa liberté d’entreprise, il y a tout d’abord lieu de relever que cette obligation découle, notamment, des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et des articles 102 et 103 de la directive 2014/59, de sorte qu’elle est prévue par la loi.

130    S’agissant de la condition tenant au respect du contenu essentiel de la liberté d’entreprise, il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas que ces dispositions n’affectent pas ce contenu essentiel.

131    Par ailleurs, l’obligation de verser des contributions ex ante poursuit un objectif d’intérêt général. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 1 du règlement délégué 2015/63, les dispositifs de financement pour la résolution doivent disposer de ressources financières suffisantes pour permettre un fonctionnement efficace du mécanisme de résolution. Par conséquent, il est loisible au CRU de percevoir des contributions ex ante auprès des établissements concernés afin de financer la mise en œuvre dudit mécanisme, ce dernier visant à renforcer la stabilité de ces établissements dans les États membres participant au MRU et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres non participants.

132    En outre, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément qui permettrait de constater que, eu égard à l’objectif mentionné au point 131 ci-dessus, l’obligation de contribuer au FRU constituerait une intervention démesurée ou intolérable portant atteinte à la substance même de sa liberté d’entreprise.

133    Enfin, en ce qui concerne le caractère nécessaire de cette obligation de contribuer au FRU, la requérante ne démontre pas, en particulier, qu’il existe des moyens moins restrictifs que le versement des contributions ex ante pour permettre d’atteindre d’une manière aussi efficace les objectifs poursuivis par le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59, tels que, notamment, celui d’assurer que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

134    Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter le treizième moyen comme non fondé.

4.      Sur le quatorzième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires aux articles 49 et 54 TFUE

135    La requérante soutient que l’article 14, paragraphe 2, et l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 violent la liberté d’établissement protégée par les articles 49 et 54 TFUE.

136    En effet, en raison des passifs qui sont pris en compte pour le calcul des contributions ex ante selon ces dispositions, un établissement de crédit agréé en Allemagne pour exercer des activités d’investissement, tel que la requérante, se verrait contraint de verser une contribution ex ante bien plus importante que celle des établissements ayant leur siège dans d’autres États membres dont les normes comptables nationales n’exigent pas l’intégration des passifs fiduciaires dans le bilan ou permettent d’établir le bilan selon les normes comptables internationales.

137    Le CRU conteste cette argumentation.

138    À cet égard, il convient de relever que la prétendue restriction de la liberté d’établissement alléguée par la requérante découle de la disparité entre les législations nationales, qui est la conséquence de la dérogation prévue à l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635, dont la requérante n’a pas contesté la validité.

139    En outre, et en tout état de cause, il ressort de la jurisprudence qu’une réglementation d’un État membre ne constitue pas une restriction au sens du traité FUE du seul fait que d’autres États membres appliquent des règles moins strictes ou économiquement plus intéressantes aux prestataires de services similaires établis sur leur territoire (voir arrêt du 29 mars 2011, Commission/Italie, C‑565/08, EU:C:2011:188, point 49 et jurisprudence citée). En revanche, une telle restriction existe, notamment, si des établissements provenant d’un État membre sont privés de la possibilité de pénétrer le marché d’un autre État membre dans des conditions de concurrence normales et efficaces (voir arrêt du 29 mars 2011, Commission/Italie, C‑565/08, EU:C:2011:188, point 51 et jurisprudence citée).

140    Or, la requérante se borne à soutenir, en réalité, que les différences entre les législations nationales concernant l’inclusion des passifs fiduciaires dans les bilans des établissements, résultant de l’article 10, paragraphe 1, troisième phrase, de la directive 86/635, ont créé une situation dans laquelle il serait économiquement plus intéressant pour les établissements qui gèrent des fonds en leur nom propre, mais pour le compte d’autrui, d’avoir leur siège dans un État membre dans lequel ces passifs ne doivent pas figurer dans leur bilan, plutôt que dans un État membre dans lequel lesdits passifs doivent figurer dans ce bilan. En revanche, la requérante n’a pas fait valoir, et encore moins démontré, que les dispositions du règlement délégué 2015/63 dont elle excipe de l’illégalité auraient pour effet de priver un établissement de crédit agréé en Allemagne, tel qu’elle-même, de la possibilité de pénétrer le marché d’un autre État membre dans des conditions de concurrence normales et efficaces.

141    À cet égard l’argument de la requérante selon lequel elle ne pourrait pas établir son bilan selon les normes comptables internationales ne saurait non plus prospérer, pour les motifs exposés au point 118 ci-dessus.

142    Dans ces conditions, la requérante n’a pas établi que l’article 14, paragraphe 2, et l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63 étaient contraires aux articles 49 et 54 TFUE.

143    Par conséquent, le quatorzième moyen doit être écarté comme non fondé.

B.      Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

144    La requérante soutient que, en ayant refusé d’exclure du calcul des contributions ex ante le montant de ses passifs fiduciaires, le CRU a violé l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63. L’argumentation venant au soutien de ce moyen s’articule autour de deux branches.

a)      Sur la première branche, tirée de l’absence de prise en compte du fait que la requérante remplit toutes les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

145    La requérante fait valoir que, en ayant refusé d’exclure du calcul des contributions ex ante le montant de ses passifs fiduciaires, la décision attaquée viole l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63.

146    Le CRU conteste cette argumentation.

147    Ainsi qu’il ressort des points 39 à 52 ci-dessus, il convient d’interpréter l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 en ce sens qu’il ne permet pas d’exclure les passifs fiduciaires de la requérante du calcul de sa contribution ex ante.

148    Dans ces conditions, le CRU n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il n’a pas exclu le montant de ces passifs du calcul de la contribution ex ante de la requérante.

149    Par conséquent, il a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme non fondée.

b)      Sur la seconde branche, relative à l’application par analogie de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

150    La requérante soutient que, dans l’hypothèse où l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 devrait être interprété en ce sens qu’il ne permet pas l’exclusion de ses passifs fiduciaires du calcul de sa contribution ex ante, l’objectif de ce règlement délégué ainsi que les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité exigeraient que cette disposition soit appliquée par analogie à sa situation.

151    Le CRU conteste cette argumentation.

152    Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’application de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 à des situations qui sont assimilables à celles qu’il vise, même si celles-ci ne remplissent pas l’ensemble des conditions énoncées à cette disposition, est incompatible avec le texte de ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 92).

153    Ainsi, la Cour a jugé que l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne conférait pas de pouvoir discrétionnaire aux autorités compétentes pour exclure certains passifs au titre de l’adaptation en fonction du risque des contributions ex ante visées à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, mais énumérait, au contraire, de manière précise, les conditions dans lesquelles certains passifs pouvaient être exclus du calcul des contributions ex ante (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 93).

154    Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le CRU n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il ne lui a pas appliqué par analogie l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63.

155    La prise en compte des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, invoqués par la requérante, ne saurait justifier un autre résultat, dès lors que le règlement délégué 2015/63 a distingué des situations présentant des particularités notables, directement liées aux risques présentés par les passifs en cause (arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 95).

156    En tout état de cause, au regard des considérations exposées aux points 83 à 120 ci-dessus, la requérante ne saurait soutenir que l’absence d’application par analogie de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 est contraire au principe d’égalité de traitement.

157    La même conclusion s’impose s’agissant du principe de proportionnalité.

158    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés au regard des buts visés (arrêts du 4 mai 2016, Philip Morris Brands e.a., C‑547/14, EU:C:2016:325, point 165, et du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 142 ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 51).

159    S’agissant, tout d’abord, du caractère approprié de la prise en compte des passifs fiduciaires de la requérante dans le calcul de sa contribution ex ante, la requérante ne conteste pas que l’inclusion de ses passifs fiduciaires dans le calcul de cette contribution participe à la réalisation des objectifs des contributions ex ante, décrits au point 63 ci-dessus, en procurant des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions et en encourageant les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

160    À cet égard, la requérante s’est bornée à formuler des affirmations non étayées.

161    En effet, d’une part, la requérante soutient que la prise en compte de ses passifs fiduciaires dans le calcul de sa contribution ex ante fait peser sur elle une charge inacceptable et clairement disproportionnée par rapport à sa taille. Or, au regard des considérations énoncées aux points 39 à 52 ci-dessus, un tel argument ne peut être accueilli, l’exclusion des passifs énoncée à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 ne dépendant pas de la taille des établissements concernés, mais du respect des conditions énoncées dans cette disposition, qui n’ont pas de rapport avec leur taille.

162    D’autre part, la requérante fait valoir que l’inclusion du montant de ses passifs fiduciaires dans le calcul de son passif lors de la fixation de sa contribution ex ante est contraire aux critères fixés à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59. À cet égard, il suffit de constater que la requérante n’explique pas, à suffisance de droit, le lien entre cet argument et le principe de proportionnalité.

163    S’agissant, ensuite, du caractère nécessaire de la prise en compte des passifs fiduciaires de la requérante dans le calcul de sa contribution ex ante au regard des objectifs mentionnés au point 63 ci-dessus, il convient de constater que celle-ci invoque, en substance, deux arguments.

164    Premièrement, la requérante soutient que la prise en compte de ses passifs fiduciaires n’est pas nécessaire, car les fonds des clients sont déjà recueillis sous forme de dépôts par les établissements de produits et protégés par leur système de garantie des dépôts et qu’il existe des garanties suffisantes pour que ces clients soient protégés par le droit applicable en matière d’insolvabilité. Selon elle, la prise en compte de ses passifs fiduciaires conduirait à une éventuelle double prise en compte de ces passifs dans le cadre du calcul de sa contribution ex ante.

165    À cet égard, la requérante n’explique cependant pas quelle méthode concrète de calcul des contributions ex ante serait moins contraignante pour les établissements, tout en étant appropriée pour atteindre, d’une manière aussi efficace, les objectifs visés au point 63 ci-dessus, en compensant, notamment, la diminution des moyens financiers disponibles dans le FRU qui serait causée par une telle exclusion.

166    En outre, et en tout état de cause, la requérante n’a invoqué aucun élément susceptible de remettre en cause l’affirmation du CRU, mentionnée au point 79 ci-dessus, selon laquelle, pour que les fonds des clients soient protégés par le système de garantie des dépôts, il est nécessaire que les établissements de produits concernés aient leur siège dans un État membre et que les clients ne placent pas plus de 100 000 euros dans de tels établissements.

167    S’agissant, enfin, de l’argument de la requérante tiré de ce que la prise en compte de ses passifs fiduciaires conduirait à une prétendue double prise en compte de ces passifs dans le cadre du calcul de sa contribution ex ante, il suffit de constater que la requérante n’avance aucun argument indiquant que la Commission aurait entendu, par l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63, éliminer entièrement toute forme de double comptage des passifs.

168    Deuxièmement, la requérante fait valoir que la prise en compte de ses passifs fiduciaires dans le calcul de sa contribution ex ante ne répond pas au critère de nécessité, car, en cas d’insolvabilité, ses clients auraient droit à la séparation des actifs fiduciaires gérés par elle, ce qui montrerait qu’il existe des garanties suffisantes de protection de ces clients.

169    D’une part, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 165 ci-dessus.

170    D’autre part, et en tout état de cause, la requérante n’a pas établi que les actifs et liquidités de ses clients seraient couverts en cas d’insolvabilité par des garanties qui sont comparables à celles qui couvrent les actifs et liquidités des clients des entreprises d’investissement, comme cela est indiqué aux points 75 à 77 ci-dessus.

171    Enfin, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui viserait à démontrer que l’inclusion de ses passifs fiduciaires dans le calcul de sa contribution ex ante entraînerait des inconvénients manifestement disproportionnés par rapport aux objectifs mentionnés au point 63 ci-dessus.

172    Dans ces conditions, il convient d’écarter la seconde branche du premier moyen et, dès lors, ce moyen dans son ensemble.

2.      Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, tirés d’une violation de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, d’une violation du principe d’égalité de traitement, d’une violation de l’article 16 de la Charte et d’une violation des dispositions combinées des articles 49 et 54 TFUE

173    Par le deuxième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée viole l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, dans la mesure où le CRU n’a pas respecté le principe de proportionnalité lors de la détermination de la base du calcul de sa contribution ex ante, puisqu’il a intégré ses passifs fiduciaires dans cette base, malgré le fait que ces passifs sont exempts de risque.

174    Par le troisième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée viole le principe d’égalité de traitement dans la mesure où elle intègre ses passifs fiduciaires dans la base du calcul de sa contribution ex ante, puisqu’elle la traite, sans justification objective, différemment tant des établissements de crédit, dont les normes comptables nationales n’exigent pas l’inscription des passifs fiduciaires au bilan ou les comptabilisent d’après les normes comptables internationales, que des entreprises d’investissement.

175    Par le quatrième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée, en ce qu’elle intègre ses passifs fiduciaires dans le calcul de sa contribution ex ante, viole sa liberté d’entreprise, protégée par l’article 16 de la Charte, car cette intégration entraîne une hausse de sa contribution ex ante qui n’est pas nécessaire et les inconvénients qui en résultent sont disproportionnés par rapport aux buts poursuivis.

176    Par le cinquième moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée viole la liberté d’établissement protégée par les dispositions combinées des articles 49 et 54 TFUE. Le fait que le CRU a intégré dans la base du calcul de sa contribution ex ante ses passifs fiduciaires représenterait un inconvénient considérable pour la requérante, dans la mesure où elle est établie en Allemagne.

177    Le CRU conteste cette argumentation.

178    À cet égard, il convient de relever que, au soutien de ses deuxième à cinquième moyens, la requérante se limite à renvoyer aux arguments qu’elle a soulevés afin de contester la validité de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 au regard du principe d’égalité de traitement, de la liberté d’entreprise, de la liberté d’établissement et du principe de proportionnalité et qui ont été rejetés, respectivement, aux points 60 à 80, aux points 83 à 119, aux points 124 à 133, aux points 138 à 142 et aux points 157 à 171 ci-dessus.

179    Par conséquent, il convient d’écarter les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens pour les mêmes motifs.

3.      Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63

180    La requérante soutient que la décision attaquée viole l’article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63 en ce que le CRU n’aurait pas tenu compte, lors de la fixation de sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021, des données qu’elle avait corrigées a posteriori, en vertu de l’article 14, paragraphe 5, de ce même règlement délégué, concernant ses contributions ex ante pour les périodes de contribution 2018 à 2020 et n’aurait pas réduit sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021 sur la base de ces données corrigées.

181    Le CRU conteste cette argumentation.

182    Afin d’examiner le bien-fondé du sixième moyen, il convient de rappeler que, selon l’article 17, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63, le CRU est tenu d’adapter la contribution annuelle lorsque les « informations soumises par un établissement [au CRU] » font l’objet de retraitements ou de révisions. En outre, le paragraphe 4 de cet article prévoit ce qui suit :

« Le règlement de toute différence entre la contribution annuelle calculée et versée sur la base des informations qui font l’objet de retraitements ou de révisions et la contribution annuelle qui aurait dû être versée à la suite de l’adaptation de la contribution annuelle se fait sur le montant de la contribution annuelle due pour la période de contribution suivante. Cette adaptation est réalisée par réduction ou augmentation de la contribution pour la période de contribution suivante. »

183    La nature des informations soumises par un établissement au CRU est précisée à l’article 14, paragraphes 1 et 2, du règlement délégué 2015/63, selon lequel les établissements fournissent à l’autorité de résolution, en particulier, les « derniers états financiers annuels approuvés […] accompagnés de l’avis émis par le contrôleur légal des comptes ou le cabinet d’audit » et les « informations visées à l’annexe II [dudit règlement délégué] ». En outre, conformément à l’article 14, paragraphe 6, de ce même règlement délégué, les établissements soumettent les informations visées à son annexe II « selon le format et les schémas de données prescrits par l’autorité de résolution ».

184    Il s’ensuit, d’une part, que, lorsqu’un établissement demande une adaptation de sa contribution annuelle au titre de l’article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63 en raison de la révision des informations visées à l’annexe II de ce même règlement délégué, telles que le total du passif au sens de l’article 3, point 11, dudit règlement délégué, le CRU peut exiger, en vertu de l’article 14, paragraphe 6, de ce même règlement délégué, que cet établissement soumette les informations corrigées selon le format et les schémas de données qu’il prescrit. D’autre part, si les corrections concernent les informations figurant dans les derniers états financiers annuels approuvés, le CRU peut exiger que l’établissement concerné accompagne la demande de correction et d’adaptation d’une version révisée de ces états financiers qui respecte les exigences prévues par l’article 14, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.

185    En l’occurrence, en vue de la perception des contributions ex ante pour la période de contribution 2020, après avoir fourni un premier formulaire de déclaration, la requérante a transmis, le 16 avril 2020, un nouveau formulaire de déclaration pour cette même période de contribution avec des données déclaratives corrigées. En outre, le 30 avril 2020, elle a adressé à la BaFin des données déclaratives corrigées concernant ses contributions ex ante pour les périodes de contribution 2018 et 2019.

186    Il est constant que ces données déclaratives corrigées pour les périodes de contribution 2018 à 2020 concernaient des informations figurant dans les états financiers annuels approuvés de la requérante, qui étaient fournis au titre des périodes de contribution précédentes. Dans ces conditions, et conformément aux exigences rappelées au point 183 ci-dessus, le CRU pouvait exiger que la requérante accompagne sa demande de correction et d’adaptation d’une version révisée de ces états financiers.

187    Cependant, la requérante a soumis le formulaire de déclaration corrigé pour les périodes de contribution 2018 à 2020 sans fournir les états financiers mis à jour, contrairement aux exigences prévues à l’article 14, paragraphes 1 et 6, du règlement délégué 2015/63.

188    Dans ces conditions, le CRU n’était pas tenu de procéder à une adaptation de la contribution de la requérante sur le fondement de l’article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63.

189    Partant, il convient d’écarter le sixième moyen comme non fondé.

4.      Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte

190    La requérante soutient que le CRU a violé son droit d’être entendue dans la mesure où elle n’a pas eu suffisamment de temps pour exposer son point de vue dans le cadre de la seconde procédure de consultation menée par le CRU.

191    Le CRU conteste cette argumentation.

192    Le droit d’être entendu, consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée).

193    En l’espèce, avant l’adoption de la décision attaquée, le CRU a mené deux procédures de consultation qui impliquaient la requérante.

194    La première procédure a été menée à l’échelle de l’Union et a été organisée entre les 5 et 19 mars 2021. Dans le cadre de cette procédure, le CRU a communiqué un projet de décision attaquée aux établissements concernés et les a invités à soumettre leurs commentaires sur le contenu de ce projet.

195    La seconde procédure impliquait la requérante seule. Dans le cadre de cette procédure, la requérante a été invitée à présenter ses observations sur un projet de réponse individuelle du CRU.

196    À la suite d’une question du Tribunal posée lors de l’audience, la requérante a précisé que, par le présent moyen, elle contestait uniquement la conformité de cette seconde procédure avec le droit d’être entendu.

197    À cet égard, il découle de l’annexe A.33 à la requête que, le 8 mars 2021, la BaFin a envoyé à la requérante, par voie postale, une lettre du CRU datée du 5 mars 2021 relative à la consultation sur la contribution ex ante de 2021, dans laquelle il considérait comme incomplètes les données déclaratives de la requérante concernant la période de contribution 2021, au motif que l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 ne s’appliquait pas aux passifs fiduciaires de la requérante. Cette lettre du CRU était accompagnée de l’avis préliminaire du CRU du 3 mars 2021 concernant le montant de la contribution ex ante de la requérante pour la période de contribution 2021 (ci-après « le projet de réponse du CRU »).

198    Dans la lettre du 5 mars 2021 mentionnée au point précédent, le CRU a accordé à la requérante un délai jusqu’au 19 mars 2021 pour lui faire parvenir ses observations sur le projet de réponse du CRU.

199    En l’espèce, si la requérante fait valoir qu’elle n’a reçu la version en allemand du projet de réponse du CRU que le 12 mars 2021 et la version en anglais de celui-ci que le 16 mars 2021, force est de constater qu’elle n’apporte aucun élément de preuve fiable pour attester la date à laquelle les services postaux lui ont remis les courriers contenant ces versions, et encore moins pour démontrer que ces services ont pris du retard dans cette remise. À cet égard, l’apposition d’un tampon interne ou d’une note manuscrite, dans la mesure où ces éléments ne proviennent ni des services postaux ni d’un autre tiers indépendant, ne constitue pas une preuve adéquate de la date de réception de ces courriers.

200    Par ailleurs, même dans l’hypothèse où la requérante aurait reçu la version en allemand dudit projet le 12 mars 2021, comme elle le mentionne au point 44 de sa requête et comme cela ressort également de l’annexe A.35 de la requête, il s’ensuit qu’elle disposait du projet de réponse du CRU au plus tard à partir de cette date et, partant, sept jours avant l’expiration du délai pour soumettre ses observations dans le cadre de la consultation individuelle.

201    En outre, le projet de réponse du CRU, dans sa version en allemand, ne comportait que neuf pages et sa teneur n’était pas particulièrement complexe, surtout pour un opérateur avisé tel que la requérante. Il ressort d’ailleurs du dossier que la requérante a pu soumettre, avant l’échéance du délai en cause, trois pages d’observations sur ce projet.

202    Enfin, rien n’indique que la requérante ait demandé que le délai en cause soit prorogé et cette dernière ne précise pas non plus quel aspect spécifique dudit projet aurait exigé des recherches supplémentaires ne pouvant être effectuées dans le délai imparti.

203    En tout état de cause, à supposer même que la requérante n’ait reçu les versions en allemand et en anglais du projet de réponse du CRU que, respectivement, le 12 mars et le 16 mars, c’est-à-dire, respectivement, sept jours et trois jours avant l’expiration du délai pour soumettre ses observations dans le cadre de la consultation individuelle, il convient de relever qu’elle n’a pas démontré en quoi la prétendue brièveté d’un tel délai aurait enfreint son droit d’être entendue dans les circonstances particulières de l’espèce.

204    En effet, l’argumentation de la requérante est fondée sur le fait qu’elle n’a pas eu suffisamment de temps pour soumettre ses observations sur le projet de réponse du CRU en ce qu’il concernait la position de ce dernier sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 retenue par la Cour dans l’arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca (C‑414/18, EU:C:2019:1036).

205    Or, il convient de relever à cet égard que, dans le projet de réponse du CRU, ce dernier n’a fait que citer les points 92, 93 et 95 de l’arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca (C‑414/18, EU:C:2019:1036), sans les interpréter ou les développer dans le contexte de la présente affaire.

206    De plus, l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 découlant du point 92 de l’arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca (C‑414/18, EU:C:2019:1036), a été reprise, en substance, au considérant 15 du projet de décision attaquée.

207    Ainsi, pour ce qui est de la position du CRU concernant l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 retenue dans l’arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca (C‑414/18, EU:C:2019:1036), le projet de réponse du CRU ne fournit pas d’informations autres que celles que la requérante pouvait déjà tirer du considérant 15 du projet de décision attaquée, qu’elle a pu examiner dans le cadre de la première procédure de consultation menée à l’échelle de l’Union, c’est-à-dire avant de prendre connaissance du projet de réponse du CRU dans le cadre de la seconde procédure de consultation.

208    Par conséquent, la requérante disposait de suffisamment d’éléments pour commencer à préparer ses observations sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63 retenue par le CRU dès qu’elle a reçu le projet de décision attaquée dans le cadre de la première procédure de consultation. La requérante ne conteste pas avoir été mise en position de faire valoir son point de vue de manière utile et effective lors de cette première procédure.

209    Par ailleurs, la requérante n’invoque pas d’autres difficultés concrètes qu’elle aurait rencontrées pour soumettre ses observations dans le délai imparti dans le cadre des deux consultations menées par le CRU.

210    Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire d’aborder l’argumentation de la requérante portant sur la répartition des tâches entre le CRU et les autorités de résolution nationales, il convient de constater que la requérante n’a pas établi que son droit d’être entendue a été enfreint.

211    Eu égard à ce qui précède, le septième moyen doit être écarté.

5.      Sur les huitième et neuvième moyens, tirés d’une violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte, ainsi que de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et d’une violation de l’article 47, paragraphe 1, de la Charte

212    Par le huitième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de l’obligation de motivation prévues à l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte ainsi qu’à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

213    Par le neuvième moyen, la requérante estime que la décision attaquée viole le principe de protection juridictionnelle effective prévu à l’article 47, paragraphe 1, de la Charte, étant donné que la motivation du CRU dans cette décision ne lui permet pas de vérifier si le montant de sa contribution est conforme au droit applicable et que ce montant repose sur des données qui ne lui ont pas été communiquées.

214    Dans la réplique, la requérante indique qu’elle ne maintient pas les huitième et neuvième moyens dans leur intégralité et qu’elle les restreint à un seul grief, tiré du fait que les valeurs limites de chaque bin communiquées aux établissements ont été diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, de sorte qu’elles ne correspondent pas aux valeurs limites effectivement calculées pour chaque indicateur de risque.

215    Le CRU conteste cette argumentation.

216    L’article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques sont motivés. De même, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit l’obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l’Union, de motiver leurs décisions.

217    La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).

218    Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

219    Afin d’examiner si cette motivation est suffisante en ce qui concerne une décision fixant les contributions ex ante, il convient de rappeler, premièrement, qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que la motivation de toute décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent doit nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul du montant de cette somme d’argent (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 105 et jurisprudence citée).

220    Deuxièmement, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est, notamment, concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 et jurisprudence citée).

221    Troisièmement, considérer que la motivation de la décision du CRU fixant des contributions ex ante doit nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l’empêchant, notamment, d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant au FRU (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

222    Quatrièmement, s’il résulte de ce qui précède que l’obligation de motivation pesant sur le CRU doit être mise en balance, en raison de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul établi par le législateur de l’Union, avec l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires des établissements concernés, il n’en demeure pas moins que cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 120).

223    Toutefois, il ne saurait être considéré, dans le cadre de la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, que motiver une décision mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent sans lui fournir l’intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d’argent porte nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l’obligation de motivation (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 121).

224    S’agissant de la décision du CRU fixant des contributions ex ante, l’obligation de motivation doit être considérée comme étant respectée lorsque les personnes concernées par cette décision, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

225    Dans un tel cas, ces personnes sont, en effet, en mesure de vérifier si leur contribution ex ante a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de leur situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité. Lesdites personnes peuvent, dès lors, comprendre les justifications de la décision fixant leur contribution ex ante et évaluer s’il apparaît utile d’introduire un recours contre cette décision, de sorte qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution de chaque établissement concerné (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 123).

226    Il résulte de ce qui précède que le CRU n’est pas, notamment, tenu de fournir à un établissement les données lui permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de la valeur du multiplicateur d’ajustement, puisque cette vérification supposerait de disposer de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).

227    En revanche, il incombe au CRU de publier ou de transmettre aux établissements concernés, sous une forme agrégée et anonymisée, les informations relatives à ces établissements, utilisées pour calculer cette contribution, dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 166).

228    Parmi les informations devant ainsi être mises à la disposition des établissements figurent, notamment, les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant, sur la base desquelles la contribution ex ante des établissements a été adaptée au profil de risque de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden‑Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 167).

229    C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante développés dans le cadre du grief tiré du fait que les valeurs limites de chaque bin communiquées aux établissements ont été diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire.

230    À cet égard, le CRU a observé, au considérant 88 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Les secrets d’affaires des établissements – c’est-à-dire toutes les informations concernant l’activité professionnelle des établissements qui, en cas de divulgation à un concurrent et/ou à un public plus large, pourraient porter gravement atteinte aux intérêts de l’établissement – sont considérés comme des informations confidentielles. Dans le cadre du calcul des contributions ex ante […], les informations fournies par les établissements par l’intermédiaire de leur formulaire de fourniture des données […], sur lesquelles le CRU s’appuie pour calculer leur contribution ex ante, sont considérées comme des secrets d’affaires. »

231    En outre, la section 6 de la décision attaquée décrit, tout d’abord, la méthode que le CRU a suivie pour le calcul des contributions ex ante, notamment la manière dont ce dernier a établi les bins pour les différents indicateurs de risque et y a assigné les établissements. En outre, il ressort de l’annexe II de la décision attaquée que le CRU a communiqué aux établissements les valeurs limites correspondant à chaque bin et aux indicateurs de risque s’y rapportant. En ce qui concerne ces valeurs limites, le CRU a indiqué à cette annexe, pour chaque indicateur de risque, que, « pour des raisons de confidentialité, les valeurs min./max. [avaie]nt été réduites/augmentées (respectivement) d’un montant aléatoire, en maintenant la répartition originale ».

232    Par ailleurs, le CRU a expliqué, au point 18 de l’annexe III de la décision attaquée, ce qui suit :

« [Le CRU] est conscient de l’importance de ne pas divulguer d’informations de nature confidentielle conformément à ses obligations au titre de l’article 88 du règlement [no 806/2014] et de l’article 339 [TFUE]. Ainsi, et en tenant spécifiquement compte des États membres de l’union bancaire qui comptent un nombre limité d’établissements à risque, des mesures appropriées et proportionnées ont dû être prises par le [CRU] pour atténuer le risque que les établissements soient en mesure de déduire des informations sur les positions de risque de leurs concurrents à partir des informations de classement par bin des statistiques agrégées. En tout état de cause, l’introduction d’un élément aléatoire n’a pas eu d’incidence sur l’affectation d’un établissement à une catégorie de risque particulière, ni sur l’exactitude du résultat du calcul généré par [l’outil de calcul mis à la disposition des établissements]. »

233    Eu égard à ce qui précède, la requérante soutient à tort que le CRU a violé son obligation de motivation lorsqu’il a diminué ou augmenté, d’un montant aléatoire, les valeurs limites des bins communiquées aux établissements à l’annexe II de la décision attaquée.

234    En effet, l’obligation du CRU, découlant de la jurisprudence citée au point 228 ci-dessus, de mettre à la disposition des établissements les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant vise à permettre aux établissements de s’assurer, notamment, que le classement qui leur a été attribué lors de la discrétisation des indicateurs de risque correspond effectivement à leur situation économique, que cette discrétisation a été opérée de manière conforme à la méthode définie par le règlement délégué 2015/63 sur la base de données plausibles et que l’ensemble des facteurs de risque devant être pris en considération en application du règlement no 806/2014 ainsi que de ce règlement délégué l’ont bien été (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 137).

235    En revanche, cette obligation ne s’inscrit pas dans une logique visant à permettre aux établissements de vérifier, de manière complète, l’exactitude des calculs du CRU qui sous-tendent la définition des valeurs limites de chaque bin en fonction du classement des données de tous les établissements, puisque cette vérification supposerait de disposer de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).

236    Dans ce contexte, il convient de relever que les diminutions et augmentations, d’un montant aléatoire, des valeurs limites minimales et maximales de chaque bin n’ont été opérées qu’aux fins de la communication de ces valeurs limites aux établissements, sans incidence sur l’assignation des établissements aux bins établis par le CRU sur la base des valeurs limites réelles. Si la valeur limite minimale d’un bin donné a été ainsi diminuée et la valeur limite maximale de ce bin a été augmentée, il n’en reste pas moins que les indicateurs bruts de tous les établissements attribués audit bin relèvent tant de la fourchette des valeurs limites minimales et maximales effectivement utilisées par le CRU que de la fourchette des valeurs limites minimales diminuées et des valeurs limites maximales augmentées communiquées aux établissements. Par conséquent, une telle diminution ou augmentation n’affecte en rien la possibilité pour la requérante de s’assurer qu’elle a été assignée à un bin qui correspond effectivement à sa situation individuelle.

237    En outre, la requérante ne précise pas dans quelle mesure les informations sur les écarts entre les valeurs limites réelles et les valeurs limites communiquées aux établissements lui auraient permis de mieux comprendre de quelle façon sa situation individuelle avait été prise en compte par le CRU, sans avoir également accès à toutes les données des autres établissements sur la base desquelles les valeurs limites réelles avaient été établies.

238    Enfin, il convient de préciser que, selon la jurisprudence, le CRU ne peut publier les informations relatives aux établissements concernés, même sous forme anonymisée, que dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 166). Or, la requérante ne conteste nullement les raisons exposées au point 18 de l’annexe III de la décision attaquée et rappelées au point 232 ci-dessus pour lesquelles le CRU a modifié les valeurs limites de chaque bin communiquées aux établissements.

239    Eu égard à ce qui précède, les huitième et neuvième moyens doivent être écartés.

6.      Sur la motivation de la détermination du niveau cible annuel

240    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée). Par conséquent, le Tribunal peut, voire doit, prendre en compte également d’autres défauts de motivation que ceux invoqués par la requérante, et ce, notamment, lorsque ceux-ci se révèlent au cours de la procédure.

241    En l’espèce, le Tribunal estime qu’il lui appartient d’examiner d’office si le CRU a enfreint son devoir de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

242    À cette fin, les parties ont été entendues, par une mesure d’organisation de la procédure et lors de l’audience, sur tous les éventuels défauts de motivation dont serait entachée la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

243    Cela étant précisé, il convient de rappeler que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, au terme de la période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 (ci-après la « période initiale »), les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au MRU (ci-après le « niveau cible final »).

244    Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 243 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

245    L’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 précise que, chaque année, les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au MRU ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final.

246    En ce qui concerne le mode de calcul des contributions ex ante, l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU détermine leur montant sur la base du niveau cible annuel, compte tenu du niveau cible final, et sur la base du montant moyen des dépôts couverts de l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au MRU.

247    De même, selon l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le CRU calcule la contribution ex ante pour chaque établissement sur la base du niveau cible annuel, qui doit être établi au regard du niveau cible final et conformément à la méthode exposée dans le règlement délégué 2015/63.

248    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 48 de la décision attaquée, le CRU a fixé, pour la période de contribution 2021, le montant du niveau cible annuel à 11 287 677 212,56 euros.

249    Aux considérants 36 et 37 de la décision attaquée, le CRU a expliqué, en substance, que le niveau cible annuel devait être déterminé sur la base d’une analyse portant sur l’évolution des dépôts couverts au cours des années précédentes, sur toute évolution pertinente de la situation économique ainsi que sur une analyse portant sur les indicateurs relatifs à la phase du cycle d’activité et sur les effets que des contributions procycliques auraient sur la situation financière des établissements. Par la suite, le CRU a considéré approprié de fixer un coefficient qui était fondé sur cette analyse et sur les moyens financiers disponibles dans le FRU (ci-après le « coefficient »). Le CRU a appliqué ce coefficient à un huitième du montant moyen des dépôts couverts en 2020, aux fins d’obtenir le niveau cible annuel.

250    Le CRU a exposé la démarche suivie pour fixer le coefficient aux considérants 38 à 47 de la décision attaquée.

251    Au considérant 38 de la décision attaquée, le CRU a constaté une tendance constante à la hausse des dépôts couverts pour tous les établissements des États membres participant au MRU. En particulier, le montant moyen de ces dépôts, calculé trimestriellement, s’élevait pour l’année 2020 à 6,689 billions d’euros.

252    Aux considérants 40 et 41 de la décision attaquée, le CRU a présenté l’évolution pronostiquée des dépôts couverts pour les trois années restantes de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Il a estimé que les taux annuels de croissance des dépôts couverts jusqu’à la fin de la période initiale se situeraient entre 4 % et 7 %.

253    Aux considérants 42 à 45 de la décision attaquée, le CRU a présenté une évaluation de la phase du cycle d’activité et de l’effet procyclique potentiel que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements. Pour ce faire, il a indiqué avoir tenu compte de plusieurs indicateurs, tels que la prévision de croissance du produit intérieur brut de la Commission et les projections de la Banque centrale européenne à cet égard ou le flux de crédit du secteur privé en pourcentage du produit intérieur brut.

254    Au considérant 46 de la décision attaquée, le CRU a conclu que, s’il était raisonnable de s’attendre à la poursuite de la croissance des dépôts couverts au sein de l’union bancaire, le rythme de cette croissance serait inférieur à celui de l’année 2020. À cet égard, le CRU a indiqué, au considérant 47 de la décision attaquée, avoir adopté une « approche prudente » en ce qui concernait les taux de croissance des dépôts couverts pour les années à venir jusqu’à 2023.

255    Au regard de ces considérations, le CRU a fixé, au considérant 48 de la décision attaquée, la valeur du coefficient à 1,35 %. Il a ensuite calculé le montant du niveau cible annuel, en multipliant le montant moyen des dépôts couverts en 2020 par ce coefficient et en divisant le résultat de ce calcul par huit, conformément à la formule mathématique suivante, figurant au considérant 48 de ladite décision :

« Cible0 [montant du niveau cible annuel] = Total dépôts couverts2020 * 0,0135 * ⅛ = EUR 11 287 677 212,56 ».

256    Lors de l’audience, le CRU a cependant indiqué qu’il avait déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 comme suit.

257    Premièrement, sur la base d’une analyse prospective, le CRU a fixé le montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au MRU, pronostiqué pour la fin de la période initiale, à environ 7,5 billions d’euros. Pour aboutir à ce montant, le CRU a pris en compte le montant moyen des dépôts couverts en 2020, à savoir 6,689 billions d’euros, un taux de croissance annuel des dépôts couverts de 4 % ainsi que le nombre de périodes de contribution restantes jusqu’à la fin de la période initiale, à savoir trois.

258    Deuxièmement, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a calculé 1 % de ces 7,5 billions d’euros pour obtenir le montant estimé du niveau cible final devant être atteint à la fin de la période initiale, à savoir environ 75 milliards d’euros.

259    Troisièmement, le CRU a déduit de ce dernier montant les ressources financières déjà disponibles dans le FRU en 2021, c’est-à-dire environ 42 milliards d’euros, pour obtenir le montant qu’il restait à percevoir pendant les périodes de contribution restantes avant la fin de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Ce montant s’élevait à environ 33 milliards d’euros.

260    Quatrièmement, le CRU a divisé ce dernier montant par trois pour le répartir uniformément entre lesdites trois périodes de contribution restantes. Le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 a été ainsi fixé au montant mentionné au point 248 ci-dessus, à savoir environ 11,287 milliards d’euros.

261    Le CRU a également affirmé, lors de l’audience, qu’il avait rendu publics des éléments d’information sur lesquels avait été fondée la méthode décrite aux points 257 à 260 ci-dessus et qui auraient permis à la requérante de comprendre la méthode par laquelle le niveau cible annuel avait été déterminé. En particulier, il a précisé qu’il avait publié sur son site Internet, en mai 2021, c’est-à-dire après l’adoption de la décision attaquée, mais avant l’introduction du présent recours, une fiche descriptive dénommée « Fact Sheet 2021 » (ci-après la « fiche descriptive »), qui indiquait le montant estimé du niveau cible final. De même, le CRU a affirmé que le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU était également disponible sur son site Internet ainsi que par le biais d’autres sources publiques, et ce bien avant l’adoption de la décision attaquée.

262    En ce qui concerne le contenu de l’obligation de motivation, il ressort de la jurisprudence que la motivation d’une décision prise par une institution ou un organe de l’Union doit être, notamment, dépourvue de contradictions pour permettre aux intéressés de connaître les motifs réels de cette décision, en vue de défendre leurs droits devant la juridiction compétente, et à cette dernière d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169 et jurisprudence citée ; du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 20 et 45 à 47, et du 16 décembre 2015, Grèce/Commission, T‑241/13, EU:T:2015:982, point 56).

263    De même, lorsque l’auteur de la décision attaquée fournit certaines explications concernant les motifs de celle-ci au cours de la procédure devant le juge de l’Union, ces explications doivent être cohérentes avec les considérations exposées dans cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 45 à 47, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 54 et 55).

264    En effet, si les considérations exposées dans la décision attaquée ne sont pas cohérentes avec de telles explications fournies lors de la procédure juridictionnelle, la motivation de la décision concernée ne remplit pas les fonctions rappelées aux points 217 à 218 ci-dessus. En particulier, une telle incohérence empêche, d’une part, les intéressés de connaître les motifs réels de la décision attaquée, avant l’introduction du recours, et de préparer leur défense à leur égard et, d’autre part, le juge de l’Union d’identifier les motifs ayant servi de véritable support juridique à cette décision et d’examiner leur conformité aux règles applicables.

265    Enfin, il y a lieu de rappeler que, lorsque le CRU adopte une décision fixant les contributions ex ante, il doit porter à la connaissance des établissements concernés la méthode de calcul de ces contributions (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

266    Il doit en aller de même pour la méthode de détermination du niveau cible annuel, ce montant revêtant une importance essentielle dans l’économie d’une telle décision. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le mode de calcul des contributions ex ante consiste en la répartition dudit montant entre tous les établissements concernés, de sorte qu’une augmentation ou une réduction de ce même montant entraîne une augmentation ou une réduction correspondante de la contribution ex ante de chacun de ces établissements.

267    Il ressort de ce qui précède que, si le CRU est tenu de fournir aux établissements, par le biais de la décision attaquée, des explications concernant la méthode de détermination du niveau cible annuel, ces explications doivent être cohérentes avec les explications fournies par le CRU pendant la procédure juridictionnelle et portant sur la méthode réellement appliquée.

268    Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire.

269    En effet, il convient tout d’abord de relever que la décision attaquée a exposé, au considérant 48, une formule mathématique qu’elle a présentée comme étant à la base de la détermination du niveau cible annuel. Or, il s’avère que cette formule n’intègre pas les éléments de la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience. En effet, ainsi qu’il ressort des points 257 à 260 ci-dessus, le CRU a obtenu le montant du niveau cible annuel, dans le cadre de cette méthode, en déduisant du niveau cible final les moyens financiers disponibles dans le FRU, en vue de calculer le montant qu’il restait à percevoir jusqu’à la fin de la période initiale, et en divisant ce dernier montant par trois. Or, ces deux étapes du calcul ne trouvent aucune expression dans ladite formule mathématique.

270    Par ailleurs, cette constatation ne saurait être remise en cause par l’affirmation du CRU selon laquelle il a publié, en mai 2021, la fiche descriptive, qui contenait une fourchette indiquant les éventuels montants du niveau cible final, et, sur son site Internet, le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU. En effet, indépendamment de la question de savoir si la requérante avait effectivement connaissance de ces montants, ces derniers n’étaient pas, à eux seuls, de nature à lui permettre de comprendre que les deux opérations mentionnées au point 269 ci-dessus avaient été effectivement appliquées par le CRU, étant précisé, au surplus, que la formule mathématique prévue au considérant 48 de la décision attaquée ne les mentionnait même pas.

271    Des incohérences similaires affectent également la manière dont a été fixé le coefficient de 1,35 %, qui joue pourtant un rôle primordial dans la formule mathématique mentionnée au point 255 ci-dessus. En effet, ce coefficient pourrait être compris en ce sens qu’il est fondé, parmi d’autres paramètres, sur la croissance pronostiquée des dépôts couverts pendant les années restantes de la période initiale. Or, comme le CRU l’a reconnu lors de l’audience, ce coefficient a été fixé de manière à pouvoir justifier le résultat du calcul du montant du niveau cible annuel, c’est-à-dire après que le CRU a calculé ce montant en application des quatre étapes exposées aux points 257 à 260 ci-dessus et, notamment, par la division par trois du montant issu de la déduction des moyens financiers disponibles dans le FRU du niveau cible final. Or, cette démarche ne ressort aucunement de la décision attaquée.

272    En outre, il convient de rappeler que, selon la fiche descriptive, le montant du niveau cible final estimé se situait dans une fourchette comprise entre 70 et 75 milliards d’euros. Or, cette fourchette s’avère incohérente avec la fourchette du taux de croissance des dépôts couverts comprise entre 4 % et 7 % figurant au considérant 41 de la décision attaquée. En effet, le CRU a indiqué à l’audience que, aux fins de la détermination du niveau cible annuel, il avait tenu compte du taux de croissance des dépôts couverts de 4 % – qui était le taux le plus bas de la seconde fourchette – et qu’il avait ainsi obtenu le niveau cible final estimé de 75 milliards d’euros – qui constituait la valeur la plus élevée de la première fourchette. Il s’avère ainsi qu’il existe une discordance entre ces deux fourchettes. En effet, d’une part, la fourchette portant sur le taux d’évolution des dépôts couverts comprend également des valeurs supérieures au taux de 4 %, dont l’application aurait pourtant abouti à un montant estimé du niveau cible final supérieur à ceux inclus dans la fourchette relative à ce niveau cible. D’autre part, il est impossible pour la requérante de comprendre la raison pour laquelle le CRU a inclus dans la fourchette afférente audit niveau cible des montants inférieurs à 75 milliards d’euros. En effet, pour y aboutir, il aurait été nécessaire d’appliquer un taux en deçà de 4 %, qui n’est pourtant pas compris dans la fourchette relative au taux de croissance des dépôts couverts. Dans ces conditions, la requérante n’était pas en mesure de déterminer la manière dont le CRU avait utilisé la fourchette portant sur le taux d’évolution de ces dépôts pour aboutir au calcul du niveau cible final estimé.

273    Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience, ne correspond pas à celle décrite dans la décision attaquée, de sorte que les motifs réels, au regard desquels a été fixé ce niveau cible, ne pouvaient être identifiés sur la base de la décision attaquée ni par les établissements ni par le Tribunal.

274    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. Partant, il convient d’annuler la décision attaquée pour ce motif.

C.      Conclusion

275    À la suite de l’examen d’office effectué par le Tribunal, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. Ces vices étant, à eux seuls, de nature à fonder l’annulation de cette décision, il y a lieu d’annuler cette dernière, en ce qu’elle concerne la requérante.

D.      Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

276    Le CRU demande au Tribunal de maintenir, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, à tous le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle l’arrêt est devenu définitif.

277    La requérante a indiqué à l’audience, en substance, qu’elle ne s’opposait pas à cette demande dans la mesure où la décision attaquée serait annulée sur la base de la violation d’une forme substantielle.

278    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs.

279    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un tel acte peuvent être maintenus, notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs de violation des formes substantielles (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 175 et jurisprudence citée).

280    En l’espèce, la décision attaquée a été prise en violation des formes substantielles. En revanche, le Tribunal n’a pas constaté, dans la présente procédure, d’erreur affectant la légalité au fond de cette décision.

281    En outre, à l’instar de ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 177), il convient de constater que prononcer l’annulation de la décision attaquée sans prévoir le maintien de ses effets jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par un nouvel acte serait de nature à porter atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, qui constituent une partie essentielle de l’union bancaire, laquelle contribue à la stabilité de la zone euro.

282    Dans ces circonstances, il y a lieu de maintenir les effets de la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la requérante, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au FRU de la requérante pour la période de contribution 2021.

V.      Sur les dépens

283    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique est annulée en ce qu’elle concerne Max Heinr. Sutor OHG.

2)      Les effets de la décision SRB/ES/2021/22, en ce qu’elle concerne Max Heinr. Sutor OHG, sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au Fonds de résolution unique de cet établissement pour l’année 2021.

3)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Max Heinr. Sutor OHG.

Kornezov

De Baere

Petrlík

Kecsmár

 

      Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2024.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Actes attaqués

III. Conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur les exceptions d’illégalité soulevées à l’encontre de l’article 3, point 11, de l’article 5, paragraphe 1, sous e), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63

1. Sur la portée de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

2. Sur le douzième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 3, point 11, de l’article 5, paragraphe 1, sous e), et de l’article 14, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires à l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et au principe d’égalité de traitement

a) Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59

b) Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement

3. Sur le treizième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires à l’article 16 de la Charte

4. Sur le quatorzième moyen, tiré de l’illégalité de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 3, point 11, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils seraient contraires aux articles 49 et 54 TFUE

B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

a) Sur la première branche, tirée de l’absence de prise en compte du fait que la requérante remplit toutes les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

b) Sur la seconde branche, relative à l’application par analogie de l’article 5, paragraphe 1, sous e), du règlement délégué 2015/63

2. Sur les deuxième, troisième, quatrième et cinquième moyens, tirés d’une violation de l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, d’une violation du principe d’égalité de traitement, d’une violation de l’article 16 de la Charte et d’une violation des dispositions combinées des articles 49 et 54 TFUE

3. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 17, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué 2015/63

4. Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte

5. Sur les huitième et neuvième moyens, tirés d’une violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la Charte, ainsi que de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et d’une violation de l’article 47, paragraphe 1, de la Charte

6. Sur la motivation de la détermination du niveau cible annuel

C. Conclusion

D. Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

V. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.