Language of document : ECLI:EU:T:2020:422

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

23 septembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative in.fi.ni.tu.de – Marque nationale verbale antérieure INFINITE – Recevabilité d’éléments de preuve – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 47, paragraphes 2 et 3, et article 95, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux – Motifs relatifs de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑601/19,

Osório & Gonçalves, SA, établie à Galamares (Portugal), représentée par Me D. Araújo e Sá Serras Pereira, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. P. Sipos et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Miguel Torres, SA, établie à Vilafranca del Penedès (Espagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 2 juillet 2019 (affaire R 1579/2018-5), relative à une procédure d’opposition entre Miguel Torres et Osório & Gonçalves,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, présidente, P. Škvařilová-Pelzl (rapporteure) et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 2 décembre 2019,

vu la question écrite du Tribunal à la requérante et sa réponse à cette question déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 octobre 2016, la requérante, Osório & Gonçalves, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Bière et produits de brasserie » ;

–        classe 33 : « Cidre ; préparations pour faire des boissons alcoolisées ; vin ; poiré ; amers [liqueurs] ; baijiu [boisson chinoise d’alcool distillé] ; boissons alcoolisées comestibles ; apéritifs ; boissons à faible teneur en alcool ; boissons gazeuses alcoolisées autres que bières ; cocktails ; gelées alcoolisées ; hydromel ; nira [boisson alcoolisée à base de canne à sucre] ; saké ; alcool de riz ; spiritueux et liqueurs ; bitters apéritifs alcoolisés ; apéritifs à base de liqueurs ; apéritifs à base de vin ; prémix [alcopops] ; cocktails alcoolisés contenant du lait ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; boissons alcoolisées de fruits ; boissons alcoolisées pré-mélangées autres qu’à base de bière ; boissons alcoolisées à base de café ; boissons alcoolisées à base de thé ; boissons énergétiques alcoolisées ; boissons contenant du vin [spritzers] ; boissons à base de rhum ; boissons à base de vin et de jus de fruits ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2016/208 du 3 novembre 2016.

5        Le 3 février 2017, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, Miguel Torres, SA, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits désignés par celle-ci.

6        L’opposition était fondée, d’une part, sur la marque espagnole verbale INFINITE, déposée le 7 mars 2007 et enregistrée le 21 août 2007 sous le numéro 2 759 404, pour les « boissons alcoolisées (à l’exception des bières) » relevant de la classe 33 et, d’autre part, sur l’enregistrement international de la marque verbale INFINITE désignant la République tchèque, Chypre, la Lituanie, l’Autriche, la Lettonie, l’Italie, le Benelux, la Slovénie, la Bulgarie, la Slovaquie, le Danemark, la Hongrie, la Grèce, la Croatie, l’Allemagne et la France, déposée et enregistrée le 20 décembre 2007 sous le numéro 955 077 pour les « boissons alcoolisées (à l’exception des bières) » relevant de la classe 33.

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Par lettres du 16 août 2017, la requérante a demandé à l’opposante, en vertu de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 [devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001], de prouver l’usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure et de l’enregistrement international antérieur au cours de la période pertinente, à savoir la période allant du 28 octobre 2011 au 27 octobre 2016, et répondu à l’opposition.

9        Par lettre du 18 octobre 2017, l’opposante a produit divers documents visant à prouver l’usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure et de l’enregistrement international antérieur au cours de la période pertinente et soumis ses observations sur la réponse à l’opposition.

10      Par décision du 27 juin 2018, la division d’opposition a estimé que, pris dans leur ensemble, les éléments produits par l’opposante en annexe à sa lettre du 18 octobre 2017 rapportaient uniquement la preuve d’un usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure au cours de la période pertinente sur le territoire pertinent, à savoir en Espagne, pour les « vins » relevant de la classe 33. Après avoir constaté que les marques en conflit étaient similaires et que les produits désignés par la marque demandée, à l’exception des « [p]réparations pour faire des boissons alcoolisées » relevant de la classe 33 (ci-après les « produits contestés »), étaient, en partie, identiques et, en partie, similaires aux « vins », compris dans la classe 33, couverts par la marque espagnole verbale antérieure, elle a accueilli partiellement l’opposition pour tous les produits contestés, au motif qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

11      Le 14 août 2018, la requérante a formé un recours, auprès de l’EUIPO, contre la décision de la division d’opposition, pour autant que celle-ci portait rejet de la demande d’enregistrement, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001.

12      Par décision du 2 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours, confirmant ainsi la décision de la division d’opposition.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal

15      L’EUIPO observe que, aux fins d’établir le caractère descriptif et, partant, intrinsèquement non distinctif de la marque espagnole verbale antérieure, dont il devrait être tenu compte pour apprécier l’existence d’un risque de confusion dans le cadre de l’examen du premier moyen du recours (voir point 88 ci-dessous), la requérante a produit, pour la première fois devant le Tribunal, des extraits de sites Internet dans les annexes A.7 à A.12 de la requête. Conformément à la jurisprudence, ces nouveaux éléments de preuve devraient être rejetés comme étant irrecevables.

16      En réponse à la question écrite posée par le Tribunal, la requérante fait valoir que la fin de non-recevoir ainsi soulevée par l’EUIPO confirme le bien-fondé de son recours. Elle invite le juge de l’Union à écarter ce moyen formel, qui vise à empêcher la manifestation de la vérité sur le fond. Elle soutient que les documents figurant dans les annexes A.7 à A.12 de la requête sont recevables, dans la mesure où ils n’auraient pu être trouvés antérieurement et que, en tout état de cause, leur production ne se justifiait que par la nécessité de contester, devant le Tribunal, des appréciations erronées effectuées par la chambre de recours dans la décision attaquée. Elle renvoie aux conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Primart/EUIPO (C‑702/18 P, EU:C:2019:1030), selon lesquelles l’article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 [remplacé, en substance, par l’article 95 du règlement 2017/1001] et l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal ne s’opposent pas à ce que les parties contestent une appréciation de l’EUIPO portant sur une question, telle que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition, que celui-ci devait examiner, éventuellement d’office. Elle indique que, même si lesdites annexes devaient être écartées comme étant irrecevables, le Tribunal peut tenir compte des faits qui y seraient contenus dans la mesure où il s’agit de faits notoires ou se rapportant à la qualification juridique du degré de caractère distinctif intrinsèque de la marque espagnole verbale antérieure. Le Tribunal devrait soit déclarer ces annexes recevables, soit suspendre la présente procédure dans l’attente de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C‑702/18 P.

17      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui.

18      Les éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal doivent donc être écartés comme étant irrecevables, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, points 18 et 19, et du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, points 16 et 17].

19      Cette jurisprudence n’est pas remise en cause par les conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Primart/EUIPO (C‑702/18 P, EU:C:2019:1030). En effet, la jurisprudence à laquelle lesdites conclusions renvoient établit une claire distinction entre, d’une part, la modification du cadre factuel d’une affaire par la production d’éléments de preuve pour la première fois devant le Tribunal [arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, points 19, 20, 34 et 35] et, d’autre part, l’absence de modification du cadre juridique de cette même affaire par l’invocation, pour la première fois devant le Tribunal, d’un grief portant sur une question, telle que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition, qui devait être examinée, éventuellement d’office, par la chambre de recours [arrêts du 1er février 2005, HOOLIGAN, T‑57/03, EU:T:2005:29, points 21, 22, 32 et 33, et du 24 février 2016, Tayto Group/OHMI – MIP Metro (REAL HAND COOKED), T‑816/14, non publié, EU:T:2016:93, point 41].

20      En l’espèce, les éléments de preuve produits par la requérante dans les annexes A.7 à A.12 de la requête l’ont été pour la première fois devant le Tribunal et modifient donc le cadre factuel de la présente affaire.

21      Ainsi et sans même qu’il y ait lieu de suspendre la présente procédure dans l’attente de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C‑702/18 P, il convient d’écarter les annexes A.7 à A.12 de la requête comme étant irrecevables.

 Sur le fond

22      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Le deuxième est pris d’une violation de l’article 47, paragraphes 2 et 3, dudit règlement. La troisième se fonde sur une violation de l’article 94, paragraphe 1, première et deuxième phrases, de l’article 95, paragraphe 1, et de l’article 97, paragraphe 1, de ce règlement.

23      L’EUIPO suggère que les deuxième et troisième moyens du recours soient examinés ensemble, avant le premier moyen du recours, dans la mesure où ils se rapportent à la preuve de l’usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure.

24      À cet égard, il importe de rappeler que la question de l’usage sérieux présente un caractère spécifique et préalable, puisqu’elle conduit à déterminer si, aux fins de l’examen de l’opposition, la marque antérieure peut être réputée enregistrée pour les produits ou les services concernés. Cette question ne s’inscrit donc pas dans le cadre de l’examen de l’opposition proprement dite, tirée de l’existence d’un risque de confusion [voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 2014, Intesa Sanpaolo/OHMI – equinet Bank (EQUITER), T‑47/12, EU:T:2014:159, point 19, et du 15 février 2017, M. I. Industries/EUIPO – Natural Instinct (Natural Instinct Dog and Cat food as nature intended), T‑30/16, non publié, EU:T:2017:77, point 90].

25      Pour ces motifs, il y a lieu d’examiner, ensemble, les deuxième et troisième moyens du recours, qui se rapportent, tous deux, à la preuve de l’usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure, avant le premier moyen, qui concerne l’existence d’un risque de confusion.

 Sur le deuxième moyen, pris d’une violation de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, et sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, première et deuxième phrases, de l’article 95, paragraphe 1, et de l’article 97, paragraphe 1, dudit règlement

26      Aux points 19 à 44 de la décision attaquée et s’agissant de la preuve de l’usage de la marque espagnole verbale antérieure, la chambre de recours a décidé que, considéré dans leur ensemble, les documents produits en annexe à la lettre de l’opposante du 18 octobre 2017, même s’ils n’étaient pas très fournis, suffisaient à prouver que les critères de durée, de lieu, de nature et d’importance de l’usage étaient en l’espèce satisfaits. Par conséquent, elle a constaté que ladite marque avait fait l’objet d’un usage sérieux et réel, en Espagne, pour les « vins » compris dans la classe 33.

27      La requérante soutient que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a violé l’article 47, paragraphes 2 et 3, l’article 94, paragraphe 1, première et deuxième phrases, l’article 95, paragraphe 1, et l’article 97, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 en considérant que l’opposante avait rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure.

28      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante soutient que, concomitamment à la violation de l’article 94, paragraphe 1, première et deuxième phrases, de l’article 95, paragraphe 1, et de l’article 97, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, la chambre de recours a violé l’article 47, paragraphes 2 et 3, de ce même règlement en considérant que l’opposante avait démontré que la marque espagnole verbale antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux, sur le territoire espagnol, au cours de la période pertinente, pour les « vins » compris dans la classe 33, alors que les éléments de preuve produits en annexe à la lettre de celle-ci du 18 octobre 2017 ne permettaient de constater ni que ladite marque avait été utilisée publiquement et vers l’extérieur ni que l’usage de cette marque avait été suffisamment important pour pourvoir être qualifié de sérieux, au sens de la jurisprudence.

29      Plus précisément, selon la requérante, il ressortait des éléments de preuve produits par l’opposante que le volume des produits effectivement vendus sous la marque espagnole verbale antérieure n’était pas important. En outre, l’utilisation de cette marque n’aurait été ni extensive, puisqu’elle n’aurait concerné que deux clients situés l’un au Canada, l’autre aux États-Unis d’Amérique, ni très régulière, ni importante sur le plan territorial. Par ailleurs, la valeur probante du tableau récapitulatif des expéditions annuelles vers le marché nord-américain, fourni par l’opposante, aurait été limitée. Enfin, il n’y aurait eu aucune preuve que ladite marque aurait fait l’objet d’une publicité. Au vu de ces constats, effectués par la chambre de recours aux points 37, 38 et 44 de la décision attaquée, cette dernière aurait dû conclure à l’absence d’usage sérieux de cette marque. Dans une décision, du 29 septembre 2014, portant sur l’opposition no B 2 245 754, la division d’opposition de l’EUIPO aurait conclu à l’absence d’usage sérieux d’une marque de l’opposante et, en vertu de la règle nemo potest venire contra factum proprium, consacrée par la jurisprudence, l’EUIPO n’aurait pas dû contester ce qu’il avait déjà admis d’une autre affaire en tout point similaire.

30      Dans le cadre du troisième moyen, la requérante soutient que, concomitamment à la violation de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, la chambre de recours a violé l’article 94, paragraphe 1, première et deuxième phrases, l’article 95, paragraphe 1, et l’article 97, paragraphe 1, de ce même règlement, et ce à double titre.

31      D’une part, la chambre de recours aurait considéré à tort, au point 37 de la décision attaquée, qu’une étiquette de produit datant de 2014, fournie dans l’annexe 3 de la lettre de l’opposante du 18 octobre 2017, démontrait que la marque espagnole verbale antérieure avait fait l’objet d’une publicité commerciale, alors que le message portait uniquement sur l’engagement de l’autre partie en faveur de la protection de l’environnement et non sur les produits revêtus de ladite marque eux-mêmes.

32      D’autre part, au même point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait favorisé l’opposante en déduisant du contenu des factures fournies dans l’annexe 1 de la lettre de celle-ci du 18 octobre 2017 que celles-ci n’étaient qu’une illustration des ventes de produits effectivement réalisées sous la marque espagnole verbale antérieure, dont le montant aurait manifestement été plus important que celui attesté par lesdites factures.

33      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

34      À cet égard, il importe de relever que, dans le cadre du deuxième moyen, la requérante invoque un grief tiré d’une violation de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001. Dans la requête, la requérante détaille les raisons pour lesquelles elle estime que les éléments de preuve fournis par l’opposante dans l’annexe 2 de la lettre de cette dernière du 18 octobre 2017, n’attestaient pas d’une utilisation de la marque espagnole verbale antérieure suffisamment importante, extensive, étendue et régulière durant la période pertinente pour pouvoir être qualifiée d’usage sérieux, au sens de cette disposition.

35      L’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 dispose ce qui suit :

« Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque [de l’Union européenne antérieure] qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de dépôt ou la date de priorité de la demande de marque de l’Union européenne, la marque [de l’Union européenne antérieure] a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union […] pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure soit enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque [de l’Union européenne antérieure] n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services. »

36      Le paragraphe 3 de l’article 47, du règlement 2017/1001 précise ce qui suit :

« Le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, [sous] a), étant entendu que l’usage dans l’Union est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée. »

37      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, au sens de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 32 et jurisprudence citée, et du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T‑418/03, non publié, EU:T:2007:299, point 53 et jurisprudence citée].

38      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits ou ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêts du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 26 et jurisprudence citée, et du 4 juillet 2014, Construcción, Promociones e Instalaciones/OHMI – Copisa Proyectos y Mantenimientos Industriales (CPI COPISA INDUSTRIAL), T‑345/13, non publié, EU:T:2014:614, point 21 et jurisprudence citée].

39      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’importance et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 10 septembre 2008, Boston Scientific/OHMI – Terumo (CAPIO), T‑325/06, non publié, EU:T:2008:338, point 30 et jurisprudence citée].

40      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 35, et du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 41].

41      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une grande constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (arrêts du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42).

42      Le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque antérieure ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque antérieure soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux (arrêts du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, point 36, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42). Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 72).

43      L’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 36 et jurisprudence citée].

44      Si la règle 22 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) mentionne des indications concernant les quatre éléments sur lesquels doit porter la preuve de l’usage sérieux, à savoir le lieu, la durée, la nature et l’importance de l’usage, et donne des exemples de preuves acceptables à cet égard, comme les emballages, les étiquettes, les barèmes de prix, les catalogues, les factures, les photographies, les annonces dans les journaux et les déclarations écrites, cette règle n’indique nullement que chaque élément de preuve doive nécessairement contenir des informations sur chacun des quatre éléments en cause [voir arrêt du 19 avril 2013, Luna/OHMI – Asteris (Al bustan), T‑454/11, non publié, EU:T:2013:206, point 35 et jurisprudence citée]. Selon une jurisprudence constante, il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits. C’est donc la prise en considération de l’ensemble des éléments soumis à l’appréciation de la chambre de recours qui doit permettre d’établir la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure (voir arrêt du 19 avril 2013, Al bustan, T‑454/11, non publié, EU:T:2013:206, points 36 et 37 et jurisprudence citée).

45      Par ailleurs, en vertu des dispositions combinées de l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), et de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou de l’Union européenne, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque de l’Union européenne, comprend également la preuve de l’apposition de cette marque sur les produits ou sur leur conditionnement dans l’Union dans le seul but de l’exportation.

46      Enfin, l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 n’exige pas un usage continu et ininterrompu de la marque antérieure pendant la période pertinente, mais uniquement un usage sérieux au cours de celle-ci [voir arrêt du 5 octobre 2017, Versace 19.69 Abbigliamento Sportivo/EUIPO – Gianni Versace (VERSACCINO), T‑337/16, non publié, EU:T:2017:692, point 51 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, HIPOVITON, T‑334/01, EU:T:2004:223, points 40 et 41].

47      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante visant à remettre en cause le bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours, figurant au point 44 de la décision attaquée, selon laquelle les documents produits par l’opposante, en annexe à la lettre de cette dernière du 18 octobre 2017, démontraient un usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure pour les « vins » compris dans la classe 33.

48      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans la mesure où la demande de marque de l’Union européenne présentée par la requérante a été publiée le 28 octobre 2016, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, au point 23 de la décision attaquée, que la période pertinente de cinq années visée à l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 s’étendait du 28 octobre 2011 au 27 octobre 2016. D’ailleurs, cette appréciation n’est pas contestée par les parties au litige.

49      De plus, dans la mesure où la marque espagnole verbale antérieure était invoquée, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, au point 23 de la décision attaquée, que le territoire pertinent était l’Espagne, conformément à l’article 47, paragraphe 3, du règlement 2017/1001. Cette appréciation n’est pas non plus contestée par les parties au litige.

50      En l’espèce, les éléments produits par l’opposante en annexe à sa lettre du 18 octobre 2017, aux fins de prouver l’usage de la marque espagnole verbale antérieure en Espagne entre le 28 octobre 2011 et le 27 octobre 2016, étaient les suivants :

–        18 factures émises par l’autre partie, entre le 30 octobre 2011 et le 19 juillet 2016, à savoir au cours de la période pertinente, adressées à six clients différents au Canada et aux États-Unis et portant, notamment, sur la vente de cartons statistiques (CST) contenant, chacun, douze bouteilles ou neuf litres de vin rouge « TORRES INFINITE » millésimé entre 2009 et 2014 ; ces factures mentionnaient l’adresse et les coordonnées bancaires de l’autre partie en Espagne ainsi que de l’adresse de messagerie de son service « export » (export@torres.es) et l’adresse Internet de son service clients (http://www.torreswines.com/customerservice) ; à l’exception d’une facture, les prix exprimés en dollars canadiens ou américains étaient des prix « franco à bord » (FOB) ou « franco transporteur » (FCA) au départ de Barcelone ou de Pacs del Penedès (Catalogne, Espagne) ;

–        un tableau récapitulatif des expéditions annuelles de cartons statistiques de vin « INFINITE » d’origine espagnole à destination du Canada, de Puerto Rico et des États-Unis entre 2011 et 2016, à savoir pendant la période pertinente ;

–        trois projets d’étiquettes, rédigées en anglais et français, établis par une société de graphisme catalane, pour du vin rouge « INFINITE » portant la dénomination d’origine Catalogne (Espagne), mis en bouteille en Espagne par « MIGUEL TORRES SA », et millésimé 2009, 2010 et 2011 ; les références des projets d’étiquettes mentionnaient les termes « CANADA » ou « CAN » ; l’un des projets d’étiquettes était daté du 16 janvier 2014, à savoir une date comprise dans la période pertinente ;

–        trois fiches en anglais décrivant les spécifications techniques du vin rouge « INFINITE » portant la dénomination d’origine Catalogne (Espagne), produit par « TORRES » et que le millésime 2009, 2010 ou 2011 et la durée de conservation de deux ans ou de cinq à huit ans qu’elles mentionnaient permettaient de rattacher à la période pertinente ;

–        et la référence aux sites Internet www.wine-searcher.com, www.tonyaspler.com, www.vino100oceanside.com, www.cellartracker.com, www.winealign.com et www.vivino.com contenant, selon l’opposante, des preuves d’usage de ladite marque.

51      Le simple renvoi à des sites Internet, sans indication de leur contenu pertinent pour la présente affaire, a été écarté, en tant qu’élément de preuve, par la division d’opposition, dans la décision du 27 juin 2018, et cet aspect de la décision de la division d’opposition a été implicitement confirmé par la chambre de recours, au point 42 de la décision attaquée. L’absence de prise en compte de cet élément n’est pas contestée par les parties et il n’y a pas lieu de la remettre en cause dans le cadre du présent litige.

52      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a essentiellement pris en compte, pour confirmer l’appréciation de la division d’opposition concluant à l’existence d’un usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure pour les « vins » compris dans la classe 33, les 18 factures, le tableau récapitulatif des expéditions annuelles et les projets d’étiquettes, en particulier celui daté du 16 janvier 2014, produits par l’opposante, en annexe à la lettre de cette dernière du 18 octobre 2017.

53      En premier lieu, en ce qui concerne l’usage sur le territoire pertinent, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, aux points 29 à 31 de la décision attaquée, que les éléments probants visés au point 52 ci-dessus, même s’ils se rattachaient uniquement à des exportations de vin depuis l’Espagne vers le Canada ou les États-Unis, pouvaient néanmoins être pris en compte aux fins de la preuve de l’usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure en Espagne. En effet, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement 2017/1001, la preuve de l’apposition de cette marque sur les produits ou sur leur conditionnement, en Espagne, dans le seul but de l’exportation pouvait être prise en compte aux fins de démontrer l’usage de ladite marque dans ledit état. Or, il ressort des factures produites par l’autre partie que le signe « INFINITE » y était utilisé, à l’égard de clients établis au Canada et aux États-Unis, pour désigner le type de « produits » exportés par celle-ci, depuis l’Espagne, à savoir du « vin rouge » d’« Espagne » livré par cartons de douze bouteilles. En outre, les projets d’étiquettes fournis par l’autre partie, notamment celui daté du 16 janvier 2014, corroborent le fait que la marque « INFINITE » était apposée sur des bouteilles de vin rouge portant la dénomination d’origine Catalogne (Espagne), mis en bouteille en Espagne et destinées à être exportées dans des pays de langues anglaise ou française, tels le Canada ou les États-Unis. Ces factures et ces projets d’étiquettes, qui concernaient l’exportation de vins depuis l’Espagne par l’opposante, pouvaient donc être pris en compte, conformément à l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement 2017/1001, aux fins de la preuve de l’usage sérieux de la marque en question sur le territoire pertinent, à savoir l’Espagne.

54      En outre et pour autant que la requérante se prévaut, en substance, de ce que l’étendue territoriale de l’usage de la marque espagnole verbale antérieure était limitée, il y a lieu de rappeler que l’article 18, paragraphe 1, deuxième alinéa, sous b), du règlement 2017/1001 implique uniquement de démontrer que l’activité d’exportation s’est développée à partir du territoire pertinent et non qu’elle a été territorialement étendue sur ce territoire. En effet, ce qu’il importe d’établir, conformément à la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus, c’est que l’activité d’exportation qui s’est développée à partir du territoire pertinent a été suffisante pour maintenir ou pour créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque antérieure. Ainsi, le seul fait que cette activité d’exportation soit dirigée vers un petit nombre d’états tiers n’est pas de nature à exclure l’existence d’un usage sérieux de la marque antérieure si l’étendue territoriale de ladite activité est suffisante pour maintenir ou pour créer des parts de marché, à l’exportation, pour les produits ou les services protégés par la marque. En l’espèce, il ressort des éléments probants pris en compte par la chambre de recours, et il n’est pas contesté par les parties, que l’activité d’exportation de vins sous la marque espagnole verbale antérieure a été développée, par l’autre partie, à partir de l’Espagne. Par ailleurs, compte tenu de la taille et de l’importance des marchés canadien et américain du vin, cette activité d’exportation à destination d’importateurs distributeurs opérant sur ces marchés était suffisamment étendue, sur le plan territorial, pour maintenir ou pour créer des parts de marché pour les vins rouges espagnols exportés sous la marque espagnole verbale antérieure. Il y a donc lieu de rejeter l’argumentation de la requérante tirée d’une étendue territoriale limitée de l’usage de cette marque.

55      En deuxième lieu, pour ce qui est de l’usage public dans la vie des affaires, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, aux points 40 et 41 de la décision attaquée, que les 18 factures en cause et les mentions figurant dans celles-ci attestaient d’un usage extérieur ou public de la marque espagnole verbale antérieure à l’égard d’importateurs distributeurs opérant sur les marchés canadien et américain du vin.

56      À cet égard, il importe de rappeler que l’usage public dans la vie des affaires doit s’apprécier par rapport au public auquel la marque antérieure s’adresse ou a vocation à s’adresser, lequel n’est pas nécessairement constitué que de consommateurs finaux mais peut parfois inclure également des intermédiaires [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 25].

57      En l’espèce, il ressort des 18 factures en cause que des intermédiaires extérieurs à l’opposante, à savoir des importateurs distributeurs, lui achètent les vins rouges espagnols qu’elle exporte sous la marque espagnole verbale antérieure et constituent, au même titre que les consommateurs finaux de ces vins, le public auquel ladite marque s’adresse. Il s’ensuit qu’une telle activité d’exportation correspond à un usage public de cette marque dans la vie des affaires.

58      En cela, comme l’a observé à juste titre la chambre de recours au point 43 de la décision attaquée, la présente affaire se distingue nettement de la précédente décision de la division d’opposition du 29 septembre 2014, dans laquelle les preuves d’usage concernaient des exportations de vins entre deux sociétés d’un même groupe, de sorte qu’il avait pu être constaté que la marque antérieure avait seulement été utilisée au sein de l’entreprise concernée et non sur le marché des produits protégés par cette marque.

59      Pour ces motifs, la requérante n’est pas fondée à prétendre, en substance, que, comme la division d’opposition l’a fait dans la décision du 29 septembre 2014 et conformément à la règle nemo potest venire contra factum proprium, la chambre de recours aurait dû conclure, dans la décision attaquée, à l’absence d’usage public de la marque espagnole verbale antérieure dans la vie des affaires et, finalement, d’usage sérieux de ladite marque.

60      En troisième lieu, en ce qui concerne la régularité de l’usage, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté, au point 36 de la décision attaquée, que les 18 factures en cause, datées des 30 octobre, 10 novembre et 10 décembre 2011, des 1er février, 26 juillet et 4 octobre 2012, des 21 mars, 22 juin et 8 décembre 2013, des 14 février, 21 août et 8 octobre 2014, des 21 avril, 28 mai et 19 novembre 2015 ainsi que du 23 mars et des 7 et 19 juillet 2016, portaient sur l’ensemble de la période pertinente et démontraient la fréquence de l’usage de la marque espagnole verbale antérieure tout au long de ladite période. C’est donc à tort que la requérante soutient l’inverse et son argumentation, à cet égard, doit être écartée comme étant non fondée.

61      En quatrième lieu, s’agissant de l’importance ou de l’intensité de l’usage, il ressort des 18 factures en cause que celles-ci ont été adressées à six clients différents, et non à deux comme soutenu par la requérante, quatre de ces clients étant établis au Canada et les deux autres aux États-Unis. Chacune desdites factures porte sur plusieurs dizaines ou, le plus souvent, centaines de caisses statistiques et plusieurs milliers ou, le plus souvent, dizaines de milliers de dollars américains ou, surtout, canadiens de vins rouges espagnols exportés sous la marque espagnole verbale antérieure. Ces factures attestent, pour chacune des années comprises dans la période pertinente, l’expédition de plusieurs centaines ou, pour deux années, milliers de caisses statistiques pour, sauf deux années, plusieurs dizaines de milliers de dollars américains ou, surtout, canadiens. Sur l’ensemble de la période pertinente, ces exportations portent sur plusieurs milliers de caisses statistiques et quelques centaines de milliers de dollars américains ou, surtout, canadiens.

62      Conformément à la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, ces volumes et ces montants doivent être appréciés en tenant compte de tous les facteurs du cas d’espèce et, notamment, de ce qu’il ressort des 18 factures en cause que l’opposante produit et exporte une gamme différenciée de vins rouges et blancs espagnols, vendus en bouteille, chacun sous une marque différente. Une telle différenciation implique nécessairement une limitation des volumes et des montants de vins vendus sous chaque marque. De plus, si le nombre de clients mentionnés dans ces factures est limité, cela tient aussi au fait qu’il s’agit de clients intermédiaires, qui exercent leurs activités, parfois dans le cadre d’un monopole légal, au niveau d’une région entière, et non de consommateurs finaux. Dans ce contexte, les volumes, les montants et le nombre de clients attestés par lesdites factures, même s’ils ne sont pas, dans l’absolu, considérables, n’en sont pas moins suffisamment importants pour attester une activité commerciale permettant de maintenir ou de créer des parts de marché pour les vins exportés sous la marque espagnole verbale antérieure sur les marchés américain et, surtout, canadien.

63      En outre, l’absence de caractère symbolique de cette activité commerciale d’exportation de l’opposante est corroborée, comme cela est mentionné au point 41 de la décision attaquée, par les détails supplémentaires figurant sur les 18 factures en cause et qui confirment que celle-ci dispose d’un service clients et, surtout, d’un service « export ». Elle est également corroborée par le fait que l’opposante a recouru aux services d’une société de graphisme catalane pour établir des projets d’étiquettes pour du vin rouge espagnol millésimé 2009, 2010 et 2011 et destiné à être exporté, sous la marque espagnole verbale antérieure, vers le marché canadien.

64      Il s’ensuit que les 18 factures en cause et les projets d’étiquettes concernés, en particulier celui daté du 16 janvier 2014, suffisent à justifier la conclusion à laquelle la chambre de recours est parvenue, au point 38 de la décision attaquée, selon laquelle, en substance, la marque espagnole verbale antérieure n’avait pas fait l’objet d’un usage purement symbolique, dans le cadre d’une activité commerciale d’exportation.

65      C’est donc à bon droit, au regard des dispositions et de la jurisprudence rappelées aux points 35 à 46 ci-dessus et de l’ensemble des constatations opérées aux points 53 à 62 ci-dessus, que la chambre de recours a considéré, au point 44 de la décision attaquée, que, si les éléments probants pris en compte étaient plutôt succincts, ils n’en étaient pas moins suffisants, pris dans leur ensemble, pour confirmer l’appréciation de la division d’opposition concluant à l’existence d’un usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure pour les « vins » compris dans la classe 33.

66      Ce constat n’est pas susceptible d’être remis en cause sur la base des autres griefs avancés par la requérante.

67      D’une part et s’agissant du grief de la requérante tiré, en substance, de ce que la chambre de recours a octroyé une valeur probante trop importante au tableau récapitulatif des expéditions annuelles en considérant, aux points 35 et 38 de la décision attaquée, que celui-ci corroborait les factures concernant l’usage, par l’opposante, de la marque espagnole verbale antérieure dans le cadre d’une activité commerciale d’exportation importante ou, à tout le moins, non symbolique, il suffit de relever que, compte tenu de la conclusion qui a pu être tirée, au point 65 ci-dessus, sans même tenir compte dudit tableau, l’erreur alléguée, à supposer même qu’elle existe, n’aurait pas eu de conséquence sur le bien-fondé de ladite décision, en ce qu’elle a conclu à l’existence d’un usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure pour les « vins » compris dans la classe 33. Partant, elle ne saurait justifier l’annulation de cette décision. Ainsi, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant, en tout état de cause, inopérant.

68      D’autre part et s’agissant du grief de la requérante tiré de ce que la marque espagnole verbale antérieure n’a fait l’objet d’aucune publicité, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que semble faire valoir la requérante, l’usage sérieux de la marque antérieure n’implique pas nécessairement que celle-ci fasse l’objet d’une publicité. Ainsi, le présent grief ne saurait prospérer.

69      Dans le cadre du troisième moyen, la requérante, sous couvert d’une prétendue violation de l’article 94, paragraphe 1, première et deuxième phrases, de l’article 95, paragraphe 1, et de l’article 97, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, se borne, en réalité, à critiquer le raisonnement suivi par la chambre de recours, dans la décision attaquée, pour conclure que la preuve de l’usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure pour les « vins » compris dans la classe 33 avait été rapportée par l’opposante, au motif que ce raisonnement serait fallacieux, erroné, non étayé ou partial, et ainsi à mettre en cause la légalité interne de cette décision. En effet, dans la requête, elle reproche, en substance, à ladite chambre de ne pas avoir limité son examen aux seuls éléments de preuve produits par l’opposante dans l’annexe 2 de la lettre de cette dernière du 18 octobre 2017, en ayant, d’une part, assimilé l’étiquette de produit de 2014 fournie par celle-ci à du matériel publicitaire en faveur du vin exporté sous ladite marque (point 31 ci-dessus) et, d’autre part, supposé l’existence d’autres factures que celles produites par l’opposante, ce qui l’aurait conduite à surestimer le volume de vin exporté sous cette marque (point 32 ci-dessus).

70      L’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 énonce que, « [a]u cours de la procédure, l’[EUIPO] procède à l’examen d’office des faits », mais que, « toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties […] ». Selon une jurisprudence constante, cette disposition vise, notamment, la base factuelle des décisions de l’EUIPO, à savoir les faits et les preuves sur lesquels celles-ci peuvent être valablement fondées [voir arrêt du 5 octobre 2017, Forest Pharma/EUIPO – Ipsen Pharma (COLINEB), T‑36/17, non publié, EU:T:2017:690, point 29 et jurisprudence citée].

71      La règle relative à l’examen d’office des faits par l’EUIPO, qu’édicte l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, n’a pas vocation à s’appliquer à la question de la preuve de l’usage sérieux de la marque dans le cadre d’une procédure d’opposition portée devant l’EUIPO (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 65).

72      En effet, l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et l’article 57, paragraphe 2, règlement no 207/2009 [devenu article 64, paragraphe 2, du règlement 2017/1001] précisent expressément que la preuve de l’usage sérieux ou des justes motifs de non-usage incombe au titulaire de la marque antérieure, sous peine de rejet de l’opposition ou de la demande d’annulation (arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 55). La règle 22, paragraphe 2, du règlement no 2868/95 énonce également que la preuve de l’usage sérieux doit être apportée par l’opposant, titulaire de la marque antérieure.

73      Il résulte de ce qui précède que, dans le cadre d’une procédure d’opposition, l’EUIPO ne peut pas déterminer d’office l’usage sérieux de la marque antérieure, mais doit s’en tenir, à cet égard, aux preuves d’usage sérieux fournies par l’opposant.

74      Au vu de la conclusion qui a pu être tirée au point 65 ci-dessus sur le seul fondement d’éléments de preuve produits par l’opposante, mais sans tenir compte ni de l’existence éventuelle de matériel publicitaire en faveur du vin exporté sous la marque espagnole verbale antérieure (voir également point 68 ci-dessus) ni de l’existence supposée de factures autres que celles produites par l’opposante, il convient de considérer que, même à supposer que les griefs avancés par la requérante dans le cadre du troisième moyen soient fondés, l’erreur qui aurait consisté, pour la chambre de recours, à avoir tenu compte d’un matériel publicitaire inexistant ou de factures hypothétiques, dans la décision attaquée, en tant qu’éléments probants n’aurait pas eu de conséquence sur le bien-fondé de cette décision, en ce qu’elle a conclu à l’existence d’un usage sérieux de la marque espagnole verbale antérieure pour les « vins » compris dans la classe 33. Partant, une telle erreur ne saurait justifier son annulation. Ainsi, il y a lieu de rejeter le présent grief comme étant inopérant.

75      Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter les deuxième et troisième moyens comme étant, pour partie, inopérants et, pour le reste, non fondés.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

76      S’agissant de l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a commencé par préciser, au point 49 de la décision attaquée, que le territoire pertinent était l’Espagne, car la marque antérieure était une marque espagnole, puis par confirmer, au point 52 de cette décision, que le public pertinent était constitué du grand public dont le niveau d’attention était moyen, dès lors que les produits désignés par la marque demandée, et les « vins », compris dans la classe 33, et ceux couverts par la marque espagnole verbale antérieure étaient des produits de consommation courante.

77      S’agissant de la comparaison des produits, la chambre de recours a entériné, aux points 54 et 55 de la décision attaquée, les appréciations de la division d’opposition, non contestées par les parties à la procédure devant elle, selon lesquelles les produits en cause étaient, en partie, identiques et, en partie, similaires, à des degrés différents.

78      Ainsi qu’il ressort du point 7, partie « Risque de confusion », premier à cinquième tirets, de la décision attaquée, dans la décision du 27 juin 2018, la division d’opposition avait estimé, premièrement, que la « bière et [les] produits de brasserie », relevant de la classe 32, visés par la marque demandée étaient similaires, à un degré moyen, aux « vins », compris dans la classe 33, couverts par la marque espagnole verbale antérieure, dans la mesure où tous ces produits constituaient des boissons alcoolisées destinées au grand public. Deuxièmement, elle avait considéré que le « vin », les « boissons à faible teneur en alcool », les « boissons alcoolisées de fruits », les « boissons gazeuses alcoolisées autres que [les] bières » et les « apéritifs à base de vin », relevant de la classe 32, visés par la marque demandée étaient identiques aux « vins », compris dans la classe 33, couverts par ladite marque antérieure, parce que les intitulés de ces produits étaient identiques ou synonymes, qu’ils étaient inclus les uns dans les autres ou qu’ils se recoupaient. Troisièmement, elle avait décidé que le « cidre », le « poiré », les « amers », le « baijiu », les « apéritifs », les « cocktails », l’« hydromel », le « nira », le « saké », l’« alcool de riz », les « spiritueux et liqueurs », les « bitters apéritifs alcoolisés », les « apéritifs à base de liqueurs », les « prémix », les « cocktails alcoolisés contenant du lait », les « boissons alcoolisées contenant des fruits », les « boissons alcoolisées pré-mélangées autres qu’à base de bière », les « boissons alcoolisées à base de café », les « boissons alcoolisées à base de thé », les « boissons contenant du vin », les « boissons à base de rhum » et les « boissons à base de vin et de jus de fruits », relevant de la classe 32, visés par la marque demandée étaient similaires, à un degré moyen, aux « vins », compris dans la classe 33, couverts par cette marque antérieure. Quatrièmement, elle avait observé que les « boissons alcoolisées comestibles » et les « gelées alcoolisées », relevant de la classe 32, visées par la marque demandée étaient similaires, à un degré moyen, aux « vins », compris dans la classe 33, couverts par la même marque antérieure, car ces produits pouvaient entrer en concurrence, s’adresser au même public, être produits par les mêmes fabricants et distribués par les mêmes canaux de distribution. Cinquièmement, elle avait constaté que les « boissons énergétiques alcoolisées » étaient similaires, à un degré moyen, aux « vins », compris dans la classe 33, couverts par la marque antérieure en question, dans la mesure où ces produits étaient destinés au même public et distribués par les mêmes canaux de distribution.

79      Concernant la comparaison des signes, aux points 58 à 63 de la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas identifié, dans les marques en conflit, d’éléments dominants ou plus distinctifs que les autres. Elle a considéré que le public pertinent associerait la marque espagnole verbale antérieure au mot espagnol « infinito » et, malgré la séparation des syllabes de ce mot par des points, identifierait le terme « infinitude » dans la marque demandée, qu’il associerait au mot espagnol « infinitud ». Par conséquent, elle a conclu que ces marques devaient être comparées dans leur ensemble. Du fait de la coïncidence de nombreuses lettres, occupant la même position, dans l’élément verbal desdites marques, elle a conclu, aux points 64 à 66 de ladite décision, que celles-ci étaient similaires, au moins à un faible degré, sur le plan visuel et, à un degré supérieur à la moyenne, sur le plan phonétique. Par ailleurs, elle a considéré, au point 67 de cette décision, que les mêmes marques seraient toutes deux associées, par ledit public, au même concept d’« infini » ou d’« état ou […] qualité d’être infini », de sorte que celles-ci étaient similaires, à un degré élevé, sur le plan conceptuel.

80      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif intrinsèque de la marque espagnole verbale antérieure, aux points 68 à 73 et 77 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que celle-ci serait associée, par le public pertinent, au mot espagnol « infinito », mais que, dans la mesure où ce mot était dénué de toute signification par rapport aux produits en cause, ladite marque devait se voir reconnaître un caractère distinctif intrinsèque moyen. Le seul fait que plusieurs marques comportant ou consistant en des mots similaires au mot « infinite », telle la marque de l’Union européenne INFINITUS enregistrée sous le numéro 1 135 920, auraient déjà été enregistrées pour des produits des classes 32 et 33 n’aurait pas permis de remettre en cause une telle conclusion, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence, il n’aurait pu en être déduit que ces marques auraient effectivement été utilisées et auraient coexisté paisiblement sur le marché et que ledit public aurait ainsi été exposé à un usage étendu de celles-ci et se serait habitué à l’usage de ces mots pour les produits en cause. Par ailleurs, il n’aurait pas été soutenu que la marque espagnole verbale antérieure aurait acquis un caractère distinctif accru par l’usage.

81      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, aux points 74 à 80 de la décision attaquée, la chambre de recours a fait valoir que, compte tenu du niveau d’attention moyen du public pertinent, du caractère distinctif intrinsèque moyen de la marque espagnole verbale antérieure, de l’identité ou de la similitude des produits en cause, de la similitude des signes, qui était au moins d’un faible degré sur le plan visuel, d’un degré supérieur à la moyenne sur le plan phonétique et d’un degré élevé sur le plan conceptuel, ainsi que de l’importance relative supérieure de la similitude sur le plan phonétique s’agissant des vins, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit dudit public ne pouvait être exclue. Ce constat n’aurait pas pu être remis en cause au motif que des mentions obligatoires spécifiques figuraient sur les bouteilles de vin, dans la mesure où ces mentions n’étaient pas incluses dans les marques enregistrées et ne seraient pas perçues comme des composants de ces marques par ce public. De même, ledit constat n’aurait pu être remis en cause, pour les mêmes raisons que celles déjà exposées au point 80 ci-dessus, au motif que plusieurs marques comportant ou consistant en des mots similaires au mot « infinite », telle la marque de l’Union européenne INFINITUS, auraient déjà été enregistrées pour des produits des classes 32 et 33.

82      La requérante soutient que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en concluant à l’existence d’un risque de confusion, au sens de ladite disposition, alors qu’un tel risque était, en l’espèce, exclu.

83      La requérante ne conteste pas les appréciations de la chambre de recours selon lesquelles le territoire pertinent est l’Espagne, le public pertinent est constitué du grand public et les produits en cause sont partiellement identiques et partiellement similaires, à des degrés divers. En revanche, elle conteste le niveau d’attention du public pertinent qui n’est pas, selon elle, uniformément moyen, mais peut, en fonction de la sophistication des consommateurs et du raffinement desdits produits, varier de moyen à légèrement plus élevé que la moyenne.

84      En ce qui concerne la comparaison des signes, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir, aux points 65 à 67 de la décision attaquée, considéré que lesdits signes étaient faiblement similaires sur le plan visuel, similaires à un degré supérieur à la moyenne sur le plan phonétique et fortement similaires sur le plan conceptuel.

85      Selon la requérante, les signes en cause ne sont pas similaires sur le plan visuel. Cela résulterait du fait que les lettres présentes dans la marque demandée forment cinq unités de deux lettres, séparées entre elles par des espaces et des points, que cette configuration étirée et allongée diffère significativement de celle de la marque espagnole verbale antérieure, que les parties finales desdites marques diffèrent visuellement, dans la mesure où celles-ci ne sont pas composées des mêmes lettres, et que la marque demandée, en tant que marque figurative, est stylisée. La chambre de recours aurait identifié une similitude visuelle entre ces marques en partant du postulat, aux points 60 et 65 de la décision attaquée, que le public pertinent identifierait le terme « infinitude » dans la marque demandée.

86      En outre, la requérante soutient que les signes en cause sont très faiblement similaires, voire ne sont pas similaires, sur le plan phonétique. Cela viendrait de ce que, premièrement, les lettres présentes dans la marque demandée formeraient cinq unités de deux lettres, séparées entre elles par des espaces et des points, et que cette configuration impliquerait un silence entre la prononciation de chaque syllabe, ce qui introduirait une différence fondamentale dans le rythme de prononciation de ladite marque avec celui de la marque espagnole verbale antérieure. Deuxièmement, l’accentuation serait différente dans lesdites marques, à savoir qu’elle porterait sur le début ou le milieu de ladite marque antérieure, mais sur la fin de la marque demandée. Troisièmement, les parties finales de ces marques se prononceraient différemment, dans la mesure où celles-ci ne seraient pas composées des mêmes lettres.

87      Enfin, la requérante estime que les signes en cause sont faiblement similaires, voire ne sont pas similaires, sur le plan conceptuel. Cela résulterait du fait que le sens du mot anglais « infinitude » ne serait pas connu du consommateur moyen au sein du grand public espagnol, à l’inverse du mot « infinite » qui ferait partie du vocabulaire de base de l’anglais et serait mieux connu, et que ce premier mot serait plutôt perçu comme un terme fantaisiste. Même en partant du postulat inverse, ledit consommateur moyen ne pourrait pas identifier ledit premier mot dans la marque demandée, dans la mesure où les lettres présentes dans cette dernière seraient séparées, par des espaces et des points, en cinq combinaisons de deux lettres, dont quatre, à savoir « in », « ni », « tu » et « de », auraient une signification en espagnol, ce qui serait notoirement connu et pourrait être constaté en consultant les dictionnaires espagnols de référence en ligne. Il serait donc probable que le public pertinent perçoive ladite marque comme la combinaison fantaisiste de cinq syllabes ou, à tout le moins, comme étant dépourvue de toute signification claire.

88      S’agissant du caractère distinctif intrinsèque de la marque espagnole verbale antérieure, la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours, figurant au point 73 de la décision attaquée, selon laquelle celui-ci était moyen. Elle renvoie à cet égard à quatre décisions dans lesquelles l’EUIPO a constaté que le consommateur moyen au sein du grand public européen était réputé connaître les mots du vocabulaire de base de l’anglais, tels que les mots « infinite » ou « infinity », et que ces derniers mots étaient descriptifs et non distinctifs pour différents types de services et de produits, autres que des vins. Le mot « infinite » serait également descriptif et non distinctif pour les vins, dans la mesure où il décrirait certaines qualités de ceux-ci, tels un potentiel de vieillissement et de garde illimité ou une infinie longueur en finale (temps pendant lequel les arômes d’un vin persistent en bouche). Pour soutenir ses affirmations, la requérante a produit divers documents dans les annexes A.7 à A.12 de la requête. À défaut d’être considéré comme « descriptif » et, comme tel, non distinctif, ce dernier mot aurait dû être considéré comme étant non distinctif, au motif qu’il renfermerait un message laudatif pour les « vins ». Comme l’EUIPO l’aurait déjà constaté dans trois décisions et comme la chambre de recours l’aurait elle-même reconnu au point 61 de ladite décision, les mots « infinite », « infinity » ou « limitless » véhiculeraient un message laudatif, telle l’idée que les produits ou les services concernés seraient « sans limites (sur demande) » ou qu’ils pourraient être « demandés ou obtenus sans aucune limite ». En raison de son caractère descriptif ou non distinctif, cette marque antérieure aurait dû se voir dénier toute protection ou, à tout le moins, ne bénéficier que d’une protection extrêmement limitée. Cela expliquerait d’ailleurs que plusieurs marques contenant l’élément « infini », telle la marque de l’Union européenne INFINITUS, auraient déjà été enregistrées pour des produits des classes 32 et 33 et coexisteraient paisiblement sur le marché.

89      Concernant l’existence d’un risque de confusion, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir conclu à tort, au point 80 de la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion, en postulant, de manière erronée, que, d’une part, les signes en cause étaient similaires et, d’autre part, la marque espagnole verbale antérieure avait un caractère distinctif intrinsèque moyen. En réalité, l’impression globale produite par les marques en conflit serait tellement différente que lesdites marques devraient être considérées globalement comme n’étant pas similaires. Par ailleurs, pour les raisons déjà exposées au point 88 ci-dessus, la marque espagnole verbale antérieure aurait dû se voir dénier toute protection ou, à tout le moins, ne bénéficier que d’une protection extrêmement limitée.

90      L’EUIPO réfute les arguments de la requérante.

91      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

92      En l’espèce, aucune des parties, qu’elles concluent ou non à l’annulation de la décision attaquée, ne remet en cause les appréciations de la chambre de recours selon lesquelles le territoire pertinent est l’Espagne et le public pertinent correspond au grand public. Au regard des motifs adoptés par la chambre de recours dans la décision attaquée (voir point 76 ci-dessus), ces appréciations sont fondées et peuvent être entérinées par le Tribunal.

93      La requérante conteste néanmoins l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le niveau d’attention du grand public, lors de l’achat des produits en cause, sera moyen, au motif que celui-ci serait susceptible, en réalité, de varier de moyen à légèrement plus élevé que la moyenne en fonction de la sophistication des consommateurs et du raffinement desdits produits.

94      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, qui est en principe normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services concernée [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

95      Dans ce cadre, il appartient à l’EUIPO de prendre en compte le consommateur moyen des catégories de produits ou de services visées par la demande de marque et couvertes par la marque antérieure, et non un type spécifique de consommateurs de certains produits ou de services au sein de ces catégories plus larges de produits ou de services [voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2017, Stock Polska/EUIPO – Lass & Steffen (LUBELSKA), T‑701/15, non publié, EU:T:2017:16, point 24 et jurisprudence citée].

96      Il ressort d’une jurisprudence constante que le consommateur moyen, au sein du grand public, fera preuve d’un niveau d’attention moyen lors de l’achat d’alcools [voir arrêt du 16 février 2017, DMC/EUIPO – Etike’ International (De Giusti ORGOGLIO), T‑18/16, non publié, EU:T:2017:85, point 24 et jurisprudence citée].

97      L’argumentation de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dû tenir compte de la sophistication de certains consommateurs et du raffinement de certains produits ne saurait donc prospérer, car elle ne concerne qu’un type spécifique de consommateurs, au sein du grand public, et de produits, au sein des catégories plus larges de produits en cause. En effet, les catégories de produits en cause, telles que décrites au point 78 ci-dessus, ne se limitent pas à des alcools ou à des produits alcoolisés (gelées) raffinés et le consommateur moyen de ces catégories de produits n’est pas nécessairement sophistiqué.

98      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur, au regard de la jurisprudence citée aux points 94 à 96 ci-dessus, en considérant que le consommateur moyen, au sein du grand public, ferait preuve d’un niveau d’attention moyen lors de l’achat des produits en cause.

99      Concernant la comparaison des produits, aucune des parties, quel que soit le sens de ses conclusions, ne critique les appréciations de la chambre de recours selon lesquelles les produits en cause étaient, en partie, identiques et, en partie, similaires, à des degrés différents.

100    Il convient toutefois de rappeler que l’absence de contestation, par les parties qui concluent à l’annulation de la décision d’une chambre de recours, de certains facteurs essentiels à l’analyse du risque de confusion ne préjuge pas de ce que le Tribunal peut ou doit en contrôler le bien-fondé, dès lors que ces facteurs constituent une étape essentielle du raisonnement que celui-ci est amené à effectuer pour exercer ledit contrôle. Dès lors que l’une des parties concluant à l’annulation de la décision de la chambre de recours a mis en cause l’appréciation de cette dernière relative au risque de confusion, en vertu du principe d’interdépendance entre les facteurs pris en compte, notamment la similitude des marques et celle des produits et des services couverts, le Tribunal est compétent pour examiner l’appréciation que ladite chambre a portée sur ces facteurs (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 47). En effet, lorsqu’il est appelé à apprécier la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, le Tribunal ne peut être lié par une appréciation erronée des faits par cette chambre, dans la mesure où ladite appréciation fait partie des conclusions dont la légalité est contestée devant lui (arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 48).

101    En l’espèce, les appréciations de la division d’opposition auxquelles les appréciations de la chambre de recours portant sur la similitude des produits renvoient aboutissent au constat que les produits en cause sont, en partie, identiques et, en partie, similaires, à un degré moyen et non, comme indiqué par la chambre de recours dans la décision attaquée, à des degrés différents. Ces appréciations sont fondées, pour les motifs exposés par la division d’opposition dans la décision du 27 juin 2018 (voir point 78 ci-dessus), et peuvent être entérinées par le Tribunal, à l’exception de celles concluant à l’existence d’un degré de similitude moyen entre la « bière et [les] produits de brasserie », relevant de la classe 32, visés par la marque demandée et les « vins », compris dans la classe 33, couverts par la marque espagnole verbale antérieure.

102    En effet, si la bière et les vins constituent, tous deux, des boissons alcooliques, obtenues par un processus de fermentation, et consommées au cours des repas ou bues à l’apéritif et sont, dans une certaine mesure, des produits concurrents, ils se différencient largement quant à leur composition et à leur mode d’élaboration, de sorte qu’ils ne présentent qu’un faible degré de similitude [arrêt du 18 juin 2008, Coca-Cola/OHMI – San Polo (MEZZOPANE), T‑175/06, EU:T:2008:212, points 63 à 70].

103    Il convient donc de poursuivre l’examen du présent recours en tenant compte de l’erreur commise par la chambre de recours consistant à avoir constaté un degré de similitude moyen, plutôt que faible, entre la « bière et [les] produits de brasserie », relevant de la classe 32, visés par la marque demandée et les « vins », compris dans la classe 33, couverts par la marque espagnole verbale antérieure.

104    En ce qui concerne la comparaison des signes, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir, aux points 65 à 67 de la décision attaquée, considéré que les signes en cause étaient faiblement similaires sur le plan visuel, similaires à un degré supérieur à la moyenne sur le plan phonétique et fortement similaires sur le plan conceptuel, alors que ces signes sont très faiblement similaires sur le plan visuel, très faiblement similaires, voire ne sont pas similaires, sur le plan phonétique et faiblement similaires, voire ne sont pas similaires, sur le plan conceptuel.

105    À titre liminaire, il convient de rappeler que deux marques sont similaires, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lorsque, du point de vue du public concerné, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [voir arrêt du 17 décembre 2009, Notartel/OHMI – SAT.1 (R.U.N.), T‑490/07, non publié, EU:T:2009:522, point 47 et jurisprudence citée]. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, sont pertinents les aspects visuel, phonétique et conceptuel, l’appréciation de la similitude devant être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants (voir arrêt du 17 décembre 2009, R.U.N., T‑490/07, non publié, EU:T:2009:522, point 48 et jurisprudence citée).

106    En l’espèce, la requérante part du postulat que le consommateur moyen au sein du grand public espagnol ne peut pas identifier le terme « infinitude » dans la marque demandée, dans la mesure où les lettres présentes dans cette dernière sont séparées, par des espaces et des points, en cinq groupes de deux lettres, dont quatre, à savoir « in », « ni », « tu » et « de », correspondent à des mots espagnols.

107    L’EUIPO défend le raisonnement sous-jacent au point 60 de la décision attaquée, selon lequel il peut être considéré que le public pertinent identifie le terme « infinitude » dans la marque demandée, dans la mesure où, conformément à la jurisprudence, il en perçoit le sens en raison de la ressemblance de ce mot d’origine anglaise avec le mot espagnol « infinitud ». Conformément à la jurisprudence, ce constat ne serait pas modifié par la présence de points et d’espaces qui sépareraient ce mot en cinq groupes de lettres.

108    À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à la jurisprudence, même si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en reste pas moins que, en percevant un signe verbal, il identifiera des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou ressemblent à des mots qu’il connaît. L’identification des éléments verbaux compréhensibles pour le consommateur est pertinente du point de vue de l’appréciation des similitudes phonétique, visuelle et conceptuelle entre les signes [voir arrêt du 8 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Redrock Construction (REDROCK), T‑548/12, EU:T:2015:478, point 37 et jurisprudence citée].

109    Par ailleurs, il y a lieu de considérer que le public pertinent comprend le sens produit par les signes composés de plusieurs éléments verbaux, reproduits de manière séparée, en regroupant ces éléments pour former des termes qui, pour lui, évoquent une signification précise ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît, lorsque cette compréhension ne demande pas d’effort intellectuel particulier [voir, en ce sens, arrêts du 6 septembre 2013, Eurocool Logistik/OHMI – Lenger (EUROCOOL), T‑599/10, non publié, EU:T:2013:399, points 101 à 109, et du 28 mars 2019, Robert Bosch/EUIPO (Simply. Connected.), T‑251/17 et T‑252/17, EU:T:2019:202, point 62].

110    Il n’est pas contestable et, au demeurant, il n’est pas contesté par les parties que l’élément verbal « infinitude » ressemble très fortement au mot espagnol « infinitud », nom féminin utilisé pour décrire l’état ou la qualité de ce qui est infini ou n’a pas de limites. Il y a donc lieu de considérer que le public pertinent identifiera immédiatement, au sein de la marque demandée, le terme « infinitude », qui ressemble au mot espagnol « infinitud » qu’il connaît et qui a, pour lui, une signification précise. Le fait que la marque demandée soit constituée de cinq groupes de deux lettres, séparés par des points et des espaces, correspond à un moyen graphique banal de découper des mots en syllabes qui ne peut détourner l’attention dudit public du fait que le regroupement de ces syllabes, suivant l’ordre habituel de lecture de la gauche vers la droite, compose un mot qui ressemble très fortement à un mot qu’il connaît et qui a, pour lui, une signification précise.

111    La supposition de la requérante selon laquelle, du fait de la présence des points et des espaces dans la marque demandée, le public pertinent décomposerait cette marque en cinq groupes de deux lettres, dont quatre correspondent à des mots espagnols, doit être écartée comme étant dénuée de vraisemblance, dès lors qu’une telle compréhension de ladite marque par ce public ne lui conférerait aucune signification globale.

112    C’est donc à bon droit que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le public pertinent comprendrait la succession des groupes de lettres « in », « fi », « ni », « tu » et « de », figurant dans la marque demandée, comme le découpage syllabique d’un mot qui ressemble très fortement au mot espagnol « infinitud », plutôt que comme une suite de cinq mots, dont quatre correspondent à des mots espagnols, dépourvue de signification globale.

113    S’agissant de la comparaison des signes, il importe, tout d’abord, de relever que, même si la requérante conteste le caractère distinctif intrinsèque de la marque espagnole verbale antérieure, ni elle ni l’EUIPO ne remettent en cause les appréciations de la chambre de recours desquelles il découle que lesdites marques ne comportent pas d’éléments dominants ou plus distinctifs que les autres, de sorte qu’elles doivent être comparées dans leur ensemble (voir point 79 ci-dessus).

114    Ensuite, en ce qui concerne la comparaison des signes sur le plan visuel, les arguments par lesquels la requérante critique la chambre de recours, pour ne pas avoir constaté que les signes en cause étaient très faiblement similaires, reposent essentiellement sur le postulat que le public pertinent n’identifierait pas le mot « infinitude » dans la marque demandée. Or, comme cela a déjà été exposé aux points 106 à 112 ci-dessus, un tel postulat est erroné. Dès lors, c’est à bon droit que, au point 65 de la décision attaquée, ladite chambre a conclu que lesdits signes pouvaient être considérées comme étant similaires, au moins à un faible degré, sur ce plan, en raison du fait qu’ils ne différaient que par la présence de deux lettres supplémentaires, « u » et « d », et le découpage des syllabes, par l’insertion de points et d’espaces, dans la marque demandée et qu’ils coïncidaient pour le reste, notamment sur leur partie initiale, « infinit », à laquelle le consommateur attache normalement le plus d’importance [voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 2010, Farmeco/OHMI – Allergan (BOTUMAX), T‑131/09, non publié, EU:T:2010:458, point 35 et jurisprudence citée, et du 18 septembre 2012, Scandic Distilleries/OHMI – Bürgerbräu, Röhm & Söhne (BÜRGER), T‑460/11, non publié, EU:T:2012:432, point 40 et jurisprudence citée].

115    En outre, en ce qui concerne la comparaison des signes sur le plan phonétique, les arguments par lesquels la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir constaté que les signes en cause étaient très faiblement similaires, voire n’étaient pas similaires, reposent également sur le postulat que le public pertinent n’identifierait pas le mot « infinitude » dans la marque demandée et prononcerait cette dernière comme une suite de cinq mots distincts. Or, comme cela a déjà été exposé aux points 106 à 112 ci-dessus, ce postulat doit être écarté. Dès lors, c’est à bon droit que, au point 66 de la décision attaquée, ladite chambre a conclu que ces signes pouvaient être considérées comme étant similaires, à un degré supérieur à la moyenne, sur ce plan, en raison du fait qu’ils ne différaient que par la présence de deux lettres supplémentaires, « u » et « d », dans la marque demandée et qu’ils coïncidaient pour le reste, notamment sur leur partie initiale, « infinit », à laquelle le consommateur attache normalement le plus d’importance, au regard de la jurisprudence citée au point 114 ci-dessus. Si, comme le soutient la requérante, les règles d’accentuation peuvent introduire quelques différences dans la prononciation desdits signes, celles-ci seraient très largement neutralisées par les ressemblances qui résultent de la sonorité identique de leur partie initiale.

116    Enfin, en ce qui concerne la comparaison des signes sur le plan conceptuel, les arguments de la requérante selon lesquels la chambre de recours aurait dû conclure que lesdits signes étaient faiblement similaires, voire n’étaient pas similaires, reposent encore sur le postulat que le public pertinent n’identifierait pas le mot « infinitude » dans la marque demandée, mais considérerait cette dernière comme une suite de cinq mots, dont quatre correspondraient à des mots espagnols, dépourvue de signification globale. Pour les raisons qui ont déjà été exposées aux points 106 à 112 ci-dessus, ce postulat, qui devrait, s’il était accepté, amener à constater qu’aucune comparaison, sur le plan conceptuel, n’est en l’espèce possible, est erroné. Si même, comme le soutient la requérante, ledit public ne connaît pas le mot anglais « infinitude », il n’en reste pas moins que, comme le relève à bon droit cette chambre au point 60 de la décision attaquée, il associe immédiatement, et sans autre réflexion, ce dernier mot au mot espagnol « infinitud », nom féminin utilisé pour décrire l’état ou la qualité de ce qui est infini ou n’a pas de limites. De même, si ce public ne connaît pas nécessairement le mot anglais « infinite » (voir, à cet égard, point 119 ci-après), il n’en reste pas moins que, comme le relève à bon droit ladite chambre au point 59 de cette décision, il associe immédiatement, et sans autre réflexion, ce dernier mot au mot espagnol « infinito », nom ou adjectif qui sert à décrire ce qui n’a et ne peut avoir de fin ou de limites et qui renvoie au concept de l’infini. Dès lors, c’est à bon droit que, au point 67 de ladite décision, la même chambre a conclu que ces signes pouvaient être considérées comme étant similaires, à un degré élevé, sur le plan conceptuel, en raison du fait qu’ils étaient associés au même concept d’infini.

117    S’agissant du degré de caractère distinctif intrinsèque de la marque espagnole verbale antérieure, la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours, au point 73 de la décision attaquée, selon laquelle celui-ci est moyen, au motif que « infinite » serait un terme descriptif et non distinctif pour les vins.

118    À cet égard, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, pour autant que la requérante entend s’appuyer sur les éléments produits dans les annexes A.7 à A.12 de la requête, il n’est pas possible, pour le Tribunal, de les prendre en compte dans la mesure où ils sont irrecevables (voir point 21 ci-dessus).

119    En deuxième lieu, pour autant que la requérante soutient que le mot « infinite » est un mot appartenant au vocabulaire de base de l’anglais, dont le sens peut être réputé connu du consommateur moyen au sein du grand public européen, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, la connaissance d’une langue étrangère ne peut pas, en général, être présumée [arrêt du 13 septembre 2010, Inditex/OHMI – Marín Díaz de Cerio (OFTEN), T‑292/08, EU:T:2010:399, point 83 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 juin 2014, Hut.com/OHMI – Intersport France (THE HUT), T‑330/12, non publié, EU:T:2014:569, point 40]. Cependant, il ressort de la jurisprudence qu’une grande partie des consommateurs dans l’Union connaît le vocabulaire de base de l’anglais [voir, en ce sens, arrêts du 13 octobre 2009, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Redrock Construction (REDROCK), T‑146/08, non publié, EU:T:2009:398, point 53 ; du 11 mai 2010, Wessang/OHMI – Greinwald (star foods), T‑492/08, non publié, EU:T:2010:186, point 52, et du 15 octobre 2018, Apple and Pear Australia et Star Fruits Diffusion/EUIPO – Pink Lady America (WILD PINK), T‑164/17, non publié, EU:T:2018:678, point 58], mais pas d’autres termes anglais ou l’une de leur signification qui ne peuvent pas être considérés comme faisant partie de ce vocabulaire de base [voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2014, Junited Autoglas Deutschland/OHMI – Belron Hungary (United Autoglas), T‑297/13, non publié, EU:T:2014:893, points 32 et 42, et du 16 février 2017, Jaguar Land Rover/EUIPO – Nissan Jidosha (Land Glider), T‑71/15, non publié, EU:T:2017:82, point 45]. Il n’est pas évident que le mot « infinite » fasse partie du vocabulaire de base de l’anglais. En tout état de cause, cela est sans pertinence, en l’espèce, dès lors que le public pertinent associe immédiatement, et sans autre réflexion, ce dernier mot au mot espagnol « infinito », nom ou adjectif qui sert à décrire ce qui n’a et ne peut avoir de fin ou de limites et qui renvoie au concept d’infini.

120    En troisième lieu, pour autant que la requérante soutient que le terme « infinite » (compris dans le sens du mot espagnol « infinito ») est descriptif et non distinctif pour les vins, de sorte que la marque espagnole verbale antérieure aurait dû se voir dénier toute protection ou, à tout le moins, ne bénéficier que d’une protection extrêmement limitée, il convient, tout d’abord, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un terme possédant une signification claire n’est considéré comme étant descriptif que s’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 24 février 2016, REAL HAND COOKED, T‑816/14, non publié, EU:T:2016:93, point 63 et jurisprudence citée). Le signe verbal doit ainsi servir à désigner de manière spécifique, non vague et objective, les produits ou les services en cause ou l’une de leurs caractéristiques essentielles [voir arrêt du 2 décembre 2008, Ford Motor/OHMI (FUN), T‑67/07, EU:T:2008:542, point 32 et jurisprudence citée].

121    Par ailleurs, un signe verbal est dépourvu de caractère distinctif intrinsèque dans la mesure où, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une qualité ou une caractéristique des produits ou des services concernés qui, sans être précise, procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire que le public pertinent percevra en premier lieu en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services concernés [voir arrêt du 24 septembre 2019, Daimler/EUIPO (ROAD EFFICIENCY), T‑749/18, non publié, EU:T:2019:688, point 34 et jurisprudence citée]. Le fait qu’une entreprise souhaite conférer une image positive à ses produits ou à ses services, indirectement et de façon abstraite, sans pour autant informer directement et immédiatement le consommateur de l’une des qualités ou des caractéristiques déterminées des produits ou des services concernés, relève de l’évocation et non de la description de ces produits ou services ou de l’une de leurs caractéristiques essentielles (voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2008, FUN, T‑67/07, EU:T:2008:542, point 33 et jurisprudence citée).

122    Ensuite, selon la jurisprudence, un signe verbal qui est descriptif des caractéristiques de produits ou de services concernés est, de ce fait, nécessairement dépourvu de caractère distinctif intrinsèque au regard de ces mêmes produits ou services [voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 46, et du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, EU:T:2007:179, point 47].

123    Enfin, selon la jurisprudence, pour ne pas enfreindre l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un certain caractère distinctif intrinsèque doit être reconnu à une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement dans un État membre lorsque cette marque est invoquée à l’appui d’une opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne. Cette obligation, qui s’impose aux instances de l’EUIPO et au Tribunal, notamment lorsque ce dernier intervient à la suite d’un recours dans le cadre d’une procédure d’opposition, découle de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2015, L 336, p. 1), aux termes duquel les marques ne peuvent être enregistrées, au niveau national, que si elles présentent un caractère distinctif intrinsèque [voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, Local-e-motion/EUIPO – Volkswagen (WE), T‑568/18, non publié, EU:T:2019:783, point 34]. Dès lors, il ne peut être considéré, dans le cadre du recours devant le Tribunal, que la marque antérieure, sur laquelle la procédure d’opposition était fondée, présente un caractère descriptif ou qu’elle est dépourvue de tout caractère distinctif intrinsèque. En effet, une telle appréciation porterait atteinte à la coexistence des marques de l’Union européenne et nationales et à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, interprété conjointement avec le paragraphe 2, sous a), ii), de ce même article (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, WE, T‑568/18, non publié, EU:T:2019:783, points 33 à 36 et jurisprudence citée).

124    En l’espèce, la requérante ne peut valablement soutenir, au regard de la jurisprudence citée au point 123 ci-dessus et du fait que la marque espagnole verbale antérieure avait été et restait valablement enregistrée, en Espagne, pour les vins compris dans la classe 33, que, dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait dû dénier toute protection à ladite marque au motif que le terme « infinite » était descriptif et non distinctif par rapport à ces mêmes produits.

125    À titre subsidiaire, la requérante soutient, en substance, que, si un certain degré de caractère distinctif intrinsèque devait être reconnu à la marque espagnole verbale antérieure, celui-ci ne pourrait être que faible, au regard de la pratique antérieure de l’EUIPO, ce qui aurait une incidence sur l’appréciation, en l’espèce, du risque de confusion.

126    À cet égard et tout d’abord, pour autant que la requérante se réfère à six décisions dans lesquelles l’EUIPO a constaté le caractère descriptif ou laudatif et non distinctif de signes contenant les mots « infinite », « infinity » ou « limitless », il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions que les chambres de recours sont conduites à prendre en vertu du règlement sur la marque de l’Union européenne, dans sa version applicable aux faits de la cause, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir ordonnance du 14 avril 2016, KS Sports/EUIPO, C‑480/15 P, non publiée, EU:C:2016:266, point 36 et jurisprudence citée).

127    En outre, si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, le respect du principe de légalité impose que l’examen de toute demande d’enregistrement soit strict et complet et ait lieu dans chaque cas concret, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépendant de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles de chaque cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73, 74 et 77, et ordonnance du 14 avril 2016, KS Sports/EUIPO, C‑480/15 P, non publiée, EU:C:2016:266, point 37 et jurisprudence citée). En particulier, il convient de tenir compte de ce que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect du principe de légalité selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui [voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 75 et 76, et du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 67].

128    Enfin, il a déjà été jugé que, dans la mesure où la chambre de recours avait suffisamment exposé les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de sa décision, elle n’était pas tenue d’adopter une motivation spécifique pour justifier cette dernière par rapport à des décisions antérieures de l’EUIPO que les parties avaient citées dans leurs écritures devant elle ou par rapport à la jurisprudence de l’Union [arrêt du 2 juillet 2015, BH Stores/OHMI – Alex Toys (ALEX), T‑657/13, EU:T:2015:449, point 43].

129    En l’espèce, il résulte d’une lecture combinée des points 59, 67 et 72 de la décision attaquée que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le degré de caractère distinctif intrinsèque de la marque espagnole verbale antérieure est moyen repose sur le constat que cette marque est associée au mot espagnol « infinito », nom ou adjectif qui sert à décrire ce qui n’a et ne peut avoir de fin ou de limites et qui renvoie au concept d’« infini », de sorte qu’elle n’aurait pas de signification particulière pour les vins.

130    Dès lors que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a, en substance, considéré que, pour le public pertinent, le concept d’« infini », véhiculé par la marque espagnole verbale antérieure, n’avait pas de signification particulière pour les vins compris dans la classe 33, pour lesquels cette marque avait été et restait valablement enregistrée, elle n’était pas tenue, au vu de la jurisprudence rappelée au point 128 ci-dessus, d’adopter une motivation spécifique pour justifier ladite appréciation au regard des autres décisions de l’EUIPO citées par la requérante.

131    En tout état de cause, les données factuelles qui sont à l’origine des décisions de l’EUIPO citées par la requérante ne sont pas comparables à celles qui sont sous-jacentes à la décision attaquée. D’une part, ces décisions portent sur des signes verbaux différents, tels « infinity » ou « limitless », ou sur des signes dans lesquels le mot « infinite » est directement associé au nom des produits ou des services concernés, tels « infinite video » ou « infinite socks », ou à l’une de leurs caractéristiques essentielles, tels « infinite shine », pour des produits de soins pour les ongles, ou « infinite bright », pour des préparations pour la peau et des produits de toilette non médicaux. D’autre part, toutes ces décisions portaient sur des produits ou des services, tels des produits ou services informatiques et vidéo, des chaussettes ou des bas de contention, des produits de soins pour les ongles, du matériel d’arrosage, des préparations pour la peau ou des produits de toilette non médicaux ainsi que des produits ou des services informatiques, électroniques et Internet, qui étaient sans rapport avec les vins et sur la partie anglophone du grand public de l’Union.

132    La requérante conteste également, en substance, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le concept d’infini, véhiculé par la marque espagnole verbale antérieure, ne présente pas, avec les vins compris dans la classe 33, un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de leurs caractéristiques essentielles, au motif que ledit concept pourrait être utilisé pour décrire certaines qualités des vins, tels un potentiel de vieillissement et de garde illimité ou une infinie longueur en finale. En outre, elle soutient que ce concept véhiculerait un message laudatif, telle l’idée que les vins concernés seraient fournis « sans limites (sur demande) » ou qu’ils pourraient être « demandés ou obtenus sans aucune limite ».

133    En l’espèce, il importe de relever que, lorsqu’il est employé dans un contexte commercial, le concept d’infini a tendance à être perçu, par le public pertinent, moins comme une description de ce qui n’a et ne peut avoir de fin ou de limites que comme une référence, informelle ou hyperbolique, à ce qui est très durable ou multiple. Toutefois, même dans une telle acception, ledit concept pourrait revêtir différentes significations en rapport avec des vins. En effet, il pourrait être compris, comme le soutient la requérante, comme une indication de ce que les vins peuvent vieillir et être gardés très longtemps ou de ce que leur longueur en finale est exceptionnelle. Il pourrait également être compris de nombreuses autres façons, par exemple comme une référence au fait que les vins concernés pourraient être la source de sensations, d’envies et de plaisirs divers ou durables.

134    Le lien existant ainsi entre le concept d’infini et les vins est trop vague, indéterminé et subjectif pour conférer à ce concept un caractère descriptif par rapport à ces produits.

135    Par ailleurs, pour autant que le concept d’infini pourrait être perçu comme étant de nature à conférer une image positive aux vins qu’il désigne, par exemple en suscitant, dans l’esprit du public pertinent, l’idée que ces vins peuvent être la source de sensations, d’envies et de plaisirs divers ou durables, cette idée relèverait de l’évocation ou de la suggestion, indirecte et abstraite, d’une image à but promotionnel, plutôt que de la fourniture d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire décrivant, fût-ce de manière imprécise, une qualité ou une caractéristique essentielle des vins ainsi désignés.

136    Pour ces motifs, c’est à bon droit que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la marque espagnole verbale antérieure n’était pas descriptive ou laudative et que, partant, elle n’était pas dépourvue de tout caractère distinctif, mais avait un degré de caractère distinctif intrinsèque moyen.

137    Enfin, pour autant que la requérante prétend s’appuyer sur le fait que plusieurs marques contenant l’élément « infini », telle la marque de l’Union européenne INFINITUS, auraient été enregistrées pour des produits des classes 32 et 33 et coexisteraient paisiblement sur le marché pour démontrer le faible degré de caractère distinctif intrinsèque de la marque espagnole verbale antérieure, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, d’une part, le facteur pertinent aux fins de contester le caractère distinctif d’un élément consiste dans sa présence effective sur le marché et non dans des registres ou des bases de données [voir arrêt du 25 mai 2016, Ice Mountain Ibiza/EUIPO – Marbella Atlantic Ocean Club (ocean beach club ibiza), T‑5/15, non publié, EU:T:2016:311, point 35 et jurisprudence citée]. D’autre part, l’existence d’une coexistence entre des marques antérieures ne peut être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’EUIPO, le demandeur de la marque de l’Union européenne a dûment démontré que ladite coexistence repose sur l’absence d’un risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre les marques antérieures dont il se prévaut et la marque antérieure qui fonde l’opposition et sous réserve que les marques antérieures en cause et les marques en conflit soient identiques (voir arrêt du 25 mai 2016, ocean beach club ibiza, T‑5/15, non publié, EU:T:2016:311, point 36 et jurisprudence citée).

138    En l’espèce, au cours de la procédure devant l’EUIPO, la requérante n’a pas fourni d’éléments de preuve qui auraient permis à ce dernier d’établir l’usage effectif des marques antérieures dont elle se prévalait, ni leur connaissance avérée par le public pertinent, ni leur coexistence paisible sur le marché fondée sur l’absence de risque de confusion.

139    Dans ces conditions, c’est à bon droit que, au point 79 de la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté l’argument de la requérante tiré de la prétendue coexistence paisible de plusieurs marques contenant l’élément « infini ».

140    L’examen du premier moyen et des griefs avancés, dans le cadre de celui-ci, à l’encontre des facteurs pris en compte par la chambre de recours pour conclure, au terme d’une appréciation globale, à l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, n’ayant pas permis de relever d’erreur entachant la décision attaquée à l’égard des produits contestés autres que la « bière et [les] produits de brasserie », relevant de la classe 32, il n’y a pas lieu, dans le cadre du présent recours, de remettre en cause ladite appréciation en ce qui concerne ces produits.

141    Aux fins de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion par rapport à la « bière et [les] produits de brasserie », relevant de la classe 32, visés par la marque demandée, il convient de mettre en balance le faible degré de similitude de ces produits et les « vins », compris dans la classe 33, couverts par la marque espagnole verbale antérieure, le niveau d’attention moyen du public pertinent, le degré moyen de caractère distinctif intrinsèque de la marque espagnole verbale antérieure, la similitude des signes en cause, d’un faible degré sur le plan visuel, d’un degré supérieur à la moyenne sur le plan phonétique et d’un degré élevé sur le plan conceptuel, ainsi que l’importance relative supérieure de la similitude sur le plan phonétique s’agissant de la bière et des produits de brasserie et des vins, étant rappelé que, dans le secteur des boissons alcooliques en général, les consommateurs sont habitués à désigner et à reconnaître ces boissons en fonction de l’élément verbal qui sert à les identifier, en particulier dans les bars, discothèques, boîtes de nuit ou restaurants, dans lesquels ces boissons sont commandées oralement après que leur nom a été vu sur le menu ou la carte des vins [voir arrêt du 20 avril 2018, Mitrakos/EUIPO – Belasco Baquedano (YAMAS), T‑15/17, non publié, EU:T:2018:198, points 61 et 62 et jurisprudence citée].

142    Au terme d’une appréciation globale de tous les facteurs cités au point 141 ci-dessus, il y a lieu de constater que, même pour la « bière et [les] produits de brasserie », relevant de la classe 32, visés par la marque demandée faiblement similaires aux « vins », compris dans la classe 33, couverts par la marque espagnole verbale antérieure, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, dans la décision attaquée, à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En effet, eu égard, d’une part, au souvenir imparfait que ledit public est amené à conserver des marques en conflit après l’opération d’achat effectuée et, d’autre part, à l’interdépendance de tous les facteurs en cause, il existe un tel risque dans la mesure où ce public, qui pourra faire preuve d’un niveau d’attention moyen, pourrait être amené à croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

143    Ainsi, malgré l’erreur relevé au point 103 ci-dessus, il n’y a pas lieu d’annuler la décision attaquée pour violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

144    Pour l’ensemble des motifs qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen et, l’ensemble des moyens invoqués à l’appui du présent recours se trouvant ainsi rejetés, de rejeter ledit recours.

 Sur les dépens

145    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

146    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO, l’autre partie n’étant, quant à elle, pas partie à la présente procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Osório & Gonçalves, SA, est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 septembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.