Language of document : ECLI:EU:T:2023:654

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

18 octobre 2023 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Personnel de l’EUIPO – Rémunération – Allocations familiales – Versement des allocations à une tierce personne pour le compte et au nom du fonctionnaire – Décision de ne plus verser certaines allocations à une tierce personne pour le compte et au nom du fonctionnaire »

Dans l’affaire T‑606/22,

RN, représenté par Mme S. Moya Felix, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Lukošiūtė, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh (rapporteur) et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. V. Di Bucci, greffier,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, RN, demande l’annulation de la décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 4 juillet 2022, en ce qu’elle a rejeté, d’une part, la demande de versement de l’allocation scolaire pour le mois de septembre 2021 et pour la période allant du 1er au 7 octobre 2021 et, d’autre part, la reconnaissance du droit du requérant à percevoir, à compter du 8 octobre 2021, la moitié du tiers de l’allocation de foyer, la moitié de l’allocation pour enfant à charge et la moitié de l’allocation scolaire (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Le requérant et A, fonctionnaire de l’EUIPO, sont les parents de B, lequel est né le [confidentiel] (1).

3        Par jugement du 27 octobre 2020, le Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile, Italie) a constaté que B résidait exclusivement chez son père. Dans ces conditions, ce tribunal a jugé que A était tenue de payer au requérant une pension alimentaire pour B. 

4        Le 14 décembre 2020, l’EUIPO a informé le requérant que, en exécution du jugement du 27 octobre 2020 et conformément aux articles 1er à 3 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), il lui verserait, rétroactivement à compter du 1er septembre 2020, les montants correspondant aux allocations familiales auxquelles A avait droit pour B, à savoir un tiers de l’allocation de foyer, l’allocation pour enfant à charge et l’allocation scolaire. Ces allocations familiales ont été versées au requérant à partir de février 2021.

5        Le 30 août 2021, A a averti l’EUIPO que B ne désirait plus résider chez le requérant, qu’il s’était inscrit à une école à [confidentiel] (Espagne) et, enfin, qu’elle allait elle-même payer les frais de scolarité. A a également demandé à l’EUIPO que les allocations familiales lui soient de nouveau versées.

6        Les 14, 15, 22 et 27 septembre 2021 ainsi que le 5 octobre 2021, le requérant a envoyé plusieurs courriers électroniques à l’EUIPO indiquant qu’il n’avait pas encore perçu les allocations familiales pour les mois de juillet et d’août 2021.

7        Le 16 novembre 2021, A a indiqué à l’EUIPO que B résidait chez elle. Elle a produit plusieurs preuves, notamment le paiement des frais de scolarité pour l’année académique 2021/2022. En conséquence, elle a demandé que les allocations familiales lui soient de nouveau versées.

8        Le 28 novembre 2021, le Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) a jugé que l’obligation de A de verser au requérant une pension alimentaire pour B avait cessé à compter du 8 octobre 2021. Il a également ordonné à A et au requérant de subvenir directement à l’entretien ordinaire de B pendant la période où ce dernier se trouvait avec chacun d’eux, sans préjudice de l’obligation de contribuer à parts égales au paiement des dépenses supplémentaires.

9        Le 2 décembre 2021, l’EUIPO a reçu une copie du jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile).

10      Le 16 décembre 2021, le requérant a demandé à l’EUIPO de lui confirmer que les allocations familiales lui seraient versées au cours de ce même mois.

11      Le 20 décembre 2021, l’EUIPO a répondu au requérant que, conformément au jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile), les allocations familiales devaient être versées à A à compter du début de l’année académique en cours.

12      Le 21 décembre 2021, le requérant a contesté cette position de l’EUIPO. Selon lui, les allocations familiales devaient lui être intégralement versées pour les mois de juillet, août et septembre 2021, étant donné que, selon le jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile), la modification des obligations alimentaires du requérant et de A n’était effective qu’à compter du 8 octobre 2021. Le requérant a également indiqué que, selon ce même jugement, les allocations familiales devaient, à compter du 8 octobre 2021, lui être versées pour moitié et pour l’autre moitié à A. 

13      Le 25 janvier 2022, tout d’abord, l’EUIPO a répondu au requérant que, conformément au cadre légal applicable, lorsque la résidence habituelle de l’enfant change après avoir atteint l’âge de la majorité, le membre du personnel peut demander que l’allocation lui soit de nouveau versée. Dans un tel cas, l’administration verse les allocations familiales au membre du personnel après en avoir informé le tiers intéressé. Ensuite, l’EUIPO a précisé que A avait demandé que les allocations litigieuses lui soient versées et qu’il avait fait droit à cette demande dès lors que B était majeur et que, eu égard aux éléments transmis par A, il était établi qu’il résidait chez elle depuis le mois d’août 2021. L’EUIPO a également rappelé que, le 20 décembre 2021, il avait informé le requérant de ces nouvelles modalités de versement des allocations familiales. Enfin, l’EUIPO a indiqué que tout désaccord entre le requérant et A, en ce qui concerne notamment leurs obligations financières, devait être réglé entre eux et qu’il ne pouvait pas intervenir à cet égard.

14      Le même jour, le requérant a demandé à l’EUIPO qu’il adopte une décision formelle qui puisse être contestée devant la Cour de justice de l’Union européenne. Il a également indiqué que l’EUIPO donnait plus de crédit aux déclarations de A qu’au jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile). En effet, selon le requérant, A affirmerait que B résidait chez elle depuis le mois d’août 2021, alors que le Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) aurait jugé, dans ce jugement du 28 novembre 2021, qu’il résidait exclusivement chez le requérant jusqu’au 8 octobre 2021 puis, à compter de cette date, la moitié du temps chez chacun de ses parents.

15      Le 21 février 2022, l’EUIPO a confirmé sa décision adressée au requérant le 25 janvier 2022, à savoir que les allocations familiales, dues à compter de septembre 2021, seraient versées à A. En revanche, le requérant percevrait les allocations familiales pour les mois de juillet et août 2021. L’EUIPO a également indiqué que la décision du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) fixait les obligations financières qui incombaient au requérant et à A, mais qu’elle n’était pas déterminante au regard du droit de l’Union européenne applicable aux enfants de plus de 18 ans. Enfin, l’EUIPO a indiqué que, à ce jour, aucune décision ne faisait grief au requérant. En revanche, le relevé des allocations familiales qu’il allait recevoir en avril 2022 constituerait une décision formelle susceptible de faire l’objet d’une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

16      Le 5 mars 2022, le requérant a introduit une réclamation en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Par sa première demande, le requérant soutenait que « l’intégralité des allocations pour enfants » (« [t]he full kids allowances ») devait lui être versée pour la période allant de juillet 2021 au 7 octobre 2021. Par sa seconde demande, le requérant soutenait que « la moitié des allocations pour l’éducation et pour les enfants » (« [h]alf of the education and kids allowances ») devait lui être versée à compter du 8 octobre 2021.

17      En avril 2022, l’EUIPO a transmis au requérant le relevé des allocations familiales no 04/2022, lequel constituait, selon cet office, la décision formelle susceptible de faire l’objet d’une réclamation.

18      Dans la décision attaquée, le directeur exécutif de l’EUIPO, agissant en tant qu’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), a relevé, en ce qui concerne la première demande, que le requérant avait déjà perçu l’allocation scolaire pour la totalité de l’année académique 2020/2021 ainsi que l’allocation pour enfant à charge et un tiers de l’allocation de foyer pour les mois de juillet et d’août 2021. Ce faisant, l’AIPN a considéré que l’objet de la première demande concernait exclusivement le paiement de ces deux dernières allocations uniquement pour le mois de septembre 2021 ainsi que pour la période allant du 1er au 7 octobre 2021. L’AIPN a accueilli cette première demande comme étant fondée. La seconde demande a en revanche été rejetée comme étant non fondée.

II.    Conclusions des parties

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en ce qu’elle a rejeté, d’une part, la demande de versement de l’allocation scolaire pour le mois de septembre 2021 et pour la période allant du 1er au 7 octobre 2021, et, d’autre part, la reconnaissance du droit du requérant à percevoir la moitié du tiers de l’allocation de foyer, la moitié de l’allocation pour enfant à charge et la moitié de l’allocation scolaire à compter du 8 octobre 2021 ;

–        reconnaître, en conséquence, le droit du requérant à percevoir l’allocation scolaire pour le mois de septembre 2021 et pour la période allant du 1er au 7 octobre 2021, ainsi que la moitié du tiers de l’allocation de foyer, la moitié de l’allocation pour enfant à charge et la moitié de l’allocation scolaire à compter du 8 octobre 2021 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

20      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur le premier chef de conclusions

1.      Sur lobjet du premier chef de conclusions

21      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation sont, en principe, dépourvues de contenu autonome et ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 25 octobre 2018, KF/CSUE, T‑286/15, EU:T:2018:718, point 115 et jurisprudence citée).

22      Néanmoins, une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de l’intéressé, en fonction d’éléments de droit et de faits nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 71 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, l’EUIPO a indiqué, dans ses courriers électroniques des 20 décembre 2021, 25 janvier 2022 et 21 février 2022, que l’intégralité des allocations familiales serait versée rétroactivement à A à compter du mois de septembre 2021. En revanche, dans la décision attaquée, l’AIPN a accueilli la première demande du requérant en considérant qu’il avait droit au tiers de l’allocation de foyer et à l’allocation pour enfant à charge pour le mois de septembre 2021 ainsi que pour la période allant du 1er au 7 octobre 2021. Ce faisant, la décision attaquée procède d’un réexamen de la situation du requérant et ne constitue pas un acte confirmatif de la position initialement exprimée par l’EUIPO, telle que matérialisée par le relevé des allocations familiales no 04/2022.

24      Il s’ensuit que la décision attaquée constitue l’acte faisant grief, soumis à l’examen du Tribunal dans le cadre du présent recours, dès lors que cette décision s’est substituée aux prises de position initiales de l’EUIPO.

2.      Sur le fond

25      À l’appui du premier chef de conclusions, le requérant soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 67 du statut, lu en combinaison avec l’article 63 de ce même statut. Le second moyen est tiré de la violation des articles 1er à 3 de l’annexe VII du statut.

a)      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 67 du statut, lu en combinaison avec larticle 63 du statut

26      Par son premier moyen, le requérant soutient que c’est à tort que l’AIPN a considéré qu’il avait déjà perçu l’intégralité de l’allocation scolaire pour l’année académique 2020/2021. Partant, le requérant devrait percevoir l’allocation scolaire pour le mois de septembre 2021 et pour la période allant du 1er au 7 octobre 2021. Par ailleurs, le requérant soutient que l’AIPN n’a pas respecté le jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) dans la mesure où l’AIPN a considéré que, à compter du 8 octobre 2021, l’intégralité des allocations familiales devait être versée à A, et non pour moitié au requérant.

27      L’EUIPO conteste cette argumentation.

28      À cet égard, l’article 63 du statut prévoit notamment que la rémunération des fonctionnaires est exprimée en euros.

29      L’article 67 dispose que :

« 1. Les allocations familiales comprennent :

a) l’allocation de foyer ;

b) l’allocation pour enfant à charge ;

c) l’allocation scolaire.

[…]

4. Au cas où, en vertu des articles 1er, 2 et 3 de l’annexe VII, les allocations familiales précitées sont versées à une personne autre que le fonctionnaire, ces allocations sont payées dans la monnaie du pays de résidence de cette personne, le cas échéant sur la base des parités visées à l’article 63, deuxième alinéa […] »

30      Le Tribunal relève que le requérant n’a avancé aucun argument démontrant en quoi l’AIPN aurait méconnu l’article 67 du statut, lu en combinaison avec l’article 63 du statut. En particulier, le requérant ne soutient pas dans ses écritures que, contrairement à ce que prévoit l’article 67, paragraphe 4, du statut, l’EUIPO aurait payé ou entendu payer l’allocation scolaire dans une monnaie autre que l’euro.

31      Tout au plus, par son argumentation, le requérant reproche à l’AIPN d’avoir erronément considéré qu’il avait déjà bénéficié de l’allocation scolaire pour la totalité de l’année académique 2020/2021.

32      À supposer que, malgré son intitulé, le premier moyen doive ainsi être compris comme reprochant une erreur manifeste d’appréciation de la part de l’AIPN, il appartient alors au requérant d’apporter des éléments de preuve privant de plausibilité les appréciations retenues par l’administration [voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2019, Fleig/SEAE, T‑492/17, EU:T:2019:211, point 55 (non publié) et jurisprudence citée].

33      Toutefois, le requérant n’a avancé aucun argument concret ni soumis aucune preuve démontrant que l’AIPN aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’il avait déjà reçu l’allocation scolaire pour la totalité de l’année académique 2020/2021. En particulier, le requérant n’a pas démontré que, comme il le soutient, l’AIPN aurait omis de prendre en compte le fait que les mois de juillet et d’août 2021 étaient inclus dans l’année académique 2020/2021. En tout état de cause, une prétendue absence de versement de l’allocation scolaire pour les mois de juillet et d’août 2021 échappe à l’objet du premier chef de conclusions (voir point 19 ci-dessus), tel qu’il est circonscrit aux points 54 et 55 de la requête.

34      Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme le requérant, l’AIPN n’a pas omis de prendre en compte le fait que B était toujours étudiant. Au contraire, l’AIPN a expressément relevé qu’il était prouvé que B recevait une formation scolaire ou professionnelle (« it was proven that he receives educational/vocational training ») et que A payait ses frais de scolarité (« the proof […] that the school fees of your son are paid by her »).

35      Enfin, dans la mesure où le requérant reproche également à l’AIPN d’avoir méconnu le jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile), en ce qu’il ne lui a pas accordé le versement de la moitié des allocations familiales à compter du 8 octobre 2021, il y a lieu de constater que cet argument se confond avec l’argumentation développée dans le cadre du second moyen. Il est, dès lors, renvoyé aux points 48 à 51 ci-après.

36      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

b)      Sur le second moyen, tiré de la violation des articles 1er à 3 de lannexe VII du statut

37      Par son second moyen, le requérant soutient, en substance, que l’AIPN a méconnu le jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile), en ce qu’elle ne lui a pas accordé le versement de la moitié des allocations familiales dues à compter du 8 octobre 2021. Ce faisant, l’AIPN aurait favorisé, de manière arbitraire, A au détriment du requérant.

38      L’EUIPO conteste cette argumentation.

39      À cet égard, il est constant que B est une personne majeure de moins de 26 ans et qu’il était scolarisé durant l’année académique 2021/2022. Par conséquent, et comme l’a déjà relevé l’AIPN, B remplit les conditions pour être qualifié d’enfant majeur à charge au sens de l’article 2, paragraphe 3, sous b), de l’annexe VII du statut.

40      Il convient donc de vérifier si le requérant était en droit de percevoir, à compter du 8 octobre 2021, la moitié du tiers de l’allocation de foyer, la moitié de l’allocation pour enfant à charge et la moitié de l’allocation scolaire.

1)      Sur l’allocation de foyer

41      L’article 1er, paragraphe 2, sous b), de l’annexe VII du statut prévoit notamment que le fonctionnaire divorcé ou légalement séparé et qui a un ou plusieurs enfants majeurs à charge a droit à l’allocation de foyer.

42      Par dérogation, l’article 1er, paragraphe 5, premier alinéa, dernière phrase, de l’annexe VII du statut dispose que l’allocation de foyer est versée, pour le compte et au nom du fonctionnaire, à l’autre parent si les enfants majeurs à charge résident habituellement auprès de ce dernier.

43      En l’espèce, l’AIPN a conclu que B ne résidait pas habituellement auprès du requérant. Pour arriver à cette conclusion, l’AIPN s’est fondée sur une déclaration de B selon laquelle ce dernier résiderait exclusivement chez A depuis le mois d’août 2021. L’AIPN s’est également appuyée sur les déclarations de A indiquant que B avait sa résidence habituelle chez elle. Enfin, l’AIPN a tenu compte des preuves présentées par A établissant notamment qu’elle avait payé les frais de scolarité de B.

44      L’AIPN s’est également référée au jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile). Toutefois, elle a estimé que, contrairement à ce qu’affirme le requérant, ce jugement ne précisait pas que B résidait exactement la moitié du temps avec le requérant ni même principalement avec lui. Selon l’AIPN, le jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) se bornerait à indiquer que B se déplace entre les domiciles de ses parents, passant parfois plus de temps chez l’un et parfois plus de temps chez l’autre.

45      Le Tribunal relève que le requérant n’a soumis aucune preuve, que ce soit dans la réclamation ou dans le cadre du présent recours, attestant que B résidait habituellement chez lui à compter du 8 octobre 2021.

46      Tout au plus, le requérant affirme qu’une telle preuve ressortirait du jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile).

47      Toutefois, les modalités de versement des allocations familiales à une personne autre que le fonctionnaire sont régies par le statut, qui a une portée générale, est obligatoire dans tous ses éléments et est directement applicable dans tous les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2008, Gysen, C‑449/06, EU:C:2008:90, points 23 à 25). Il en découle que le jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) ne saurait être déterminant aux fins d’apprécier le bien-fondé du présent recours, l’administration ne pouvant procéder à un paiement en dehors des conditions prévues expressément par le statut. C’est donc au regard des conditions prévues aux articles 1er à 3 de l’annexe VII du statut qu’il convient de contrôler la légalité de la décision attaquée.

48      En tout état de cause, l’argumentation du requérant procède d’une lecture erronée du jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile). En effet, dans ce jugement, le Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) a simplement constaté « qu’actuellement [B] se déplace entre les domiciles de ses parents à [confidentiel] [(Espagne)], passant plus de temps tantôt chez l’un tantôt chez l’autre ».

49      Ainsi, contrairement à ce qu’affirme le requérant, il ne peut pas être déduit de ce seul membre de phrase, pour le moins vague, que B résiderait la moitié du temps chez lui depuis le 8 octobre 2021.

50      Plus encore, la circonstance, mise en évidence par le Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile), selon laquelle B vivrait par intermittence chez le requérant tend plutôt à confirmer qu’il n’y réside pas « habituellement », comme le requiert pourtant l’article 1er, paragraphe 5, premier alinéa, dernière phrase, de l’annexe VII du statut.

51      L’AIPN n’a donc pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que le Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) n’avait pas jugé que B résidait exactement la moitié du temps chez le requérant. C’est également à juste titre que l’AIPN a souligné que, à la différence du jugement du 27 octobre 2020, le jugement du 28 novembre 2021 n’avait pas constaté que B résidait exclusivement ou principalement chez le requérant.

52      Enfin, le Tribunal ne saurait tenir compte ni du jugement du 3 novembre 2022 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) (annexe B.9) ni de la déclaration écrite de B datée du 29 septembre 2022 (annexe B.10). En effet, ces documents sont postérieurs à l’adoption de la décision attaquée. De plus, ces documents ne contiennent aucun élément qui aurait été connu de l’AIPN et qu’elle n’aurait pas pris en compte avant l’adoption de cette décision. Or, selon une jurisprudence constante, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (voir arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 148 et jurisprudence citée).

53      Compte tenu, notamment, des déclarations de B et de A ainsi que des preuves soumises par cette dernière lors de la procédure administrative (voir point 43 ci-dessus), et du fait que le requérant n’a fourni aucune preuve contraire (voir point 45 ci-dessus), l’AIPN a pu, à juste titre, considérer que B n’avait plus sa résidence habituelle auprès du requérant depuis le 8 octobre 2021.

54      Partant, l’AIPN n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que le requérant ne pouvait plus percevoir l’allocation de foyer à compter du 8 octobre 2021.

2)      Sur l’allocation pour enfant à charge et sur l’allocation scolaire

55      Aux termes de l’article 2, paragraphe 7, de l’annexe VII du statut « [l]orsque l’enfant à charge, au sens des paragraphes 2 et 3, est confié, en vertu de dispositions légales ou par décision de justice ou de l’autorité administrative compétente, à la garde d’une autre personne, l’allocation est versée à celle-ci pour le compte et au nom du fonctionnaire ». 

56      Par ailleurs, l’article 3, paragraphe 1, cinquième alinéa, de l’annexe VII du statut dispose que « [l]orsque l’enfant ouvrant droit à l’allocation scolaire est confié, en vertu de dispositions légales ou par décision de justice ou de l’autorité administrative compétente, à la garde d’une autre personne, l’allocation scolaire est versée à celle-ci pour le compte et au nom du fonctionnaire ».

57      En l’espèce, le requérant soutient que la circonstance selon laquelle son fils réside la moitié du temps chez lui doit être interprétée « comme une garde partagée ».

58      À cet égard, outre le fait que le jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) ne permet pas d’établir que B résiderait la moitié du temps chez le requérant depuis le 8 octobre 2021 (voir point 49 ci-dessus), le Tribunal constate que ce dernier n’a pas soutenu, ni a fortiori prouvé, que la garde de son fils lui avait été confiée en vertu de dispositions légales ou par décision de justice ou de l’autorité administrative compétente. Par ailleurs, le jugement du 28 novembre 2021 du Tribunale di Roma, prima sezione civile (tribunal de Rome, première chambre civile) ne saurait être interprété comme confiant la garde de B au requérant.

59      Partant, le requérant ne saurait percevoir l’allocation pour enfant à charge et l’allocation scolaire.

3)      Sur le caractère arbitraire de la décision attaquée

60      Le requérant soutient que l’AIPN aurait partiellement rejeté la réclamation pour des raisons arbitraires afin de favoriser A. 

61      Bien que cette argumentation soit sans lien avec une quelconque violation des articles 1er à 3 de l’annexe VII du statut et à supposer que la requête doive être interprétée comme reprochant un détournement de pouvoir visant à favoriser A au détriment du requérant, il suffit de constater que ce dernier n’a apporté aucun élément qui attesterait que l’AIPN aurait exercé ses pouvoirs dans un autre but que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Or, selon la jurisprudence, un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, point 31 et jurisprudence citée, et du 14 décembre 2022, TM/BCE, T‑440/21, non publié, EU:T:2022:800, points 82 à 84 et jurisprudence citée).

62      En tout état de cause, aucun élément du dossier n’atteste que l’EUIPO ou, à sa suite, l’AIPN aurait cherché à favoriser A au détriment du requérant. Au contraire, comme cela a été constaté aux points 39 à 59 ci-dessus, l’AIPN a correctement appliqué les articles 1er à 3 de l’annexe VII du statut.

63      Par conséquent, le second moyen doit être rejeté et, partant, le premier chef de conclusions dans son intégralité.

B.      Sur le deuxième chef de conclusions

64      Par le deuxième chef de conclusions, le requérant demande au Tribunal de reconnaître son droit à recevoir l’allocation scolaire pour le mois de septembre 2021 et pour la période allant du 1er au 7 octobre 2021, ainsi que la moitié du tiers de l’allocation de foyer, la moitié de l’allocation pour enfant à charge et la moitié de l’allocation scolaire à compter du 8 octobre 2021.

65      À supposer que le deuxième chef de conclusions soit distinct du premier chef de conclusions et que son objet vise uniquement à faire « reconnaître » certains droits au bénéfice du requérant, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le Tribunal n’est pas compétent pour prononcer des arrêts déclaratoires dans le cadre de recours formés au titre des articles 263 ou 270 TFUE et, s’agissant du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut, il n’est pas davantage compétent pour adresser des injonctions à l’administration (voir arrêts du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 63 et jurisprudence citée, et du 29 novembre 2018, WL/ERCEA, T‑493/17, non publié, EU:T:2018:852, point 25 et jurisprudence citée).

66      Le deuxième chef de conclusions doit donc être rejeté en raison de l’incompétence du Tribunal pour en connaître.

67      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours est rejeté dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de l’EUIPO, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      RN supportera ses propres dépens ainsi que ceux de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Svenningsen

Mac Eochaidh

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.