Language of document : ECLI:EU:T:2022:310

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

1er juin 2022 (*) 

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative SUPERIOR MANUFACTURING – Usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑316/21,

Worldwide Machinery Ltd, établie à Channelview, Texas (États-Unis), représentée par Me B. Woltering, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. T. Frydendahl et D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Scaip SpA, établie à Parme (Italie), représentée par Mes B. Saguatti et A. Guareschi, avocates,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 25 mars 2021 (affaire R 873/2020-5), relative à une procédure de déchéance entre Worldwide Machinery et Scaip,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. G. De Baere, président, V. Kreuschitz et Mme G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juin 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 4 août 2021,

vu la demande de suspension de la procédure déposée au greffe du Tribunal par l’EUIPO le 2 août 2021,

vu les observations de l’intervenante et de la requérante sur cette demande de suspension déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 18 août et le 2 septembre 2021,

vu la décision du 10 septembre 2021 rejetant la demande de suspension de la procédure introduite par l’EUIPO,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 novembre 2012, Scaip Srl, le prédécesseur en droit de l’intervenante, Scaip SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Véhicules ; appareils de locomotion par voie terrestre, machines automotrices pour la réalisation d’oléoducs, conduites de gaz et d’eau, véhicules terrestres y compris machines automotrices pour la pose de tubes, kits pour la conversion de véhicules terrestres à chenilles en véhicules terrestres, y compris machines automotrices pour la pose de tubes, cribleurs, bennes cribleuses, véhicules automoteurs avec cribleur et benne cribleuse, véhicules à chenilles avec plateau, véhicules terrestres à chenilles avec appareils de levage à ventouses, ventouses pour élévateurs, coupleurs, chanfreineuses, mandrins hydrauliques, machines automotrices pour plier des tubes ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2013/015, du 22 janvier 2013, et la marque a été enregistrée le 1er mai 2013.

5        Le 19 octobre 2018, la requérante, Worldwide Machinery Ltd, a déposé une demande en déchéance de la marque contestée, sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans pour l’ensemble des produits pour lesquels elle avait été enregistrée.

6        Par décision du 12 mars 2020, la division d’annulation de l’EUIPO a partiellement accueilli la demande en déchéance. Elle a prononcé la déchéance de la marque en cause pour les produits visés au point 3 ci-dessus, à l’exception des « machines automotrices pour la réalisation d’oléoducs, conduites de gaz et d’eau, véhicules terrestres, à savoir machines automotrices pour la pose de tubes, kits pour la conversion de véhicules terrestres à chenilles en véhicules terrestres, y compris machines automotrices pour la pose de tubes, bennes cribleuses, ventouses pour élévateurs, mandrins hydrauliques, machines automotrices pour plier des tubes », pour lesquels elle a maintenu la validité de l’enregistrement de la marque contestée.

7        Le 11 mai 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation en ce que la déchéance de la marque contestée n’avait pas été prononcée pour les produits visés au point 6 ci-dessus.

8        Par décision du 25 mars 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et a considéré, en substance, à l’instar de la division d’annulation, que les éléments de preuve produits par l’intervenante suffisaient à prouver l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits mentionnés au point 6 ci-dessus.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité ainsi que la décision de la division d’annulation dans la mesure où la demande en déchéance de la marque contestée a été rejetée ;

–        prononcer la déchéance de la marque contestée en ce qui concerne les « machines automotrices pour la réalisation d’oléoducs, conduites de gaz et d’eau, véhicules terrestres, à savoir machines automotrices pour la pose de tubes, kits pour la conversion de véhicules terrestres à chenilles en véhicules terrestres, y compris machines automotrices pour la pose de tubes, bennes cribleuses, ventouses pour élévateurs, mandrins hydrauliques, machines automotrices pour plier des tubes » ;

–        ordonner le remboursement des dépens exposés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal.

10       L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        confirmer la décision de la division d’annulation et, partant, rejeter la demande en déchéance de la marque contestée en ce qui concerne les produits relevant de la classe 12 restants ;

–        condamner la requérante aux dépens qu’elle a exposés à toutes les phases de la procédure.

 En droit

12      À l’appui du recours, la requérante soulève en substance un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001. Ce moyen unique est divisé en trois branches, tirées de ce que, premièrement, l’usage de la marque contestée dans un seul État membre ne suffit pas pour conclure à un usage sérieux dans l’Union européenne, deuxièmement, les éléments de preuve produits par l’intervenante ne permettent pas de conclure à l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée et, troisièmement, une restriction territoriale contractuelle ne peut constituer un juste motif pour le non-usage de la marque contestée dans tous les États membres à l’exception de l’Italie.

13      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de juste motif pour le non-usage.

14      En l’espèce, tant la division d’annulation que la chambre de recours ont considéré la période comprise entre le 19 octobre 2013 et le 18 octobre 2018 comme étant la période de cinq ans pour laquelle il incombait à la requérante de démontrer un usage sérieux de la marque contestée, ce que les parties ne contestent pas.

15      Dans l’interprétation de la notion d’« usage sérieux », il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale d’une entreprise, ni à contrôler sa stratégie économique, ni encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 11 avril 2019, Fomanu/EUIPO – Fujifilm Imaging Germany (Représentation d’un papillon), T‑323/18, non publié, EU:T:2019:243, point 23 et jurisprudence citée].

16      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lorsqu’elle est utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 38 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 4 avril 2019, Hesse et Wedl & Hofmann/EUIPO (TESTA ROSSA), T‑910/16 et T‑911/16, EU:T:2019:221, point 29 et jurisprudence citée].

17      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

18      Par ailleurs, afin de qualifier de sérieux l’usage d’une marque de l’Union européenne, il n’est pas exigé que cette dernière soit utilisée sur une partie substantielle du territoire de l’Union. La possibilité que la marque en question ait été utilisée sur le territoire d’un seul État membre ne doit pas être exclue, dans la mesure où il convient de faire abstraction des frontières des États membres et de tenir compte des caractéristiques des produits ou services concernés [arrêt du 7 novembre 2019, Intas Pharmaceuticals/EUIPO – Laboratorios Indas (INTAS), T‑380/18, EU:T:2019:782, point 80].

19      Enfin, l’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné. Dès lors, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [arrêt du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO – General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 35].

20      À cet égard, en vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1, dudit règlement, la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies et des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

21      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les trois branches du moyen unique.

 Sur la deuxième branche du moyen unique, tirée de ce que les éléments de preuve ne permettent pas de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée

22      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu à l’usage sérieux de la marque contestée alors que les éléments de preuve produits par l’intervenante ne comportent aucune indication concernant le lieu, la durée, l’importance ou la nature de l’usage et de s’être en grande partie fondée sur des probabilités ou des présomptions et non sur des éléments concrets et objectifs. En effet, premièrement, elle n’aurait pas tenu compte des éléments de preuve soumis par la requérante qui démontreraient que l’intervenante utilise en réalité uniquement la marque SCAIP ou, à tout le moins, qu’elle utilise la marque contestée conjointement avec la marque SCAIP. Deuxièmement, ce serait à tort que la chambre de recours a pris en considération des éléments de preuve qui ne relèvent pas de la période pertinente ou qui ne sont pas datés. Troisièmement, la requérante conteste la pertinence des factures et de la déclaration du gestionnaire de compte de l’agence de publicité sur lesquelles la chambre de recours s’est en particulier appuyée dans le cadre de l’appréciation du lieu et de l’importance de l’usage de la marque contestée. Quatrièmement, la chambre de recours aurait dû ignorer les éléments de preuve nos 4 à 8 dans la mesure où ils ne donneraient aucune indication sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage de la marque contestée.

23      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

24      Il ressort du point 43 de la décision attaquée que, en vue d’apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, l’intervenante a fourni les éléments de preuve suivants :

–        des accords de distribution exclusive datés de 1996, 2007 et 2013 (renouvelés en 2015) entre elle et la requérante, dont la portée géographique est mondiale à l’exclusion de l’Italie et de « clients réservés » énumérés (élément de preuve no 1) ;

–        une télécopie datée de 2002 portant sur des croquis de la marque contestée (élément de preuve no 2) ;

–        des factures datées de 2009 à 2013 adressées par elle-même à des clients en Italie ainsi que des certificats de conformité et des certificats concernant les plaques signalétiques des poseurs de tuyaux et des cintreuses vendus (élément de preuve no 3) ;

–        un catalogue non daté illustrant une machine de rembourrage (éléments de preuve nos 3.1 et 14) ;

–        des extraits de l’annuaire 2014-2015 de l’International Pipe Line & Offshore Contractors Association (IPLOCA ; association internationale du secteur) (élément de preuve no 4) ;

–        une brochure consacrée à des ventouses de levage, assortie d’une facture connexe datée de 2016 émise par un imprimeur à son attention (élément de preuve no 5) ;

–        un manuel d’utilisation datant de 2012 consacré à des cintreuses, accompagné d’une facture connexe datée du 31 juillet 2014 et émise par un imprimeur à son attention (élément de preuve no 6) ;

–        un manuel d’instructions consacré à des machines de rembourrage, accompagné d’une facture connexe datée du 31 mai 2016 et émise par un imprimeur à son attention (élément de preuve no 6.1) ;

–        des calendriers datés de 2013, 2014 et 2017 (élément de preuve no 7) ;

–        une plaquette institutionnelle consacrée à des équipements de pipelines et les factures correspondantes émises par un imprimeur et datées du 26 octobre et du 30 novembre 2016 ainsi que des factures émises à son attention et datées de 2014, 2015 et 2017 pour l’impression d’étiquettes portant la marque contestée (élément de preuve no 8) ;

–        des factures de vente datées de 2014 à 2016 émises par elle-même à l’attention de différents clients en Italie, accompagnées des fiches techniques correspondantes pour des bennes de remplissage, des cintreuses, des ventouses de levage, des ventouses et des machines de rembourrage (élément de preuve no 9 et élément de preuve produit le 14 août 2019) ;

–        des photographies montrant des poseurs de tuyaux, datées du 18 décembre 2018 (élément de preuve no 10) ;

–        trois factures de vente datées de 2016 et 2017 émises par elle-même à l’attention d’un client en Australie (éléments de preuve nos 11 à 13) ;

–        un ancien manuel d’utilisation non daté (élément de preuve no 15) ;

–        une décision d’annulation de l’Office de la propriété intellectuelle australien datée du 18 août 2017 (élément de preuve no 16) ;

–        des extraits de TMview concernant deux marques enregistrées au nom de la requérante (éléments de preuve nos 17 et 18) ;

–        des extraits non datés issus de son site Internet illustrant ses machines (élément de preuve no 19) ;

–        une déclaration d’un gestionnaire de compte au sein d’une agence de publicité datée du 7 février 2018, indiquant que de nombreux projets publicitaires ont été réalisés pour elle entre 2012 et 2015, accompagnée du profil de son entreprise, d’extraits de catalogues et d’une photographie prise à l’intérieur de son usine à Parme (Italie) montrant une cintreuse (élément de preuve no 20).

25      Contrairement à ce que semble faire valoir la requérante, il n’est nullement requis que chaque élément de preuve contienne des informations sur chacun des quatre éléments sur lesquels doit porter la preuve de l’usage sérieux, à savoir le lieu, la durée, la nature et l’importance de l’usage. Un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [voir arrêt du 5 mars 2019, Meblo Trade/EUIPO – Meblo Int (MEBLO), T‑263/18, non publié, EU:T:2019:134, point 84 et jurisprudence citée]. La question de savoir si une marque a fait l’objet d’un usage sérieux doit être appréciée globalement en prenant en compte l’ensemble des éléments disponibles. Il ne s’agit donc pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais de les analyser conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et cohérent [voir arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 31 et jurisprudence citée].

 Sur la durée de l’usage

26      En l’espèce, en premier lieu, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours au point 45 de la décision attaquée, que l’accord de distribution renouvelé en 2015 (élément de preuve no 1), les extraits de l’annuaire 2014-2015 de l’IPLOCA (élément de preuve no 4), la brochure consacrée à des ventouses de levage assortie d’une facture connexe datée de février 2016 (élément de preuve no 5), les manuels d’utilisation consacrés à des cintreuses et à des machines de rembourrage assortis de factures connexes datées du 31 juillet 2014 et du 31 mai 2016 (éléments de preuve nos 6 et 6.1), les calendriers datés de 2013, 2014 et 2017 (élément de preuve no 7), les factures datées du 26 octobre et du 30 novembre 2016 relatives à l’impression d’une plaquette institutionnelle consacrée à des équipements de pipelines ainsi que les factures datées de 2014, 2015 et 2017 relatives à l’impression d’étiquettes portant la marque contestée (élément de preuve no 8), les factures de vente datées de 2014 à 2016 (élément de preuve no 9) et celles datées de 2016 et 2017 (éléments de preuve nos 11 à 13) ainsi que la déclaration faisant référence à des projets publicitaires destinés à l’intervenante entre 2012 et 2015 (élément de preuve no 20) relèvent de la période pertinente. La marque contestée figure dans l’ensemble de ces éléments de preuve, à l’exception seulement de l’accord de distribution qui concerne toutefois les produits pertinents. Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 49 de la décision attaquée, que les éléments de preuve fournissaient des indications suffisantes sur la durée de l’usage.

27      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

28      En effet, premièrement, s’agissant des extraits de l’annuaire de l’IPLOCA (élément de preuve no 4), à l’égard desquels la requérante fait observer que seule la troisième page est datée de 2014-2015 et que celle-ci ne démontre pas l’usage de la marque contestée, force est de constater que, d’une part, les deux premières pages mettent en évidence des machines sur lesquelles est apposée la marque contestée, tandis que la troisième page présente une photographie d’une des machines de l’intervenante ayant pour légende « pose de tuyau par un poseur de tuyaux Superior – Italie ». D’autre part, les trois pages extraites apparaissent comme étant toutes issues d’annuaires de l’IPLOCA étant donné qu’elles ont le même format et la même reliure. L’indication manuscrite figurant sur la deuxième page selon laquelle celle-ci est datée de 2014/2015 est corroborée par la troisième page, qui indique concrètement qu’elle a été publiée cette année-là, ce qui démontre que les produits commercialisés sous la marque contestée ont été promus dans ledit annuaire, à tout le moins, lors de l’année 2014/2015.

29      Deuxièmement, s’agissant de la brochure (élément de preuve no 5) ainsi que des manuels d’utilisation (éléments de preuve nos 6 et 6.1), qui ne seraient pas datés ou ne relèveraient pas de la période pertinente et à l’égard desquels aucun lien ne pourrait être établi avec les factures connexes à leur impression, il y a lieu de constater que lesdites factures relèvent de la période pertinente et que celles-ci indiquent un numéro de référence relatif à l’impression de la brochure et des manuels d’utilisation. Or, ainsi que l’a relevé à juste titre l’intervenante, les numéros de référence en cause correspondent à ceux indiqués sur la dernière page de la brochure ainsi que sur la première page des manuels d’utilisation, de sorte qu’un lien peut être établi entre les factures et les documents en cause. Si la première page du manuel d’utilisation relatif à une cintreuse (élément de preuve no 6) indique certes la date de février 2012, l’intervenante a expliqué qu’il s’agissait de la date de révision dudit manuel, ce qui est d’ailleurs confirmé par la mention « REV. 01 », mais que celui-ci avait bien été imprimé en 2014, ce qui est confirmé par la facture correspondante qui reprend le numéro de référence dudit manuel. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la brochure et les manuels d’utilisation en cause relèvent de la période pertinente, à l’instar des factures connexes à leur impression.

30      Troisièmement, s’agissant des calendriers produits par l’intervenante (élément de preuve no 7), qui ne contiendraient aucune indication sur la durée de l’usage, force est de constater que cet argument est non fondé, dès lors qu’il est clairement indiqué sur les extraits desdits calendriers qu’ils concernent les mois de janvier et décembre 2013, de janvier, juillet et novembre 2014 et d’août 2017.

31      Enfin et quatrièmement, s’agissant de la plaquette institutionnelle consacrée à des équipements de pipelines et des étiquettes portant la marque contestée (élément de preuve no 8), qui ne contiendraient pas non plus d’indication sur la durée de l’usage, force est de constater que les factures annexées relèvent de la période pertinente et indiquent clairement qu’elles concernent l’impression des plaquettes institutionnelles et des étiquettes en cause. Lesdits documents contiennent dès lors des informations sur la durée de l’usage et relèvent de la période pertinente.

32      En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré en substance, d’une part, aux points 46 à 48 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas lieu d’écarter sans autre réflexion les éléments de preuve qui ne relevaient pas de la période pertinente ou qui n’étaient pas datés et, d’autre part, au point 75 de ladite décision, qu’ils contribuaient, en l’espèce, à étayer l’usage de la marque contestée en combinaison avec d’autres documents et informations.

33      À cet égard, la requérante fait valoir que la chambre de recours aurait dû ignorer ces éléments de preuve, dans la mesure où ils ne prouvent pas l’usage de la marque contestée.

34      Selon la jurisprudence, il n’est pas exclu que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque au cours de la période pertinente puisse, le cas échéant, tenir compte d’éventuels éléments postérieurs à cette période, qui peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de ladite marque au cours de la période pertinente [voir arrêt du 3 octobre 2019, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ADPepper), T‑668/18, non publié, EU:T:2019:719, point 85 et jurisprudence citée]. Il en va de même pour les éléments antérieurs à la période pertinente [voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2016, Future Enterprises/EUIPO – McDonald’s International Property (MACCOFFEE), T‑518/13, EU:T:2016:389, point 55 et jurisprudence citée]. Toutefois, dans les deux cas, la prise en considération de tels éléments est nécessairement subordonnée à la présentation de documents démontrant l’usage de la marque contestée pendant ladite période [arrêt du 7 juillet 2021, Frommer/EUIPO – Minerva (I-cosmetics), T‑205/20, non publié, EU:T:2021:414, point 53].

35      De même, si des documents non datés peuvent dans certains cas être retenus pour établir l’usage d’une marque [voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, point 68], de telles preuves ne sauraient néanmoins être pertinentes aux fins d’établir cet usage pendant la période de référence que pour autant qu’elles permettent de confirmer des faits qui se déduiraient d’autres éléments de preuve [arrêt du 2 février 2017, Marcas Costa Brava/EUIPO – Excellent Brands JMI (Cremcaffé by Julius Meinl), T‑686/15, non publié, EU:T:2017:53, point 59].

36      Premièrement, s’agissant des accords de distribution datant de 1996 et 2007 (élément de preuve no 1), de la télécopie datée de 2002 relative à des croquis de la marque contestée (élément de preuve no 2), des factures datées de 2009 à 2013 (élément de preuve no 3) et des extraits non datés tirés du site Internet de l’intervenante (élément de preuve no 19), la chambre de recours s’est limitée, au point 48 de la décision attaquée, à faire remarquer, en s’appuyant sur la jurisprudence du Tribunal, que les éléments de preuve dont la date s’inscrivait en dehors de la période pertinente ou qui n’étaient pas datés ne devaient pas être simplement écartés sans autre réflexion, étant donné qu’ils pouvaient servir à montrer comment la marque avait été utilisée pour les produits pertinents ou à fournir des informations sur le type de produits fabriqués par la titulaire de la marque ou qu’ils pouvaient contenir des preuves indirectes concluantes, et qu’ils ne pouvaient donc pas être ignorés dans l’appréciation globale des éléments de preuve. Toutefois, la chambre de recours ne s’est, par la suite, nullement appuyée sur ces éléments de preuve dans son appréciation de l’usage que l’intervenante a fait de la marque contestée, contrairement à ce que suppose la requérante.

37      Deuxièmement, s’agissant des éléments de preuve qui ne relèvent pas de la période pertinente et qui ont été pris en compte par la chambre de recours, il y a lieu de constater que la photographie datant du 18 décembre 2018 (élément de preuve no 10) peut servir à montrer comment la marque contestée apparaît sur un poseur de tuyaux et corrobore ainsi, notamment, les éléments de preuve nos 4, 5, 6 et 7 relevant de la période pertinente et desquels il ressort que ladite marque est utilisée sur les produits en cause.

38      Troisièmement, s’agissant des éléments de preuve non datés qui ont été pris en compte par la chambre de recours, il y a lieu de constater que le catalogue illustrant une machine de rembourrage (éléments de preuve nos 3.1 et 14) est similaire au manuel d’instruction consacré aux machines de rembourrage (élément de preuve no 6.1), qui, ainsi qu’il a été constaté au point 29 ci-dessus, relève de la période pertinente, et peut ainsi servir à corroborer l’usage de la marque contestée sur du matériel lié à l’utilisation de ces produits. Il en va de même pour l’ancien manuel d’utilisation (élément de preuve no 15).

39      Dans ces conditions, il y a lieu de constater la pertinence des éléments de preuve nos 3.1, 10, 14 et 15 aux fins d’apprécier l’usage sérieux de la marque contestée au regard des éléments de preuve qu’ils corroborent relevant de la période pertinente. C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pris en compte ces éléments de preuve qui ne relevaient pas de la période pertinente ou qui n’étaient pas datés et qu’elle a considéré qu’ils contribuaient, en l’espèce, à étayer l’usage de la marque contestée en combinaison avec d’autres documents et informations.

 Sur le lieu de l’usage

40      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 54 et 55 de la décision attaquée, que le lieu de l’usage était l’Italie, ce qui pouvait se déduire des factures adressées à des clients situés dans différentes villes d’Italie (élément de preuve no 9) ainsi que du fait que certains produits avaient été fabriqués en Italie et exportés en Australie (éléments de preuve nos 11 à 13). En outre, la chambre de recours a relevé en substance que l’intervenante avait confié des projets publicitaires à une agence située en Italie qui reprenait la marque contestée dans les éléments graphiques (élément de preuve no 20), de sorte que les produits pertinents pouvaient être considérés comme ayant été promus en Italie.

41      La requérante ne conteste pas en soi la conclusion de la chambre de recours selon laquelle le lieu de l’usage de la marque contestée est l’Italie et qu’un kit de conversion fabriqué par l’intervenante ait été exporté vers l’Australie. Elle avance néanmoins – outre le fait que l’usage de la marque contestée dans un seul État membre n’est pas suffisant pour prouver un usage sérieux dans l’Union, ce qui sera examiné ci-après dans le cadre de la première branche du moyen unique – que la chambre de recours a commis une erreur en présumant que les projets publicitaires (élément de preuve no 20) avaient eu lieu dans l’Union ou étaient destinés à un public dans l’Union et qu’ils concernaient la marque contestée. Elle fait également observer que les factures (élément de preuve no 9) démontrent que l’usage de la marque contestée n’est limité qu’à une petite région de l’Italie.

42      À cet égard, premièrement, si la déclaration écrite ainsi que les projets publicitaires annexés n’indiquent certes pas le lieu de diffusion desdits projets, il y a toutefois lieu de relever que, dans le cadre d’une appréciation globale, ces documents peuvent être pris en considération en combinaison avec d’autres éléments de preuve afin d’établir que lesdits projets ont été diffusés au sein de l’Union. En l’occurrence, il ressort des factures produites par l’intervenante (élément de preuve no 9) que les produits pertinents ont été mis sur le marché italien. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, les projets publicitaires annexés à la déclaration écrite montrent plusieurs photographies des produits pertinents pourvus de la marque contestée ainsi qu’une indication selon laquelle l’intervenante est le fabricant desdits produits désignés sous la marque contestée et est établie à Parme. Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence rappelée au point 25 ci-dessus, il peut être déduit de ce faisceau d’éléments de preuve que les projets publicitaires en cause ont eu pour cible, à tout le moins, le public italien.

43      Deuxièmement, si les factures présentées par l’intervenante sont certes adressées à des clients dans les régions de Toscane, d’Émilie-Romagne et de Lombardie, l’intervenante a également produit des extraits de l’annuaire de l’IPLOCA (élément de preuve no 4). Or, l’IPLOCA étant une association opérant à l’échelle internationale, il peut en être déduit que la diffusion de son annuaire, dans lequel apparaît clairement la marque contestée ainsi qu’il a été constaté au point 28 ci-dessus, s’est faite à une telle échelle, ce qui inclut donc notamment d’autres États membres. Partant, contrairement à ce que soutient la requérante, l’usage de la marque contestée ne se limite pas à ces régions d’Italie.

44      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a pu conclure, au point 55 de la décision attaquée, que les produits pertinents avaient été promus, à tout le moins, en Italie.

 Sur la nature de l’usage

45      En l’espèce, il y a lieu de relever que, en premier lieu, les éléments de preuve produits par l’intervenante, tels que les extraits de l’annuaire de l’IPLOCA (élément de preuve no 4), la brochure consacrée à des ventouses de levage (élément de preuve no 5), les manuels d’utilisation consacrés à des cintreuses et à des machines de rembourrage (éléments de preuve nos 6 et 6.1) et les calendriers montrant des photographies de ventouses de levage, de poseurs de tuyaux et de cintreuses (élément de preuve no 7), montrent que la marque contestée a été apposée sur les produits pertinents. Ne peut donc aboutir l’argument de la requérante selon lequel les extraits du calendrier pourraient tout au plus démontrer un usage pour la classe 16. De plus, la marque contestée apparaît également sur une plaquette institutionnelle de l’intervenante consacrée à des équipements de pipelines (élément de preuve no 8), dans les entêtes des factures de l’intervenante qui concernent la vente de kits de conversion, de mandrins hydrauliques, de cintreuses, de ventouses, de ventouses de levage, de bennes de criblage et de machines de rembourrage (éléments de preuve nos 9 et 11 à 13) ainsi que sur la brochure et les manuels d’utilisation (éléments de preuve nos 5, 6 et 6.1), et sur les extraits de l’annuaire de l’IPLOCA (élément de preuve no 4), qui indiquent clairement que l’intervenante est le fabricant des produits désignés sous la marque contestée. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré en substance, aux points 64 et 74 de la décision attaquée, que la marque contestée avait été utilisée conformément à sa fonction essentielle, qui est d’identifier et de garantir l’identité d’origine des produits pour lesquels elle a été enregistrée, ainsi que pour l’ensemble des produits pertinents.

46      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel il ne serait pas possible de déterminer à partir de la description des articles facturés (éléments de preuve nos 9 et 11 à 13) s’il s’agissait de produits comportant la marque contestée. En effet, premièrement, selon la jurisprudence, il n’est pas nécessaire que la marque soit apposée sur les produits pour qu’elle fasse l’objet d’un usage sérieux par rapport à ceux-ci. Il suffit que l’utilisation de la marque établisse un lien entre cette marque et la commercialisation des produits. La présence de la marque dans des factures, articles et publicités concernant les produits concernés peut établir ce lien [voir arrêt du 24 mars 2021, Novomatic/EUIPO – adp Gauselmann (Power Stars), T‑588/19, non publié, EU:T:2021:157, point 53 et jurisprudence citée]. Deuxièmement, lorsqu’elles sont appréciées conjointement avec les autres éléments de preuve conformément à la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus, les factures en cause démontrent bien que les articles facturés concernaient des produits vendus sous la marque contestée, que la marque soit ou non apposée sur les produits eux-mêmes. D’une part, cela ressort des fiches techniques produites le 14 août 2019 ainsi que du catalogue, de la brochure et des manuels d’utilisation (éléments de preuve nos 3.1, 5, 6, 6.1 et 14), lesquels indiquent le numéro de référence des modèles de certains des produits pertinents qui figure précisément sur lesdites factures. D’autre part, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 45 ci-dessus, les différentes photographies des produits pertinents vendus par l’intervenante (voir, en particulier, éléments de preuve nos 4, 5, 6, 6.1, 7, 10, 14 et 20) montrent que la marque contestée est apposée sur ces produits. Partant, l’argument de la requérante est non fondé.

47      En outre, doit également être rejeté l’argument de la requérante selon lequel un manuel d’utilisation, étant habituellement distribué après une vente, ne saurait contribuer au maintien ou à la création de parts de marché pour les produits protégés par la marque contestée. En effet, d’une part, une marque apposée sur un manuel d’utilisation permet au consommateur de répéter l’expérience, si elle s’avère positive, ou de l’éviter, si elle s’avère négative, dans une ultérieure acquisition, cette utilisation de la marque relevant donc précisément de la fonction essentielle des marques. D’autre part, les factures produites par l’intervenante (élément de preuve no 9) démontrent qu’un manuel d’utilisation est fréquemment fourni au moment de la vente du produit en cause et non après celle-ci.

48      En deuxième lieu, la chambre de recours a considéré, d’une part, au point 69 de la décision attaquée, que si les éléments de preuve montrent que la marque contestée a été utilisée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée sur les factures ainsi que sur les produits eux-mêmes, ceux-ci montrent également que la marque contestée a aussi été utilisée sous la forme reproduite ci-après :

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49      Elle a considéré, d’autre part, au point 70 de ladite décision, que le fait que la marque contestée ait été utilisée avec la marque « maison » SCAIP n’a pas altéré son caractère distinctif, au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

50      À cet égard, la requérante conteste uniquement l’appréciation de la chambre de recours figurant au point 70 de la décision attaquée, en faisant valoir que cette dernière n’a pas tenu compte des éléments de preuve qu’elle avait produits et qui démontreraient que l’intervenante utilise en réalité uniquement la marque SCAIP ou, à tout le moins, qu’elle utilise la marque contestée conjointement avec la marque SCAIP.

51      Or, d’une part, il ressort des éléments de preuve produits par l’intervenante que celle-ci a bien fait usage de la marque contestée pour les produits pertinents et non uniquement de la marque SCAIP. Le fait que l’intervenante ait également commercialisé des produits visés par la marque contestée arborant uniquement la marque SCAIP, à le supposer avéré, est dépourvu de pertinence à cet égard. D’autre part, la chambre de recours a bien tenu compte de l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée a été utilisée avec la marque « maison » SCAIP, au point 70 de la décision attaquée, mais a considéré que cela n’altérait pas le caractère distinctif de la marque contestée, au sens de l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, dans la mesure où il est très courant que, dans certains segments du marché, les produits et services soient revêtus non seulement de leur marque individuelle, mais aussi de la marque du groupe d’entreprises ou de produits qui renvoie à la marque « maison ». Or, la requérante n’avance aucun argument de nature à remettre en cause cette conclusion.

52      Il résulte de tout ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, aux points 64, 71 et 74 de la décision attaquée, que la marque contestée avait été utilisée pour identifier l’origine commerciale des produits pertinents, sous une forme qui n’altère pas son caractère distinctif et en rapport avec ces produits.

 Sur l’importance de l’usage

53      En l’espèce, aux points 58 à 61 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que l’usage de la marque contestée était suffisamment important. En effet, premièrement, elle a relevé que les éléments de preuve montraient clairement que les produits pertinents avaient été vendus en Italie, à différents clients et pendant plusieurs années et qu’à tout le moins un « kit de conversion » avait été exporté d’Italie vers l’Australie. Deuxièmement, elle a relevé que s’il manquait certes des informations concrètes au sujet du prix et des recettes réalisées, cela était dû à des raisons de confidentialité. Troisièmement, elle a considéré que, bien que le nombre de produits vendus et/ou exportés soit assez faible, compte tenu de la régularité et de la durée de l’usage ainsi que de la nature des produits, du marché de niche spécifique (produits hautement spécialisés destinés à l’industrie des pipelines) et du prix considérablement élevé de certaines machines, la marque contestée avait été utilisée dans une tentative sérieuse de créer et de conserver un débouché pour les produits pertinents. Enfin et quatrièmement, elle a observé que l’intervenante avait confié des projets publicitaires pertinents à une agence située en Italie qui reprend la marque contestée dans les éléments graphiques et qui a régulièrement imprimé des étiquettes arborant ladite marque.

54      À cet égard, la requérante fait valoir, s’agissant des factures produites par l’intervenante (éléments de preuve nos 9 et 11 à 13), qu’il manque des renseignements essentiels concernant les prix et les revenus dans les factures adressées à des clients en Italie et que l’exportation d’un seul kit de conversion en Australie ayant une valeur peu élevée ne saurait constituer en soi une preuve de l’usage sérieux. En outre, elle soutient que la déclaration du gestionnaire de l’agence de publicité (élément de preuve no 20) ne contient aucune information vérifiable sur l’importance des projets publicitaires allégués.

55      La question de savoir si un usage est quantitativement suffisant pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque dépend de plusieurs facteurs et d’une appréciation au cas par cas. Les caractéristiques de ces produits ou de ces services, la fréquence ou la régularité de l’usage de la marque, le fait que la marque est utilisée pour commercialiser l’ensemble des produits ou des services identiques de l’entreprise titulaire ou simplement certains d’entre eux ou encore les preuves relatives à l’usage de la marque que le titulaire est à même de fournir figurent au nombre des facteurs qui peuvent être pris en considération (voir arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 71 et jurisprudence citée).

56      Il s’ensuit qu’il n’est pas possible de déterminer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage a ou non un caractère sérieux. Une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne peut dès lors être fixée. Ainsi, lorsqu’il répond à une réelle justification commerciale, un usage même minime peut être suffisant pour établir l’existence d’un caractère sérieux (voir arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 72 et jurisprudence citée).

57      En l’occurrence, s’agissant de la fréquence et de la durée de l’usage de la marque contestée, il convient d’abord de relever, à l’instar de la chambre de recours, que, d’une part, douze factures relatives à la vente des produits pertinents ont été envoyées à plusieurs clients établis dans différentes villes d’Italie (élément de preuve no 9) et que, d’autre part, trois factures, dont l’une concerne la vente d’un kit de conversion, ont été envoyées à un client établi en Australie (élément de preuve no 11). Lesdites factures démontrent dès lors que l’usage de la marque contestée s’est fait à plusieurs reprises au cours de la période pertinente, publiquement et vers l’extérieur.

58      Ensuite, les éléments de preuve montrent que la marque contestée a été utilisée de manière régulière au cours de la période pertinente, à savoir entre 2013 et 2017 (voir, notamment, éléments de preuve nos 4, 5, 6, 6.1, 7, 8, 9, 11 à 13 et 20).

59      Quant au volume commercial, il y a d’abord lieu de constater que les factures produites par l’intervenante (éléments de preuve nos 9 et 11) font état de la vente de quatre kits de conversion, de six mandrins hydrauliques/pneumatiques, de cinq kits de cintrage en ligne, de deux cintreuses, de sept ventouses de levage, de sept ventouses, de quatre bennes cribleuses et d’une machine de rembourrage entre 2014 et 2016.

60      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie (voir point 15 ci-dessus), l’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes.

61      Dès lors, le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque contestée ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché concerné. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage de la marque contestée soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux [voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2019, Serenity Pharmaceuticals/EUIPO – Gebro Holding (NOCUVANT), T‑321/18, non publié, EU:T:2019:139, point 50 et jurisprudence citée].

62      Ainsi, si les ventes rapportées peuvent être considérées comme étant assez faibles, il y a toutefois lieu d’observer, comme l’a fait en substance la chambre de recours au point 60 de la décision attaquée, que ces produits ne sont pas de consommation courante, mais destinés à un public professionnel hautement spécialisé et s’inscrivant dans un marché de niche spécifique, celui de l’industrie des pipelines.

63      En outre, si lesdites factures n’indiquent certes pas le prix des produits en cause ni le revenu généré par leur vente pour des raisons de confidentialité, cela ne constitue nullement un obstacle aux fins d’apprécier l’importance de l’usage de la marque contestée, contrairement à ce que semble avancer la requérante, dès lors qu’il est notoire que de tels produits sont généralement très onéreux.

64      Enfin, il ressort des éléments de preuve nos 5, 6, 6.1 et 8 qu’une certaine quantité de matériel lié à l’utilisation ou à la promotion des produits en cause et dans lequel la marque contestée est utilisée a été imprimé au cours de la période pertinente. En effet, les factures figurant dans ces éléments de preuve indiquent que 50 brochures relatives à des ventouses de levage, 10 manuels d’utilisation consacrés à des cintreuses, 2 manuels d’utilisation consacrés à des machines de rembourrage, 376 étiquettes portant la marque contestée ainsi que 410 plaquettes institutionnelles consacrées à des équipements de pipelines ont été imprimés entre 2014 et 2017.

65      Dans ces conditions, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré en substance, aux points 60 et 61 de la décision attaquée, que la marque contestée avait été utilisée dans une tentative sérieuse de créer et de conserver un débouché pour les produits pertinents, de sorte que l’usage de ladite marque pouvait être considéré comme suffisamment important.

66      Il résulte ainsi de l’ensemble des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant, aux points 76 et 77 de la décision attaquée, à l’existence d’un usage sérieux de la marque contestée pour les produits pertinents en tenant compte des caractéristiques du marché concerné, de la nature des produits pertinents, de l’étendue territoriale et de l’importance de l’usage ainsi que de sa régularité et de sa durée. Il convient dès lors de rejeter la deuxième branche du moyen unique comme non fondée.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de ce que l’usage de la marque contestée dans un seul État membre n’est pas suffisant

67      Premièrement, la requérante soutient, en s’appuyant sur les arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken (C‑149/11, EU:C:2012:816), et du 6 octobre 2017, Falegnameria Universo dei F.lli Priarollo/EUIPO – Zanini Porte (silente PORTE & PORTE) (T‑386/16, non publié, EU:T:2017:706, points 46 à 53), que l’usage d’une marque de l’Union européenne dans un seul État membre n’est, en principe, pas suffisant pour être qualifié d’usage sérieux dans l’ensemble de l’Union et que la seule exception à ce principe serait lorsque le marché des produits ou services pertinents est limité au territoire d’un seul État membre. Or, tel ne serait pas le cas. La chambre de recours aurait ainsi commis une erreur en retenant que l’usage dans ce seul État membre pouvait être suffisant pour être qualifié d’usage sérieux.

68      Deuxièmement, dans le cas où son interprétation de l’arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken (C‑149/11, EU:C:2012:816), ne serait pas retenue, la requérante rappelle que, selon l’arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI (C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 76), l’importance territoriale de l’usage n’est qu’un des facteurs devant être pris en compte parmi d’autres pour déterminer s’il est sérieux ou non. Or, la chambre de recours aurait également commis une erreur en partant du principe que l’usage d’une marque de l’Union européenne dans un seul État membre sera suffisant pour démontrer un usage sérieux dans l’Union, sans prendre en considération les autres facteurs pertinents en l’espèce. À cet égard, la requérante relève que l’intervenante n’a utilisé la marque contestée que dans une région géographique limitée de l’Italie et sans que cet usage n’ait été démontré comme étant quantitativement important, ce qui ne permettrait pas de conclure à un usage sérieux de la marque contestée dans l’Union.

69      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

70      Selon la jurisprudence, l’étendue territoriale de l’usage constitue non pas un critère distinct de l’usage sérieux, mais l’une des composantes de cet usage, qui doit être intégrée dans l’analyse globale et être étudiée parallèlement aux autres composantes de celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 76 ; du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 36, et du 7 novembre 2019, INTAS, T‑380/18, EU:T:2019:782, point 74).

71      En outre, pour apprécier l’existence d’un « usage sérieux dans [l’Union] », il doit être fait abstraction des frontières du territoire des États membres (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 44).

72      La Cour a ainsi rejeté expressément, d’une part, la thèse soutenue devant elle qui consistait à considérer que l’étendue territoriale de l’usage d’une marque de l’Union européenne ne pouvait en aucun cas être limitée au territoire d’un seul État membre (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 49, et du 7 novembre 2019, INTAS, T‑380/18, EU:T:2019:782, point 76) et, d’autre part, la thèse selon laquelle, même s’il était fait abstraction des frontières des États membres au sein du marché intérieur, la condition de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne exigerait que celle-ci fût utilisée sur une partie substantielle du territoire de l’Union, ce qui pouvait correspondre au territoire d’un État membre (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, points 52 et 53, et du 7 novembre 2019, INTAS, T‑380/18, EU:T:2019:782, point 76).

73      À cet égard, la Cour a précisé que, s’il était certes raisonnable de s’attendre à ce qu’une marque de l’Union européenne fît l’objet d’un usage sur un territoire plus vaste que celui d’un seul État membre pour que celui-ci pût être qualifié d’« usage sérieux », il n’était pas nécessaire que cet usage fût géographiquement étendu pour être qualifié de sérieux, car une telle qualification dépendait des caractéristiques du produit ou du service concerné sur le marché correspondant (arrêts du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 54, et du 7 novembre 2019, INTAS, T‑380/18, EU:T:2019:782, point 77).

74      En effet, dès lors que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque repose sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée, il est impossible de déterminer a priori, de façon abstraite, quelle étendue territoriale devrait être retenue pour déterminer si l’usage de ladite marque a ou non un caractère sérieux. Une règle de minimis, qui ne permettrait pas au juge de l’Union d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui lui est soumis, ne peut donc être fixée (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 55). Ainsi, afin de qualifier de sérieux l’usage d’une marque de l’Union européenne, il n’est pas exigé que cette dernière soit utilisée sur une partie substantielle du territoire de l’Union. En outre, la possibilité que la marque en question ait été utilisée sur le territoire d’un seul État membre ne doit pas être exclue, dans la mesure où il convient de faire abstraction des frontières des États membres et de tenir compte des caractéristiques des produits ou services concernés (arrêt du 7 novembre 2019, INTAS, T‑380/18, EU:T:2019:782, point 80).

75      Contrairement à ce que soutient la requérante, lorsque la Cour a, au point 50 de l’arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken (C‑149/11, EU:C:2012:816), relevé qu’il n’est pas exclu que « dans certaines circonstances » le marché des produits ou des services pour lesquels une marque de l’Union européenne a été enregistrée soit, de fait, cantonné au territoire d’un seul État membre et que, dans un tel cas, un usage de la marque de l’Union européenne sur ce territoire pourrait répondre tout à la fois à la condition de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne et à celle de l’usage sérieux d’une marque nationale, elle ne visait toutefois pas à établir que la reconnaissance du caractère sérieux de l’usage d’une marque de l’Union européenne utilisée dans un seul État membre constituât une exception à un principe général. En effet, la Cour a davantage fait référence aux conditions fixées par une jurisprudence constante afin d’apprécier le caractère sérieux de l’usage d’une marque, à savoir l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permettait de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, INTAS, T‑380/18, EU:T:2019:782, point 79 et jurisprudence citée).

76      Ainsi, d’une part, l’usage d’une marque de l’Union européenne dans un seul État membre peut être considéré comme suffisant pour constituer un usage sérieux et, d’autre part, le constat d’un usage sérieux d’une telle marque dans un seul État membre ne saurait être limité au cas où le marché des produits ou des services pour lesquels une marque contestée a été enregistrée est cantonné au territoire de ce seul État membre. En effet, la qualification de sérieux de l’usage de la marque dépend des caractéristiques des produits ou des services concernés sur le marché correspondant et, plus généralement, de l’ensemble des faits et des circonstances propres à démontrer que l’exploitation commerciale de cette marque permet de créer ou de conserver les parts de marché pour les produits ou les services pour lesquels elle a été enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 55).

77      Comme l’EUIPO le relève à bon droit, il existe, dans la jurisprudence du Tribunal, toute une série de décisions qui confirment qu’il s’agit d’apprécier l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de la marque contestée et qu’une étendue géographique très limitée de cette exploitation n’exclut pas que l’usage de la marque soit sérieux, même en l’absence de circonstances qui ont pour effet que le marché pertinent est, par nature, cantonné à un seul État membre [voir, en ce sens, à titre d’exemple, arrêts du 30 janvier 2015, Now Wireless/OHMI – Starbucks (HK) (now), T‑278/13, non publié, EU:T:2015:57, points 52 et 53 ; du 15 juillet 2015, TVR Automotive/OHMI – TVR Italia (TVR ITALIA), T‑398/13, EU:T:2015:503, point 57, et du 15 novembre 2018, DRH Licensing & Managing/EUIPO – Merck (Flexagil), T‑831/17, non publié, EU:T:2018:791, point 67].

78      Or, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du moyen unique, compte tenu, d’une part, de la régularité et de la durée de l’usage et, d’autre part, des caractéristiques du marché et des produits pour lesquels cet usage a été démontré, à savoir que ce sont des produits hautement spécialisés très onéreux destinés à l’industrie des pipelines et qui s’inscrivent dans un marché de niche, il y a lieu de constater, à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 70 à 74 ci-dessus, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation lorsqu’elle a estimé en substance, aux points 54, 55, 77 et 80 de la décision attaquée, dans le cadre d’une appréciation globale des éléments de preuve et des facteurs pertinents, que l’intervenante avait démontré l’usage de la marque contestée en Italie et que cet usage était suffisant pour être qualifié d’usage sérieux dans l’Union.

79      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

80      Premièrement, s’agissant de l’arrêt du 6 octobre 2017, silente PORTE & PORTE (T‑386/16, non publié, EU:T:2017:706), invoqué par la requérante, si le Tribunal a certes considéré que le critère de territorialité de l’usage n’était pas satisfait en l’espèce dans la mesure où, d’une part, la documentation produite ne justifiait un usage de la marque contestée que pour le seul territoire italien et où, d’autre part, les produits en cause ne présentaient aucune spécificité territoriale justifiant que leur usage soit limité au seul territoire italien, il s’agissait toutefois, en l’espèce, d’articles de base utilisés et vendus dans tous les lieux où il existait des bâtiments avec des pièces à fermer et pouvant être utilisés par tous les consommateurs de l’Union (voir arrêt du 6 octobre 2017, silente PORTE & PORTE, T‑386/16, non publié, EU:T:2017:706, points 48 à 53).

81      Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, les produits pertinents ne sont pas des articles de base, tels que des portes, mais des produits hautement spécialisés destinés à un public professionnel spécialisé et s’inscrivant dans un petit segment de marché. Partant, l’appréciation du critère de territorialité de l’usage telle qu’opérée par le Tribunal dans l’arrêt du 6 octobre 2017, silente PORTE & PORTE (T‑386/16, non publié, EU:T:2017:706), ne saurait être transposable en l’espèce.

82      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a commis une erreur en partant du principe que l’usage d’une marque de l’Union européenne dans un seul État membre sera suffisant pour démontrer un usage sérieux dans l’Union sans prendre en considération les autres facteurs pertinents en l’espèce, conformément à l’arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI (C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 76), il y a d’abord lieu de relever que le raisonnement de la requérante est contradictoire dans la mesure où, d’une part, elle rappelle, à bon droit, que l’importance territoriale de l’usage est l’un des nombreux facteurs à prendre en considération pour déterminer si l’usage de la marque de l’Union européenne constitue un usage sérieux au sein de l’Union et où, d’autre part, elle affirme que la chambre de recours a commis une erreur dans la mesure où elle n’a pas exclu que l’usage de la marque contestée pouvait être sérieux en l’espèce au motif qu’il était limité au territoire d’un seul État membre. Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas pris comme point de départ de son appréciation le fait que l’usage dans un seul État membre sera suffisant. Au contraire, il ressort des points 44 à 74 de la décision attaquée que la chambre de recours a apprécié l’ensemble des facteurs pertinents en l’espèce, à savoir la durée, le lieu, l’importance et la nature de l’usage. Si son appréciation globale, effectuée par la suite, est certes succincte, il ressort toutefois du point 76 de la décision attaquée que la chambre de recours a apprécié globalement l’ensemble de ces facteurs avant de conclure, au point 77 de ladite décision, que l’intervenante avait prouvé l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits pertinents.

83      Troisièmement, pour autant que la requérante réitère son argument selon lequel la marque contestée n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux étant donné que l’usage de ladite marque n’était pas quantitativement important et se limiterait à une petite région de l’Italie, il suffit de renvoyer à l’examen opéré dans le cadre de la deuxième branche du moyen unique ci-dessus. Il y a dès lors lieu de rejeter cet argument.

84      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la première branche du moyen unique comme non fondée.

 Sur la troisième branche du moyen unique, tirée de ce que la chambre de recours a commis une erreur en considérant qu’il existait un juste motif pour l’usage de la marque contestée dans un seul État membre

85      La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en affirmant qu’une restriction contractuelle convenue par l’intervenante de ne vendre les produits pertinents qu’en Italie pouvait être considérée comme une « justification » d’un non-usage de la marque contestée, au sens de l’article 58 du règlement 2017/1001. En effet, il découlerait, notamment, de l’arrêt du 14 juin 2007, Häupl (C‑246/05, EU:C:2007:340, points 54 et 55), que les justifications du non-usage ne peuvent être liées qu’à des circonstances indépendantes de la volonté du titulaire de la marque qui constituent un obstacle à l’usage de la marque. Or, compte tenu du fait que l’« usage sérieux cantonné à un seul État membre » découle de la volonté de l’intervenante étant donné qu’elle a accepté la clause contractuelle, cela ne saurait être considéré comme une justification. En outre, cette restriction n’aurait été en vigueur que pendant une partie de la période pertinente.

86      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

87      Toutefois, force est de constater que l’argumentation de la requérante procède d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il ressort du point 77 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits pour lesquels elle est enregistrée. Elle ne s’est dès lors nullement référée à un quelconque juste motif pour non-usage, au sens de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

88      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la troisième branche du moyen unique comme inopérante et, partant, le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la deuxième branche du premier chef de conclusions ainsi que du deuxième chef de conclusions de la requérante, qui a été contestée par l’EUIPO.

89      S’agissant des conclusions de l’intervenante, il y a lieu de relever que, dans la mesure où la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’annulation, la première branche du deuxième chef de conclusions de l’intervenante visant à ce que le Tribunal confirme la décision de la division d’annulation doit être comprise comme étant incluse dans son premier chef de conclusions demandant au Tribunal de rejeter le recours dirigé contre la décision de la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2010, Özdemir/OHMI – Aktieselskabet af 21. november 2001 (James Jones), T‑11/09, non publié, EU:T:2010:47, point 14]. De même, dès lors que la décision de la chambre de recours confirme la décision de la division d’annulation rejetant la demande en déchéance de la marque contestée à l’égard des produits visés au point 6 ci-dessus, il y a lieu de regarder la seconde branche du deuxième chef de conclusions de l’intervenante visant à rejeter la demande en déchéance pour lesdits produits comme tendant également au rejet du recours [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Star Television Productions/EUIPO – Marc Dorcel (STAR), T‑797/17, non publié, EU:T:2018:469, point 75].

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

91      En l’espèce, l’EUIPO a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens. L’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens afférents à « toutes les phases de la procédure ».

92      Ainsi, pour autant que les conclusions de l’intervenante doivent être comprises en ce qu’elle demande que la requérante soit condamnée aux dépens exposés devant la division d’annulation, la chambre de recours et le Tribunal, premièrement, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il en résulte que les frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation ne peuvent pas être considérés comme des dépens récupérables [voir arrêt du 25 avril 2013, Bell & Ross/OHMI – KIN (Boîtier de montre-bracelet), T‑80/10, non publié, EU:T:2013:214, point 164 et jurisprudence citée]. Dès lors, les conclusions de l’intervenante tendant à la condamnation de la requérante aux dépens exposés devant la division d’annulation doivent être rejetées.

93      Deuxièmement, s’agissant de la demande de l’intervenante tendant à ce que la requérante soit condamnée aux dépens de la procédure devant la chambre de recours, il suffit de constater que ceux-ci restent régis par la décision attaquée dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2017, Intesa Sanpaolo/EUIPO – Intesia Group Holding (INTESA), T‑143/16, non publié, EU:T:2017:687, point 74].

94      Partant, dès lors que la requérante a succombé dans le cadre de la présente procédure, il y a lieu de la condamner aux dépens correspondants, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Worldwide Machinery Ltd est condamnée aux dépens.

De Baere

Kreuschitz

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er juin 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.