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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

12 juin 2024 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Notation – Rapport d’évaluation – Annulation partielle – Indissociabilité – Responsabilité – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑760/22,

TB, représentée par Mes L. Levi et N. Flandin, avocates,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA), représentée par Mme C. Chalanouli, en qualité d’agent, assistée de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. L. Truchot, président, M. Sampol Pucurull et Mme T. Perišin (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, TB, demande,  en substance, l’annulation partielle de la troisième version de son rapport d’évolution de carrière (REC) pour l’année 2020 (REC 2020), résultant de la décision ED 8/2022, du 3 février 2022, adoptée par le directeur exécutif de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) (ci-après la « décision ED 8/2022 »), en ce que ladite version contient certains commentaires dans les sections « B.1 – Rendement », « B.2 – Compétence » et « B.3 – Conduite » (ci-après les « commentaires contestés ») (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »). La requérante demande également la réparation du préjudice qu’elle aurait subi.

 Antécédents du litige

2        Le 1er novembre 2017, la requérante a été recrutée par l’ENISA en qualité d’agent temporaire, au grade AD 9, en application de l’article 2, sous f), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, pour occuper, durant une période de trois ans, jusqu’au 31 octobre 2020, le poste de chef de l’unité « Finances et marchés publics ».

3        Entre le 15 mai 2019 et le 17 novembre 2019, la requérante a été placée en congé de maladie. À son retour au travail, elle a été réintégrée pour occuper le poste de chef de l’unité « Bureau des politiques ».

4        Le 26 octobre 2020, la requérante a signé un avenant à son contrat de travail prévoyant, à la suite d’une réorganisation interne de l’ENISA, le renouvellement de son contrat pour cinq ans et indiquant qu’elle serait employée dans une fonction ne relevant pas de l’encadrement.

5        En février 2021, l’ENISA a diffusé l’information administrative 1/2021 relative à la gestion de la performance à l’ENISA – Exercice d’évaluation 2021 – Année 2020 (ci-après l’« information administrative 1/2021 »), par laquelle elle a lancé l’exercice annuel d’évaluation de son personnel pour l’année de référence 2020.

6        L’information administrative 1/2021 prévoyait quatre types de conclusions générales, selon le niveau de performance de chaque titulaire de poste : « Satisfaisant sans commentaires » pour le meilleur niveau, puis « Satisfaisant avec commentaires », « Satisfaisant avec un avis » et, enfin, « Insatisfaisant ».

7        Dans le cadre de la procédure d’établissement de son REC 2020, la requérante a bénéficié, le 7 avril 2021, d’un dialogue formel avec son évaluateur et a reçu, le 20 avril 2021, la première version de son REC 2020, laquelle comportait, comme conclusion générale de l’évaluation, la mention « Satisfaisant avec commentaires ».

8        Le 5 mai 2021, la requérante a engagé la procédure d’appel interne au titre de l’article 7 de la décision MB 2015/15 du conseil d’administration de l’ENISA adoptant les règles de mise en œuvre du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après la « décision MB 2015/15 »), afin de contester certains commentaires formulés dans les sections « B.1 – Rendement » et « B.3 – Conduite » de la première version du REC 2020.

9        Par la décision ED 51/2021, du 15 juin 2021, le directeur exécutif de l’ENISA, après avoir reçu la requérante en entretien, a rejeté l’appel interne mentionné au point 8 ci-dessus et confirmé les commentaires que la requérante avait contestés dans le cadre de ladite procédure (ci-après la « décision ED 51/2021 »).

10      Le 2 septembre 2021, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), à l’encontre de la première version du REC 2020 et de la décision ED 51/2021.

11      Le 7 octobre 2021, la requérante a démissionné de l’ENISA, avec effet au 15 novembre 2021, et a ensuite été recrutée par une organisation internationale.

12      Par la décision ED 74/2021, du 26 octobre 2021, le directeur exécutif de l’ENISA a retiré la décision ED 51/2021 et a recommencé la procédure d’évaluation (ci-après la « décision ED 74/2021 »).

13      Le 22 décembre 2021, l’évaluatrice a communiqué à la requérante la deuxième version du REC 2020, laquelle comportait, comme conclusion générale de l’évaluation, la mention « Satisfaisant avec commentaires ».

14      Le 6 janvier 2022, la requérante a engagé la procédure d’appel interne au titre de l’article 7 de la décision MB 2015/15 à l’encontre de la deuxième version du REC 2020.

15      Par décision ED 8/2022, du 3 février 2022, notifiée à la requérante le 4 février 2022, le directeur exécutif de l’ENISA a, en sa qualité de notateur d’appel, modifié la deuxième version du REC 2020 en supprimant certains commentaires du rapport et en adoptant la conclusion générale « Satisfaisant sans commentaires ».

16      Le 28 avril 2022, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut à l’encontre de la décision ED 8/2022 et de la deuxième version du REC 2020 qui, à cette date, figurait encore dans l’application informatique de gestion des ressources humaines Sysper.

17      Le 12 mai 2022, l’ENISA a communiqué à la requérante la troisième version du REC 2020 résultant de la décision ED 8/2022, laquelle contenait, dans les sections « B.1 – Rendement », « B.2 – Compétence » et « B.3 – Conduite », les commentaires contestés.

18      Le 26 août 2022, l’ENISA a adopté la décision MB/2022/09 rejetant la réclamation introduite par la requérante le 28 avril 2022 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement les actes attaqués ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner l’ENISA à la réparation de son préjudice moral ;

–        condamner l’ENISA aux dépens.

20      L’ENISA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

21      Selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 19 octobre 2022, JS/CRU, T‑271/20, non publié, EU:T:2022:652, point 24 et jurisprudence citée).

22      En l’espèce, il convient d’observer que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer, en substance, les actes attaqués, sans avoir une portée différente. Par conséquent, le recours en annulation doit être considéré comme étant dirigé contre les actes attaqués.

 Sur la recevabilité

 Sur les conclusions en annulation

23      En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond.

24      En l’espèce, par acte séparé, l’ENISA excipe de l’irrecevabilité du présent recours au motif que la requérante ne justifie pas d’un intérêt à agir en raison, premièrement, de sa démission de l’ENISA et, deuxièmement, du fait que la deuxième version du REC 2020 a été remplacée par la troisième version du REC 2020, à l’encontre de laquelle la requérante n’aurait introduit ni une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut ni un recours en annulation.

25      En outre, en vertu de l’article 129 du règlement de procédure, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal peut, à tout moment, d’office, les parties principales entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée sur les fins de non-recevoir d’ordre public.

26      En l’espèce, le Tribunal, après avoir entendu les parties par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

27      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que les institutions, les organes et les organismes de l’Union ont une obligation particulière de transparence quant à l’évaluation et à la notation de leurs agents, dont le respect est assuré par la procédure formelle établie à l’article 43 du statut, cette disposition étant applicable par analogie aux agents temporaires, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 41).

28      À ce titre, le REC est un document essentiel dans l’évaluation des personnels employés par les institutions, les organes et les organismes de l’Union, puisqu’il permet d’établir une évaluation de la compétence, du rendement et de la conduite d’un fonctionnaire ou d’un agent, comme le mentionne l’article 43 du statut (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 42).

29      En outre, le REC constitue un jugement de valeur porté par ses supérieurs hiérarchiques sur la manière dont le fonctionnaire ou l’agent évalué s’est acquitté des tâches qui lui ont été confiées et sur son comportement dans le service durant la période concernée (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 43).

30      En effet, il convient de relever que le REC, indépendamment de son utilité future, constitue une preuve écrite et formelle quant à la qualité du travail accompli par le fonctionnaire ou l’agent évalué. Une telle évaluation n’est pas purement descriptive des tâches effectuées pendant la période concernée, mais comporte aussi une appréciation des qualités humaines que la personne notée a montrées dans l’exercice de son activité professionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 44).

31      Dès lors, chaque fonctionnaire dispose d’un droit à ce que son travail soit sanctionné par une évaluation établie de manière juste et équitable. Par conséquent, conformément au droit à une protection juridictionnelle effective, un fonctionnaire ou un agent doit se voir reconnaître le droit de contester un REC le concernant en raison de son contenu ou parce qu’il n’a pas été établi selon les règles statutaires ou spéciales qui lui sont applicables (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Gordon/Commission, C‑198/07 P, EU:C:2008:761, point 45).

32      Pour autant, le droit de contester un REC ne constitue pas une prérogative absolue et ne saurait permettre au Tribunal de déroger à l’application stricte des règles de recevabilité des recours, lesquelles répondent à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, en ce sens, ordonnance du 29 novembre 2017, Società agricola Taboga Leandro e Fidenato Giorgio/Parlement et Conseil, C‑467/17 P, non publiée, EU:C:2017:916, point 19 et jurisprudence citée).

33      Au nombre de ces règles de recevabilité, figure, notamment, celle selon laquelle l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte. La Cour a itérativement jugé qu’il n’était pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci. En ce qui concerne la vérification du caractère détachable des dispositions contestées, celle-ci suppose l’examen de la portée desdites dispositions, afin de pouvoir évaluer si leur annulation modifierait l’esprit et la substance de la décision dont l’annulation est sollicitée (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Conseil, C‑425/13, EU:C:2015:483, point 94 et jurisprudence citée).

34      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante demande l’annulation partielle de la troisième version de son REC 2020, résultant de la décision ED 8/2022, en ce que ladite version contient les commentaires contestés dans les sections « B.1 – Rendement », « B.2 – Compétence » et « B.3 – Conduite ».

35      Ainsi, dans la mesure où le Tribunal est saisi de conclusions tendant non à l’annulation intégrale des actes attaqués, mais à l’annulation partielle de ces actes, il convient de vérifier si une telle annulation partielle est possible.

36      À cet égard, premièrement, il résulte de l’article 43 du statut et des principes jurisprudentiels rappelés aux points 27 à 30 ci-dessus que le REC vise à établir une évaluation de la compétence, du rendement et de la conduite du fonctionnaire ou de l’agent évalué.

37      Ainsi, si un REC comporte habituellement plusieurs rubriques, les différentes parties de ce document ont pour but de permettre à l’autorité hiérarchique d’apprécier de la manière la plus exhaustive et objective possible les prestations et les qualités humaines que la personne évaluée a manifestées dans l’exercice de son activité professionnelle pendant la période concernée.

38      À cet égard, l’évaluation de la compétence, du rendement et de la conduite du fonctionnaire ou de l’agent évalué, qui résulte des différentes rubriques du REC, est en principe synthétisée dans une appréciation ou une conclusion générale dont ces rubriques sont solidaires et avec lesquelles cette appréciation ou cette conclusion doit être cohérente.

39      Deuxièmement, il convient de relever que, en l’espèce, les règles présidant à l’établissement du contenu des REC des titulaires de postes au sein de l’ENISA reflètent le constat général effectué aux points 36 à 38 ci-dessus.

40      En effet, l’article 2, paragraphe 2, de la décision MB 2015/15 prévoit que « [c]haque rapport comprend une évaluation qualitative individuelle du rendement, de la compétence et de la conduite du titulaire du poste dans le service [ ; l]e rapport portera sur l’ensemble des activités professionnelles du titulaire du poste ». Selon le paragraphe 3 du même article, « [c]haque rapport comprend également une conclusion indiquant si la performance du titulaire du poste a été satisfaisante […] ».

41      Ainsi, il ressort de la troisième version du REC 2020 que ce document contient les six parties suivantes : « A. Auto-évaluation du titulaire du poste/membre du personnel », « B. Évaluation du rendement, de la compétence et de la conduite », « C. Évaluation globale », « D. Apprentissage et développement », « E. Objectifs futurs » et « F. Commentaires sur le rapport ». Les différentes appréciations contenues dans ces parties sont synthétisées dans la conclusion finale « Satisfaisant sans commentaires », laquelle signifie, selon l’information administrative 1/2021, que tous les objectifs ont été pleinement atteints et que le titulaire du poste a démontré une utilisation exceptionnelle de toutes les compétences pertinentes pour le rôle qui lui est dévolu.

42      Par ailleurs, il y a lieu de constater, d’une part, que l’article 5 de la décision MB 2015/15 prévoit que « [l]’évaluation qualitative individuelle doit se fonder sur la compétence, le rendement et la conduite dans le service du titulaire du poste, en tenant compte du contexte dans lequel le titulaire du poste exerce ses fonctions […] ». D’autre part, le considérant 4 de la décision MB 2015/15 dispose que « [l]e système d’évaluation du personnel de l’ENISA vise à fournir un retour régulier et formel afin d’améliorer les prestations et de contribuer au développement de carrière futur ».

43      À cet égard, il y a lieu de relever que les commentaires contestés contribuent à la compréhension du contexte dans lequel la requérante exerçait ses fonctions, au sens de l’article 5 de la décision MB/2015/15, et visent, conformément au considérant 4 de la décision MB/2015/15, à améliorer ses prestations.

44      Dès lors, force est de constater que les commentaires que la requérante cherche à contester isolément sont indissociables des autres éléments contenus dans la troisième version du REC 2020.

45      En particulier, les commentaires contestés font partie intégrante de l’évaluation qualitative de la performance globale de la requérante en tant que titulaire du poste concerné pour l’année 2020.

46      Compte tenu du lien indissociable entre les commentaires contestés et les autres éléments contenus dans les actes attaqués, l’annulation desdits commentaires modifierait l’esprit et la substance desdits actes au sens de la jurisprudence citée au point 33 ci-dessus.

47      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, dans l’éventualité où l’annulation partielle de l’acte attaqué n’est pas possible, le recours doit être rejeté comme étant irrecevable, le Tribunal ne pouvant prononcer l’annulation d’un acte dans son entièreté s’il a seulement été saisi d’une demande d’annulation partielle, sauf à statuer ultra petita (voir ordonnance du 24 octobre 2019, Liaño Reig/CRU, T‑557/17, non publiée, EU:T:2019:771, point 26 et jurisprudence citée).

48      Il s’ensuit que, dans la mesure où les commentaires contestés ne sont pas détachables de la troisième version du REC 2020 et où l’annulation partielle des actes attaqués n’est pas possible, le recours doit être rejeté comme irrecevable, le Tribunal ne pouvant prononcer l’annulation des actes attaqués dans leur ensemble, dès lors qu’il a seulement été saisi d’une demande d’annulation partielle, sauf à statuer ultra petita.

49      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, si les conclusions étaient interprétées comme tendant à l’annulation des actes attaqués dans leur ensemble, elles n’en seraient pas moins irrecevables, lesdits actes ne pouvant être considérés comme faisant grief à la requérante.

50      En effet, il y a lieu de rappeler que seuls font grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, les actes ou les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts d’une partie requérante en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celle-ci (voir arrêt du 18 juin 2020, Commission/RQ, C‑831/18 P, EU:C:2020:481, point 44 et jurisprudence citée).

51      Selon une jurisprudence constante, certains actes, même s’ils n’affectent pas les intérêts matériels et le rang du fonctionnaire ou de l’agent, peuvent être considérés comme des actes faisant grief s’ils portent atteinte aux intérêts moraux ou aux perspectives d’avenir de l’intéressé (voir ordonnance du 4 mars 2022, KI/eu-LISA, T‑338/20, non publiée, EU:T:2022:130, point 37 et jurisprudence citée).

52      Or, en l’espèce, il convient de relever que la troisième version du REC 2020 comprend une évaluation qualitative individuelle du rendement, de la compétence et de la conduite de la requérante, sur la base de laquelle elle aboutit à la conclusion finale que la performance de la requérante pour l’année 2020 était « Satisfaisant[e] sans commentaires », ce qui signifie que la requérante a obtenu la meilleure notation possible selon l’échelle d’évaluation de l’ENISA telle que décrite au point 6 ci-dessus.

53      Ainsi, même à supposer que le Tribunal puisse constater l’illégalité de certaines appréciations contenues dans les actes attaqués, ce constat d’illégalité demeurerait sans incidence sur la conclusion finale qui est rappelée au point 52 ci-dessus et qui est la plus favorable à la requérante.

54      En outre, il ne ressort pas des commentaires dont la requérante demande l’annulation que leur contenu comporte à son égard des critiques d’ordre personnel, indépendamment de ses compétences professionnelles ou de ses prestations, ni que ce contenu dépasse les limites d’une appréciation aussi objective que possible de son rendement, de sa compétence et de sa conduite.

55      Or, il convient de rappeler que des observations négatives adressées à un fonctionnaire ne portent pas nécessairement atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité lorsqu’elles sont formulées en des termes mesurés et ne reposent pas sur des accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 78 et jurisprudence citée).

56      Dans ces conditions, il ne ressort pas des actes attaqués qu’ils font grief à la requérante, notamment en ce qu’ils porteraient atteinte à ses intérêts moraux ou à ses perspectives d’avenir.

57      Par conséquent, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation comme irrecevables.

 Sur les conclusions indemnitaires

58      À l’appui de ses conclusions indemnitaires, la requérante demande la condamnation de l’ENISA à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral prétendument subi en raison des illégalités entachant les actes attaqués.

59      À cet égard, il convient de rappeler que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme étant irrecevables ou non fondées (voir arrêt du 19 décembre 2019, ZQ/Commission, T‑647/18, non publié, EU:T:2019:884, point 202 et jurisprudence citée).

60      En l’espèce, il y a lieu de constater que les conclusions indemnitaires présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation. En effet, d’une part, la requérante demande la réparation d’un préjudice moral qu’elle prétend avoir subi en raison des illégalités des actes attaqués. D’autre part, elle explicite le contenu dudit préjudice, mais ne se prévaut pas, au soutien de ses conclusions indemnitaires, de chefs d’illégalité qui différeraient de ceux qu’elle a exposés au soutien de ses conclusions en annulation.

61      Ainsi, les conclusions en annulation ayant été rejetées comme irrecevables, les conclusions indemnitaires doivent l’être également.

62      Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son intégralité comme étant irrecevable.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ENISA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant irrecevable.

2)      TB est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 12 juin 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

L. Truchot


*      Langue de procédure : l’anglais.