Language of document : ECLI:EU:T:2006:153

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

8 juin 2006 (*)

« Fonctionnaires – Annulation du refus d’inscription d’un candidat sur une liste de réserve d’agents temporaires – Présentation par l’intéressé d’une nouvelle épreuve orale organisée en exécution de l’arrêt d’annulation – Second refus d’inscription – Recours en annulation – Recours en indemnité »

Dans l’affaire T‑156/03,

Orlando Pérez-Díaz, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me M.‑A. Lucas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes F. Clotuche-Duvieusart et H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation du refus opposé au requérant par le comité de la procédure de sélection COM/R/A/01/1999 de l’inscrire sur la liste de réserve d’agents temporaires, à l’issue d’une nouvelle épreuve orale organisée en exécution de l’arrêt du Tribunal du 24 septembre 2002, Pérez‑Díaz/Commission (T‑102/01, RecFP p. I‑A‑165 et II‑871), et, d’autre part, une demande d’indemnisation du dommage censé procéder de l’illégalité de ce refus,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge : M. H. Legal,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 février 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1       La Commission a publié l’avis de sélection COM/R/A/01/1999 en vue de la constitution d’une réserve de recrutement d’agents temporaires rémunérés sur les crédits de recherche. Devaient être inscrits sur la liste de réserve du domaine E (« Aspects politiques, réglementaires et socio-économiques de la recherche et du développement technologique ») les candidats ayant obtenu les soixante meilleures notes, pour autant qu’ils aient obtenu le minimum requis pour chaque épreuve.

2       Le requérant a été informé que le comité de sélection (ci-après le « comité ») n’avait pas été en mesure de l’inscrire sur la liste de réserve en raison de l’insuffisance de ses résultats, inférieurs aux 144 points attribués au dernier des soixante lauréats.

3       Le Tribunal a annulé ce refus d’inscription (arrêt du 24 septembre 2002, Pérez-Díaz/Commission, T‑102/01, RecFP p. I‑A‑165 et II‑871), ainsi que ceux opposés à deux autres candidates évincées (arrêts du 24 septembre 2002, Sabbag/Commission, T‑113/01, et Bachotet/Commission, T‑182/01, non publiés au Recueil).

4       D’une part, le Tribunal a considéré que le niveau intermédiaire des connaissances de l’espagnol parlé par l’un des examinateurs, associé au défaut de connaissance de cette langue par les deux autres, n’avait pas pu permettre au comité de procéder à une évaluation collégiale et suffisamment objective des connaissances techniques exprimées par les requérants en espagnol, seconde langue communautaire choisie par les intéressés dans leur acte de candidature (arrêts Pérez-Díaz/Commission et Sabbag/Commission, précités).

5       D’autre part, le Tribunal a constaté qu’il apparaissait à la lecture de la liste de présence des huit membres du comité que celui-ci avait siégé, pour évaluer les prestations orales des candidats, en plus de vingt formations différentes, constituées de trois, de quatre, voire de cinq membres, selon le cas, et qu’aucun examinateur n’avait participé à l’ensemble de ces épreuves. En outre, il n’apparaissait pas, a poursuivi le Tribunal, que les résultats des épreuves orales eussent fait l’objet d’une péréquation ou d’une concertation entre les huit membres du comité au terme des épreuves, alors que la coordination incombant normalement au président du comité n’avait pu être pleinement assurée en raison du choix d’un système de coprésidence et que les auditions s’étaient étalées sur plusieurs semaines (arrêts Sabbag/Commission et Bachotet/Commission, précités).

6       Par lettre du 5 novembre 2002, la présidence du comité a informé M. Pérez-Díaz qu’il serait soumis à une nouvelle épreuve orale et l’invitait à confirmer sa participation à cette épreuve.

7       Par lettre du 21 novembre 2002, la présidence du comité a précisé au requérant que sa nouvelle audition se déroulerait selon les mêmes modalités que celles de l’épreuve orale invalidée et que les questions relatives à l’« actualité scientifique » tiendraient compte des évolutions intervenues entre-temps dans le domaine E.

8       Le nouvel examen oral du requérant a eu lieu le 10 janvier 2003 devant un comité composé de quatre personnes.

9       Par lettre du 21 janvier 2003, la présidence du comité a informé le requérant que le total des points qu’il avait obtenus à l’issue de cette nouvelle épreuve, soit 141/200, ne permettait pas de l’inscrire sur la liste de réserve.

10     Le requérant a introduit, le 10 février 2003, une réclamation contre la décision, contenue dans la lettre du 5 novembre 2002, d’organiser une nouvelle audition. Il a soutenu que les irrégularités de la procédure de sélection initiale sanctionnées par le Tribunal avaient rendu impossible une comparaison objective de ses nouveaux résultats avec les prestations des soixante lauréats. Seules l’annulation et la réorganisation de l’ensemble de la procédure de sélection auraient été de nature à assurer l’égalité de traitement des candidats.

11     La Commission a rejeté cette réclamation par décision du 3 juillet 2003, que le requérant n’a pas déférée à la censure du Tribunal.

 Procédure et conclusions des parties

12     Entre-temps, le requérant avait introduit, par requête déposée le 30 avril 2003, un recours visant, d’une part, à l’annulation de la décision du comité du 21 janvier 2003 de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve et, d’autre part, à l’indemnisation du préjudice moral et de carrière censé procéder de l’illégalité de cette décision.

13     Le Tribunal a estimé, conformément à l’article 47 de son règlement de procédure, qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire, le contenu du dossier étant suffisamment complet pour permettre aux parties de développer leur argumentation au cours de la procédure orale.

14     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale, sans ordonner de mesures d’instruction ou d’organisation de la procédure.

15     Sur le fondement de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 51 du règlement de procédure, la quatrième chambre a décidé, les parties entendues, la dévolution de l’affaire à M. H. Legal, siégeant en qualité de juge unique.

16     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 15 février 2006.

17     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision du comité du 21 janvier 2003 de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve ;

–       condamner la Commission à lui payer, en réparation du préjudice moral et de carrière qu’il a subi en raison de l’illégalité du refus d’inscription contesté, des dommages et intérêts dont le Tribunal appréciera le montant ;

–       condamner la Commission aux dépens.

18     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur la recevabilité du recours

 Arguments des parties

19     La Commission fait valoir que, comme M. Pérez-Díaz le souligne lui-même au point 40 de sa requête, il existe un lien étroit entre la réclamation du 10 janvier 2003 et le refus d’inscription attaqué, lequel constituerait donc l’objet de cette réclamation au même titre que la décision du 5 novembre 2002 d’organiser une nouvelle épreuve orale.

20     Le refus d’inscription étant visé à la fois par la réclamation et par le présent recours, celui-ci serait prématuré pour avoir été déposé avant la notification de la décision rejetant la réclamation et, partant, irrecevable.

21     La demande indemnitaire, étroitement liée à la demande d’annulation, serait elle aussi irrecevable (arrêt du Tribunal du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, RecFP p. I‑A‑239 et II‑745, point 166).

22     Au cours de l’audience de plaidoiries, le requérant a objecté en substance que sa réclamation du 10 février 2003 avait pour seul objet la décision du 5 novembre 2002 de le soumettre à une nouvelle audition, à l’exclusion du refus d’inscription entrepris par le présent recours.

 Appréciation du Tribunal

23     Le requérant est recevable à contester directement devant le Tribunal le refus d’inscription sur la liste des lauréats qui lui a été opposé, sans être tenu d’introduire au préalable une réclamation administrative : la voie de recours dont disposent les candidats à l’encontre d’une décision d’un jury de concours ou, comme en l’occurrence, du comité, consiste normalement en une saisine directe du juge communautaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 19 mai 1983, Mavridis/Parlement, 289/81, Rec. p. 1731, point 11).

24     Dans un tel cas, l’introduction d’une réclamation administrative est, en effet, dépourvue d’utilité, puisque l’institution n’a pas le pouvoir d’annuler ou de modifier les décisions de refus d’inscription de candidats sur une liste de réserve (arrêt du Tribunal du 23 janvier 2002, Gonçalves/Parlement, T‑386/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑55, point 34).

25     Le présent recours a été déposé le 30 avril 2003, soit dans le délai de recours contentieux de trois mois, majoré du délai de distance de 10 jours, à compter du 24 janvier 2003, date, non contestée par la Commission, de la réception du refus d’inscription entrepris. Le recours est donc recevable, pour autant qu’il n’ait pas été précédé d’une procédure administrative précontentieuse.

26     Il était en effet loisible à l’intéressé d’introduire tout d’abord une réclamation administrative, auquel cas la recevabilité du recours contentieux introduit ultérieurement dépend toutefois du respect de l’ensemble des contraintes procédurales qui s’attachent à la voie de la réclamation préalable (arrêt du Tribunal du 31 mai 2005, Gibault/Commission, T‑294/03, non encore publié au Recueil, point 22).

27     Ainsi, un recours en annulation introduit avant que la procédure administrative précontentieuse ouverte par l’introduction de la réclamation contre l’acte contesté ne soit close par le rejet explicite ou implicite de cette réclamation est prématuré et, partant, irrecevable en vertu de l’article 91, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), applicable aux agents temporaires en vertu de l’article 46 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ordonnance du Tribunal du 4 décembre 1991, Moat et TAO/AFI/Commission, T‑78/91, Rec. p. II‑1387, point 3).

28     Pour déterminer si tel est le cas en l’occurrence, comme l’allègue la Commission, il convient donc d’examiner si la réclamation du 10 février 2003 doit être considérée comme dirigée contre le refus d’inscription soumis à l’appréciation du Tribunal.

29     Le Conseil du requérant a présenté la réclamation en ces termes :

« J’introduis par la présente, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du [statut] une réclamation au nom de mon client contre la décision de la Commission de réorganiser pour lui une épreuve orale […] Cette décision a été notifiée à M. Pérez-Díaz par lettre du 5 novembre 2002 du président du comité de sélection, dont il a accusé réception le 8 novembre 2002.

La présente réclamation est introduite à titre conservatoire, sans préjudice de développements ultérieurs et d’une réclamation ou d’un recours direct contre les résultats de l’épreuve orale réorganisée et le refus d’inscrire le réclamant sur la liste de réserve sur base des résultats en question, qui [ont] été notifié[s] à Monsieur Pérez-Díaz par lettre du 21 janvier 2003 du président du comité de sélection. »

30     La réclamation se conclut comme suit :

« Pour les motifs indiqués ci-dessus et ceux à faire valoir dans la suite de la procédure, le réclamant conclut [à ce que] la Commission annule ou retire sa décision, notifiée par lettre du 5 novembre 2002 du président du comité de sélection, de réorganiser pour lui l’épreuve de la sélection COM/R/A/01/1999, sur base de l’arrêt du Tribunal dans l’affaire T‑102/01. Il se réserve le droit de postuler l’indemnisation du préjudice matériel et moral que la décision lui a causé et risque encore de lui causer à l’avenir. »

31     Il se déduit de ses termes mêmes, dépourvus d’ambiguïté, que la réclamation a pour seul objet la décision du 5 novembre 2002 de soumettre le requérant à une nouvelle audition, à l’exclusion du refus d’inscription présentement attaqué.

32     Cette conclusion ne peut pas être infirmée par les liens que le refus d’inscription litigieux entretient avec la décision du 5 novembre 2002, dont il constitue le prolongement. La demande d’annulation du refus d’inscription est en tout état de cause nécessairement fondée sur des moyens autonomes qui n’ont pas pu être développés dans la réclamation dirigée contre la décision du 5 novembre 2002, en raison de l’antériorité de celle-ci.

33     Est également dépourvue d’incidence l’interprétation extensive de sa réclamation à laquelle le requérant s’est lui-même livré au point 40 de sa requête. Cette tentative d’extension rétrospective de l’objet de la réclamation, uniquement motivée par le souci de l’intéressé de parer à l’éventualité que soit déclarée irrecevable son action contentieuse, ne peut en tout état de cause lier le Tribunal dans son appréciation souveraine de l’objet véritable de la réclamation. Il ne saurait en outre être sérieusement soutenu que, du fait de cette réclamation, la Commission aurait été privée de la possibilité de préparer sa défense.

34     Il s’ensuit que le présent recours en annulation ne peut être regardé comme ayant été précédé d’une réclamation administrative ni, par conséquent, comme introduit prématurément en ce qu’il aurait été formé avant la notification d’une décision rejetant cette réclamation.

35     La présente action est donc recevable en ses conclusions en annulation, de même qu’en ses conclusions en indemnisation du préjudice censé découler de l’illégalité de l’acte attaqué. Celles-ci sont, en effet, directement liées aux premières, dont elles constituent l’accessoire.

 Sur le fond

 Sur les conclusions en annulation

36     Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant développe cinq moyens. Le premier est tiré de l’insuffisance de motivation du refus d’inscription attaqué, le deuxième, de la violation des principes de restitutio in integrum et d’égalité de traitement des candidats. Dans le cadre de son troisième moyen, le requérant allègue qu’il a dû illégalement subir à nouveau les tests de l’épreuve orale initiale pourtant exempts d’irrégularités et s’exprimer sur les développements de l’actualité scientifique intervenus depuis la tenue de la session orale initiale. Le quatrième moyen est pris du défaut de connaissance suffisante de l’espagnol des membres du comité reconstitué et, le cinquième, de l’inadéquation de la composition de ce comité.

37     Il y a lieu d’examiner d’emblée le deuxième moyen, pris de la violation des principes de restitutio in integrum et d’égalité de traitement des candidats.

 Arguments des parties

38     Selon le requérant, il était par définition impossible au comité reconstitué de déterminer objectivement si sa nouvelle prestation orale permettait de le classer parmi les soixante meilleurs candidats, en raison du vice entachant le seuil d’admission de 144 points découlant de résultats invalidés par les arrêts Sabbag/Commission et Bachotet/Commission, précités.

39     Le principe de restitutio in integrum aurait donc obligé la Commission à annuler et à réorganiser l’ensemble de la procédure de sélection, seule solution apte à garantir l’égalité de traitement et l’objectivité de la sélection des candidats, sauf à accorder, en raison des difficultés pratiques d’une telle option, une réparation équitable au requérant.

40     La Commission estime avoir adopté la seule solution permettant de garantir l’égalité de traitement entre le requérant et les autres candidats, en conformité avec les arrêts Sabbag/Commission et Bachotet/Commission, précités, tout en sauvegardant la confiance légitime des lauréats de la sélection.

41     La Commission déduit de ces deux arrêts que le comité n’avait pas garanti l’application cohérente des critères d’évaluation à tous les candidats en assurant la stabilité de sa composition et qu’il n’était pas établi que les résultats de l’épreuve orale aient fait l’objet d’une péréquation.

42     En jugeant que l’évaluation comparative des candidats n’avait pas pu être assurée, le Tribunal aurait sanctionné le défaut de cohérence dans l’application des critères de sélection plutôt que la différence de ceux-ci. Le Tribunal n’aurait pas davantage retenu l’invalidité du seuil d’admission de 144 points, sinon, il aurait omis de s’y référer dans ses arrêts d’annulation.

43     L’inégalité de traitement constatée ayant affecté le refus d’inscription opposé au requérant, la Commission aurait adopté les seules mesures susceptibles d’offrir aux candidats exclus les mêmes conditions de participation à l’épreuve orale de sélection. La nouvelle audition aurait fait l’objet, de la part du comité reconstitué dans sa formation comprenant les deux coprésidents et les deux membres titulaires, d’un examen comparatif avec les prestations d’un grand nombre de candidats initialement examinés. Les critères retenus pour la nouvelle session orale auraient été identiques à ceux de la première.

44     Le Tribunal ne se serait nullement exprimé sur la régularité d’un nouvel examen oral en présence de la formation plénière du comité. Il n’aurait pas été nécessaire, pour protéger adéquatement les droits du requérant, de réorganiser l’ensemble de la procédure de sélection. Il aurait suffi de rouvrir la procédure de sélection à son égard, sans qu’il soit besoin d’en remettre en cause l’ensemble des résultats ou d’annuler les nominations intervenues, ce qui aurait été contraire à la confiance légitime des lauréats.

 Appréciation du Tribunal

45     Bien qu’il n’ait pas critiqué, dans son recours enregistré sous le numéro T‑102/01, la fluctuation de la composition du comité, mais l’insuffisance des connaissances en espagnol de ses membres, M. Pérez-Díaz est néanmoins recevable à prétendre au bénéfice des effets de l’annulation des refus d’inscription prononcée par les arrêts Sabbag/Commission et Bachotet/Commission, précités.

46     En exerçant, conformément à l’article 233 CE, son pouvoir d’appréciation dans l’adoption des mesures d’exécution d’un arrêt d’annulation, l’institution auteur de l’acte annulé doit respecter tant les dispositions du droit communautaire que les motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt exécuté (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1997, Apostolidis e.a./Commission, T‑81/96, RecFP p. I‑A‑207 et II‑607, point 63).

47     En exécutant l’arrêt Pérez-Díaz/Commission, précité, la Commission était donc tenue de purger le vice ayant entaché l’examen comparatif des mérites de l’ensemble des candidats en raison de la fluctuation de la composition du comité et de l’étalement des auditions sur plusieurs semaines. L’institution se devait ainsi de corriger la rupture d’égalité de traitement dont les trois requérants avaient été ainsi indifféremment victimes, compte tenu de l’indivisibilité inhérente au jugement porté par les examinateurs sur les prestations de l’ensemble des candidats présents lors de la session orale initiale.

48     D’ailleurs, la Commission a elle-même relevé, au point 71 du mémoire en défense et à l’audience, qu’elle ne pouvait, en exécutant l’arrêt Pérez-Díaz/Commission, précité, ignorer les arrêts Sabbag/Commission, précité (point 50), et Bachotet/Commission, précité (point 32), selon lesquels le comité n’avait pas été en mesure d’assurer l’égalité de traitement de tous les candidats auditionnés.

49     Aussi le requérant est-il recevable à soutenir que, en raison de l’invalidité des résultats de l’épreuve orale initiale constatée par les arrêts Sabbag/Commission et Bachotet/Commission, précités, le comité reconstitué se trouvait dans l’impossibilité de déterminer objectivement si sa nouvelle prestation orale permettait de le classer parmi les soixante meilleurs candidats.

50     Sur le fond, le Tribunal rappelle que ce sont les motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif d’un arrêt d’annulation qui font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (arrêt du Tribunal du 2 février 1995, Frederiksen/Parlement, T‑106/92, RecFP p. I‑A‑29 et II‑99, point 31).

51     Cette institution a donc le devoir d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé ne soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans les motifs de l’arrêt d’annulation (arrêt Frederiksen/Parlement, précité, point 32).

52     Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 5 ci-dessus, le Tribunal a, dans ses arrêts Sabbag/Commission et Bachotet/Commission, précités, relevé que le comité n’avait pas été en mesure d’assurer l’égalité de traitement des candidats auditionnés, en raison de l’instabilité de sa composition, laquelle avait rendu impossible, compte tenu notamment de la longueur de la période sur laquelle s’étaient échelonnés les entretiens, une appréciation comparative utile de ces candidats.

53     Ainsi, c’est l’évaluation comparative des mérites de l’ensemble des candidats ayant subi les épreuves orales qui a été viciée par la fluctuation de la composition du jury et l’étalement des auditions sur plusieurs semaines.

54     La circonstance que le dispositif des arrêts Sabbag/Commission et Bachotet/Commission, précités, n’a annulé le résultat de la procédure de sélection que pour autant qu’il emportait refus d’inscription des requérants sur la liste de réserve, et non pour le surplus, s’explique exclusivement par le fait qu’il n’appartenait pas au Tribunal de statuer au-delà des conclusions dont il était saisi et non par une quelconque validation du résultat des épreuves initiales dont les motifs des arrêts établissaient sans ambiguïté qu’elles étaient globalement irrégulières.

55     Est à cet égard erronée la prémisse de la Commission selon laquelle ces deux arrêts auraient « validé » le seuil de 144 points dont l’obtention conditionnait l’inscription des candidats sur la liste de réserve.

56     Dans ses arrêts d’annulation, le Tribunal ne s’est référé à ce seuil que pour souligner, à titre surabondant, le faible écart séparant celui-ci du nombre de points obtenus par les requérants à l’issue des épreuves de la sélection initiale et, par conséquent, la forte probabilité que la violation de l’égalité de traitement constatée ait été effectivement la cause déterminante de l’éviction des intéressés.

57     Dans ces conditions, la Commission ne pouvait légalement, pour donner aux arrêts d’annulation précités une exécution conforme aux exigences de l’article 233 CE, rouvrir au bénéfice des candidats exclus la procédure de sélection censurée, en reproduisant à leur intention les conditions de déroulement de l’épreuve orale initiale et en comparant leurs résultats à ceux du dernier candidat admis dans ce cadre. En effet, si les mérites des candidats n’ont pu être comparés utilement lors de la première procédure de sélection, il était a fortiori impossible de rétablir l’égalité de traitement en cherchant à rapprocher les performances des candidats auditionnés à nouveau, à plus de deux ans d’intervalle, de celles des lauréats d’une procédure viciée dès l’origine.

58     Or, au lieu de réorganiser l’épreuve orale en éliminant les vices constatés par le Tribunal, la Commission a choisi de comparer le total des points obtenus par le requérant à l’issue de la nouvelle audition au total des points attribués au dernier candidat inscrit sur la liste de réserve dressée au terme d’une procédure de sélection irrégulière.

59     Ce faisant, la Commission a non seulement omis de corriger les vices initiaux sanctionnés par le Tribunal, mais les a encore aggravés en auditionnant le requérant plus de deux ans après la clôture de la session invalidée, ce délai fût-il incompressible, et en comparant les nouveaux résultats de l’intéressé à un seuil d’admission qu’elle ne pouvait plus légalement prendre en considération.

60     Il s’ensuit que les modalités d’organisation de la nouvelle épreuve orale à laquelle M. Pérez-Díaz a été soumis méconnaissent l’autorité de chose jugée s’attachant aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif des arrêts Sabbag/Commission et Bachotet/Commission, précités.

61     C’est à tort que la Commission soutient avoir adopté la seule solution possible. Non seulement l’institution n’était pas tenue de considérer la nouvelle épreuve orale comme s’insérant dans l’ancienne procédure de sélection, mais cela lui était même interdit en l’occurrence.

62     Certes, la Commission ne pouvait, au lendemain du prononcé des arrêts d’annulation, soit plus de deux ans après l’établissement de la liste de réserve, retirer les décisions individuelles d’inscription des lauréats ainsi que les éventuelles nominations d’ores et déjà intervenues, pour diligenter ensuite une nouvelle procédure de sélection portant sur l’ensemble des candidats (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 juillet 1957, Algera e.a./Assemblée commune de la CECA, 7/56 et 3/57 à 7/57, Rec. p. 81, 116).

63     Le Tribunal relève néanmoins, encore qu’il ne lui appartienne pas de se substituer à la Commission pour déterminer les mesures concrètes d’exécution d’un arrêt d’annulation, qu’il restait loisible à la Commission de soumettre le requérant à une procédure de sélection spécifique autonome ou de convenir avec l’intéressé d’une solution équitable aux problèmes soulevés par son éviction illégale de la procédure de sélection initiale.

64     En particulier, lorsque l’exécution de l’arrêt d’annulation présente, comme en l’espèce, des difficultés particulières, l’institution peut en effet satisfaire à l’obligation découlant de l’article 233 CE en prenant toute décision de nature à compenser équitablement un désavantage subi par un requérant en raison de l’illégalité de l’acte annulé. Dans ce contexte, l’institution peut également établir un dialogue avec l’intéressé en vue de chercher à parvenir à un accord lui offrant une compensation équitable de l’illégalité dont il a été victime (arrêt du Tribunal du 26 juin 1996, De Nil et Impens/Conseil, T‑91/95, RecFP p. I‑A‑327 et II‑959, point 34).

65     Il y a donc lieu d’accueillir le moyen tiré de la violation des principes de restitutio in integrum et d’égalité de traitement des candidats et d’annuler le refus d’inscription attaqué, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens articulés par le requérant au soutien de ses conclusions en annulation.

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

66     Le requérant allègue que les illégalités dénoncées constituent des fautes de service qui lui ont causé un préjudice matériel et moral.

67     Le requérant aurait subi un préjudice de carrière consistant en une perte de chance de recrutement ou d’engagement plus rapide en tant qu’agent temporaire. Le requérant s’en remet à la sagesse du Tribunal pour évaluer ce préjudice ex aequo et bono.

68     La frustration, le découragement et l’incertitude pour l’avenir qu’aurait ressentis le requérant constitueraient un préjudice moral non susceptible d’être réparé par la simple annulation du refus d’inscription attaqué.

69     La Commission estime n’avoir commis aucune illégalité ni, par conséquent, aucune faute de service de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

70     En outre, la défenderesse ne pourrait pas être responsable d’un préjudice moral et matériel lié en réalité à l’échec du requérant à l’épreuve orale.

71     Quoi qu’il en soit, l’importance du préjudice matériel qu’aurait subi le requérant ne pourrait être assimilée qu’à la perte d’une chance de figurer sur la liste de réserve.

 Appréciation du Tribunal

72     L’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour actes illicites de ses organes suppose réunies un ensemble de conditions cumulatives relatives à l’illégalité du comportement reproché à l’institution défenderesse, à la réalité du dommage allégué et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement critiqué et le préjudice invoqué (arrêt du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, point 72, et ordonnance du Tribunal du 24 avril 2001, Pierard/Commission, T‑172/00, RecFP p. I‑A‑91 et II‑429, point 34).

73     Le Tribunal retient que la succession des deux refus d’inscription illégalement opposés au requérant constitue une faute de service de nature à engager, à son égard, la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

74     Toutefois, même dans l’hypothèse où une faute d’une institution est établie, la responsabilité de la Communauté ne peut être effectivement engagée qu’une fois établies la réalité et la consistance du préjudice (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Stott/Commission, T‑99/95, Rec. p. II‑2227, point 72).

75     Or, en l’état, le Tribunal n’est en mesure d’apprécier ni la réalité ni la consistance des chefs de préjudice allégués, dès lors que la Commission doit encore adopter les mesures d’exécution du présent arrêt d’annulation, conformément aux dispositions de l’article 233 CE.

76     Pour autant que les parties ne puissent convenir d’une solution amiable de leur différend, le Tribunal ne sera en effet à même d’allouer, le cas échéant, une indemnité au requérant, qu’une fois connue l’issue définitive réservée à sa demande d’inscription sur une liste de réserve, par exemple, à l’issue d’une nouvelle procédure de sélection adaptée à la spécificité de son cas et purgée des vices censurés par le Tribunal (voir, en ce sens, arrêt Stott/Commission, précité, point 72).

77     Il y a donc lieu de rejeter comme prématurées les conclusions en indemnité.

 Sur les dépens

78     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      La décision du comité de sélection, contenue dans la lettre du 21 janvier 2003 notifiée au requérant, de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve de la procédure de sélection COM/R/A/01/1999 est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission est condamnée aux dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juin 2006.

Le greffier

 

      Le juge

E. Coulon

 

      H. Legal


* Langue de procédure : le français.