Language of document : ECLI:EU:T:2020:226

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

28 mai 2020 (*) (1)

« Produits phytopharmaceutiques – Substance active oxasulfuron – Non-renouvellement de l’approbation aux fins de la mise sur le marché – Obligation de motivation – Article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux – Erreur manifeste d’appréciation – Article 6, sous f), du règlement (CE) no 1107/2009 et point 2.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 – Principe de précaution »

Dans l’affaire T‑574/18,

Agrochem-Maks d.o.o., établie à Zagreb (Croatie), représentée par Me S. Pappas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Lewis, I. Naglis et Mme G. Koleva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, H. Shev, J. Lundberg et H. Eklinder, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2018/1019 de la Commission, du 18 juillet 2018, concernant le non-renouvellement de l’approbation de la substance active oxasulfuron, conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant le règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2018, L 183, p.14),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et Mme R. Frendo, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Le règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1), est entré en vigueur le 14 juin 2011. Il a été adopté sur le fondement de l’article 37, paragraphe 2, CE (devenu, après modification, article 43, paragraphe 1, TFUE), concernant la politique agricole commune, de l’article 95 CE (devenu article 114 TFUE), concernant le rapprochement des législations ayant pour objet le marché intérieur, en matière, notamment, d’environnement, et de l’article 152, paragraphe 4, sous b), CE [devenu, après modification, article 168, paragraphe 4, sous b), TFUE], concernant la santé publique.

2        En vertu de l’article 28, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, un produit phytopharmaceutique ne peut être mis sur le marché ou utilisé que s’il a été autorisé dans l’État membre concerné conformément audit règlement.

3        Conformément à l’article 29, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1107/2009, l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique par un État membre présuppose, notamment, que ses substances actives aient été approuvées au niveau de l’Union européenne. Le demandeur est tenu de faire état, lors de l’introduction de sa demande d’autorisation d’un produit phytopharmaceutique, de toute substance entrant dans la composition de ce produit qui répond aux critères énoncés à l’article 2, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009.

4        L’article 1er du règlement no 1107/2009 indique, au paragraphe 2, que ce règlement s’applique aux substances actives que les produits phytopharmaceutiques contiennent, au paragraphe 3, qu’il vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement et, au paragraphe 4, que ses dispositions se fondent sur le principe de précaution afin d’éviter que des substances actives ou des produits mis sur le marché ne portent atteinte à la santé humaine et animale ou à l’environnement.

 Sur les critères dapprobation dune substance active fixés par le règlement no 1107/2009

5        L’article 4 du règlement no 1107/2009, intitulé « Critères d’approbation des substances actives », énonce notamment les critères suivants :

« 1.      Une substance active est approuvée conformément à l’annexe II s’il est prévisible, eu égard à l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, que, compte tenu des critères d’approbation énoncés aux points 2 et 3 de cette annexe, les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active satisfont aux conditions prévues aux paragraphes 2 et 3.

L’évaluation de la substance active vise en premier lieu à déterminer s’il est satisfait aux critères d’approbation énoncés aux points 3.6.2 à 3.6.4 et 3.7 de l’annexe II. Si tel est le cas, l’évaluation se poursuit pour déterminer s’il est satisfait aux autres critères d’approbation énoncés aux points 2 et 3 de l’annexe II.

2.      Les résidus des produits phytopharmaceutiques, résultant d’une application conforme aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d’utilisation, satisfont aux conditions suivantes :

a)      ils n’ont pas d’effet nocif sur la santé des êtres humains, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé des animaux, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets, acceptées par l’Autorité [européenne de sécurité des aliments (EFSA)], sont disponibles, ou sur les eaux souterraines ;

b)      ils n’ont pas d’effet inacceptable sur l’environnement.

Il existe des méthodes d’usage courant permettant de mesurer les résidus qui sont significatifs du point de vue toxicologique, écotoxicologique, environnemental ou de l’eau potable. Les normes analytiques doivent être généralement disponibles.

3.      Un produit phytopharmaceutique, dans des conditions d’application conformes aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d’utilisation, satisfait aux conditions suivantes :

a)      il est suffisamment efficace ;

b)      il n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine, y compris les groupes vulnérables, ou sur la santé animale, directement ou par l’intermédiaire de l’eau potable (compte tenu des substances résultant du traitement de l’eau), des denrées alimentaires, des aliments pour animaux ou de l’air, ou d’effets sur le lieu de travail ou d’autres effets indirects, compte tenu des effets cumulés et synergiques connus lorsque les méthodes d’évaluation scientifiques de ces effets, acceptées par l’[EFSA], sont disponibles ; ou sur les eaux souterraines ;

c)      il n’a aucun effet inacceptable sur les végétaux ou les produits végétaux ;

d)      il ne provoque ni souffrances ni douleurs inutiles chez les animaux vertébrés à combattre ;

e)       il n’a pas d’effet inacceptable sur l’environnement […]

4.      […]

5.      Pour l’approbation d’une substance active, les dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 sont réputées respectées s’il a été établi que tel est le cas pour une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant cette substance active.

[…] »

6        L’article 14 du règlement no 1107/2009, intitulé « Renouvellement de l’approbation », est libellé comme suit :

« 1. Sur demande, l’approbation d’une substance active est renouvelée s’il est établi qu’il est satisfait aux critères d’approbation énoncés à l’article 4.

Il est réputé avoir été satisfait à l’article 4 lorsqu’il a été établi que tel est le cas pour ce qui concerne une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant la substance active concernée.

Ce renouvellement de l’approbation peut être assorti de conditions et restrictions visées à l’article 6.

[…] »

7        L’article 6, intitulé « Conditions et restrictions », est libellé comme suit :

« L’approbation peut être subordonnée à des conditions et restrictions telles que :

[…]

f) la communication d’informations confirmatives supplémentaires aux États membres, à la Commission et à l’[EFSA], lorsque de nouvelles prescriptions sont établies durant le processus d’évaluation ou sur la base de nouvelles connaissances scientifiques et techniques. »

8        Le point 2.2 de l’annexe II du règlement no 1107/1009 est libellé comme suit :

« Communication d’informations supplémentaires

En principe, l’approbation d’une substance active, d’un phytoprotecteur ou d’un synergiste est subordonnée au dépôt d’un dossier complet.

Dans certains cas exceptionnels, l’approbation de la substance active, du phytoprotecteur ou du synergiste peut être accordée bien que certaines informations n’aient pas encore été communiquées. Cette disposition s’applique :

a) lorsque les exigences relatives aux données visées ont été modifiées ou précisées après le dépôt du dossier, ou

b) lorsque ces informations sont considérées comme étant de nature confirmative et comme requises pour accroître la confiance dans la décision. »

9        L’article 15, intitulé « Demande de renouvellement », est libellé comme suit :

« 1. La demande prévue à l’article 14 est introduite par un producteur de la substance active auprès d’un État membre et une copie de la demande est transmise aux autres États membres, à la Commission et à l’[EFSA] au plus tard trois ans avant l’expiration de l’approbation.

2. Lorsqu’il sollicite le renouvellement de l’approbation, le demandeur précise quelles données nouvelles il entend présenter et démontre qu’elles sont nécessaires, eu égard à des exigences en matière de données ou à des critères qui ne s’appliquaient [pas] lors de la dernière approbation de la substance active ou du fait que sa demande concerne une modification de l’approbation. Le demandeur fournit simultanément un calendrier de toutes les études nouvelles et en cours […] »

10      L’article 20, intitulé « Règlement portant renouvellement de l’approbation », est libellé comme suit :

« 1. Un règlement, adopté conformément à la procédure de réglementation visée à l’article 79, paragraphe 3, prévoit que :

a) l’approbation d’une substance active est renouvelée et, s’il y a lieu, assortie de conditions et de restrictions ; ou

b) l’approbation d’une substance active n’est pas renouvelée.

2) Si les raisons du non-renouvellement de l’approbation ne concernent pas la protection de la santé ou l’environnement, le règlement visé au paragraphe 1 prévoit un délai de grâce ne pouvant excéder six mois pour la vente et la distribution et un an supplémentaire pour l’élimination, le stockage et l’utilisation des stocks existants des produits phytopharmaceutiques concernés. Le délai de grâce pour la vente et la distribution tient compte de la période normale d’utilisation du produit phytopharmaceutique ; cependant, le délai de grâce total ne peut dépasser dix-huit mois.

En cas de retrait de l’approbation ou si l’approbation n’est pas renouvelée en raison de préoccupations immédiates concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement, les produits phytopharmaceutiques concernés sont immédiatement retirés du marché […] »

 Sur la procédure de renouvellement dune substance active fixée par le règlement d’exécution (UE) no 844/2012

11      Le règlement d’exécution (UE) no 844/2012 de la Commission, du 18 septembre 2012, établissant les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la procédure de renouvellement des substances actives, conformément au règlement no 1107/2009 (JO 2012, L 252, p. 26), établit les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la procédure de renouvellement. Il distingue, d’une part, les conditions de recevabilité de la demande (chapitre 1) et, d’autre part, l’évaluation de la demande (chapitre 2).

 Conditions de recevabilité

12      S’agissant des conditions de recevabilité de la demande de renouvellement, l’article 1er du règlement d’exécution no 844/2012, intitulé « Introduction de la demande », est libellé comme suit :

« 1. La demande de renouvellement de l’approbation d’une substance active est introduite par un producteur de la substance active auprès de l’État membre rapporteur […]

2. Le demandeur envoie à la Commission, aux autres États membres et à l’[EFSA] une copie de la demande, y compris les informations sur les parties de la demande pour lesquelles un traitement confidentiel a été demandé conformément au paragraphe 1. »

13      L’article 2 du règlement d’exécution no 844/2012, intitulé « Forme et contenu de la demande », est libellé comme suit :

« 1. Toute demande est présentée sous la forme indiquée à l’annexe.

2. La demande contient la liste des nouvelles informations que le demandeur entend présenter. Elle démontre que ces informations sont nécessaires, conformément à l’article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement […] no 1107/2009 […] »

14      L’article 3 du règlement d’exécution no 844/2012, intitulé « Vérification de la demande », est libellé comme suit :

« 1. Lorsque la demande a été soumise dans le délai prévu à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, et qu’elle contient tous les éléments prévus à l’article 2, l’État membre rapporteur informe, dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de la demande, le demandeur, l’État membre corapporteur, la Commission et l’[EFSA] de la date de réception de la demande et du fait que celle-ci a été soumise dans le délai prévu à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, et contient tous les éléments prévus à l’article 2.

[…]

2. Lorsque la demande a été soumise dans le délai prévu à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, mais qu’un ou plusieurs éléments prévus à l’article 2 sont manquants, l’État membre rapporteur informe le demandeur, dans un délai d’un mois à compter de la date de réception de la demande, des éléments manquants et fixe un délai de quatorze jours pour la communication de ces éléments à l’État membre rapporteur et à l’État membre corapporteur.

Si, à l’expiration de ce délai, la demande contient tous les éléments prévus à l’article 2, l’État membre rapporteur applique immédiatement les dispositions du paragraphe 1.

3. Si la demande n’a pas été soumise dans le délai prévu à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, ou si la demande ne contient toujours pas tous les éléments prévus à l’article 2 à l’expiration du délai fixé conformément au paragraphe 2 pour la communication des éléments manquants, l’État membre rapporteur informe sans délai le demandeur, l’État membre corapporteur, la Commission, les autres États membres et l’[EFSA] de l’irrecevabilité de la demande et des raisons de cette irrecevabilité […] »

15      L’article 6 du règlement d’exécution no 844/2012, intitulé « Dépôt des dossiers complémentaires », est libellé comme suit :

« 1. Lorsque l’État membre rapporteur a informé le demandeur, conformément à l’article 3, paragraphe 1, que sa demande a été soumise dans le délai prévu à l’article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, et contient tous les éléments prévus à l’article 2 [la liste des nouvelles informations que le demandeur entend présenter], le demandeur soumet les dossiers complémentaires à l’État membre rapporteur, à l’État membre corapporteur, à la Commission et à l’[EFSA] […] »

16      L’article 7, intitulé « Contenu des dossiers complémentaires », est libellé comme suit :

« 1. Le dossier complémentaire récapitulatif comprend les éléments suivants :

[…]

c) les informations relatives à une ou plusieurs utilisations représentatives, sur une culture très répandue dans chaque zone, d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant la substance active, qui démontrent que les critères d’approbation de l’article 4 du règlement […] no 1107/2009 sont respectés ; lorsque les informations présentées ne concernent pas toutes les zones ou ne portent pas sur une culture très répandue, une justification est fournie ;

d) des données et des évaluations des risques qui ne figuraient pas dans le dossier d’approbation ou les dossiers de renouvellement ultérieurs et qui sont nécessaires i) pour la prise en compte des changements intervenus dans les exigences légales depuis l’approbation ou le dernier renouvellement de l’approbation de la substance active concernée ; ii) pour la prise en compte des changements intervenus dans les connaissances scientifiques et techniques depuis l’approbation ou le dernier renouvellement de l’approbation de la substance active concernée ;

[…]

e) pour chaque point des exigences en matière de données applicables à la substance active […] ;

f) pour chaque point des exigences en matière de données applicables au produit phytopharmaceutique […] »

17      L’article 8, intitulé « Recevabilité de la demande », est libellé comme suit :

« 1. Lorsque les dossiers complémentaires ont été soumis dans le délai prévu à l’article 6, paragraphe 3, et qu’ils contiennent tous les éléments prévus à l’article 7, l’État membre rapporteur informe, dans un délai d’un mois, le demandeur, l’État membre corapporteur, la Commission et l’[EFSA] de la date de réception des dossiers complémentaires et de la recevabilité de la demande […] 

2. Lorsque les dossiers complémentaires ont été soumis dans le délai prévu à l’article 6, paragraphe 3, mais qu’un ou plusieurs éléments prévus à l’article 7 sont manquants, l’État membre rapporteur informe, dans un délai d’un mois à compter de la date de réception des dossiers complémentaires, le demandeur des éléments manquants et fixe un délai de 14 jours pour la communication de ces éléments à l’État membre rapporteur et à l’État membre corapporteur. Si, à l’expiration de ce délai, les dossiers complémentaires contiennent tous les éléments prévus à l’article 7, l’État membre rapporteur applique immédiatement les dispositions du paragraphe 1. »

 Évaluation de la demande

18      S’agissant de l’appréciation au fond de la demande, le règlement d’exécution no 844/2012 prévoit une procédure en quatre étapes dont le déroulement est fixé dans ses articles 11 à 14.

19      L’article 11 du règlement d’exécution no 844/2012, intitulé « Évaluation par l’État membre rapporteur et l’État membre corapporteur », est libellé comme suit :

« 1. Lorsque la demande est recevable conformément à l’article 8, paragraphe 1, l’État membre rapporteur, après avoir consulté l’État membre corapporteur, établit et soumet à la Commission avec copie à l’[EFSA], au plus tard douze mois après la date visée à l’article 6, paragraphe 3, un rapport évaluant s’il est permis d’escompter que la substance active satisfait aux critères d’approbation conformément à l’article 4 du règlement […] no 1107/2009, ci-après le « projet de rapport d’évaluation du renouvellement ».

2. Le projet de rapport d’évaluation du renouvellement comprend en outre les éléments suivants :

a) une recommandation au sujet du renouvellement de l’approbation ;

b) une recommandation sur la question de savoir si la substance devrait être considérée comme étant à faible risque ;

[…]

3. L’État membre rapporteur procède à une évaluation indépendante, objective et transparente, à la lumière des connaissances scientifiques et techniques actuelles. Il tient compte des dossiers complémentaires, et, le cas échéant, des dossiers soumis pour l’approbation et les renouvellements ultérieurs. »

20      L’article 12, intitulé « Observations sur le projet de rapport d’évaluation du renouvellement », est libellé comme suit :

« 1. L’[EFSA] communique au demandeur et aux autres États membres, au plus tard trente jours après l’avoir reçu, le projet de rapport d’évaluation du renouvellement que lui a transmis l’État membre rapporteur.

2. L’[EFSA] met le projet de rapport d’évaluation du renouvellement à la disposition du public […]

3. L’[EFSA] autorise la présentation d’observations écrites pendant une période de soixante jours à compter de la date à laquelle le rapport est mis à la disposition du public. Ces observations sont adressées à l’[EFSA], qui les rassemble et les transmet à la Commission en y joignant ses propres observations.

4. L’[EFSA] met les dossiers récapitulatifs complémentaires mis à jour à la disposition du public […] »

21      L’article 13, intitulé « Conclusions de l’[EFSA] », est libellé comme suit :

« 1. Dans les cinq mois suivant l’expiration du délai visé à l’article 12, paragraphe 3, l’[EFSA] adopte, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques et en utilisant les documents d’orientation en vigueur à la date de la soumission des dossiers complémentaires, des conclusions dans lesquelles elle indique s’il est permis d’escompter que la substance active satisfait aux critères d’approbation énoncés à l’article 4 du règlement […] no 1107/2009. S’il y a lieu, l’[EFSA] organise une consultation d’experts, y compris d’experts de l’État membre rapporteur et de l’État membre corapporteur. L’[EFSA] communique ses conclusions au demandeur, aux États membres et à la Commission.

[…]

3. Si l’[EFSA] considère qu’il est nécessaire que le demandeur fournisse des informations supplémentaires, elle fixe, en concertation avec l’État membre rapporteur, un délai maximal d’un mois au cours duquel le demandeur [lui] communique ces informations supplémentaires [et les communique] aux États membres [et] à la Commission. Dans les soixante jours suivant leur réception, l’État membre rapporteur évalue ces informations supplémentaires et transmet son évaluation à l’[EFSA]. »

22      L’article 14, intitulé « Rapport de renouvellement et règlement portant renouvellement de l’approbation », est libellé comme suit :

« 1. La Commission présente un rapport de renouvellement et un projet de règlement au comité visé à l’article 79, paragraphe 1, du règlement […] no 1107/2009, dans les six mois qui suivent la date de réception des conclusions de l’[EFSA] ou, en l’absence de telles conclusions, l’expiration du délai visé à l’article 12, paragraphe 3, du […] règlement [d’exécution no 844/2012].

Le rapport de renouvellement et le projet de règlement tiennent compte du projet de rapport d’évaluation du renouvellement de l’État membre rapporteur, des observations visées à l’article 12, paragraphe 3, du […] règlement [d’exécution no 844/2012] et des conclusions de l’[EFSA], si de telles conclusions ont été soumises.

La possibilité est donnée au demandeur de présenter des observations concernant le rapport de renouvellement dans un délai de quatorze jours.

2. Sur la base du rapport de renouvellement et compte tenu des observations soumises par le demandeur dans le délai visé au paragraphe 1, troisième alinéa, la Commission adopte un règlement conformément à l’article 20, paragraphe 1, du règlement […] no 1107/2009. »

 Antécédents du litige

 Procédure dévaluation

23      La requérante, Agrochem-Maks d.o.o., est une société privée familiale de droit croate. Elle exerce actuellement ses activités uniquement sur le marché croate des produits phytopharmaceutiques. Elle détient des autorisations de mise sur le marché en Croatie pour certains produits phytopharmaceutiques et en commercialise d’autres, également en Croatie, pour le compte de détenteurs d’autorisations. Elle vend lesdits produits à des grossistes et à des détaillants, qui les vendent à leur tour à des agriculteurs.

24      La requérante détient notamment une autorisation en Croatie pour le Laguna 75 WG (ci-après le « Laguna »), un herbicide anti‑dicotylédones de post-levée (utilisé après la sortie du sol de la plante) dont la substance active est l’oxasulfuron et qui est destiné à un usage sur les graines de soja. L’oxasulfuron n’est pas couramment utilisé dans l’Union et les produits phytopharmaceutiques contenant cette substance active n’ont été autorisés qu’en Italie et en Croatie. La requérante indique qu’elle sous-traite la fabrication à un producteur de produits chimiques en Chine. À cet égard, elle souligne qu’elle est le seul importateur d’oxasulfuron dans l’Union. Par l’intermédiaire de la distribution du Laguna, la requérante contrôlait, en 2017 et en 2018, la majeure partie du marché croate des herbicides pour graines de soja, avec une part de marché estimée à 54,7 % pour l’année 2017.

25      La substance active oxasulfuron, relevant de la famille des pesticides, a été inscrite à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991, L 230, p. 1), par la directive 2003/23/CE de la Commission, du 25 mars 2003, modifiant la directive 91/414, en vue d’y inscrire les substances actives imazamox, oxasulfuron, éthoxysulfuron, foramsulfuron, oxadiargyl et cyazofamid (JO 2003, L 81, p. 39), pour une durée de dix ans expirant le 30 juin 2013.

26      La directive 91/414 ayant été remplacée par le règlement no 1107/2009, les substances actives (dont l’oxasulfuron) inscrites à l’annexe I de ladite directive sont réputées approuvées en vertu du règlement no 1107/2009, conformément à l’article 78, paragraphe 3, de celui-ci. L’oxasulfuron a été répertorié à l’entrée 42 de l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission, du 25 mai 2011, portant application du règlement no 1107/2009, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO 2011, L 153, p. 1).

27      Conformément à l’article 14 du règlement no 1107/2009 et à l’article 1er du règlement d’exécution no 844/2012, la requérante a présenté une demande de renouvellement de l’approbation de la substance active oxasulfuron aux autorités compétentes de la République italienne, agissant en qualité d’État membre rapporteur désigné (ci-après l’« État membre rapporteur »), dans le délai prévu.

28      L’approbation de l’oxasulfuron, de même que celle d’autres substances, a été prolongée jusqu’au 31 juillet 2019 par le règlement d’exécution (UE) 2018/917 de la Commission, du 27 juin 2018, modifiant le règlement d’exécution no 540/2011 en ce qui concerne la prolongation de la validité de l’approbation des substances actives alpha-cyperméthrine, beflubutamide, bénalaxyl, benthiavalicarbe, bifénazate, boscalide, bromoxynil, captane, carvone, chlorprophame, cyazofamide, desmédiphame, diméthoate, diméthomorphe, diquat, éthéphon, éthoprophos, étoxazole, famoxadone, fénamidone, fénamiphos, flumioxazine, fluoxastrobine, folpet, foramsulfuron, formétanate, Gliocladium catenulatum souche – J1446, isoxaflutole, métalaxyl-M, méthiocarbe, méthoxyfénozide, métribuzine, milbémectine, oxasulfuron, Paecilomyces lilacinus – souche 251, phenmédiphame, phosmet, pirimiphos-méthyl, propamocarbe, prothioconazole, pymétrozine et S-métolachlore (JO 2018, L 163, p. 13), de sorte que l’évaluation du renouvellement a pu être finalisée sans que l’approbation expire au cours de ce délai.

29      Le 29 janvier 2016, l’État membre rapporteur et la République d’Autriche (agissant en qualité d’État membre corapporteur) ont, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012, transmis leur rapport d’évaluation du renouvellement de l’approbation de la substance active oxasulfuron à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ainsi qu’à la Commission européenne. Ce rapport concluait que les dossiers de renouvellement étaient suffisamment complets pour permettre une évaluation approfondie de l’oxasulfuron et que les informations fournies tendaient à l’acceptation du renouvellement de cette substance. Ce rapport a été transmis, conformément à l’article 12 du règlement d’exécution no 844/2012, à la requérante ainsi qu’aux États membres afin de recueillir leurs observations et une consultation publique a été lancée.

30      Le 13 juillet 2016, l’EFSA a adressé à la requérante une demande d’informations supplémentaires, conformément à l’article 13, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 844/2012.

31      Dans une période comprise entre le mois d’octobre et le mois de novembre 2016, l’État membre rapporteur a présenté un rapport révisé d’évaluation du renouvellement de l’approbation (ci-après le « rapport révisé d’évaluation ») dans lequel il a conclu que, en raison du grand nombre de lacunes dans les données, le renouvellement de l’oxasulfuron ne pouvait pas être approuvé.

32      Au mois de janvier 2017, l’EFSA a présenté le rapport d’examen par les pairs sur l’oxasulfuron, conformément à l’article 12, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 844/2012.

33      Le 30 janvier 2017, l’EFSA a adopté ses conclusions conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012, dans lesquelles elle s’est référée au rapport révisé d’évaluation. Dans ses conclusions, l’EFSA a établi une liste de lacunes dans les données fournies par la requérante. Sept points ont ainsi été considérés par l’EFSA comme « n’ayant pas pu être finalisés » (ce qui signifiait que les informations disponibles étaient considérées comme insuffisantes pour conclure que la substance active remplirait, selon toute vraisemblance, les critères d’approbation) et deux points comme comportant des « aspects suscitant de sérieuses préoccupations ».

34      Les points n’ayant pu être finalisés ont été mentionnés de la manière suivante au point 9.1 des conclusions de l’EFSA :

« 1)      L’évaluation de l’exposition globale des consommateurs ne peut pas être finalisée en raison de données non encore fournies en ce qui concerne le métabolisme et l’importance des composés pertinents dans les cultures de rotation, ainsi que l’évaluation de l’exposition des consommateurs par l’intermédiaire de l’eau potable […]

2)      L’évaluation de l’exposition des eaux souterraines ne peut pas être finalisée compte tenu de l’absence de données en ce qui concerne les métabolites MT 6, M3 et CGA 171895 (M5) […] L’évaluation, sur la base de tests de détection biologique, de l’incidence sur les eaux souterraines de l’activité herbicide d’oxetan‑3-ol (CGA 297691) n’a pas pu être finalisée […]

3)      L’évaluation des risques pour les organismes aquatiques ne peut pas être finalisée compte tenu de l’absence d’estimations d’exposition en ce qui concerne les métabolites MT 6 et CGA 171895 (M5) […]

4)      L’évaluation des risques pour les vers de terre ne peut pas être finalisée compte tenu de l’absence d’estimations d’exposition en ce qui concerne les métabolites MT 6 […]

5)      [L’évaluation du] risque pour les macro-organismes vivant dans le sol autres que les vers de terre n’a pas pu être finalisé[e] en raison de l’absence de données relatives à l’oxasulfuron et aux métabolites pertinents du sol […]

6)      [L’évaluation du] risque pour les micro-organismes vivant dans le sol n’a pas pu être finalisé[e] en ce qui concerne les métabolites pertinents du sol en raison de l’absence de données […]

7)      [L’évaluation du] risque pour les végétaux terrestres non ciblés n’a pas pu être finalisé[e] en raison de l’absence de données de toxicité en ce qui concerne la vigueur végétative […] »

35      En outre, l’EFSA a mentionné dans ses conclusions (point 9.2) les deux points suivants comme étant des « aspects suscitant de sérieuses préoccupations » :

« 8)      Le risque pour les organismes aquatiques a été considéré comme élevé pour l’un des deux scénarios FOCUS pertinents relatifs aux eaux de surface en ce qui concerne l’utilisation représentative de l’oxasulfuron […]

9)      Un risque élevé pour les vers de terre a été identifié en ce qui  concerne le métabolite saccharine (CGA 27913) […] »

36      La Commission a invité la requérante à lui faire part de ses observations sur les conclusions de l’EFSA. Conformément à l’article 14, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012, elle l’a également invitée à présenter des observations sur le projet de rapport d’évaluation du renouvellement. La requérante a présenté ses observations.

37      Tenant compte de ce qui précède, la Commission, en son comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, a finalisé, le 14 juin 2018, le rapport de renouvellement de la substance en cause. Le rapport de renouvellement énonce au point 3 intitulé « Conclusion générale au regard des exigences prévues par le règlement no 1107/2009 » que « [l]a conclusion générale de cette évaluation, basée sur les informations disponibles et les conditions d’utilisation proposées, est que les informations disponibles indiquent que les critères d’approbation tels qu’exposés à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1107/2009 ne sont pas satisfaits, dans la mesure où des aspects suscitant des préoccupations ont été identifiés ». Le rapport de renouvellement rappelle à cet égard qu’un risque considéré comme élevé a été relevé pour les organismes aquatiques pour l’un des deux scénarios FOCUS pertinents relatifs aux eaux de surface, en ce qui concerne l’utilisation représentative de l’oxasulfuron, et pour les vers de terre, en ce qui concerne le métabolite saccharine. Le rapport de renouvellement réitère par ailleurs que les informations disponibles sont insuffisantes pour satisfaire aux exigences prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1107/2009, notamment en ce qui concerne les sept points n’ayant pas pu être finalisés.

 Règlement attaqué

38      Le 18 juillet 2018, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2018/1019 concernant le non-renouvellement de l’approbation de la substance active oxasulfuron, conformément au règlement no 1107/2009, et modifiant le règlement d’exécution no 540/2011 (JO 2018, L 183, p. 14, ci-après le « règlement attaqué »).

39      Le considérant 9 du règlement attaqué énonce que « [l’EFSA] a relevé un grand nombre de lacunes dans les données, qui l’ont empêchée de parachever l’évaluation des risques dans plusieurs domaines » et que, « [e]n particulier, les informations disponibles sur l’oxasulfuron et ses métabolites n’ont pas permis de parachever l’évaluation de l’exposition globale des consommateurs, de l’exposition des eaux souterraines ainsi que du risque pour les organismes aquatiques, les vers de terre, les macro-organismes et les micro-organismes vivant dans le sol et les végétaux terrestres non ciblés ». Le considérant 13 du règlement attaqué indique qu’« [i]l n’a […] pas été établi, pour ce qui concerne une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique, que les critères d’approbation énoncés à l’article 4 du règlement […] no 1107/2009 [étaient] remplis ».

40      Le règlement attaqué conclut, en son article 1er, que l’approbation de la substance active oxasulfuron n’est pas renouvelée et, en son article 2, que, à l’annexe, partie A, du règlement d’exécution no 540/2011, l’entrée 42 relative à l’oxasulfuron est supprimée. En vertu de l’article 3 du règlement attaqué, les États membres sont tenus de retirer les autorisations pour les produits contenant de l’oxasulfuron au plus tard le 8 novembre 2018. L’article 4 du règlement attaqué prévoit un « délai de grâce » d’un an au maximum, prenant en tout état de cause fin le 8 novembre 2019 au plus tard.

 Procédure et conclusions des parties

41      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2018, la requérante a introduit le présent recours.

42      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé qu’il soit statué sur le présent recours selon une procédure accélérée, conformément aux articles 151 et 152 du règlement de procédure du Tribunal. Le 16 octobre 2018, la Commission a présenté des observations sur cette demande. Par décision du 24 octobre 2018, le Tribunal (deuxième chambre) a rejeté la demande de procédure accélérée. Conformément à l’article 154, paragraphe 2, du règlement de procédure, un délai supplémentaire d’un mois a été imparti à la Commission pour présenter le mémoire en défense.

43      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé, fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, visant à obtenir le sursis à exécution du règlement attaqué. Le président du Tribunal a rejeté, par ordonnance du 21 janvier 2019, Agrochem-Maks/Commission (T‑574/18 R, EU:T:2019:25), cette demande en référé et réservé les dépens.

44      Le 11 décembre 2018, la Commission a déposé le mémoire en défense.

45      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2018, le Royaume de Suède a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. La requérante a présenté des observations sur cette demande dans le délai imparti.

46      La requérante et la Commission ont déposé respectivement une réplique et une duplique le 30 janvier 2019 et le 5 mars 2019.

47      Par décision du 4 février 2019, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis l’intervention. Le Royaume de Suède a déposé le mémoire en intervention le 15 mars 2019. La Commission a présenté des observations sur celui-ci le 17 avril 2019.

48      Le 15 juillet 2019, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, le président du Tribunal a attribué l’affaire à un autre juge rapporteur, siégeant dans la neuvième chambre.

49      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

50      Les parties n’ayant pas demandé, dans le délai prescrit, la tenue d’une audience de plaidoiries, au titre de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Tribunal (quatrième chambre), s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier de l’affaire, a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

51      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission à ses propres dépens ainsi qu’aux frais exposés par elle-même dans le cadre de la présente procédure.

52      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

53      Le Royaume de Suède conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

54      Dans la présente affaire, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, en substance, d’une violation de l’obligation de motivation consacrée à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et d’erreurs manifestes d’appréciation, le deuxième, d’une violation de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009, du point 2.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 et du principe de proportionnalité en ce qui concerne les points relevés par l’EFSA n’ayant prétendument pas pu être finalisés, le troisième, d’une interprétation et d’une application erronées du principe de précaution en ce qui concerne lesdits points et, le quatrième, d’une violation de l’article 4 du règlement no 1107/2009 en ce qui concerne l’identification alléguée d’un risque élevé pour les organismes aquatiques.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de lobligation de motivation en vertu de larticle 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte et derreurs manifestes dappréciation

55      Le premier moyen est divisé en trois branches. Dans les deux premières branches, la requérante conteste le caractère suffisamment motivé, d’une part, et l’exactitude, d’autre part, des appréciations de la Commission quant à la constatation d’un risque élevé, respectivement, pour les organismes aquatiques et pour les vers de terre. Dans une troisième branche, la requérante soutient que la Commission a violé son obligation de motivation en ce qui concerne les points dont il est allégué qu’ils n’ont pas pu être finalisés en ce que lesdits points n’identifient aucun risque justifiant le non-renouvellement de l’oxasulfuron.

56      Même si le premier moyen est tiré, selon son intitulé, d’une « violation de l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions », il ressort de son contenu qu’il contient des arguments qui tendent à contester tant l’insuffisance de la motivation que le bien-fondé de celle-ci. Or, le moyen tiré de la violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE est un moyen distinct de celui tiré de l’erreur manifeste d’appréciation. En effet, alors que le premier, qui vise un défaut ou une insuffisance de motivation, relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public qui doit être relevé d’office par le juge de l’Union, le second, qui porte sur la légalité au fond d’une décision, relève de la violation d’une règle de droit relative à l’application du traité FUE, au sens du même article 263 TFUE, et ne peut être examiné par le juge de l’Union que s’il est invoqué par la partie requérante. L’obligation de motivation est dès lors une question distincte de celle du bien-fondé des motifs de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67). Dès lors, il convient de considérer que, en substance, le premier moyen vise tant la contestation de la motivation du règlement attaqué que celle de sa légalité au fond.

57      S’agissant de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, à laquelle l’article 6, paragraphe 1, TUE reconnaît la même valeur juridique que les traités, le droit à une bonne administration comprend notamment « l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions ».

58      En vertu de l’article 296 TFUE, les actes juridiques sont motivés. L’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien-fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (arrêt du 15 avril 2011, République tchèque/Commission, T‑465/08, EU:T:2011:186, point 162).

59      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 30 avril 2014, Hagenmeyer et Hahn/Commission, T‑17/12, EU:T:2014:234, point 173 et jurisprudence citée). S’agissant d’actes de portée générale, comme le règlement attaqué, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. À cet égard, le juge de l’Union a itérativement jugé qu’il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution (voir arrêt du 11 septembre 2018, Apimab Laboratoires e.a./Commission, T‑14/16, non publié, EU:T:2018:524, point 77 et jurisprudence citée).

60      Toutefois, il y a lieu de relever que, lorsque les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure notamment le droit de l’intéressé de voir motiver la décision de façon suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil, T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, point 175).

61      En ce qui concerne le contrôle de la légalité au fond du règlement attaqué, il convient de rappeler que, afin de pouvoir poursuivre efficacement les objectifs qui lui sont assignés par le règlement no 1107/2009, et en considération des évaluations techniques complexes qu’elle doit opérer, la Commission doit se voir reconnaître un large pouvoir d’appréciation. Cela vaut notamment pour les décisions en matière de gestion du risque qu’elle doit prendre en application dudit règlement (arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 92).

62      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 93 et jurisprudence citée).

63      S’agissant de l’appréciation par le juge de l’Union de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, il convient de préciser que, afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’examen de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans l’acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de l’acte (arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 94).

64      Toutefois, conformément à une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, EU:T:2002:209, point 171 et jurisprudence citée).

65      Il s’ensuit que l’accomplissement d’une évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible sur la base d’avis scientifiques fondés sur les principes d’excellence, de transparence et d’indépendance constitue une garantie procédurale importante en vue d’assurer l’objectivité scientifique des mesures et d’éviter la prise de mesures arbitraires (arrêt du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, EU:T:2002:209, point 172).

66      Enfin, il ressort de la formulation et de l’économie des dispositions pertinentes du règlement no 1107/2009 que c’est en principe sur l’auteur de la demande d’approbation ou de renouvellement que pèse la charge de prouver qu’il est satisfait aux conditions d’approbation de l’article 4 du règlement no 1107/2009, comme cela était expressément prévu dans la directive 91/414 (arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 86).

67      Ainsi, c’est le demandeur qui doit prouver que les conditions d’approbation sont satisfaites, afin d’obtenir l’approbation, et non la Commission qui doit prouver qu’il n’est pas satisfait aux conditions d’approbation afin de pouvoir la refuser (arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 88).

 Sur les deux premières branches du premier moyen, tirées d’une motivation insuffisante ou erronée s’agissant du constat d’un risque élevé pour les organismes aquatiques et les vers de terre

68      En premier lieu, la requérante conteste la motivation du règlement attaqué s’agissant du constat d’un risque élevé pour les organismes aquatiques et les vers de terre. La requérante soutient que le règlement attaqué ne justifie pas pourquoi, d’une part, s’agissant des organismes aquatiques, la conclusion relative à une utilisation sans risque pour un scénario, un usage et un produit n’a pas été prise en compte, mais a été écartée au profit d’un autre scénario et, d’autre part, s’agissant des vers de terre, l’EFSA s’est fondée sur des données provenant d’un autre dossier de substance active et a écarté l’avis favorable de l’État membre rapporteur qui contestait les conclusions de l’EFSA. La requérante soutient à cet égard que l’EFSA n’a pas pris en compte des données plus récentes et non contestées sur la saccharine qui étaient à sa disposition ainsi que les données de niveau supérieur relatives aux vers de terre qu’elle avait soumises dans le dossier de renouvellement du Laguna.

69      En second lieu, la requérante affirme que la constatation par l’EFSA d’un risque élevé pour les organismes aquatiques et les vers de terre est erronée. La requérante estime que l’EFSA aurait seulement dû conclure qu’elle ne pouvait pas exclure l’existence d’un risque élevé pour les plantes aquatiques et non qu’un risque élevé avait été identifié. De la même façon,  l’EFSA aurait conclu à tort qu’un risque élevé pour les vers de terre était établi en ce qui concerne le métabolite saccharine.

70      La Commission, soutenue par le Royaume de Suède, conteste cette argumentation.

71      Dans la mesure où la requérante fait valoir que la motivation s’agissant du constat d’un risque élevé pour les organismes aquatiques et les vers de terre est insuffisante et erronée, il y a lieu, d’emblée, de vérifier si le règlement attaqué intègre, dans sa motivation pour rejeter la demande de renouvellement de la requérante, le constat d’un risque élevé pour les vers de terre et les organismes aquatiques.

72      Comme cela ressort du point 59 ci-dessus, la motivation doit être appréciée au regard non seulement du libellé de l’acte attaqué, mais aussi du contexte dans lequel il a été adopté. Doit également être prise en compte la situation d’ensemble qui a conduit à l’adoption de l’acte attaqué.

73      À cet égard, il convient de relever que, s’agissant des organismes aquatiques et des vers de terre, les conclusions de l’EFSA auxquelles fait référence le considérant 9 du règlement attaqué mentionnent deux raisons pour justifier le non-renouvellement de l’approbation de l’oxasulfuron, à savoir, d’une part, au point 9.1 du rapport, le « manque de données d’estimations d’exposition [des vers de terre] au métabolite MT 6 » et le « manque de données d’estimations d’exposition [des organismes aquatiques] aux métabolites MT 6 et CGA 171895 (M5) » et, d’autre part, au point 9.2 du rapport, un risque considéré comme élevé pour les organismes aquatiques dans un des deux scénarios utilisés et un risque élevé pour les vers de terre s’agissant de leur exposition au métabolite saccharine (CGA 27913).

74      Ces deux raisons tirées de lacunes dans les données et du constat d’un risque élevé sont reprises, pour justifier le non-renouvellement de l’approbation de l’oxasulfuron, dans le rapport de renouvellement de la Commission visé aux considérants 10 à 12 du règlement attaqué.

75      Il ressort donc du contexte et de la situation d’ensemble ayant conduit à l’adoption de l’acte attaqué que la proposition de non-renouvellement de l’autorisation de l’oxasulfuron était fondée sur deux séries d’éléments s’agissant des organismes aquatiques et des vers de terre, à savoir, d’une part, l’existence de lacunes dans les données et, d’autre part, l’existence d’un risque élevé lié à l’exposition à l’oxasulfuron. Il convient de constater à cet égard que les conclusions de l’EFSA et le rapport de renouvellement qui font état de ces deux séries d’éléments sont expressément visés aux considérants 8 à 12 du règlement attaqué.

76      Toutefois, le règlement attaqué, en son considérant 9, se fonde, pour refuser le renouvellement, sur le fait que « [l’EFSA] a relevé un grand nombre de lacunes dans les données, qui l’ont empêchée de parachever l’évaluation des risques dans plusieurs domaines ». En particulier, le règlement attaqué indique que « les informations disponibles sur l’oxasulfuron et ses métabolites n’ont pas permis de parachever l’évaluation […] du risque pour les organismes aquatiques [et] les vers de terre ». En même temps, le règlement attaqué ne fait aucunement état d’un quelconque risque élevé pour les organismes aquatiques ou pour les vers de terre.

77      Il ressort donc du libellé clair du règlement attaqué que le refus de renouvellement de l’approbation de l’oxasulfuron se fonde uniquement sur les « lacunes dans les données », y compris celles relatives aux vers de terre et aux organismes aquatiques visées dans les conclusions de l’EFSA, et non sur les « risques élevés » qui y sont afférents. L’absence de mention de tels risques élevés identifiés par l’EFSA, à la suite de l’évaluation, pour les vers de terre et les organismes aquatiques ne s’explique pas par une volonté de la Commission de s’en tenir aux éléments essentiels de la motivation et conduit le Tribunal à conclure que, au contraire, lors de l’adoption du règlement attaqué, la Commission a fait le choix délibéré de ne pas fonder ce règlement sur le risque élevé relatif aux organismes aquatiques (dans l’un des deux scénarios étudiés) et aux vers de terre que mentionnent les points 35 et 37 ci-dessus.

78      C’est pour cette raison que les deux premières branches du premier moyen doivent être rejetées comme inopérantes.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation s’agissant des sept points n’ayant pas pu être finalisés

–       Sur les arguments tirés de la violation de l’obligation de motivation

79      La requérante fait valoir que, s’agissant des sept points non finalisés, le règlement attaqué ne justifie pas pourquoi la position retenue par l’État membre rapporteur et l’État membre corapporteur a été rejetée dans son intégralité alors que la position de l’EFSA a été admise sans réserves. Selon la  requérante, ce profond désaccord nécessiterait une justification explicite, exhaustive et approfondie.

80      La Commission, soutenue par le Royaume de Suède, conteste cette argumentation.

81      À cet égard, il convient de rappeler que, même si elles divergent sur certains aspects, les conclusions du rapport d’évaluation révisé de l’État membre rapporteur s’agissant des sept points non finalisés ne sont pas en « profond désaccord » avec les conclusions de l’EFSA et de la Commission, bien au contraire. En effet :

–        sur le premier point n’ayant pu être finalisé concernant l’évaluation de l’exposition globale des consommateurs, il convient de constater que, d’une part, comme le relève la requérante, l’État membre rapporteur a indiqué, dans le rapport révisé d’évaluation, qu’il « conv[enait] de fournir des informations supplémentaires concernant le métabolisme dans le cadre des cultures de rotation » et que, d’autre part, « des méthodes analytiques à des fins d’application étaient requises pour [l’évaluation de l’exposition des consommateurs par l’intermédiaire de l’eau potable] » ;

–        sur le deuxième point n’ayant pu être finalisé concernant l’exposition des eaux souterraines, l’État membre rapporteur a, contrairement à ce que soutient la requérante, considéré que  la pertinence des métabolites M3, CGA 27913 et CGA 297691 n’avait pas été prise en considération sur certains aspects et que le métabolite MT 6 avait été détecté dans le sol, mais n’avait pas été identifié et caractérisé et que, dès lors, son impact sur les eaux souterraines n’avait pas été évalué. L’État membre rapporteur a ainsi considéré qu’une attention particulière devait être accordée au risque pour les eaux souterraines ;

–        sur le troisième point n’ayant pu être finalisé concernant « les risques pour les organismes aquatiques », l’État membre rapporteur a considéré que l’évaluation du risque pour les organismes aquatiques n’avait pas été finalisée pour la substance active et les métabolites M3 et MT 6. Il a précisé qu’une attention particulière devait être accordée au risque pour les organismes aquatiques ;

–        sur le cinquième point n’ayant pu être finalisé concernant « le risque pour les macro-organismes vivant dans le sol autres que les vers de terre », la requérante reconnaît que l’État membre rapporteur est passé d’une conclusion positive à une conclusion négative en ce qui concerne la conformité de l’évaluation de ce risque avec les conditions prévues à l’article 29, paragraphe 6, du règlement no 1107/2009, à savoir avec les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques ;

–        sur le sixième point n’ayant pu être finalisé concernant « le risque pour les micro-organismes vivant dans le sol », il ressort du rapport de l’EFSA, ainsi que le soutient la Commission et que le reconnaît d’ailleurs la requérante, que le constat de ce risque procède d’une « erreur de plume ». Il s’ensuit qu’il n’y a pas de divergence sur le fond entre les conclusions de l’EFSA et celles de l’État membre rapporteur, qui considéraient chacun que la lacune dans les données s’agissant des micro-organismes vivant dans le sol avait été comblée ;

–        enfin, sur le septième point n’ayant pu être finalisé concernant « les risques pour les végétaux terrestres », l’État membre rapporteur a souligné qu’« aucune étude valable sur la vigueur végétative n’a[vait] été produite ».

82      Certes, sur le quatrième point n’ayant pas pu être finalisé concernant « les risques pour les vers de terre », l’EFSA a souligné que « l’évaluation des risques pour les vers de terre ne p[ouvait] pas être finalisée compte tenu de l’absence d’estimations d’exposition en ce qui concerne les métabolites MT 6 », alors qu’il ressort du rapport révisé d’évaluation que l’État membre rapporteur a bien pris en compte lesdites estimations d’exposition. L’État membre rapporteur a ainsi considéré que « l’oxasulfuron [était] globalement non toxique pour les vers de terre (Eisenia foetida), sachant qu’aucun effet nocif n’a été observé aux niveaux maximaux de traitement testés tant de façon chronique que de manière aiguë ».

83      Toutefois, cette divergence entre l’État membre rapporteur et l’EFSA, à supposer même qu’elle ait effectivement exigé un surcroît de motivation de la part de la Commission, ne saurait à elle seule conduire le Tribunal à accueillir le premier moyen et annuler le règlement attaqué au motif tiré de la violation de l’obligation de motivation, dès lors que, en tout état de cause, tant l’État membre rapporteur que l’EFSA ont conclu au non-renouvellement de l’oxasulfuron compte tenu de nombreuses lacunes dans les données.

84      Ainsi, le grief tiré de ce que, s’agissant des sept points non finalisés, l’existence de désaccords entre l’appréciation de l’EFSA et celle de l’État membre rapporteur nécessiterait une motivation approfondie sur cette question doit être rejeté comme non fondé en ce qui concerne le quatrième point et comme inopérant en ce qui concerne les autres points.

–       Sur les arguments tirés d’erreurs manifestes d’appréciation

85      En premier lieu, la requérante estime que l’un des sept points des conclusions de l’EFSA n’ayant pas pu être finalisé et sur lequel se fonde le règlement attaqué comporte une erreur « de plume ». En effet, selon la requérante, le point concernant le risque présenté par l’oxasulfuron pour les micro-organismes vivant dans le sol, en ce qui concerne les métabolites pertinents du sol, n’aurait pas dû être inclus. En deuxième lieu, la requérante soutient que, sur les six autres points n’ayant pas pu être finalisés, chacun est lié à l’une des prétendues lacunes dans les données énumérées dans les conclusions de l’EFSA. Or, la requérante fait valoir que l’État membre rapporteur avait estimé dans son évaluation que les informations disponibles étaient suffisantes pour permettre de conclure en faveur du renouvellement de l’approbation de l’oxasulfuron. Les conclusions de l’EFSA seraient donc en contradiction avec celles de l’État membre rapporteur. En troisième lieu, la  requérante fait valoir qu’elle pouvait se prévaloir d’une confiance légitime dans le fait que ces données lui seraient demandées en tant que données confirmatives après le renouvellement de l’approbation (ainsi que l’aurait proposé l’État membre rapporteur).

86      La Commission, soutenue par le Royaume de Suède, conteste cette argumentation.

87      En premier lieu, c’est à juste titre que la requérante fait valoir l’existence d’une erreur s’agissant de l’inclusion dans le règlement attaqué de lacunes dans les données empêchant l’évaluation du risque présenté par l’oxasulfuron pour les micro-organismes vivant dans le sol, en ce qui concerne les métabolites pertinents du sol. En effet, l’EFSA avait indiqué à cet égard dans le rapport d’examen par les pairs que « la lacune dans les données a[vait] été supprimée ». Force est de constater, d’ailleurs,  que la Commission reconnaît expressément l’existence d’une telle erreur.

88      Comme cela ressort des points 61 et 62 ci-dessus, si la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation en la matière, ce pouvoir n’est pas soustrait au contrôle juridictionnel. Le juge de l’Union doit notamment vérifier l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission et l’absence d’erreurs manifestes d’appréciation.

89      Or, comme cela ressort du point 5 des conclusions de l’EFSA, si celle-ci a considéré qu’« un faible risque pour les micro-organismes vivant dans le sol a[vait] été identifié pour les substances actives et les métabolites pertinents », elle n’a pas retiré le point concerné du point 9 censé tirer les conséquences de cette appréciation, qui mentionne toujours qu’il s’agit d’un « point n’ayant pas pu être finalisé » alors que la lacune dans les données a été comblée.

90      Même si, du point de vue de l’EFSA, cette erreur peut être qualifiée d’erreur de plume, tel ne peut être le cas s’agissant de la Commission qui, dans le cadre de son évaluation du risque, s’est nécessairement fondée sur cette conclusion manifestement inexacte. Toutefois, force est de constater que ladite inexactitude, à elle seule, est sans incidence sur la légalité du règlement attaqué, dans la mesure où  elle n’infirme pas la présence des autres lacunes dans les données mentionnées au point 9.1 des conclusions de l’EFSA qui l’ont empêchée de parachever l’évaluation des risques dans les autres domaines, conformément à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1107/2009.

91      En deuxième lieu, la requérante soutient que les conclusions de l’EFSA sont à rebours de celles de l’État membre rapporteur et que, par suite, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en les suivant. Toutefois, il ne ressort pas de l’article 13 du règlement d’exécution no 844/2012 que l’EFSA est liée par les conclusions de l’État membre, pas plus d’ailleurs qu’il ne ressort de l’article 14 dudit règlement que la Commission est liée par les conclusions de l’EFSA. En outre, le rapport révisé d’évaluation est conforme aux conclusions de l’EFSA s’agissant de la préconisation de ne pas renouveler l’approbation de l’oxasulfuron.

92      En effet, contrairement à ce qu’indique la requérante, l’État membre rapporteur n’a pas conclu au renouvellement dans le rapport révisé d’évaluation. Au contraire, au point 3.2 dudit rapport (intitulé « Décision proposée »), l’État membre rapporteur recommande que, « en raison du grand nombre de lacunes dans les données, l’oxasulfuron ne puisse pas être approuvé conformément au règlement no 1107/2009 ».

93      À cet égard, force est de rappeler que, comme cela ressort du point 81 ci-dessus, pour la quasi-totalité des points non finalisés mentionnés par la requérante, le rapport révisé d’évaluation et les conclusions de l’EFSA ne sont pas, contrairement à ce que prétend la requérante, en contradiction. Certes, sur un point concernant les risques pour les vers de terre (voir point 82 ci-dessus), les conclusions de l’EFSA ne reprennent pas celles de l’État membre rapporteur. Toutefois, il ressort de l’article 14, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012 que la Commission n’est pas liée par les conclusions de l’État membre rapporteur, même si elle doit en « tenir compte » dans l’élaboration du rapport de renouvellement qui sert de base au règlement attaqué, tout comme, du reste, elle doit tenir compte des conclusions de l’EFSA. Une telle prise en compte ne peut cependant s’interpréter comme une obligation pour la Commission de suivre en tous points les conclusions de l’État membre rapporteur, même si de telles conclusions sont le point de départ de l’évaluation et, partant, ont un poids important dans ladite évaluation.

94      En troisième lieu, pour autant que la requérante se prévaut d’une confiance légitime dans le fait que les données considérées comme lacunaires par l’EFSA lui seraient demandées en tant que données confirmatives après le renouvellement de l’approbation (ainsi que l’aurait proposé l’État membre rapporteur), il convient de rappeler que le droit de se prévaloir de la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (arrêts du 15 juillet 2004, Di Lenardo et Dilexport, C‑37/02 et C‑38/02, EU:C:2004:443, point 70, et du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, EU:T:1998:302, point 74). Or, en l’espèce, aucune assurance précise de nature à faire naître à l’égard de la requérante des espérances fondées n’a été fournie, dans la mesure où tant l’EFSA que l’État membre rapporteur ont proposé de ne pas renouveler l’approbation de l’oxasulfuron compte tenu d’un grand nombre de lacunes dans les données.

95      Dans ces conditions, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen, tout comme, par suite, le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de larticle 6, sous f), du règlement no 1107/2009, du point 2.2 de lannexe II dudit règlement et du principe de proportionnalité en ce qui concerne les prétendues lacunes dans les données

96      Dans le cadre du deuxième moyen, tout d’abord, la requérante fait valoir que la Commission a violé les dispositions de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 et de l’article 2.2 de l’annexe II de ce règlement. La Commission aurait, à tort, refusé le renouvellement de l’approbation de l’oxasulfuron, au moins sous réserve que la requérante fournisse les données considérées comme manquantes par l’EFSA et la Commission. La requérante souligne que ces dispositions prévoient qu’une substance active peut être renouvelée, même si le dossier de renouvellement est considéré comme incomplet, sous réserve que les informations complémentaires, confirmatives ou supplémentaires, que requièrent ces dispositions soient soumises au cours d’un délai fixé à compter du renouvellement. En l’espèce, la requérante soutient que, quand bien même la Commission a identifié sept points n’ayant pas pu être finalisés en raison de prétendues lacunes dans les données, le fait que l’État membre rapporteur a considéré que l’oxasulfuron pouvait être approuvé même si certaines informations devaient encore être fournies montre que l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 ou le point 2.2 de l’annexe II de ce règlement étaient susceptibles de s’appliquer aux lacunes dans les données ou aux points n’ayant pas pu être finalisés. La requérante indique à cet égard que les informations complémentaires demandées par l’EFSA le 13 juillet 2017 (voir point 30 ci-dessus) pour combler les points non finalisés correspondent aux informations visées à l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 et au point 2.2, sous a) et b), de l’annexe II de ce règlement et montrent que la Commission aurait dû utiliser la procédure relative aux informations confirmatives ou supplémentaires.

97      Ensuite, selon la requérante, dans la mesure où les conditions prévoyant l’application de la procédure relative aux informations confirmatives ou supplémentaires sont satisfaites, la Commission, en ne faisant pas usage de cette procédure, aurait violé le principe de proportionnalité. Ainsi, l’absence d’application, en l’espèce, de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 ou du point 2.2 de l’annexe II de ce règlement violerait, outre ces dispositions, le principe de proportionnalité.

98      Enfin, la requérante ajoute que, s’agissant de l’approbation ou du renouvellement de l’approbation d’une substance active, le caractère complet du dossier est vérifié de manière définitive par l’État membre rapporteur au stade de la recevabilité de la demande. Après cette étape, la recevabilité de la demande ne pourrait plus être remise en question. L’EFSA pourrait solliciter des informations supplémentaires qui doivent être fournies dans un délai de 90 jours (approbation) ou d’un mois (renouvellement), mais elle ne pourrait pas remettre en question la recevabilité même de la demande de renouvellement d’une substance active.

99      La Commission, soutenue par le Royaume de Suède, conteste cette argumentation.

100    En premier lieu, il convient de constater qu’il ne ressort pas du dossier que les dispositions de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 ou du point 2.2, sous a) et b), de l’annexe II dudit règlement (points 7 et 8 ci-dessus) seraient applicables de telle sorte que le renouvellement de l’approbation de l’oxasulfuron aurait pu être accordé sous réserve de la communication postérieure des données considérées comme manquantes par la Commission.

101    En effet, il n’est pas établi que les données considérées comme manquantes par l’EFSA, lesquelles ont été demandées par cette dernière le 13 juillet 2017, sont des données pour lesquelles, conformément à l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009, de « nouvelles prescriptions avaient été établies durant le processus d’évaluation ou sur la base de nouvelles connaissances scientifiques et techniques ». Il n’est pas non plus établi que, conformément au point 2.2, sous a) et b), de l’annexe II du règlement no 1107/2009, les exigences relatives à ces données ont été « modifiées ou précisées après le dépôt du dossier » ou constituent des « informations supplémentaires, de nature confirmative, requises pour accroître la confiance dans la décision ».

102    S’agissant de cette dernière hypothèse, visée au point 2.2, sous b), de l’annexe II du règlement no 1107/2009, celle-ci présuppose, comme le fait justement valoir la Commission, que cette dernière soit parvenue à la conclusion que le risque est acceptable et que les critères d’approbation sont remplis, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

103    Dans ces conditions, aucune violation de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 ou du point 2.2, sous a) et b), de l’annexe II de ce règlement ne saurait être constatée.

104    En deuxième lieu, la requérante soutient, comme cela ressort du point 97 ci-dessus, que, en n’accordant pas le renouvellement de l’approbation pour l’oxasulfuron sous réserve qu’il soit remédié aux lacunes dans les données après le renouvellement, alors même que les conditions visées à l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 ou au point 2.2 de l’annexe II de ce règlement étaient remplies, la Commission a violé, outre ces dispositions, le principe de proportionnalité. Toutefois, il convient d’observer que, dans la mesure où les griefs tirés de la violation de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 ou du point 2.2 de l’annexe II de ce règlement s’avèrent non fondés, le grief tiré de la violation du principe de proportionnalité, qui se fonde sur ces derniers, ne saurait non plus prospérer.

105    Cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que, parmi les huit renouvellements d’approbation en 2016, cinq aient été délivrés avec des exigences de données confirmatives et huit aient contenu une liste de problèmes signalés aux États membres comme nécessitant une attention particulière lors de l’examen des demandes d’autorisation après le renouvellement. En effet, à cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement s’oppose à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente et à ce que des situations différentes soient traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié [voir arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 310 et jurisprudence citée]. Toutefois, étant donné que la requérante invoque la violation dudit principe, il lui importe de préciser et de démontrer quelle est la situation comparable à une autre situation qui a été traitée de manière différente. Or, la requérante, en se bornant à énumérer les substances actives qui auraient été traitées différemment en 2016, ne fournit aucune démonstration en ce sens alors que, comme elle l’affirme elle-même, « il n’existe pas deux dossiers qui soient comparables, chaque substance devant être évaluée selon ses propres mérites ».

106    En troisième lieu, l’argument de la requérante selon lequel, dans la mesure où l’État membre rapporteur aurait déclaré recevable la demande de renouvellement, conformément à l’article 8 du règlement d’exécution no 844/2012, l’EFSA ne pourrait plus remettre en cause le caractère complet des informations communiquées par le demandeur est sans fondement. En effet, le fait que le dossier contienne formellement tous les éléments visés à l’article 7 dudit règlement ne préjuge pas, à lui seul, de la qualité desdits éléments d’un point de vue scientifique, laquelle peut nécessiter une étude approfondie et peut faire l’objet de divergences d’appréciation entre l’État membre rapporteur et l’EFSA, s’agissant de leur caractère suffisant ou non pour faire droit à une demande de renouvellement. Il y a lieu d’observer à cet égard que l’article 7 du règlement d’exécution no 844/2012 exige seulement la communication des pièces visées dans ses dispositions aux fins de la constitution d’un dossier dit « complémentaire ». Il s’agit ici, conformément à l’article 8 du même règlement, d’une condition de recevabilité de la demande et, partant, d’une exigence formelle, laquelle, si elle est satisfaite, déclenche l’évaluation au fond du dossier visée au chapitre 2 de ce règlement. Force est de constater que le fait que la demande soit formellement déclarée recevable, au sens de l’article 8 du règlement d’exécution no 844/2012, n’exclut pas que l’État membre requiert des informations complémentaires, conformément à l’article 11, paragraphe 5, dudit règlement, ni que l’EFSA requiert des informations supplémentaires, conformément à l’article 13, paragraphe 3, du même règlement. Tel a d’ailleurs été le cas en l’espèce puisque, par communication du 13 juillet 2016, la requérante a reçu une lettre de l’EFSA requérant des informations supplémentaires s’agissant de l’oxasulfuron.

107    À cet égard, l’argument selon lequel, en substance, cette demande ne serait pas conforme à l’article 13, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 844/2012 dans la mesure où, en application de cet article, l’EFSA ne pourrait prescrire la réalisation de nouvelles études pour répondre à une demande d’informations doit être écarté comme sans incidence, dans la mesure où l’EFSA n’était pas tenue, aux termes dudit article, de demander à la requérante des informations supplémentaires pour combler les lacunes dans les données transmises par celle-ci.

108    Dans ces conditions, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de lapplication erronée du principe de précaution en ce qui concerne les prétendues lacunes dans les points nayant pas pu être finalisés 

109    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante conteste l’application, par le règlement attaqué, du principe de précaution.

110    La requérante indique, d’une part, que la Commission n’a réalisé aucune analyse des coûts et des bénéfices de l’impact d’un renouvellement ou d’un non-renouvellement de l’approbation de l’oxasulfuron avant d’arrêter sa décision, comme cela est requis par le point 6.3.4 de la communication COM(2000) 1 final de la Commission, du 2 février 2000, sur le recours au principe de précaution (ci-après la « communication sur le principe de précaution »), le principe de proportionnalité et l’arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission (T‑584/13, EU:T:2018:279, points 169 à 172).

111    La requérante indique, d’autre part, que la Commission n’a pas satisfait à l’exigence relative à la réalisation d’une évaluation scientifique exhaustive des risques par des experts sur la base des informations disponibles, de manière à disposer de suffisamment d’informations fiables et pertinentes qui lui permettraient de comprendre les implications de la question scientifique soulevée et de décider d’une conduite à suivre en pleine connaissance de cause. En particulier, la Commission n’aurait pas pris en considération l’avis de l’État membre rapporteur et de l’État membre corapporteur qui ont estimé que le dossier qui leur était soumis était suffisamment complet, laissant ainsi entendre que ce dossier contenait suffisamment d’informations pour une évaluation approfondie des risques, malgré les prétendues lacunes dans les données identifiées par l’EFSA.

112    La Commission, soutenue par le Royaume de Suède, conteste cette argumentation.

113    Il importe de relever, à titre liminaire, que, si l’article 191, paragraphe 2, TFUE prévoit que la politique de l’environnement est fondée, notamment, sur le principe de précaution, ce principe a également vocation à s’appliquer dans le cadre d’autres politiques de l’Union, en particulier de la politique de protection de la santé publique ainsi que lorsque les institutions de l’Union adoptent, au titre de la politique agricole commune ou de la politique du marché intérieur, des mesures de protection de la santé humaine (voir arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 41 et jurisprudence citée).

114    Il incombe donc au législateur de l’Union, lorsqu’il adopte des règles régissant la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques, telles que celles énoncées par le règlement no 1107/2009, de se conformer au principe de précaution, en vue notamment d’assurer, conformément à l’article 35 de la Charte ainsi qu’à l’article 9 et à l’article 168, paragraphe 1, TFUE, un niveau élevé de protection de la santé humaine (voir arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 42 et jurisprudence citée).

115    Ce principe implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 43 et jurisprudence citée).

116    Selon une jurisprudence constante, les institutions de l’Union jouissent, dans la mise en œuvre des mesures à prendre pour la protection de la santé humaine, d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition des objectifs poursuivis et le choix des instruments d’action appropriés (voir arrêt du 11 février 2015, Espagne/Commission, T‑204/11, EU:T:2015:91, point 30 et jurisprudence citée).

117    En premier lieu, pour autant que la requérante fait valoir que la Commission n’a réalisé aucune analyse des coûts et des bénéfices de l’impact d’un renouvellement ou d’un non-renouvellement de l’approbation de l’oxasulfuron avant d’arrêter sa décision, comme cela serait requis par le point 6.3.4 de la communication sur le principe de précaution, il convient de relever que le point 6.3.4 de la communication sur le principe de précaution, intitulé « Examen des avantages et des charges résultant de l’action ou de l’absence d’action », est libellé comme suit :

« Il faudrait établir une comparaison entre les conséquences positives ou négatives les plus probables de l’action envisagée et celles de l’inaction en termes de coût global pour l[’Union], tant à court terme qu’à long terme. Les mesures envisagées devraient être en mesure d’apporter un bénéfice global en matière de réduction du risque à un niveau acceptable.

L’examen des avantages et des charges ne peut pas se réduire seulement à une analyse économique coût/bénéfices. Il est plus vaste dans sa portée, intégrant des considérations non économiques.

L’examen des avantages et des charges devrait cependant inclure une analyse économique coût/bénéfices lorsque cela est approprié et réalisable.

Toutefois, d’autres méthodes d’analyse, telles que celles tenant à l’efficacité des options possibles et à leur acceptabilité par la population, pourraient entrer en ligne de compte. En effet, il se peut qu’une société soit prête à payer un coût plus élevé afin de garantir un intérêt, tel que l’environnement ou la santé, reconnu par elle comme majeur.

La Commission affirme que les exigences liées à la protection de la santé publique, conformément à la jurisprudence de la Cour, devraient incontestablement se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques.

Les mesures adoptées présupposent l’examen des avantages et des charges résultant de l’action ou de l’absence d’action. Cet examen devrait inclure une analyse économique coût/bénéfices lorsque cela est approprié et réalisable. Toutefois, d’autres méthodes d’analyse, telles que celles tenant à l’efficacité et à l’impact socio-économique des options possibles, peuvent entrer en ligne de compte. Par ailleurs, le décideur peut aussi être guidé par des considérations non économiques, telles que la protection de la santé. »

118    Tout d’abord, à cet égard, il convient de constater que le point 6.3.4 de la communication sur le principe de précaution prévoit que soit effectué un examen des avantages et des charges résultant de l’action ou de l’absence d’action. En revanche, le format et l’envergure de cet examen ne sont pas précisés. En particulier, il n’en découle nullement que l’autorité concernée serait obligée de lancer une procédure d’évaluation spécifique et aboutissant par exemple à un rapport formel d’évaluation écrit. En outre, il découle du texte que l’autorité appliquant le principe de précaution jouit d’une marge d’appréciation considérable quant aux méthodes d’analyse. En effet, si la communication indique que l’examen « devrait » inclure une analyse économique, l’autorité concernée doit en tout état de cause également intégrer des considérations non économiques. De plus, il est expressément souligné qu’il se peut, dans certaines circonstances, que des considérations économiques doivent être considérées comme moins importantes que d’autres intérêts reconnus comme majeurs ; sont expressément mentionnés, à titre d’exemple, des intérêts tels que l’environnement ou la santé (arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 162).

119    Ensuite, il est satisfait aux exigences de la communication sur le principe de précaution dès lors que l’autorité concernée, en l’espèce la Commission, a effectivement pris connaissance des effets, positifs et négatifs, économiques et autres, susceptibles d’être induits par l’action envisagée ainsi que par l’abstention d’agir, et qu’elle en a tenu compte lors de sa décision. En revanche, il n’est pas nécessaire que ces effets soient chiffrés avec précision, si cela n’est pas possible ou nécessite des efforts disproportionnés (arrêt du 17 mai 2018, BASF Agro e.a./Commission, T‑584/13, EU:T:2018:279, point 163).

120    Il convient de constater que la Commission a effectivement pris, en l’espèce, connaissance des effets, positifs et négatifs, économiques et autres, susceptibles d’être induits par le renouvellement ou le non-renouvellement de l’approbation de l’oxasulfuron et qu’elle en a tenu compte lors de sa décision. Ainsi, il ressort des informations fournies les 24 et 25 mai 2018 par la Commission au comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux que celle-ci a bel et bien tenu compte des coûts et des avantages du non-renouvellement de l’approbation de l’oxasulfuron avant d’arrêter la décision de non-renouvellement. En effet, la  Commission a indiqué que « des substances actives herbicides de remplacement [étaient] toujours approuvées au niveau de l’UE » et que, « [é]tant donné les risques et le nombre élevé de lacunes dans les données relevées, […] la nature des risques (potentiels) l’emport[ait] sur les considérations économiques ». La Commission était donc consciente des enjeux, tant économiques qu’environnementaux, liés à l’utilisation des substances visées (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, sous pourvoi, EU:T:2018:280, point 461).

121    En second lieu, pour autant que la requérante soutient que la Commission n’a pas satisfait à l’exigence relative à la réalisation d’une évaluation scientifique exhaustive des risques par des experts sur la base des informations disponibles et n’a pas pris en considération l’avis de l’État membre rapporteur et de l’État membre corapporteur qui estimaient que le dossier était complet, comme cela ressort du point 66 ci-dessus, c’est en principe sur l’auteur de la demande d’approbation ou de renouvellement que pèse la charge de prouver qu’il est satisfait aux conditions d’approbation de l’article 4 du règlement no 1107/2009. Partant, lorsque la requérante a formulé sa demande de renouvellement, c’était à elle qu’incombait la charge de la preuve de l’efficacité et de la sécurité de la substance active en cause. En ne s’acquittant pas de cette charge, l’approbation de la substance active ne pouvait pas être renouvelée. S’agissant, par ailleurs, de l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas pris en considération l’avis de l’État membre rapporteur et de l’État membre corapporteur, il convient de rappeler que, comme cela est également indiqué au point 106 ci-dessus, le fait que le dossier contienne tous les éléments visés à l’article 7 du règlement d’exécution no 844/2012 ne préjuge pas, à lui seul, de la qualité desdits éléments d’un point de vue scientifique, laquelle peut nécessiter une étude approfondie et peut faire l’objet de divergences d’appréciation entre l’État membre rapporteur et l’EFSA, s’agissant de leur caractère suffisant pour faire droit à une demande de renouvellement.

122    Compte tenu de ce qui précède, c’est à tort que la requérante fait valoir que la Commission aurait appliqué de façon erronée le principe de précaution.

123    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel le principe de précaution est strictement applicable non pas au niveau de l’Union (lorsque la substance active est approuvée), mais au stade de l’autorisation du produit phytopharmaceutique au niveau national. En effet, comme cela ressort de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 1107/2009, le principe de précaution s’applique en ce qui concerne tant les substances actives que les produits phytopharmaceutiques. À cet égard, l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009 précise que le règlement d’approbation d’une substance active prend en compte le principe de précaution. Dans ces circonstances, c’est à tort que la requérante invoque l’arrêt du 21 novembre 2018, Stichting Greenpeace Nederland et PAN Europe/Commission (T‑545/11 RENV, EU:T:2018:817). En effet, celui-ci ne fait pas de différence dans l’intensité de l’application du principe de précaution entre substances actives et produits phytopharmaceutiques. Force est d’ailleurs de constater que cet arrêt concerne la question spécifique de l’accès à des informations ayant trait à des émissions dans l’environnement au sens de l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13). À cet égard, le fait que cet arrêt indique, au point 90, que l’utilisation, les conditions d’application et la composition d’un produit phytopharmaceutique autorisé par un État membre sur son territoire peuvent être très différentes de celles des produits évalués à l’échelle de l’Union, au stade de l’approbation de la substance active, ne permet pas de conclure à une application du principe de précaution plus souple pour les substances actives que pour les produits phytopharmaceutiques.

124    Eu égard à ce qui précède, le troisième moyen du recours doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de larticle 4 du règlement no 1107/2009 en ce qui concerne lidentification dun risque élevé pour les organismes aquatiques 

125    Au soutien du quatrième moyen, la requérante prétend que l’EFSA a violé l’article 4 du règlement no 1107/2009 en établissant un risque élevé pour les organismes aquatiques dans un des deux scénarios utilisés alors que l’autre scénario n’établissait pas un tel risque et que le risque élevé visait uniquement les plantes aquatiques. Selon la requérante, dans la mesure où l’EFSA a établi une utilisation sans risque dans un des deux scénarios, les critères énoncés à l’article 4 du règlement no 1107/2009 ont, en réalité, été satisfaits.

126    À cet égard, comme cela a déjà été mentionné au point 76 ci-dessus, il convient de constater que le règlement attaqué fait seulement référence, au considérant 9, au fait que l’évaluation des risques pour les organismes aquatiques n’a pu être finalisée en raison de lacunes dans les données et ne mentionne pas qu’un risque élevé pour les organismes aquatiques a été identifié.

127    Partant, le quatrième moyen du recours, pour des raisons analogues à celles exposées en ce qui concerne les deux premières branches du premier moyen, doit être rejeté comme inopérant.

128    Compte tenu de tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

130    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés dans le cadre du présent recours et de la procédure de référé par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

131    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Le Royaume de Suède doit donc supporter ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Agrochem-Maks d.o.o. supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne dans le cadre du présent recours et de la procédure de référé.

3)      Le Royaume de Suède supportera ses propres dépens.



Gervasoni

Madise

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.