Language of document : ECLI:EU:C:2024:566

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

27 juin 2024 (*)

« Pourvoi – Référé – Statut et financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes – Décision infligeant une sanction financière à un parti politique – Défaut d’urgence – Préjudice financier – Influence sur le processus électoral – Charge de la preuve »

Dans l’affaire C‑332/24 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 6 mai 2024,

Identité et Démocratie Parti (ID Parti), établi à Paris (France), représenté par Me F.-P. Vos, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes, représentée par M. N. Entchev, Mme S. Kaiser et M. P. Schonard, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente



Ordonnance

1        Par son pourvoi, Identité et Démocratie Parti (ID Parti) demande l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 5 mars 2024, ID Parti/Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes (T‑1189/23 R, ci‑après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2024:145), par laquelle celui-ci a rejeté sa demande tendant à obtenir le sursis à exécution de la décision de l’Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes (ci-après l’« Autorité »), du 25 octobre 2023, lui infligeant une sanction financière, en application de l’article 27, paragraphe 2, sous a), vi), du règlement (UE, Euratom) no 1141/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2014, relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes (JO 2014, L 317, p. 1) (ci‑après la « décision litigieuse »).

 Les antécédents du litige

2        Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 8 de l’ordonnance attaquée. Ils peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

3        Le requérant est une association enregistrée comme étant un parti politique européen.

4        À la suite de plusieurs échanges entre ID Parti et l’Autorité, cette dernière a adopté la décision litigieuse, par laquelle elle lui a infligé une sanction financière d’un montant de 5 % du budget annuel de ce parti, soit 47 020,54 euros, au motif, en particulier, que ce dernier aurait maintenu sur les réseaux sociaux des publications inexactes présentant un ancien membre de son bureau comme étant un membre actuel de ce bureau.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 décembre 2023, ID Parti a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

6        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 9 janvier 2024, ID Parti a introduit une demande en référé tendant à obtenir le sursis à exécution de cette décision.

7        Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rejeté cette demande, au motif que la condition relative à l’urgence n’était pas satisfaite.

8        En premier lieu, au point 34 de cette ordonnance, le président du Tribunal a estimé qu’ID Parti n’avait invoqué aucun argument démontrant que la décision litigieuse « [était] dépourvue même de l’apparence de la légalité et que cette circonstance justifi[ait], en tant que telle, le prononcé du sursis à exécution de cette décision ».

9        En deuxième lieu, au point 35 de ladite ordonnance, le président du Tribunal a relevé que, en soutenant que la décision litigieuse le privait de 5 % de son budget annuel, ID Parti s’était prévalu d’un préjudice d’ordre financier. Le président du Tribunal a considéré, aux points 39 et 40 de la même ordonnance, que, dès lors qu’ID Parti n’avait apporté aucun élément chiffré, « il [n’était] pas possible d’apprécier l’importance du préjudice ».

10      Au point 41 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a estimé, en tout état de cause, qu’ID Parti n’avait pas affirmé ou établi qu’il se trouvait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière. Le président du Tribunal a considéré, au point 42 de cette ordonnance, qu’ID Parti se contentait d’affirmer, sans étayer ses propos, que la décision litigieuse le contraindra à réduire ses opérations militantes et qu’elle le privera de ses moyens pour mener campagne en vue des élections des membres du Parlement européen.

11      En troisième lieu, le président du Tribunal a examiné, aux points 43 à 50 de l’ordonnance attaquée, l’argument d’ID Parti « selon lequel la décision litigieuse permettrait à l’ordonnateur du Parlement de l’exclure de futurs financements de l’Union pour une période pouvant aller jusqu’à cinq ans ».

12      À cet égard, il a notamment relevé, au point 44 de cette ordonnance, que, dans la mesure où le Parlement avait approuvé une contribution au financement d’ID Parti pour l’année 2024, le risque financier auquel celui-ci serait exposé se limitait à la part du financement pour la période allant du 12 au 31 décembre 2023 et au report du solde de l’exercice 2023 vers l’exercice 2024.

13      En outre, au point 46 de ladite ordonnance, le président du Tribunal a jugé que, étant donné que le Parlement avait accordé à ID Parti une contribution de 4 359 348 euros pour l’exercice 2024 et en avait consenti le préfinancement à hauteur de 100 %, l’absence de report d’un solde éventuel de l’exercice 2023 était sans incidence pratique sur la trésorerie et les activités de ce parti politique. Il a relevé, à cet égard, qu’ID Parti n’avait ni allégué ni démontré l’utilisation d’un montant excédant la contribution accordée par le Parlement pour l’exercice 2024 ou établi qu’un préjudice grave et irréparable découlerait de l’absence de report de ce solde.

14      Au point 47 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a ajouté que le report dudit solde ne saurait, en tout état de cause, intervenir qu’après la clôture des comptes pour l’année 2023, à la fin de l’année 2024, donc à une date postérieure à celle des élections des membres du Parlement.

15      Aux points 49 et 50 de cette ordonnance, le président du Tribunal a estimé qu’ID Parti n’avait pas démontré que le préjudice allégué était probable ou imminent, en tant notamment que les prétendues conséquences de la décision litigieuse sur le financement de ce parti politique portaient non pas sur un besoin actuel, mais sur une avance à l’égard d’un prétendu besoin futur.

 Les conclusions des parties

16      ID Parti demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        d’annuler la décision litigieuse, et

–        de condamner l’Autorité aux dépens.

17      L’Autorité demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner ID Parti aux dépens.

 Sur le pourvoi

 Sur la recevabilité du pourvoi

 Argumentation

18      L’Autorité soutient que le pourvoi est irrecevable dans son ensemble.

19      D’une part, les conclusions du pourvoi tendant à l’annulation de la décision litigieuse seraient irrecevables, au motif qu’elles constituent des conclusions nouvelles qui excèdent l’objet des conclusions présentées en première instance par ID Parti et qu’elles méconnaissent les pouvoirs du juge des référés en matière de pourvoi.

20      En présentant de telles conclusions, ID Parti aurait commis un abus de procédure. En outre, étant donné qu’ID Parti ne conclurait à l’annulation de l’ordonnance attaquée que dans le but d’obtenir l’annulation de la décision litigieuse, les conclusions tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée seraient indissociables de celles tendant à l’annulation de la décision litigieuse et devraient, par voie de conséquence, également être écartées comme étant irrecevables.

21      D’autre part, ID Parti aurait uniquement cherché à se prévaloir, dans son pourvoi, de prétendus effets de la décision litigieuse sur la campagne menée en vue des élections des membres du Parlement. Partant, dans la mesure où ces élections auront lieu avant que la Cour ne se prononce sur le pourvoi, ID Parti serait dépourvu d’intérêt à agir.

 Appréciation

22      En premier lieu, il convient de rappeler que, conformément à l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, les conclusions du pourvoi ne peuvent tendre qu’à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal telle qu’elle figure au dispositif de cette décision.

23      En outre, en vertu de l’article 170, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, les conclusions du pourvoi tendent, si celui-ci est déclaré fondé, à ce qu’il soit fait droit, en tout ou en partie, aux conclusions présentées en première instance, à l’exclusion de toute conclusion nouvelle.

24      À cet égard, force est de constater que le premier chef de conclusions du pourvoi tend exclusivement à l’annulation de l’ordonnance attaquée et qu’il répond donc à l’exigence énoncée à l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure.

25      En revanche, le deuxième chef de conclusions doit être écarté comme étant irrecevable, dès lors qu’il ne tend ni à l’annulation de l’ordonnance attaquée ni à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées en première instance.

26      L’irrecevabilité de ce chef de conclusions ne saurait, contrairement à ce que fait valoir l’Autorité, conduire à déclarer l’irrecevabilité du pourvoi dans son ensemble, le premier chef de conclusions pouvant être examiné et, le cas échéant, prospérer indépendamment des autres.

27      En second lieu, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’intérêt à agir d’un requérant constitue une condition de recevabilité de son recours, qui doit perdurer jusqu’à ce que le juge statue au fond. Tant l’existence que la persistance de l’intérêt à agir supposent que le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a formé [ordonnance du vice-président de la Cour du 20 mars 2023, Xpand Consortium e.a./Commission, C‑739/22 P(R), EU:C:2023:228, point 22].

28      En l’espèce, il n’est pas contesté que la décision litigieuse n’a pas été retirée par l’Autorité et qu’elle continue à produire des effets à l’égard d’ID Parti.

29      Dans ces conditions, dès lors qu’ID Parti avait sollicité, en première instance, le sursis à exécution de cette décision sans distinguer entre les effets de celle-ci dont la suspension serait sollicitée, il y a lieu de considérer que l’éventuelle annulation de l’ordonnance attaquée et le réexamen subséquent de sa demande en référé peuvent procurer un bénéfice à ID Parti, même après la tenue des élections des membres du Parlement.

30      Par conséquent, la circonstance que plusieurs des moyens invoqués par ID Parti se fondent sur des erreurs qu’aurait commis le président du Tribunal dans l’appréciation des effets de la décision litigieuse sur le déroulement de la campagne menée pour ces élections n’est pas de nature à démontrer qu’ID Parti ne justifiait pas, à la date d’introduction du pourvoi, d’un intérêt à agir pour introduire celui-ci ou qu’elle a perdu son intérêt à agir à la suite desdites élections.

 Sur le fond

31      À l’appui de son pourvoi, ID Parti présente sept moyens, tirés, le premier et le troisième, de dénaturations des écritures de première instance, le deuxième et le quatrième, d’erreurs de droit, le cinquième, d’une violation du droit à un procès équitable, le sixième, d’une dénaturation des faits et, le septième, d’une violation du principe du contradictoire.

 Sur le premier moyen

–       Argumentation

32      Par son premier moyen, ID Parti fait valoir que le président du Tribunal a dénaturé sa requête en considérant, au point 35 de l’ordonnance attaquée, que ce parti politique s’était prévalu d’un préjudice financier, alors qu’il faisait également état d’un préjudice tenant à une atteinte à son aptitude à utiliser ses ressources propres en finançant des actions politiques pour mener la campagne en vue des élections des membres du Parlement. Or, un tel préjudice ne devrait pas être décrit comme étant financier.

33      L’Autorité soutient que le premier moyen doit être écarté comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondé.

–       Appréciation

34      D’une part, il résulte du point 24 de l’ordonnance attaquée que le président du Tribunal a considéré qu’ID Parti alléguait, par son deuxième argument relatif à l’urgence, que la décision litigieuse aura pour conséquence de le priver de 5 % de son budget annuel, le contraignant alors à réduire ses opérations de communication et de militantisme et le privant de ses moyens pour mener campagne en vue des élections des membres du Parlement.

35      D’autre part, au point 42 de cette ordonnance, le président du Tribunal a explicitement écarté l’argument d’ID Parti tiré du fait que la décision litigieuse aura de telles conséquences.

36      Partant, il y a lieu de considérer que le président du Tribunal a interprété le deuxième argument d’ID Parti relatif à l’urgence comme comportant, notamment, des allégations dénonçant les effets potentiels de la décision litigieuse sur la conduite de la campagne en vue des élections des membres du Parlement.

37      Il s’ensuit que le premier moyen de pourvoi repose sur une lecture erronée de l’ordonnance attaquée et qu’il doit donc être écarté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen

–       Argumentation

38      Par son deuxième moyen, ID Parti soutient que le président du Tribunal a commis une erreur de droit en refusant de qualifier de préjudice grave et irréparable l’atteinte au processus électoral résultant de la diminution des ressources financières de ce parti politique.

39      Il résulterait, en effet, de la jurisprudence du Tribunal qu’une atteinte à un processus électoral constitue un préjudice grave et irréparable. Il serait constant que la décision litigieuse privait ID Parti d’une partie de ses moyens pour mener campagne, ce qui influencerait nécessairement le processus électoral. Un tel préjudice n’aurait donc pas pu être valablement qualifié de préjudice purement financier.

40      L’Autorité soutient que le deuxième moyen doit être écarté comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondé.

–       Appréciation

41      Ainsi qu’il ressort du point 24 de l’ordonnance attaquée et du pourvoi, le deuxième argument d’ID Parti relatif à l’urgence repose sur l’affirmation selon laquelle la décision litigieuse prive ID Parti de 5 % de son budget annuel, soit une somme de 47 020,54 euros.

42      Dès lors que cet argument est ainsi fondé sur une diminution des ressources d’ID Parti, le président du Tribunal pouvait, sans commettre d’erreur de droit, juger que, par ledit argument, ID Parti se prévalait d’un préjudice d’ordre financier.

43      S’il est vrai qu’ID Parti a également allégué que cette diminution de ressources aura des conséquences sur les activités qu’elle serait en mesure de mener à bien, cet argument n’est pas susceptible de modifier la nature du préjudice allégué, mais a vocation à être pris en compte pour déterminer si ce préjudice présente ou non un caractère grave et irréparable.

44      Or, par son deuxième moyen de pourvoi, ID Parti remet uniquement en cause la qualification, opérée au point 35 de l’ordonnance attaquée, du préjudice visé dans son deuxième argument relatif à l’urgence comme étant d’ordre financier, sans contester l’appréciation, figurant au point 42 de cette ordonnance, selon laquelle les conséquences de la diminution alléguée des ressources d’ID Parti ne permettait pas d’établir que ce parti était exposé à un risque de subir un préjudice grave et irréparable.

45      Dès lors, le deuxième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur les quatrième et cinquième moyens

–       Argumentation

46      Par ses quatrième et cinquième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble en troisième lieu, ID Parti fait valoir que le président du Tribunal a méconnu les droits de la défense et le droit à un procès équitable et a commis une erreur de droit en jugeant, au point 46 de l’ordonnance attaquée, qu’il incombait à ce parti, afin d’établir qu’il avait subi un préjudice grave et irréparable, de démontrer qu’il avait utilisé un montant excédant la contribution accordée par le Parlement pour l’année 2024.

47      D’une part, la privation de la faculté de disposer d’un financement pour mener la campagne en vue des élections des membres du Parlement constituerait à elle seule un préjudice grave et irréparable, en raison des effets potentiels de cette privation sur la composition du Parlement, indépendamment des dépenses effectivement engagées par le parti politique concerné.

48      D’autre part, le président du Tribunal aurait violé le droit à un procès équitable en subordonnant la démonstration de l’existence d’un préjudice grave et irréparable à la fourniture d’une preuve impossible. Il serait, en effet, impossible à ID Parti de démontrer qu’il a effectivement engagé des dépenses auxquelles il a justement dû renoncer en raison de la diminution de ses ressources résultant de la décision litigieuse.

49      L’Autorité soutient que les quatrième et cinquième moyens doivent être écartés comme étant irrecevables ou inopérants ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondés.

–       Appréciation

50      Dès lors qu’ID Parti s’est notamment prévalu, en première instance, d’une diminution de ses ressources limitant, de façon irréversible, sa capacité à mener campagne pour les élections des membres du Parlement, la réalité du préjudice ainsi allégué aurait été établie si ID Parti avait démontré que les ressources dont il disposait, à la suite de l’adoption de la décision litigieuse, étaient insuffisantes pour couvrir les dépenses qu’il envisageait effectivement d’effectuer dans le cadre de cette campagne.

51      Or, dès lors que la demande en référé a été introduite le 9 janvier 2024 et que le président du Tribunal s’est prononcé le 5 mars 2024, alors que la campagne pour les élections des membres du Parlement n’allait s’achever qu’au mois de juin 2024, ID Parti demeurait susceptible d’engager des dépenses de campagne jusqu’à la clôture de cette dernière.

52      Partant, afin d’établir la réalité du préjudice dont il se prévalait, ID Parti n’avait pas à démontrer qu’il avait déjà engagé, au jour où le juge des référés devait se prononcer, des dépenses dépassant les ressources dont il disposait pour l’exercice 2024.

53      Il s’ensuit que le président du Tribunal a, au point 46 de l’ordonnance attaquée, commis une erreur de droit en se fondant, en vue d’écarter l’argumentation d’ID Parti tirée d’un préjudice résultant de la perte de la possibilité de reporter le solde de la contribution accordée par le Parlement pour l’année 2023, sur le fait que le requérant n’avait ni allégué ni démontré avoir utilisé un montant excédant la contribution accordée par le Parlement pour l’année 2024.

54      Toutefois, il y a lieu de rappeler que, si les motifs d’une décision du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que le dispositif de celle-ci apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, une telle violation n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cette décision et il y a lieu de procéder à une substitution de motifs (arrêt du 17 janvier 2023, Espagne/Commission, C‑632/20 P, EU:C:2023:28, point 48).

55      Tel est le cas en l’espèce.

56      En effet, d’une part, il est constant qu’ID Parti dispose potentiellement d’une trésorerie importante, puisqu’il s’est vu accorder par l’ordonnateur du Parlement une contribution pour l’année 2024 de 4 359 348 euros, préfinancée à hauteur de 100 %.

57      D’autre part, il ressort de la réponse apportée par ID Parti aux questions posées par le président du Tribunal que, lors de la campagne pour les élections des membres du Parlement de 2019, ce parti politique avait engagé des dépenses à hauteur de 135 991,96 euros, soit une somme largement inférieure au montant de la contribution accordée par le Parlement pour l’exercice 2024. Le Tribunal a d’ailleurs constaté, au point 45 de l’ordonnance attaquée, qu’ID Parti n’avait dépensé qu’une partie limitée de la contribution accordée par l’ordonnateur du Parlement pour l’année 2019.

58      Dans ces conditions, il appartenait à ID Parti, en vue d’établir que les ressources dont il disposait, à la suite de l’adoption de la décision litigieuse, étaient insuffisantes pour couvrir les dépenses qu’il envisageait d’effectuer dans le cadre de la campagne pour les élections des membres du Parlement, de rapporter au juge des référés des éléments tangibles permettant d’évaluer tant le montant des dépenses programmées au titre de cette campagne que les ressources dont il disposerait en l’absence de suspension des effets de la décision litigieuse.

59      Or, force est de constater qu’ID Parti n’a pas rapporté de tels éléments.

60      En effet, la requête en référé et ses annexes ne comportent aucune évaluation chiffrée des dépenses programmées au titre de la campagne pour les élections des membres du Parlement ou des besoins de financement d’ID Parti à ce titre.

61      En outre, dans sa réponse aux questions posées par le président du Tribunal, ID Parti se borne à évoquer son développement depuis l’année 2019, à faire état d’éléments destinés à démontrer qu’il pouvait escompter de meilleurs résultats que lors de la précédente élection des membres du Parlement et à mentionner des dépenses d’un montant total d’environ 451 000 euros qui auraient été engagées avant le mois de janvier 2024.

62      Par ailleurs, ID Parti n’a présenté aucun élément concret permettant d’établir que l’application de la décision litigieuse pourrait remettre en cause son existence avant que le Tribunal ne statue sur le recours au fond, tendant à l’annulation de cette décision.

63      Il s’ensuit que les éléments invoqués par ID Parti ne sont pas suffisants pour établir que, en l’absence de report du solde de la contribution accordée par le Parlement pour l’année 2023, sa capacité à mener la campagne pour les élections des membres du Parlement aurait été entravée.

64      En conséquence, les quatrième et cinquième moyens de pourvoi doivent être écartés comme étant inopérants.

 Sur le troisième moyen

–       Argumentation

65      Par son troisième moyen, ID Parti fait valoir que le président du Tribunal a dénaturé la requête et la réponse du requérant aux questions posées par le président du Tribunal, en affirmant, au point 46 de l’ordonnance attaquée, que ce parti politique n’alléguait pas qu’il dépenserait au cours de l’année 2024 une somme supérieure à la contribution accordée pour cette année.

66      L’Autorité soutient que le troisième moyen doit être écarté comme étant irrecevable ou inopérant ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondé.

–       Appréciation

67      Le troisième moyen de pourvoi est tiré d’une dénaturation d’éléments de la procédure écrite de première instance qui se rapportent exclusivement à l’appréciation du président du Tribunal figurant au point 46 de l’ordonnance attaquée visée par les quatrième et cinquième moyens de pourvoi.

68      Dès lors qu’il résulte des points 50 à 64 de la présente ordonnance que cette appréciation est entachée d’une erreur de droit et qu’il doit lui être substitué d’autres motifs, la circonstance que ladite appréciation serait fondée sur une dénaturation d’éléments de la procédure écrite de première instance, à la supposer établie, ne serait, en tout état de cause, pas de nature à justifier l’annulation de l’ordonnance attaquée.

69      Il en découle que le troisième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant inopérant.

 Sur le septième moyen

–       Argumentation

70      Par son septième moyen, qu’il convient d’examiner en sixième lieu, ID Parti fait valoir que le président du Tribunal a violé le principe du contradictoire en se fondant, au point 47 de l’ordonnance attaquée, sur des éléments avancés par l’Autorité dans sa réponse aux questions posées par le président du Tribunal, sans avoir offert à ID Parti la possibilité de prendre position sur ces éléments.

71      Le président du Tribunal aurait fait sienne une affirmation de l’Autorité figurant dans cette réponse, selon laquelle le report du solde éventuel pour l’exercice 2023 n’interviendrait qu’à la fin de l’année 2024, sans permettre à ID Parti de commenter cette affirmation.

72      L’Autorité soutient que le septième moyen doit être écarté comme étant inopérant ou, à titre subsidiaire, non fondé.

–       Appréciation

73      Par son septième moyen de pourvoi, ID Parti se prévaut uniquement d’une violation du principe du contradictoire tenant à ce que le président du Tribunal se serait fondé, au point 47 de l’ordonnance attaquée, sur un élément avancé par l’Autorité sur lequel ID Parti n’aurait pas été en mesure de prendre position au cours de la procédure de première instance.

74      À cet égard, il y a lieu de relever que, à ce point 47, le président du Tribunal a considéré que le report d’un solde éventuel de l’exercice 2023 ne saurait, en tout état de cause, intervenir qu’après la clôture des comptes pour l’année 2023, à la fin de l’année 2024, donc à une date postérieure à celle des élections des membres du Parlement.

75      Il résulte de l’examen des quatrième et cinquième moyens de pourvoi qu’ID Parti n’a pas démontré que, dans l’hypothèse où il serait empêché de procéder à un tel report de solde, il ne disposerait pas de ressources suffisantes pour pouvoir mener à bien la campagne relative à ces élections.

76      Dans ces conditions, le motif par lequel le président du Tribunal a considéré, au point 47 de l’ordonnance attaquée, qu’un éventuel report du solde de l’exercice 2023 ne pourrait intervenir qu’à une date postérieure à celle desdites élections, présente un caractère surabondant.

77      Or, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt du 25 février 2021, Dalli/Commission, C‑615/19 P, EU:C:2021:133, point 103 et jurisprudence citée).

78      Il s’ensuit que le septième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant inopérant.

 Sur le sixième moyen

–       Argumentation

79      Par son sixième moyen, qu’il convient d’examiner en dernier lieu, ID Parti soutient que le président du Tribunal a dénaturé les faits en jugeant, au point 50 de l’ordonnance attaquée, que les conséquences de la décision litigieuse portaient non pas sur un besoin actuel, mais sur une avance à l’égard d’un prétendu besoin futur.

80      ID Parti aurait fait valoir que la décision litigieuse l’empêchait de financer des dépenses en vue des élections des membres du Parlement organisées le 9 juin 2024, en soutenant que les dépenses de campagne ne présentaient une utilité politique que lorsque les actions correspondantes étaient engagées suffisamment en amont de la date du vote pour pouvoir être mises en œuvre. Dès lors, le président du Tribunal aurait dû considérer que, à la date de prononcé de l’ordonnance attaquée, à savoir le 5 mars 2024, le préjudice allégué par ID Parti était actuel ou imminent.

81      L’Autorité soutient que le sixième moyen doit être écarté comme étant irrecevable ou inopérant ou, à titre subsidiaire, comme étant non fondé.

–       Appréciation

82      Par son sixième moyen de pourvoi, ID Parti conteste uniquement le point 50 de l’ordonnance attaquée, en tant que le président du Tribunal aurait, à ce point, jugé que le dommage allégué ne présentait pas un caractère imminent, alors que ce dommage se rapportait à la campagne menée en vue des élections des membres du Parlement, organisée au moins de juin 2024.

83      À cet égard, il convient de souligner, d’une part, que le président du Tribunal a écarté, aux points 43 à 48 de l’ordonnance attaquée, les allégations d’ID Parti tendant à démontrer que l’application de la décision litigieuse serait de nature à entraver cette campagne.

84      D’autre part, il résulte de l’examen des troisième à cinquième moyens et du septième moyen de pourvoi que les arguments dirigés contre ces points de l’ordonnance attaquée n’étaient pas de nature à remettre en cause l’appréciation selon laquelle les allégations d’ID Parti, exposées au point précédent, devaient être rejetées.

85      Dans ces conditions, le motif par lequel le président du Tribunal a, au point 50 de l’ordonnance attaquée, considéré que la décision litigieuse était dépourvue de conséquences sur la conduite de la campagne en vue des élections des membres du Parlement doit être regardé comme étant surabondant.

86      En conséquence, le sixième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant inopérant, conformément à la jurisprudence citée au point 77 de la présente ordonnance.

87      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son ensemble.

 Sur les dépens

88      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

89      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

90      L’Autorité ayant conclu à la condamnation d’ID Parti aux dépens et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Identité et Démocratie Parti (ID Parti) est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 27 juin 2024.

Le greffier

 

Le vice-président

A. Calot Escobar

 

L. Bay Larsen


*      Langue de procédure : le français.