Language of document : ECLI:EU:T:2020:362

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

5 août 2020 (*)

« Accès aux documents des institutions – Opposition – Suspension de l’exécution de l’arrêt par défaut »

Dans l’affaire T‑552/19 OP,

Malacalza Investimenti Srl, établie à Gênes (Italie), représentée par Mes P. Ghiglione, E. De Giorgi et L. Amicarelli, avocats,

partie requérante au litige principal,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par M. F. von Lindeiner, en qualité d’agent, assisté de Me D. Sarmiento Ramírez-Escudero, avocat,

partie défenderesse au litige principal,

ayant pour objet une opposition à l’arrêt du 25 juin 2020, Malacalza Investimenti/BCE (T-552/19, EU:T:2020:294),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, P. Nihoul (rapporteur) et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Par arrêt du 25 juin 2020, Malacalza Investimenti/BCE (T-552/19, ci-après l’« arrêt par défaut », EU:T:2020:294), le Tribunal a adjugé à la requérante au litige principal ses conclusions, conformément à l’article 123, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal et, ainsi, annulé la décision LS/LdG/19/185 de la Banque centrale européenne (BCE), du 12 juin 2019, refusant l’accès, principalement, à la décision ECB-SSM-2019-ITCAR-11 du conseil des gouverneurs de la BCE, du 1er janvier 2019, de placer Banca Carige SpA sous administration temporaire (ci-après la « décision demandée »).

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juin 2020, la BCE a formé opposition à l’arrêt par défaut, en vertu de l’article 166 du règlement de procédure.

3        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la BCE a demandé que, conformément à l’article 123, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Tribunal suspende l’exécution de l’arrêt par défaut jusqu’à ce qu’il ait statué sur l’opposition.

4        Dans ses observations sur la demande de suspension de l’exécution de l’arrêt par défaut, la requérante au litige principal soutient que ladite demande est irrecevable.

5        En premier lieu, la requérante au litige principal fait valoir que la demande de suspension ne contient pas les éléments essentiels requis en vertu de l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure dans le cadre des procédures en référé, à savoir les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire sollicitée.

6        À cet égard, il convient de rappeler que l’arrêt dont la suspension de l’exécution est demandée par la BCE a été adopté dans le cadre d’une procédure par défaut régie par l’article 123 du règlement de procédure.

7        Conformément à l’article 41 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53 du même statut, sauf décision contraire du Tribunal, l’opposition ne suspend pas l’exécution de l’arrêt par défaut.

8        Toutefois, selon l’article 123, paragraphe 4, du règlement de procédure, si l’arrêt par défaut est exécutoire, le Tribunal peut en suspendre l’exécution jusqu’à ce qu’il ait statué sur l’opposition.

9        Ainsi, la suspension de l’exécution d’un arrêt rendu par défaut n’est pas régie par les dispositions des articles 156 à 161 du règlement de procédure relatives au sursis et aux autres mesures provisoires prises par voie de référé, mais fait l’objet de dispositions spécifiques (ordonnance du 13 juillet 2017, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/ERCEA, T-348/16 OP-R, EU:T:2017:497, point 11).

10      Or, ces dispositions spécifiques ne prévoient pas, pour l’introduction d’une demande de suspension de l’exécution d’un arrêt rendu par défaut, l’application des conditions régissant l’obtention du sursis ou d’autres mesures provisoires par voie de référé.

11      En deuxième lieu, la requérante au litige principal conteste que, comme le soutient la BCE, la suspension de l’exécution de l’arrêt par défaut puisse être appropriée pour prévenir le risque d’une contradiction entre, d’une part, l’arrêt par défaut et, d’autre part, le jugement qui sera rendu dans une autre affaire, également pendante devant le Tribunal, à savoir l’affaire Corneli/BCE (T-501/19), dans laquelle la requérante dans cette affaire poursuit l’annulation de l’acte par lequel la BCE a également refusé à cette partie l’accès à la décision du conseil des gouverneurs de la BCE, du 1er janvier 2019, de placer Banca Carige sous administration temporaire.

12      À cet égard, il convient de relever que, comme le fait valoir la BCE, un risque de contradiction pouvant justifier la suspension de l’exécution de l’arrêt par défaut ne peut être exclu entre l’arrêt par défaut et celui à rendre dans la procédure pendante dans l’affaire Corneli/BCE (T-501/19).

13      En effet, il ne saurait être exclu que, dans la décision à adopter pour exécuter l’arrêt par défaut, la BCE accorde l’accès sollicité à la décision demandée alors qu’un refus d’accès à ce même document serait contesté, dans le même temps, dans l’affaire Corneli/BCE (T-501/19).

14      Dans le cas inverse où la BCE déciderait de refuser une nouvelle fois l’accès à ce document, la requérante au litige principal pourrait être amenée à adapter ses conclusions et ses moyens, de manière à tenir compte de ladite décision en tant qu’élément nouveau (voir ordonnance du 22 décembre 2014, Al Assad/Conseil, T-407/13, non publiée, EU:T:2014:1119, point 59 et jurisprudence citée), ce qui retarderait l’issue de la procédure d’opposition.

15      Dans un tel contexte marqué notamment par l’incertitude, la suspension de l’exécution de l’arrêt par défaut peut être justifiée par l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

16      Selon la requérante au litige principal, la BCE ne pourrait se plaindre d’un risque de contradiction dès lors que cette institution n’aurait pas demandé la jonction des deux affaires alors que cette jonction aurait permis d’éviter tout risque de cette nature.

17      À cet égard, il convient de relever que les mesures requises par une bonne administration de la justice doivent être appréciées dans les circonstances existant au moment où elles sont prises. Or, à ce stade, les deux affaires n’ont pas été jointes.

18      Au surplus, il peut être rappelé que la jonction d’affaires relève d’une décision à prendre par le président conformément à l’article 68 du règlement de procédure. Or, une partie ne saurait se voir reprocher les conséquences d’une décision, ou d’une absence de décision, qui ne résulterait pas de son fait.

19      En troisième lieu, la requérante au litige principal estime paradoxal, de la part de la BCE, d’invoquer l’intérêt d’une bonne administration de la justice pour justifier la suspension de l’exécution de l’arrêt par défaut, alors que cette institution aurait fait preuve de négligence, d’une part, durant la procédure devant le Tribunal, au cours de laquelle elle a omis de déposer le mémoire en défense dans le délai qui lui était imparti, et, d’autre part, au cours de la phase administrative, durant laquelle elle aurait retardé de manière répétée le moment prévu pour répondre aux demandes d’accès formulées par la requérante au litige principal.

20      À cet égard, il convient de relever que le règlement de procédure prévoit, à son article 166, la possibilité, pour le défendeur défaillant, de former opposition contre l’arrêt rendu par défaut et, à son article 123, paragraphe 4, la possibilité, pour le Tribunal, de suspendre l’exécution de cet arrêt jusqu’à ce qu’il ait statué sur l’opposition.

21      Le fait qu’un arrêt ait été rendu par défaut en raison du dépôt tardif du mémoire en défense ne saurait, par conséquent, entraîner, par lui-même, l’impossibilité, pour le Tribunal, d’en suspendre l’exécution.

22      Par ailleurs, il convient de rappeler qu’une partie s’estimant victime d’un retard illégitime causé par un organe ou une institution de l’Union a la possibilité de faire valoir ses droits dans le cadre des recours prévus à cet effet par les traités, notamment le recours en annulation dirigé contre l’acte qui aurait été adopté en dehors des délais prévus par le droit de l’Union, le recours en carence visant à faire constater que l’organe ou l’institution de l’Union s’est illégalement abstenu d’adopter la mesure demandée et le recours en indemnité visant à obtenir la réparation du préjudice découlant d’un acte ou d’un comportement imputable à un organe ou une institution de l’Union.

23      Enfin, il convient de relever que, dans l’arrêt par défaut, le Tribunal a adjugé à la requérante au litige principal ses conclusions conformément à l’article 123, paragraphe 3, du règlement de procédure, en annulant la décision attaquée, par laquelle la BCE lui avait refusé l’accès à plusieurs documents relatifs à la décision du conseil des gouverneurs de la BCE, du 1er janvier 2019, de placer Banca Carige sous administration temporaire.

24      Conformément à la jurisprudence, l’article 266, paragraphe 1, TFUE impose à la BCE de tirer les conséquences nécessaires de l’annulation de la décision attaquée, en tenant compte non seulement du dispositif de l’arrêt par défaut, mais également des motifs qui en constituent le soutien nécessaire (arrêt du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C-283/14 et C-284/14, EU:C:2016:57, point 49).

25      Le Tribunal ayant uniquement constaté, dans les motifs de l’arrêt par défaut, qu’il n’était pas manifestement incompétent, que le recours n’était pas manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, l’on ne saurait considérer que la BCE soit empêchée d’adopter une nouvelle décision refusant l’accès à la décision demandée. L’arrêt rendu par défaut n’implique pas que la BCE doive nécessairement donner l’accès auxdits documents, pour prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt par défaut et, ainsi, se conformer à ses obligations découlant de l’article 266 TFUE.

26      Ainsi, les arguments soulevés par la requérante au litige principal, selon lesquels la BCE demanderait de suspendre l’exécution de l’arrêt par défaut pour refuser une nouvelle fois l’accès aux documents sollicités, alors que ces documents seraient nécessaires à la requérante dans le cadre d’une procédure engagée devant le juge national, ne sont pas de nature à faire obstacle à la demande ici examinée.

27      Pour l’ensemble de ces raisons, le Tribunal estime qu’il convient, aux fins d’une bonne administration de la justice, de suspendre l’exécution de l’arrêt par défaut jusqu’à ce qu’il ait statué sur l’opposition.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      L’exécution de l’arrêt du 25 juin 2020, Malacalza Investimenti/BCE (T-552/19), est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’opposition formée par la Banque centrale européenne (BCE).

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 5 août 2020.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


*      Langue de procédure : l’italien.