Language of document : ECLI:EU:T:2018:1004

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 décembre 2018 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Financement public de la liaison fixe rail-route du détroit de Fehmarn – Aides individuelles – Acte non susceptible de recours – Acte purement confirmatif – Acte préparatoire – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑890/16,

Scandlines Danmark ApS, établie à Copenhague (Danemark),

Scandlines Deutschland GmbH, établie à Hambourg (Allemagne),

représentées par Me L. Sandberg-Mørch, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Armati et M. S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Danemark, représenté initialement par M. C. Thorning, puis par M. J. Nymann-Lindegren, en qualité d’agents, assistés de Me R. Holdgaard, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la lettre de la Commission du 30 septembre 2016 concernant l’aide d’État mise à exécution par le Danemark pour le financement de la liaison fixe rail-route du détroit de Fehmarn,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

 Requérantes

1        Les requérantes, Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH, font partie d’un groupe exploitant des transbordeurs constitué en 1998 et transportant des passagers, des voitures, des trains et du fret. Elles exploitent deux liaisons maritimes entre l’Allemagne et le Danemark, Puttgarden-Rødby et Rostock-Gedser.

 Projet et décisions précédentes

2        Le traité entre le Royaume de Danemark et la République fédérale d’Allemagne concernant la liaison fixe du détroit de Fehmarn, signé le 3 septembre 2008 et ratifié en 2009 (ci-après l’« accord international »), a approuvé le projet de liaison du détroit de Fehmarn, entre le Danemark et l’Allemagne (ci-après le « projet »). Le projet consiste, d’une part, dans une infrastructure, à savoir un tunnel immergé (ci-après la « liaison fixe »), et, d’autre part, dans des connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays danois.

3        Conformément à l’article 6 de l’accord international et à la Lov no 575 om anlæg og drift af en fast forbindelse over Femern Bælt med tilhørende landanlæg i Danmark (loi no 575 relative à la construction et à l’exploitation de la liaison fixe du détroit de Fehmarn et des liaisons avec l’arrière-pays danois), du 4 mai 2015, deux entreprises publiques ont été chargées de l’exécution du projet. La première, Femern A/S, établie en 2005, est chargée du financement, de la construction et de l’exploitation de la liaison fixe et la seconde, A/S Femern Landanlæg, établie en 2009, est chargée de la construction, de l’exploitation et du financement des connexions avec l’arrière-pays. Femern Landanlæg est une filiale de Sund & Bælt Holding A/S, appartenant à l’État danois, et Femern est devenue la filiale de Femern Landanlæg à la suite de la constitution de cette dernière en 2009.

4        Le projet a été précédé d’une phase de planification. Le financement de cette phase, en ce qui concerne la liaison fixe et les connexions avec l’arrière-pays danois, a été notifié à la Commission européenne pour des raisons de sécurité juridique.

5        Le 13 juillet 2009, par la décision relative à l’aide d’État N 157/2009 – Financement de la phase de planification de la liaison fixe du détroit de Fehmarn (JO 2009, C 202, p. 2, ci-après la « décision concernant la planification »), la Commission a conclu, d’une part, que la planification de la liaison fixe ne constituait pas une activité économique et, d’autre part, que, même si le financement public de la phase de planification était potentiellement susceptible de profiter au futur exploitant de la liaison fixe, les mesures notifiées seraient compatibles avec le marché intérieur. Elle a donc décidé de ne pas soulever d’objections au sens de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

6        Le 5 juin 2014, les requérantes ont envoyé à la Commission une plainte concernant le financement de la planification, de la construction et de l’exploitation du projet de liaison fixe (ci-après la « plainte »).

7        Le 23 juillet 2015, faisant suite à la notification des mesures de financement du projet de la part des autorités danoises, du 22 décembre 2014, la Commission a adopté la décision C(2015) 5023 final relative à l’aide d’État SA.39078 (2014/N) (Danemark), concernant le financement du projet de liaison fixe du détroit de Fehmarn (JO 2015, C 325, p. 5, ci-après la « décision concernant la construction »).

8        Le dispositif de la décision concernant la construction s’articule en deux volets :

–        par le premier, la Commission a considéré que les mesures accordées à Femern Landanlæg pour la planification, la construction et l’exploitation des connexions routières et ferroviaires vers l’arrière-pays ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ;

–        par le second, la Commission a considéré que les mesures accordées à Femern pour la planification, la construction et l’exploitation de la liaison fixe, même dans le cas où elles constitueraient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, étaient compatibles avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

9        Le 16 septembre 2015, la Commission a transmis une copie de cette décision aux requérantes par une lettre dans laquelle, faisant référence à la plainte, elle soulignait qu’elle avait pris une décision au sujet des mesures concernées (ci-après la « lettre d’accompagnement »).

10      La décision concernant la construction a fait l’objet, à la fois, du recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑630/15, introduit par les requérantes le 10 novembre 2015, et du recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑631/15, introduit par Stena Line Scandinavia AB le 11 novembre 2015.

 Procédure administrative et mesures litigieuses

11      Le 2 août 2016, les requérantes ont adressé à la Commission une lettre de mise en demeure (ci-après la « lettre de mise en demeure »), demandant à cette dernière d’agir à l’égard de certaines mesures d’aide dont elles estimaient qu’elles n’avaient pas été traitées par les décisions concernant la planification et la construction, bien que mentionnées dans leur plainte.

12      Les mesures contestées étaient les suivantes :

–        d’une part, une aide nouvelle accordée à Femern et à Femern Landanlæg pour la phase de planification de la liaison fixe, revêtant la forme d’injections de capital, de garanties d’État, de prêts d’État et d’avantages fiscaux ;

–        d’autre part, une aide d’État supplémentaire accordée à Femern pour la phase de la construction de la liaison fixe, sous la forme de redevances ferroviaires non commerciales versées par Danske Statsbaner (DSB), l’exploitant ferroviaire en place détenu par l’État, et de l’utilisation gratuite de biens appartenant à l’État, à savoir des zones maritimes et des fractions du fond marin accueillant la construction de la liaison fixe.

 Lettre attaquée

13      Par une lettre du 30 septembre 2016 (ci-après la « lettre attaquée »), la Commission a répondu à la lettre de mise en demeure.

14      Les conclusions de la lettre attaquée s’articulent en deux volets :

–        par le premier, la Commission a affirmé que les allégations des requérantes concernant les redevances ferroviaires et l’utilisation de biens appartenant à l’État avaient déjà été abordées par la décision concernant la construction ;

–        par le second, la Commission a estimé que les éléments invoqués par les requérantes en ce qui concernait les mesures fiscales et l’application abusive présumée d’une aide pendant la phase de planification ne suffisaient pas à démontrer, à première vue, l’existence d’une aide illégale et a invité les requérantes à présenter leurs observations dans un délai d’un mois.

 Événements postérieurs à la lettre attaquée

15      Le 30 octobre 2016, les requérantes ont répondu à la lettre attaquée.

16      Le 12 décembre 2016, les requérantes, outre l’introduction du présent recours tendant à obtenir l’annulation de la lettre attaquée, ont introduit un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑891/16 tendant à faire constater que la Commission s’était illégalement abstenue de donner suite à la plainte et à la lettre de mise en demeure, dans l’hypothèse où la lettre attaquée ne constituerait pas une prise de position au sens de l’article 265 TFUE.

17      Le 16 mai 2017, s’agissant des mesures d’aide sous la forme de redevances ferroviaires et de l’utilisation gratuite de biens appartenant à l’État, les requérantes ont produit des moyens nouveaux dans l’affaire T‑630/15, faisant valoir que, dans l’hypothèse où le Tribunal partagerait la position adoptée par la Commission dans la lettre attaquée et dans son mémoire en défense dans l’affaire T‑890/16, selon laquelle la décision concernant la construction se serait prononcée sur ces deux mesures, il devrait également annuler cette décision en ce qui concerne ces deux mesures.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 décembre 2016, les requérantes ont introduit le présent recours.

19      Le 23 mars 2017, la Commission a produit son mémoire en défense. La réplique et la duplique ont été déposées dans le délai imparti.

20      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 avril 2017, le Royaume de Danemark a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 3 juillet 2017, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis cette intervention. Le Royaume de Danemark a déposé son mémoire et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

21      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 26 mai 2017, les requérantes ont introduit une demande de traitement confidentiel à l’égard du Royaume de Danemark. Le même jour, les requérantes ont également déposé une version non confidentielle de la requête.

22      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la lettre attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

24      Les requérantes précisent, à titre liminaire, qu’elles contestent tant le bien-fondé de la lettre attaquée que la décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen et que leur recours est recevable, puisque, outre le fait d’être destinataires de la lettre attaquée, elles sont directement et individuellement concernées par cette lettre et ont un intérêt à la voir annulée.

25      Les requérantes invoquent les dix moyens suivants au soutien de leur recours :

–        les premier et deuxième sont tirés de ce que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que la possible surcompensation qu’impliquaient les redevances ferroviaires et l’utilisation gratuite de biens appartenant à l’État constituait des aides existantes autorisées par la décision concernant la construction ;

–        les troisième à septième sont tirés de ce que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que les garanties d’État accordées à Femern Landanlæg, les injections de capital accordées à Femern, les prêts d’État accordés à Femern, l’aide d’État accordée à Femern et à Femern Landanlæg excédant le montant autorisé par la décision concernant la planification et les avantages fiscaux accordés à Femern et à Femern Landanlæg constituaient une aide existante autorisée par la décision concernant la planification ;

–        le huitième est tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit en concluant que, en tout état de cause, les mesures d’aide litigieuses relatives à la phase de planification avaient été autorisées par la décision concernant la construction ;

–        le neuvième est tiré de ce que la Commission a violé son obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen ;

–        le dixième est tiré d’un défaut de motivation.

26      La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, soutient que le recours est irrecevable au motif, notamment, de l’absence d’un acte attaquable.

27      En vertu de l’article 129 de son règlement de procédure, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal peut, à tout moment, d’office, les parties entendues, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée sur les fins de non-recevoir d’ordre public. En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur le caractère d’acte attaquable de la lettre attaquée en ce qui concerne les redevances ferroviaires et l’utilisation gratuite de biens appartenant à l’État

28      Par leur deux premiers moyens, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu, dans la lettre attaquée, que l’aide d’État impliquée par les redevances ferroviaires non commerciales et par l’utilisation gratuite de biens appartenant à l’État aurait été examinée par la décision concernant la construction, alors que ces mesures n’avaient pas été notifiées par les autorités danoises, ni évaluées et d’autant moins autorisées par la Commission dans ladite décision.

29      Le premier volet des conclusions de la lettre attaquée est formulé dans les termes suivants :

« Pour les raisons exposées ci-dessus, nous considérons que, dans le cadre de la décision concernant la construction, la Commission a traité les questions pertinentes mentionnées dans votre lettre, et notamment les redevances ferroviaires et l’utilisation gratuite de biens appartenant à l’État. »

30      Or, en ce qui concerne ces mesures, il convient de relever que la lettre attaquée constitue un acte confirmatif, en ce que la Commission s’est limitée à renvoyer à l’appréciation contenue dans la décision concernant la construction. Par ailleurs, contrairement à l’interprétation des requérantes, la Commission n’a pas tranché la question de la qualification d’aide d’État des mesures litigieuses.

31      Cette conclusion est sans préjudice de la question de savoir si, en dépit du fait que les redevances ferroviaires n’ont été que brièvement mentionnées au considérant 58 de la décision concernant la construction et du fait que l’utilisation gratuite des zones maritimes et des fractions du fond marin n’a même pas été mentionnée dans ladite décision, ces mesures avaient néanmoins été traitées implicitement, en tant que parties intégrantes de la structure de financement du projet notifié.

32      En effet, même à supposer que les critiques des requérantes soient fondées, il convient de rappeler que, dans la lettre d’accompagnement, la Commission, faisant explicitement référence à la plainte, a précisé que, « le 23 juillet 2015[,elle] avait adopté une décision concernant les mesures en question », c’est-à-dire les mesures contestées par cette plainte.

33      Par conséquent, par la lettre d’accompagnement, la Commission a adopté une position définitive sur les mesures contestées par la plainte. Partant, toute contestation concernant le fait que la Commission ait ou non effectivement traité ces deux mesures dans la décision concernant la construction, devait être dirigée à l’encontre de cette dernière décision ou, le cas échéant, de la lettre d’accompagnement.

34      D’ailleurs, les requérantes ont formé un recours contre cette décision (affaire T‑630/15, Scandlines Danmark et Scandlines Deutschland/Commission), recours qui, pourtant, ne visait pas, initialement, les deux mesures en question. Ce n’est que faisant suite à la lettre attaquée et au mémoire en défense dans la présente affaire, dans lesquels la Commission a soutenu que la décision concernant la construction s’était prononcée également sur ces deux mesures, que les requérantes ont introduit des moyens nouveaux, faisant valoir que, dans l’hypothèse où le Tribunal partagerait la position de la Commission, il devrait également annuler ladite décision (voir point 17 ci-dessus).

35      Compte tenu de ces circonstances, il convient de constater que, à la suite de la décision concernant la construction et de la lettre d’accompagnement, les requérantes avaient tous les éléments pour comprendre que la Commission avait adopté une position définitive sur les mesures contestées dans la plainte. Partant, le premier volet des conclusions de la lettre attaquée, en ce qu’il renvoie à la décision concernant la construction pour ce qui est des redevances ferroviaires et de l’utilisation de biens appartenant à l’État, constitue un acte confirmatif qui ne peut pas faire l’objet d’un recours au sens de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 52 et jurisprudence citée, et du 22 mai 2012, Sviluppo Globale/Commission, T‑6/10, non publié, EU:T:2012:245, point 22 et jurisprudence citée).

36      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument selon lequel les mesures en question n’auraient pas été notifiées à la Commission ni examinées ou approuvées par cette dernière.

37      En effet, il convient de constater que, indépendamment de la notification et de l’examen de ces mesures, à la suite de la lettre d’accompagnement, les requérantes étaient clairement informées du fait que la Commission considérait avoir adopté une position définitive sur les mesures contestées dans la plainte (voir point 32 et 33 ci-dessus).

38      De même, il convient de rejeter l’argument tiré, à titre subsidiaire, de l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409, points 33 à 35), invoqué par les requérantes, selon lequel un recours contre une décision confirmative serait irrecevable seulement si la décision confirmée est devenue définitive à l’égard de l’intéressé, faute d’avoir fait l’objet d’un recours contentieux introduit dans le délai requis, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, les requérantes ayant formé un recours contre la décision concernant la construction.

39      En effet, il convient de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission (C‑228/16 P, EU:C:2017:409), par l’ordonnance qui faisait l’objet du pourvoi, le Tribunal avait constaté qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission qui rejetait de manière définitive une plainte de la partie requérante au motif que, postérieurement, une décision de ne pas soulever d’objections à l’égard des mesures d’aides faisant l’objet de la plainte avait abrogé et formellement remplacé la première décision. À cet égard, la Cour a constaté que la seconde décision ne faisait que confirmer la première décision dès lors que, à la suite d’un réexamen des éléments qui lui avaient été soumis, la Commission avait simplement réitéré son refus d’ouvrir la procédure formelle d’examen sans, d’ailleurs, ajouter aucun élément nouveau. Par conséquent, la première décision n’avait pas été retirée par la première. Selon la Cour, admettre que, dans un tel cas de figure, l’adoption par la Commission d’une nouvelle décision entraînerait le non-lieu à statuer sur le recours en annulation introduit contre la décision initiale serait de nature à faire obstacle à l’effectivité du recours juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2017, DEI/Commission, C-228/16 P, EU:C:2017:409, points 36 et 37).

40      En l’espèce, en revanche, la partie de la lettre attaquée relative aux redevances ferroviaires et à l’utilisation gratuite de biens appartenant à l’État n’a aucun caractère décisionnel, se limitant à informer les requérantes que la question avait déjà été traitée dans la décision concernant la construction, qui fait l’objet d’un recours de la part des requérantes. Elle n’a donc pas pour objet de remplacer ou d’abroger ladite décision concernant la construction.

41      Dès lors, dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient remettre ultérieurement en cause la décision concernant la construction par le biais d’un recours contre la partie de la lettre attaquée relative aux redevances ferroviaires et à l’utilisation gratuite de biens appartenant à l’État, car cela reviendrait à leur permettre de contourner le délai de recours prévu à l’article 263 TFUE.

42      Il y a donc lieu de rejeter le recours comme étant irrecevable en ce qui concerne la partie de la lettre attaquée relative aux redevances ferroviaires et à l’utilisation gratuite de biens appartenant à l’État.

 Sur le caractère d’acte préparatoire de la lettre attaquée en ce qui concerne certaines mesures d’aide relatives à la phase de planification

43      Par leur troisième à huitième moyens, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission a commis une erreur de droit en concluant, dans la lettre attaquée, que certaines mesures concernant la phase de planification du projet constituaient des aides d’État existantes autorisées par la décision concernant la planification et que, dans la mesure où elles ne faisaient pas l’objet de cette décision, ces mesures avaient été, en tout état de cause, autorisées par la décision concernant la construction.

44      À cet égard, il convient brièvement de rappeler le contenu des actes pertinents.

45      Dans la lettre de mise en demeure, les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir tenu compte, dans la décision concernant la construction, notamment des mesures d’aide suivantes : injections de capital, garanties d’État, prêts d’État et avantages fiscaux en violation de la décision concernant la planification.

46      Dans les motifs de la lettre attaquée, la Commission a examiné ces mesures et, sous le titre « Conclusion concernant les mesures dans la décision [concernant la] planification » a conclu comme suit :

« Pour les raisons exposées ci-dessus, nous sommes d’avis que les mesures mentionnées dans votre lettre sont couvertes par la décision concernant la planification et ne constituent pas des aides nouvelles. Si vous disposez d’informations en sens contraire, vous êtes invité à en informer la Commission, dans un délai d’un mois à compter de la réception de la présente lettre.

En outre, et en tout état de cause, nous notons que l’évaluation faite dans la décision concernant la construction couvre toutes les dépenses liées à l’ensemble du projet de liaison fixe (notamment les mesures couvertes par la décision concernant la planification). Dans l’éventualité où certains coûts de la phase de planification pourraient ne pas être couverts par l’autorisation de la décision concernant la planification, ils sont, en tout état de cause, autorisés par la décision concernant la construction et, pour cette seule raison, ne constitueraient pas une aide nouvelle. »

47      Dans le second volet des conclusions de la lettre attaquée, la Commission a conclu comme suit :

« En ce qui concerne les mesures fiscales et l’utilisation abusive alléguée des aides pendant la phase de planification, la Commission considère que les éléments de fait et de droit que vous avez avancés ne suffisent pas à démontrer, sur la base d’un examen à première vue, l’existence d’une aide illégale. Nous vous invitons donc à présenter vos éventuelles observations dans un délai d’un mois à compter de la réception de la présente lettre, faute de quoi la plainte sera réputée avoir été retirée. »

48      Il convient également de rappeler que l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, dispose ce qui suit :

« Toute partie intéressée peut déposer une plainte pour informer la Commission de toute aide présumée illégale ou de toute application présumée abusive d’une aide. À cet effet, la partie intéressée remplit en bonne et due forme un formulaire figurant dans une disposition d’application visée à l’article 33 et fournit les renseignements obligatoires qui y sont demandés.

Lorsque la Commission estime que la partie intéressée ne respecte pas l’obligation de recourir au formulaire de plainte ou que les éléments de fait et de droit invoqués par la partie intéressée ne suffisent pas à démontrer, sur la base d’un examen à première vue, l’existence d’une aide d’État illégale ou l’application abusive d’une aide, elle en informe la partie intéressée et l’invite à présenter ses observations dans un délai déterminé qui ne dépasse normalement pas un mois. Si la partie intéressée ne fait pas connaître son point de vue dans le délai fixé, la plainte est réputée avoir été retirée. Lorsqu’une plainte est réputée avoir été retirée, la Commission en informe l’État membre concerné. »

49      Compte tenu des éléments susvisés, il y a lieu de conclure que, dans la lettre attaquée, la Commission a examiné les allégations des requérantes, les a informées de sa position préliminaire selon laquelle il n’existait pas de motifs suffisants pour conclure que les mesures d’aide alléguées impliquaient l’octroi d’une aide illégale et les a invitées à présenter leurs observations.

50      Force est de constater que la lettre attaquée, en ce qui concerne certaines mesures d’aide relatives à la phase de planification, constitue un acte préparatoire au sens de l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 et ne constitue donc pas un acte attaquable (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 48, et ordonnance du 9 janvier 2012, Neubrandenburger Wohnungsgesellschaft/Commission, T‑407/09, non publiée, EU:T:2012:1, points 29 à 33).

51      Par ailleurs, les requérantes ont répondu à l’invitation à présenter leurs observations par lettre du 30 octobre 2016 et la Commission, dans ses écritures, a déclaré qu’elle « [était] en train d’étudier le contenu de cette lettre » et qu’elle « préparera[it] une décision en temps utile », affirmation dont les requérantes, dans leurs écritures, « se réjouissent ».

52      En outre, il convient de constater, ainsi que le fait la Commission, que les requérantes, dans leur réplique, ne contestent même pas l’argumentation de la Commission selon laquelle la lettre attaquée, en ce qui concerne certaines mesures d’aide relatives à la phase de planification, constitue un acte préparatoire.

53      En effet, les requérantes soutiennent que la Commission les a invitées à formuler des observations seulement en ce qui concernait la conclusion selon laquelle la décision concernant la planification avait autorisé les mesures de planification, et non en ce qui concernait l’appréciation selon laquelle les mesures de planification étaient en tout état de cause couvertes par la décision concernant la construction. Celle-ci constituerait ainsi une conclusion définitive, susceptible d’être attaquée devant le Tribunal. Elles s’appuient sur le second volet de la conclusion de la lettre attaquée, dans lequel la Commission exprime sa position et invite à présenter des observations seulement « [e]n ce qui concerne les mesures fiscales et l’utilisation abusive alléguée des aides pendant la phase de planification » (voir point 47 ci-dessus).

54      En tout état de cause, cet argument ne saurait davantage prospérer.

55      En effet, il convient de relever que l’appréciation de la Commission selon laquelle les mesures de planification sont couvertes par la décision concernant la construction, d’une part, a été formulée à titre subsidiaire (« en tout état de cause ») et, d’autre part, est contenue dans les « motifs » de la lettre attaquée, sous le titre « Conclusion concernant les mesures dans la décision [concernant la] planification », et n’a pas été reprise dans la conclusion proprement dite, qui correspond au « dispositif » de cette lettre.

56      Il convient également de rappeler que l’invitation à présenter des observations concerne, de façon générique, « les mesures fiscales et l’utilisation abusive alléguée des aides pendant la phase de planification » (voir point 47 ci-dessus).

57      Contrairement aux allégations des requérantes, aucun élément ne permet de conclure que cette invitation est limitée à la conclusion principale de la Commission, selon laquelle les mesures en question ont été examinées par la décision concernant la planification. Au contraire, elle est suffisamment générique pour inclure la conclusion subsidiaire, selon laquelle ces mêmes mesures ont été, en tout état de cause, examinées par la décision concernant la construction. Il serait, d’ailleurs, illogique de déduire de la formulation susvisée, interprétée dans le contexte des motifs de la lettre attaquée, que la Commission a voulu implicitement limiter les observations à la conclusion principale de son raisonnement, tout en considérant la conclusion subsidiaire comme étant définitive.

58      Par conséquent, il convient de conclure que, en ce qui concerne certaines mesures d’aide relatives à la phase de planification, la lettre attaquée est un acte préparatoire qui ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE.

59      Il y a donc lieu de rejeter le recours comme étant irrecevable en ce qui concerne certaines mesures d’aide relatives à la phase de planification.

 Sur le neuvième moyen, tiré de ce que la Commission a violé son obligation d’ouvrir la procédure formelle d’examen

60      En substance, par la première branche du neuvième moyen, les requérantes font valoir que la durée et les circonstances de la procédure d’examen préliminaire révélaient l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû amener la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen, tandis que, par les deuxième à neuvième branches de ce moyen, elles se limitent à renvoyer aux arguments développés dans le cadre des premier à huitième moyens, qui visent à contester le bien-fondé de l’appréciation de la Commission, afin de démontrer que les constatations effectuées dans la lettre attaquée soulevaient des difficultés sérieuses qui l’obligeaient à ouvrir la procédure formelle d’examen.

61      La Commission conclut à l’irrecevabilité de ce moyen, au motif qu’aucune décision, implicite ou autre, de refus d’ouvrir la procédure formelle d’examen n’a été prise et qu’il n’existe donc aucun acte à annuler.

62      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre des premier à huitième moyens, il a été conclu que la lettre attaquée ne constituait pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. Par ailleurs, aucun élément ne permet de conclure que, par la lettre attaquée, la Commission a clôturé la procédure d’examen préliminaire prévue par l’article 4 du règlement 2015/1589, ni qu’elle était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen ou d’adopter d’autres décisions.

63      Partant, il convient de rejeter le neuvième moyen comme étant inopérant.

 Sur le dixième moyen, tiré d’un défaut de motivation

64      Par leur dixième moyen, les requérantes font valoir, en substance, que, dans la lettre attaquée, la Commission a omis de motiver sa position concernant les redevances ferroviaires, sans donner la raison pour laquelle les redevances ferroviaires n’impliquaient aucune aide.

65      À cet égard, il suffit de rappeler que l’obligation de motivation ne s’applique qu’aux actes attaquables (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2009, Commission/Conseil, C‑370/07, EU:C:2009:590, point 42) et que, conformément à l’appréciation des premier à neuvième moyens ci-dessus, la lettre attaquée ne constitue pas un acte attaquable.

66      Partant, il convient de rejeter le dixième moyen comme étant inopérant.

67      De surcroît, il convient de relever que les requérantes confondent la motivation de la lettre attaquée avec le bien-fondé de cette motivation (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67).

68      Dans la lettre attaquée, la Commission se limite à constater que les redevances ferroviaires ont été traitées dans la décision concernant la construction. Cette conclusion, indépendamment de son bien-fondé, fait ressortir à suffisance de droit la raison pour laquelle la Commission n’a pas traité ces mesures dans la lettre attaquée, faisant apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de la Commission, conformément à la jurisprudence pertinente (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2010, Freistaat Sachsen e.a./Commission, T‑102/07 et T‑120/07, EU:T:2010:62, point 180 et jurisprudence citée).

69      Il s’ensuit que, d’une part, les requérantes ont pu développer leurs arguments au soutien des premier à neuvième moyens et, d’autre part, le Tribunal est en mesure d’effectuer son examen au regard de tous les arguments soulevés par les requérantes.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

71      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Scandlines Danmark ApS et Scandlines Deutschland GmbH supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par la Commission européenne.

3)      Le Royaume de Danemark supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

G. Berardis


*      Langue de procédure : l’anglais.