Language of document : ECLI:EU:C:2023:1027

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

21 décembre 2023 (*)

« Pourvoi – Recours en indemnité – Opérations de concentration d’entreprises – Décision de la Commission européenne déclarant l’opération de concentration incompatible avec le marché intérieur et le fonctionnement de l’accord EEE – Annulation de la décision pour vice de procédure – Responsabilité non contractuelle de l’Union européenne – Lien de causalité »

Dans l’affaire C‑297/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 3 mai 2022,

United Parcel Service Inc., établie à Atlanta, Georgie (États-Unis), représentée par Me F. Hoseinian, advokat, Mes W. Knibbeler, A. Pliego Selie, F. Roscam Abbing, T. van Helfteren, advocaten, et M. A. Ryan, solicitor,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. P. Berghe, M. Farley et N. Khan, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. E. Regan, président de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la cinquième chambre, MM. Z. Csehi (rapporteur), M. Ilešič et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, United Parcel Service Inc. (ci-après « UPS ») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 23 février 2022, United Parcel Service/Commission (T‑834/17, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:84), par lequel celui-ci a rejeté son recours fondé sur l’article 268 TFUE et tendant à la réparation du préjudice qu’elle aurait subi du fait de l’illégalité de la décision C(2013) 431 de la Commission, du 30 janvier 2013, déclarant une concentration incompatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE (affaire COMP/M.6570 – UPS/TNT Express) (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        L’article 7 du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), intitulé « Suspension de la concentration », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Une concentration de dimension communautaire telle que définie à l’article 1er ou qui doit être examinée par la Commission [européenne] en vertu de l’article 4, paragraphe 5, ne peut être réalisée ni avant d’être notifiée ni avant d’avoir été déclarée compatible avec le marché commun par une décision prise en vertu de l’article 6, paragraphe 1, point b), ou de l’article 8, paragraphes 1 ou 2, ou sur la base de la présomption établie à l’article 10, paragraphe 6. »

3        L’article 10 de ce règlement, intitulé « Délais d’engagement de la procédure et des décisions », prévoit, à son paragraphe 5 :

« Lorsque la Cour de justice rend un arrêt qui annule en tout ou en partie une décision de la Commission qui fait l’objet d’un délai fixé par le présent article, cette dernière réexamine la concentration en vue d’adopter une décision en vertu de l’article 6, paragraphe 1.

La concentration est réexaminée à la lumière des conditions prévalant alors sur le marché.

Les parties notifiantes soumettent une nouvelle notification ou complètent la notification originale sans délai si la notification originale est devenue incomplète à cause de changements des conditions du marché ou des faits présentés dans la notification. Lorsqu’il n’y a pas de changement, les parties le certifient sans délai.

Les délais fixés au paragraphe 1 commencent à courir le jour ouvrable suivant celui de la réception des renseignements complets dans une nouvelle notification, une notification complétée ou une certification au sens du troisième alinéa.

Les deuxième et troisième alinéas s’appliquent également dans les cas visés à l’article 6, paragraphe 4, et à l’article 8, paragraphe 7. »

 Les antécédents du litige

4        Les antécédents du litige, tels qu’ils ressortent des points 1 à 13 de l’arrêt attaqué, sont les suivants :

« 1      Dans l’Espace économique européen (EEE), la requérante, [UPS] et TNT Express NV (ci-après “TNT”) sont deux sociétés présentes sur les marchés des services internationaux de distribution expresse de petits colis.

2      Le 26 juin 2012, la Commission européenne a publié un avis de notification préalable d’une concentration (affaire COMP/M.6570 – UPS/TNT Express) (JO 2012, C 186, p. 9) [...]

3      Le 11 janvier 2013, la Commission a informé UPS qu’elle entendait interdire l’opération de concentration projetée entre elle et TNT.

4      Le 14 janvier 2013, UPS a publié cette information au moyen d’un communiqué de presse.

5      [...]

6      Le 30 janvier 2013, la Commission a adopté la [décision litigieuse]. La Commission a estimé que l’opération de concentration entre UPS et TNT constituerait une entrave significative à une concurrence effective sur les marchés des services en cause dans quinze États membres, à savoir en Bulgarie, en République tchèque, au Danemark, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, à Malte, aux Pays-Bas, en Pologne, en Roumanie, en Slovénie, en Slovaquie, en Finlande et en Suède.

7      Par communiqué de presse du même jour, UPS a annoncé qu’elle renonçait à l’opération de concentration projetée.

8      Le 5 avril 2013, UPS a saisi le Tribunal d’un recours en annulation de la décision litigieuse, enregistré sous le numéro T‑194/13, et d’une demande de procédure accélérée, laquelle a été rejetée par le Tribunal.

9      Le 7 avril 2015, FedEx Corp. a annoncé une offre d’achat de TNT.

10      Le 4 juillet 2015, la Commission a publié un avis de notification préalable d’une concentration (affaire M.7630 – FedEx/TNT Express) (JO 2015, C 220, p. 15), concernant l’opération par laquelle FedEx devait acquérir TNT.

11      Le 8 janvier 2016, la Commission a adopté la décision déclarant une concentration compatible avec le marché intérieur et avec le fonctionnement de l’accord EEE (affaire M.7630 – FedEx/TNT Express), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2016, C 450, p. 12), portant sur l’opération entre FedEx et TNT.

12      Par l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), le Tribunal a annulé la décision litigieuse.

13      Le 16 mai 2017, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144), que la Cour a rejeté par l’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23). »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2017, UPS a introduit un recours tendant, premièrement, à la réparation du préjudice, à hauteur de 1,742 milliard d’euros, qu’elle aurait subi du fait de l’illégalité de la décision litigieuse et, deuxièmement, à l’octroi d’une compensation pour les impôts qui seront perçus sur l’indemnité accordée.

6        Selon la requête, le prétendu dommage de 1,742 milliard d’euros se décomposait comme suit :

–        131 millions d’euros, correspondant au montant net de la perte subie par UPS du fait de l’indemnité de rupture inversée (200 millions d’euros bruts) versée à TNT en application de l’accord de fusion pour non-exécution de l’opération ;

–        plus 1,638 milliard d’euros, reflétant la valeur nette après impôts des synergies de coûts perdues à la suite de l’interdiction de l’opération ;

–        plus 2,4 millions d’euros, correspondant aux frais de justice supportés par UPS (3,7 millions d’euros bruts) pour l’intervention dans l’opération FedEx/TNT ;

–        moins 29 millions d’euros de frais d’opération évités (44,2 millions d’euros bruts).

7        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours d’UPS.

8        En premier lieu, en ce qui concerne les illégalités résultant de la violation des droits procéduraux, le Tribunal a, premièrement, jugé, aux points 94 et 123 de l’arrêt attaqué, que la violation des droits de la défense d’UPS du fait de l’absence de communication par la Commission de la version finale du modèle économétrique avait déjà été définitivement établie par l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144, points 221 et 222), qui avait acquis force de chose jugée à la suite du rejet du pourvoi de la Commission par l’arrêt du 16 janvier 2019, Commission/United Parcel Service (C‑265/17 P, EU:C:2019:23). Selon le Tribunal, cette méconnaissance des droits de la défense d’UPS constitue, de la part de la Commission, une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.

9        Deuxièmement, au point 143 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté comme étant non fondée l’argumentation d’UPS selon laquelle la Commission aurait également enfreint les droits procéduraux d’UPS dans le cadre de son analyse des gains d’efficacité au motif qu’elle n’aurait pas communiqué les critères d’évaluation de ces gains.

10      Troisièmement, s’agissant de la violation alléguée des droits procéduraux tirée de l’absence de communication de certains documents confidentiels de FedEx, le Tribunal a considéré, aux points 172 et 182 de l’arrêt attaqué, que celle-ci n’était pas établie.

11      En deuxième lieu, en ce qui concerne les illégalités alléguées résultant des prétendues erreurs relatives à l’appréciation au fond de l’opération de concentration, le Tribunal a relevé, premièrement, au point 228 de l’arrêt attaqué, après avoir mis en balance les intérêts en présence, que les irrégularités alléguées par UPS à l’égard du modèle économétrique de la Commission n’étaient pas suffisamment caractérisées pour pouvoir engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

12      Deuxièmement, au point 289 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu qu’UPS n’était pas parvenue à démontrer l’existence d’erreurs dans l’appréciation du caractère vérifiable des gains d’efficacité allégués qui soient susceptibles d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

13      En troisième lieu, en ce qui concerne l’existence d’un lien de causalité entre l’illégalité résultant de l’absence de communication du modèle économétrique et les trois préjudices allégués dont UPS demandait la réparation du fait de l’impossibilité de mettre en œuvre l’opération de concentration envisagée, le Tribunal a constaté, tout d’abord, au point 343 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait de rejeter la demande de réparation du préjudice concernant les frais liés à sa participation à la procédure de contrôle de l’opération entre FedEx et TNT.

14      Ensuite, au point 350 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, le paiement par UPS d’une indemnité de rupture de 200 millions d’euros au bénéfice de TNT découlant directement de l’accord entre ces deux entreprises, il n’était pas établi que la violation des droits procéduraux d’UPS ou les autres violations alléguées par cette dernière en étaient la cause déterminante.

15      S’agissant, enfin, du préjudice tenant au manque à gagner subi par UPS en raison de l’impossibilité de mettre en œuvre l’opération de concentration envisagée, le Tribunal a estimé, premièrement, au point 353 de l’arrêt attaqué, que la demande d’UPS devait être interprétée comme ayant pour objet non pas l’indemnisation d’une perte de chance de réaliser ladite opération, mais l’indemnisation de la perte certaine de synergies de coûts. Or, dans la mesure où ce n’est qu’en réponse à des questions du Tribunal qu’UPS avait indiqué que la demande en indemnité incluait, d’une certaine manière, une perte de chance, le Tribunal a considéré que ce nouveau chef de préjudice avait été présenté tardivement et était, par conséquent, irrecevable.

16      Deuxièmement, aux points 355 et 358 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’UPS n’avait ni démontré ni fourni les éléments qui permettaient de conclure, avec la certitude requise, que les erreurs de conception alléguées à l’égard du modèle économétrique retenu suffisaient à invalider l’intégralité de l’analyse économique de l’opération de concentration envisagée et le constat d’une entrave significative à une concurrence effective. Le Tribunal a également considéré, auxdits points de l’arrêt attaqué, qu’il ne saurait être conclu que la violation des droits de la défense avait eu un impact décisif sur l’issue de la procédure de contrôle de l’opération projetée.

17      Troisièmement, au point 365 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que, UPS ayant renoncé à son projet d’acquisition de TNT dès le 14 janvier 2013, à supposer même que l’irrégularité commise par la Commission lors de l’adoption de la décision litigieuse ait pu causer un manque à gagner à UPS, le fait pour cette entreprise d’avoir renoncé à l’opération projetée dès l’annonce de la décision litigieuse avait eu pour effet de rompre tout lien de causalité direct entre cette irrégularité et le préjudice allégué.

18      Au point 371 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu qu’il n’était pas établi que la violation des droits procéduraux d’UPS ou les autres violations alléguées par cette dernière soient la cause déterminante de son prétendu manque à gagner et qu’il y avait, dès lors, lieu de rejeter la demande d’indemnisation de ce préjudice.

 Les conclusions des parties devant la Cour

19      UPS demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        d’accorder à UPS une indemnité majorée des intérêts applicables pour le dommage subi, comme demandé en première instance, conformément à la procédure prévue à l’article 340 TFUE ;

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

–        de condamner la Commission aux dépens de la présente procédure et de la procédure devant le Tribunal.

20      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner UPS aux dépens.

 Sur le pourvoi

21      À l’appui de son pourvoi, UPS soulève six moyens. Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise, d’une part, en considérant que les erreurs graves imputables à la Commission en relation avec le modèle économétrique utilisé par cette institution n’étaient pas de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union et, d’autre part, en concluant à l’absence de lien de causalité avec le préjudice allégué. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en estimant que l’indemnité de rupture n’était pas recouvrable puisqu’elle avait été conclue volontairement. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en jugeant que le lien de causalité entre la violation grave commise par la Commission et le préjudice tenant au manque à gagner avait été rompu du fait des actions menées par UPS à la suite de la décision litigieuse. Le quatrième moyen est tiré d’erreurs de droit que le Tribunal aurait commises en considérant que la Commission disposait d’une marge d’appréciation pour accepter les gains d’efficacité, de sorte qu’elle n’aurait pas commis d’erreur suffisamment caractérisée en ce qui concerne l’appréciation des gains d’efficacité. Le cinquième moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en jugeant qu’UPS n’avait pas soumis au conseiller-auditeur les demandes requises des documents de FedEx. Le sixième moyen est tiré d’une erreur de droit que le Tribunal aurait commise en concluant que le préjudice résultant de la perte de chance constituait un nouveau chef de préjudice qui, partant, était irrecevable.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

22      Par son troisième moyen, qu’il convient d’examiner en premier lieu, UPS reproche au Tribunal, en substance, d’avoir commis, aux points 364 et 365 de l’arrêt attaqué, des erreurs de droit en affirmant que les actions entreprises par UPS à la suite de la décision litigieuse avaient eu pour effet de rompre le lien de causalité direct entre la violation grave commise par la Commission et le préjudice tenant au manque à gagner subi par UPS en raison de l’impossibilité de mettre en œuvre l’opération de concentration envisagée. Selon UPS, les actions qu’elle a entreprises ont été la conséquence directe de la décision litigieuse.

23      UPS précise, en premier lieu, que, en concluant qu’UPS avait décidé d’« abandonner » la concentration envisagée, le Tribunal a commis une erreur de droit, en ce qu’il est parvenu à une conclusion juridiquement erronée, fondée sur une interprétation manifestement déformée des preuves disponibles. En effet, UPS n’aurait pas renoncé à son projet d’acquisition, puisqu’elle aurait demandé l’annulation de la décision litigieuse devant le Tribunal et sollicité l’octroi de la procédure accélérée. En outre, UPS se serait contractuellement engagée à maintenir son offre tant que la Commission ne l’interdisait pas. Par un communiqué de presse du 14 janvier 2013, elle aurait informé les marchés de capitaux que, dans l’hypothèse où la Commission adopterait effectivement une décision d’interdiction, UPS serait alors dans l’incapacité juridique de réaliser l’offre qui expirerait conformément à ses conditions contractuelles. Par la suite, le 30 janvier 2013, date de la décision litigieuse, UPS aurait publié un communiqué de presse expliquant les démarches contractuelles requises, prises à la suite de cette décision. S’agissant de ces démarches contractuelles, le Tribunal ne pourrait reprocher à UPS d’avoir entrepris les actions exigées par l’article 7 du règlement no 139/2004 qui prévoit que les concentrations qui ont été interdites ne peuvent pas être réalisées.

24      En second lieu, UPS fait valoir que la conclusion du Tribunal selon laquelle le lien de causalité entre l’erreur grave commise par la Commission et le préjudice tenant au manque à gagner subi par UPS en raison de l’impossibilité de mettre en œuvre l’opération de concentration envisagée a été rompu parce qu’elle n’avait pas déposé une deuxième offre d’acquisition de TNT ou lancé une offre concurrente en réaction à celle de FedEx est erronée et ne reflète pas la réalité économique.

25      En effet, premièrement, UPS n’aurait eu aucune raison d’escompter une issue différente dans la mesure où, d’une part, la procédure en annulation de la décision litigieuse était toujours pendante et la Commission défendait vigoureusement la légalité de cette décision. D’autre part, il ne saurait être exigé d’aucune partie qu’elle continue à notifier l’opération dans l’espoir d’obtenir finalement l’approbation, et ce indépendamment de la question de savoir si cela était possible en application des règles en matière d’offres publiques d’achat, d’un point de vue commercial ou autre.

26      Deuxièmement, en dehors du fait que cette offre nouvelle n’aurait pas été approuvée ou qu’il aurait été très peu vraisemblable qu’elle le soit par l’autorité de régulation financière néerlandaise en vertu de la réglementation néerlandaise en matière d’offres publiques d’acquisition, qui exigeait que cette autorité approuve un mémoire relatif à l’offre publique d’achat avant qu’une partie puisse réaliser cette acquisition, UPS souligne qu’il est inexact et irréaliste de suggérer qu’elle pouvait lancer une offre révisée avant que le Tribunal n’annule la décision litigieuse.

27      Troisièmement, au moment où le Tribunal a annulé la décision litigieuse, TNT avait été acquise par FedEx et il n’était plus possible à UPS d’émettre une offre pour l’acquisition de TNT. Dans ces conditions, UPS aurait également été empêchée de demander à la Commission de poursuivre son appréciation d’une offre d’UPS sur TNT. Le Tribunal aurait accepté que la procédure fasse l’objet d’un traitement prioritaire, mais l’annulation serait survenue plus d’un an après l’acquisition de TNT par FedEx.

28      La Commission soutient que le troisième moyen est, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

 Appréciation de la Cour

29      Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est seulement compétente pour exercer, en vertu de l’article 256 TFUE, un contrôle sur la qualification juridique de ceux-ci et les conséquences de droit qui en ont été tirées (arrêt du 14 octobre 2021, NRW. Bank/CRU, C‑662/19 P, EU:C:2021:846, point 35). L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 25 mars 2021, Deutsche Telekom/Commission, C‑152/19 P, EU:C:2021:238, point 68).

30      Lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de manière précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante qu’une dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 10 novembre 2022, Commission/Valencia Club de Fútbol, C‑211/20 P, EU:C:2022:862, point 55 et jurisprudence citée).

31      Une telle dénaturation suppose que le Tribunal ait manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable des éléments de preuve. À cet égard, il ne suffit pas de montrer qu’un document pourrait faire l’objet d’une interprétation différente de celle retenue par le Tribunal (arrêts du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, C‑466/19 P, EU:C:2021:76, point 44, ainsi que du 16 février 2023, Commission/Italie, C‑623/20 P, EU:C:2023:97, point 128).

32      En l’occurrence, par le présent moyen, UPS ne fait pas grief au Tribunal d’avoir procédé à une qualification juridique erronée des faits en jugeant, au point 365 de l’arrêt attaqué, que le fait pour UPS d’avoir renoncé à l’opération de concentration projetée visant à acquérir TNT dès l’annonce de la décision litigieuse, et donc bien avant que FedEx n’annonce son offre d’achat sur cette dernière, constitue un acte ayant rompu le lien de causalité direct entre l’irrégularité commise par la Commission lors de l’adoption de cette décision litigieuse et le préjudice allégué. UPS reproche, en revanche, au Tribunal d’avoir dénaturé les éléments de preuve en jugeant, aux points 364 et 365 de cet arrêt attaqué, qu’elle avait renoncé à cette opération.

33      À cet égard, il convient de rappeler que, aux points 364 et 365 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, qu’UPS, par son premier communiqué de presse du 14 janvier 2013, avait indiqué de manière univoque qu’elle avait pris la décision d’abandonner l’opération de concentration envisagée avec TNT et, par un second communiqué de presse du 30 janvier 2013, avait annoncé le retrait de son offre sur TNT et la décision de ces deux entreprises de mettre fin à leur accord de fusion. Le Tribunal a ainsi souverainement constaté qu’UPS avait renoncé à acquérir TNT dès le 14 janvier 2013 et qu’elle n’était jamais revenue sur cette renonciation, ce qui serait démontré également par le fait qu’UPS n’a pas déposé une nouvelle offre sur TNT après la décision litigieuse ni réagi à celle de FedEx en lançant une offre concurrente.

34      Or, il y a lieu de constater que, par l’argumentation qu’elle développe à l’appui du présent moyen, UPS se borne à faire valoir une interprétation des documents, en l’occurrence, les communiqués de presse des 14 et 30 janvier 2013, et des circonstances factuelles ayant entouré ceux-ci, qui est différente de celle retenue dans l’arrêt attaqué, sans établir que le Tribunal aurait à cet égard dénaturé de manière manifeste des pièces du dossier et outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable des éléments de preuve en concluant qu’UPS avait décidé de renoncer à l’opération de concentration en cause. À cet égard, il convient d’ailleurs de relever qu’UPS ne fait pas grief au Tribunal d’avoir commis une dénaturation lorsqu’il a jugé, au point 363 de l’arrêt attaqué, que l’accord de fusion du 19 mars 2012 donnait à UPS la faculté de proroger son offre sur TNT dans l’éventualité d’une déclaration d’incompatibilité, et ce à sa seule discrétion.

35      Quant à l’argumentation, avancée dans ce contexte par UPS, concernant la pertinence de l’absence de dépôt d’une deuxième offre d’acquisition de TNT ou d’une offre concurrente en réaction à celle de FedEx, elle ne saurait davantage démontrer l’existence d’une dénaturation. En effet, par cette argumentation, UPS, loin de remettre en cause l’appréciation factuelle effectuée par le Tribunal au point 365 de l’arrêt attaqué, selon laquelle UPS n’a ni déposé une deuxième offre d’acquisition de TNT ni lancé une offre concurrente en réaction à celle de FedEx, reconnaît l’exactitude de cette appréciation des faits, se bornant à invoquer des circonstances justifiant, selon elle, de tels faits.

36      Dans ces conditions, il convient de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

37      Par son deuxième moyen, UPS reproche au Tribunal, en substance, d’avoir commis, aux points 346, 347 et 350 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en rejetant l’existence d’un lien de causalité entre l’erreur suffisamment caractérisée imputable à la Commission et l’indemnité de rupture au seul motif que cette indemnité avait été librement consentie.

38      UPS soutient, tout d’abord, que, lorsque le préjudice subi par un particulier est directement causé par une erreur suffisamment caractérisée d’une institution de l’Union, la responsabilité non contractuelle de l’Union est engagée, indépendamment du fait que l’acte générateur du dommage soit un contrat entre particuliers dont l’obligation sous-jacente a été conclue avant la commission de cette erreur suffisamment caractérisée. UPS précise, à cet égard, que, à suivre le raisonnement du Tribunal, l’Union ne serait jamais responsable du dommage subi par des particuliers à la suite d’une erreur suffisamment caractérisée imputable à une institution dans le cas où les particuliers impliqués auraient volontairement noué une relation contractuelle sous-jacente ou y auraient consenti. Le Tribunal érigerait la prétendue volonté et le libre consentement des particuliers affectés par un acte d’une institution de l’Union comme éléments décisifs permettant de caractériser l’existence d’un lien de causalité. Pourtant, l’article 340 TFUE n’exclurait aucunement de son champ d’application la réparation des dommages liés à des accords contractuels entre particuliers qui auraient été noués volontairement et librement consentis.

39      Ensuite, selon UPS, si l’existence d’une indemnité de rupture trouve son origine dans l’accord de fusion du 19 mars 2012, tel n’est pas le cas en ce qui concerne le versement de cette indemnité, qui a, quant à lui, été déclenché par la décision litigieuse. À cet égard, la présente affaire se distinguerait de celle ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric (C‑440/07 P, EU:C:2009:459). En effet, dans cette affaire, Schneider aurait pu éviter le préjudice invoqué si elle avait poursuivi la procédure de contrôle de la concentration afin d’obtenir l’approbation pour l’acquisition de Legrand après l’annulation par le Tribunal de l’interdiction de l’opération de concentration déjà réalisée, mais elle aurait choisi d’abandonner la procédure. Or, en l’espèce, UPS n’aurait pas pu éviter le versement de l’indemnité de rupture au vu du fait que cette indemnité aurait été, en pratique, obligatoire.

40      Enfin, UPS fait valoir que le Tribunal n’aurait pas répondu à son argument selon lequel l’insertion de l’indemnité de rupture dans l’accord de fusion du 19 mars 2012 était, en pratique, obligatoire. À cet égard, UPS précise que l’argument selon lequel l’indemnité de rupture ne saurait être récupérée au seul motif que l’indemnité avait été librement consentie est incorrect. En effet, les entreprises visées par une offre publique d’achat insisteraient, dans la pratique, sur l’insertion d’une indemnité de rupture.

41      La Commission soutient que ce moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

42      À titre liminaire, il convient de relever que le Tribunal a constaté, aux points 344 et 345 de l’arrêt attaqué, que le paiement de l’indemnité de rupture trouvait son origine dans une obligation contractuelle résultant des termes de l’accord de fusion du 19 mars 2012. Cet accord prévoyait que l’offre publique d’achat d’UPS sur les titres de TNT était conclue sous la condition suspensive d’une décision positive de la Commission et que la non-réalisation de cette condition constituait une cause de résiliation de l’accord de fusion, permettant à TNT d’obtenir, à première demande, le paiement par UPS d’une indemnité de rupture de 200 millions d’euros.

43      Aux points 346 et 347 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que cet engagement contractuel résultait de la volonté des parties de répartir entre elles, selon leur libre appréciation, le risque que l’opération envisagée n’obtienne pas l’approbation préalable de la Commission, risque dont la Cour avait rappelé, au point 203 de l’arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric (C‑440/07 P, EU:C:2009:459), qu’il était inhérent à toute procédure de contrôle des concentrations. Le Tribunal a précisé, en faisant référence au point 205 de ce dernier arrêt, que les conséquences dommageables d’engagements contractuels librement consentis par le destinataire d’une décision de la Commission ne peuvent constituer la cause déterminante du préjudice subi du fait d’illégalités entachant cette décision.

44      En premier lieu, s’agissant du grief soulevé par UPS tel que résumé au point 38 du présent arrêt, il y a lieu de constater que l’arrêt attaqué ne saurait être interprété comme visant à exclure la responsabilité d’une institution de l’Union dans tous les cas où le dommage allégué trouve son fondement dans des relations contractuelles. Certes, prise isolément, l’observation du Tribunal, figurant au point 347 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les conséquences dommageables d’engagements contractuels librement consentis par le destinataire d’une décision de la Commission ne peuvent constituer la cause déterminante du préjudice subi du fait d’illégalités entachant cette décision, pourrait nourrir une telle interprétation. Toutefois, et ainsi qu’il ressort de la lecture des points 344 à 347 de l’arrêt attaqué, pris dans leur ensemble, le raisonnement du Tribunal est propre à la clause contractuelle en cause en l’espèce, par laquelle les parties ont réparti entre elles, selon leur libre appréciation, le risque que l’opération envisagée n’obtienne pas l’approbation préalable de la Commission en fixant un montant forfaitaire de 200 millions d’euros.

45      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument d’UPS tiré du caractère prétendument obligatoire, en pratique, d’une indemnité de rupture, il suffit de constater qu’il vise à remettre en cause le constat effectué par le Tribunal, aux points 346 et 347 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, selon lequel l’indemnité de rupture convenue en l’espèce a été librement consentie, sans ni invoquer ni démontrer la moindre dénaturation.

46      Par conséquent, cet argument est, conformément à la jurisprudence rappelée au point 29 du présent arrêt, irrecevable au stade du pourvoi.

47      En troisième lieu, concernant le grief tiré d’un défaut de motivation en ce que le Tribunal n’aurait pas répondu à l’argument d’UPS selon lequel l’indemnité n’avait pas été librement consentie mais était, en pratique, obligatoire, il convient de rappeler que l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne lui impose de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement qu’il a suivi, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel. Cette obligation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs sur lesquels le Tribunal se fonde et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle dans le cadre de l’examen d’un pourvoi (arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 113 ainsi que jurisprudence citée).

48      En l’espèce, il suffit de relever que le Tribunal a précisément répondu à l’argument d’UPS selon lequel l’indemnité était en pratique obligatoire en indiquant, au point 346 de l’arrêt attaqué, que l’engagement contractuel de répartir entre UPS et TNT le risque que l’opération projetée n’obtienne pas l’approbation préalable de la Commission, risque dont la Cour a rappelé qu’il était inhérent à toute procédure de contrôle des concentrations, avait été librement consenti.

49      En conséquence, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

 Sur la première branche du premier moyen

 Argumentation des parties

50      Par la première branche du premier moyen, UPS reproche au Tribunal, en substance, d’avoir commis, notamment aux points 356 à 358 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit et une dénaturation de la décision litigieuse en jugeant que le modèle économétrique utilisé par la Commission n’était qu’un des éléments justifiant l’interdiction et qu’UPS n’avait pas démontré l’impact décisif des graves erreurs de droit identifiées sur l’issue de la décision litigieuse.

51      La Commission soutient que cette branche est, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.

 Appréciation de la Cour

52      Il convient de rappeler que le Tribunal a considéré, aux points 354 à 358 de l’arrêt attaqué, que la violation suffisamment caractérisée des droits procéduraux d’UPS, telle que constatée au point 123 de cet arrêt, ou les erreurs alléguées de conception à l’égard du modèle économétrique retenu par la Commission, ne pouvaient être regardées comme constituant la cause du préjudice matériel lié au manque à gagner subi par UPS en raison de l’impossibilité de mettre en œuvre l’opération de concentration envisagée.

53      Or, le Tribunal a conclu, au point 365 de l’arrêt attaqué, que, à supposer même que l’irrégularité commise par la Commission lors de l’adoption de la décision litigieuse ait pu causer un manque à gagner à UPS, le fait pour cette entreprise d’avoir renoncé à l’opération projetée dès l’annonce de la décision litigieuse a eu pour effet de rompre tout lien de causalité direct entre cette irrégularité et le préjudice allégué.

54      Dans la mesure où, ainsi qu’il ressort des motifs figurant aux points 32 à 36 du présent arrêt, les arguments par lesquels UPS a contesté ce constat opéré par le Tribunal au point 365 de l’arrêt attaqué ont été rejetés, force est de constater que les points 355 à 358 de l’arrêt attaqué revêtent un caractère surabondant en ce qui concerne l’appréciation du lien de causalité entre la violation de ses droits procéduraux ou les autres violations alléguées commises par la Commission et le préjudice matériel allégué lié au manque à gagner subi par UPS en raison de l’impossibilité de mettre en œuvre l’opération de concentration envisagée.

55      Or, selon une jurisprudence constante de la Cour, les arguments dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (ordonnance du 17 janvier 2023, Theodorakis et Theodoraki/Conseil, C‑137/22 P, EU:C:2023:41, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

56      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant inopérante.

 Sur la seconde branche du premier moyen ainsi que sur les quatrième et cinquième moyens

 Argumentation des parties

57      Par la seconde branche du premier moyen, UPS fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, aux points 216 et 226 de l’arrêt attaqué, que le seul fait que la Commission a utilisé un modèle économétrique entaché d’irrégularités, à savoir une méthode non conventionnelle reposant sur des hypothèses non testées et non vérifiées, sans examiner la fiabilité de ses résultats et la sensibilité du modèle, ne suffit pas pour conclure que ces irrégularités sont suffisamment caractérisées aux fins d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

58      Par le quatrième moyen, qui est divisé en trois branches, UPS fait valoir que le Tribunal a commis, notamment aux points 124 à 143 ainsi qu’aux points 229 à 289 de l’arrêt attaqué, des erreurs de droit dans l’évaluation des gains d’efficacité.

59      Par le cinquième moyen, UPS reproche au Tribunal, en substance, d’avoir commis, aux points 172, 182 et 183 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en concluant qu’UPS avait manqué de précision dans ses demandes d’accès aux documents concernant la compétitivité de FedEx, ce qui lui avait fait perdre son droit d’accès à certains documents de FedEx.

60      La Commission conteste tous les arguments invoqués dans le cadre de cette branche et de ces moyens.

 Appréciation de la Cour

61      Ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 82 de l’arrêt attaqué, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de cette institution et le préjudice invoqué. Ainsi que la Cour l’a jugé, dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de la responsabilité non contractuelle de l’Union (arrêt du 25 février 2021, Dalli/Commission, C‑615/19 P, EU:C:2021:133, points 41 et 42 ainsi que jurisprudence citée). En outre, le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner ces conditions dans un ordre déterminé (arrêt du 5 septembre 2019, Union européenne/Guardian Europe et Guardian Europe/Union européenne, C‑447/17 P et C‑479/17 P, EU:C:2019:672, point 148 ainsi que jurisprudence citée).

62      Dès lors que les deuxième et troisième moyens du présent pourvoi ont été rejetés, il y a lieu de considérer que les constats opérés par le Tribunal aux points 350 et 365 de l’arrêt attaqué selon lesquels le lien de causalité n’est pas établi tant à l’égard du préjudice allégué consistant dans le paiement de l’indemnité de rupture qu’à l’égard du prétendu manque à gagner subi par UPS en raison de l’impossibilité de mettre en œuvre l’opération de concentration envisagée ne sont pas utilement contestés par UPS. En outre, les conclusions du Tribunal figurant au point 343 de l’arrêt attaqué concernant l’absence d’un lien de causalité au titre du préjudice tenant aux frais liés à la participation d’UPS à la procédure de contrôle de l’opération entre FedEx et TNT n’ont pas été remises en cause par UPS.

63      Il en résulte que c’est à bon droit que le Tribunal a établi, dans l’arrêt attaqué, l’absence de lien de causalité à l’égard des trois préjudices distincts allégués.

64      Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’un pourvoi, lorsque l’un des motifs retenus par le Tribunal est suffisant pour justifier le dispositif de son arrêt, les vices dont pourrait être entaché un autre motif de l’arrêt en question ne sauraient influencer ledit dispositif, de sorte que le moyen qui les invoque est inopérant et doit être rejeté (arrêt du 14 octobre 2014, Buono e.a./Commission, C‑12/13 P et C‑13/13 P, EU:C:2014:2284, point 47 ainsi que jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 2021, Vialto Consulting/Commission, C‑650/19 P, EU:C:2021:879, point 86).

65      Dans ces conditions, les arguments par lesquels UPS vise à démontrer, dans le cadre de la seconde branche du premier moyen ainsi que des quatrième et cinquième moyens, l’existence de violations suffisamment caractérisées de règles de droit supplémentaires par rapport à la violation concernant les droits de la défense, laquelle a été définitivement établie par l’arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission (T‑194/13, EU:T:2017:144, points 221 et 222), à supposer qu’ils soient fondés, ne peuvent conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué. Ces arguments doivent, par conséquent, être écartés comme étant inopérants.

 Sur le sixième moyen

 Argumentation des parties

66      Par son sixième moyen, UPS reproche au Tribunal d’avoir commis, au point 353 de l’arrêt attaqué, une erreur de droit en concluant que le préjudice réclamé au titre de la perte de bénéfices visait uniquement la perte totale estimée des synergies et que toute demande d’indemnisation formée auprès du Tribunal d’un montant inférieur à cette perte totale estimée de bénéfices constituerait un nouveau chef de préjudice qui serait irrecevable car invoqué tardivement. En particulier, UPS fait valoir que, si, selon le Tribunal, UPS n’a pas droit à la réparation intégrale de la perte alléguée résultant des synergies perdues, il appartiendrait naturellement au Tribunal de déterminer, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, dans quelle mesure l’indemnité à octroyer devrait être inférieure au montant total réclamé.

67      La Commission soutient que ce moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

68      Il convient de relever que l’argumentation d’UPS repose sur la prémisse selon laquelle, contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal au point 353 de l’arrêt attaqué, le préjudice matériel lié au manque à gagner inclut le préjudice résultant de la perte de chance, cette dernière étant ainsi un minus à l’égard du préjudice initialement réclamé, à savoir un montant inférieur au montant total réclamé.

69      Toutefois, il ressort des points 5 et 6 du présent arrêt que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé, au point 353 de l’arrêt attaqué, que la demande d’indemnisation d’une perte de chance constituait un nouveau chef de préjudice, qui n’avait pas été soulevé dans la requête. Dès lors que le préjudice lié à la perte de chance de pouvoir mettre en œuvre la concentration envisagée est fondamentalement distinct de celui lié au manque à gagner résultant de l’interdiction de cette opération, le premier chef de préjudice ne saurait être considéré comme constituant un minus par rapport au second. C’est donc sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a constaté que le chef de préjudice lié à la perte de chance, qui n’avait été invoqué dans la procédure devant le Tribunal qu’en réponse à des questions de celui-ci, a été présenté tardivement et était partant irrecevable (voir, en ce sens, arrêts du 27 janvier 2000, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:2000:38, point 47, ainsi que du 7 novembre 2019, Rose Vision/Commission, C‑346/18 P, EU:C:2019:939, point 43).

70      Par conséquent, le sixième moyen doit être rejeté.

71      Aucun des moyens invoqués par UPS au soutien de son pourvoi n’ayant été accueilli, il convient de rejeter celui-ci dans son intégralité.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

73      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

74      UPS ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      United Parcel Service Inc. est condamnée aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.