Language of document : ECLI:EU:T:2012:496

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

27 septembre 2012 (*)

« Aides d’État – Secteur des fruits et légumes – ‘Plans de campagne’ visant au soutien du marché des fruits et légumes en France – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché commun – Notion d’aide d’État – Ressources d’État – Cofinancement par un établissement public et par des contributions volontaires des organisations de producteurs – Arguments non soulevés lors de la procédure administrative – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑139/09,

République française, représentée initialement par Mme E. Belliard, M. G. de Bergues et Mme A.‑L. During, puis par Mme E. Belliard, MM. G. de Bergues et J. Gstalter, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. Stromsky, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C(2009) 203 final de la Commission, du 28 janvier 2009, concernant les « plans de campagne » dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la République française,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 avril 2012,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Droit de l’Union

1        Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, CE :

« Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. »

 Législation nationale applicable

 Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l’horticulture

2        L’article L.621‑1 du code rural français, dans sa version en vigueur au 1er janvier 2002 (ci-après le « code rural »), dispose que, « [a]fin d’atteindre les objectifs définis par le traité instituant la Communauté européenne et de contribuer à la garantie et à l’amélioration des revenus, à la réduction des inégalités, à l’emploi optimum des facteurs de production et à la régularisation des marchés dans l’intérêt des producteurs, des transformateurs, des négociants, des commerçants et des consommateurs, des offices d’intervention par produit ou groupe de produits peuvent être créés dans les secteurs agricole et alimentaire par décret en Conseil d’État ».

3        L’article L.621‑2 du code rural précise :

« Ces offices sont des établissements publics à caractère industriel et commercial placés sous la tutelle de l’État et exerçant leur compétence sur l’ensemble des secteurs agricole et alimentaire correspondant aux produits dont ils ont la responsabilité. Ils peuvent se voir confier des missions à caractère administratif liées à l’exercice de leurs attributions. Le personnel de ces offices est régi par un statut commun de droit public défini par décret. »

 Comités économiques agricoles

–       Missions et agrément

4        L’article L.551‑1 du code rural prévoit que, « [d]ans une région déterminée, les sociétés coopératives agricoles et leurs unions, les sociétés d’intérêt collectif agricole, les syndicats agricoles autres que les syndicats à vocation générale régis par les dispositions du livre IV du code du travail, les associations entre producteurs agricoles régies par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901, lorsqu’ils ont pour objet de maîtriser durablement la valorisation de leur production, de renforcer l’organisation commerciale des producteurs, d’organiser et de pérenniser la production sur un territoire déterminé, peuvent être reconnus par l’autorité administrative comme organisations de producteurs ».

5        Aux termes de l’article L.552‑1 du code rural :

« Afin d’harmoniser les disciplines de production, de commercialisation, de prix et d’appliquer des règles communes de mise en marché, les organismes reconnus énumérés à l’article précédent et les syndicats agricoles à vocation générale ou spécialisée peuvent se grouper pour constituer, dans une région déterminée, et pour un même secteur de produits tel qu’il est défini au 2° de l’article L.551 1 un comité économique agricole.

Les comités économiques agricoles doivent être soit des syndicats agricoles régis par le livre IV du code du travail, soit des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 […]

Les comités économiques agricoles édictent des règles communes à leurs membres.

Les comités économiques agricoles contribuent à la mise en oeuvre des politiques économiques nationales et communautaires et peuvent être consultés sur les orientations de la politique de filière les concernant. »

6        L’article L.552‑2 du même code précise :

« Les priorités et les avantages particuliers dont bénéficient les groupements de producteurs reconnus peuvent être accordés aux comités économiques agricoles lorsqu’ils sont agréés par l’autorité administrative.

L’agrément est accordé, suspendu ou retiré par l’autorité administrative, après avis du conseil supérieur d’orientation de l’économie agricole et alimentaire prévu à l’article 14 I de la loi modifiée du 8 août 1962 complémentaire à la loi d’orientation agricole. »

7        L’article L.554‑1, premier alinéa, du code rural indique que « [l]es comités économiques agricoles justifiant d’une expérience suffisante de certaines disciplines peuvent demander à l’autorité administrative compétente que les règles acceptées par leurs membres prévues à l’article 15 ter, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 1035/72 du Conseil, du 18 mai 1972, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes soient rendues obligatoires pour les producteurs établis, au sein de leur région, dans une ou plusieurs circonscriptions économiques ».

8        L’article R*552‑1 du code rural précise que « [l]a demande d’agrément présentée, pour une région ou pour un secteur de produits déterminés, par un comité économique agricole est adressée au ministre de l’[A]griculture par l’intermédiaire du préfet du département du siège social du comité » et l’article R*552‑2 dispose que cette demande doit être accompagnée de certaines pièces, dont « les statuts du comité », qui doivent comporter des clauses prévoyant que « [l]es règles édictées par le comité ne soient applicables qu’après approbation du ministre de l’[A]griculture », une « [d]éclaration précisant la nature et les formes de l’aide susceptible d’être apportée, le cas échéant, aux adhérents par le comité » et les « [t]extes des règles édictées par le comité conformément aux dispositions de l’article L.552‑1 ». L’article R.552‑4 du code rural précise enfin que, « [a]près avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, le ministre de l’[A]griculture, en application de l’article L.552‑2, se prononce sur la demande de l’agrément ».

–       Fonctionnement

9        Aux termes de l’article R.552‑10, premier alinéa, du code rural, « [u]n comité économique agricole agréé ne peut édicter de nouvelles règles ou modifier des règles déjà approuvées qu’avec l’approbation explicite du ministre de l’[A]griculture, après avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire ».

10      L’article R.552‑11 du code rural prévoit par ailleurs que « [l]e ministre de l’[A]griculture nomme un délégué auprès de chaque comité économique agricole agréé » et que ce « délégué, qui joue auprès du comité un rôle de conseiller technique, assiste ou peut, dans les conditions fixées par le ministre de l’[A]griculture, se faire représenter aux réunions du conseil d’administration et de l’assemblée générale », qu’il « peut consulter sur place ou se faire communiquer toutes pièces et tous documents concernant l’activité du comité ou des organismes qui en font partie » et qu’il « est tenu régulièrement au courant de toutes les décisions prises par le conseil d’administration et des résolutions adoptées par l’assemblée générale ».

11      Enfin, aux termes de l’article R.552‑14 du code rural :

« Le ministre de l’[A]griculture peut à toute époque, après avoir recueilli les observations du comité et pris l’avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, retirer son approbation à des règles en vigueur antérieurement approuvées. Il fixe la date d’effet du retrait de l’approbation. Le comité, s’il entend néanmoins maintenir ces règles, perd la qualité de comité agréé [...] »

–       Droits d’inscription et cotisations

12      Selon l’article L.553‑1 du code rural, « [l]es organismes reconnus ou agréés dans les conditions prévues aux articles L.551‑1 et L.552‑2 peuvent être autorisés par décret après avis du Conseil d’État à percevoir des droits d’inscription et des cotisations assises soit sur la valeur des produits, soit sur les superficies, soit sur ces deux éléments combinés ».

13      L’article R*553‑2 du code rural, relatif aux groupements de producteurs reconnus, dispose ainsi que ces derniers « sont habilités à percevoir auprès de chacun de leurs membres un droit d’inscription dont le montant est fixé uniformément par producteur et des cotisations assises sur la valeur de la production commercialisée au titre de laquelle ils ont été reconnus » et que « le montant des droits d’inscription et le taux des cotisations ne peut excéder les maximums fixés par décision du ministre de l’[A]griculture, après avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire ».

14      L’article R*553‑5 du code rural, relatif aux droits d’inscription et aux cotisations des groupements de producteurs reconnus, prévoit que le « montant des droits d’inscription et le taux des cotisations ainsi que les modalités de leur acquittement sont fixés par l’assemblée générale ordinaire ».

15      L’article R*553‑6 du code rural précise de même que les « comités économiques agréés sont habilités à percevoir, auprès de chacun de leurs membres, un droit d’inscription et, à titre de cotisation, auprès de leurs membres qui ont la qualité de groupements agricoles reconnus, une fraction des cotisations perçues par les groupements eux-mêmes » et que « le ministre de l’[A]griculture peut, après avis du conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire, fixer le montant maximum des cotisations perçues par un comité ».

16      L’article R*553‑7, premier alinéa, du code rural indique que, « [l]orsqu’un comité économique agricole agréé, en application de l’article L.552‑2, a obtenu l’extension à l’ensemble des producteurs de sa circonscription de l’une ou de plusieurs règles édictées pour les producteurs et groupements relevant de lui, les producteurs pour lesquels cette règle est devenue obligatoire du fait de cette extension sont redevables au comité, dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l’[A]griculture, de tout ou partie des cotisations fixées en application de l’article R.553‑2 ».

–       Contrôle par l’autorité administrative

17      L’article R*553‑10 du code rural prévoit :

« Le contrôle du ministre de l’[A]griculture sur les comités économiques agréés et sur les groupements de producteurs reconnus porte notamment :

–        sur la comptabilité et la régularité des opérations de ces organismes ;

–        sur l’utilisation de l’aide reçue, en particulier de celle qui pourrait être accordée par l’État, les collectivités publiques, les établissements publics et les sociétés d’économie mixte ;

–        sur l’application par les groupements de producteurs, les comités économiques agricoles et les organismes et les producteurs qui en relèvent, des règles édictées en application des articles L.551‑1 et L.552‑1 ainsi que sur l’application des lois et règlements en vigueur, en particulier des lois et règlements intervenus en matière de répression des fraudes et de normalisation ».

18      À cet effet, l’article R*553‑13 du code rural prévoit que « [l]es fonctionnaires du ministère de l’[A]griculture, habilités à cet effet par le ministre de l’[A]griculture, ont accès [aux] services des groupements de producteurs reconnus et des comités économiques agricoles agréés » et qu’ils « peuvent y prendre connaissance de toutes pièces, lettres ou documents comptables ou administratifs ». De même, aux termes de l’article R*553‑14, « [l]es fonctionnaires et agents du ministère de l’[A]griculture, et notamment ceux du service de la répression des fraudes et du contrôle de la qualité, participent concurremment avec les agents des organismes intéressés au contrôle de l’application par ces organismes et par les producteurs agricoles des règles en vigueur édictées par les groupements et comités économiques agricoles ».

19      Enfin, l’article R*553‑16 du code rural précise que « [l]e contrôle à assurer en vue de l’application [de l’article] R.553‑7 concernant les droits d’inscription et les cotisations est exercé dans les conditions prévues à l’article R.553‑14 ».

 Faits à l’origine du litige

20      L’Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l’horticulture (Oniflhor), établissement public à caractère industriel et commercial placé sous tutelle de l’État français, a notamment pour mission de renforcer l’efficacité économique de la filière des fruits et des légumes.

21      Les comités économiques agricoles rassemblent au niveau régional les organisations de producteurs agricoles, intitulées « groupements de producteurs agricoles » jusqu’en 1999, d’un secteur donné et visent à édicter des règles communes à leurs membres afin d’harmoniser les disciplines de production, de commercialisation, de prix et de mises sur le marché des produits.

22      À la suite d’une plainte, la Commission des Communautés européennes a adressé le 31 juillet 2002 à la République française une demande de renseignements relative à des aides non notifiées dans le secteur des fruits et légumes, versées dans le cadre de plans de campagne aux organisations de producteurs agricoles par un fonds opérationnel géré par les comités économiques agricoles agréés et alimenté par l’Oniflhor et par des contributions des organisations de producteurs (ci-après les « parts professionnelles »). Ces plans de campagne avaient pour objet d’atténuer les effets d’excédents temporaires de l’offre de fruits et légumes, de réguler les cours des marchés par une approche collective coordonnée et de financer des actions structurelles destinées à permettre l’adaptation du secteur au marché.

23      Une réunion a eu lieu le 21 octobre 2002 entre la Commission et les autorités françaises, à la suite de laquelle ces dernières ont fourni, le 26 décembre 2002, des informations confirmant que de telles aides avaient été octroyées à partir de 1992 et jusqu’en 2002. La Commission a sollicité un inventaire complet desdites aides le 16 avril 2003. Les autorités françaises ont répondu à cette demande le 22 juillet 2003.

24      Par lettre du 20 juillet 2005, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE (ci-après la « décision d’ouverture »).

25      La décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 22 septembre 2005 (JO C 233, p. 21). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures en cause réalisées dans le cadre des plans de campagne (ci-après les « mesures litigieuses »).

26      La Commission a reçu les observations des autorités françaises par lettre du 4 octobre 2005.

27      Elle a par ailleurs reçu un courrier du 20 octobre 2005 de la Fédération de l’organisation économique fruits et légumes (Fedecom), tiers intéressé, décrivant notamment la composition, les modalités de financement ainsi que le rôle des comités économiques agricoles agréés dans l’attribution des aides en cause, qui a été transmis aux autorités françaises le 1er décembre 2005. Ces dernières n’ont pas contesté ces informations dans leur courrier du 28 décembre 2005, par lequel elles ont par ailleurs autorisé la transmission à la Fedecom de leurs lettres des 26 décembre 2002 et 22 juillet 2003 et apporté une correction relative au montant des aides versées en 2002.

28      Au terme de cette procédure formelle d’examen, la Commission a adopté la décision C(2009) 203 final, du 28 janvier 2009, concernant les « plans de campagne » dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France (JO L 127, p. 11, ci-après la « décision attaquée »).

29      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les aides attribuées dans le cadre des plans de campagne, versées aux organisations de producteurs agricoles, étaient constitutives d’aides d’État et qu’elles étaient illégales et incompatibles avec le marché commun. Elle a donc ordonné leur récupération par la République française, avec intérêts, auprès de leurs bénéficiaires.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 avril 2009, la République française a introduit le présent recours.

31      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

32      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 23 avril 2012.

33      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en tant qu’elle vise la part des mesures litigieuses financée par les parts professionnelles ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée dans son ensemble ;

–        condamner la Commission aux dépens.

34      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de la République française ;

–        condamner la République française aux dépens.

 En droit

35      Au soutien de son recours, la République française invoque deux moyens d’annulation tirés, d’une part, de la violation de l’obligation de motivation et, d’autre part, d’une erreur de droit en ce que la Commission a qualifié d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE des mesures financées par des contributions volontaires du secteur concerné.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

36      La République française soutient que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en tant qu’elle vise les mesures litigieuses financées par les parts professionnelles, dès lors qu’il appartenait à la Commission de développer son raisonnement de manière explicite lorsque, comme cela est le cas en l’espèce, elle ne se place pas dans une pratique décisionnelle constante. La Commission n’aurait notamment pas justifié l’extension de la qualification d’aide d’État à des mesures financées par des cotisations volontaires.

37      Selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et arrêt du Tribunal du 30 novembre 2011, Sniace/Commission, T‑238/09, non publié au Recueil, point 37).

38      En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, Rec. p. I‑4777, point 96, et arrêt du Tribunal du 3 mars 2010, Freistaat Sachsen e.a./Commission, T‑102/07 et T‑120/07, Rec. p. II‑585, point 180).

39      Il ressort enfin de la jurisprudence que, si une décision de la Commission se plaçant dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante peut être motivée d’une manière sommaire, notamment par une référence à cette pratique, lorsqu’elle va sensiblement plus loin que les décisions précédentes, il incombe à la Commission de développer son raisonnement d’une manière explicite (arrêts de la Cour du 26 novembre 1975, Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, 73/74, Rec. p. 1491, point 31 ; du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret, C‑295/07 P, Rec. p. I‑9363, point 44, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec. p. I‑8947, point 155).

40      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le moyen relatif à l’insuffisance de motivation de la décision attaquée.

41      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Commission était amenée à examiner pour la première fois la question de savoir si des mesures financées à la fois par des contributions de l’État et par des contributions volontaires de professionnels d’un secteur pouvaient constituer des aides d’État au sens des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE. Il incombait dès lors à la Commission de répondre de manière circonstanciée aux arguments soulevés par la République française lors de la procédure administrative et relatifs à la qualification des parts professionnelles comme ressources d’État.

42      Aux considérants 24 à 28 de la décision attaquée, la Commission a tout d’abord examiné de manière détaillée le mécanisme de financement des mesures litigieuses. Elle a ainsi constaté que celles-ci étaient financées à partir d’un fonds géré par les comités économiques agricoles agréés, qui était alimenté selon les mêmes principes que ceux applicables aux aides communautaires prévues à l’article 15 du règlement (CE) no 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (JO L 297, p. 1), à savoir à la fois par une aide publique et par des contributions financières des producteurs assises sur les quantités ou la valeur des fruits et légumes commercialisés, lesdites contributions représentant entre 30 et 50 % du total des sommes de ce fonds. Les cotisations versées par les organisations de producteurs ne l’étaient cependant que sur une base volontaire et n’avaient pas été rendues obligatoires par l’autorité administrative. Le non‑paiement de ces cotisations avait pour effet de priver les organisations de producteurs concernées de l’aide publique.

43      Il ressort par ailleurs du considérant 40 de la décision attaquée que, dans sa lettre du 4 octobre 2005 présentant ses observations sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la République française a indiqué que les contributions versées par les professionnels et destinées au financement des plans de campagne ne pouvaient être assimilées à des ressources d’État, dès lors qu’elles étaient versées sur une base volontaire, qu’elles n’avaient pas été étendues de manière obligatoire par les pouvoirs publics à l’ensemble des organisations de producteurs concernées et que les comités économiques agricoles agréés pouvaient en disposer librement.

44      La Commission a examiné, aux considérants 43 à 62 de la décision attaquée, si les mesures litigieuses pouvaient être qualifiées d’aides d’État au sens des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE. Ainsi, aux considérants 52 à 56 de la décision attaquée, elle a indiqué que la jurisprudence de la Cour (arrêts de la Cour du 22 mars 1977, Steinike & Weinlig, 78/76, Rec. p. 595, et du 11 novembre 1987, France/Commission, 259/85, Rec. p. 4393, point 23) lui imposait de s’attacher aux modalités et aux effets du régime d’aides afin de déterminer si celui-ci constituait une aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, et que le caractère obligatoire ou volontaire des contributions en cause ne jouait aucun rôle dans l’application de ce principe. Elle a en outre examiné, aux considérants 57 à 61 de la décision attaquée, la jurisprudence relative à la notion de ressources d’État (arrêt de la Cour du 15 juillet 2004, Pearle e.a., C‑345/02, Rec. p. I‑7139, et arrêt du Tribunal du 20 septembre 2007, Salvat père & fils e.a./Commission, T‑136/05, Rec. p. II‑4063) et a considéré que celle-ci ne remettait pas ce principe en cause. Enfin, elle a souligné au considérant 61 de la décision attaquée que, en l’espèce, même si les contributions étaient volontaires, il existait une forte incitation publique à y adhérer. Elle a ainsi conclu, au considérant 62 de la décision attaquée, que les mesures litigieuses constituaient des aides d’État au sens des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE.

45      La seule circonstance selon laquelle la jurisprudence à laquelle la Commission s’est référée dans la décision attaquée concernait uniquement des cotisations obligatoires ne saurait suffire à établir que la motivation de cette dernière était insuffisante. Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que le juge de l’Union n’avait jamais examiné la question de savoir si des mesures financées à la fois par des contributions de l’État et par des contributions volontaires de professionnels d’un secteur pouvaient constituer des aides d’État au sens des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE. De plus, la Commission a précisé dans la décision attaquée qu’elle estimait que la jurisprudence relative aux cotisations obligatoires était applicable aux mesures litigieuses en cause, dès lors que le caractère facultatif des contributions était en l’espèce de nature essentiellement formelle, les producteurs étant fortement incités à participer au mécanisme. En outre, le fait que cette précision ait été apportée par la Commission au considérant 61 de la décision attaquée et non à la suite du considérant 55 ne saurait, contrairement à ce que soutient la République française, nuire au caractère explicite du raisonnement développé par la Commission.

46      Dès lors, la décision attaquée fait apparaître de manière suffisamment claire, explicite et non équivoque le raisonnement suivi par la Commission pour déterminer si des mesures financées à la fois par des contributions de l’État et par des contributions volontaires de professionnels d’un secteur pouvaient, selon elle, constituer des aides d’État au sens des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE, de façon à permettre au Tribunal d’exercer son contrôle de légalité et aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée.

47      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée.

 Sur le second moyen, tiré d’une erreur de droit en ce que la Commission a qualifié d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE des mesures financées par des contributions volontaires du secteur concerné

48      La République française estime que la Commission a commis une erreur de droit en qualifiant d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE des mesures financées par des contributions volontaires du secteur concerné.

 Recevabilité des arguments relatifs à des éléments factuels non contestés lors de la phase administrative

49      À titre liminaire, la Commission soutient que la République française ne saurait contester devant le Tribunal les remarques formulées par la Fedecom dans ses observations du 20 octobre 2005, relatives aux rôles respectifs des professionnels et de l’Oniflhor dans la définition du montant de la part professionnelle et des mesures litigieuses et dans la mise en œuvre de ces mesures.

50      Elle considère, en premier lieu, que la République française aurait dû soulever ce moyen en ce qu’il porte sur une erreur de fait, voire une erreur manifeste d’appréciation, de manière autonome à l’égard du moyen tiré d’une erreur de droit. Il ressort cependant des écritures de la République française que celle-ci a entendu utiliser ces éléments en tant qu’arguments au soutien de son moyen tiré de l’erreur de droit commise par la Commission en qualifiant d’aides d’État, au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, des mesures financées par des contributions volontaires du secteur concerné.

51      La Commission considère, en second lieu, que ces arguments sont irrecevables, la République française n’ayant formulé aucune objection à l’égard des remarques formulées par la Fedecom dans ses observations du 20 octobre 2005 lors de la procédure formelle d’examen.

52      Il ressort d’une jurisprudence constante que l’État membre qui a octroyé, ou qui souhaite octroyer, des aides en dérogation aux règles du traité est tenu à un devoir de collaboration envers la Commission dans le cadre de la procédure à laquelle il participe, en vertu duquel il lui incombe, notamment, de fournir tous les éléments de nature à permettre à cette institution de vérifier que les conditions de la dérogation sollicitée sont remplies (arrêt de la Cour du 28 avril 1993, Italie/Commission, C‑364/90, Rec. p. I‑2097, point 20 ; arrêts du Tribunal du 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, T‑132/96 et T‑143/96, Rec. p. II‑3663, point 140, et du 11 février 2009, Iride et Iride Energia/Commission, T‑25/07, Rec. p. II‑245, point 100). La légalité d’une décision en matière d’aide d’État doit ainsi être appréciée en fonction des éléments d’informations dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêt de la Cour du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C‑197/99 P, Rec. p. I‑8461, point 86 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 16). Il en ressort en particulier que, dès lors que la notion d’aide d’État répond à une situation objective qui s’apprécie à la date à laquelle la Commission prend sa décision, ce sont les appréciations portées à cette date qui doivent être prises en compte pour opérer ce contrôle juridictionnel (arrêt Chronopost et La Poste/UFEX e.a., précité, point 144). Ainsi, en l’absence d’informations contraires de la part des parties concernées, la Commission est habilitée à se fonder sur les faits, même erronés, dont elle dispose au moment de l’adoption de la décision finale, dans la mesure où les éléments de fait concernés ont fait l’objet d’une injonction de la Commission à l’égard de l’État membre de lui fournir les informations nécessaires (arrêt du Tribunal du 19 octobre 2005, Freistaat Thüringen/Commission, T‑318/00, Rec. p. II‑4179, point 88).

53      Il ressort de même des dispositions de l’article 13, paragraphe 1, du règlement (CE) nº 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO L 83, p. 1), que, à l’issue de la procédure formelle d’examen relative à une aide illégale, la décision est prise par la Commission sur la base des renseignements disponibles, et notamment de ceux fournis par l’État membre en réponse aux demandes d’informations de la Commission.

54      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la Fedecom a présenté le 20 octobre 2005 ses observations en qualité de tiers intéressé, en décrivant notamment la composition, les modalités de financement, ainsi que le rôle des comités économiques agricoles agréés dans l’attribution des aides en cause, et que ces observations ont été transmises aux autorités françaises le 1er décembre 2005 en leur indiquant qu’elles disposaient d’un délai d’un mois pour présenter leurs observations. Ces dernières n’ont pas contesté ces informations dans leur courrier du 28 décembre 2005, par lequel elles ont par ailleurs autorisé la transmission à la Fedecom de leurs lettres des 26 décembre 2002 et 22 juillet 2003 et apporté une correction relative au montant des aides versées en 2002.

55      Or, il résulte des principes précités aux points 52 et 53 ci-dessus que la République française ne saurait remettre en cause pour la première fois au stade juridictionnel la teneur d’observations factuelles formulées par un tiers intéressé lors de la procédure administrative, alors même qu’elles lui avaient été transmises. La seule circonstance selon laquelle elle n’aurait pas réagi à ces éléments factuels, car elle partageait les conclusions de la Fedecom ne saurait suffire à contourner le principe de l’effet utile de la procédure administrative.

56      Il y a donc lieu de rejeter comme irrecevables les arguments par lesquels la République française remet en cause les remarques formulées par la Fedecom dans ses observations du 20 octobre 2005, relatives aux rôles respectifs des professionnels et de l’Oniflhor dans la définition du montant de la part professionnelle et des mesures litigieuses et dans la mise en œuvre de ces mesures.

 Principes généraux relatifs à la notion de ressources d’État

57      Il convient de rappeler que l’article 87, paragraphe 1, CE déclare incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

58      Pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de cet article, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (arrêts de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑303/88, Rec. p. I‑1433, point 11 ; du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, Rec. p. I‑4397, point 24, et du 20 novembre 2003, GEMO, C‑126/01, Rec. p. I‑13769, point 24).

59      Il ressort par ailleurs du libellé de l’article 87, paragraphe 1, CE que seuls les avantages accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État sont considérés comme des aides. En effet, la distinction établie dans cette disposition entre les « aides accordées par les États » et les aides accordées « au moyen de ressources d’État » ne signifie pas que tous les avantages consentis par un État constituent des aides, qu’ils soient ou non financés au moyen de ressources étatiques, mais vise seulement à inclure dans cette notion les avantages qui sont accordés directement par l’État ainsi que ceux qui le sont par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État (arrêt de la Cour du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, Rec. p. I‑2099, point 58).

60      Il y a en outre lieu de rappeler qu’il découle de la jurisprudence de la Cour que l’article 87, paragraphe 1, CE englobe tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des opérateurs économiques, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine desdites autorités publiques. En conséquence, même si les sommes correspondant à la mesure en cause ne sont pas de façon permanente en possession des autorités publiques, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C‑83/98 P, Rec. p. I‑3271, point 50, et du 16 mai 2002, France/Commission, précité, point 37). De même, la nature initialement privée de ressources n’empêche pas qu’elles soient considérées comme des ressources d’État au sens des dispositions de l’article 87, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T‑358/94, Rec. p. II‑2109, points 63 à 65).

61      Selon la jurisprudence, le seul fait, pour un régime de subventions bénéficiant à certains opérateurs économiques d’un secteur donné, d’être financé en tout ou en partie par des contributions imposées par l’autorité publique et prélevées sur les opérateurs économiques concernés ne suffit pas pour enlever à ce régime son caractère d’aide accordée par l’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (arrêts de la Cour Steinike & Weinlig, précité, point 22, et du 11 novembre 1987, France/Commission, précité, point 23 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, Rec. p. 709, points 27 et 35).

62      À l’inverse, la Cour a refusé de qualifier de ressources d’État des fonds collectés par un organisme public au moyen de contributions prélevées uniquement sur les opérateurs économiques bénéficiaires de la mesure en cause, mais qui n’ont jamais été laissés à la disposition des autorités nationales et qui ont servi à financer des actions déterminées par les seuls opérateurs concernés (voir, en ce sens, arrêt Pearle e.a., précité, points 36 à 39).

63      Ainsi, le critère pertinent afin apprécier l’existence de ressources publiques, quelle que soit leur origine initiale, est celui du degré d’intervention de l’autorité publique dans la définition des mesures en cause et de leurs modalités de financement.

64      La seule circonstance selon laquelle les contributions des opérateurs économiques concernés destinées au financement partiel des mesures en cause n’ont qu’un caractère facultatif, et non obligatoire, ne saurait suffire à remettre en cause ce principe. En effet, le degré d’intervention de l’autorité publique sur ces contributions peut être important, même lorsque ces contributions n’ont pas de caractère obligatoire.

65      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient, afin de déterminer si la Commission a commis une erreur de droit en qualifiant les mesures litigieuses d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE, d’examiner le rôle de l’autorité publique dans la définition de ces mesures et de leurs modalités de financement.

66      En ce qui concerne l’appréciation du rôle de l’autorité publique dans la définition des mesures litigieuses, il appartient au Tribunal d’y procéder de manière globale, sans qu’il soit possible d’opérer une distinction en fonction de leur mode de financement, les contributions publiques et privées ayant été mises en commun de manière fongible dans un fonds opérationnel.

 Examen des modalités du régime des plans de campagne

67      À titre principal, il convient d’examiner les modalités du régime des mesures litigieuses, et notamment la détermination du montant des contributions publiques et privées destinées à leur financement et la définition de leurs conditions d’utilisation.

68      En ce qui concerne, en premier lieu, la détermination du montant des contributions publiques et privées destinées au financement des mesures litigieuses, il ressort du dossier, et notamment de la lettre de la Fedecom du 20 octobre 2005, que l’Oniflhor, établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l’État, décidait de manière unilatérale des sommes allouées aux plans de campagne ainsi que du montant des cotisations que devaient apporter les comités économiques agricoles agréés aux plans de campagne. Ces cotisations étaient arrêtées par l’Oniflhor, qui fixait un pourcentage de la quantité ou de la valeur des fruits et légumes effectivement commercialisés par les producteurs bénéficiaires, et étaient appelées par les comités économiques agricoles agréés auprès des sections nationales de chaque produit, qui les reversaient ensuite à l’Oniflhor. Celui-ci abondait alors ces sommes par une aide publique représentant 50 à 70 % de l’aide totale. En cas de non-paiement des parts professionnelles par les producteurs, les aides allouées par l’Oniflhor n’étaient pas versées aux producteurs et restaient bloquées au niveau des comités économiques agricoles agréés, qui étaient tenus de les rembourser à l’Oniflhor.

69      Contrairement à d’autres cotisations perçues par les comités économiques agricoles agréés, celles-ci n’avaient pas un caractère obligatoire, comme en atteste le fait que certaines organisations de producteurs ont refusé de procéder à leur versement. Ces cotisations ne pouvaient dès lors être régies par les dispositions du code rural relatives aux cotisations obligatoires.

70      Il ressort en effet des dispositions des articles R*553‑2 et R*553‑6 du code rural que celles-ci ne visent que les droits d’inscription et les cotisations de fonctionnement obligatoirement versés par les producteurs aux groupements de producteurs reconnus et aux comités économiques agricoles agréés. La République française ne saurait dès lors se prévaloir des règles relatives à l’adoption de ces droits d’inscription et de ces cotisations par les groupements de producteurs reconnus, telles que définies à l’article R*553‑5 du code rural.

71      De même, l’article R*553‑7 du code rural, qui prévoit que, lorsqu’un comité économique agricole agréé a obtenu l’extension à l’ensemble des producteurs de sa circonscription d’une règle édictée pour les producteurs et groupements relevant de lui, lesdits producteurs pour lesquels cette règle est devenue obligatoire sont redevables, en vertu d’un arrêté ministériel, de tout ou partie des cotisations assises sur la valeur de la production commercialisée, n’était pas applicable aux cotisations destinées au financement des plans de campagne. Il convient de rappeler à cet égard que la jurisprudence considère comme illégale toute obligation imposée à des producteurs non affiliés de participer au financement des fonds institués par une organisation de producteurs dans la mesure où elle sert à financer des activités qui sont elles‑mêmes jugées contraires au droit communautaire (arrêt de la Cour du 25 novembre 1986, Cerafel, 218/85, Rec. p. 3513, point 22).

72      Par ailleurs, la République française ne saurait se prévaloir des dispositions de l’article 15 du règlement no 2200/96 relatives à l’organisation commune des marchés des fruits et légumes. En effet, si les programmes opérationnels mis en œuvre dans le cadre de cette disposition avaient en commun avec les plans de campagne le simple fait d’être cofinancés par une autorité publique et par des contributions des producteurs associés assises sur les quantités ou la valeur des fruits et légumes commercialisés, il est constant que ces dispositions n’étaient pas applicables aux mesures litigieuses, mais uniquement aux mesures adoptées dans le cadre de l’organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes.

73      Enfin, la République française n’a en tout état de cause fourni aucun autre élément de preuve qui permettrait de considérer que le montant de la contribution versée par les producteurs était défini par ces derniers.

74      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que c’est l’Oniflhor qui décidait de manière unilatérale du montant des cotisations versées par les comités économiques agricoles agréés ainsi que des sommes totales allouées aux plans de campagne.

75      En ce qui concerne, en second lieu, la définition du contenu des mesures litigieuses et des modalités de leur mise en œuvre, il ressort du dossier, et notamment des informations transmises par la Fedecom le 20 octobre 2005, que les mesures litigieuses étaient déterminées par l’Oniflhor par le biais de décisions revêtues du cachet de son directeur et du contrôleur de l’État et que les comités économiques agricoles agréés ne participaient pas à leur définition et n’avaient aucune marge de manœuvre dans leur application.

76      La République française considère cependant que les décisions de l’Oniflhor n’avaient pas d’autre objet que de prendre acte des parts que les professionnels et les autorités publiques s’engageaient à verser.

77      Elle soutient ainsi que les mesures litigieuses était définies et mises en œuvre par les seuls professionnels et que l’intervention de l’Oniflhor ne consistait qu’à appliquer les décisions prises par ces derniers et à participer à leur financement. Elle fonde son argumentation sur deux documents, produits pour la première fois au stade de la réplique, destinés à établir le rôle d’initiative joué par les comités économiques agricoles dans les plans de campagne. Il résulte cependant du point 55 ci-dessus que la République française ne saurait remettre en cause pour la première fois au stade juridictionnel la véracité d’observations formulées par un tiers intéressé lors de la procédure administrative, alors même qu’elles lui avaient été transmises et qu’elle n’en avait pas contesté la teneur.

78      En tout état de cause, il y a lieu de souligner que ces courriers, adressés par des sections nationales de produits de deux comités économiques agricoles agréés à l’Oniflhor en 2001 permettent seulement de conclure que, à deux reprises lors de la période infractionnelle, des comités économiques agricoles agréés ont soumis à l’Oniflhor des propositions de mesures à adopter dans le cadre des plans de campagne. Ils ne suffisent cependant pas à remettre en cause les informations transmises par la Fedecom le 20 octobre 2005, selon lesquelles les comités économiques agricoles agréés n’étaient pas compétents pour définir les mesures adoptées dans le cadre des plans de campagne, tâche qui incombait exclusivement à l’Oniflhor.

79      Par ailleurs, il convient de souligner que la République française a reconnu dans ses écritures que les comités économiques agricoles agréés avaient l’obligation d’appliquer les mesures prévues dans le cadre des plans de campagne telles qu’elles étaient définies par la décision du directeur de l’Oniflhor. Le fait que cette circonstance s’expliquerait par la participation de l’Oniflhor au financement desdites mesures est sans influence sur l’appréciation du degré de contrôle exercé par l’autorité publique sur la mise en œuvre de ces mesures.

80      La République française indique enfin que, contrairement à la situation prévalant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Air France/Commission, précité (point 65), l’Oniflhor ne pouvait disposer librement des fonds versés par les professionnels, lesdits fonds étant gérés par les comités économiques agricoles agréés. Il ressort cependant de la jurisprudence de la Cour exposée au point 60 ci-dessus que, même si des sommes ne sont pas de façon permanente en possession des autorités publiques, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État.

81      Or, en l’espèce, l’État était parfaitement en mesure, par l’exercice de son influence dominante sur la définition et la mise en œuvre des mesures litigieuses, d’orienter l’utilisation des ressources affectées aux comités économiques agricoles agréés pour financer, le cas échéant, des avantages spécifiques en faveur de certains producteurs.

82      Il a en effet été établi que les comités économiques agricoles agréés ne disposaient d’aucune marge de manœuvre dans l’application des mesures définies par l’Oniflhor.

83      Par ailleurs, il ressort de plusieurs dispositions du code rural que l’autorité administrative disposait d’un pouvoir de contrôle approfondi et constant sur les sommes en cause. En effet, aux termes de l’article R*553‑10 du code rural, le contrôle du ministre de l’Agriculture sur les comités économiques agréés porte notamment sur la comptabilité et la régularité des opérations de ces organismes ainsi que sur l’utilisation des aides publiques reçues. À cet effet, l’article R*553‑13 prévoit que des fonctionnaires habilités du ministère de l’Agriculture bénéficient d’un accès à tous les services des comités économiques agricoles agréés et qu’ils peuvent y prendre connaissance de toutes pièces, lettres ou documents comptables ou administratifs.

84      Il convient enfin de souligner le rôle prépondérant joué par l’État dans les comités économiques agricoles agréés, au sein desquels il est représenté par le préfet de région. Il ressort en effet des dispositions du code rural que la demande d’agrément de tout comité économique agricole adressée en vertu de l’article R*552‑1 dudit code au ministre de l’Agriculture afin de bénéficier d’aides publiques doit, en vertu de l’article R*552‑2 de ce même code, être accompagnée de certaines pièces, dont les « [s]tatuts du comité », qui doivent comporter des clauses prévoyant que les « règles édictées par le comité ne soient applicables qu’après approbation du ministre de l’[A]griculture », une « [d]éclaration précisant la nature et les formes de l’aide susceptible d’être apportée, le cas échéant, aux adhérents par le comité » et les « [t]extes des règles édictées par le comité conformément aux dispositions de l’article L.552‑1 ». Selon l’article R.552‑10 du code rural, un comité économique agricole agréé ne peut édicter de nouvelles règles ou modifier des règles déjà approuvées qu’avec l’approbation explicite du ministre de l’Agriculture. De plus, l’article R.552‑11 du code rural prévoit que le ministre de l’Agriculture nomme un délégué auprès de chaque comité économique agricole agréé, qui joue auprès du comité un rôle de conseiller technique, qui assiste ou peut, dans les conditions fixées par le ministre de l’Agriculture, se faire représenter aux réunions du conseil d’administration et de l’assemblée générale et qui peut consulter sur place ou se faire communiquer toutes pièces et tous documents concernant l’activité du comité ou des organismes qui en font partie et qui est tenu régulièrement au courant de toutes les décisions prises par le conseil d’administration et des résolutions adoptées par l’assemblée générale. De même, l’article 1er de l’arrêté du ministre de l’Agriculture du 30 octobre 2000 relatif aux modalités de la représentation de l’État auprès des comités économiques agricoles dans le secteur des fruits et légumes (JORF du 15 novembre 2000, p. 18079) prévoit que le préfet de région, ou son représentant, assiste de droit à toutes les réunions décisionnelles des organes dirigeants des comités économiques agricoles agréés et qu’il est destinataire de toutes les délibérations et procès-verbaux établis dans ce cadre. L’article 2 du même texte confie au représentant de l’État, qui bénéficie, si nécessaire, à cette fin, du concours de l’Oniflhor, la charge de s’assurer que les missions confiées à ces comités sont exercées en conformité avec les orientations fixées par les textes législatifs et réglementaires et prévoit que, pour cela, il vise obligatoirement avant leur mise en oeuvre les délibérations des organes dirigeants des comités, en l’occurrence l’assemblée générale ou le conseil d’administration, ainsi que les conventions conclues, lorsqu’elles visent à fixer des obligations aux adhérents du comité ou lorsqu’elles établissent les modalités d’utilisation de financements publics nationaux, en matière de fonctionnement ou d’investissements dans le secteur de la production, ou communautaires. Les délibérations concernées ne sont exécutoires que munies de ce visa.

85      La République française a admis ce rôle important de l’État dans le fonctionnement des comités économiques agricoles agréés. Le fait que ce rôle s’expliquerait par la possibilité pour lesdits comités de rendre leurs règles obligatoires à l’ensemble des producteurs de la région concernée est sans influence sur l’appréciation de la présence de l’État en leur sein.

86      La République française soutient par ailleurs que, si le représentant du préfet de région assiste aux réunions des organes dirigeants du comité économique agricole, celui-ci ne prend cependant pas part aux délibérations adoptées par lesdits organes. Il ressort cependant des dispositions précitées de l’article 2 de l’arrêté du ministre de l’Agriculture du 30 octobre 2000 que les délibérations des organes dirigeants des comités ainsi que les conventions relatives aux modalités d’utilisation de financements publics n’étaient exécutoires que si elles étaient revêtues du visa du préfet de région ou de son représentant.

87      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que c’est l’Oniflhor qui décidait de manière unilatérale des mesures financées par les plans de campagne ainsi que des modalités de leur mise en œuvre et que si les comités économiques agricoles agréés étaient chargés de gérer le fonds opérationnel destiné au financement de ces mesures, ils ne disposaient cependant d’aucune marge de manoeuvre dans leur application.

88      En conclusion, il y a lieu de constater que la définition des mesures litigieuses et de leurs modalités de financement appartenait à l’Oniflhor, établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle de l’État. Les bénéficiaires des mesures ne disposaient en revanche que du seul pouvoir de participer ou non au système ainsi défini par l’Oniflhor, en acceptant ou en refusant de verser les parts professionnelles fixées par cette dernière. Il convient dès lors de considérer que les mesures litigieuses étaient constitutives d’aides d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE.

89      Il y a dès lors lieu de rejeter le second moyen tiré d’une erreur de droit concernant la notion de ressources d’État et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

91      La République française ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République française est condamnée aux dépens.

Kanninen

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : le français.