Language of document : ECLI:EU:T:2016:27

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

21 janvier 2016 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective – Erreur manifeste d’appréciation – Droit de propriété – Droit au respect à la vie privée – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑443/13,

Mohammad Makhlouf, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Mes C. Rygaert et G. Karouni, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme M.-M. Joséphidès et M. G. Étienne, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à l’annulation partielle de la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 147, p. 14), pour autant que cet acte concerne le requérant,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 5 mars 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Mohammad Makhlouf, est un homme d’affaires de nationalité syrienne.

2        Le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 9 mai 2011, la décision 2011/273/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 121, p. 11), « condamn[ant] fermement la répression violente […] des manifestations pacifiques en divers endroits dans toute la Syrie » et « lan[çant] un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la répression ». Le Conseil a institué, « [c]ompte tenu de la gravité de la situation », selon ses termes, un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériels ou d’équipements « susceptibles d’être utilisé à des fins de répression interne », des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi qu’un gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités « responsables de la répression violente exercée contre la population civile » syrienne.

3        Les noms des personnes « responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie » ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées ont été mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. Le nom du requérant n’y figure pas. En vertu de l’article 5 de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe.

4        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entraient dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté le règlement (UE) n° 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO L 121, p 1). Ce règlement est, pour l’essentiel, identique à la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste figurant à l’annexe II dudit règlement est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273 et le nom du requérant n’y figure donc pas. En vertu de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II dudit règlement. En vertu du paragraphe 4 de ce même article, le Conseil examine, par ailleurs, la liste y figurant à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

5        Le 1er août 2011, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2011/488/PESC, mettant en œuvre la décision 2011/273 (JO L 199, p. 74). Le nom du requérant figure à la ligne 3 du tableau concernant les personnes et entités visées à l’annexe de ladite décision, ainsi que sa date d’inscription, pour la première fois, sur la liste en cause, en l’occurrence le 1er août 2011. Les motifs de son inscription sont les suivants : « Proche associé et oncle maternel de Bachar et Mahir Al-Assad, associé d’affaires et père de Rami, Ihab et Iyad Makhlouf ».

6        Le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 755/2011, mettant en œuvre le règlement n° 442/2011 (JO L 199, p. 33). Le nom du requérant figure à la ligne 3 de l’annexe A dudit règlement, avec les mêmes informations et motifs que ceux mentionnés dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/488.

7        Le 2 août 2011, le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes auxquelles s’appliquent les mesures restrictives prévues par la décision 2011/273, mise en œuvre par la décision d’exécution 2011/488, et par le règlement n° 442/2011, mis en œuvre par le règlement d’exécution n° 755/2011 (JO C 227, p. 3).

8        Le nom du requérant a été maintenu dans l’annexe de différents actes, modifiant la décision d’exécution 2011/273, avec les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe de ladite décision, à savoir, la décision 2011/522/PESC, du Conseil, du 2 septembre 2011, modifiant la décision 2011/273 (JO L 228, p. 16), la décision 2011/782/PESC, du Conseil, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO L 319, p. 56), et la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO L 330, p. 21).

9        Le 31 mai 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/255/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO L 147, p. 14, ci-après la « décision attaquée »). Le nom du requérant figure à la ligne 32 de l’annexe I de ladite décision, avec les mêmes informations et motifs que ceux retenus dans l’annexe de la décision d’exécution 2011/488.

10      Le 1er juin 2013, le Conseil a publié un avis à l’attention des personnes et entités auxquelles s’appliquent les mesures restrictives prévues par la décision attaquée et par le règlement (UE) n° 36/2012 du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO C 155, p. 1).

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2013, le requérant a introduit un recours en annulation contre la décision attaquée, pour autant que cette décision le concerne.

12      Par décision du 2 mai 2014, le Tribunal, en application de l’article 47, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, a décidé qu’un deuxième échange de mémoires n’était pas nécessaire.

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 5 mars 2015.

14      Le requérant ayant introduit un pourvoi devant la Cour contre l’arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil (T‑509/11, EU:T:2015:33), rendu dans des circonstances identiques à celles de la présente affaire, le Tribunal, par ordonnance du 12 mai 2015, a décidé la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 62 du règlement de procédure du 2 mai 1991.

15      Le pourvoi du requérant contre l’arrêt Makhlouf/Conseil, point 14 supra (EU:T:2015:33), ayant été rejeté le 19 juin 2015 par l’ordonnance Makhlouf/Conseil (C‑136/15 P, EU:C:2015:411), la phase orale de la procédure a été close le 25 juin 2015. 

16      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle le concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

17      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours au fond ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

18      Le requérant fait valoir que le recours a été formé dans les deux mois suivant la publication de l’acte.

19      Selon le Conseil, la requête serait irrecevable rationae temporis. À ce titre, le Conseil soutient que la requête, déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2013, a été introduite hors délai. En effet, le Conseil fait valoir qu’il a notifié la décision attaquée au conseil du requérant le 5 juin 2013. Le Conseil considère qu’il a valablement rempli son obligation de notification, dès lors que la décision attaquée a été notifiée au conseil du requérant. Cette date constituerait alors le dies a quo du délai, en application de l’article 263 TFUE.

20      Il convient tout d’abord de rappeler que le délai pour l’introduction d’un recours en annulation contre un acte imposant des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité commence à courir uniquement à partir de la date de la communication de cet acte à l’intéressé, et non à la date de la publication de cet acte, compte tenu du fait que celui-ci s’apparente à un faisceau de décisions individuelles (arrêt du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, Rec, EU:T:2013:397, point 57 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 avril 2013, Gbagbo e.a./Conseil, C‑478/11 P à C‑482/11 P, Rec, EU:C:2013:258, points 56 et 58).

21      Par ailleurs, selon l’article 30, paragraphe 2, de la décision attaquée, le Conseil communique sa décision relative à une inscription sur la liste à la personne ou à l’entité concernée, ainsi que les motifs de l’inscription, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis. Il découle de la jurisprudence que l’article 30, paragraphe 2, de la décision attaquée doit être interprété en ce sens que, lorsque le Conseil dispose de l’adresse d’une personne visée par des mesures restrictives, à défaut de communication directe des actes comportant ces mesures, le délai de recours que cette personne doit respecter pour contester ces actes devant le Tribunal ne commence pas à courir. Ainsi, ce n’est que lorsqu’il est impossible de communiquer individuellement à l’intéressé l’acte par lequel des mesures restrictives sont adoptées ou maintenues à son égard que la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne constitue l’élément déclencheur du délai de recours (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2014, Syrian Lebanese Commercial Bank/Conseil, T‑174/12 et T‑80/13, Rec, EU:T:2014:52, points 59 et 60).

22      En l’espèce, il convient de constater que le Conseil disposait de l’adresse du requérant. En effet, la requête introductive d’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Makhlouf/Conseil, point 14 supra (EU:T:2015:33), déposée au greffe du Tribunal le 28 septembre 2011, contenait l’adresse personnelle du requérant, conformément à l’article 44, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure du 2 mai 1991.

23      Contrairement à ce que soutient le requérant, il y a lieu de constater que la publication au Journal officiel de l’avis concernant notamment la décision attaquée (mentionné au point 10 ci-dessus) ne peut être considérée comme étant l’évènement déclenchant le délai que le requérant devait respecter pour contester la décision devant le Tribunal. Le Conseil était obligé de communiquer directement au requérant la décision attaquée.

24      Il convient dès lors de vérifier si le Conseil a valablement notifié la décision attaquée au requérant.

25      En l’espèce, le Conseil soutient que le fait de notifier la décision attaquée au conseil du requérant constitue un mode valable de notification au requérant.

26      Il convient tout d’abord de rappeler que l’article 263, troisième alinéa, TFUE fait référence à la notification au requérant et non à la notification de l’acte au représentant de ce dernier.

27      Il s’ensuit que, lorsqu’un acte fait l’objet d’une notification, constituant le point de départ du délai de recours, celle-ci doit, en principe, être adressée au destinataire de cet acte et non aux avocats le représentant. En effet, selon la jurisprudence, la notification au représentant d’un requérant ne vaut notification au destinataire que lorsqu’une telle forme de notification est expressément prévue par une réglementation ou par un accord entre les parties (voir, en ce sens, ordonnance du 8 juillet 2009, Thoss/Cour des comptes, T‑545/08, EU:T:2009:260, points 41 et 42, et arrêt du 11 juillet 2013 BVGD/Commission, T‑104/07 et T‑339/08, EU:T:2013:366, point 146).

28      Il convient de constater que l’article 30, paragraphe 2, de la décision attaquée ne prévoit pas une telle forme de notification, dès lors qu’aucune référence explicite n’est faite quant à la possibilité de notifier ladite décision aux représentants de la personne inscrite sur les listes en cause.

29      Faute de l’existence d’un accord formel et compte tenu des réponses données par les parties aux questions posées à l’audience, il n’y a pas lieu de déduire de leur comportement qu’elles auraient entendu se mettre d’accord sur un tel mode de notification.

30      Il ressort de ce qui précède que, le Conseil n’ayant pas valablement communiqué au requérant la décision attaquée, le délai pour introduire un recours en annulation devant le Tribunal n’a pas commencé à courir, de sorte que la requête du requérant du 20 août 2013 ne saurait être considérée comme tardive.

31      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le requérant est recevable à demander l’annulation de la décision attaqué et d’examiner le recours au fond.

 Sur le fond

32      Au soutien de son recours, le requérant invoque sept moyens d’annulation. Le premier moyen est tiré d’une violation des droits de la défense et du droit au procès équitable, le deuxième d’une violation de l’obligation de motivation, le troisième d’une erreur d’appréciation, le quatrième d’une violation de la garantie afférente au droit à une protection juridictionnelle effective, le cinquième d’une violation du principe de proportionnalité, le sixième d’une violation du droit de propriété et le septième d’une violation du droit à la vie privée.

33      Le Tribunal estime qu’il conviendra d’examiner ensemble les cinquième, sixième et septième moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

34      Le requérant soutient que le Conseil a violé ses droits de la défense et son droit à un procès équitable, inscrits aux article 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’hommes et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), et à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Selon lui, les « sanctions » en cause ont été infligées, premièrement, sans qu’il ait été préalablement entendu, ni, deuxièmement, sans qu’il ait eu l’occasion de se défendre, en raison de l’absence de communication des éléments sur la base desquels ces mesures avaient été prises.

35      En outre, le requérant fait valoir que l’atteinte à ses droits de la défense et notamment à son droit à être entendu constitue une irrégularité insusceptible d’être régularisée au stade de la procédure devant le Tribunal.

36      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

37      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense, consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux, comporte le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, Rec, ci-après l’« arrêt Kadi II », EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

38      Par ailleurs, le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt Kadi II, point 37 supra, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

39      L’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt Kadi II, point 37 supra, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

40      En outre, l’existence d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Kadi II, point 37 supra, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

41      C’est à la lumière de ces règles jurisprudentielles qu’il convient d’analyser le premier moyen.

42      En premier lieu, en ce qui concerne l’argument, tiré du droit à être entendu préalablement, selon lequel le requérant n’aurait été en mesure de présenter des observations qu’après l’adoption des mesures restrictives prises à son égard, il convient de rappeler que le juge de l’Union distingue l’inscription initiale du nom d’une personne sur la liste imposant des mesures restrictives du maintien du nom de cette personne sur ladite liste par des décisions postérieures.

43      Ainsi, en ce qui concerne la décision attaquée, il y a lieu de constater qu’elle maintient le nom du requérant sur la liste des personnes et entités visées par les mesures en cause. Dès lors, il convient de rappeler qu’il ressort de la lecture combinée des points 111 et 113 de l’arrêt Kadi II, point 37 supra (EU:C:2013:518), que, s’agissant d’une décision consistant à maintenir le nom d’une personne sur la liste en cause, contrairement à ce qui est le cas pour une inscription initiale, l’autorité compétente de l’Union est tenue de communiquer à la personne concernée, préalablement à l’adoption de cette décision, les éléments dont cette autorité dispose pour fonder sa décision, et ce afin que cette personne puisse défendre ses droits.

44      À cet égard, la Cour a souligné que l’élément de protection qu’offraient l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption de tels actes était fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que les mesures restrictives en question ont une importante incidence sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, Rec, EU:C:2011:853, point 64).

45      En effet, afin d’assurer une protection effective du destinataire de la décision en cause, cette communication a notamment pour objet de permettre audit destinataire de corriger une erreur ou de faire valoir des éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que de tels actes soient adoptés, ne soient pas adoptés ou qu’ils aient tel ou tel contenu (arrêt France/People’s Mojahedin Organization of Iran, point 44 supra, EU:C:2011:853, point 65). Dès lors, toute décision subséquente de gel de fonds doit en principe être précédée d’une communication des nouveaux éléments à charge (arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, Rec, EU:T:2010:499, point 48).

46      Toutefois, lorsque les motifs d’une décision subséquente de gel des fonds sont essentiellement les mêmes que ceux déjà invoqués à l’occasion d’une précédente décision, une simple déclaration à cet effet peut suffire (arrêts du 30 septembre 2009, Sison/Conseil, T‑341/07, Rec, EU:T:2009:372, point 62, et Fahas/Conseil, point 45 supra, EU:T:2010:499, point 55).

47      En l’espèce, il convient de constater que la motivation contenue dans l’annexe I de la décision attaquée est la même que celle contenue dans la décision d’exécution 2011/488, inscrivant le nom du requérant sur la liste en cause, ainsi que dans les décisions 2011/782 et 2012/739, qui ont fait l’objet de l’arrêt Makhlouf/Conseil, point 14 supra (EU:T:2015:33), pour lesquelles le Tribunal a considéré que le Conseil n’avait pas porté atteinte au droit à être préalablement entendu du requérant.

48      Dès lors, il ressort de ce qui précède que l’absence de communication individuelle au requérant de la décision attaquée n’a entraîné aucune atteinte à ses droits de la défense, qui justifierait l’annulation de cette décision pour autant qu’elle le concerne (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 20 supra, EU:T:2013:397, points 112 et 113). En effet, le requérant n’a pas invoqué l’existence d’une atteinte concrète auxdits droits. L’existence d’une telle atteinte ne ressort par ailleurs pas des éléments du dossier, de sorte que l’absence de communication individuelle de cette décision dont les motifs reprennent à l’identique les motifs initiaux de l’inscription du nom du requérant, sans rien ajouter ou modifier, ne constitue pas une violation de ses droits. En outre, après qu’il y a eu connaissance de la décision de maintenir son inscription sur la liste, rien n’empêchait le requérant de demander au Conseil de réviser cette décision. Il y a donc lieu de rejeter le premier argument.

49      En second lieu, s’agissant de l’argument tiré d’une violation des droits de la défense et du droit d’accès au dossier, il convient tout d’abord de rappeler que, selon la jurisprudence concernant les décisions prévoyant le maintien de mesures restrictives, lorsque des observations sont formulées par la personne ou l’entité concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (voir arrêt Kadi II, point 37 supra, EU:C:2013:518, point 114 et jurisprudence citée).

50      De plus, il convient de souligner que ce n’est que sur demande de l’intéressé que le Conseil est tenu de lui donner accès aux documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec, EU:C:2011:735, point 92).

51      En outre, comme le Conseil l’a souligné, une procédure de réexamen est expressément prévue. Ainsi, il convient de relever que l’article 30, paragraphe 3, de la décision attaquée prévoit que, si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne ou l’entité concernée.

52      De surcroît, il ressort de la jurisprudence que, lorsqu’une communication individuelle n’est pas possible, la publication d’un avis à l’attention des personnes auxquelles s’appliquent les mesures restrictives de ce type est suffisante pour attirer l’attention des personnes concernées par les mesures restrictives sur la possibilité de contester la décision du Conseil (voir, en ce sens, arrêt Gbagbo e.a./Conseil, point 20 supra, EU:C:2013:258, point 62).

53      En l’espèce, conformément à cette jurisprudence, la décision d’exécution 2011/488, introduisant le nom du requérant pour la première fois dans les listes contestées, a été dûment communiquée au requérant par la publication, le 2 août 2011, d’un avis dans la série C du Journal officiel, donnant aux personnes concernées l’opportunité d’adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur la liste en question (voir point 43 ci-dessus). Le Conseil a d’ailleurs procédé de la même façon concernant la décision attaquée, par voie d’un avis publié au Journal officiel le 1er juin 2013 (voir point 10 ci-dessus). Or, il convient de rappeler à cet égard que le défaut de communication individuelle de cette dernière décision n’a pas privé pour autant le requérant de la possibilité concrète de présenter des observations et de se prévaloir de son droit à une protection juridictionnelle effective, dès lors que les motifs de cette décision ne faisaient que reprendre à l’identique les motifs initiaux de l’inscription du nom du requérant, motifs valablement communiqués à celui-ci, notamment, par l’avis publié le 2 août 2011.

54      Par ailleurs, il convient de relever que le requérant n’a fait qu’une utilisation tardive de la procédure prévue à l’article 30, paragraphe 3, de la décision attaquée. Il ressort en effet des pièces du dossier qu’aucune demande de réexamen n’a été introduite par le requérant. En outre, il n’a demandé la communication des éléments qui ont motivé la décision prise à son égard que par l’intermédiaire de trois lettres, du 6 juin et des 18 et 21 juillet 2013. Dans la mesure où le requérant n’a fait qu’un usage tardif de ladite procédure, il ne saurait se plaindre de son caractère inefficace devant le Tribunal. Enfin, le requérant n’a pas étayé son affirmation selon laquelle la procédure de réexamen ne garantirait pas une analyse impartiale. C’est donc à tort que le requérant soutient que le Conseil a violé ses droits de la défense. Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième argument.

55      Il ressort de ce qui précède que le premier moyen est non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

56      Premièrement, le requérant fait valoir que le Conseil est soumis à une obligation générale de motivation des actes, inscrite à l’article 296 TFUE, et que celle-ci constitue un corolaire au principe de respect des droits de la défense. À ce titre, la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte. Plus précisément, le requérant soutient que la motivation retenue dans la décision attaquée est vague et générale, puisqu’elle n’indique pas les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil aurait considéré, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que le requérant devait faire l’objet des mesures restrictives en cause.

57      Selon le requérant, ses liens familiaux ainsi que ses relations d’affaires ne sauraient suffire à fonder la décision du Conseil. Ce motif étant fondé, dans une logique de responsabilité collective, uniquement sur les liens du sang, et non sur une participation directe dans la répression menée à l’encontre des populations civiles en Syrie. En effet, le requérant fait valoir que les liens familiaux sont insuffisants pour justifier son inscription, dès lors que le Conseil n’a pas démontré que le requérant ait participé de manière directe à la répression. De même, le requérant considère que la seule référence faite à ses fonctions professionnelles sans que le Conseil s’appuie sur des faits concrets n’est pas de nature à permettre à celui-ci de respecter l’obligation de motivation.

58      Deuxièmement, le requérant souligne que les motifs mentionnés dans l’annexe I de la décision attaquée ne lui permettent pas de connaître de manière détaillée la nature et la cause de l’accusation portée contre lui et qu’il serait donc dans l’impossibilité de se défendre.

59      En outre, le requérant considère que, même dans l’hypothèse où la publication détaillée des griefs ne pourrait se faire en raison de considérations impérieuses d’intérêt général touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres, il est toutefois nécessaire que la motivation soit spécifique et concrète et portée à sa connaissance.

60      À ce titre, le requérant fait valoir qu’aucune considération de ce type ne permet de justifier une telle limitation de la publication des motifs et que, par ailleurs, aucune motivation supplémentaire ne lui a été communiquée.

61      Troisièmement, il souligne que le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important qu’elle constitue l’unique garantie pour le requérant, dès lors que ce dernier ne peut pas être entendu au préalable.

62      Le Conseil conteste les arguments du requérant. Il estime que la motivation de la décision attaquée est suffisante et précise.

63      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, Rec, EU:T:2013:431, point 60 et jurisprudence citée).

64      Selon une jurisprudence également constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 61 et jurisprudence citée).

65      Dans la mesure où la personne ou l’entité concernée ne dispose pas d’un droit d’audition préalable à l’adoption d’une décision initiale de gel de fonds et de ressources économiques, le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important, puisqu’il constitue l’unique garantie permettant à l’intéressé, à tout le moins après l’adoption de cette décision, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 62 et jurisprudence citée).

66      Partant, la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel de fonds et de ressources économiques doit identifier les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 63 et jurisprudence citée).

67      Cependant, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 64 et jurisprudence citée).

68      Il n’est donc pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 65 et jurisprudence citée).

69      Il convient également de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celle-ci relevant de la légalité interne de l’acte litigieux (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 67 ; du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec, EU:C:2001:178, point 35, et du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, Rec, EU:C:2011:620, point 146).

70      En outre, selon une jurisprudence constante, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 14 supra, EU:T:2015:33, point 66 et jurisprudence citée).

71      C’est à la lumière de ces règles jurisprudentielles qu’il convient d’examiner le deuxième moyen.

72      En premier lieu, concernant la connaissance par le requérant du contexte général dans lequel les mesures restrictives sont imposées, il convient de relever que les considérants 1 à 3 de la décision 2011/273, à laquelle fait référence la décision 2012/739, mentionnée à son tour dans le considérant 1 de la décision attaquée, exposent clairement les motifs généraux de l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie par l’Union :

« (1)      Le 29 avril 2011, l’Union européenne a exprimé sa profonde préoccupation face à la situation actuelle en Syrie et au déploiement d’unités militaires et de forces de sécurité dans un certain nombre de villes du pays.

(2)      L’Union condamne fermement la répression violente, y compris par l’usage des tirs à balles réelles, des manifestations pacifiques en divers endroits dans toute la Syrie, qui s’est traduite par la mort de plusieurs manifestants, par des blessés et par des détentions arbitraires. Elle lance un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la répression.

(3)      Compte tenu de la gravité de la situation, il convient d’instituer des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne. »

73      De plus, selon l’article 28, paragraphe 1, de la décision attaquée, « sont gelés tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie, à des personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et aux personnes et entités qui leur sont liés, dont les listes figurent aux annexes I et II, de même que tous les fonds et ressources qu’elles possèdent, détiennent ou contrôlent ».

74      Il peut être présumé que le contexte général auquel font référence les décisions 2011/273 et 2012/739 ainsi que la décision attaquée était connu des personnalités importantes de la société syrienne. Or, le requérant est, ainsi qu’il ressort du dossier, l’oncle du président syrien Bachar Al-Assad et le père de Rami, Ihab et Iyad Makhlouf, qui ont également fait l’objet de mesures de gels de fonds respectivement depuis le 23 et le 9 mai 2011. Dès lors, le requérant était nécessairement informé des motifs de la décision attaquée, étant donné son rôle de doyen auprès desdites familles. Ainsi, le contexte général auquel fait référence la décision attaquée était nécessairement connu du requérant.

75      En second lieu, s’agissant du contexte spécifique, il ressort d’une jurisprudence constante que, pour s’acquitter correctement de son obligation de motiver un acte imposant des mesures restrictives, le Conseil doit mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de ces mesures et les considérations qui l’ont amené à les prendre (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec, EU:T:2009:401, point 81 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, en principe, la motivation d’un tel acte doit porter non seulement sur les conditions légales d’application des mesures restrictives, mais également sur les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, que la personne intéressée doit faire l’objet de telles mesures (voir, par analogie, arrêts du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec, EU:T:2006:384, point 146 ; Fahas/Conseil, point 45 supra, EU:T:2010:499, point 53, et du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil, T‑15/11, Rec, EU:T:2012:661, point 68).

76      Toutefois, selon la jurisprudence, une publication détaillée des griefs retenus à la charge des intéressés pourrait non seulement se heurter aux considérations impérieuses d’intérêt général touchant à la sûreté de l’Union et de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales, mais aussi porter atteinte aux intérêts légitimes des personnes et des entités en question, dans la mesure où elle est susceptible de nuire gravement à leur réputation, de sorte qu’il convient d’admettre exceptionnellement que seuls le dispositif ainsi qu’une motivation générale doivent figurer dans la version de la décision de gel des fonds publiée au Journal officiel, étant entendu que la motivation spécifique et concrète de cette décision doit être formalisée et portée à la connaissance des intéressés par toute autre voie appropriée (voir, en ce sens et par analogie, arrêts Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, point 75 supra, EU:T:2006:384, point 147, et du 8 juin 2011, Bamba/Conseil, T‑86/11, Rec, EU:T:2011:260, point 53).

77      En l’espèce, le Conseil fonde l’inclusion du nom du requérant dans les listes en cause sur les trois motifs mentionnés initialement à l’annexe I de la décision 2011/782 et à l’annexe unique de la décision d’exécution 2011/488, repris à l’annexe I de la décision 2012/739 et de la décision attaquée, à savoir « Proche associé et oncle maternel de Bachar et Mahir Al-Assad, associé d’affaires et père de Rami, Ihab et Iyad Makhlouf ». Il convient de relever que ceux-ci tiennent au fait, premièrement, que le requérant est l’oncle de Bachar et Mahir Al-Assad, deuxièmement, qu’il entretient des relations d’affaires avec ses fils et, troisièmement, qu’il est le doyen du clan Makhlouf.

78      Premièrement, en ce qui concerne le motif selon lequel le requérant est un des associés d’affaires de ses fils, il y a lieu de constater que ce motif est clair et précis au sens de la jurisprudence, dans la mesure où le requérant a eu la possibilité de contester la validité de cette affirmation. De plus, il y a lieu de tenir compte de la motivation retenue s’agissant de l’inscription du nom de ses fils sur les listes en cause pour analyser si l’obligation de motivation est remplie. Or, il ressort clairement de cette motivation que, selon le Conseil, Rami, Ihab et Iyad Makhlouf, les fils du requérant, sont des hommes d’affaires reconnus et bien établis en Syrie. Il ressort notamment de la décision 2012/739 que, d’une part, Rami Makhlouf contrôle le fonds d’investissement Al Mahreq, les sociétés Bena Properties, Cham Holding, Syriatel et Souruh Co. et, d’autre part, Ihab Makhlouf est le président de Syriatel. Dès lors, la motivation de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ne saurait être analysée indépendamment de la motivation de celle relative à l’inscription du nom de ses fils sur ces mêmes listes.

79      Deuxièmement, en ce qui concerne les motifs fondés sur les liens familiaux du requérant, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 28 de la décision attaquée que sont notamment visées par les mesures de gel de fonds en cause les personnes et entités bénéficiant des politiques menées par le régime ou soutenant celui-ci et les personnes et entités qui leur sont liées. L’extrême proximité de liens entre les personnes faisant précédemment l’objet de mesures de gel de fonds et le requérant permet à ce dernier de comprendre la motivation réelle de l’inscription de son nom et de la contester devant le juge compétent.

80      Il s’ensuit que la motivation de la décision attaquée satisfait aux règles rappelées aux points 63 à 67 ci-dessus. Ainsi, elle a permis au requérant, ainsi qu’au Tribunal, de comprendre les raisons pour lesquelles son nom était inscrit sur les listes en cause, à savoir ses liens avec des personnes dirigeantes ou responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie. En outre, elle a également permis au requérant de contester la réalité de ces motifs, ainsi qu’il ressort de son argumentation au cours de la procédure.

81      Il ressort de ce qui précède que le requérant était en mesure de contester les affirmations du Conseil. Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré du bien-fondé des motifs de la décision attaquée

82      Le requérant fait valoir qu’il s’est retiré du monde des affaires depuis près de dix ans et que c’est donc de manière erronée que l’annexe I de la décision attaquée mentionne qu’il est « proche associé » et « associé d’affaires », ce qui révèle l’absence de bien-fondé de ces motifs.

83      Il soutient également que l’amalgame tiré d’un lien de parenté avec d’autres personnes visées par les mesures litigieuses ne peut être considéré comme admissible en droit.

84      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

85      L’effectivité du contrôle juridictionnel, garantie par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur les listes de personnes visées par des sanctions, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide ; cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt Kadi II, point 37 supra, EU:C:2013:518, point 119).

86      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe que les informations ou les éléments produits par l’autorité en question étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée. Si ces éléments ne permettent pas de constater le bien-fondé d’un motif, le juge de l’Union écarte ce dernier en tant que support de la décision d’inscription ou de maintien de l’inscription en cause (arrêt Kadi II, point 37 supra, EU:C:2013:518, points 121 à 123).

87      En l’espèce, concernant, en premier lieu, le motif d’inscription du nom du requérant dans l’annexe I de la décision attaquée, relatif à ses liens familiaux, non contestés par lui, d’une part, avec le président Bachar Al-Assad et son frère Mahir et, d’autre part, avec Rami, Ihab et Iyad Makhlouf, ses fils, il convient de rappeler que l’inscription du nom d’une personne dans les annexes des actes attaquées peut être fondée sur une présomption relative aux membres de sa famille et que cette présomption permet de répondre aux objectifs desdits actes (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2014, Al Assad/Conseil, T‑202/12, Rec, EU:T:2014:113, points 88, 96, 97 et 105).

88      S’agissant des mesures restrictives visant un pays tiers, les catégories de personnes physiques susceptibles d’être frappées par de telles mesures incluent celles dont le lien de rattachement au pays tiers en cause s’impose de toute évidence, c’est-à-dire, notamment, les individus qui sont liés aux dirigeants dudit pays (arrêts du 13 mars 2012, Tay Za/Conseil, C‑376/10 P, Rec, EU:C:2012:138, point 68, et Al Assad/Conseil, point 87 supra, EU:T:2014:113, point 92).

89      Il convient de constater que le requérant est manifestement une personne liée aux dirigeants du régime syrien, en raison de son lien familial avec le président en exercice. Ainsi, le simple fait que le requérant soit l’oncle de Bachar Al-Assad et, par là même, le doyen de la famille dirigeante, suffit pour que le Conseil puisse considérer qu’il est lié aux dirigeants syriens, dès lors que la gestion familiale du pouvoir est un fait notoire dont le Conseil pouvait tenir compte (voir, en ce sens, arrêt Al Assad/Conseil, point 87 supra, EU:T:2014:113, point 96).

90      En tout état de cause, concernant, en second lieu, le motif fondé sur les relations d’affaires entre le requérant et Rami, Ihab et Iyad Makhlouf, force est de constater, que le Conseil, dans le mémoire en défense, explique précisément non seulement comment le requérant fait partie de la classe économique dirigeante en Syrie, mais aussi le caractère indéniable de ses liens avec le régime, dès lors qu’il exerce une influence déterminante, en tant que principal conseiller, sur l’ensemble du premier cercle de dirigeants du régime syrien, et notamment sur ses fils.

91      En outre, il ressort des pièces du dossier et notamment des documents diplomatiques américains fournis en annexe au mémoire en défense par le Conseil et non contestés par le requérant, ainsi que des débats lors de l’audience, que le requérant a été le principal conseiller lors de l’ouverture du marché syrien des télécommunications, dont son fils, Iyad, est le principal bénéficiaire, du fait de l’attribution de la première licence de téléphonie à l’entreprise qu’il dirige. À ce titre, le requérant bénéficie également des politiques menées par le régime.

92      Par conséquent, l’ensemble des éléments fournis par le Conseil permettait de considérer raisonnablement que le requérant entretenait des liens avec les dirigeants du régime ou le soutenait économiquement. Les arguments du requérant tirés d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Conseil ne peuvent donc être accueillis.

93      Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de la garantie afférente au droit à une protection juridictionnelle effective

94      Le requérant fait valoir que, du fait de l’absence, dans la décision attaquée, de l’indication des motifs spécifiques et concrets qui la justifient, il n’a pas été en mis en mesure d’introduire un recours effectif devant le Tribunal.

95      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

96      Premièrement, il y a lieu de rappeler que l’existence d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt Kadi II, point 37 supra, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

97      Deuxièmement, ainsi qu’il a été rappelé précédemment au point 86 ci-dessus, le Tribunal procède à un contrôle entier du bien-fondé des motifs fondant les actes en cause.

98      Troisièmement, il convient de constater que les avis publiés par le Conseil, mentionnés au point 10 ci-dessus, prévoyaient explicitement la possibilité, pour les personnes concernées, de demander un réexamen par celui-ci de l’inscription de leur nom sur les listes en cause et d’introduire un recours en annulation devant le Tribunal. Au demeurant, un tel recours a pu être introduit dans les conditions prévues à l’article 275, deuxième alinéa, TFUE et à l’article 263, quatrième et sixième alinéas, TFUE, comme il ressort du présent recours en annulation. Ainsi, la saisine par le requérant du Tribunal permet, en l’espèce, de démontrer que ce dernier disposait bien d’un recours juridictionnel effectif.

99      Dès lors, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

 Sur les cinquième, sixième et septième moyens, tirés, en substance, de la violation de droits fondamentaux et, notamment, respectivement, du principe de proportionnalité, du droit de propriété et du droit à la vie privée

100    En substance, le requérant soutient que le Conseil a violé plusieurs de ses droits fondamentaux, parmi lesquels le principe de proportionnalité, le droit de propriété et le droit à la vie privée.

101    Premièrement, concernant l’atteinte au principe de proportionnalité, le requérant soutient que les mesures restrictives adoptées à son égard ne sont pas proportionnées aux objectifs poursuivis par le Conseil, consistant à condamner la répression violente exercée contre la population civile syrienne. Ces mesures ne seraient pas non plus conformes au principe de proportionnalité dès lors que le lien entre le requérant et le régime politique syrien ne serait pas suffisamment établi.

102    Deuxièmement, le requérant considère que les mesures restrictives prises à son égard, et notamment le gel de ses fonds, constituent une ingérence dans son droit de propriété et une atteinte disproportionnée à son droit fondamental de disposer librement de ses biens, garanti par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux et l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH. De plus, le requérant fait valoir que le principe de proportionnalité, qui implique une mise en balance de l’intérêt général et de la sauvegarde des droits fondamentaux, n’est pas respecté.

103    En outre, selon le requérant, les mesures prises à son égard l’empêcheraient de jouir paisiblement de ses biens et de toute réelle liberté économique, d’autant que, compte tenu de son grand âge et des dommages à sa réputation causés par l’inscription de son nom sur les listes en cause, il serait dans l’impossibilité de se procurer les fonds nécessaires pour subvenir aux besoins de sa vie courante en exerçant une activité professionnelle.

104    Troisièmement, le requérant considère que la décision de gel de fonds dont il fait l’objet est contraire au droit à la vie privée consacré à l’article 7 de la charte des droits fondamentaux et à l’article 8 de la CEDH. En effet, une telle mesure l’empêcherait d’assurer à sa famille un niveau de vie comparable à celui dont elle disposait avant l’application de la décision d’exécution 2011/488. Le requérant fait également valoir que cette décision de gel de fonds porte atteinte à sa liberté d’aller et venir et, en cela, porte une atteinte radicale au respect de sa vie privée.

105    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

106    À titre liminaire, il convient tout d’abord de rappeler que le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 98). Par ailleurs, le droit de propriété fait partie des principes généraux du droit de l’Union et se trouve consacré par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux. Enfin, en ce qui concerne le droit au respect de la vie privée, l’article 7 de la charte des droits fondamentaux reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale (arrêt du 6 décembre 2012, O e.a, C‑356/11 et C‑357/11, Rec, EU:C:2012:776, point 76).

107    À ce titre, le respect des droits fondamentaux constitue une condition de la légalité des actes de l’Union. Or, selon la jurisprudence, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 97).

108    Il a déjà été considéré que, lorsqu’un acte imposant des mesures restrictives a été adopté sans fournir aucune garantie réelle permettant à l’intéressé d’exposer sa cause aux autorités compétentes, la mise en place de telles mesures constitue une restriction injustifiée de son droit (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec, EU:C:2008:461, points 369 et 370).

109    Il convient également de rappeler que, si, selon une jurisprudence constante, le droit de propriété est garanti par l’article 17 de la charte des droits fondamentaux, il ne jouit pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ce droit, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (voir arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 97 et jurisprudence citée).

110    C’est à la lumière de ces règles jurisprudentielles qu’il convient d’analyser le présent moyen.

111    En l’espèce, il convient de constater, premièrement, que l’adoption de mesures restrictives à l’encontre du requérant revêt un caractère adéquat, dans la mesure où elle s’inscrit dans un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles. En effet, le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union, concernant des personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien du régime syrien, ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats (voir, en ce sens, arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 100 et jurisprudence citée).

112    Deuxièmement, les mesures en cause revêtent également un caractère nécessaire, dès lors que les mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas d’atteindre aussi efficacement l’objectif poursuivi, à savoir la lutte contre le financement du régime syrien, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens, arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 101 et jurisprudence citée).

113    En outre, la décision attaquée comportant les mesures restrictives en cause a été adoptée en respectant toutes les garanties permettant au requérant d’exercer ses droits de la défense, comme il a déjà été relevé aux points 96 à 99 ci-dessus.

114    Troisièmement, la décision attaquée prévoit la possibilité d’autoriser l’utilisation des fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques et de réviser l’inclusion du nom des personnes concernées dans les listes en cause périodiquement, en vue de permettre que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour figurer dans lesdites listes en soient radiées (voir, en ce sens, arrêt Makhlouf/Conseil, point 63 supra, EU:T:2013:431, point 105).

115    Quatrièmement, concernant l’atteinte au droit à la vie privée, c’est à tort que le requérant assimile cette atteinte à la réduction de son niveau de vie. En effet, le droit à la vie privée n’a pas pour vocation de protéger le justiciable contre une perte de son pouvoir d’achat.

116    Par ailleurs, la décision attaquée prévoit également que l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser l’entrée sur son territoire notamment pour des raisons urgentes d’ordre humanitaire, ce qui a pour effet de limiter ainsi l’atteinte portée au droit à la vie privée du requérant (voir, en ce sens, arrêt Al Assad/Conseil, point 87 supra, EU:T:2014:113, point 119).

117    Dès lors, étant donné l’importance primordiale de la protection des populations civiles en Syrie et des dérogations envisagées par la décision attaquée, les restrictions au droit de propriété et au respect de la vie privée du requérant causées par la décision attaquée ne sont pas disproportionnées au regard du but poursuivi.

118    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les cinquième, sixième et septième moyens et, partant, le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par le Conseil.

 Sur les dépens

119    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mohammad Makhlouf est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 janvier 2016.

Signatures


* Langue de procédure : le français.