Language of document : ECLI:EU:T:2018:827

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

22 novembre 2018 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque verbale de l’Union européenne STRAIGHTFORWARD BANKING – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑9/18,

Addiko Bank AG, établie à Vienne (Autriche), représentée par Me A. Seling, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. A. Folliard-Monguiral et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 25 octobre 2017 (affaire R 1090/2017‑2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal STRAIGHTFORWARD BANKING comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk (rapporteur) et M. C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 27 mars 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 décembre 2016, la requérante, Addiko Bank AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal STRAIGHTFORWARD BANKING.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent notamment à la description suivante : « Affaires financières ; affaires monétaires ».

4        Par décision du 24 mars 2017, l’examinateur a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001].

5        Le 19 mai 2017, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinateur auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001).

6        Par décision du 25 octobre 2017 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours formé par la requérante, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001. Plus précisément, d’une part, elle a considéré que les mots « straightforward banking » désignaient objectivement l’espèce et la qualité des services en cause. D’autre part, elle a estimé que la marque demandée serait davantage comprise comme étant un message à caractère promotionnel que comme étant une indication de l’origine commerciale des services en cause.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        enregistrer la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et, le second, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001

10      À l’appui de ce moyen, la requérante soulève, en substance, deux griefs, tirés, le premier, de ce que la chambre de recours a considéré, à tort, que la marque demandée n’était pas susceptible d’identifier l’origine commerciale des services en cause et, le second, de ce que la chambre de recours a méconnu le principe d’égalité de traitement en s’écartant de la pratique décisionnelle de l’EUIPO.

11      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

 Sur le premier grief, tiré de la méconnaissance du caractère distinctif de la marque demandée

12      Par ce grief, la requérante soutient que la marque demandée est dépourvue de caractère descriptif aux motifs, d’une part, que le mot « straightforward » peut avoir plusieurs significations et, d’autre part, que l’expression « straightforward banking » constitue une combinaison de mots inhabituelle au regard de la complexité des services en cause. Elle reproche par ailleurs à la chambre de recours d’avoir considéré que la marque demandée présentait un caractère promotionnel et fait valoir que, en tout état de cause, dans le secteur bancaire, le public pertinent a l’habitude de percevoir des termes descriptifs comme constituant une indication de l’origine des services en cause.

13      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». L’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement énonce que l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

14      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 empêche que les signes ou indications visés par lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, EU:T:2002:44, point 27, et du 2 mai 2012, Universal Display/OHMI (UniversalPHOLED), T‑435/11, non publié, EU:T:2012:210, point 14 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31].

15      En outre, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience se révèle positive ou de faire un autre choix si elle se révèle négative (arrêt du 2 mai 2012, UniversalPHOLED, T‑435/11, non publié, EU:T:2012:210, point 15 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30).

16      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits ou des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE), T‑458/13, EU:T:2014:891, point 16 et jurisprudence citée].

17      Toutefois, pour que l’EUIPO oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services, tels que ceux pour lesquels la demande est présentée, ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32).

18      Enfin, il convient de rappeler que l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la compréhension qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés [voir arrêt du 7 juin 2005, Münchener Rückversicherungs-Gesellschaft/OHMI (MunichFinancialServices), T‑316/03, EU:T:2005:201, point 26 et jurisprudence citée].

19      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que la requérante ne conteste pas la définition du public pertinent retenue, à juste titre, par la chambre de recours, selon laquelle le public concerné par la perception du caractère descriptif de la marque demandée est le public de l’Union, d’expression anglophone, composé notamment du grand public.

20      En second lieu, il importe de noter que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que la marque demandée serait comprise par le public pertinent comme faisant référence au caractère simple des services en cause fournis par la requérante.

21      Il convient donc de constater que la marque demandée sera perçue comme une formule promotionnelle relative à la qualité des services en cause dès lors que, ainsi que le relève la requérante, le fait que ces services soient simples constitue une qualité « souhaitable » de ceux-ci.

22      Il s’ensuit que la marque demandée est susceptible de désigner la qualité des services en cause, de sorte que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que cette marque possédait un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

23      Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la requérante.

24      En effet, premièrement, la circonstance selon laquelle le public pertinent percevra l’expression « straightforward banking », non pas comme signifiant que les services bancaires sont simples, mais comme signifiant que la requérante s’efforcera de fournir des services relatifs aux affaires financières et monétaires de manière simple, bien que ceux-ci soient complexes, n’est pas de nature à conférer à cette expression un caractère inhabituel susceptible d’indiquer l’origine commerciale des services en cause.

25      Deuxièmement, il importe de rappeler que, eu égard à la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus, le fait, à le supposer établi, que, d’une part, l’expression « straightforward banking » n’ait jamais été utilisée avant le dépôt de la demande d’enregistrement à des fins descriptives des services en cause et que, d’autre part, le mot « straightforward » puisse avoir plusieurs significations, n’est pas, en soi, suffisant pour considérer que la marque demandée est dépourvue de caractère descriptif, dès lors que, ainsi qu’il résulte du point 22 ci-dessus, cette marque peut, en au moins une de ses significations potentielles, désigner une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, des services en cause.

26      Troisièmement, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus, les marques descriptives au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 sont réputées incapables d’exercer leur fonction essentielle, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause, sans qu’il y ait, au demeurant, d’exception à cet égard relative au secteur bancaire.

27      En l’espèce, il résulte des points 21 et 22 ci-dessus que la marque demandée fait référence à une qualité communément recherchée par le public pertinent en ce qui concerne les services en cause, de sorte que cette marque n’est pas susceptible d’identifier spécifiquement la requérante comme étant l’origine commerciale de ces services.

28      Par conséquent, la requérante ne saurait utilement invoquer le fait que, dans le secteur bancaire, les marques descriptives sont, en principe, susceptibles d’indiquer l’origine commerciale des services qu’elles désignent.

29      Dès lors, il y a lieu d’écarter le premier grief du premier moyen.

 Sur le second grief, tiré de la méconnaissance de la pratique décisionnelle de l’EUIPO

30      Par ce grief, la requérante soutient que la chambre de recours a méconnu le principe d’égalité de traitement en s’écartant de la pratique décisionnelle de l’EUIPO, selon laquelle, dans le secteur bancaire, il conviendrait de considérer que le public pertinent perçoit les marques ayant un caractère descriptif comme une indication de l’origine commerciale des services en cause.

31      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union. Si, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes doit toutefois être conciliée avec le respect du principe de légalité. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées ou annulées de manière indue. C’est ainsi qu’un tel examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 76). De plus, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas non plus lié par la pratique décisionnelle de l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2015, iNET 24 Holding/OHMI (IDIRECT 24), T‑225/14, non publié, EU:T:2015:585, point 60 et jurisprudence citée].

32      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 19 à 29 ci-dessus, la chambre de recours a considéré à juste titre que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’EUIPO.

33      Il s’ensuit que le fait que l’EUIPO ait considéré que des marques descriptives étaient susceptibles d’indiquer l’origine commerciale des services qu’elles désignent ne permet pas de conclure que la chambre de recours a, en l’espèce, violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

34      Dès lors, il y a lieu d’écarter le second grief du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

35      La requérante soutient que la marque demandée est suffisamment distinctive pour identifier les services qu’elle désigne comme provenant d’une entreprise déterminée.

36      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

37      Il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, il suffit qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne [arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 29, et du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI), T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, point 74].

38      Par conséquent, dès lors que, ainsi qu’il ressort des points 22 et 33 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le signe présenté à l’enregistrement revêtait un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et que ce motif justifiait à lui seul le refus d’enregistrement contesté, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, d’examiner le bien-fondé du moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2008, Indorata-Serviços e Gestão/OHMI, C‑212/07 P, non publiée, EU:C:2008:83, point 28).

39      Dès lors, il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter le second moyen comme inopérant et de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur les dépens

40      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Addiko Bank AG est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.