Language of document : ECLI:EU:T:2022:587

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

28 septembre 2022 (*)

« Accès aux documents – Décision 2004/258/CE – Décision de la BCE de placer Banca Carige sous administration temporaire – Refus d’accès – Exception relative à la protection de la confidentialité des informations protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union – Présomption générale de confidentialité – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle – Notion d’informations confidentielles – Obligation de motivation – Opposition »

Dans l’affaire T‑552/19 OP,

Malacalza Investimenti Srl, établie à Gênes (Italie), représentée par Mes P. Ghiglione, E. De Giorgi, L. Amicarelli et S. Casini, avocats,

partie requérante au litige principal,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. A. Riso, F. von Lindeiner et Mme M. Van Hoecke, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Sarmiento Ramírez-Escudero et O. Pollicino, avocats,

partie défenderesse au litige principal,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et P. Nihoul (rapporteur), juges,

greffier : Mme  P. Núñez Ruiz, administratrice,

vu l’arrêt du 25 juin 2020 Malacalza Investimenti/BCE (T‑552/19, EU:T:2020:294), rendu par défaut, portant annulation de la décision LS/LdG/19/185 de la BCE du 12 juin 2019, refusant l’accès à la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 1er janvier 2019 plaçant Banca Carige SpA sous administration temporaire et à d’autres documents y afférents,

vu l’opposition formée par la BCE en date du 26 juin 2020 à l’arrêt du 25 juin 2020, Malacalza Investimenti/BCE (T‑552/19, EU:T:2020:294) par défaut, en vertu de l’article 166 du règlement de procédure,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la décision du 22 décembre 2020 de suspendre la procédure, conformément à l’article 69, sous d), du règlement de procédure, jusqu’à la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 octobre 2021, Aeris Invest/BCE (T‑827/17, sous pourvoi, EU:T:2021:660),

à la suite de l’audience du 27 avril 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 166, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la Banque centrale européenne (BCE) forme opposition à l’arrêt du 25 juin 2020, Malacalza Investimenti/BCE (T‑552/19, ci‑après l’« arrêt par défaut », EU:T:2020:294), portant annulation de la décision LS/LdG/19/185 de la BCE, du 12 juin 2019, refusant l’accès à la décision du conseil des gouverneurs de la BCE du 1er janvier 2019 plaçant Banca Carige SpA sous administration temporaire et à d’autres documents qui y sont afférents (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante au litige principal, Malacalza Investimenti Srl (ci-après la « requérante »), est une société de droit italien. Elle était l’actionnaire principale de Banca Carige SpA, dont elle détenait directement 27,555 % du capital.

3        Banca Carige est un établissement de crédit établi en Italie, coté en bourse et soumis au contrôle de la BCE.

4        Le 20 septembre 2018, le conseil d’administration de Banca Carige a été renouvelé par l’assemblée générale ordinaire des actionnaires. En raison de sa participation dans ladite société, la requérante a nommé la majorité des membres du conseil d’administration.

5        Le 22 décembre 2018, à l’issue d’une nouvelle assemblée générale des actionnaires de Banca Carige au cours de laquelle une proposition d’augmentation de capital social à hauteur de 400 millions d’euros a été rejetée, certains membres du conseil d’administration ont démissionné.

6        Le 2 janvier 2019, la BCE a annoncé, dans un communiqué de presse, que, à la suite de la démission de la majorité des membres du conseil d’administration de Banca Carige, elle avait ordonné le placement de cette banque sous administration temporaire. Le communiqué précise que cette décision constitue une mesure d’intervention précoce, par laquelle les organes d’administration et de surveillance de Banca Carige ont été dissous et trois administrateurs temporaires ainsi qu’un comité de surveillance composé de trois membres ont été nommés.

7        La décision de placement sous administration temporaire n’a pas été publiée et les motifs qui la sous-tendent n’étaient pas connus de la requérante.

8        Le 15 janvier 2019, la requérante a présenté à la BCE une demande d’accès, au titre de l’article 6 de la décision 2004/258/CE de la BCE, du 4 mars 2004, relative à l’accès du public aux documents de la BCE (JO 2004, L 80, p. 42), telle que modifiée, d’une part, par la décision 2011/342/UE de la BCE, du 9 mai 2011 (JO 2011, L 158, p. 37), et, d’autre part, par la décision (UE) 2015/529 de la BCE, du 21 janvier 2015 (JO 2015, L 84, p. 64). La demande d’accès portait sur :

–        la décision de placement sous administration temporaire et ses annexes ;

–        les documents, relatifs à la période allant du 30 novembre 2018 au 2 janvier 2019, contenant les autres décisions prises par la BCE envers Banca Carige, y compris le projet de décision concernant le plan de conversion des fonds propres avec ses tableaux et ses annexes, les communications entre la BCE et le conseil d’administration de Banca Carige ou l’un ou plusieurs de ses membres ainsi que les procès-verbaux des réunions entre la BCE et le conseil d’administration de cette banque ou l’un ou plusieurs de ses membres.

9        Le 14 février 2019, la BCE a informé la requérante que le délai de réponse à la demande d’accès aux documents était prolongé de 20 jours ouvrés, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la décision 2004/258, en raison d’une charge de travail exceptionnelle.

10      Le 17 février 2019, la requérante a répondu à la BCE en contestant la compatibilité de la prorogation du délai de traitement de sa demande avec l’article 7, paragraphe 3, de la décision 2004/258.

11      Le 19 février 2019, la BCE a répondu à la requérante, en indiquant que l’article 7, paragraphe 3, de la décision 2004/258 était invoqué pour prolonger le délai de traitement de sa demande d’accès aux documents présentée en raison de la réception de nombreuses demandes concernant Banca Carige et de consultations avec Banca d’Italia (Banque d’Italie) sur cette même question.

12      Par décision du 13 mars 2019, la BCE a rejeté l’intégralité de la demande d’accès.

13      Le 8 avril 2019, la requérante a présenté une demande confirmative au directoire de la BCE en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la décision 2004/258, dans laquelle elle sollicitait une révision de la décision de la BCE du 13 mars 2019 (ci-après « la demande confirmative »). Dans la demande confirmative, elle a toutefois exclu de sa demande d’accès le plan de conversion des fonds propres avec ses tableaux et ses annexes, qu’elle avait entretemps reçus de la part des administrateurs de Banca Carige. Par ailleurs, la requérante a indiqué que des extraits d’un document présenté comme la décision de placement sous administration temporaire avaient été publiés, sous la forme de photographies, sur le site Internet d’un quotidien italien. Elle a soutenu que, si ces photographies reproduisaient effectivement ladite décision, les extraits qu’elles comportaient ne pouvaient plus être considérés comme confidentiels, puisque, ayant été publiés, ils relevaient dorénavant du domaine public. Elle a allégué que ces extraits ne contenaient, en tout état de cause, aucune information confidentielle, car toutes les données qui s’y trouvaient figuraient dans les documents d’information que Banca Carige publie conformément à la législation applicable aux établissements de crédit cotés sur les marchés réglementés.

14      La requérante a ainsi réitéré sa demande d’accès aux documents suivants :

–        la version confidentielle de la décision de placement sous administration temporaire ou, à titre subsidiaire, à une version non confidentielle tenant compte, d’une part, des extraits déjà publiés sur Internet et, d’autre part, du temps écoulé depuis ladite demande, lequel aurait pour conséquence que la confidentialité de certaines informations ne serait plus exigée ;

–        la version confidentielle ou, à titre subsidiaire, une version non confidentielle des communications écrites entre la BCE et le conseil d’administration de Banca Carige ainsi que des procès-verbaux des réunions entre ces mêmes intervenants dans la période comprise entre le 30 novembre 2018 et le 2 janvier 2019 (ci-après « les autres documents »), ainsi que la liste des communications et des réunions entre la BCE et Banca Carige, le nom des participants et une description générale du contenu de ces communications et réunions.

15      Le 3 mai 2019, la BCE a informé la requérante que, conformément à l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2004/258, elle avait décidé de prolonger de 20 jours ouvrés le délai de réponse à la demande confirmative en raison d’une charge de travail exceptionnelle.

16      Par courrier du 29 mai 2019, la BCE a annoncé que la nouvelle échéance, fixée au 11 juin 2019, ne serait pas respectée.

17      Par la décision attaquée, le 12 juin 2019, la BCE a rejeté dans son intégralité la demande confirmative. Cette décision reprend, en substance, les motifs qui avaient été invoqués dans la décision de la BCE du 13 mars 2019.

 Décision attaquée

18      Dans la décision attaquée, la BCE a identifié, au regard de la demande d’accès qui lui était présentée, les documents suivants, qu’elle a refusé de communiquer à la requérante :

–        la décision de placement sous administration temporaire ;

–        les communications écrites entre la BCE et le conseil d’administration de Banca Carige ou l’un ou plusieurs de ses membres intervenues entre le 30 novembre 2018 et le 2 janvier 2019 ;

–        les procès-verbaux des réunions entre la BCE et le conseil d’administration de Banca Carige ou l’un ou plusieurs de ses membres intervenues au cours de ladite période.

19      Pour ces différents documents, le refus d’accès a été motivé de la manière suivante.

20      Dans la première section de la décision attaquée, intitulée « Remarques sur l’application du principe de transparence et la présomption générale de non-accessibilité aux dossiers de surveillance de Banca Carige », la BCE a considéré qu’elle pouvait se fonder, pour refuser l’accès à tous les documents demandés, sur une présomption générale de confidentialité couvrant l’ensemble des dossiers relevant de la mission de surveillance prudentielle qui lui est confiée.

21      La BCE a déduit l’existence de cette présomption générale de confidentialité du fait que le législateur de l’Union européenne avait édicté des règles qui, d’une part, imposent le secret professionnel à toutes les personnes travaillant ou ayant travaillé pour les autorités de surveillance prudentielle et qui, d’autre part, exigent que les informations confidentielles que ces personnes reçoivent dans l’exercice de leurs fonctions ne puissent être divulguées que sous une forme résumée ou agrégée, de façon à ce que les établissements de crédit ne puissent être identifiés. Dans ce cadre, elle s’est appuyée sur :

–        l’article 27 du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63) ;

–        les articles 53 et suivants de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338) ; et

–        l’article 84 de la directive 2014/59 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190).

22      La BCE a indiqué que, en matière de surveillance prudentielle, l’obligation de protéger les informations confidentielles ne devait pas être conçue comme une exception au principe général de transparence, mais plutôt comme une règle générale en elle-même. Selon elle, les dispositions visées au point 21 ci-dessus et la présomption générale de confidentialité qui en découle garantissent une conduite efficace des activités de supervision, dans la mesure où tant les établissements surveillés que les autorités compétentes peuvent s’appuyer sur le fait que, en principe, les informations confidentielles fournies ne seront pas divulguées. Cette confiance serait essentielle pour un échange effectif d’informations, lequel serait à son tour crucial pour le bon déroulement de l’activité de surveillance prudentielle.

23      Dans la seconde section de la décision attaquée, intitulée « Examen des exceptions spécifiques de la décision 2004/258 invoquées dans la lettre du secrétariat du directeur général », la BCE s’est penchée sur l’application, en l’espèce, de deux exceptions particulières dont elle envisage l’application pour le cas où la présomption générale de confidentialité ne pourrait être invoquée.

24      Selon elle, le refus d’accès pourrait être fondé, dans un tel cas, sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258. Pour la BCE, cette disposition pourrait être interprétée, en l’absence d’une présomption, comme comportant une exception permettant de refuser l’accès aux documents dont il apparaîtrait, au terme d’un examen détaillé, que la divulgation porterait atteinte, d’une manière concrète et effective, à la confidentialité des informations qui s’y trouvent contenues. Dans la décision attaquée, la BCE estime que cette exception peut être invoquée, en l’espèce, pour tous les documents auxquels l’accès a été demandé.

25      Par ailleurs, l’accès pourrait être refusé, alternativement, sur la base de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258, qui comporte une exception fondée sur la protection des intérêts commerciaux de l’établissement concerné, lorsqu’il apparaît au terme d’un examen individuel qu’une divulgation pourrait avoir, également, de tels effets dommageables. En l’espèce, cette exception a été invoquée par la BCE à l’égard des autres documents (en substance les communications entre la BCE et le conseil d’administration et les procès-verbaux du conseil d’administration), mais pas pour la décision de placement sous administration temporaire.

 Conclusions des parties

26      La BCE conclut a à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        faire droit à l’opposition et annuler l’arrêt par défaut ;

–        rejeter le recours enregistré sous le numéro T‑552/19 dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’opposition à l’arrêt par défaut introduite par la BCE et, par voie de conséquence, confirmer l’annulation de la décision attaquée ;

–        condamner la BCE aux dépens.

 En droit

 Sur les règles applicables à la procédure d’opposition

28      Aux termes de l’article 41 du statut de la Cour de justice et de l’article 166 du règlement de procédure, il convient de relever que la procédure d’opposition a pour objet, à la suite de l’adoption par le juge de l’Union d’un arrêt par défaut à l’égard de la partie défenderesse défaillante, de permettre audit juge de procéder à un nouvel examen de la cause sur une base contradictoire (voir arrêt du 17 janvier 2019, Aristoteleio Panepistimio Thessalonikis/ERCEA, T‑348/16 OP, non publié, EU:T:2019:14, point 56 et jurisprudence citée), sans être lié par la solution de l’arrêt par défaut (arrêt du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, EU:T:2006:271, point 43).

29      Il incombe au Tribunal, saisi de la présente opposition, de réexaminer le recours qu’avait introduit la requérante devant lui et, à cet effet, d’analyser les moyens que celle-ci avait soulevés à l’appui des conclusions de ce recours.

30      En l’absence de toute disposition du règlement de procédure prévoyant le contraire, l’opposant n’est pas limité, dans son argumentation, à la réfutation des motifs de l’arrêt par défaut (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission, T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, EU:T:2006:271, points 43 et 44), mais reste libre de développer en défense tout argument lui paraissant utile en réponse au moyen formulé dans le recours initial.

 Sur les règles gouvernant l’accès aux documents

31      Il convient de rappeler que le droit d’accès aux documents de la BCE se fonde sur le principe d’ouverture du processus décisionnel de l’Union énoncé à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE et repris à l’article 15, paragraphe 1, TFUE.

32      L’article 15, paragraphe 3, premier alinéa, TFUE consacre un droit d’accès de tout citoyen de l’Union et de toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège statutaire dans un État membre aux documents des institutions, organes et organismes de l’Union, repris à l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

33      En outre, selon l’article 15, paragraphe 3, deuxième alinéa, TFUE, « [l]es principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents sont fixés par voie de règlements par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, statuant conformément à la procédure législative ordinaire ».

34      Conformément au troisième alinéa de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, « [c]haque institution, organe ou organisme assure la transparence de ses travaux et élabore dans son règlement intérieur des dispositions particulières concernant l’accès à ses documents, en conformité avec les règlements visés au deuxième alinéa [dudit paragraphe] ».

35      En vertu du quatrième alinéa de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, la BCE n’est soumise à ce paragraphe que lorsqu’elle exerce des fonctions administratives.

36      Le régime applicable à l’accès aux autres documents en possession de la BCE est régi par la décision 2004/258, adoptée sur le fondement de l’article 12.3 du protocole sur les Statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne et de l’article 23 de la décision 2004/257/CE de la BCE, du 19 février 2004, portant adoption du règlement intérieur de la BCE (JO 2004, L 80, p. 33), telle que modifiée par la décision 2014/179/UE  de la BCE, du 22 janvier 2014 (JO 2014, L 95, p. 56).

37      En vertu des deuxième et troisième considérants de la décision 2004/258, cette décision vise à autoriser un accès plus large aux documents de la BCE que celui qui existait sous le régime de sa décision 1999/284/CE, du 3 novembre 1998, concernant l’accès du public aux documents et aux archives de la BCE (JO 1999, L 110, p. 30), tout en veillant à protéger l’indépendance de la BCE et des banques centrales nationales ainsi que la confidentialité de certaines questions touchant à l’accomplissement des missions de la BCE.

38      L’article 2, paragraphe 1, de la décision 2004/258 accorde ainsi à tout citoyen de l’Union, et à toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre, un droit d’accès aux documents de la BCE, sous réserve des limites et conditions définies par ladite décision.

39      Ce droit est soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Ainsi, conformément au quatrième considérant de la décision 2004/258, l’article 4 de cette décision prévoit un régime d’exception autorisant la BCE à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par les paragraphes 1 et 2 de cet article.

40      En particulier, l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 prévoit que « […] la BCE refuse l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection […] de la confidentialité des informations qui sont protégées en tant que tel[les] en vertu du droit de l’Union ».

41      En outre, l’article 4, paragraphe 2 de la décision 2004/258 prévoit que « […] la BCE refuse l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle, […] à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ».

 Sur les moyens soulevés dans le recours

42      C’est à la lumière de ces éléments qu’il convient d’examiner les moyens soulevés à l’appui du recours. En l’occurrence, ces moyens sont tirés respectivement :

–        le premier, de l’application erronée d’une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 ;

–        le deuxième, de l’absence d’application de l’article 27 du règlement no 1024/2013, des articles 53 et suivants de la directive 2013/36 et de l’article 84 de la directive 2014/59 pour justifier le refus d’accès aux documents demandés ;

–        le troisième, de la violation de l’obligation de motivation du préjudice que la divulgation des documents demandés pourrait porter aux intérêts des personnes qui ont fourni les informations ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement de l’activité de surveillance ;

–        le quatrième, du défaut d’accès partiel aux documents demandés ;

–        le cinquième, de l’inapplicabilité de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 du fait que les informations auxquelles ladite exception a été appliquée ont un caractère public ;

–        le sixième, de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

 Sur le premier moyen, tiré de l’application erronée d’une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258

43      Dans la décision attaquée, la BCE a justifié le refus de communiquer la décision de placement sous administration temporaire et les autres documents au motif qu’une telle communication irait à l’encontre d’une présomption générale de confidentialité introduite par l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258.

44      Cette position est critiquée par la requérante dans le premier moyen, selon lequel l’existence d’une telle présomption ne saurait être déduite de cette disposition.

45      La BCE conteste ce moyen.

46      Pour statuer, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 6 octobre 2021, Aeris Invest/BCE (T‑827/17, sous pourvoi, EU:T:2021:660, ci-après l’ « arrêt Aeris Invest » ), à propos duquel les parties au présent recours ont pu déposer des observations, le Tribunal s’est prononcé sur l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 et sur la question de l’existence d’une présomption générale fondée sur cette disposition, que la BCE avait invoquée dans cette affaire pour refuser l’accès à plusieurs documents relatifs à la surveillance prudentielle d’un établissement de crédit et au dispositif de résolution de ce dernier.

47      Selon la jurisprudence, l’objectif des présomptions générales fondées sur une exception au droit d’accès réside dans la possibilité, pour l’institution de l’Union concernée, de considérer que la divulgation de certaines catégories de documents porte, en principe, atteinte à l’intérêt protégé par cette exception, en se fondant sur des considérations d’ordre général similaires qui sont susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature, sans que l’institution concernée soit tenue d’examiner concrètement et individuellement chacun des documents demandés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 septembre 2018, ClientEarth/Commission, C‑57/16 P, EU:C:2018:660, point 52).

48      Dans l’arrêt Aeris Invest, le Tribunal a considéré qu’aucune présomption de cette nature ne pouvait être fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 (arrêt Aeris Invest, points 186 à 199).

49      Dans ses observations du 15 novembre 2021, la BCE a pris acte de l’arrêt Aeris Invest mais n’a pas retiré la décision attaquée.

50      Dans ce contexte, il convient d’examiner si les raisons qui ont conduit le Tribunal, dans l’arrêt Aeris Invest, à écarter l’existence d’une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 peuvent être retenues en l’espèce. Il s’agit des trois raisons suivantes.

 Sur l’incompatibilité d’une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 avec le principe de sécurité juridique

51      La première raison retenue par le Tribunal, dans l’arrêt Aeris Invest, tient au fait qu’une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 enfreint les exigences de la sécurité juridique, car elle repose sur une disposition dont le champ d’application n’est pas circonscrit de manière claire et précise (arrêt Aeris Invest, points 187 à 190).

52      Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la sécurité juridique fait partie des principes généraux du droit de l’Union et exige que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union. Ce principe exige, notamment, qu’une réglementation de l’Union permette aux intéressés de connaître avec exactitude et sans ambiguïté l’étendue des obligations qu’elle leur impose, les droits qu’elle leur confère et qu’ils puissent prendre leurs dispositions en conséquence (voir, en ce sens, arrêt Aeris Invest, point 190 et jurisprudence citée).

53      Or, s’agissant du caractère confidentiel des informations qui méritent d’être protégées en tant que telles en vertu du droit de l’Union, visé à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, le Tribunal a constaté, dans l’arrêt Aeris Invest, que cette disposition:

–        n’a pas de contenu précis et dépend, pour son application, du renvoi à d’autres règles du droit de l’Union applicables au contexte dans lequel les documents auxquels l’accès est demandé ont été établis (arrêt Aeris Invest, point 188) ;

–        établit ainsi un lien entre le régime d’accès du public aux documents de la BCE et les régimes de secret professionnel auxquels la BCE est assujettie en vertu du droit de l’Union, visant ainsi à assurer que la BCE respecte ses obligations de secret professionnel également dans le contexte des demandes d’accès à ses documents (arrêt Aeris Invest, point 189).

54      Dans le même sens, la BCE a estimé, dans la décision attaquée, que, dans le domaine de la surveillance prudentielle, l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 renvoyait aux trois dispositions suivantes :

–        l’article 27 du règlement 1024/2013 ;

–        l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2013/36 ;

–        l’article 84 de la directive 2014/59.

55      Parmi ces dispositions, la première, à savoir l’article 27, paragraphe 1, du règlement 1024/2013, impose aux membres du personnel de la BCE une obligation de secret professionnel pour les informations obtenues par eux dans le cadre de la surveillance prudentielle. Cette obligation comporte, notamment, le devoir de respecter les obligations de confidentialité imposées par tous les actes pertinents du droit de l’Union.

56      De son côté, la deuxième disposition susvisée, à savoir l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2013/36, soumet au secret professionnel les autorités compétentes en matière de surveillance prudentielle. En vertu de cette disposition, le secret professionnel interdit, en principe, à ces autorités, de divulguer les informations confidentielles qu’elles reçoivent, autrement que sous une forme résumée ou agrégée, de façon à ce que les établissements de crédit ne puissent pas être identifiés. Ce principe est assorti de deux dérogations permettant la divulgation d’informations confidentielles :

–        premièrement, dans les cas relevant du droit pénal ;

–        deuxièmement, dans ceux ayant trait à des procédures civiles ou commerciales à la double condition, dans le cas de ces procédures civiles et commerciales, d’une part, que l’établissement de crédit concerné par les informations confidentielles ait été déclaré en faillite ou fasse l’objet d’une liquidation forcée et, d’autre part, que les informations confidentielles ne concernent pas des tiers impliqués dans les tentatives de sauvetage de cet établissement.

57      Quant à la troisième disposition, à savoir l’article 84 de la directive 2014/59, elle s’applique dans le contexte du redressement et de la résolution bancaires, et non dans le domaine de l’intervention précoce en cause dans le présent litige. Il s’ensuit que cette disposition n’est pas applicable en l’espèce.

58      De la décision attaquée, il ressort ainsi que l’identification des dispositions du droit de l’Union protégeant la confidentialité des informations visées à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 est laissée à l’appréciation de la BCE, lorsqu’elle examine les demandes individuelles d’accès qui lui sont adressées, en fonction du contexte de ces demandes. Partant, au moment où ils introduisent leur demande d’accès, les demandeurs sont dans l’impossibilité de prévoir avec certitude les règles censées protéger la confidentialité des informations demandées que la BCE pourrait leur opposer pour rejeter leur demande. Du reste, cette incertitude se manifeste dans la décision attaquée elle-même, puisqu’une disposition, à savoir l’article 84 de la directive 2014/59, s’y trouve mentionnée par la BCE comme étant à prendre en compte pour déterminer son obligation de confidentialité, alors que cette disposition n’est pas applicable, en définitive, dans la matière concernée par le litige.

59      Dans ces conditions, il convient de considérer que l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 constitue une disposition qui n’est pas suffisamment claire, précise et prévisible dans ses effets pour constituer le fondement d’une présomption générale réputant confidentiel et, à ce titre, non susceptible d’être divulgué, la décision de placement sous administration temporaire d’un établissement de crédit soumis à la surveillance prudentielle de la BCE ainsi que les autres documents qui y sont afférents, tels que ceux demandés par la requérante.

 Sur l’incompatibilité d’une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 avec l’appréciation de la notion d’information confidentielle exigée par l’arrêt du 19 juin 2018, Baumeister (C15/16)

60      La deuxième raison retenue par le Tribunal, dans l’arrêt Aeris Invest, pour écarter l’application d’une présomption générale de confidentialité tient au fait que, fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 une telle présomption est inconciliable avec l’approche préconisée par la Cour dans l’arrêt du 19 juin 2018, Baumeister (C‑15/16, EU:C:2018:464, ci-après l’« arrêt Baumeister »), pour déterminer si une information est confidentielle. En effet, cet arrêt requiert une appréciation concrète et individuelle du caractère confidentiel de chaque information concernée, qui ne saurait être contournée par l’application d’une présomption générale de confidentialité (arrêt Aeris Invest, points 192 à 196).

61      Dans l’arrêt Baumeister, la Cour a interprété la notion d’informations confidentielles contenue dans l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, concernant les marchés d’instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil (JO 2004, L 145, p. 1). Elle a retenu à cet égard ce qui suit :

–        l’article 54 de la directive 2004/39 posait un principe général d’interdiction de divulgation des informations confidentielles détenues par les autorités compétentes et énonçait de manière exhaustive les cas spécifiques dans lesquels cette interdiction générale ne faisait exceptionnellement pas obstacle à leur transmission ou à leur utilisation (arrêts Baumeister, point 38, et Aeris Invest, point 193) ;

–        toutes les informations relatives à une entreprise surveillée et communiquées par celle-ci à l’autorité compétente, ainsi que toutes les déclarations de cette autorité de surveillance figurant dans son dossier de surveillance, y compris sa correspondance avec d’autres services, ne constituaient pas, de manière inconditionnelle, des informations confidentielles, couvertes par le secret professionnel prévu à l’article 54 de la directive 2004/39 (arrêt Baumeister, points 34 et 46 ; voir arrêt Aeris Invest, point 194) ;

–        relevaient de cette qualification les informations détenues par les autorités de surveillance compétentes qui, premièrement, n’avaient pas un caractère public et dont, deuxièmement, la divulgation risquait de porter atteinte aux intérêts de la personne physique ou morale qui les avait fournies ou de tiers, ou encore au bon fonctionnement du système de contrôle de l’activité des entreprises d’investissement (arrêt Baumeister, points 35 et 46 ; voir arrêt Aeris Invest, point 194).

62      Or, la disposition ainsi interprétée dans l’arrêt Baumeister était libellée de manière très similaire à celle en cause, à la fois, dans l’arrêt Aeris Invest et dans le présent recours, à savoir l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2013/36 (voir, respectivement, arrêt Aeris Invest, points 24, 31 et 195) (voir point 56 ci-dessus).

63      Sur cette base, l’interprétation retenue dans l’arrêt Baumeister a été considérée comme applicable dans l’arrêt Aeris Invest pour définir ce qu’était une information confidentielle au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, qui est en cause dans le présent litige.

64      À toutes fins utiles, il y a lieu de noter que la disposition interprétée dans l’arrêt Baumeister, à savoir l’article 54, paragraphe 1, de la directive 2004/39, a été remplacée par l’article 76, paragraphe 1, de la directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE (JO 2014, L 173, p. 349).

65      Les termes utilisés dans cette nouvelle disposition sont toutefois similaires à ceux de la précédente, de telle manière que l’enseignement à tirer de l’arrêt Baumeister conserve toute sa pertinence pour le raisonnement développé dans l’arrêt Aeris Invest ainsi que, par voie de conséquence, pour la solution à dégager en l’espèce.

66      De cette analyse, il résulte que, si la BCE entend refuser l’accès à des documents en raison de la confidentialité des informations en cause, elle doit vérifier que les deux critères énoncés dans l’arrêt Baumeister sont satisfaits pour chaque information concernée, cet exercice requérant une appréciation concrète de chacune de ces informations qui ne saurait être contournée par l’application d’une présomption générale de confidentialité (voir arrêt Aeris Invest, point 196).

67      Dans ces conditions, la BCE ne pouvait pas recourir, dans la décision attaquée, à une présomption générale de confidentialité qui lui aurait épargné de vérifier, de manière concrète, le caractère confidentiel de la décision de placement sous administration temporaire et des autres documents en application des deux critères énoncés dans l’arrêt Baumeister.

 Sur l’absence de caractère réfragable d’une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258

68      La troisième raison retenue par le Tribunal, dans l’arrêt Aeris Invest (point 198), pour écarter l’application d’une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, tient au fait que, selon une jurisprudence constante, l’application d’une présomption d’une telle nature ne pouvait exclure la possibilité de démontrer qu’un document donné, dont la divulgation est demandée, n’est pas couvert par cette présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ce document (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 62, et du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 126).

69      Or, l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 constitue une exception dite « absolue » au droit d’accès, dont l’application revêt un caractère obligatoire, dès lors que la divulgation au public du document demandé est de nature à porter atteinte à l’intérêt protégé par cette disposition.

70      À ce titre, et contrairement aux exceptions visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, de la décision 2004/258, l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de ladite décision ne présuppose pas de mise en balance de l’intérêt protégé avec un intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation du document demandé (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, Aeris Invest/BCE, T‑827/17, sous pourvoi, EU:T:2021:660, point 197).

71      Ainsi, si une présomption générale de confidentialité devait être inférée de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, le caractère obligatoire de l’exception visée par cette disposition interdirait tout renversement d’une telle présomption, ce qui irait à l’encontre des exigences de la jurisprudence rappelées au point 68 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt Aeris Invest, point 199).

72      En l’espèce, la BCE s’est fondée, dans la décision attaquée, sur l’exception visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c) de la décision 2004/58 pour refuser l’accès à la décision de placement sous administration temporaire et aux autres documents.

73      Par conséquent, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 68, 69 et 71 ci-dessus, la BCE ne pouvait pas appliquer une présomption générale de confidentialité dérivée de cette disposition, laquelle empêchait la requérante de démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation de la décision de placement sous administration temporaire et des autres documents et, partant, de renverser ladite présomption (voir, en ce sens, arrêt Aeris Invest, point 199).

74      De ce qui précède, il ressort que les trois raisons retenues par le Tribunal dans l’arrêt Aeris Invest pour écarter l’existence d’une présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 trouvent également à s’appliquer en l’espèce.

75      Il résulte de ce qui précède que le présent moyen est fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation du risque d’atteinte aux intérêts en jeu

76      Au cours de la procédure, la BCE a expliqué que la décision attaquée devait être interprétée comme reposant, non seulement sur l’existence d’une présomption générale de confidentialité, mais également, dans le cadre de l’article 4, paragraphe 1, sous c) de la décision 2004/258, sur une appréciation concrète du caractère confidentiel des documents concernés en application des critères dégagés dans l’arrêt Baumeister. Selon la BCE, l’application de cette disposition, dans le sens ainsi déterminé, permet d’expliquer le refus d’accès pour tous les documents visés par la demande, à savoir, d’une part, la décision de placement sous administration temporaire et, d’autre part, les autres documents.

77      Dans ces conditions, il convient d’examiner le troisième moyen dans lequel la requérante soutient que la présomption générale de confidentialité n’étant pas applicable, la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée en ce qui concerne l’atteinte à des intérêts protégés pouvant résulter de la divulgation de la décision de placement sous administration temporaire et des autres documents.

78      Le troisième moyen se divise, en substance, en deux branches, correspondant aux deux dispositions qui sont invoquées par la BCE dans la décision attaquée, pour le cas où elle ne pourrait s’appuyer sur une présomption générale de confidentialité, pour refuser de communiquer les documents demandés au motif qu’une divulgation porterait atteinte, d’une manière concrète et effective, à des intérêts protégés.

 Sur la première branche, concernant l’article 4, paragraphe 1, sous c) de la décision 2004/258, invoqué pour l’ensemble des documents demandés

79      Dans la deuxième section de la décision attaquée, consacrée à l’examen de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258 sur laquelle la BCE a fondé son refus de donner accès à la décision de placement sous administration temporaire et aux autres documents, cette dernière a fait valoir ce qui suit :

–        la décision de placement sous administration temporaire et les autres documents étaient couverts par les obligations de secret professionnel susvisées interdisant à la BCE de divulguer des informations confidentielles (voir point 54 ci-dessus) ;

–        la notion d’information confidentielle devait, à cet égard, être définie à partir des deux critères énoncés par l’arrêt Baumeister rappelés au point 61 ci-dessus ;

–        faisant application du second critère, il conviendrait de considérer, en l’espèce, que la divulgation des informations prudentielles pourrait avoir des conséquences dommageables pour l’établissement de crédit concerné et pour le système bancaire en général et que la divulgation de la décision de placement sous administration temporaire et des autres documents nuirait à l’intérêt public lié au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle.

80      Ce sont ces derniers éléments cités dans la décision attaquée qui se trouvent mis en cause par la requérante et qu’il convient d’analyser.

81      Selon la jurisprudence, lorsque la BCE décide de refuser l’accès à un document en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la décision 2004/258, il lui incombe, en l’absence d’application d’une présomption générale de confidentialité, de fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès au document demandé pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception qu’elle invoque, le risque d’une telle atteinte devant être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêts du 29 novembre 2012, Thesing et Bloomberg Finance/BCE, T‑590/10, non publié, EU:T:2012:635, point 42 et jurisprudence citée, et Aeris Invest, point 181).

82      Par ailleurs, une motivation, pour être suffisante, doit se caractériser notamment par une indication pertinente des éléments pris en considération. Aussi, dans le domaine de l’accès aux documents, une motivation sans lien avec l’objet de la demande ne permet pas de comprendre et de vérifier en quoi le document demandé relève de l’exception en cause (voir arrêt du 26 janvier 2022, Kedrion/EMA, T‑570/20, non publié, EU:T:2022:20, points 65 et 66 et jurisprudence citée), en l’espèce celle visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c) de la décision 2004/258.

–       Sur le risque allégué d’atteinte à l’établissement de crédit concerné

83      La BCE indique, dans la décision attaquée, que, de manière générale, la divulgation d’informations confidentielles issues de la surveillance prudentielle pourrait nuire à l’établissement de crédit concerné.

84      Cette allégation est toutefois formulée en des termes très généraux et n’est assortie d’aucune indication quant aux motifs pour lesquels la décision de placement sous administration temporaire et les autres documents ne pourraient pas être divulgués. La décision attaquée n’apporte, en effet, aucune précision quant au type de risque auquel aurait pu faire face Banca Carige si l’accès à ces documents avait été accordé.

85      S’agissant, notamment, de la décision de placement sous administration temporaire, il est d’autant plus difficile de comprendre en quoi aurait pu consister un tel risque, que, selon les éléments du dossier, la BCE elle-même a rendu publics l’existence et une partie du contenu de la décision de placement sous administration temporaire, à travers son communiqué de presse du 2 janvier 2019 (voir point 6 ci-dessus).

86      En particulier, dans ce communiqué de presse, la BCE a rendu publics la nature de la mesure d’administration temporaire prise à l’encontre de Banca Carige, y compris le nom de cette dernière, qui n’est pas occulté, le nom des trois administrateurs temporaires nommés par la BCE, tout comme celui des trois membres du conseil de surveillance de Banca Carige également nommés par la BCE, ainsi que des précisions sur l’objectif et le contenu de la mission assignée à ces trois administrateurs temporaires. Le communiqué précise aussi le contexte dans lequel la décision de placement sous administration temporaire a été prise, à savoir à la suite de la démission de la majorité du conseil d’administration de Banca Carige, ainsi que les conséquences de cette décision, à savoir la suppression des organes de gestion et de contrôle de Banca Carige.

87      Dans ce contexte, les éléments figurant dans la décision attaquée, mentionnés au point 79 ci-dessus n’étaient pas suffisants pour mettre la requérante en mesure de comprendre en quoi l’accès à la décision de placement sous administration temporaire et aux autres documents aurait pu nuire à Banca Carige et le Tribunal est dans l’incapacité d’exercer son contrôle sur cette question.

–       Sur le risque allégué d’atteinte au système bancaire en général

88      Par ailleurs, la BCE soutient, dans la décision attaquée, que la divulgation d’informations confidentielles issues de la surveillance prudentielle pourrait nuire au système bancaire en général. Elle se contente d’indiquer à cet égard que les banques ne pourraient plus se fier à ce que les informations qu’elles lui ont fournies dans le cadre de la surveillance prudentielle conservent leur caractère confidentiel.

89      Or, il ressort de la décision attaquée que ce même motif est invoqué pour justifier, à la fois, l’existence d’un risque d’atteinte au système bancaire en général, au sens du second critère énoncé par l’arrêt Baumeister, mais aussi l’application de la présomption générale de confidentialité couvrant la décision de placement sous administration temporaire et les autres documents et, ainsi, échapper à l’obligation de procéder à une analyse concrète du caractère confidentiel de ladite décision.

90      En outre, aucune précision n’est apportée s’agissant du risque spécifique allégué d’atteinte au système bancaire qui aurait résulté de la divulgation de la décision de placement sous administration temporaire et des autres documents. Là encore, le silence de la décision attaquée est problématique au regard notamment des informations sur la décision de placement sous administration temporaire déjà rendues publiques, par la BCE elle-même, dans son communiqué de presse du 2 janvier 2019 (voir point 6 ci-dessus)

91      Dans ce contexte, le motif de la décision attaquée rappelé au point 88 ci-dessus n’était pas suffisant pour mettre la requérante en mesure de comprendre en quoi l’accès à la décision de placement sous administration temporaire et aux autres documents aurait pu nuire au système bancaire en général et le Tribunal est dans l’incapacité d’exercer son contrôle sur cette question.

–       Sur le risque allégué d’atteinte à l’intérêt public lié au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle

92      Dans la décision attaquée, la BCE affirme encore que la divulgation de la décision de placement sous administration temporaire et des autres documents aurait pu nuire à l’intérêt public lié au bon fonctionnement du système de surveillance prudentielle. Toutefois, cette allégation n’est assortie d’aucune explication.

93      Or, il importe de relever que, là encore, le même motif est invoqué par la BCE pour justifier l’application de la présomption fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258. En effet, elle indique qu’une telle présomption répond à la nécessité d’assurer le bon fonctionnement de ses procédures de surveillance prudentielle en limitant l’intervention des tiers dans ces procédures et de réserver l’accès à ses dossiers de surveillance aux parties auxdites procédures.

94      Dans ce contexte, et en tenant compte, là aussi, des informations sur la décision de placement sous administration temporaire que la BCE avait déjà rendu publiques avant l’adoption de la décision attaquée (voir point 6 ci-dessus), le motif de la décision attaquée rappelé au point 92 ci-dessus n’était pas suffisant pour mettre la requérante en mesure de comprendre en quoi la divulgation de la décision de placement sous administration temporaire et des autres documents aurait pu emporter un risque spécifique pour le fonctionnement du système de surveillance prudentielle et le Tribunal est, quant à lui, empêché d’exercer son contrôle sur ce point.

95      Il résulte de ce qui précède que les motifs invoqués dans la décision attaquée à propos des risques allégués liés à la divulgation de la décision de placement sous administration temporaire et des autres documents sont formulés en des termes qui, étant trop généraux, ne satisfont pas aux exigences de la jurisprudence rappelée au point 79 ci-dessus.

96      Cette conclusion est confortée par le fait qu’il ressort des deux premières sections de la décision attaquée ce qui suit :

–        la BCE fait référence aux mêmes dispositions sur le secret professionnel lui interdisant la divulgation des informations confidentielles, à savoir l’article 27 du règlement 1024/2013 et l’article 53, paragraphe 1, de la directive 2013/36, d’une part, pour justifier l’existence de la présomption générale de confidentialité, fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la décision 2004/258, appliquée à la décision de placement sous administration temporaire et aux autres documents et, d’autre part, pour alléguer que ces documents revêtaient un caractère confidentiel au sens des deux critères énoncés dans l’arrêt Baumeister ;

–        le même motif tiré, en substance, de la nécessité de renforcer la protection des informations confidentielles que les établissements de crédit surveillés par la BCE sont tenus de lui communiquer est invoqué pour justifier, à la fois, l’existence d’un risque d’atteinte au système bancaire en général, au sens du second critère énoncé par l’arrêt Baumeister, et l’application à la décision de placement sous administration temporaire et aux autres documents de la présomption susvisée (voir point 89 ci-dessus).

97      Dans ce contexte, la décision attaquée doit être interprétée comme étant essentiellement fondée sur l’application de la présomption générale de confidentialité susmentionnée, développée dans la première section de cette décision, les développements figurant dans la deuxième section de ladite décision ne visant qu’à conforter cette présomption.

–       Sur les motifs invoqués par la BCE, postérieurement à la décision attaquée, en ce qui concerne le refus d’accès à la décision de placement sous administration temporaire

98      Dans son opposition et lors de l’audience, la BCE a fourni des explications complémentaires, de façon spécifique, sur son refus de donner accès à la décision de placement sous administration temporaire, en invoquant les spéculations qui auraient pu avoir cours, en cas de divulgation de ladite décision, du fait des éléments suivants :

–        la nature extrêmement sensible des informations et des intérêts en jeu ainsi que des objectifs poursuivis par la BCE dans le contexte des mesures d’intervention précoce, ces mesures visant à prévenir ou à atténuer des risques très graves de nouvelle dégradation de la situation de l’établissement de crédit concerné ;

–        la décision de placement sous administration temporaire a été adoptée à un moment où les marchés financiers portaient une attention particulière aux difficultés que traversait Banca Carige et doutaient de la capacité de cette dernière à poursuivre ses opérations en respectant les règles prudentielles applicables ; à cette période, la situation de Banca Carige restait extrêmement fragile, les mesures de placement sous administration temporaire de cette banque étaient donc encore en vigueur et il n’était pas évident que ces mesures seraient couronnées de succès ;

–        la décision de placement sous administration temporaire décrivait de manière détaillée l’analyse de la BCE ; elle contenait des appréciations négatives de la BCE sur la situation financière de Banca Carige, notamment concernant son plan de conservation du capital, la faiblesse de sa gouvernance, sa situation dégradée concernant ses liquidités et ses fonds propres ; la divulgation de ces éléments aurait pu donner une image globale de Banca Carige susceptible d’entraîner des spéculations du marché quant au caractère réaliste et efficace des mesures que la banque devait prendre pour faire face à la situation difficile dans laquelle elle se trouvait en janvier 2019, ce qui risquait de mettre en péril la réussite de ces mesures et de conduire à une aggravation de la situation de ladite banque.

99      Toutefois, la motivation doit en principe être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant pas être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union [arrêts du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, EU:C:1981:284, point 22 ; du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 463, et du 26 avril 2016, Strack/Commission, T‑221/08, EU:T:2016:242, point 101 (non publié)].

100    Or, aucun des motifs susvisés avancés par la BCE n’a été invoqué dans la décision attaquée. Les motifs figurant dans cette décision sont formulés d’une manière trop générique pour pouvoir être valablement complétés en cours d’instance. Ils n’expliquent pas de manière suffisamment concrète et précise comment l’accès aux documents demandés pourrait porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts protégés (voir arrêt du 29 novembre 2012, Thesing et Bloomberg Finance/BCE, T‑590/10, non publié, EU:T:2012:635, point 42 et jurisprudence citée, et Aeris Invest, point 181).

101    En outre, s’agissant des motifs rappelés dans les deux premiers tirets du point 98 ci-dessus, il s’agit d’arguments trop généraux pour comprendre les risques allégués d’une divulgation.

102    Quant aux arguments de la BCE rappelés dans le troisième tiret du point 98 ci-dessus, ils apportent, certes, des explications sur le type d’informations dont la divulgation aurait pu, selon elle, être problématique et en quoi il était utile d’en maintenir la confidentialité. Toutefois, ces informations concernaient une banque cotée en bourse qui était, de ce fait, astreinte à des obligations de publicité concernant sa situation sur le marché.

103    Dans ce contexte, la BCE devait, à tout le moins, vérifier que les informations qu’elle ne voulait pas révéler, à travers la divulgation de la décision de placement sous administration temporaire, n’avaient pas déjà été valablement rendues publiques, notamment par Banca Carige.

–       Conclusion sur la première branche

104    De ce qui précède, il doit être conclu que, aucune présomption générale de confidentialité fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous c) de la décision 2004/258 n’étant applicable, la décision attaquée ne comporte pas les éléments permettant d’établir la nature des risques qui auraient été induits par une divulgation de la décision de placement sous administration temporaire et des autres documents.

105    Il convient dès lors d’accueillir la première branche.

 Sur la seconde branche, concernant l’article 4, paragraphe 2, premier tiret de la décision 2004/258, invoqué pour les autres documents

106    Dans la décision attaquée, la BCE a également motivé le refus de communiquer les autres documents en se fondant sur l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258, aux termes duquel une communication peut être refusée en cas d’atteinte à des intérêts commerciaux, sauf si un intérêt public supérieur justifie la divulgation.

107    Ce motif de la décision attaquée est mis en cause par la requérante dans la seconde branche, pour la raison qu’aucune explication concrète n’a été fournie, à proprement parler, dans cette décision, au titre de la disposition ainsi invoquée, contrairement aux exigences découlant de la jurisprudence pertinente.

108    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la disposition ainsi invoquée, « [l]a BCE refuse l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle, […] à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ».

109    Selon la jurisprudence relative à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), rédigé en des termes identiques à ceux de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258, toute information relative à une société et à ses relations d’affaires ne saurait être considérée comme relevant de la protection qui doit être garantie aux intérêts commerciaux, sauf à tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (voir arrêt du 26 janvier 2022, Kedrion/EMA, T‑570/20, non publié, EU:T:2022:20, point 84 et jurisprudence citée).

110    Pour pouvoir invoquer valablement cette disposition, la BCE doit démontrer que les documents demandés contiennent des éléments susceptibles, du fait de leur divulgation, de porter atteinte aux intérêts commerciaux d’une personne morale. Tel est le cas lorsque, notamment, ces documents contiennent des informations commerciales sensibles relatives, en particulier, aux stratégies commerciales des entreprises concernées ou à leurs relations commerciales ou lorsque ceux-ci contiennent des données propres à l’entreprise qui mettent en avant son expertise (voir, par analogie, arrêt du 13 janvier 2017, Deza/ECHA, T‑189/14, EU:T:2017:4, point 56 et jurisprudence citée).

111    Dans la décision attaquée, la BCE a justifié comme suit le refus de communiquer les documents demandés : 

« L’accès aux documents obtenus ou préparés par la BCE dans le cadre des activités de surveillance en cours pourrait compromettre les intérêts commerciaux de l’entité surveillée. Dans le cas présent, les documents identifiés […] contiennent des informations sur les activités de surveillance en cours qui ne sont pas connues du public, et qui pourraient donc être utilisées par d’autres parties au détriment des intérêts commerciaux de Banca Carige. En tant que telles, les informations incluses dans les documents identifiés constituent un élément essentiel de la position commerciale actuelle de Banca Carige ».

112    À cet égard, il convient de relever que, lorsqu’elle est invoquée au titre du risque qui pourrait résulter d’une communication pour les intérêts commerciaux de Banca Carige, une telle justification ne saurait être tenue pour suffisamment étayée au regard de la jurisprudence exposée au point 110 ci-dessus. En effet, la mention selon laquelle les informations contenues dans les documents en cause, d’une part, « pourraient être utilisées par d’autres parties au détriment des intérêts commerciaux de Banca Carige » et, d’autre part, constituent « un élément essentiel de la position commerciale actuelle de Banca Carige » n’est accompagnée d’aucune explication. L’allusion au fait que les documents en cause ont été obtenus ou préparés par la BCE dans le cadre de la surveillance continue de la banque ne suffit pas. Il n’est pas indiqué, même par une forme de description générale, quel type d’informations sont visées.

113    En outre, il n’apparaît pas que la BCE a apprécié concrètement et effectivement la confidentialité de chacun des documents concernés. Or, selon une jurisprudence constante, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière. Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié si l’accès au document était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé. En outre, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit, pour pouvoir être invoqué, être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Par conséquent, l’examen auquel doit, en principe, procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et doit ressortir des motifs de la décision (voir arrêt du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 103 et jurisprudence citée).

114    Dans ces conditions, la motivation de la décision attaquée n’établit pas en quoi la divulgation des autres documents pourrait porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts commerciaux de Banca Carige.

115    Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision 2004/258, l’exception tirée de la protection des intérêts commerciaux doit être levée si cela est commandé par un intérêt supérieur justifiant la divulgation des documents.

116    À cet égard, il importe de rappeler que la réserve tirée de l’existence d’un intérêt supérieur s’applique seulement lorsqu’il a été démontré que le refus d’accès pouvait être justifié par la nécessité de protéger des intérêts commerciaux, les intérêts en présence devant alors être mis en balance pour déterminer si une divulgation, le cas échéant partielle, doit être envisagée. Or, la BCE n’a pas établi que les conditions étaient satisfaites pour que le refus d’accès soit considéré comme justifié, en l’espèce, par la protection des intérêts commerciaux de l’établissement. Il n’est donc pas nécessaire, en l’état, de poursuivre l’analyse afin de déterminer si, à supposer que leur existence soit établie, ces intérêts devraient être mis de côté au nom d’un intérêt supérieur.

117    En toute hypothèse, il convient de relever que les indications fournies par la BCE pour écarter l’application d’un éventuel intérêt supérieur se limitent à présenter les règles applicables sans expliquer de manière concrète en quoi la protection des intérêts commerciaux de l’établissement, à supposer qu’ils soient établis, devrait l’emporter sur l’intérêt supérieur invoqué par la requérante à assurer la transparence dans les relations entre la BCE et cet établissement.

118    En effet, la décision attaquée indique, seulement, à propos de cet intérêt supérieur, ce qui suit : 

« Cet intérêt doit être objectif et général et ne doit pas être indissociable des intérêts individuels ou privés, tels que ceux liés à l’exercice d’une action en justice, car ces intérêts individuels ou privés ne sont pas pertinents pour la mise en balance des intérêts prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, de la décision BCE/2004/3. En l’espèce, le principe de transparence n’est ni impérieux ni susceptible de prévaloir sur les raisons justifiant le refus de divulguer les documents demandés ».

119    Une telle présentation n’est pas suffisante au regard de la jurisprudence, indiquée aux points 110 et 113 ci-dessus, relative aux explications à fournir par les institutions de l’Union lorsque ces dernières refusent de donner accès à des documents qui leur sont demandés.

120    Il convient, dès lors, d’accueillir la seconde branche et, étant donnée la réponse fournie à l’examen portant sur la première branche, d’accueillir le troisième moyen dans son ensemble.

 Conclusion

121    Les premier et troisième moyens étant fondés, l’opposition à l’arrêt par défaut portant annulation de la décision attaquée est rejetée et, par voie de conséquence, l’annulation de ladite décision est confirmée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens.

 Sur les dépens

122    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La BCE ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’opposition à l’arrêt du 25 juin 2020, Malacalza Investimenti/BCE, T552/19, EU:T:2020:294, rendu par défaut, portant annulation de la décision de la BCE du 12 juin 2019 refusant l’accès à sa décision du 1er janvier 2019 plaçant Banca Carige SpA sous administration temporaire et à d’autres documents y afférents est rejetée et, par voie de conséquence, l’annulation de la décision de la BCE du 12 juin 2019 prononcée par l’arrêt par défaut est confirmée. 

2)      La BCE est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.