Language of document : ECLI:EU:T:2023:363

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

28 juin 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative CS jeans your best fashion partner – Absence d’usage sérieux de la marque – Nature de l’usage – Absence d’usage pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑645/22,

C. & S. Srl, établie à Umbertide (Italie), représentée par Me E. Montelione, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représentée par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Scuderia AlphaTauri SpA, établie à Faenza (Italie), représentée par Mes A. Renck et S. Petivlasova, avocats,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. F. Schalin, président, I. Nõmm (rapporteur) et D. Kukovec, juges,

greffier : M. V. Di Bucci, greffier,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, C. & S. Srl, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 4 août 2022 (affaire R 182/2022-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 20 septembre 2010, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relevaient de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

5        La demande a été enregistrée le 4 février 2011 et dûment renouvelée.

6        Le 3 décembre 2020, l’intervenante, Scuderia AlphaTauri S.p.A, a déposé une demande de déchéance relative à la marque contestée en s’appuyant sur le motif figurant à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

7        Le 2 décembre 2021, la division d’annulation a accueilli ladite demande et déclaré la déchéance de la marque contestée à compter du 3 décembre 2020.

8        Le 28 janvier 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision attaquée, la première chambre de recours a rejeté le recours au motif que, examinés dans leur ensemble, les éléments de preuve présentés par la requérante ne démontraient pas l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits couverts par celle-ci. Tout d’abord, elle a estimé que certains éléments de preuves (à savoir un rapport d’enregistrement de la requérante, les états financiers pour les exercices 2015 à 2019 et des présentations non datées de la requérante) ne faisaient absolument pas référence à la marque contestée.

10      Ensuite, elle a considéré que d’autres éléments de preuve (à savoir plusieurs factures portant une date comprise entre le 4 février 2015 et le 10 juillet 2020 ainsi qu’un calendrier de parrainage d’une équipe de football pour l’année 2015) n’établissaient pas l’usage du signe contesté pour les produits couverts par la marque contestée, dès lors que lesdits éléments de preuve ne semblaient pas se rapporter à la vente de vêtements, mais à la fourniture de services, à savoir la conception et la fabrication sur commande de vêtements.

11      Enfin, elle a estimé que des éléments de preuve présentés par la requérante (à savoir des photographies non datées de produits et des devantures de magasins) révélaient l’usage d’une marque sous une forme qui différait de la marque contestée par des éléments altérant le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      La requérante invoque en substance un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, au motif que la chambre de recours aurait effectué une appréciation erronée du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée. Dans le cadre d’un premier grief, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir considéré que l’usage de la marque contestée pour des services de fabrication des vêtements équivalait à l’usage de cette marque pour des vêtements couverts par la marque contestée. Dans le cadre du second grief, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que l’usage d’un élément de la marque contestée ne constituait pas un usage sérieux de celle-ci conformément à l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001.

16      L’EUIPO et l’intervenante contestent le bien-fondé de ce moyen.

17      Compte tenu de la date d’introduction de la demande de déchéance en cause, en l’occurrence le 3 décembre 2020, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement 2017/1001 (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 2, et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3).

18      Selon l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l’Union européenne est soumise aux sanctions prévues par ce règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

19      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, notamment sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage. Cette disposition précise, toutefois, que nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux.

20      Selon une jurisprudence constante, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 19 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43, et ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 27].

21      Par ailleurs, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28, et du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO – General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 35].

22      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante.

23      Il convient de relever, à titre liminaire, que la chambre de recours a considéré à bon droit, au point 18 de la décision attaquée, que la période pour laquelle la requérante devait démontrer l’usage sérieux de la marque contestée correspondait en l’espèce aux cinq années précédant l’introduction de la demande de déchéance, à savoir du 3 décembre 2015 au 2 décembre 2020 inclus.

24      Afin de prouver l’usage sérieux de la marque contestée, la requérante a notamment produit, au cours de la procédure administrative, les éléments de preuve suivants :

–        un rapport d’enregistrement de la société titulaire de la marque contestée ;

–        les états financiers de cette société pour les exercices 2015 à 2019 ;

–        plusieurs factures portant une date comprise entre le 4 février 2015 et le 10 juillet 2020 ;

–        des photographies non datées de produits et de devantures de magasins ;

–        le calendrier de l’équipe de football « Trestina » pour l’année 2015 ;

–        des présentations non datées de la société titulaire de la marque contestée, pour partie en italien et pour partie en anglais.

25      C’est au regard de ces éléments de preuve qu’il convient d’examiner les deux griefs soulevés par la requérante.

 Sur le premier grief, tiré d’une absence de prise en compte de l’usage de la marque contestée en ce qui concerne les services de fabrication de vêtements

26      Dans le cadre du premier grief, la requérante soutient, premièrement, que l’usage d’une marque pour les services de fabrication de vêtements équivaut à l’usage de cette marque pour des vêtements, deuxièmement, que l’EUIPO et l’intervenante admettent qu’elle est une entreprise manufacturière de vêtements et, troisièmement, que la marque contestée est utilisée pour les services de « fabrication de vêtements ». Elle estime ainsi que l’utilisation qu’elle a faite de la marque contestée pour lesdits services constitue également une utilisation de la marque pour les vêtements.

27      À cet égard, elle fait valoir, tout d’abord, que, dans le cadre de l’appréciation d’un risque de confusion, une marque désignant des « vêtements » bénéficierait d’une protection même contre un signe identique ou similaire utilisé comme marque désignant des services de fabrication de vêtements. Ensuite, et en ce sens, elle affirme que, selon la jurisprudence, les services de vente au détail concernant la vente de produits spécifiques présentent un degré moyen de similitude avec ces produits spécifiques. Enfin, et à cet égard, elle se prévaut du lien de complémentarité existant entre l’utilisation de la marque contestée pour des vêtements, d’une part, et le service de fabrication de vêtements pour des tiers, d’autre part.

28      De manière incidente, la requérante semble également soutenir que la marque contestée a été utilisée pour les produits enregistrés en faisant valoir que celle-ci figure sur des factures portant une date comprise entre le 4 février 2015 et le 10 juillet 2020 et sur un calendrier dans le cadre du parrainage d’une équipe de football.

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

30      Aux points 22 à 24 et de la décision attaquée, la chambre de recours a souligné que le calendrier ne contenait aucune information sur les produits proposés sous la marque contestée et que les factures portant une date comprise entre le 4 février 2015 et le 10 juillet 2020, présentées par la requérante, ne se rapportaient pas à la vente de produits désignés par la marque contestée, mais à la fourniture de services, à savoir la conception et la fabrication sur commande de vêtements sous la licence de marque d’un tiers. Elle a ainsi considéré que le calendrier et les factures ne constituaient pas des éléments de preuve concrets et objectifs de l’usage de la marque contestée en relation avec les produits désignés par celle-ci. Partant, elle a, en substance, considéré que l’usage d’une marque pour le service de fabrication de vêtements ne peut équivaloir à l’usage de la même marque pour des vêtements.

31      Ce faisant, la chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation.

32      En premier lieu, il convient de souligner que la requérante ne présente aucun argument visant à remettre en cause le fait que les éléments de preuves de l’usage sérieux de la marque contestée ne concernent pas les produits pour lesquels elle a été enregistrée, notamment les vêtements.

33      À cet égard, premièrement, la requérante se limite à se prévaloir de la présence de la marque contestée sur des factures et sur un calendrier dans le cadre du parrainage d’une équipe de football. Elle ne présente aucun argument visant à remettre en cause la considération de la chambre de recours énoncée aux points 21 et 22 de la décision attaquée, selon laquelle ni les factures ni le calendrier ne montrent un lien suffisant entre la marque contestée et les produits enregistrés. Or, d’une part, force est de constater que le calendrier ne contient aucune information sur les produits qui ont été proposés sous la marque contestée. D’autre part, il y a lieu de relever que les factures ne peuvent pas être recoupées avec les photographies des produits présentées par la requérante, dès lors que celles-ci ne contiennent aucun code de produit ni aucun autre identifiant qui permettrait d’établir avec la certitude requise que les produits montrés sur les photos sont effectivement les produits énumérés dans les factures.

34      Deuxièmement, il convient de souligner que la requérante admet elle-même dans ses écritures qu’elle est une entreprise manufacturière dont l’unique activité consiste en la fabrication de vêtements.

35      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve présentés par la requérante ne se rapporteraient pas à la vente de produits désignés par la marque contestée.

36      En second lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, l’usage de la marque contestée pour les services de fabrication de vêtements ne saurait être considéré comme un usage sérieux de la marque en question pour les vêtements.

37      En effet, premièrement, il ressort de l’article 18, paragraphe 1, et de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, mentionnés aux points 18 et 19 ci-dessus, que l’exigence d’un usage sérieux de la marque de l’Union européenne contestée doit concerner les produits ou les services « pour lesquels elle est enregistrée ». Ces dispositions ne prévoient pas que l’usage d’une marque pour des produits ou des services similaires à ceux pour lesquels elle est enregistrée pourrait être considéré comme un usage sérieux de la marque en question.

38      À cet égard, deuxièmement, dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans l’examen de la question de savoir si un usage sérieux a été établi pour les produits ou les services pour lesquels la marque contestée a été enregistrée [voir, par analogie, arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 29]. Cela se déduit, en effet, de ce que, selon la jurisprudence, l’usage sérieux doit être conforme à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine d’un produit ou d’un service, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 36). L’importance du critère de finalité est également conforme à la jurisprudence selon laquelle l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir, notamment, la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme étant justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits et des services visés par la marque [arrêt du 1er septembre 2021, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO – Vieta Audio (Vita), T‑561/20, non publié, EU:T:2021:524, point 59].

39      En l’espèce, il ne saurait être contesté que les besoins spécifiques des consommateurs des produits couverts par la marque contestée ne sont pas les mêmes que ceux des utilisateurs du service de fabrication de vêtements.

40      Troisièmement, le Tribunal a rappelé la nécessité que la marque contestée soit utilisée sur les éléments de preuve sur lesquels elle figure, de façon à établir un lien entre elle et les produits concernés. À cet égard, il a déjà considéré, dans certaines affaires, que des preuves présentées ne contenaient aucune indication de l’existence d’une marque maison pour les produits en question, mais que l’usage de la marque contestée ressortant desdites preuves visait la dénomination sociale, le nom commercial ou l’enseigne de la titulaire de la marque contestée, permettant au consommateur d’identifier le magasin de détail dans lequel il pouvait acheter les produits, mais n’avait pas pour finalité de distinguer les produits de ladite titulaire des produits similaires de tiers [voir, en ce sens, arrêts du 13 mai 2009, Schuhpark Fascies/OHMI – Leder & Schuh (jello SCHUHPARK), T‑183/08, non publié, EU:T:2009:156, points 31 et 32, et du 17 septembre 2019, Rose Gesellschaft/EUIPO – Iviton (TON JONES), T‑633/18, non publié, EU:T:2019:608, point 65].

41      Dans le même sens, le Tribunal a estimé que, compte tenu du fait que, à la lecture de factures présentées devant lui, aucune d’entre elles ne faisait mention de produits couverts par la marque contestée, ces factures ne pouvaient, en elles-mêmes, prouver que la titulaire de la marque en cause vendait effectivement des produits de cette marque et donc démontrer l’usage sérieux de celle-ci, même si le signe contesté apparaissait dans l’en-tête de ces factures [voir, en ce sens, arrêts du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié, EU:T:2011:9, point 48, et du 29 septembre 2011, New Yorker SHK Jeans/OHMI – Vallis K.-Vallis A. (FISHBONE), T‑415/09, non publié, EU:T:2011:550, point 66].

42      En l’espèce, il convient de souligner que les preuves présentées ne contenaient aucune indication de l’existence d’une marque maison de la requérante pour les vêtements. En effet, l’usage de la marque contestée ressortant desdites preuves visait plutôt ladite marque en tant qu’elle identifiait le service de fabrication des vêtements pour les tiers et n’avait pas pour finalité de distinguer des vêtements vendus par la requérante des produits similaires de tiers. Partant, l’usage de la marque contestée ressortant des preuves présentées par la requérante ne visait qu’à identifier l’activité de celle-ci en tant qu’entreprise manufacturière de vêtements.

43      Dans ce contexte, et quatrièmement, il y a lieu d’interpréter la liste des produits et des services pour lesquels une marque antérieure est enregistrée et dont la preuve de l’usage sérieux a été demandée, afin de déterminer l’étendue de la protection de ladite marque et de régler la question de son usage sérieux, de la manière la plus cohérente qui soit, compte tenu de sa signification littérale et de sa construction grammaticale, mais également, en cas de risque de résultat absurde, de son contexte et de la volonté effective du titulaire de cette marque quant à sa portée [voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2019, Alliance Pharmaceuticals/EUIPO – AxiCorp (AXICORP ALLIANCE) T‑279/18, EU:T:2019:752, point 50].

44      Par ailleurs, s’il est vrai, comme le fait observer la requérante, que la classification de Nice n’a qu’un caractère administratif, il y a toutefois lieu d’y recourir pour déterminer, si besoin est, la portée, voire la signification des produits et des services pour lesquels une marque a été enregistrée [arrêt du 10 septembre 2014, DTM Ricambi/OHMI – STAR (STAR), T‑199/13, non publié, EU:T:2014:761, point 35].

45      En l’espèce, compte tenu de la signification littérale claire de la liste des produits relevant de la classe 25, à savoir les « vêtements, chaussures et chapellerie », la considération selon laquelle les vêtements, d’une part, et le service de fabrication de vêtements, d’autre part, peuvent être distingués les uns des autres et ne sauraient être confondus dans le cadre de la démonstration de l’usage sérieux de la marque contestée procède d’une interprétation parfaitement cohérente au sens de la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus.

46      Partant, la requérante ne peut valablement se prévaloir d’éléments de preuve visant à attester de l’usage sérieux de la marque contestée pour le service de fabrication de vêtements afin de démontrer l’usage sérieux de la marque contestée pour les vêtements.

47      Cinquièmement, la requérante, en s’appuyant sur les directives de l’EUIPO, fait valoir qu’une marque désignant des « vêtements » bénéficierait d’une protection même contre un signe identique ou similaire utilisé comme marque désignant des services de fabrication de vêtements et que les services de vente au détail concernant la vente de produits spécifiques présenteraient un degré moyen de similitude avec ces produits spécifiques.

48      Les arguments de la requérante ne sauraient prospérer.

49      Tout d’abord, comme cela a été relevé au point 37 ci-dessus, la démonstration d’un usage sérieux de la marque de l’Union européenne contestée doit concerner nécessairement les produits ou les services « pour lesquels elle est enregistrée », l’étendue de la protection de la marque en question étant limitée auxdits produits ou services qu’elle couvre.

50      Ensuite, les critères appliqués dans le cadre de l’examen du risque de confusion de marques en conflit pour apprécier la similitude des produits couverts par la marque contestée et du service de fabrication de vêtements ne sont pas pertinents en l’espèce pour déterminer l’usage sérieux de ladite marque.

51      En effet, la situation de l’espèce n’est pas comparable à celle ayant donné lieu à la jurisprudence selon laquelle la définition d’une sous-catégorie autonome de produits ou de services doit reposer sur les mêmes critères, que ce soit dans le cadre d’une demande de limitation de la liste des produits ou des services visés par la demande d’enregistrement ou d’une opposition, de manière à pouvoir procéder à la comparaison des produits ou des services en cause, définis sur la base des mêmes critères, dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion (arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, point 41).

52      Enfin, ainsi qu’il ressort du point 40 ci-dessus, le Tribunal a déjà considéré que, pour la démonstration de l’usage sérieux d’une marque, le nom commercial ou l’enseigne de la titulaire de la marque en cause, permettant au consommateur d’identifier un magasin de détail dans lequel il peut acheter les produits, n’a pas, en principe, pour finalité de distinguer les produits de ladite titulaire des produits similaires de tiers.

53      Partant, il convient de rejeter le premier grief.

 Sur le second grief, tiré d’erreur dans l’appréciation d’éléments de preuve contenant un élément de la marque contestée 

54      Dans le cadre du second grief, la requérante soutient que, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, elle a fait un usage de la marque contestée sous une forme qui différait par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée. En effet, elle fait observer que la marque a été utilisée pour les produits pour lesquels elle a été enregistrée, sous la forme suivante :

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55      Elle estime qu’il ne s’agit pas d’une utilisation sous une forme qui altérerait le caractère distinctif de la marque contestée.

56      L’EUIPO et l’intervenante réfutent ces arguments.

57      Il y a lieu de rappeler que l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 vise l’hypothèse où la marque qui est en cause, qu’elle soit nationale ou de l’Union européenne, est utilisée dans le commerce sous une forme légèrement différente par rapport à la forme sous laquelle l’enregistrement a été effectué. L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle elle a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe, concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée, constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque la forme du signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susmentionnée prévoit que l’obligation d’usage de la marque en cause peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [arrêts du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 27, et du 8 juillet 2020, GNC LIVE WELL, T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 53].

58      Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés ou supprimés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [voir ordonnance du 10 mai 2016, Volkswagen/EUIPO – Andrã (BAG PAX), T‑324/15, non publiée, EU:T:2016:326, point 14 et jurisprudence citée].

59      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’il est pertinent d’examiner si les différences existant entre la marque utilisée et la marque telle qu’enregistrée sont de nature ou non à modifier l’impression d’ensemble produite par cette dernière marque [voir, en ce sens, arrêts du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229, point 42, et du 10 décembre 2015, Sony Computer Entertainment Europe/OHMI – Marpefa (Vieta), T‑690/14, non publié, EU:T:2015:950, point 53].

60      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante relatifs à l’usage et à la forme de la marque contestée.

61      Aux points 25 à 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, d’une part, que les éléments distinctifs de la marque contestée se composaient du groupe de lettres hautement stylisées « cs » et du mot stylisé « jeans » et, d’autre part, que l’élément verbal « your best fashion partner » était dépourvu de caractère distinctif, dès lors que le public pertinent le percevrait comme un slogan laudatif. Elle a estimé que l’élément verbal « jeans » n’était pas purement descriptif, mais qu’il possédait un faible degré de caractère distinctif au motif, d’une part, que la lettre « j » se distinguait du groupe de lettres « eans » en raison de sa plus grande taille et de ses éléments graphiques sous la forme de points et d’un bouton et, d’autre part, que le mot « jeans » était stylisé. Elle a également estimé que l’omission du mot « jeans » altérait le caractère distinctif de la marque contestée pour les motifs suivants. Premièrement, en raison de sa stylisation, l’élément verbal « jeans » possèderait un faible degré de caractère distinctif et ne saurait être considéré comme simplement descriptif. Deuxièmement, cet élément verbal interférerait avec les autres éléments de la marque contestée, en particulier l’élément figuratif représentant le groupe de lettres majuscules « CS ». En effet, la lettre majuscule « J » aurait la même taille que les lettres de l’élément figuratif en majuscules « CS » et cette configuration créerait un lien visuel entre ledit élément figuratif et le groupe de lettres « eans ». Troisièmement, le mot stylisé « jeans » occuperait une position codominante avec l’élément figuratif représentant le groupe de lettres majuscules « CS » et se distinguerait visuellement, en raison de sa taille et de sa position, dans l’impression d’ensemble produite par la marque contestée.

62      Ces considérations doivent être confirmées.

63      En effet, le raisonnement de la requérante repose sur la considération erronée selon laquelle le signe figuratif représentant le groupe de lettres majuscules « CS » constituerait le seul élément distinctif de la marque contestée et l’élément verbal « jeans » et l’expression « your best fashion partner » ne revêtiraient pas le moindre caractère distinctif.

64      Or, ainsi que le souligne à juste titre la chambre de recours, l’élément verbal « jeans » présente un faible degré de caractère distinctif et n’est donc pas simplement descriptif.

65      En effet, en raison de la stylisation et de la grandeur de la lettre majuscule « J », du lien que cette lettre opère entre l’élément figuratif représentant le groupe de lettres majuscules « CS », d’une part, et le groupe de lettres « eans », d’autre part, de la grandeur de ces dernières lettres et du fait que la lettre minuscule « s » de l’élément verbal « jeans » est très similaire à la lettre majuscule « S » de l’élément figuratif et qu’elle rappelle donc celle-ci, il y a lieu de considérer que l’élément verbal « jeans » présente un caractère distinctif faible et qu’il ne saurait donc être ignoré.

66      Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, l’élément figuratif représentant le groupe de lettres majuscules « CS » ne peut pas influer de façon considérable sur l’impression globale produite par le signe dans l’esprit du public pertinent au point qu’il soit considéré que l’élément verbal « jeans » soit négligeable dans ladite impression d’ensemble produite par la marque contestée.

67      Il s’ensuit que l’omission de l’élément faiblement distinctif « jeans » suffit à altérer le caractère distinctif de la marque contestée [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Fashioneast et AM.VI./EUIPO – Moschillo (RICH JOHN RICHMOND), T‑297/20, non publié, EU:T:2021:432, points 43 à 45].

68      Par ailleurs, et comme le souligne en substance l’intervenante, il ne ressort pas du dossier que le consommateur percevrait l’élément figuratif représentant le groupe de lettres majuscules « CS » comme la partie dominante de la marque contestée et que l’élément « jeans » serait négligeable.

69      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second grief et, partant, d’écarter le moyen unique invoqué par la requérante ainsi que de rejeter le recours.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      C. & S. Srl est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Scuderia AlphaTauri SpA.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Schalin

Nõmm

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 juin 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.