Language of document : ECLI:EU:T:2019:642

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

20 septembre 2019 (*) (1)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative Idealogistic Compass Greatest care in getting it there – Marque internationale figurative antérieure IDÉA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑716/18,

The Logistical Approach BV, établie à Uden (Pays-Bas), représentée par Mes R. Milchior et S. Charbonnel, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Idea Groupe, établie à Montoir de Bretagne (France), représentée par Me P. Langlais et C. Guyot, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 21 septembre 2018 (affaire R 2062/2017‑4), relative à une procédure d’opposition entre Idea Groupe et The Logistical Approach,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. I. Ulloa Rubio, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 décembre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 22 février 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 20 février 2019,

vu la question écrite du Tribunal aux parties,

à la suite de l’audience du 15 mai 2019,

rend le présent

Arrêt 

 Antécédents du litige

1        Le 17 septembre 2015, la requérante, The Logistical Approach BV, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Transports sécurisés ; transbordement de marchandises palettisées, y compris multimédia ; services de groupage pour des marchandises palettisées et non palettisées, soit dans le cadre de services dédiés, soit dans le cadre de services globalisés ; service de livraison express pour des destinations spécifiques ; services de transport de marchandises de taille spéciale et non en vrac (par exemple machine ou équipement) ; organisation d’envoi pour le retour de marchandises ; conseils dans le domaine de la logistique en matière de transport ; tous les services précités sont effectués vers des destinations spécialisées : Irlande, Grande-Bretagne, Benelux, Allemagne, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 200/2015, du 22 octobre 2015.

5        Le 15 janvier 2016, l’intervenante, Idea Groupe, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était notamment fondée sur l’enregistrement international antérieur désignant l’Union européenne de la marque figurative reproduite ci-après, enregistré le 11 septembre 2012 sous le numéro 1134009, désignant les services relevant des classes 35, 39, 40 et 42 et correspondant, pour les services relevant de la classe 39, à la description suivante : « Transport ; emballage, stockage et entreposage de marchandises ; déchargement de marchandises de wagons, avions, navires et camions ; informations en matière de transport et en matière d’emballage et d’entreposage de marchandises ; remorquage ; location de véhicules ; entreposage de supports de données ou de documents stockés électroniquement ; logistique industrielle et portuaire, pilotage de flux, manutention et commission de transport pour les marchandises ; affrètement de véhicules, navires et avions ; services de transit ; acheminement routier et ferroviaire de marchandises ; approvisionnement des lignes d’assemblage et manutention d’éléments aéronautiques » ;

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était notamment celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Le 14 juillet 2017, la division d’opposition a fait droit à l’opposition.

9        Le 22 septembre 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 21 septembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En particulier, la chambre de recours a estimé que les services en cause étaient identiques et ciblaient le grand public et le public professionnel. De même, elle a considéré que les signes en cause présentaient un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel dans la mesure où ils coïncidaient au regard de l’élément le plus distinctif de la marque antérieure, à savoir l’élément « idea », reproduit à l’identique dans l’un des éléments dominants de la marque demandée, à savoir l’élément « idealogistic ». Elle a également considéré que le risque de confusion existait tant pour les services adressés au grand public que pour ceux qui ciblaient un public professionnel ayant un niveau d’attention élevé.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle conteste les appréciations de la chambre de recours relatives au public pertinent, à la comparaison des services, à la comparaison des signes et à l’existence d’un risque de confusion.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), iv), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

15      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

16      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

17      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent recours.

 Sur le public pertinent

18      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

19      En l’espèce, et dans la mesure où la marque antérieure est un enregistrement international désignant l’Union, la chambre de recours a concentré son analyse du risque de confusion sur la perception du public anglophone de l’Union. Elle a considéré que le public pertinent était composé tant de « consommateurs moyens » que de spécialistes professionnels et que le grand public faisait généralement preuve d’un niveau d’attention moyen tandis que le public professionnel était susceptible de faire preuve d’un niveau d’attention élevé.

20      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que le public pertinent était « mixte », composé tant du grand public que de professionnels, et de n’avoir pas défini le public pertinent pour chacun des services, en se limitant à donner quelques exemples. En particulier, s’agissant des services couverts par la marque demandée, elle fait valoir que les services « transbordement de marchandises palettisées, y compris multimédia ; services de groupage pour des marchandises palettisées et non palettisées, soit dans le cadre de services dédiés, soit dans le cadre de services globalisés ; services de transport de marchandises de taille spéciale et non en vrac (par exemple machine ou équipement) » s’adressent exclusivement au public professionnel, tandis que les services « transports sécurisés ; service de livraison express pour des destinations spécifiques ; organisation d’envoi pour le retour de marchandises et conseils dans le domaine de la logistique en matière de transport » concernent aussi bien le grand public que les professionnels.

21      Quant aux services couverts par la marque antérieure, les services « déchargement de marchandises de wagons, avions, navires et camions ; remorquage ; location de véhicules ; entreposage de supports de données ou de documents stockés électroniquement ; logistique industrielle et portuaire, pilotage de flux, manutention et commission de transport pour les marchandises ; affrètement de véhicules, navires et avions ; approvisionnement des lignes d’assemblage et manutention d’éléments aéronautiques » seraient destinés au seul public professionnel, tandis que les services « transport ; emballage, stockage et entreposage de marchandises ; informations en matière de transport et en matière d’emballage et d’entreposage de marchandises ; services de transit ; acheminement routier et ferroviaire de marchandises ; remorquage ; location de véhicules » s’adresseraient tant aux professionnels qu’au grand public.

22      L’EUIPO fait valoir que l’argument de la requérante est inopérant dans la mesure où la chambre de recours a considéré l’existence d’un risque de confusion tant pour les services destinés au grand public que pour les services destinés au public professionnel manifestant un niveau d’attention élevé. Cette approche est également soutenue par l’intervenante.

23      À cet égard, il convient de rappeler que la perception des marques qu’a le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion (voir arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 59 et jurisprudence citée).

24      De même, conformément à la jurisprudence citée au point 18 ci‑dessus, le niveau d’attention du public pertinent est susceptible de varier en fonction des produits ou des services en cause. Ce niveau d’attention influence notamment la perception des signes.

25      Il en découle que la définition du public pertinent et de son niveau d’attention pour chaque service ou chaque catégorie de services revêt une importance significative lors de l’appréciation du risque de confusion.

26      Or, comme le fait valoir la requérante, en l’espèce, la chambre de recours a considéré que les services en cause s’adressaient au grand public et aux spécialistes, en se limitant à donner des exemples de services destinés au grand public, à savoir les « services de livraison express pour des destinations spécifiques » ou l’« organisation d’envoi pour le retour des marchandises ». Ce faisant, elle a défini le public pertinent pour les services en cause de manière globale. Elle n’a toutefois pas identifié quels étaient les services qui s’adressaient uniquement aux professionnels manifestant un niveau d’attention élevé et quels services étaient destinés à la fois aux professionnels et au grand public, ce dernier faisant preuve d’un niveau d’attention moyen.

27      Certes, dans la mesure où, ainsi que le soutient l’EUIPO, la chambre de recours a considéré, aux points 56 et 57 de la décision attaquée, que le risque de confusion existait tant pour les services s’adressant à la fois aux professionnels et au grand public que pour ceux s’adressant uniquement aux professionnels, il lui était possible, pour des raisons d’économie de procédure, de ne pas identifier le consommateur moyen pour chaque service en cause.

28      Toutefois, cette approche n’est compatible avec les principes qui ressortent notamment de la jurisprudence citée aux points 18 et 23 ci-dessus que dans l’hypothèse où la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle le risque de confusion existe à la fois pour les services s’adressant à un public composé tant du grand public, manifestant un niveau d’attention moyen, que du public professionnel, manifestant un niveau d’attention élevé, et pour les services s’adressant uniquement au public professionnel, est exempte d’erreur.

29      En revanche, dans l’hypothèse où la conclusion de chambre de recours visée au point 28 ci-dessus serait erronée, en ce que le risque de confusion n’existerait que pour l’un des publics concernés, il conviendrait d’accueillir le présent grief de la requérante et d’annuler la décision attaquée sur ce fondement. La pertinence du présent grief dépend donc du bien-fondé de la conclusion de la chambre de recours exprimée aux points 56 et 57 de la décision attaquée, lequel sera examiné ci‑après.

 Sur la comparaison des services

30      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 25 à 32 de la décision attaquée, que les services en cause étaient identiques. La requérante conteste ces affirmations. Cependant, à ce stade, pour des raisons d’économie de procédure, il y a lieu de partir de l’hypothèse que les services couverts par les marques en conflit sont identiques. C’est dans le cadre de l’appréciation de l’existence du risque de confusion qu’il conviendra de vérifier si, en partant de cette prémisse, la conclusion de la chambre de recours quant à l’existence de ce risque est valide (voir points 65 à 70 ci-après).

 Sur la comparaison des signes

31      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

32      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

33      En l’espèce, ainsi que l’a relevé, à bon droit, la chambre de recours, la marque antérieure est un signe figuratif, constitué du terme « idea » avec une ligne horizontale sur la lettre « e », écrit en blanc, en lettres majuscules et dans une police de caractères standardisée, qui se trouve souligné par une fine ligne et apposé sur un carré noir.

34      Quant au signe constituant la marque demandée, ainsi que l’a décrit la chambre de recours, il consiste en un élément figuratif, évoquant une fleur géométrique ou une rosace, colorée en dégradé de bleus, suivi des termes « idealogistic » et « compass », écrits dans une police de caractères standardisée italique blanche, et, sous ces termes, de l’élément verbal de très petite taille « greatest care in getting it there », le tout apposé sur un rectangle noir.

 Sur les éléments dominants de la marque demandée

35      S’agissant de la marque demandée, la chambre de recours a estimé que l’élément verbal « idealogistic compass » et l’élément figuratif dominaient l’impression d’ensemble. Selon elle, le public anglophone percevra l’élément « idealogistic » comme une combinaison des termes « idea » et « logistic », dont le dernier est descriptif des services en cause. Quant à l’élément figuratif, elle a considéré qu’il s’agissait d’un élément purement décoratif présentant un caractère distinctif faible. Enfin, s’agissant de l’élément « compass », signifiant « boussole », elle a considéré qu’il serait perçu par le public pertinent comme ayant un certain lien évocateur avec les services de transport.

36      La requérante estime que l’appréciation de l’élément dominant de la marque demandée par la chambre de recours est erronée dans la mesure où elle n’aurait pas retenu le terme « logistic » en raison de son caractère descriptif. Or, l’éventuel caractère descriptif de cet élément n’empêcherait pas qu’il puisse occuper une position dominante dans la marque. Elle critique également le fait que la chambre de recours est partie du postulat que l’élément figuratif a un caractère distinctif faible et qu’il est purement décoratif. De même, la requérante lui reproche d’avoir omis de prendre en considération l’élément « compass ».

37      Force est de constater que les allégations de la requérante sont manifestement infondées. En effet, ainsi qu’il ressort du point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a précisément reconnu que l’élément verbal « idealogistic compass » et l’élément décoratif dominaient l’impression d’ensemble du signe contesté. Certes, elle a ensuite considéré que l’élément « logistic », que le public anglophone serait en mesure de reconnaître dans l’élément « idealogistic », était descriptif des services en cause et que l’élément « compass » avait un lien évocateur avec les services de transport. Toutefois, il convient de rappeler que cette circonstance ne l’a pas empêchée de considérer ces éléments comme étant dominants.

38      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, même si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, cela n’empêche pas que ledit consommateur, en présence d’un signe verbal même au sein d’une marque complexe, le décomposera en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt du 23 avril 2015, Iglotex/OHMI – Iglo Foods Group (IGLOTEX), T‑282/13, non publié, EU:T:2015:226, point 84 et jurisprudence citée ; arrêt du 21 septembre 2017, The Logistical Approach/EUIPO – Idea Groupe (Idealogistic), T‑620/16, non publié, EU:T:2017:635, point 75].

39      Quant à l’élément figuratif représentant, selon la requérante, une fleur de lotus, s’il n’est pas descriptif des services en cause, il n’en demeure pas moins que le consommateur lui attribuera une fonction décorative dans la marque demandée, de sorte que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu au caractère distinctif faible de cet élément. Par ailleurs, il convient de souligner que cette circonstance n’a pas empêché la chambre de recours de lui reconnaître un caractère dominant.

40      Il s’ensuit que la requérante ne parvient pas à remettre en cause les appréciations de la chambre de recours s’agissant des éléments dominants de la marque demandée.

 Sur la comparaison des signes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel

41      S’agissant, dans un premier temps, de la comparaison sur le plan visuel, la chambre de recours a estimé, aux points 41 à 43 de la décision attaquée, que les signes en cause présentaient un faible degré de similitude. Elle a notamment considéré que la différence de longueur des éléments verbaux, l’ajout de l’élément descriptif « logistic » à l’élément commun « idea », la présence d’un élément figuratif ornemental et l’inclusion du terme allusif « compass » n’étaient pas de nature à exclure toute similitude des signes en l’espèce, induite par la coïncidence de l’élément « idea », l’élément le plus distinctif de la marque antérieure. La chambre de recours a également relevé que le fond rectangulaire noir et les lettres de couleur blanche, bien que peu distinctifs, contribuaient à l’existence de coïncidences visuelles.

42      La requérante soutient que les différences relevées par la chambre de recours auraient dû la conduire à conclure à une très faible similitude visuelle. Elle fait notamment valoir que les deux marques « ne sont pas de même forme », dans la mesure où la marque antérieure est une marque verbale tandis que la marque demandée est une marque figurative. Elle ajoute que la présence dans la marque demandée de l’élément figuratif, possédant un caractère distinctif fort, crée une impression visuelle très différente de celle du signe antérieur. De même, les signes différeraient par la longueur de leurs éléments verbaux respectifs. De plus, la requérante soutient que le slogan contenu dans la marque demandée, que la chambre de recours aurait qualifié de « visuellement négligeable à cause de [sa] taille minime », sera beaucoup plus visible lorsque la marque sera reproduite sur des camions de la requérante.

43      Tout d’abord, il convient de constater que c’est à tort que la requérante soutient que les deux marques ne sont pas « de même forme », car la marque antérieure est une marque figurative, tout comme la marque demandée. Il s’ensuit que tous les arguments de la requérante relatifs au caractère verbal de la marque antérieure doivent être rejetés.

44      En tout état de cause, il convient de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

45      Ensuite, en ce qui concerne le slogan « greatest care in getting it there » contenu dans la marque demandée, il convient de considérer que son importance ne saurait dépendre de la taille du support sur lequel la marque sera apposée.

46      En effet, il ressort de la jurisprudence que l’analyse prospective du risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, qui poursuit un but d’intérêt général, à savoir celui que le public pertinent ne puisse courir le risque d’être induit en erreur à propos de l’origine commerciale des produits concernés, ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques. Partant, la comparaison de marques en conflit, qui est l’un des facteurs pertinents à prendre en considération dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, ne saurait être réalisée en fonction d’un élément qui dépend des intentions du titulaire d’une des marques concernées. Tel est le cas de la taille dans laquelle une marque peut être concrètement utilisée, qui ne saurait être objectivement déterminée par rapport à la taille des produits qu’elle désigne [voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2017, Oakley/EUIPO – Xuebo Ye (Représentation d’une ellipse discontinue), T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 53 et jurisprudence citée].

47      Quant à l’élément figuratif, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il serait perçu comme étant un élément purement décoratif et qu’il avait, dès lors, un caractère distinctif faible.

48      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêt du 14 janvier 2016, The Cookware Company/OHMI – Fissler (VITA+VERDE), T‑535/14, non publié, EU:T:2016:2, point 62 et jurisprudence citée].

49      Enfin, s’agissant de l’appréciation de l’impression globale des signes en cause, il ne saurait être soutenu que la chambre de recours n’ait pas pris en compte l’ensemble des différences existant entre les signes.

50      Ainsi, malgré l’existence de nombreuses différences entre les signes en cause, telles que correctement relevées par la chambre de recours (voir point 41 ci‑dessus), et la configuration particulière de chacun d’entre eux, leur degré de similitude visuelle doit être considéré comme faible. En effet, ces différences ne sauraient entièrement neutraliser les similitudes créées par la coïncidence de l’élément « idea », inclus dans l’un des éléments dominants de la marque demandée et élément distinctif de la marque antérieure. C’est donc à bon droit que la chambre de recours a considéré que les signes en cause présentaient un faible degré de similitude visuelle.

51      S’agissant, dans un deuxième temps, de la comparaison sur le plan phonétique, la chambre de recours a estimé que, du fait de l’élément initial « idea » commun aux deux signes, il existait un faible degré de similitude en l’espèce.

52      La requérante soutient que les signes ne coïncident que pour quatre lettres et, dès lors, que leur degré de similitude est très faible, voire inexistant. En particulier, la chambre de recours aurait conclu à tort que le slogan contenu dans la marque demandée ne serait pas prononcé. Selon la requérante, il s’agit d’un slogan distinctif et qui n’est pas aisément séparable de l’élément qui précède.

53      D’emblée, il convient de rejeter l’argument de la requérante relatif à la prise en compte du slogan, « greatest care in getting there », contenu dans la marque demandée. Ainsi qu’il a été constaté au point 34 ci‑dessus, ce slogan est écrit en caractères nettement plus petits et, à cet égard, l’argument de la requérante selon lequel sa marque sera apposée sur des camions n’est pas pertinent (voir point 46 ci‑dessus). De même, il convient de tenir compte de la tendance naturelle des consommateurs à abréger les signes longs et ne pas prononcer l’ensemble des éléments verbaux [voir, en ce sens, arrêt du 18 février 2016, Harrys Pubar et Harry’s New York Bar/OHMI – Harry’s New York Bar et Harrys Pubar (HARRY’S BAR), T‑711/13 et T‑716/13, non publié, EU:T:2016:82, point 94 et jurisprudence citée]. C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré qu’il n’était pas vraisemblable que le slogan soit prononcé.

54      Quant à la coïncidence de l’élément « idea » dans les signes en cause, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que le degré de similitude qui en découle sur le plan phonétique doit être qualifié de faible. La requérante, à cet égard, ne saurait négliger le fait que l’élément dominant de la marque demandée, à savoir « idealogistic compass », contient l’intégralité de l’élément verbal de la marque antérieure, à savoir « idea ».

55      Or, la partie initiale des éléments verbaux d’une marque est susceptible de retenir davantage l’attention du consommateur que les parties suivantes [voir arrêt du 29 octobre 2015, Giuntoli/OHMI – Société des produits Nestlé (CREMERIA TOSCANA), T‑256/14, non publié, EU:T:2015:814, point 49 et jurisprudence citée].

56      Il s’ensuit que l’appréciation de la chambre de recours relative à la similitude phonétique est exempte d’erreur.

57      S’agissant, dans un troisième temps, de la comparaison sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré que les signes en cause étaient faiblement similaires, chacun d’eux véhiculant la notion d’idée du fait de l’élément « idea » qui leur est commun. Elle a également considéré que le public anglophone percevrait l’élément « idealogistic » comme étant composé des mots anglais « idea » et « logistic », le dernier étant descriptif des services en cause, et que le terme « compass », signifiant « boussole », serait également évocateur s’agissant des services en cause. Quant à l’élément figuratif, à savoir la fleur géométrique, la chambre de recours a estimé qu’il était dépourvu de toute signification conceptuelle.

58      La requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur de droit en s’abstenant d’analyser l’élément figuratif, à savoir la rosace, sur le plan conceptuel. Selon elle, la rosace, inspirée d’une fleur de lotus, symboliserait la pureté, l’éveil et l’élévation spirituelle et refléterait en cela la philosophie de l’entreprise en mettant l’accent sur l’idée de la prestation idéale. La requérante soutient que, en prenant en compte l’intégralité de la marque demandée, la chambre aurait conclu à l’absence de similitude sur le plan conceptuel ou à un très faible degré de similitude.

59      S’agissant de l’élément figuratif représentant la rosace, la requérante ne saurait soutenir que la chambre de recours s’est abstenue de l’analyser. En effet, il ressort du point 49 de la décision attaquée que la chambre de recours a estimé que cet élément était dépourvu de toute signification conceptuelle.

60      En ce qui concerne le message conceptuel que la requérante entend attribuer à cet élément, il convient de relever que ce dernier est purement décoratif et que le public pertinent ne sera pas en mesure, en l’absence d’explication supplémentaire, de saisir ce message conceptuel. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’aucune signification conceptuelle ne lui serait attribuée.

61      Il convient donc de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que les signes en cause présentaient un faible degré de similitude conceptuelle.

 Sur l’existence d’un risque de confusion

62      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

63      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que les services en cause étaient identiques et que les signes en cause, même s’ils présentaient des différences, avaient un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel du fait de l’élément « idea », qu’ils ont en commun. Elle a conclu qu’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existait en l’espèce, et ce tant pour les services s’adressant au grand public que pour ceux s’adressant au public professionnel, dans la mesure où ce dernier, à l’instar du grand public, n’avait que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais devait se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il gardait en mémoire.

64      S’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, la chambre de recours a retenu, à des fins d’appréciation globale du risque de confusion, qu’il était normal, sans examiner les arguments de l’intervenante relatifs au caractère distinctif accru à la suite d’un usage intensif sur le marché. En effet, la chambre de recours a estimé qu’un caractère distinctif moyen était suffisant pour conclure à l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.

65      En l’espèce, les signes en cause présentent un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel (voir points 49, 56 et 61 ci‑dessus). Parmi les facteurs à prendre en compte lors de l’appréciation du risque de confusion figure notamment le niveau d’attention que le public pertinent manifeste à l’égard des services en cause. Or, en l’espèce, la chambre de recours a considéré qu’une partie des services s’adressaient uniquement au public professionnel, dont le niveau d’attention est élevé et qui prend le temps d’étudier les marques en conflit.

66      À supposer que les services en cause soient identiques, ainsi que l’a considéré la chambre de recours (voir point 30 ci‑dessus), et en prenant en compte le caractère distinctif normal de la marque antérieure (voir point 64 ci‑dessus), la chambre de recours aurait dû exclure l’existence du risque de confusion, à tout le moins pour les services s’adressant uniquement au public professionnel, qui manifestera un niveau d’attention élevé. En effet, en raison du niveau d’attention élevé lors du choix des services en cause et eu égard au faible degré de similitude des signes en cause, notamment du fait que leurs structures diffèrent, ce qui n’échappera pas à un public particulièrement attentif et avisé, il ne saurait y avoir de risque de confusion quant à l’origine commerciale de ces services.

67      À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce qu’a soutenu la chambre de recours au point 57 de la décision attaquée, la circonstance que les professionnels n’ont que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doivent se fier à l’image imparfaite gardée en mémoire de celles‑ci, ne peut pas conduire à la conclusion selon laquelle l’image des marques en cause serait déterminée, en l’espèce, en grande partie par leur élément commun « idea ».

68      En effet, bien que l’élément « idea » soit inclus dans l’un des éléments dominants de la marque demandée et qu’il soit l’élément distinctif de la marque antérieure, il ne sera pas retenu par les professionnels comme l’unique élément permettant d’identifier les marques en cause

69      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le présent moyen en ce qui concerne les services de la marque demandée s’adressant exclusivement au public professionnel.

70      Cependant, dans la mesure où, en l’espèce, la chambre de recours n’a pas identifié de manière exhaustive quels services s’adressaient uniquement aux professionnels manifestant un niveau d’attention élevé et quels services s’adressaient tant aux professionnels qu’au grand public manifestant un niveau d’attention moyen (voir point 26 ci‑dessus), il convient d’accueillir le présent moyen dans sa totalité et d’annuler la décision attaquée dans son ensemble.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

72      En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que, chacun, la moitié des dépens exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 21 septembre 2018 (affaire R 2062/2017-4) est annulée.

2)      L’EUIPO et Idea Groupe supporteront leurs propres dépens ainsi que, chacun, la moitié des dépens exposés par The Logistical Approach BV.

Gratsias

Labucka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

D. Gratsias


*      Langue de procédure : le français.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.