Language of document : ECLI:EU:T:2020:547

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

18 novembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale JUVEDERM ULTRA – Usage sérieux de la marque – Usage pour les produits pour lesquels la marque est enregistrée – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑664/19,

Allergan Holdings France, établie à Courbevoie (France), représentée par M. J. Day, solicitor, et Me T. de Haan, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo, V. J. Ruzek et Mme K. Zajfert, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Dermavita Co. Ltd, établie à Beyrouth (Liban), représentée par Me D. Todorov, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 18 juillet 2019 (affaires jointes R 1655/2018-4 et R 1723/2018-4), relative à une procédure de déchéance entre Dermavita Co. et Allergan Holdings France,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Juhász-Tóth,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 14 janvier 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 10 janvier 2020,

à la suite de l’audience du 10 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 20 septembre 2007, Allergan, Inc., le prédécesseur en droit de la requérante, Allergan Holdings France, a déposé une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n °207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal JUVEDERM ULTRA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5 et 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        Classe 5 : « Produits pharmaceutiques administrés par injection pour hydratation de la peau et réduction des rides » ;

–        Classe 10 : « Implants dermiques, y compris substances faisant l’objet d’une viscosité, à usage médical, destinés au remplissage ou au volume des rides ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 7/2008, du 11 février 2008, et, le 21 août 2008, le signe en cause a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 6295638.

5        Le 8 mars 2016, Dermavita Co. Ltd Parseghian & Partners, le prédécesseur en droit de l’intervenante, Dermavita Co. Ltd, a déposé une demande en déchéance de la marque contestée, au motif que celle-ci n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période continue de cinq ans, conformément à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001].

6        Les 19 et 22 août 2016, 21 avril et 15 juin 2017, la titulaire de la marque a présenté des éléments de preuve de l’usage de la marque contestée.

7        Le 31 juillet 2018, la division d’annulation a partiellement accueilli la demande en déchéance, en prononçant la déchéance de la marque pour les produits contestés relevant de la classe 10 et a rejeté la demande en déchéance pour les produits contestés relevant de la classe 5.

8        Le 22 août 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation, dans la mesure où cette dernière a accueilli la demande en déchéance pour les produits contestés relevant de la classe 10.

9        Le 3 septembre 2018, l’intervenante a également formé un recours, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation, dans la mesure où cette dernière a rejeté la demande en déchéance pour les produits contestés relevant de la classe 5.

10      Par la décision du 18 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a, notamment, rejeté le recours de la requérante, au motif que celle-ci n’avait pas démontré l’usage sérieux de la marque contestée au cours de la période pertinente pour les produits relevant de la classe 10.

11      La chambre de recours a motivé sa décision sur la base, notamment, des arguments suivants :

–        la conclusion selon laquelle l’usage de la marque contestée pour les produits enregistrés compris dans la classe 5 a été prouvé excluait qu’il en aille de même pour les produits enregistrés compris dans la classe 10, puisqu’un produit n’appartient pas, en principe, à deux classes ;

–        les références aux situations dans lesquelles le même produit avait été enregistré dans les classes 5 et 10 étaient dénuées de pertinence, puisque les produits sur lesquels portent les preuves d’usage (ci-après les « produits en question ») n’étaient pas compris dans la classe 10, car ils n’étaient pas des« implants dermiques », à savoir des implants chirurgicaux composés de matériaux artificiels plantés dans le corps ;

–        étaient dénuées de pertinence les références faites, d’une part, à un extrait de Wikipédia, le système de la classification de Nice étant le seul système pertinent aux fins de la classification, et, d’autre part, à d’autres enregistrements, chaque affaire étant appréciée individuellement ;

–        la marque contestée avait été utilisée par d’autres entités du groupe Allergan, avec le consentement de l’intervenante, titulaire de cette marque.

 Conclusions

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée, en ce qu’elle déclare la déchéance de la marque contestée pour les produits relevant de la classe 10 ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et de l’article 64, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, dispositions d’une teneur identique à celle de l’articles 51, paragraphe 1, sous a), et de l’article 57, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, applicables ratione temporis au présent litige, compte tenu de la date d’introduction de la demande de déchéance (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3). La chambre de recours aurait conclu à tort que la marque contestée n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pour les produits de la classe 10. Les produits en question auraient une double fonction et relèveraient à la fois de la catégorie des produits pharmaceutiques, dans la classe 5, et de celle des produits de comblement dermique, une sous-catégorie des implants artificiels, dans la classe 10.

15      Il convient de relever que, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, en l’espèce, la requérante ne vise pas des produits combinés ayant une double finalité, mais entend protéger le même produit sous deux intitulés différents de la classification de Nice. En outre, ainsi que l’a également relevé l’EUIPO, une double classification du même produit n’est normalement pas possible au regard du libellé de la règle 2, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1), applicable ratione temporis au cas d’espèce.

16      La requérante soutient, par ailleurs, que, d’une part, la lidocaïne, le composant pharmaceutique des produits en question, était immédiatement métabolisée après l’injection, tandis que, d’autre part, le gel d’acide hyaluronique s’étendait et se stabilisait sous la peau, formant ainsi un implant sous-cutané, qui resterait sous la peau pendant une longue période, jusqu’à sa dégradation. En d’autres termes, le gel d’acide hyaluronique, une fois injecté, opérerait comme un type d’implant artificiel.

17      À cet égard, la chambre de recours, au point 41 de la décision attaquée, a relevé que, selon la classification de Nice, les implants compris dans la classe 10 étaient des implants chirurgicaux, composés de matériaux artificiels, ce qui n’est pas contesté par les parties. Ainsi que l’avait déjà relevé la division d’annulation, la chambre de recours a confirmé qu’il n’était pas démontré que les produits en question avaient été utilisés comme des implants artificiels au sens de la classe 10, mais plutôt qu’ils avaient été utilisés comme des produits de comblement dermique au sens de la classe 5.

18      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en ce qui concerne la charge de la preuve, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C-698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 57).

19      En l’espèce, il convient de relever que la seule fonction des produits en question étant celle de combler les rides de la peau par du gel d’acide hyaluronique, il convient de conclure que cette fonction est propre des produits pharmaceutiques au sens large, qui relèvent de la classe 5, et non des appareils médicaux au sens large, et donc des implants, qui relèvent de la classe 10. Si ces produits correspondent à ceux qui sont actuellement classifiés comme « produits de comblement dermique injectables », inclus dans la classe 5, ce qui n’est pas contesté par les parties, la requérante n’a pas démontré qu’un produit de comblement dermique constituait au même temps un implant relevant de la classe 10. En effet, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, un implant est généralement associé à une intervention chirurgicale, tandis que les produits en question, ainsi que le fait valoir la requérante, sont des « produits de comblement dermique injectables contenant de l’acide hyaluronique qui sont utilisés pour lisser les rides du visage et ajouter du volume à des parties du visage dont la peau s’affaisse » et ne peuvent constituer, au même temps, un implant.

20      Il y a donc lieu de rejeter le moyen unique de recours et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Allergan Holdings France est condamnée aux dépens.

Collins

Kreuschitz

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 novembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.