Language of document : ECLI:EU:F:2008:103

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

4 septembre 2008 *(1)

« Fonction publique – Concours général – Non admission à l’épreuve orale »

Dans l’affaire F‑147/06,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Adriana Dragoman, demeurant à Bruxelles (Belgique), initialement représentée par Me S. Mihailescu, avocat, puis par Me G.-F. Dinulescu, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes K. Herrmann et M. Velardo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. R. Schiano,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 avril 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 27 décembre 2006 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 29 décembre suivant), Mme Dragoman demande l’annulation de la décision du 27 octobre 2006 par laquelle le jury du concours général EPSO/AD/44/06 pour la constitution d’une réserve de recrutement de juristes linguistes (AD 7) de langue roumaine (ci-après « le concours ») lui a accordé une note de 18 points sur 40 à l’épreuve écrite b), ainsi que l’annulation de la décision du jury du 29 novembre 2006, portant rejet de sa demande de réexamen.

 Cadre juridique

 Cadre statutaire

2        L’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe III du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« L’avis de concours [….] doit spécifier […] dans le cas de concours sur épreuves, la nature des examens et leur cotation respective […] »

3        L’article 25 du statut, deuxième alinéa, dispose :

« Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée. »

4        L’article 27, premier alinéa, du statut dispose :

« Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres des Communautés. »

5        L’article 30 du statut prévoit :

« Pour chaque concours, un jury est nommé par l’autorité investie du pouvoir de nomination. Le jury établit la liste d’aptitude des candidats.

L’autorité investie du pouvoir de nomination choisit sur cette liste le ou les candidats qu’elle nomme aux postes vacants. »

6        L’article 3 de l’annexe III du statut dispose :

« Le jury est composé d’un président désigné par l’autorité investie du pouvoir de nomination et de membres désignés en nombre égal par l’autorité investie du pouvoir de nomination et par le comité du personnel.

[…]

Le jury peut faire appel, pour certaines épreuves, à un ou plusieurs assesseurs ayant voix consultative.

Les membres du jury, choisis parmi les fonctionnaires, doivent être d’un groupe de fonctions et d’un grade au moins égal à celui de l’emploi à pourvoir.

[…] »

7        L’article 6 de l’annexe III du statut dispose :

« Les travaux du jury sont secrets. »

 Avis de concours

8        L’avis de concours publié au Journal officiel de l’Union européenne du 11 avril 2006, JO C 87 A, p. 3 (ci après « l’avis de concours »), prévoyait en son titre A « Nature des fonctions, conditions d’admission (profil requis) », que le concours est divisé en deux filières, une filière « Cour de justice [des Communautés européennes] » et une filière « Parlement [européen], Conseil [de l’Union européenne], Commission [des Communautés européennes] », et que les candidats doivent choisir l’une des deux filières lors de l’inscription électronique.

9        Le titre B, points 3, 5 et 7, de l’avis de concours, intitulé « Déroulement du concours » dispose :

« 3. Épreuves écrites obligatoires – Notation

Filière ‘Cour de justice’ :

a)      Traduction dans la langue du concours (langue 1), sans dictionnaire, d’un texte juridique rédigé dans une des langues (langue 2) […] au choix du candidat.

Cette épreuve est notée de 0 à 40 points (minimum requis : 20). […]

b)      Traduction dans la langue du concours (langue 1), sans dictionnaire, d’un texte juridique rédigé dans une des langues (langue 3) […] au choix du candidat.

Cette épreuve est notée de 0 à 40 points (minimum requis : 20). […]

L’épreuve [écrite] b) ne sera corrigée que si le candidat a obtenu le minimum requis à l’épreuve [écrite] a).

[…]

5. Épreuve orale obligatoire – Notation

Les candidats ayant obtenu le minimum requis (lorsque celui-ci est exigé) pour les épreuves écrites obligatoires seront admis à l’épreuve orale.

[…]

7. Listes de réserve

Une liste de réserve sera établie, pour chaque concours et pour chaque filière, par groupe de mérite (au maximum quatre) et par ordre alphabétique à l’intérieur des groupes de mérite, des candidats […] ayant obtenu à la fois le minimum requis (lorsque celui-ci est exigé) pour chacune des épreuves écrites obligatoires et orale, et le plus grand nombre de points […] pour l’ensemble de ces épreuves.

[…] »

10      Le titre D, points 2, 4 et 6, de l’avis de concours intitulé « Informations générales » dispose :

« 2. Jury

Pour tout concours est nommé un jury composé de représentants de l’administration et de représentants du comité du personnel des institutions. Les noms des membres de ce jury seront publiés sur le site internet de [l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO)] environ quinze jours avant la date des épreuves.

[…]

4. Demandes d’accès des candidats à des informations les concernant

Dans le contexte des procédures de sélection, un droit spécifique est reconnu aux candidats d’accéder […] à certaines informations les concernant directement et individuellement. En vertu de ce droit, EPSO peut fournir à un candidat qui en fait la demande des informations supplémentaires qui concernent sa participation au concours. […] Les demandes seront traitées en tenant compte du caractère secret des travaux des jurys prévu par le statut (article 6 de l’annexe III du [statut]) […].

6. Conditions de recrutement

L’inscription des lauréats sur la liste de réserve leur donne vocation à être recrutés en tant que fonctionnaires stagiaires […] »

11      L’annexe de l’avis de concours, intitulée « Demandes de réexamen – Voies de recours – Plaintes auprès du Médiateur européen », prévoit :

« À tous les stades du concours, les candidats qui estiment qu’une décision leur fait grief peuvent utiliser les moyens suivants :

–        Demande de réexamen

Introduire, dans un délai de [20] jours de calendrier à compter de la date d’envoi en ligne de la lettre notifiant la décision, une demande de réexamen, sous forme d’une lettre motivée […]

EPSO la transmet au président du jury lorsque cela relève de la compétence de celui-ci, et une réponse sera envoyée au candidat dans les meilleurs délais.

–        Voies de recours

–        soit introduire un recours auprès du :

Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne […]

–        soit introduire une réclamation basée sur l’article 90, paragraphe 2, du statut […] »

 Faits à l’origine du litige

12      La requérante s’est portée candidate au concours organisé par EPSO pour la constitution d’une réserve de recrutement de juristes linguistes de langue roumaine de grade AD 7.

13      Lors de son inscription au concours, la requérante a opté pour la filière « Cour de justice ».

14      Par courrier du 26 juillet 2006, le président du jury du concours a indiqué à la requérante qu’elle était admise à concourir.

15      Le 15 septembre 2006, la requérante a participé aux deux épreuves écrites.

16      Le 26 octobre 2006, il a été versé au dossier EPSO de la requérante, qui consiste en un dossier électronique d’inscription aux concours organisés par EPSO, une lettre du président du jury du concours rédigée dans les termes suivants :

« À l’issue de la correction des épreuves écrites du concours, j’ai le regret de vous informer que les résultats que vous avez obtenus sont insuffisants pour permettre au jury de vous admettre à l’épreuve orale.

En effet, le [titre] B[, point 5,] de l’avis de concours précise que seuls les candidats ayant obtenu le minimum requis à chacune des épreuves a) et b) seront invités à l’épreuve orale. Conformément au [titre] B[, point 3,] de l’avis de concours, le jury n’a pas corrigé votre épreuve écrite b) si vous n’avez pas obtenu le minimum requis pour l’épreuve écrite a).

Veuillez trouver ci-après les résultats de vos épreuves :

Épreuve écrite a) [traduction du français au roumain] : 21/40 (minimum 20)
Épreuve écrite b) [traduction de l’anglais au roumain] -/40 (minimum 20)

[…] »

17      Par courrier électronique du 27 octobre 2006, la requérante a signalé à EPSO que la communication de ses résultats comportait une erreur. En effet, dès lors que la note de 21/40 obtenue à l’épreuve écrite a) était supérieure au minimum requis de 20/40, le jury devait selon elle corriger l’épreuve écrite b).

18      Le même 27 octobre 2006, EPSO a informé la requérante que l’épreuve écrite b) avait bien été corrigée, mais que suite à une erreur technique, les points obtenus à cette épreuve n’avaient pas été repris par le système informatique. Elle ajoutait qu’une nouvelle lettre allait être « publiée » dans le dossier EPSO de l’intéressée.

19      Par lettre datée du 27 octobre 2006, le président du jury du concours a de nouveau informé la requérante que les résultats qu’elle avait obtenus aux épreuves écrites étaient insuffisants pour lui permettre d’accéder à l’épreuve orale, en précisant qu’elle avait obtenu une note de 21/40 à l’épreuve écrite a) et une note de 18/40 à l’épreuve écrite b).

20      Le 10 novembre 2006, la requérante a, d’une part, demandé à EPSO de lui communiquer une copie de la correction de ses deux épreuves écrites, et, d’autre part, sollicité son admission à l’épreuve orale.

21      Le 1er décembre 2006, le président du jury du concours a envoyé à la requérante une copie de ses deux épreuves écrites ainsi qu’une copie des fiches d’évaluation établies par le jury. Il lui a également adressé une lettre, datée du 29 novembre 2006, dans laquelle il confirmait les résultats obtenus par la requérante et rejetait sa demande d’admission à l’épreuve orale.

 Conclusions des parties

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision par laquelle le jury du concours ne lui a accordé qu’une note de 18/40 à l’épreuve écrite b) et la décision du 29 novembre 2006 portant rejet de sa demande de réexamen ;

–        condamner la Commission aux dépens de l’instance.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur l’objet du recours

24      La requérante demande l’annulation de la décision par laquelle le jury du concours ne lui a accordé qu’une note de 18/40 à l’épreuve écrite b). Elle demande également l’annulation de la décision du 29 novembre 2006 par laquelle le jury a rejeté sa demande de réexamen.

25      S’agissant de l’identification précise de l’acte faisant grief, il convient de rappeler que, par lettre du 27 octobre 2006, le président du jury du concours a informé la requérante que les résultats qu’elle avait obtenus à l’issue des épreuves écrites étaient insuffisants pour permettre au jury de l’admettre à l’épreuve orale.

26      À la suite du courrier de la requérante du 10 novembre 2006, la décision prise le 27 octobre 2006 a fait l’objet d’un réexamen par le jury, conformément au premier point « Demande de réexamen » de l’annexe de l’avis de concours.

27      Par lettre du 29 novembre 2006, le président du jury a confirmé à la requérante la décision de ne pas l’admettre à l’épreuve orale du concours, dès lors que le résultat communiqué dans la lettre du 27 octobre 2006 correspondait bien à la note qui lui avait été attribuée dans le cadre de l’épreuve écrite b).

28      La décision du 29 novembre 2006, adoptée à la suite du réexamen auquel il a été procédé en vertu d’une règle que la Commission s’est engagée à respecter, s’est donc substituée à la décision du 27 octobre 2006 du jury et constitue, par suite, l’acte faisant grief.

29      En effet, selon la jurisprudence, lorsqu’une partie dont la demande d’admission à un concours communautaire a été rejetée sollicite le réexamen de cette décision sur la base d’une disposition précise liant l’administration, c’est la décision prise par le jury après réexamen qui constitue l’acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, ou, le cas échant, de l’article 91, paragraphe 1, du statut (voir arrêt du Tribunal de première instance du 7 juin 2005, Cavallaro/Commission, T‑375/02, RecFP p. I‑A‑151 et II‑673, points 56 et suivants).

30      Il convient donc d’estimer que le présent recours a pour effet de saisir le Tribunal de la décision du jury du 29 novembre 2006 (ci-après « la décision attaquée »).

 Sur les conclusions à fin d’annulation

31      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens. Le premier est tiré de la violation de l’avis de concours ainsi que des règles régissant le fonctionnement des jurys de concours. Le second est tiré de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des dispositions de l’avis de concours et des règles régissant le fonctionnement des jurys de concours

32      La requérante reproche au jury de ne pas avoir évalué ses connaissances de la langue roumaine, qui était la langue du concours, de n’être pas suffisamment qualifié pour procéder à l’évaluation de ses connaissances de la langue française, d’avoir fait preuve d’un manque d’objectivité et de conscience professionnelle et, enfin, d’avoir méconnu les modalités de notation prévues par l’avis de concours. Elle invoque ensuite des irrégularités liées au non-respect de la règle de l’anonymat et au caractère tardif de la publication de la liste des membres du jury.

 Sur le premier grief, tiré de l’absence d’examen de la connaissance par la requérante de la langue du concours

33      Ce grief se subdivise en deux branches, la requérante faisant valoir, premièrement, que le jury aurait violé l’avis de concours dès lors qu’il n’aurait contrôlé que ses connaissances des langues française et anglaise, et non celles de la langue roumaine, qui était la langue du concours, et, deuxièmement, que les annotations reportées sur les fiches d’évaluation ont été rédigées en français.

–       Sur la première branche

34      La requérante soutient que le jury n’aurait pas examiné sa connaissance de la langue roumaine, ainsi qu’en attesterait la circonstance qu’aucun commentaire des fiches d’évaluation ne porterait sur la qualité de sa prestation dans cette langue.

35      En défense, la Commission fait valoir que, comme le prévoit l’avis de concours, le jury aurait évalué les connaissances de la requérante en langue roumaine.

36      À cet égard, il importe de rappeler que, si l’autorité investie du pouvoir de nomination dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer les conditions d’un concours, le jury est lié par le texte de l’avis de concours tel qu’il a été publié (arrêt de la Cour du 18 février 1982, Ruske/Commission, 67/81, Rec. p. 661, point 9).

37      Il y a donc lieu de vérifier si, en l’espèce, le jury a respecté l’avis de concours.

38      Aux termes du préambule de l’avis de concours, le concours est organisé pour le recrutement de juristes linguistes de langue roumaine. Le titre A, point I, de l’avis de concours précise par ailleurs que les fonctionnaires recrutés doivent exercer des fonctions de traduction et de révision de textes juridiques dans la langue du concours à partir d’au moins deux langues officielles de l’Union européenne.

39      Aux termes du titre A, point II 2, les candidats doivent disposer d’une parfaite connaissance de la langue du concours et d’une connaissance approfondie de deux autres langues, dont l’une doit obligatoirement être le français.

40      En l’espèce, il ressort des termes mêmes de la fiche d’évaluation complétée par le jury pour l’épreuve écrite b) que ledit jury a porté une appréciation sur la qualité des textes rédigés par la requérante en roumain, estimant, dans la rubrique prévue à cet effet, que l’intéressée avait fait preuve d’une capacité limitée de reformulation du texte anglais en langue roumaine et qu’elle ne maîtrisait pas le style juridique dans cette langue.

41      Il s’ensuit que la première branche du premier grief doit être rejetée.

–       Sur la seconde branche

42      La requérante fait valoir que les annotations reportées sur les fiches d’évaluation ont été rédigées en français, ce qui, selon elle, démontrerait que le jury ne disposait pas de connaissances suffisantes en langue roumaine.

43      En défense, la Commission soutient qu’aucune disposition du statut ni de l’avis de concours n’interdirait au jury d’utiliser le français comme langue de travail.

44      À cet égard, s’agissant de la possibilité pour le jury d’utiliser le français comme langue de travail, il suffit de constater, d’une part, que, comme le soutient à juste titre la Commission, une telle pratique n’est proscrite ni par le statut, ni par l’avis du concours, et, d’autre part, qu’il ne saurait être déduit de cette seule pratique que, en l’espèce, le jury ne disposait pas d’une connaissance suffisante de la langue du concours.

45      Par suite, la seconde branche du premier grief doit être écartée.

46      Il s’ensuit que le premier grief, tiré de l’absence d’examen, par le jury, de la connaissance par la requérante de la langue du concours, doit être rejeté.

 Sur le second grief, tiré de la prétendue qualification insuffisante des membres du jury

47      La requérante fait valoir, en substance, que les membres du jury n’auraient pas été suffisamment qualifiés pour évaluer sa connaissance de la langue française, ainsi que le démontreraient les fautes d’orthographe que le jury aurait commises lors de la correction de l’épreuve écrite a), en apposant sur la fiche d’évaluation correspondante les appréciations littérales suivantes : « la compréhension du français général et juridiques assez bonne », « [quatre] faux-sens » et « quelques incohérences au niveau de style. » Elle ajoute que les membres du jury auraient fait preuve d’un manque d’objectivité et de conscience professionnelle.

48      En défense, la Commission souligne que les membres du jury disposaient de connaissances linguistiques suffisantes, et que les fautes d’orthographe commises par les correcteurs constituent des méprises justifiables lorsque le jury doit corriger un grand nombre d’épreuves écrites.

49      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, pour être constitué conformément aux dispositions du statut et de l’article 3 de son annexe III, un jury de concours doit, selon la jurisprudence, être composé de façon à garantir une appréciation objective de la performance des candidats aux épreuves au regard des qualités professionnelles attendues (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 13 septembre 2001, Svantesson e.a./Conseil, T‑160/99, RecFP p. I‑A‑175 et II‑799, point 32).

50      En l’espèce, afin de démontrer que le jury était insuffisamment qualifié et aurait fait preuve d’un manque de conscience professionnelle et d’objectivité, la requérante invoque les fautes d’orthographe que les correcteurs ont faites en rédigeant la fiche d’évaluation de l’épreuve écrite a).

51      Toutefois, un tel grief est inopérant, dès lors que, par le présent recours, la requérante ne demande que l’annulation des résultats obtenus lors de l’épreuve écrite b), et non de ceux obtenus lors de l’épreuve écrite a).

52      En tout état de cause, les fautes d’orthographe et erreurs de syntaxe commises par les correcteurs dans la fiche d’évaluation de l’épreuve écrite a) ne permettent pas, par leur nature, et compte tenu des contraintes pesant sur les membres d’un jury d’un concours à participation nombreuse, de mettre en doute les capacités professionnelles et l’objectivité des membres du jury.

53      Il en résulte que le deuxième grief doit être rejeté.

 Sur le troisième grief, tiré de la méconnaissance des modalités de notation prévues par l’avis de concours

54      La requérante fait valoir que le jury n’aurait pas procédé à une évaluation chiffrée de ses épreuves écrites, mais se serait borné à donner des appréciations littérales non chiffrées. Il aurait ainsi méconnu les dispositions de l’avis de concours, qui prévoient qu’une note de 0 à 40 est attribuée à chacune des épreuves écrites du concours et l’aurait ainsi mise dans l’impossibilité de savoir comment le jury était parvenu au nombre total de points qui lui a été attribué à l’issue de l’épreuve écrite b).

55      La Commission conclut au rejet de ce grief.

56      À cet égard, il importe, en premier lieu, de rappeler qu’aux termes du titre B, point I 3, de l’avis de concours, chacune des épreuves écrites a) et b) du concours est notée de 0 à 40 points.

57      En l’espèce, il est constant que le jury a reporté dans la dernière partie de la fiche d’évaluation de l’épreuve écrite b) la note globale obtenue par la requérante, à savoir 18/40.

58      Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’épreuve écrite b) a bien été sanctionnée par l’attribution d’une note chiffrée, conformément aux prescriptions de l’avis de concours.

59      La requérante fait certes valoir, en second lieu, qu’aucun élément de ses fiches d’évaluation ne permettrait de connaître l’importance relative attribuée à chaque paramètre d’évaluation de ses épreuves écrites. À cet égard, il convient toutefois de considérer que la requérante se réfère, en substance, à l’argumentation formulée dans le cadre du second moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation. Par suite, l’argument de la requérante sera analysé dans le cadre de l’examen du second moyen.

 Sur le quatrième grief, tiré du non-respect de la règle de l’anonymat

60      La requérante soutient que la règle de l’anonymat n’a pas été respectée. En effet, le jury aurait pu, selon elle, prendre connaissance de son identité, dès lors que son nom figurait sur la première page de ses copies des épreuves écrites.

61      En défense, la Commission fait valoir que si le nom des candidats est effectivement reporté sur leur copie le jour de l’épreuve, ces données sont ensuite occultées et remplacées par un numéro secret à sept chiffres avant que les copies ne soient communiquées aux membres du jury. Compte tenu de cette procédure, les membres du jury ne peuvent prendre connaissance de l’identité des candidats.

62      À cet égard, il y a lieu de constater, d’une part, que le jury avait, en l’espèce, pris soin d’assurer, par un système de numérotation, l’anonymat des copies remises par les candidats, ainsi qu’il ressort des copies des épreuves produites par la requérante, qui portent la seule mention « Candidat N° Secret », suivie d’un numéro.

63      D’autre part, les affirmations de la requérante, selon lesquelles une erreur aurait pu être commise quant au respect de la règle d’anonymat, ne sont étayées d’aucun élément de preuve.

64      Dans ces conditions, le grief tiré du non-respect par le jury de la règle d’anonymat doit être rejeté.

 Sur le cinquième grief, tiré du caractère tardif de la publication de la composition du jury

65      La requérante fait valoir que les dispositions de l’avis de concours, qui prévoiraient que la composition du jury du concours est publiée quinze jours avant le début des épreuves écrites, auraient été méconnues, dès lors que la liste des membres du jury n’a été publiée que trois jours avant le début desdites épreuves.

66      En défense, la Commission fait valoir que la mention selon laquelle la composition du jury serait publiée dans un délai de quinze jours environ avant la date des épreuves n’a été portée sur l’avis de concours qu’à titre indicatif, et que la violation de ce délai de quinze jours n’est pas susceptible d’entacher d’illégalité la décision du jury.

67      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il incombe aux institutions communautaires, en vertu des principes de bonne administration et d’égalité de traitement, d’assurer à tous les candidats à un concours un déroulement le plus serein et régulier possible des épreuves. À cette fin, l’administration est tenue de veiller à la bonne organisation du concours (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 9 novembre 1999, Papadeas/Comité des régions, T‑102/98, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1091, point 68).

68      En l’espèce, il est constant que la composition du jury n’a été rendue publique que trois jours avant le début des épreuves, au lieu des quinze jours environ prévus par l’avis de concours.

69      Toutefois la requérante n’établit pas que, si elle avait eu connaissance de la composition du jury dans le délai de quinze jours prévu par l’avis de concours, le résultat qu’elle a obtenu à l’épreuve écrite b) aurait pu être différent (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 3 mars 1993, Delloye e.a./Commission, T‑44/92, Rec. p. II‑221, point 24).

70      Il convient donc de rejeter comme non fondé le cinquième grief formulé par la requérante.

71      Il s’ensuit que le premier moyen doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

72      La requérante fait valoir que le jury a méconnu, en premier lieu, l’obligation de motivation telle que prévue par le droit communautaire, et, en second lieu, l’obligation de motivation prévue par la législation et la jurisprudence belges.

 Sur le premier grief, tiré de la violation de l’obligation de motivation prévue par le droit communautaire

73      La requérante soutient que le jury aurait méconnu l’obligation de motivation prévue par le droit communautaire. Au soutien de ce moyen, elle fait valoir, en substance, que le jury ne se serait pas fondé sur des critères objectifs et connus de chacun des candidats, et en particulier, qu’il n’aurait pas indiqué les paramètres de notation lui ayant permis d’attribuer une note de 18/40 à l’épreuve écrite b).

74      La Commission conclut au rejet de ce grief. Elle fait valoir qu’en communiquant à la candidate les notes obtenues ainsi que la copie des épreuves écrites et des fiches d’évaluation, le jury aurait satisfait à l’obligation de motivation qui lui incombe.

75      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 253 CE et de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, toute décision individuelle prise en application du statut et faisant grief doit être motivée. Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation d’une décision faisant grief a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est fondée ou non et, d’autre part, d’en rendre possible le contrôle juridictionnel (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22, et du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, Rec. p. I‑3423, point 23 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 janvier 2003, Angioli/Commission, T‑53/00, RecFP p. I‑A‑13 et II‑73, point 67, et du 27 mars 2003, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑33/00, RecFP p. I‑A‑105 et II‑541, point 43).

76      En ce qui concerne les décisions prises par un jury de concours, il convient de rappeler que l’obligation de motivation doit être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury, en vertu de l’article 6 de l’annexe III du statut (arrêt Parlement/Innamorati, précité, point 24 ; arrêts Martínez Páramo e.a./Commission, précité, point 44, et du Tribunal de première instance du 19 février 2004, Konstantopoulou/Cour de justice, T‑19/03, RecFP p. I‑A‑25 et II‑107, point 27).

77      Ce secret a été institué en vue de garantir l’indépendance des jurys de concours et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration communautaire elle-même, de candidats intéressés, ou de tiers. Le respect de ce secret s’oppose dès lors tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous les éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (arrêts Martínez Páramo e.a./Commission, précité, point 44, et Konstantopoulou/Cour de justice, précité, point 27).

78      Compte tenu du secret qui doit entourer les travaux du jury, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury. Une telle motivation ne lèse pas les droits des candidats. Elle leur permet de connaître le jugement de valeur qui a été porté sur leurs prestations et de vérifier, le cas échéant, qu’ils n’ont effectivement pas obtenu le nombre de points requis par l’avis de concours pour être admis à certaines épreuves ou à l’ensemble des épreuves (arrêt Konstantopoulou/Cour de justice, précité, points 32 et 33).

79      En outre, au vu du large pouvoir d’appréciation dont dispose un jury de concours pour évaluer les résultats des épreuves, le jury n’est pas tenu, en motivant sa décision de ne pas admettre un candidat à une épreuve, de préciser les réponses des candidats qui ont été jugées insuffisantes ou d’expliquer pourquoi ces réponses ont été jugées insuffisantes (arrêt Konstantopoulou/Cour de justice, précité, point 34).

80      En l’espèce, il y a lieu de relever que, par lettre du 27 octobre 2006, le président du jury du concours a informé la requérante que le jury ne l’avait pas admise à l’épreuve orale au motif qu’elle avait obtenu, lors de l’épreuve écrite b), une note de 18/40, le minimum requis étant de 20 points.

81      De plus, sur le fondement du titre D, point 4, de l’avis de concours, EPSO a, à la demande de la requérante, communiqué à celle-ci la copie de ses épreuves écrites ainsi que des fiches d’évaluation établies par le jury.

82      À la lumière de la jurisprudence précitée, et compte tenu du fait qu’ont été communiquées à la requérante tant la note obtenue lors de l’épreuve écrite b), que la fiche d’évaluation concernant cette épreuve ainsi que la copie de l’épreuve elle-même, force est de constater que le jury a suffisamment observé l’obligation de motivation qui lui incombe.

83      En tout état de cause, il convient de préciser que, dans la première partie des fiches d’évaluation des épreuves écrites, le jury a indiqué ses commentaires analytiques sous quatre rubriques consacrées, respectivement, aux notions juridiques prédéterminées, au cadre général, à la compréhension logique et syntaxique et au vocabulaire de la langue source et, enfin, à la qualité du rendu. Pour chacune de ces rubriques, le jury a donné, en complément de ses commentaires analytiques, une appréciation de la prestation de la requérante, pouvant aller de « insatisfaisant » à « très bien ». Lors de l’épreuve écrite b), la requérante a ainsi obtenu l’appréciation « moyen » pour la première de ces rubriques et l’appréciation « insatisfaisant» pour les trois rubriques suivantes. Dans la deuxième partie de ces fiches, le jury a précisé dans quelle proportion le texte source avait été traduit. Enfin, la dernière partie de ces fiches indiquait la note globale obtenue.

84      Ainsi, il convient de relever que les fiches d’évaluation transmises à la requérante permettaient à cette dernière, d’une part, de discerner les critères d’évaluation retenus par le jury, et, d’autre part, de connaître l’appréciation du jury quant à la qualité de sa prestation selon les paramètres qui avaient été préalablement retenus.

85      Dans ces conditions, le grief tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation prévue par le droit communautaire doit être écarté.

 Sur le second grief, concernant la violation du principe de motivation prévu par le droit belge

86      La requérante fait valoir que, selon le droit belge, les décisions de jurys relatives aux épreuves de traduction doivent comporter une motivation très détaillée, reprenant les critères objectifs d’évaluation employés, leur estimation chiffrée ainsi que leur pondération. Or, la décision du jury la concernant ne comporterait pas une telle motivation.

87      La Commission en défense conclut au rejet de ce grief. Elle soutient que la requérante ne peut utilement invoquer les dispositions du droit national, dès lors que la notion d’obligation de motivation consacrée par l’article 253 CE et l’article 25 du statut est suffisamment développée en droit communautaire, et que le recours au droit national n’est, par suite, pas nécessaire.

88      À cet égard, il y a lieu de relever que la procédure de recrutement des fonctionnaires communautaires est uniquement soumise aux dispositions du statut et des actes pris pour son application.

89      Dans ces conditions, la requérante ne peut utilement invoquer, à l’encontre de la décision attaquée, une violation par le jury du droit belge, lequel n’était pas applicable en l’espèce.

90      Il s’ensuit que le grief tiré de la violation du principe de motivation prévu par le droit belge doit être écarté.

91      Le second moyen doit donc être écarté.

92      Il résulte de ce qui précède que la requête doit être rejetée.

 Sur les dépens

93      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

94      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, applicable, comme en l’espèce, aux candidats à un concours général, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 septembre 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


1 Langue de procédure : le français.