Language of document : ECLI:EU:T:2023:246

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

10 mai 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative bistro Régent – Marque nationale verbale antérieure REGENT – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif »

Dans l’affaire T‑437/22,

Vanhove, établie à Bordeaux (France), représentée par Me N. Castagnon, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Eberl et T. Klee, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Aldi Einkauf SE & Co. OHG, établie à Essen (Allemagne), représentée par Mes N. Lützenrath, C. Fürsen, M. Minkner et A. Starcke, avocats,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis (rapporteur), juges,

greffier : M. T. Henze, greffier faisant fonction,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Vanhove, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 mai 2022 (affaire R 1113/2021‑5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 14 octobre 2019, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vin ».

5        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 200/2019, du 21 octobre 2019.

6        Le 20 janvier 2020, l’intervenante, Aldi Einkauf SE & Co. OHG, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 4 ci-dessus, à savoir le « vin » relevant de la classe 33.

7        L’opposition était fondée sur la marque allemande verbale antérieure REGENT, déposée le 30 novembre 1932, enregistrée le 12 janvier 1933 sous le numéro 452 178 et dûment renouvelée le 30 novembre 2012, désignant les produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Vins, spiritueux [boissons] ».

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

9        À la suite de la demande formulée par la requérante, l’EUIPO a invité l’intervenante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition, conformément à l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

10      Le 2 novembre 2020, à titre d’éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure, l’intervenante a produit devant la division d’opposition les éléments suivants :

–        une déclaration sous serment de A, directrice de la catégorie des boissons alcooliques de l’intervenante (pièce no 1) ;

–        des copies d’extraits de trois brochures promotionnelles du magasin Aldi Nord, datées de 2014, de 2018 et de 2019 (pièce no 2) ;

–        cinq photographies des rayons d’un magasin à Essen (Allemagne) (pièce no 3) ;

–        60 factures datées de 2014 à 2019, adressées à différents magasins de l’intervenante portant sur la fourniture de boissons alcooliques dont Regent Weinbrand (pièce no 4) ;

–        un extrait de la page d’accueil du site Internet de l’intervenante, représentant une bouteille de Weinbrand Regent (pièce no 5).

11      Le 19 mai 2021, la division d’opposition a accueilli l’opposition.

12      Le 24 juin 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, sur le fondement des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

13      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Dans un premier temps, elle a considéré, en substance, que les éléments de preuve produits par l’intervenante étaient suffisants pour établir l’usage sérieux de la marque antérieure pour le brandy, qui peut être regardé comme constituant une sous-catégorie des « spiritueux [boissons] » relevant de la classe 33.

14      Dans un second temps, ladite chambre a considéré qu’il existait un risque de confusion. En particulier, elle a estimé, premièrement, que l’existence d’un risque de confusion devait être appréciée par rapport au grand public allemand, faisant preuve d’un niveau d’attention « raisonnable », deuxièmement, que les produits en cause, à savoir le vin et le brandy étaient similaires à un faible degré, troisièmement, que la marque antérieure n’était pas dépourvue de caractère distinctif pour le public allemand, mais présentait un caractère distinctif intrinsèque moyen, quatrièmement, que l’élément le plus dominant et distinctif de la marque demandée était l’élément verbal « régent » et, cinquièmement, que les signes en cause présentaient un degré moyen de similitude visuelle, un degré à tout le moins supérieur à la moyenne de similitude phonétique et un degré à tout le moins moyen de similitude conceptuelle.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        autoriser l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par lui en cas de convocation à une audience.

17      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001

19      La requérante soutient que les éléments de preuve produits par l’intervenante ne permettent pas de démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure. Elle fait notamment valoir que l’élément « weinbrand » utilisé avec la marque antérieure altère le caractère distinctif de cette dernière.

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

21      En vertu de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 47, paragraphe 3, de ce règlement, sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque antérieure qui a formé opposition doit apporter la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne, la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans l’État membre où celle-ci est protégée pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date, la marque antérieure soit enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée.

22      Il ressort de l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), que la preuve de l’usage doit établir le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition se fonde.

23      Aux fins de l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque de l’Union européenne consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il n’existe un juste motif économique à l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 38].

24      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37).

25      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

26      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 35, et du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 41].

27      Par ailleurs, un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [voir arrêt du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, point 66 et jurisprudence citée]. Ainsi, si la valeur probante d’un élément de preuve est limitée, dans la mesure où, pris isolément, il ne démontre pas avec certitude si et comment les produits concernés ont été mis sur le marché, et si cet élément n’est dès lors pas décisif à lui seul, il peut néanmoins être pris en compte dans l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque en cause. Il en va ainsi, par exemple, lorsque cet élément vient s’ajouter à d’autres éléments de preuve [arrêt du 6 mars 2014, Anapurna/OHMI – Annapurna (ANNAPURNA), T‑71/13, non publié, EU:T:2014:105, point 45].

28      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent moyen.

29      À titre liminaire, en l’espèce, ainsi que l’a, à juste titre, considéré la chambre de recours, la période de cinq ans au cours de laquelle l’usage sérieux de la marque antérieure devait être démontré s’étend du 14 octobre 2014 au 13 octobre 2019 inclus. Dans la mesure où la marque antérieure est enregistrée en Allemagne, le territoire sur lequel ledit usage doit être démontré est celui de cet État membre.

 Sur la force probante de la déclaration sous serment de la directrice de la catégorie des boissons alcooliques de l’intervenante

30      La requérante soutient que, contrairement aux affirmations de la chambre de recours, la déclaration sous serment d’une salariée de l’intervenante ne saurait, en soi, prouver l’usage sérieux de la marque antérieure. De surcroît, elle n’émane pas du directeur du département juridique ou financier de l’intervenante et n’est accompagnée d’aucune pièce d’identité.

31      Quant au contenu de ladite déclaration, la requérante avance des allégations suivantes :

–        les données chiffrées par article ne sont détaillées ni par marque ni par zone géographique ;

–        il est fait référence au « Weinbrand » et non au « Weinbrand Regent ». Or, l’intervenante vend plusieurs références de brandy, de sorte que la chambre de recours en affirmant que « “ Weinbrand ” fai[sai]t évidemment référence au “ Regent brandy ” » a commis une erreur d’appréciation ;

–        il n’est pas possible de déterminer si l’expression « quantité minimale », employée dans la déclaration sous serment, fait référence au nombre de litres ou de bouteilles ;

–        les chiffres mentionnés dans la déclaration sous serment ne sont pas compatibles avec la quantité commandée ressortant des factures présentées par l’intervenante ;

–        l’affirmation selon laquelle les brochures « [étaient] distribué[e]s en tant que prospectus à emporter dans plus de 2 300 magasins de détail [de l’intervenante] en Allemagne » n’est pas suffisamment spécifique concernant les produits vendus et n’indique pas le nombre de magasins qui vendent les produits commercialisés sous la marque antérieure. De surcroît cette affirmation n’est pas corroborée.

32      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

33      En ce qui concerne la valeur probante des déclarations au sens de l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, selon une jurisprudence constante, il convient, pour apprécier la valeur probante d’un document, de vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Il faut tenir compte notamment de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, et de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 7 septembre 2022, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ad pepper the e-advertising network), T‑521/21, non publié, EU:T:2022:520, point 99 et jurisprudence citée].

34      De même, il résulte de la jurisprudence que, d’une part, il ne peut être attribué une valeur probante à une déclaration établie par l’un des employés de la partie concernée que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve et, d’autre part, le fait qu’une telle déclaration émane d’un salarié de la partie concernée ne saurait à lui seul la priver de toute valeur (voir arrêt du 7 septembre 2022, ad pepper the e-advertising network, T‑521/21, non publié, EU:T:2022:520, point 100 et jurisprudence citée).

35      En outre, le Tribunal a déjà jugé, en substance, que lorsque la chambre de recours examine si l’information contenue dans une déclaration sous serment émanant d’un cadre de la partie intéressée est corroborée par d’autres éléments de preuve, elle ne doit pas se limiter à examiner si ces autres éléments établissent, à eux seuls, sans ladite déclaration, l’usage sérieux de la marque en question. En procédant de telle manière, la chambre de recours ôterait toute valeur probante à une telle déclaration sous serment [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2022, Aldi Einkauf/EUIPO – Cantina sociale Tollo (ALDIANO), T‑429/21, non publié, EU:T:2022:601, point 60].

36      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que la déclaration sous serment de la directrice de la catégorie des boissons alcooliques de l’intervenante n’était pas le seul élément de preuve produit, mais était accompagnée et corroborée par des factures, des brochures promotionnelles, des images du produit sur le site Internet de l’intervenante et des photographies de rayons de magasin, auxquelles elle faisait référence.

37      En outre, la chambre de recours a rejeté les arguments avancés par la requérante qui sont en substance identiques à ceux soulevés devant le Tribunal.

38      Ainsi, premièrement, ladite chambre a indiqué que la déclaration sous serment faisait explicitement référence à la marque REGENT, la seule marque de l’intervenante pour le brandy et précisait que l’Allemagne était le territoire sur lequel l’intervenante exploitait 2 300 magasins de détail Aldi Nord. En outre, les indications « weinbrand » dans le tableau faisaient, selon elle, évidemment référence au Regent brandy. Deuxièmement, la chambre de recours a considéré que la déclaration sous serment faisait référence à des brochures promotionnelles montrant l’offre de Regent brandy au cours de la période de référence, ainsi qu’à des factures adressées à diverses succursales d’Aldi Nord en Allemagne. Troisièmement, elle a indiqué que l’expression « quantité minimale » faisait référence à des bouteilles et qu’il ressortait des factures que les bouteilles étaient indiquées par la mention « 0,70 L ». Quatrièmement, elle a précisé que les chiffres relatifs à la valeur annuelle des ventes étaient cohérents avec les factures soumises. Cinquièmement, elle a considéré qu’il ne faisait aucun doute que les prospectus contenant les mêmes offres avaient été distribués dans les magasins de détail Aldi Nord dans toute l’Allemagne.

39      D’une part, s’agissant de la force probante de ladite déclaration sous serment, il doit être relevé que, contrairement à ce que soutient l’intervenante, de telles déclarations doivent être corroborées, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus.

40      Or, en l’espèce, ainsi que l’a, à juste titre, relevé la chambre de recours, l’intervenante ne s’est pas limitée à la production de la déclaration sous serment de son employée, mais a également produit d’autres éléments de preuve auxquels ladite déclaration faisait référence (voir point 10 ci-dessus).

41      Par ailleurs, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante selon lesquels ladite déclaration n’émanait pas de la directrice juridique et n’était pas accompagnée d’une pièce d’identité. Dans la mesure où la requérante n’a pas expliqué en quoi ces circonstances étaient pertinentes, elles n’ont aucun effet sur la force probante de la déclaration sous serment produite par l’intervenante.

42      D’autre part, s’agissant des autres allégations de la requérante (voir point 31 ci-dessus), force est de relever qu’en l’espèce la requérante se limite à réitérer les mêmes arguments que devant la chambre de recours. Or, dans la mesure où les considérations de la chambre de recours, telles que reproduites au point 38 ci-dessus, sont exemptes d’erreur d’appréciation et que la requérante n’a pas avancé d’arguments permettant de remettre en cause ces considérations, les allégations de la requérante ne peuvent qu’être rejetées.

43      En particulier, l’affirmation selon laquelle l’intervenante « distribue[rait] de nombreu[ses] autres [marques de] brand[ies] » n’est aucunement étayée. En tout état de cause, quand bien même les informations contenues dans la déclaration sous serment quant au volume des ventes ne concerneraient pas uniquement le brandy portant la marque antérieure, les informations relatives à l’importance de l’usage sont notamment corroborées par les factures des fournisseurs soumises en tant que pièce no 4.

 Sur les autres éléments de preuve présentés par l’intervenante

44      La requérante conteste les appréciations de la chambre de recours sur les autres éléments de preuve produits par l’intervenante. Premièrement, elle soutient que les brochures contenant la représentation d’une bouteille Weinbrand Regent n’ont pas été présentées dans leur intégralité et qu’il n’est pas établi que ces brochures auraient été distribuées à des clients potentiels, ni dans quelle mesure elles l’auraient été. Ainsi, ces brochures pourraient tout au plus rendre probable ou crédible le fait que des produits protégés par la marque antérieure ont été commercialisés ou, au moins, offerts sur le territoire. En outre, selon elle, il ressortirait de la brochure datée de 2019 que l’expression « weinbrand regent » est utilisée pour la vente de chocolat fourré à la liqueur et non pour les produits relevant de la classe 33.

45      Deuxièmement, la requérante soutient que les photographies produites en tant que pièce no 3 ont été prises par une personne indéterminée à une date inconnue et comportent des commentaires rédigés en allemand, de sorte qu’elles sont insuffisantes et dénuées de pertinence en tant que preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure au cours de la période pertinente.

46      Troisièmement, la requérante fait valoir que les factures adressées aux sociétés de vente de l’intervenante en Allemagne ne constituent pas la preuve de ventes à des clients finaux sur le territoire pertinent. Selon elle, il n’existerait pas de preuve que ces produits ont été livrés et vendus par l’intervenante. La chambre de recours aurait ainsi considéré à tort qu’un tel usage constituait un usage public et tourné vers l’extérieur.

47      Quatrièmement, la requérante considère que l’extrait de la page d’accueil du site Internet de l’intervenante ne serait pas daté et ainsi ne constituerait pas une preuve d’usage suffisante durant la période pertinente.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

49      Premièrement, s’agissant des brochures promotionnelles, il convient de relever que la requérante ne conteste pas que des bouteilles de brandy portant la marque antérieure y apparaissent. Par ailleurs, étant donné que les pages produites par l’intervenante permettent d’identifier les dates de parution de ces brochures, la requérante n’explique pas en quoi la circonstance que seules quelques pages desdites brochures ont été produites aurait une incidence sur leur valeur probante.

50      De même, la requérante ne saurait reprocher à l’intervenante de n’avoir pas démontré que les brochures promotionnelles ont été distribuées à des clients potentiels ou de n’avoir pas soumis des indications relatives aux tirages desdites brochures. En effet, les brochures promotionnelles telles que produites par l’intervenante démontrent bien que les bouteilles de brandy sur lesquelles est apposée la marque antérieure ont été offertes à la vente sur le territoire pertinent en 2014 et en 2018.

51      En outre, il a déjà été jugé que les chaînes de supermarchés de commerce de détail distribuaient habituellement leurs magazines publicitaires à la fois dans leurs supermarchés et dans les boîtes aux lettres des clients potentiels aux alentours de leurs supermarchés (arrêt du 5 octobre 2022, ALDIANO, T‑429/21, non publié, EU:T:2022:601, point 71).

52      Quant à la pertinence du point 73 de l’arrêt du 28 mai 2020, Diesel/EUIPO – Sprinter megacentros del deporte (Représentation d’une ligne incurvée et coudée) (T‑615/18, non publié, EU:T:2020:223), invoqué par la requérante, il suffit de relever que dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt les publicités parues dans les différents magazines étaient les seuls éléments de preuve, appréciés par le Tribunal, corroborant les informations contenues dans la déclaration sous serment en ce qui concerne l’importance de l’usage de la marque concernée pour les chaussures relevant de la classe 25. Or, en l’espèce, l’intervenante a produit également d’autres éléments de preuve de nature à corroborer les informations contenues dans la déclaration sous serment, à savoir notamment les factures des fournisseurs adressées à ses sociétés de vente.

53      S’agissant de l’allégation selon laquelle, dans la brochure de 2019, la marque antérieure a été utilisée pour la vente du chocolat fourré à la liqueur, il suffit de relever que la chambre de recours n’a pas pris en compte cet élément de preuve. En effet, au point 88 de la décision attaquée, elle s’est uniquement fondée sur les brochures publiées en 2014 et en 2018 qui étaient également produites en tant que pièce no 2.

54      Deuxièmement, s’agissant des factures adressées aux sociétés de vente de l’intervenante, certes de telles factures ne sauraient démontrer, à elles seules, que les produits commandés ont effectivement été distribués aux consommateurs finaux (arrêt du 5 octobre 2022, ALDIANO, T‑429/21, non publié, EU:T:2022:601, point 75). Il n’en demeure pas moins que la chambre de recours ne s’est pas fondée uniquement sur elles afin de considérer que l’importance de l’usage sérieux de la marque antérieure a été démontrée. Pour fonder sa conclusion, outre lesdites factures, elle s’est appuyée notamment sur les brochures promotionnelles (pièce no 2) et les photographies des rayons d’un supermarché (pièce no 3) sur lesquelles la description et le code du produit correspondaient à ceux figurant sur les factures des fournisseurs.

55      En outre, s’agissant des factures des fournisseurs, d’une part, la chambre de recours a considéré que, dans le secteur de la vente au détail en supermarché, il était notoire qu’un produit sous marque de distributeur était couramment fabriqué par un fabricant tiers et vendu sous le nom de marque d’un détaillant dans le cadre d’une relation contractuelle. Dans une telle situation, le détaillant précise le produit, la manière dont il est emballé et l’étiquette, et paie pour qu’il soit produit et livré à ses magasins. D’autre part, la chambre de recours a relevé qu’il ressortait desdites factures que de nombreuses caisses de Regent brandy avaient été livrées.

56      Or, l’ensemble des informations prises en compte par la chambre de recours est de nature à corroborer le contenu de la déclaration sous serment relatif à l’importance de l’usage. L’ensemble de ces éléments de preuve démontre que l’usage qui était fait de la marque antérieure n’était pas symbolique, mais dans le but de conserver ou de créer des parts de marché.

57      Troisièmement, s’agissant des éléments de preuve non datés, tels que les photographies des rayons d’un supermarché (pièce no 3) et l’extrait du site Internet de l’intervenante (pièce no 5), il convient de rappeler que ces éléments, même à supposer qu’ils ne relèvent pas de la période pertinente, peuvent être pris en compte et évalués en combinaison avec les autres éléments, car ils peuvent apporter la preuve d’une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque [voir, en ce sens, arrêt du 8 avril 2016, Frinsa del Noroeste/EUIPO – Frisa Frigorífico Rio Doce (FRISA), T‑638/14, non publié, EU:T:2016:199, point 38 et jurisprudence citée].

58      À cet égard, la chambre de recours a, à juste titre, considéré que les éléments de preuve non datés étaient destinés à montrer la gamme de produits pour lesquels la marque antérieure avait été utilisée et la manière dont elle avait été apposée sur l’emballage de ces produits.

 Sur l’altération du caractère distinctif de la marque antérieure

59      La requérante fait valoir que l’élément « weinbrand » utilisé avec la marque antérieure sous la forme « Weinbrand Regent » altère le caractère distinctif de ladite marque du fait de sa position initiale. En outre, ce terme, composé de neuf lettres, serait significativement plus dominant et formerait une unité avec l’élément « regent ».

60      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

61      En vertu des dispositions combinées de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et de l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque de l’Union européenne, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 30 et jurisprudence citée].

62      En l’espèce, il ressort des éléments de preuve produits par l’intervenante, que les bouteilles de brandy portaient l’étiquette suivante :

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63      À cet égard, la chambre de recours a considéré, d’une part, que la légère stylisation du mot « regent » et l’utilisation de la couleur rouge n’altéraient pas le caractère distinctif de la marque verbale antérieure et, d’autre part, que le terme « weinbrand », signifiant « brandy » en allemand, était dépourvu de caractère distinctif pour les produits pour lesquels l’usage sérieux de la marque antérieure avait été démontré et, par conséquent, ne saurait non plus altérer le caractère distinctif de ladite marque. La chambre de recours est parvenue à la conclusion selon laquelle la marque antérieure avait été utilisée sous une forme qui n’altérait pas son caractère distinctif.

64      Il convient de rappeler que le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de ladite marque [voir arrêt du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 28 et jurisprudence citée].

65      Par ailleurs, le Tribunal a précisé que, pour que soit appliqué l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, il était nécessaire que les ajouts à la marque enregistrée n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée, notamment en raison de leur position accessoire dans le signe ou de leur faible caractère distinctif (voir arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 31 et jurisprudence citée).

66      Or, en l’espèce l’élément « weinbrand », précédant l’élément « regent » sur les étiquettes de bouteilles et signifiant brandy en allemand, est manifestement descriptif pour les produits en cause, de sorte qu’il est dépourvu de tout caractère distinctif, ainsi que l’avait, à juste titre, considéré la chambre de recours. La position et la taille de cet élément sont sans incidence sur son caractère distinctif. Ainsi, l’argument de la requérante est fondé sur une prémisse erronée.

67      Dès lors que les éléments de preuve produits par l’intervenante démontrent à suffisance de droit la nature et l’importance de l’usage de la marque antérieure pendant la période et sur le territoire pertinents, la chambre de recours a conclu, à juste titre, que l’usage sérieux de ladite marque était établi. En effet, la directrice des boissons alcooliques de l’intervenante, dans sa déclaration sous serment (pièce no 1), fait état des quantités minimales de vente et des montants correspondants pour les années 2017, 2018 et 2019. Les informations contenues dans cette déclaration sous serment sont corroborées par les autres éléments de preuve également mentionnés dans ladite déclaration. D’une part, les pièces nos 2, 3 et 5, correspondant à des extraits des brochures promotionnelles, à des photographies prises dans un magasin et à un extrait du site Internet de l’intervenante, démontrent que la marque antérieure figure, précédée de l’élément « weinbrand », sur les étiquettes apposées sur les bouteilles. Dans la mesure où le terme allemand « weinbrand » est descriptif pour les produits en cause, cet ajout n’altère pas le caractère distinctif de la marque antérieure. En outre, ces éléments démontrent notamment que la marque a été utilisée publiquement et vers l’extérieur. D’autre part, il ressort de la pièce no 4 que des quantités importantes de brandy ont été livrées à des succursales de l’intervenante en Allemagne au cours de la période pertinente.

68      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas violé l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 en considérant que l’intervenante avait démontré l’usage sérieux de la marque antérieure pour le brandy, de sorte que le présent moyen ne peut qu’être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

69      Dans le cadre de son second moyen, la requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion. En particulier, elle conteste le bien-fondé des appréciations de la chambre de recours relatives au niveau d’attention du public pertinent, à la comparaison des signes et à l’appréciation du risque de confusion.

70      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

71      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du même règlement, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

72      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

73      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

74      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent moyen.

 Sur le public pertinent et son niveau d’attention

75      La requérante ne conteste pas les considérations de la chambre de recours selon lesquelles le public pertinent est le grand public allemand. En revanche, elle considère que ladite chambre a commis une erreur d’appréciation en considérant que le niveau d’attention de ce public était moyen. Elle avance qu’il y a lieu de prendre en compte le niveau d’attention raisonnable du consommateur par rapport aux produits en cause.

76      L’EUIPO et l’intervenante contestent ces arguments.

77      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

78      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que tant le vin que le brandy étaient des produits de consommation courante, destinés au grand public allemand faisant preuve d’un niveau d’attention « raisonnable », tout en admettant que ces boissons pouvaient également s’adresser à un public faisant preuve d’un niveau d’attention accru.

79      À cet égard, il convient de rappeler, à l’instar de la chambre de recours, que, lorsque le public pertinent est composé de deux catégories de consommateurs ayant chacune un niveau d’attention différent, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération [voir arrêt du 30 janvier 2019, Bekat/EUIPO – Borbet (ARBET), T‑79/18, non publié, EU:T:2019:39, point 23 et jurisprudence citée].

80      Il s’ensuit que lorsque le public pertinent est, à la fois, composé d’un public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen et d’un autre dont le niveau d’attention est accru, il y a lieu de prendre en compte le premier, ainsi que l’a fait la chambre de recours en l’espèce. Par ailleurs, il convient de considérer que l’emploi, par la chambre de recours, du terme « raisonnable » signifie « moyen » en l’espèce, dans la mesure où celui-ci est opposé à un niveau d’attention accru.

81      Partant, les appréciations de la chambre de recours relatives à la définition du public pertinent et à son niveau d’attention sont exemptes d’erreur d’appréciation.

 Sur la comparaison des produits

82      La requérante soutient que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que les produits en cause, à savoir, d’une part, le vin et, d’autre part, le brandy étaient similaires à un faible degré.

83      L’intervenante, pour sa part, estime que, contrairement aux considérations de la chambre de recours, le vin et le brandy sont similaires dans une mesure normale, du fait de leur nature vineuse, de leurs canaux de distribution et leur destination identique. La différence de taux d’alcool entre ces deux produits ne saurait conduire à supposer qu’il n’existe qu’un faible degré de similitude entre ces produits.

84      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux [voir arrêt du 14 mai 2013, Sanco/OHMI – Marsalman (Représentation d’un poulet), T‑249/11, EU:T:2013:238, point 21 et jurisprudence citée].

85      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le vin et le brandy étaient faiblement similaires. Outre le fait que le brandy est une boisson spiritueuse obtenue à partir de la distillation du vin, elle a également relevé que les deux produits partageaient des canaux de distribution identiques, que même les magasins spécialisés en vins pouvaient proposer du brandy à leurs clients et que les deux boissons pouvaient être consommées à la même occasion : le vin pendant le repas et le brandy en tant que digestif.

86      Ces considérations de la chambre de recours sont exemptes d’erreur d’appréciation. En réponse à l’argument de l’intervenante, il convient de relever que la chambre de recours a conclu à un faible degré de similitude en l’espèce non seulement en raison de la différence de degré d’alcool desdites boissons, mais également en raison de leur méthode de production différente : distillation pour le brandy et fermentation pour le vin.

87      Il s’ensuit que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les produits en cause étaient similaires à un faible degré.

 Sur la comparaison des signes

88      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

89      En l’espèce, il y a lieu de comparer, d’une part, la marque verbale antérieure REGENT et, d’autre part, la marque figurative demandée, telle que reproduite au point 3 ci-dessus.

–       Sur les éléments dominants et distinctifs de la marque demandée

90      La requérante soutient que l’élément « regent » possède un caractère descriptif pour les vins et les spiritueux relevant de la classe 33. Ce terme ferait référence, selon elle, à une variété de raisin utilisée dans des régions allemandes et serait connu par le public pertinent allemand. Or, le raisin serait l’ingrédient principal du vin et du brandy. Elle fait également valoir qu’il s’agirait de la douzième variété la plus cultivée d’Allemagne et de la variété de raisin hybride la plus cultivée, et que le terme « regent » informerait immédiatement les consommateurs du fait que les produits visés sont des vins et des brandies élaborés à partir de raisins de variété Regent.

91      Par ailleurs, la requérante indique que le document sur lequel s’est fondée la chambre de recours pour soutenir que « [r]egent n’[était] pas immédiatement identifiable par la plupart des consommateurs » est daté de 2015 et que la citation en question contient la précision selon laquelle « nombre de viticulteurs connaissent bien ses nombreuses caractéristiques positives ». Ainsi, selon la requérante, le terme « regent » est désormais parfaitement identifiable par les consommateurs allemands en tant que cépage. Elle estime qu’une partie du public pertinent connaît ce terme et qu’il est raisonnable de considérer que le reste de ce public en aura connaissance à l’avenir. À cet égard, la requérante se réfère à la jurisprudence relative à l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 pour indiquer qu’un signe est descriptif si en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés.

92      En outre, la requérante soutient que l’élément verbal « bistro » comportant trois traits au-dessus de la lettre « o » est un mot fantaisiste évoquant le terme « bistro » et que cet élément, placé au début de la marque demandée, serait distinctif pour les vins. Par ailleurs, les éléments figuratifs de cette marque ne seraient pas non plus négligeables.

93      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

94      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits et les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêts du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35, et du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 51].

95      Un terme possédant une signification claire est considéré comme étant descriptif s’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 24 février 2016, Tayto Group/OHMI – MIP Metro (REAL HAND COOKED), T‑816/14, non publié, EU:T:2016:93, point 63 et jurisprudence citée].

96      Lorsque certains éléments d’une marque revêtent un caractère descriptif des produits et des services pour lesquels la marque est enregistrée ou des produits et services désignés par la demande d’enregistrement, ces éléments ne se voient reconnaître qu’un caractère distinctif faible, voire très faible. De ce fait, les éléments descriptifs d’une marque ne seront généralement pas considérés par le public comme étant dominants dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, sauf lorsque, en raison notamment de leur position ou de leur dimension, ils apparaissent comme susceptibles de s’imposer à la perception du public et d’être gardés en mémoire par celui-ci [voir arrêt du 22 juin 2010, CM Capital Markets/OHMI – Carbon Capital Markets (CARBON CAPITAL MARKETS Emissions Compliance Solutions & Carbon Finance), T‑490/08, EU:T:2010:250, point 39 et jurisprudence citée].

97      Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

98      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que l’élément le plus dominant et distinctif de la marque demandée était « régent » qui sera perçu de la même manière que dans la marque antérieure. En particulier, s’agissant de cet élément, elle a estimé que la signification première qui lui a été attribuée était « prince régnant, monarque, dirigeant couronné » et non la variété de raisin hybride cultivée dans les régions viticoles allemandes. Par ailleurs, la chambre de recours a considéré, en substance, que le public allemand ne percevra pas l’élément « régent » comme faisant référence à une période de l’histoire de France et ne discernera dans l’expression « bistro régent » aucune signification contradictoire. En outre, il ressort des éléments de preuve fournis par la requérante que « Regent n’est pas immédiatement identifiable par la plupart des consommateurs ».

99      Quant à l’élément « bistro », la chambre de recours a estimé qu’il désignait un petit restaurant, généralement simple et qu’il n’était pas particulièrement distinctif pour le vin, généralement servi avec de la nourriture. En outre, ladite chambre a rejeté l’argument de la requérante selon lequel ce terme serait perçu comme fantaisiste en raison de la présence de trois traits au-dessus de la lettre « o ». Selon elle, ces trois traits, ainsi que deux traits rassemblant à des guillemets doubles et le symbole « ® » seront perçus comme des éléments purement décoratifs.

100    À l’instar de la chambre de recours, il convient de considérer que l’élément « régent », compris dans la marque demandée, sera perçu comme une référence au terme « regent » dont la signification première en allemand est « prince régnant, monarque, dirigeant couronné ». Ce terme est distinctif pour les produits couverts par la marque demandée à savoir des vins.

101    S’agissant de la question de savoir si le grand public allemand pourrait percevoir cet élément comme une référence à une variété de raisin, la requérante ne l’a pas démontré à suffisance de droit. En effet, il ressort notamment des éléments de preuve sur lesquels s’appuie la requérante et dont la chambre de recours n’aurait pas, selon elle, pleinement tenu compte, que, « [b]ien que le Regent ne soit pas immédiatement reconnaissable pour la plupart des consommateurs, nombre de viticulteurs connaissent bien ses nombreuses caractéristiques positives ». Outre le fait, que cet extrait indique que la plupart des consommateurs ne connaissent pas la variété de raisin Regent, il y est précisé que ce sont des viticulteurs, c’est-à-dire, des professionnels qui la connaissent. Or, ainsi qu’il ressort du point 81 ci-dessus, c’est la perception du grand public qu’il faut prendre en compte pour apprécier l’existence d’un risque de confusion.

102    À cet égard, l’argument de la requérante selon lequel l’information sur laquelle s’était appuyée la chambre de recours datait de 2015 et avait plus de six ans, n’est pas pertinent, dès lors que le document en cause était soumis par la requérante. C’est précisément à elle qu’il incombait d’apporter les éléments de preuve qui, à son avis, seraient les plus aptes à étayer ses arguments.

103    Quant à l’invocation de la jurisprudence relative à l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, elle ne saurait être transposable en l’espèce. En effet, la circonstance selon laquelle un élément constituant une marque pourrait être perçu à l’avenir comme étant descriptif des produits couverts par cette marque, n’est pas suffisante pour considérer, dans une procédure d’opposition au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, qu’il est faiblement distinctif au moment de l’appréciation du risque de confusion.

104    En ce qui concerne l’élément « bistro », nonobstant la présence de trois petits traits sur la lettre « o », perçus comme une simple décoration, il sera aisément compris par le grand public allemand comme une référence à un « petit restaurant, généralement plus simple ». Ainsi que l’avait, à juste titre, considéré la chambre de recours, dans la mesure où les vins sont généralement servis avec de la nourriture, le terme « bistro » est faiblement distinctif pour les vins.

105    S’agissant des éléments figuratifs, présents dans la marque demandée, il convient de rappeler que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [arrêt du 14 juillet 2005, Wassen International/OHMI – Stroschein Gesundkost (SELENIUM-ACE), T‑312/03, EU:T:2005:289, point 37]. De surcroît, en l’espèce, les éléments figuratifs que comportent la marque demandée sont manifestement accessoires en raison de leur caractère décoratif. Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que ces éléments figuratifs n’étaient pas particulièrement distinctifs.

106    S’agissant de la détermination du caractère dominant de l’un des deux élements verbaux de la marque demandée, il convient de relever que l’élément verbal « régent » est, par sa taille, plus grand que l’élément verbal « bistro », de sorte que la chambre de recours a pu, à juste titre, considérer que le premier était dominant.

107    Au vu des considérations qui précèdent, l’élément le plus distinctif et dominant de la marque demandée est l’élément verbal « régent ».

–       Sur la comparaison des signes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel

108    Premièrement, s’agissant de la comparaison sur le plan visuel, la requérante soutient que les signes en cause sont différents. La marque demandée est, selon elle, considérablement plus longue et sa structure, sa ponctuation et son architecture sont très différentes de celles de la marque antérieure.

109    L’EUIPO et l’intervenante contestent, en substance, les arguments de la requérante.

110    En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les signes en cause présentaient un degré moyen de similitude visuelle. En particulier, elle a relevé que l’élément « régent » de la marque demandée ne différait de la marque antérieure que par l’accent aigu posé sur la lettre « e », que l’élément « bistro », même s’il était placé au début du signe, était de plus petite taille et faiblement distinctif et que les différences visuelles créées par la présence de ce dernier élément et les aspects figuratifs de la marque demandée ne suffisaient pas pour neutraliser la similitude visuelle créée par la coïncidence des éléments « regent » et « régent ».

111    Il convient de relever que l’élément le plus distinctif et dominant de la marque demandée, à savoir « régent » ne diffère de l’élément unique de la marque antérieure que par la présence d’un accent aigu. Certes, les signes en cause présentent d’autres différences, à savoir la présence, dans la marque demandée, de l’élément verbal « bistro » et des éléments figuratifs, ainsi que l’utilisation d’une police de caractères stylisée. Cependant, il doit être rappelé que l’élément « bistro », ainsi que les éléments figuratifs sont faiblement distinctifs (voir points 104 et 105 ci-dessus). Dans ces conditions, la chambre de recours a, à juste titre, considéré que le degré de similitude visuelle était moyen en l’espèce.

112    Deuxièmement, s’agissant de la comparaison phonétique, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que l’élément « bistro » ne serait pas prononcé dans la marque demandée. Elle estime que le public reconnaîtra l’accent aigu dans le terme « régent » et prononcera cet élément à la française. En conséquence, la prononciation des éléments « regent » et « régent » serait très différente.

113    L’EUIPO et l’intervenante contestent, en substance, les arguments de la requérante.

114    En l’espèce, la chambre de recours a considéré qu’il existait à tout le moins un degré de similitude supérieur à la moyenne en raison de la présence de l’élément commun « regent » dont l’accent aigu dans la marque demandée n’aurait aucun effet sur le plan phonétique, étant donné que la langue allemande ne comportait pas de tels accents. Quant à l’élément « bistro », ladite chambre a estimé qu’il pouvait ne pas être prononcé et que, en tout état de cause, son incidence n’était pas très élevée, en raison de son caractère distinctif très limité.

115    Il convient de relever que l’élément le plus distinctif et dominant de la marque demandée, à savoir « régent » ne diffère de la marque antérieure que par la présence de l’accent aigu sur la première lettre « e ». Contrairement à ce que soutient la requérante, cet accent ne modifiera pas la manière dont cet élément sera prononcé par le public pertinent, étant donné qu’un tel accent n’existe pas en allemand. En tout état de cause, même dans l’hypothèse, non avérée, où cet accent serait perçu par le public allemand, il est peu probable que l’élément « régent » soit prononcé « à la française » comme le soutient la requérante.

116    Quant à l’élément « bistro » de la marque demandée, certes la chambre de recours a relevé que celui-ci pouvait ne pas être prononcé en raison de la tendance du public à omettre des mots qui n’étaient pas particulièrement distinctifs. Toutefois, ladite chambre a également admis que cet élément pouvait être prononcé, mais que son incidence sur le plan phonétique n’était pas très élevée.

117    Or, ainsi qu’il ressort du point 104 ci-dessus, l’élément « bistro » est faiblement distinctif en l’espèce, de sorte que son impact sur la comparaison phonétique sera limité, ainsi que l’avait, à juste titre, considéré la chambre de recours.

118    Dans ces conditions, même dans l’hypothèse où l’élément « bistro » de la marque demandée serait prononcé, le degré de similitude phonétique des signes en cause serait supérieur à la moyenne, de sorte que la conclusion de la chambre de recours est, en tout état de cause, exempte d’erreur d’appréciation.

119    Troisièmement, s’agissant de la comparaison conceptuelle, la requérante fait valoir que la marque demandée a une signification substantiellement différente de celle de la marque antérieure. Elle soutient que la conjonction originale des idées du « bistro » et du « régent » est apparemment contradictoire et renvoie à un restaurant à la fois populaire et haut de gamme, mettant clairement l’accent sur la culture et l’histoire libérales françaises. Le consommateur allemand la percevrait comme une référence à un restaurant français très typique et authentique. Quant au terme « regent » pris isolément, il décrirait une variété de raisin.

120    L’EUIPO et la requérante contestent, en substance, les arguments de la requérante.

121    En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les signes présentaient à tout le moins un degré moyen de similitude en raison de la coïncidence de l’élément « régent », compris comme faisant référence, dans les deux signes, à un prince régnant, un monarque, un dirigeant couronné. Elle a rappelé que l’élément « bistro » était faiblement distinctif et, de ce fait, ne pouvait avoir un poids déterminant. Ladite chambre a également écarté l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée serait comprise comme faisant référence à un restaurant à la fois populaire et haut de gamme, mettant clairement l’accent sur la culture et l’histoire libérales françaises. À cet égard, elle a estimé qu’il était peu probable que le grand public allemand aient une connaissance approfondie de la culture et de l’histoire françaises pour percevoir la contradiction entre ces termes, suggérée par la requérante.

122    Ainsi qu’il a déjà été constaté, l’élément « régent » de la marque demandée sera compris comme une référence à un monarque ou un dirigeant couronné et non à une variété de raisin. Les mêmes considérations s’appliquent à la marque antérieure qui ne diffère dudit élément que par l’absence de l’accent aigu sur la première lettre « e ».

123    Quant à l’élément « bistro », présent dans la marque demandée, il a déjà été relevé qu’il sera perçu comme une référence à un petit restaurant. Toutefois, vu le caractère distinctif faible de cet élément pour les vins (voir point 104 ci-dessus), son impact sur la comparaison conceptuelle sera limité.

124    Dans ces conditions, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les signes en cause présentaient à tout le moins un degré moyen de similitude conceptuelle.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

125    Selon la requérante, la marque antérieure ne posséderait qu’un caractère distinctif faible et le terme « regent » informerait immédiatement les consommateurs du fait que les produits visés sont élaborés à partir de raisins de variété Regent. À l’appui de son argumentation, la requérante se réfère à certaines décisions de l’EUIPO et des juridictions nationales refusant l’enregistrement des signes consistant en des noms de cépages.

126    En outre, la requérante soutient que la chambre de recours a indiqué, à tort, que la variété de raisin spécifique n’était généralement pas indiquée sur une bouteille de brandy. Les éléments de preuve qu’elle a produits montrent, selon elle, l’utilisation du terme « regent » sur les étiquettes des produits relevant de la classe 33 et, en tout état de cause, l’étiquetage ne serait pas un critère à utiliser pour apprécier le caractère distinctif des signes en cause. Ladite chambre aurait également commis une erreur d’appréciation, au point 118 de la décision attaquée, en soutenant que le « brandy » était une boisson alcoolique qui pouvait être distillée à partir de vin et qui n’était pas produite par la fermentation de raisins comme le vin.

127    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

128    En l’espèce, la chambre de recours a considéré que la marque antérieure présentait un caractère distinctif intrinsèque normal en estimant que le consommateur allemand moyen ne comprendra pas le terme « regent » comme désignant un cépage. En particulier, elle a relevé que la variété de raisin spécifique n’était généralement pas indiquée sur une bouteille de brandy et que le dossier ne comportait aucun élément de preuve démontrant que le brandy était obtenu par la distillation de vin, lui-même élaboré à partir du raisin Regent.

129    Ces considérations de la chambre de recours sont exemptes d’erreur d’appréciation. En effet, ainsi qu’il ressort des points 100 et 101 ci-dessus, il n’est pas établi en l’espèce, que le grand public allemand percevra le terme « regent » comme une référence à une variété de raisin, mais bien comme une référence à un monarque ou à un dirigeant couronné. Par conséquent, le caractère distinctif de ce terme pour le brandy, produit pour lequel l’usage sérieux de la marque antérieure a été démontré, est normal.

130    Par ailleurs, même si, comme le fait valoir la requérante, le terme « regent » apparaît sur les étiquettes des bouteilles de vin et peut ainsi être perçu comme une référence au cépage utilisé pour la production de ce vin, signifiant qu’il est descriptif pour ce produit, cette circonstance n’implique pas pour autant que ledit élément serait descriptif ou faiblement distinctif à l’égard du brandy. En effet, ainsi que l’a considéré, à juste titre, la chambre de recours et sans que la requérante ne démontre le caractère erroné de cette constatation, les consommateurs de brandy, par opposition à ceux du vin, n’ont pas pour habitude de s’intéresser au cépage utilisé pour la production de cette boisson alcoolique.

131    S’agissant des décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, elles relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

132    En tout état de cause, les décisions auxquelles se réfère la requérante ne portent pas sur l’élément « regent ». En effet, ces décisions concernent les demandes d’enregistrement des signes comportant les noms de différents cépages que l’EUIPO a refusé en raison de leur caractère descriptif. Or, en l’espèce, il suffit de rappeler qu’il n’est pas établi que le public allemand percevra le terme « regent » comme une référence à un cépage.

133    C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était normal.

 Sur le risque de confusion

134    La requérante soutient qu’un risque de confusion ne saurait exister en l’espèce en raison du manque de similitude des signes, du faible degré de similitude des produits, du faible degré de caractère distinctif de la marque antérieure, ainsi que du niveau d’attention élevé du public pertinent. Elle fait également valoir que les juridictions françaises et l’Institut national de la propriété industrielle (INPI, France) ont conclu à l’absence de risque de confusion dans les affaires opposant les marques contenant l’élément « bistro regent » à celles composées du terme « regent ».

135    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

136    L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

137    En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au regard du faible degré de similitude des produits et, s’agissant des signes en cause, du degré moyen de similitude visuelle, du degré supérieur à la moyenne de similitude phonétique et du degré de similitude conceptuelle à tout le moins moyen, que les différences existant entre les marques n’étaient pas suffisantes pour exclure l’existence d’un risque de confusion. Elle a ajouté que le risque de confusion existait en l’espèce même dans l’hypothèse où le caractère distinctif de la marque antérieure serait faible.

138    Force est de constater que la position de la requérante selon laquelle il n’existerait pas de risque de confusion est notamment fondée sur l’argumentation selon laquelle les signes en cause ne seraient pas similaires, le degré de caractère distinctif de la marque antérieure serait faible et le niveau d’attention du public pertinent serait élevé. Or, ces prémisses sont erronées en l’espèce. En effet, ainsi qu’il ressort des considérations ci-dessus, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que le niveau d’attention du public pertinent à prendre en compte était moyen (voir point 81 ci-dessus), que les signes en cause présentaient un degré de similitude moyen sur le plan visuel, un degré de similitude supérieur à la moyenne sur le plan phonétique et un degré de similitude à tout le moins moyen sur le plan conceptuel (voir points 111, 118 et 124 ci-dessus) et que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était normal (voir point 133 ci-dessus). De même, les produits en cause sont faiblement similaires en l’espèce, ce qui n’est pas contesté par la requérante.

139    Dans ces conditions, la chambre de recours a conclu, à juste titre, à l’existence d’un risque de confusion en l’espèce.

140    Quant à l’argument de la requérante selon lequel l’INPI et des juridictions françaises ont conclu à l’absence de risque de confusion en ce qui concerne, d’une part, un signe verbal BISTRO REGENT et un signe figuratif consistant en un seul élément « regent » et, d’autre part, un signe figuratif similaire à la marque demandée et un signe verbal LE REGENT, il suffit de constater que leurs décisions portent sur la perception des marques en cause en France. Or, le public pertinent en l’espèce est le grand public allemand dont la perception n’est pas nécessairement identique à celle du public français. Partant, ainsi que l’avait considéré la chambre de recours, ces décisions ne sauraient être pertinentes en l’espèce.

141    De surcroît, il y a lieu de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est autonome et la légalité des décisions des chambres de recours s’apprécie uniquement sur la base du règlement 2017/1001, de sorte que l’EUIPO ou, sur recours, le Tribunal, ne sont pas tenus de parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations ou les juridictions nationales dans une situation similaire [voir arrêt du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 37 et jurisprudence citée].

142    Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter le deuxième moyen.

143    Aucun des moyens soulevés par la requérante n’étant fondé, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire de s’interroger sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante visant à demander au Tribunal d’autoriser l’enregistrement de la marque demandée.

 Sur les dépens

144    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

145    La requérante ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’intervenante.

146    En ce qui concerne les conclusions de l’EUIPO, ce dernier n’a conclu à ce que la requérante soit condamnée aux dépens que dans l’hypothèse où les parties seraient convoquées à une audience. Partant, le Tribunal ayant décidé de statuer sans phase orale de la procédure, il y a lieu de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Vanhove supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Aldi Einkauf SE & Co. OHG.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Costeira

Kancheva

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mai 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.