Language of document : ECLI:EU:T:2005:338

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

27 septembre 2005 (*)

« Union douanière − Opérations de transit communautaire externe − Viande à destination du Maroc − Fraude − Demande de remise de droits à l’importation − Article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 − Article 905 du règlement (CEE) n° 2454/93 − Clause d’équité − Existence d’une situation particulière − Absence de manœuvre et de négligence manifeste »

Dans l’affaire T-26/03,

GeoLogistics BV, anciennement LEP International BV, établie à Schiphol Rijk (Pays-Bas), représentée initialement par Mes H. de Bie et K. Schellaars, puis par Mes De Bie et A. Huizing, avocats, 


partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. X. Lewis, en qualité d’agent, assisté de Me  F. Tuytschaever, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme L. Fraguas Gadea et M. J. M Rodríguez Cárcamo, abogados del Estado, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision REM 08/00 de la Commission, du 7 octobre 2002, déclarant que la remise de droits à l’importation au  profit de la requérante faisant l’objet de la demande présentée par le Royaume des Pays-Bas n’est pas justifiée,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme I. Labucka, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 avril 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Règles relatives au transit communautaire externe

1       En vertu des articles 37, 91 et 92 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le «code des douanes»), des marchandises non communautaires introduites dans la Communauté qui, au lieu d’être immédiatement soumises aux droits à l’importation, sont placées sous le régime du transit communautaire externe, peuvent circuler, sous surveillance douanière, sur le territoire douanier communautaire, jusqu’à leur présentation au bureau des douanes de destination.

2       Le titulaire du régime du transit communautaire externe est défini par le code des douanes comme étant le « principal obligé ». À ce titre, il doit présenter les marchandises intactes au bureau des douanes de destination, dans le délai prescrit, et respecter les dispositions dudit régime (article 96 du code des douanes). Ces obligations prennent fin au moment de la présentation en douane des marchandises et du document correspondant au bureau de destination (article 92 du code des douanes).

3       Conformément à l’article 94 du code des douanes, le principal obligé est tenu de fournir une garantie en vue d’assurer le paiement de la dette douanière et des autres impositions susceptibles de naître à l’égard de la marchandise. L’article 191 du code des douanes précise, à cet égard, que, à la demande de l’intéressé, les autorités douanières permettent qu’une garantie globale soit constituée pour couvrir plusieurs opérations donnant lieu ou susceptibles de donner lieu à la naissance d’une dette douanière. Aux termes de l’article 198 du code des douanes, lorsque les autorités douanières constatent que la garantie fournie n’assure pas ou n’assure plus d’une manière certaine ou complète le paiement de la dette douanière dans les délais prévus, elles exigent de l’obligé, au choix de celui-ci, soit la fourniture d’une garantie complémentaire, soit le remplacement de la garantie initiale par une nouvelle garantie.

4       Selon les articles 341, 346, 348, 350, 356 et 358 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes (JO L 253, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement d’application »), les marchandises en cause doivent, tout d’abord, être présentées au bureau de douane de départ accompagnées d’une déclaration T 1. Le bureau de départ prescrit le délai dans lequel les marchandises doivent être présentées au bureau de destination, annote le document T 1 en conséquence, conserve l’exemplaire qui lui est destiné et remet les autres exemplaires du document T 1 au principal obligé. Le transport des marchandises s’effectue sous le couvert du document T 1. Après la présentation des marchandises, le bureau de destination annote les exemplaires du document T 1 qu’il reçoit, en fonction du contrôle effectué, et renvoie sans tarder un exemplaire de ce document au bureau de départ normalement par l’intermédiaire d’un organisme central.

5       L’article 203, paragraphe 1, du code des douanes prévoit que fait naître une dette douanière à l’importation la soustraction d’une marchandise passible de droits à l’importation à la surveillance douanière. En vertu du paragraphe 3 de cette disposition, figure parmi les débiteurs de cette dette notamment la personne qui doit exécuter les obligations qu’entraîne l’utilisation du régime douanier sous lequel cette marchandise a été placée.

6       Aux termes de l’article 217 du code des douanes, tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (« prise en compte »). L’article 220, paragraphe 1, du code des douanes établit que, lorsque le montant des droits résultant d’une dette douanière n’a pas été pris en compte conformément aux articles 218 et 219 dudit code, ou a été pris en compte à un niveau inférieur au montant légalement dû, la prise en compte du montant des droits à recouvrer ou restant à recouvrer doit avoir lieu dans un délai de deux jours à compter de la date à laquelle les autorités douanières se sont aperçues de cette situation et sont en mesure de calculer le montant légalement dû et de déterminer le débiteur. Ce délai peut être augmenté conformément à l’article 219, précité. Aux termes de l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes, le montant des droits doit être communiqué au débiteur selon des modalités appropriées dès qu’il a été pris en compte.

7       L’article 379, paragraphe 1, du règlement d’application établit que, lorsqu’un envoi n’a pas été présenté au bureau de destination et que le lieu de l’infraction ou de l’irrégularité ne peut être établi, le bureau de départ en donne notification au principal obligé dans les meilleurs délais et au plus tard avant l’expiration du onzième mois suivant la date de l’enregistrement de la déclaration de transit communautaire. Aux termes du paragraphe 2 de cette disposition, cette notification doit indiquer notamment le délai dans lequel la preuve de la régularité de l’opération de transit ou du lieu où l’infraction a été effectivement commise peut être apportée au bureau de départ. Ce délai est de trois mois à compter de la date de la notification.

 Règles relatives au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou à l’exportation

8       L’article 239 du code des douanes prévoit la possibilité d’un remboursement ou d’une remise des droits à l’importation ou à l’exportation dans des situations qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé.

9       L’article 239 du code des douanes a été précisé et développé par le règlement d’application, en particulier par ses articles 899 à 909. L’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application établit que, lorsque l’autorité douanière nationale, saisie d’une demande de remise de droits, n’est pas en mesure de prendre une décision sur la base de l’article 899 et que la demande est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé, l’État membre dont relève cette autorité transmet le cas à la Commission.

 Faits à l’origine du litige

 Opérations de transit communautaire externe en cause

10     Entre le 16 janvier et le 7 août 1995, la requérante, une entreprise établie aux Pays-Bas et antérieurement dénommée LEP International BV, a établi, en tant que commissionnaire en douane, quatorze documents de transit communautaire externe pour le transport de différents lots de viande (notamment viande de bœuf, ris de veau et volaille) vers le Maroc, en assumant la qualité de principal obligé pour ces opérations. Ces documents ont été émis pour le compte d’un seul commettant, la société Hector International, établie au Royaume-Uni. Il s’agit notamment des documents T 1 suivants :

–       n° 5100507, du 16 janvier 1995 ;

–       n° 5100508, du 16 janvier 1995 ;

–       nº 5102442, du 8 mars 1995 ;

–       nº 5102443, du 8 mars 1995 ;

–       nº 5104186, du 25 avril 1995 ;

–       nº 5104187, du 25 avril 1995 ;

–       nº 5104188, du 25 avril 1995 ;

–       nº 5105833, du 12 juin 1995 ;

–       nº 5105896, du 13 juin 1995 ;

–       nº 2501311, du 17 juin 1995 ;

–       nº 5106710, du 4 juillet 1995 ;

–       nº 5106874, du 7 juillet 1995 ;

–       nº 5107619, du 28 juillet 1995;

–       n° 5107922, du 7 août 1995.

11     À la suite de la réception d’un avis des autorités belges signalant des irrégularités concernant des cargaisons de ris de veau congelés, le Douane informatie Centrum (service de recherche douanière, ci-après le « DIC ») de Rotterdam (Pays-Bas) a ouvert une enquête, dans le cadre de laquelle il a sélectionné un certain nombre de déclarations pour un examen plus approfondi. Le 20 mars 1995, le DIC de Rotterdam a écrit aux autorités douanières espagnoles pour leur demander si le document douanier afférent à la déclaration T 1 n° 5100508, établie par la requérante le 16 janvier 1995, avait été présenté pour apurement . Par télécopie du 20 mars 1995, les autorités espagnoles ont répondu que ce document n’apparaissait pas dans les registres du bureau des douanes de Cadix (Espagne). Par télécopie du 23 mars 1995, ces dernières ont informé les autorités néerlandaises que le cachet figurant sur la déclaration en cause était une falsification du cachet utilisé par le bureau des douanes de Cadix et que la signature qui y était apposée n’était pas celle d’un des agents de ce bureau. Le 31 mars 1995, le DIC de Rotterdam a signalé cette irrégularité au Fiscale Inlichtingen en Opsporingsdienst (Service de renseignement et d’enquête en matière fiscale, ci-après le « FIOD ») de Haarlem. Le 18 avril 1995, le FIOD de Haarlem a confié le traitement de ce dossier au FIOD de Rotterdam.

12     Le 16 mai 1995, dans le cadre d’un contrôle d’échantillons, le bureau des douanes de Kerkrade (Heerlen, Pays-Bas) a envoyé aux autorités douanières de Cadix deux demandes de contrôle a posteriori concernant les documents T 1 nº 5102442 et nº 5102443, émis par la requérante le 8 mars 1995. Le 29 juin 1995, les autorités espagnoles ont fait savoir aux autorités néerlandaises que les documents douaniers n’avaient pas été présentés au bureau de l’autorité compétente, que les deux cachets étaient falsifiés et que les signatures n’étaient pas celles d’un fonctionnaire du bureau de l’autorité compétente. Le 11 juillet 1995, le bureau des douanes de Kerkrade en a informé le FIOD de Rotterdam.

13     Le 12 juin 1995, le bureau des douanes de Kerkrade, à l’occasion d’un nouveau contrôle, a adressé aux autorités douanières de Cadix deux demandes de contrôle a posteriori portant sur les documents douaniers T 1 nº 5104187 et nº 5104188, émis par la requérante le 25 avril 1995. Le 10 juillet 1995, les autorités espagnoles ont informé les autorités néerlandaises que les documents douaniers n’avaient pas été présentés au bureau de l’autorité compétente et que les cachets et les signatures étaient faux. Le 19 juillet 1995, le bureau des douanes de Kerkrade a transmis ces constatations au FIOD de Rotterdam.

14     Le 9 août 1995, l’administration fiscale néerlandaise a contacté la requérante au sujet des déclarations apurées de manière irrégulière. Le 14 août 1995, les autorités néerlandaises ont effectué une enquête dans les bureaux de la requérante et ont emporté les dossiers concernant les déclarations de transit communautaire externe établies pour le compte d’Hector International.

15     L’enquête des autorités douanières néerlandaises a révélé que quatorze déclarations douanières émises par la requérante n’avaient pas été correctement apurées, les marchandises ayant été soustraites à la surveillance douanière. Les douanes néerlandaises ont donc constaté, conformément à l’article 203 du code des douanes, la naissance d’une dette douanière dans le chef de la requérante, eu égard à sa qualité de principal obligé du régime de transit communautaire externe dans les opérations en cause. Entre les mois de janvier et d'avril 1996, les autorités néerlandaises ont envoyé à la requérante les avis de recouvrement respectifs des droits à l’importation dont elle était redevable. Par la suite, l’administration fiscale néerlandaise a annulé les avis de recouvrement correspondant aux déclarations de la requérante portant sur deux cargaisons de viande qui avaient été détruites par le feu en Espagne (T 1 nº 5107619 du 28 juillet et T 1 n° 5107922 du 7 août 1995).

 Procédure administrative concernant la demande de remise de droits à l’importation

16     Le 21 août 1996, la requérante a introduit une demande de remise de droits à l’importation auprès des autorités douanières néerlandaises.

17     Le 23 mars 2000, les autorités néerlandaises ont soumis à la Commission une demande de remise de droits à l’importation au profit de la requérante.

18     Le 24 mai 2000, la Commission a adressé une première demande d’éléments d’information complémentaires aux autorités néerlandaises, par laquelle elle demandait à être informée du montant exact de la remise sollicitée. Par lettre du 16 juin 2000, les autorités néerlandaises ont indiqué que la demande de remise de la requérante ne concernait que les déclarations établies après le 23 mars 1995, date à laquelle les autorités douanières espagnoles ont signalé pour la première fois à leurs homologues néerlandais l’existence d’irrégularités qui affectaient une déclaration de la requérante. La demande de remise portait, en particulier, sur un montant total de 925 706,20 florins néerlandais (NLG), soit 420 067,16 euros.

19     Le 4 juillet 2000, la Commission a envoyé une deuxième demande d’éléments d’information complémentaires aux autorités néerlandaises. Cette demande concernait les échanges d’informations entres les autorités néerlandaises et espagnoles, et notamment la télécopie du 23 mars 1995 adressée par ces dernières aux autorités douanières néerlandaises. Celles-ci ont répondu à la Commission par courrier du 28 juillet 2000.

20     Le 24 novembre 2000, la Commission a formulé une troisième demande d’éléments d’information complémentaires, relative notamment au déroulement des investigations des autorités douanières sur les déclarations apurées irrégulièrement, au rôle joué par la requérante dans les opérations litigieuses et aux critères utilisés par les autorités néerlandaises pour conclure à l’absence de négligence manifeste de la part de celle-ci. Les autorités néerlandaises ont répondu par lettre du 8 août 2001, à laquelle était annexé le procès-verbal d’un rapport du FIOD de Rotterdam du 2 septembre 1996.

21     Par lettre du 11 octobre 2001, la Commission a informé la requérante qu’elle envisageait de prendre une décision défavorable à la demande de remise de droits à l’importation, en lui précisant ses objections à l’encontre de celle-ci et en l’invitant à formuler des observations dans un délai d’un mois.

22     Par lettre du 9 novembre 2001, la requérante a pris position sur les objections formulées par la Commission. La requérante a notamment attiré l’attention de la Commission sur le fait que la fraude aurait été rendue possible par le comportement d’un ou de plusieurs douaniers espagnols ou par des manquements des autorités douanières espagnoles à la réglementation douanière.

23     À la suite des allégations de la requérante, le 22 novembre 2001, la Commission a adressé une nouvelle demande d’éléments d’information complémentaires aux autorités néerlandaises. Cette quatrième demande concernait essentiellement la prétendue participation à la fraude d’agents des douanes espagnoles. La Commission a également demandé de plus amples informations sur les éléments qui avaient amené les autorités néerlandaises à conclure à l’absence de négligence de la part de la requérante. Par lettre du 2 août 2002, les autorités néerlandaises ont répondu à la quatrième demande d’éléments d’information complémentaires de la Commission.

24     Le 7 octobre 2002, la Commission a adopté la décision REM 08/00 constatant que la remise des droits à l’importation n’était pas justifiée en l’espèce (ci-après la « décision attaquée »).

25     Dans la décision attaquée, la Commission considère, en premier lieu, qu’il n’y a pas en l’occurrence de situation particulière au sens de l’article 239 du code des douanes. En deuxième lieu, la Commission affirme que la requérante a fait preuve d’une négligence manifeste, notamment parce que, bien qu’elle soit un opérateur expérimenté, censé connaître la réglementation douanière et les risques commerciaux inhérents à son activité, elle n’a pas pris toutes les dispositions nécessaires pour se prémunir contre ces risques, en surveillant par exemple les intervenants et en contractant les assurances appropriées.

26     Par lettre du 10 décembre 2002, les autorités néerlandaises ont notifié à la requérante que la demande de remise avait été rejetée.

 Procédure et conclusions des parties

27     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 janvier 2003, la requérante a introduit le présent recours. Par lettre du 31 janvier 2003, elle a complété et régularisé sa requête.

28     Le 30 avril 2003, le Royaume d’Espagne a introduit une demande d’intervention au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 5 juin 2003, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention du Royaume d’Espagne. Le 23 juillet 2003, le Royaume d’Espagne a présenté un mémoire en intervention.

29     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission à produire certains documents. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

30     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 12 avril 2005.

31     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner la Commission aux dépens.

32     La Commission et le Royaume d'Espagne, intervenant à son soutien, concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 En droit

33     La requérante invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique, tiré d’erreurs d’appréciation et d’une violation de l’obligation de motivation. Ce moyen est divisé en deux branches. La première branche est tirée de l’existence d’une situation particulière au sens de l’article 239 du code des douanes et de l’article 905 du règlement d’application. La seconde branche est tirée de l’absence de manœuvre et de négligence manifeste au sens de ces dispositions.

34     À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 239 du code des douanes prévoit la possibilité d’un remboursement total ou partiel des droits à l’importation ou à l’exportation acquittés, ou d’une remise d’un montant de dette douanière. La règle contenue à cette disposition a été précisée par l’article 905 du règlement d’application, lequel constitue une clause générale d’équité, destinée, notamment, à couvrir des situations exceptionnelles qui, en soi, ne relèvent pas de l’un des cas de figure prévus aux articles 900 à 904 du règlement d’application (arrêt de la Cour du 25 février 1999, Trans‑Ex‑Import, C‑86/97, Rec. p. I‑1041, point 18).

35     Il ressort du libellé dudit article 905 que le remboursement des droits à l’importation est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir, premièrement, l’existence d’une situation particulière et, deuxièmement, l’absence de négligence manifeste et de manœuvre de la part de l’intéressé (arrêt du Tribunal du 12 février 2004, Aslantrans/Commission, T‑282/01, non encore publié au Recueil, point 53).

 Sur la première branche du moyen, tirée de l’existence d’une situation particulière

 Introduction

–       Arguments des parties

36     La requérante soutient que c’est à tort que la Commission a conclu qu’il n’existait pas de situation particulière en l’espèce. En particulier, les circonstances suivantes seraient constitutives  d’une situation particulière : en premier lieu, les manquements et négligences commis par les autorités néerlandaises dans la découverte de la fraude et leur retard à informer la requérante des irrégularités concernant les documents douaniers émis par celle-ci, dont elles avaient pourtant connaissance à un stade précoce ; en deuxième lieu, la possible implication d’un fonctionnaire des douanes espagnoles dans la fraude ainsi que les manquements de ces dernières à la réglementation douanière communautaire, et, en troisième lieu, les manquements commis par la Commission à ses obligations en matière douanière.

37     La Commission soutient qu’il n’y a pas de situation particulière au sens de la réglementation douanière. L’une des deux conditions cumulatives prévues par l’article 239 du code des douanes n’étant donc pas remplie, cela suffirait à motiver le rejet de la demande de remise de droits à l’importation.

38     Le Royaume d’Espagne estime qu’il n’existe pas en l’espèce de situation particulière justifiant la remise de droits à l’importation et fait notamment remarquer qu’aucun élément de preuve ni argument ne permet d’établir la participation de fonctionnaires espagnols aux opérations frauduleuses visées par la décision attaquée.

–       Appréciation du Tribunal

39     Il convient de rappeler d’emblée que, selon une jurisprudence constante, des circonstances de nature à constituer une situation particulière au sens de l’article 905 du règlement d’application existent lorsque, à la lumière de la finalité d’équité qui sous-tend l’article 239 du code des douanes, des éléments susceptibles de mettre le demandeur dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs économiques exerçant la même activité sont constatés (arrêts de la Cour Trans-Ex-Import, précité, point 22, et du 27 septembre 2001, Bacardi, C‑253/99, Rec. p. I‑6493, point 56 ; arrêt Aslantrans/Commission, précité, point 56). En effet, la clause d’équité prévue par la réglementation douanière communautaire est destinée à être appliquée lorsque les circonstances qui caractérisent le rapport entre l’opérateur économique et l’administration sont telles qu’il ne serait pas équitable d’imposer à cet opérateur un préjudice que, normalement, il n’aurait pas subi (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 26 mars 1987, Coopérative agricole d’approvisionnement des Avirons, 58/86, Rec. p. 1525, point 22, et du 29 avril 2004, British American Tobacco, C‑222/01, non encore publié au Recueil, point 63).

40     Afin de déterminer si les circonstances de l’espèce sont constitutives d’une situation particulière, la Commission doit apprécier l’ensemble des données de fait pertinentes (voir, par analogie, arrêts du Tribunal du 9 novembre 1995, France-aviation/Commission, T‑346/94, Rec. p. II‑2841, point 34, et du 11 juillet 2002, Hyper/Commission, T‑205/99, Rec. p. II‑3141, point 93). Or, si la Commission jouit d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application d’une clause d’équité, elle est tenue d’exercer ce pouvoir en mettant réellement en balance, d’une part, l’intérêt de la Communauté à s’assurer du respect des dispositions douanières et, d’autre part, l’intérêt de l’opérateur de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial ordinaire (voir, par analogie, arrêt Hyper/Commission, précité, point 95).

41     C’est au vu de ces principes qu’il y a lieu d’examiner si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, que les circonstances invoquées par la requérante n’étaient pas constitutives d’une situation particulière.

 En ce qui concerne les prétendues négligences des autorités néerlandaises dans la découverte de la fraude et leur retard à informer la requérante des irrégularités concernant les documents douaniers émis par celle-ci

–       Arguments des parties

42     La requérante relève que, bien que la fraude constitue un risque normal que les opérateurs doivent supporter, le fait que les autorités nationales, dans l’intérêt de l’enquête, ont délibérément laissé se commettre des infractions et des irrégularités, faisant ainsi naître une dette douanière à la charge du principal obligé, a placé ce dernier dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité (arrêt de la Cour du 7 septembre 1999, De Haan, C‑61/98, Rec. p. I‑5003, point 56).

43     La requérante fait remarquer que, le 23 mars 1995, les autorités espagnoles ont indiqué au DIC de Rotterdam que les cachets figurant sur l’un de ses documents T 1 étaient faux. Le 31 mars 1995, le DIC de Rotterdam aurait signalé cette irrégularité au FIOD de Haarlem, qui aurait ouvert une enquête. Des lors, les autorités néerlandaises auraient eu connaissance, dès le mois de mars 1995, de l’existence d’une fraude affectant la requérante. La requérante relève que les autorités néerlandaises ont toutefois omis de l’informer de cette fraude pendant cinq mois. Elle estime à cet égard qu’il est pratiquement impossible que les autorités douanières n’aient pas délibérément décidé de ne l’informer qu’à un stade ultérieur. Les autorités douanières et le DIC de Rotterdam faisant tous deux partie de l’administration fiscale néerlandaise, cette dernière ne pourrait pas soutenir que des instances différentes étaient chargées de l’enquête sur la fraude pour justifier le retard pris dans l’information de la requérante.

44     Dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait que les autorités néerlandaises n’ont pas délibérément laissé se commettre une fraude, la requérante soutient que celles-ci ont commis une négligence du fait notamment de ne pas l’avoir informée immédiatement des manœuvres frauduleuses dont elles avaient connaissance. Elle fait également valoir que les autorités néerlandaises n’ont pas été suffisamment diligentes à l’occasion de leurs enquêtes concernant les irrégularités en cause.

45     La requérante considère que la rétention de cette information par les autorités douanières ne peut être justifiée par l’argument selon lequel il fallait d’abord établir un lien avec d’autres documents. La requérante soutient que, en mars 1995, ces autorités pouvaient déjà établir le lien entre les documents T 1 établis au nom d’Hector International et les faux cachets. S’il est vrai que les déclarations en cause portaient sur des produits différents, il n’en resterait pas moins qu’il s’agissait dans tous les cas d’opérations de transport de viande et que ces déclarations mentionnaient toujours les mêmes déclarant, destinataire, transporteur et bureaux de douanes d’émission et de destination. La négligence de ces autorités dans l’identification et le rapprochement des informations pertinentes et la longue durée de leur enquête auraient eu pour conséquence que la requérante, laquelle n’aurait pas été avertie des irrégularités et aurait donc continué à émettre des documents T 1, se serait vue infliger inutilement une dette douanière. Or, l’intéressé ne devrait pas subir le dommage résultant d’une réaction incorrecte, négligente et tardive des autorités douanières.

46     La requérante fait également observer que, conformément à l’article 379, paragraphe 1, du règlement d’application, les autorités douanières doivent signaler au déclarant dans les meilleurs délais la présence d’une irrégularité. Même en l’absence de certitude absolue sur l’existence d’une fraude, de simples soupçons des autorités douanières devraient les amener à avertir l’intéressé.

47     Au demeurant, la requérante relève que, d’après l’article 94 du code des douanes, elle était tenue, en tant que déclarant en douane, de fournir une garantie pour les documents T 1 délivrés. Ainsi, elle aurait constitué une garantie globale pour couvrir les opérations successives, conformément à l’article 191 du code des douanes. Elle fait valoir que, les autorités douanières ayant constaté que le document T 1 nº 5100508 du 16 janvier 1995 ne devait pas être considéré comme apuré, il était évident qu’elle se verrait imposer des droits, qui devraient être acquittés avec la garantie constituée. Les autorités douanières n’auraient cependant pas procédé dans un bref délai à l’enregistrement et au recouvrement des droits, contrairement à ce que prévoiraient l’article 220, premier alinéa, et l’article 221, premier alinéa, du code des douanes. De ce fait, la garantie de la requérante n’aurait plus été suffisante à la fin du mois de mars 1995. Partant, la requérante n’aurait pas dû être en mesure de délivrer de documents T 1 après cette date, tant que la garantie n’avait pas été complétée conformément à l’article 198 du code des douanes. Ce manquement des autorités néerlandaises à la réglementation douanière communautaire aurait engendré un préjudice grave pour la requérante.

48     La requérante conclut qu’elle aurait pu éviter la naissance de la dette douanière ultérieure si les autorités néerlandaises l’avaient informée de la possibilité de l’existence d’une fraude. En intervenant, à tort, trop tard, les autorités néerlandaises auraient créé une situation particulière à la suite de laquelle la requérante se serait trouvée dans une position plus défavorable que celle des autres opérateurs économiques (arrêt du Tribunal du 7 juin 2001, Spedition Wilhelm Rotermund/Commission, T‑330/99, Rec. p. II‑1619).

49     La Commission relève que, en l’occurrence, les autorités néerlandaises n’étaient pas au courant de la fraude et n’ont pas sciemment laissé se commettre des infractions et des irrégularités dans l’intérêt de l’enquête, contrairement à la situation existante dans l’affaire ayant donné lieu à l'arrêt De Haan. En effet, tel qu’il ressortirait tant de la demande de remise des autorités néerlandaises que de la lettre du 24 septembre 1998 du département des contributions du district douanier de Rotterdam portant rejet de la réclamation de la requérante, ce ne serait que le 24 juillet 1995 que le FIOD a établi un lien entre les différentes irrégularités révélées par diverses enquêtes initialement distinctes.

50     La Commission relève également que les autorités néerlandaises n’ont pas inutilement tardé à établir un lien entre les informations disponibles et à en informer la requérante. Ainsi, le temps qui s’est écoulé depuis la réception aux Pays-Bas de l’avis concernant le premier document irrégulièrement apuré était absolument nécessaire pour établir le lien avec les irrégularités constatées sur quatre autres documents et pour déterminer la nature et l’ampleur de ces irrégularités, ce qui aurait été confirmé par les autorités fiscales néerlandaises dans leur décision de rejet de la réclamation de la requérante. Pendant le déroulement de cette enquête, les divers services concernés de l’administration néerlandaise auraient travaillé avec zèle.

51     La Commission fait également valoir que les autorités nationales ne sont pas légalement tenues d’informer immédiatement un déclarant lorsqu’elles constatent des irrégularités dans le cadre d’une procédure de transit communautaire et fait observer qu’une telle obligation exclurait a priori toute enquête sur l’éventuelle participation dudit déclarant aux irrégularités. À cet égard, la Commission fait valoir qu’il ne serait pas opportun d’étendre le bénéfice de la jurisprudence De Haan à la présente affaire, une telle décision allant à l’encontre de l’interprétation stricte qui doit prévaloir dans le cas des dispositions prévoyant une remise de droits à l’importation et à l’exportation (arrêt de la Cour du 11 novembre 1999, Söhl & Söhlke, C‑48/98, Rec. p. I‑7877).

52     S’agissant des arguments de la requérante concernant la violation par les autorités néerlandaises, d’une part, de l’article 379, paragraphe 1, du règlement d’application et, d’autre part, des articles 220, paragraphe 1, et 221, paragraphe 1, du code des douanes, la Commission soutient qu’il s’agit de moyens nouveaux, invoqués par la requérante pour la première fois au stade de la réplique et qui ne sont pas fondés sur des éléments révélés pendant la procédure. Par conséquent, la Commission demande au Tribunal de les déclarer irrecevables. À titre subsidiaire, la Commission fait remarquer qu’il ressort du libellé de l’article 379, paragraphe 1, du règlement d’application que c’était au plus tard avant l’expiration du onzième mois suivant la date de l’enregistrement de la déclaration de transit communautaire que les autorités néerlandaises devaient informer le déclarant. S’agissant de la prétendue violation des articles 220 et 221 du code des douanes, la Commission relève que, dès que les autorités néerlandaises ont établi l’existence d’un schéma frauduleux, elles ont rapidement informé la requérante et ont procédé, conformément à la réglementation applicable, à la prise en compte, à la notification et au recouvrement du montant de la dette douanière ainsi constatée.

–       Appréciation du Tribunal

53     À titre liminaire, le Tribunal considère que l’argument de la Commission selon lequel la requérante aurait invoqué pour la première fois au stade de la réplique deux moyens nouveaux, tirés de la violation par les autorités néerlandaises, respectivement, de l’article 379, paragraphe 1, du règlement d’application et des articles 220, paragraphe 1, et 221, paragraphe 1, du code des douanes, ne saurait être accueilli. En effet, il y a lieu de constater que, par ces arguments, la requérante ne fait que préciser et développer le grief tiré du prétendu retard des autorités néerlandaises à l’informer de l’existence d’irrégularités concernant l’apurement de ses déclarations douanières. Or, il convient de noter que ce grief figure bien dans la requête introductive d’instance (voir, notamment, point 24 et points 34 à 40 de la requête).

54     Sur le fond, il y a lieu de relever que les besoins d’une enquête destinée à identifier et à appréhender les auteurs ou complices d’une fraude perpétrée ou en préparation peuvent légitimement justifier l’omission délibérée d’informer, en tout ou en partie, le principal obligé des éléments de l’enquête, alors même que ce dernier ne serait nullement impliqué dans la perpétration des actes frauduleux (arrêt De Haan, précité, point 32). Les autorités nationales peuvent donc légitimement laisser délibérément se commettre des infractions ou irrégularités pour mieux démanteler un réseau, identifier des fraudeurs et établir ou conforter des éléments de preuve. Cependant, la mise à la charge du redevable d’une dette douanière découlant de ces choix liés à la poursuite des infractions serait de nature à heurter la finalité de la clause d’équité qui sous-tend l’article 905 du règlement d’application, en ce que le redevable se trouverait ainsi placé dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité. Dès lors, l’omission d’avertir le redevable, pour les besoins d’une enquête diligentée par les autorités douanières ou policières, du déroulement de celle-ci est, en l’absence de toute manœuvre et de négligence imputables au redevable, constitutive d’une situation particulière (arrêts De Haan, précité, point 53, et British American Tobacco, précité, point 64 ; arrêt du Tribunal du 14 décembre 2004, Nordspedizionieri di Danielis Livio e.a./Commission, T‑332/02, non encore publié au Recueil, point 51).

55     En l’espèce, ainsi qu’il ressort du rapport du FIOD de Rotterdam du 2 septembre 1996, la fraude affectant les déclarations émises par la requérante a été découverte à l’occasion de trois démarches indépendantes de différents services des autorités néerlandaises. La première irrégularité a été décelée les 20 et 23 mars 1995 par le DIC de Rotterdam, dans le cadre d’une enquête concernant des opérations de transport de ris de veau (voir point 11 ci-dessus). La deuxième a été détectée le 29 juin 1995 par le bureau des douanes de Kerkrade, à l’occasion d’un contrôle d’échantillons (voir point 12 ci-dessus). La troisième a été découverte le 10 juillet 1995 par le bureau de douanes de Kerkrade, à la suite de la constatation que, dans deux déclarations douanières, les rubriques « Contrôle par le bureau de destination » n’avaient pas été entièrement complétées (voir point 13 ci-dessus). Ces deux dernières irrégularités, en outre, concernaient des produits carnés différents des ris de veau, à savoir de la viande de bœuf et de volaille. Il convient de noter également que le FIOD de Rotterdam n’a établi de lien entre ces trois affaires que le 24 juillet 1995. Partant, il y a lieu de conclure que, en l’espèce, les autorités douanières néerlandaises n’ont pas sciemment laissé se commettre des infractions aux fins d’identifier et d’appréhender les auteurs ou complices des fraudes perpétrées.

56     En tout état de cause, il y a lieu de constater que, le 23 mars 1995, les autorités douanières néerlandaises étaient déjà au courant d’un cas de fraude affectant une opération de transit communautaire externe dont la déclaration avait été établie par la requérante et pour laquelle celle-ci avait la qualité de principal obligé aux fins du régime de transit. Cependant, les autorités néerlandaises n’ont informé la requérante que le 9 août 1995, soit quatre mois et demi plus tard.

57     Or, il importe de noter que l’article 379, paragraphe 1, du règlement d’application établit que lorsque, comme en l’occurrence, un envoi n’a pas été présenté au bureau de destination et que le lieu de l’infraction ou de l’irrégularité ne peut être établi, le bureau de départ en informe le principal obligé « dans les meilleurs délais ». Si cette disposition ne fixe donc pas un délai déterminé pour informer le principal obligé, se limitant à prévoir que cette notification doit avoir lieu au plus tard avant l’expiration du onzième mois suivant la date de l’enregistrement de la déclaration de transit communautaire, elle impose tout de même une obligation de diligence aux autorités nationales dans l’information au principal obligé.

58     En effet, cette communication à l’intéressé de l’absence d’apurement de l’opération douanière a plusieurs finalités. Premièrement, conformément à l’article 379, paragraphe 2, du règlement d’application, cette notification doit indiquer notamment le délai de trois mois dans lequel l’intéressé peut apporter au bureau de départ la preuve de la régularité de l’opération de transit ou du lieu où l’infraction a été effectivement commise. Ainsi, la notification dudit délai au principal obligé constitue un préalable au recouvrement de la dette douanière par les autorités douanières et tend à protéger les intérêts de celui-ci (arrêt de la Cour du 20 janvier 2005, Honeywell Aerospace, C‑300/03, non encore publié au Recueil, points 23 et 24). Deuxièmement, cette communication permet à l’opérateur de bonne foi de découvrir qu’une expédition a été détournée et donc de prendre les mesures nécessaires pour éviter la naissance d’une dette douanière du fait d’expéditions similaires subséquentes. Troisièmement, la connaissance de cette irrégularité permet éventuellement au principal obligé de compléter la garantie fournie aux autorités douanières aux fins d’assurer le paiement de la dette douanière, conformément à l’article 198 du code des douanes.

59     Or, il convient de relever que le fait de ne pas communiquer immédiatement à l’intéressé la découverte d’une fraude le concernant et de procéder au préalable à des enquêtes à son égard ne constitue pas un comportement négligent des autorités douanières. En effet, de la même façon que ces autorités peuvent légitimement laisser se commettre des infractions pour mieux démanteler un réseau, identifier des fraudeurs et établir ou conforter des éléments de preuve (arrêt De Haan, précité, point 53), elles peuvent légitimement entamer des enquêtes sur les irrégularités découvertes dans le cadre d’une opération de transit communautaire sans en informer au préalable le principal obligé, aux fins notamment de déterminer la nature et l’ampleur des irrégularités identifiées et d’apprécier la responsabilité des divers opérateurs participant à l’opération en cause, y compris le principal obligé lui-même. La communication préalable aux intervenants dans l’opération douanière en cause de l’existence d’une fraude pourrait effectivement porter préjudice à l’enquête et compliquer la réunion des éléments de preuve pertinents.

60     Cependant, ainsi que la Cour l’a relevé dans l’arrêt De Haan, précité, si l’exercice par les autorités douanières ou policières de leurs pouvoirs d’investigation est légitime, les besoins d’une enquête diligentée par ces autorités sont, en l’absence de toute manœuvre et de négligence imputables au redevable et alors que ce dernier n’a pas été informé du déroulement de l’enquête, constitutifs d’une situation particulière (arrêt De Haan, précité, point 53). En effet, ainsi que la Commission l’a reconnu lors de l’audience, le fait de ne pas informer de la survenance d’une fraude le principal obligé, victime de cette fraude, à partir d’un moment à déterminer en fonction des circonstances de l’espèce, est un élément de nature à placer celui-ci dans une situation particulière, en ce qui concerne la dette douanière afférente à des opérations frauduleuses postérieures à la découverte de cette fraude et liées à ladite fraude, mais antérieures au moment où le principal obligé en a été informé.

61     La mise à la charge de l’opérateur de bonne foi d’une dette douanière découlant de l’omission ou du retard des autorités nationales à l’avertir de l’existence d’une fraude le concernant serait de nature à heurter la finalité de la clause d’équité, en ce que le redevable se trouverait ainsi placé dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant la même activité. Partant, il ne serait pas équitable d’imposer à cet opérateur un préjudice que, normalement, il n’aurait pas subi (arrêts Coopérative agricole d’approvisionnement des Avirons, précité, point 22, et British American Tobacco, précité, point 63) et qui dépasserait le risque commercial ordinaire afférent à son activité économique (arrêt Hyper/Commission, précité, point 95).

62     En l’occurrence, il convient de déterminer à partir de quel moment les autorités néerlandaises auraient pu informer la requérante des irrégularités en cause. Le 23 mars 1995, le DIC de Rotterdam a découvert le premier cas de fraude affectant la requérante, celui portant sur le document T 1 n° 5100508 du 16 janvier 1995. Le FIOD de Haarlem en a pris connaissance le 31 mars 1995 et le FIOD de Rotterdam en a été informé le 18 avril 1995. Il est constant entre les parties que le FIOD était l’autorité compétente pour enquêter sur les irrégularités en cause et pour en informer la requérante. Or, à partir du 18 avril 1995, le FIOD de Rotterdam a instruit son enquête sur la fraude découverte. Cependant, il n’a informé la requérante de l’irrégularité constatée que le 9 août 1995.

63     Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, bien que les autorités néerlandaises n’aient pas fait preuve de négligence lors du déroulement de leurs enquêtes, le fait que ces autorités n’ont pas averti la requérante, pendant une certaine période et aux besoins desdites enquêtes, de la fraude l’affectant est une circonstance qui a placée celle-ci dans une situation particulière en ce qui concerne une partie de la dette douanière afférente aux opérations de transit communautaire externe litigieuses. En effet, si la requérante avait été informée par les autorités douanières de l’irrégularité des déclarations dans un délai raisonnable à partir du 18 avril 1995, date à laquelle le FIOD de Rotterdam en avait été informé, elle aurait pu adopter les mesures nécessaires, après le détournement frauduleux des expéditions en cause, pour éviter la naissance dans son chef d’une dette douanière découlant des expéditions effectuées à partir du 12 juin 1995. Partant, le Tribunal estime que les conditions d’existence d’une situation particulière sont remplies en l’occurrence en ce qui concerne la dette douanière découlant des déclarations établies par la requérante à partir du 12 juin 1995.

64     Partant, il y a lieu de conclure que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que la requérante ne se trouvait pas, en ce qui concerne la dette douanière découlant des opérations effectuées à partir du 12 juin 1995, dans une situation particulière au sens de l’article 239 du code des douanes et de l’article 905 du règlement d’application.

65     Par conséquent, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres circonstances invoquées par la requérante, il y a lieu d’accueillir la première branche du moyen.

 Sur la seconde branche du moyen, tirée de l’absence de manœuvre et de négligence manifeste de la part de la requérante

 Arguments des parties

66     La requérante soutient qu’il n’est pas contesté qu’elle a agi de bonne foi et qu’elle n’a pas été impliquée dans la fraude. La Commission lui reprocherait néanmoins, à tort, d’avoir été manifestement négligente.

67     La requérante relève que, dans leur demande de remise de droits, les autorités néerlandaises ont indiqué à la Commission que l’on ne pouvait reprocher à la requérante aucune négligence manifeste. Elles auraient confirmé cette position pendant le déroulement de la procédure administrative, notamment dans leur réponses aux deux demandes d’éléments d’information complémentaires de la Commission datées, respectivement, du 8 août 2001 et du 2 août 2002. La requérante fait valoir que l’appréciation par la Commission de l’existence d’une telle négligence doit s’effectuer sur la base de toutes les informations pertinentes, y compris les déclarations des autorités nationales (arrêt France‑aviation/Commission, précité, point 36), auprès desquelles l’intéressé a le droit à être entendu (arrêt du Tribunal du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec. p. II‑15, points 27 à 29). Or, la Commission se serait écartée de l’opinion des autorités néerlandaises sans pour autant en indiquer suffisamment les raisons.

68     De même, la requérante fait observer que, ainsi qu’il ressort tant de la pratique de la Commission (décision de la Commission REM 21/00, 22/00, 23/00 et 24/00, du 23 juillet 2001, point 42) que de la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, points 159 et 160), il convient, pour conclure à l’existence d’une négligence manifeste, d’examiner si le comportement de l’intéressé a été contraire à des pratiques commerciales habituelles. Or, en l’occurrence, son comportement aurait été conforme à de telles pratiques. S’agissant, notamment, du reproche qui lui est fait de n’avoir pas contracté d’assurance pour le transport des marchandises, la requérante relève que les autorités néerlandaises, dans leur réponse du 2 août 2002 à la demande de renseignements de la Commission, ont indiqué que, à l’époque des faits, il n’était pas facile de contracter des assurances et que ce n’était pas non plus l’usage. De plus, elle maintient que le fait qu’elle ait ou non contracté une assurance n’a aucune influence sur l’existence d’une négligence manifeste. Enfin, la requérante fait remarquer que, si la Commission a indiqué que la conclusion d’une assurance ne constituait que l’un des critères d’appréciation de l’existence d’une négligence manifeste, elle n’a cependant pas identifié ni précisé les autres critères appliqués en l’espèce. La requérante conclut qu’elle n’a donc pas pu réagir de façon appropriée.

69     La requérante relève en outre qu’elle n’a pas fait preuve de négligence dans ses relations commerciales avec Hector International. Elle indique que, depuis mars 1993, cette dernière effectuait des transports pour LEP International UK, une société sœur de la requérante, à l’entière satisfaction de celle-ci. À la demande d’Hector International, LEP International UK l’aurait mise en contact avec la requérante. Celle-ci n’aurait commencé à établir des documents T 1 pour Hector International qu’après s’être assurée que cette dernière était solvable et après avoir reçu une déclaration relative à la responsabilité et les garanties d’Hector International en cas d’apurement incorrect de documents douaniers. De plus, la requérante se serait assurée que seul un nombre restreint de documents T 1 était établi à chaque fois et que de nouveaux documents n’étaient établis que lorsque les documents précédents pouvaient raisonnablement être considérés comme apurés. Elle aurait toujours insisté auprès d’Hector International pour se voir retourner le talon de l’exemplaire nº 5 des documents T 1, sur lequel figureraient toujours un cachet de la douane espagnole et la signature d’un fonctionnaire des douanes espagnoles, lesquels se sont toutefois révélés faux par la suite. La requérante recevrait en outre en retour pour chaque envoi les lettres de voiture « CMR » signées et estampillées pour réception, prouvant que la viande était bien parvenue à son lieu de destination. Partant, la requérante aurait fait tout ce qui était raisonnable pour prévenir tout préjudice découlant de l’absence d’apurement de documents douaniers, et n’aurait donc pas fait preuve de négligence.

70     La Commission considère qu’elle a, dans la décision attaquée, conclu à suffisance de droit que la requérante a fait preuve en l’espèce de négligence manifeste.

71     Elle relève que la question de la négligence manifeste de la requérante est sans rapport avec la question de savoir si elle était ou non de bonne foi. La Commission admet que les douanes néerlandaises l’ont informée qu’il n’y avait eu ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de la requérante. Elle rappelle, cependant, qu’elle leur a demandé à deux reprises de préciser leur position, une première fois dans sa demande de renseignements du 24 novembre 2000 et une seconde fois dans sa demande de renseignements du 22 novembre 2001. Toutefois, les réponses des autorités néerlandaises n’auraient été d’aucune utilité pour déterminer s’il y a eu négligence manifeste de la requérante en l’espèce, dans la mesure où, d’après ces communications, lesdites autorités se seraient limitées à appliquer le principe de la présomption d’innocence, en considérant que la requérante était de bonne foi jusqu’à preuve du contraire.

72     La Commission fait remarquer que les responsabilités particulières du principal obligé dans le régime du transit communautaire doivent être prises en compte pour déterminer s’il a fait preuve ou non de négligence manifeste. Elle relève que, comme l’indique la décision attaquée au considérant 46, elle doit tenir compte à cet effet de l’expérience de l’intéressé, de la diligence dont il a fait preuve et de la complexité de la réglementation (arrêt du Tribunal du 5 juin 1996, Günzler Aluminium/Commission, T‑75/95, Rec. p. II‑497). Or, en sa qualité de société d’expédition en douane, la requérante était un opérateur économique expérimenté qui se devait de connaître les risques commerciaux inhérents à ses activités (considérant 47 de la décision attaquée). De plus, la réglementation relative aux opérations de transit préciserait clairement les obligations du principal obligé et la responsabilité qui en découle (considérant 48 de la décision attaquée). Enfin, le déclarant aurait dû prendre toutes les dispositions nécessaires pour se prémunir contre le risque commercial, ce qui n’aurait pas été le cas (considérants 49 et 50 de la décision attaquée).

73     S’agissant en particulier de la question de savoir si la requérante a fait preuve de diligence, la Commission relève que le fait d’avoir souscrit une assurance n’est qu’un élément d’appréciation. La Commission estime que, compte tenu des données du cas d’espèce, c’est à bon droit qu’elle est parvenue à la conclusion que la requérante n’avait pas pris les précautions nécessaires pour se prémunir contre les risques éventuels.

74     S’agissant des précautions que la requérante aurait prises pour s’assurer de la fiabilité d’Hector International, la Commission fait remarquer que la requérante n’a invoqué ces éléments factuels que dans son mémoire en réplique. Elle rappelle que la requérante a signé une déclaration dans laquelle elle affirmait n’avoir rien à ajouter au dossier transmis par les autorités néerlandaises et qu’elle a eu l’opportunité de faire connaître ses observations à propos de la lettre de la Commission du 11 octobre 2001, dans laquelle celle-ci concluait expressément à l’existence de négligence manifeste de la part de la requérante. La Commission estime donc que cette dernière n’est pas fondée à s’appuyer sur ces éléments de fait nouveaux à ce stade de la procédure pour lui faire grief d’avoir insuffisamment motivé la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

75     Pour apprécier s’il y a négligence manifeste, au sens de l’article 239 du code des douanes et de l’article 905 du règlement d’application, il convient de tenir compte, notamment, de la complexité des dispositions dont l’inexécution a fait naître la dette douanière, ainsi que de l’expérience professionnelle et de la diligence de l’opérateur (arrêt Söhl & Söhlke, précité, point 56).

76     En l'espèce, la Commission a indiqué dans la décision attaquée, premièrement, que la requérante, en tant qu’opérateur économique expérimenté, se devait de connaître la réglementation douanière et les risques commerciaux de son activité (considérant 47), deuxièmement, que la réglementation relative aux opérations de transit précise clairement les obligations du principal obligé et la responsabilité qui en découle (considérant 48) et, troisièmement, que, compte tenu de ses responsabilités en tant que principal obligé, il appartenait à la requérante de prendre toutes les dispositions nécessaires contre le risque commercial (considérant point 49).

77     Cependant, les trois éléments susmentionnés, à savoir la complexité des dispositions réglementaires, l’expérience professionnelle et la diligence de l’opérateur, ne constituent que des critères d’appréciation, sur la base desquels la Commission doit apprécier in concreto si le comportement de l’opérateur économique a été ou non manifestement négligent (voir, en ce sens, arrêt Söhl & Söhlke, précité, point 59). En effet, la Commission est tenue, dans le cadre de son analyse, d’identifier les actions ou omissions concrètes du demandeur de la remise, lesquelles, prises isolément ou dans leur ensemble, sont constitutives d’une négligence manifeste, à la lumière notamment des critères mentionnés.

78     À cet égard, il importe de noter que les autorités néerlandaises, tant dans leur demande de remise que par la suite à deux reprises pendant la procédure administrative auprès de la Commission, ont conclu que l’on ne pouvait pas établir que la requérante avait fait preuve de manœuvre ou de négligence manifeste. La Commission a toutefois estimé, dans la décision attaquée, que le comportement de la requérante devait être considéré comme le résultat d’une négligence manifeste de sa part (considérant point 51). Or, si la Commission pouvait s’écarter de cette prise de position des autorités nationales (voir, en ce sens, arrêt France‑aviation/Commission, précité, point 36), il lui incombait de prouver, sur la base des éléments factuels pertinents, l’existence d’un comportement manifestement négligent de la requérante.

79     Or, ainsi que la Commission l’a reconnu lors de l’audience, la décision attaquée n’identifie que deux comportements spécifiques de la requérante susceptibles d’établir l’existence d’une négligence manifeste de sa part. Il s’agit, en premier lieu, du fait de ne pas avoir surveillé les intervenants et, en second lieu, du fait de ne pas avoir contracté les assurances appropriées (considérant point 49).

80     Quant au premier reproche, tiré de la prétendue omission de la requérante de surveiller les intervenants, la décision attaquée ne précise absolument pas en quoi la requérante a été négligente à cet égard. En l’absence d’un développement, fût-il minime, de ce reproche, le Tribunal doit considérer qu’il n’a pas été établi. Admettre ce grief reviendrait à considérer que tout opérateur qui est victime d’agissements frauduleux de la part de tiers avec lesquels il entretenait des relations commerciales aurait fait nécessairement preuve de négligence manifeste.

81     En outre, il importe de noter que la requérante allègue qu’elle a adopté toute une série de précautions par rapport à Hector International. Ainsi, elle n’aurait commencé à établir des documents T 1 pour Hector International qu’après s’être assurée que cette société était solvable et avoir reçu une déclaration relative à la responsabilité et les garanties de celle-ci en cas d’apurement incorrect de documents douaniers. De plus, elle se serait assurée que seul un nombre restreint de documents T 1 était établi à chaque fois et que de nouveaux documents n’étaient établis que lorsque les documents précédents pouvaient raisonnablement être considérés comme apurés. Enfin, elle aurait toujours insisté pour se voir retourner le talon de l’exemplaire nº 5 des documents T 1, sur lequel figureraient toujours un cachet de la douane espagnole et la signature d’un fonctionnaire des douanes espagnoles, ainsi que les lettres de voiture « CMR » signées et estampillées pour réception. Ces précautions, dont l’existence n’a pas été contestée par la Commission, révèlent un comportement prudent et approprié de la requérante dans la surveillance des intervenants dans les opérations douanières en cause.

82     Le Tribunal ne saurait retenir l’argument de la Commission selon lequel la requérante ne serait pas fondée à s’appuyer sur ces éléments de fait, car ils n’auraient été invoqués qu’au stade du mémoire en réplique. Il convient de rappeler, en effet, qu’il incombe à la Commission de prouver l’existence en l’espèce d’une négligence manifeste de la part de la requérante. Or, dans sa lettre du 11 octobre 2001 par laquelle elle a fait part de ses objections, la Commission n’a pas précisé pourquoi elle considérait que la requérante avait été négligente dans la surveillance des intervenants. La requérante, dans sa réponse du 9 novembre 2001, a soutenu qu’elle n’avait pas fait preuve de négligence, en indiquant notamment qu’elle avait agi de manière consciencieuse en ce qui concerne le transport et qu’elle n’était pas en mesure de vérifier si des irrégularités avaient été commises lors de l’apurement. Par la suite, dans la décision attaquée, la Commission a retenu le grief tiré des prétendus défauts dans la surveillance des intervenants, sans pour autant le préciser davantage. Dans sa requête introductive d’instance dans la présente affaire, la requérante a réitéré qu’aucun reproche ne pouvait lui être adressé par rapport aux irrégularités constatées et a maintenu que son comportement en l’espèce était conforme aux pratiques commerciales habituelles. Dans son mémoire en défense, la Commission réitère sa position et conteste les affirmations de la requérante. Eu égard à ce qui précède, on ne saurait reprocher à la requérante d’avoir complété dans son mémoire en réplique les arguments et éléments factuels pertinents à l’encontre de la thèse contenue dans la décision attaquée et dans le mémoire en défense.

83     S’agissant du second reproche, tiré de ce que la requérante n’aurait pas contracté les assurances appropriées, il importe de noter que, s’il revient aux opérateurs économiques de se prémunir contre les risques commerciaux ordinaires, et si, partant, le simple fait de subir un préjudice financier ne constitue pas une situation particulière au sens de la réglementation douanière communautaire (voir, en ce sens, arrêt Hyper/Commission, précité, points 113 et 114), il ne saurait toutefois être accepté que, comme règle générale, la non-souscription d’assurance soit à elle seule constitutive d’un comportement manifestement négligent de la part de l’opérateur économique. La Commission n’a pas exposé, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles, eu égard aux circonstances de l’espèce, le fait que la requérante n’ait pas assuré les risques découlant des opérations litigieuses était un comportement manifestement négligent. À cet égard, il y a lieu de relever que la souscription ou non d’une assurance appropriée détermine qui prendra en charge la dette douanière et les préjudices résultant des opérations litigieuses, à savoir soit le commissionnaire en douane soit son assureur. Or, le fait que la requérante ne puisse pas se retourner contre une compagnie d’assurances pour récupérer le montant de la dette douanière dont elle serait redevable, et doive donc la supporter elle-même, n’a pas d’incidence sur les conditions ouvrant droit à la remise de ladite dette pour des raisons d’équité ni, partant, sur l’obligation de la Commission d’octroyer cette remise si lesdites conditions sont réunies. En outre, l’assureur pourrait soit se subroger dans les droits du commissionnaire face aux autorités douanières, soit attendre le résultat de l’action du commissionnaire auprès de la Commission. Partant, le fait de n’avoir pas souscrit d’assurance ne constitue pas une négligence.

84     De surcroît, il convient de relever que, aux termes de l’article 239 du code des douanes, il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation dans des situations qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. De même, l’article 905 du règlement d’application prévoit que la demande de remise doit être assortie de justifications susceptibles d’établir l’existence d’une situation particulière qui résulte de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste. Il ressort de la teneur même de ces dispositions qu’il doit exister un lien entre la négligence reprochée à l’opérateur et la situation particulière constatée. En l’absence d’un tel lien, il serait inéquitable de rejeter la demande de remise ou de remboursement. Or, en l’espèce, il y a lieu de noter que l’absence de souscription d’assurance par la requérante n’a ni contribué à la réalisation de la fraude ni compliqué la découverte de celle-ci. À fortiori, cette circonstance n’a strictement aucune relation avec le fait que les autorités néerlandaises n’ont pas communiqué à la requérante, pendant une certaine période, l’existence d’une fraude portant sur l’une des déclarations de celle-ci.

85     Il y a donc lieu de conclure que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en concluant à l’existence d’une négligence manifeste de la part de la requérante.

86     Par conséquent, la deuxième branche du moyen doit être accueillie.

87     Partant, il y a lieu d’accueillir le présent recours.

 Sur les dépens

88     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens et ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

89     En application de l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les dépens exposés par le Royaume d’Espagne, partie intervenante, demeureront à sa charge.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision REM 08/00 de la Commission, du 7 octobre 2002, est annulée dans la mesure où elle refuse la remise des droits à l’importation imposés à la requérante par rapport aux opérations douanières effectuées par celle-ci à partir du 12 juin 1995.

2)      La Commission supportera ses propres dépens et les dépens exposés par la requérante.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.



Cooke

García-Valdecasas

Labucka


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le .

Le greffier

 

       Le président


H. Jung

 

      J. D. Cooke

Table des matières





Cadre juridique

Règles relatives au transit communautaire externe

Règles relatives au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou à l’exportation

Faits à l’origine du litige

Opérations de transit communautaire externe en cause

Procédure administrative concernant la demande de remise de droits à l’importation

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la première branche du moyen, tirée de l’existence d’une situation particulière

Introduction

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

En ce qui concerne les prétendues négligences des autorités néerlandaises dans la découverte de la fraude et leur retard à informer la requérante des irrégularités concernant les documents douaniers émis par celle-ci

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur la seconde branche du moyen, tirée de l’absence de manœuvre et de négligence manifeste de la part de la requérante

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens



* Langue de procédure : le néerlandais.