Language of document : ECLI:EU:T:2024:29

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

24 janvier 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative ROYAL MILK – Usage sérieux de la marque – Article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux “pour une partie des produits ou des services” – Article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 – Détermination d’une sous-catégorie autonome de produits »

Dans l’affaire T‑603/22,

Agus sp. z o.o., établie à Varsovie (Pologne), représentée par Me B. Wojtkowska, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme L. Lapinskaitė et M. D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Alpen Food Group BV, établie à Kaatsheuvel (Pays-Bas), représentée par Me A. Tsoutsanis, avocat,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. P. Zilgalvis (rapporteur) et Mme E. Tichy‑Fisslberger, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 6 juillet 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Agus sp. z o.o., demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 juillet 2022 (affaire R 2056/2021-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 7 octobre 2011, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’EUIPO en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé était le signe figuratif suivant :

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4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relevaient notamment de la classe 29 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Viande, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; compotes ; œufs, lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés ; huiles et graisses comestibles ».

5        La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 235/2011, du 13 décembre 2011, et la marque a été enregistrée le 17 mai 2012 sous le numéro 10321735.

6        Le 8 mai 2020, l’intervenante, Alpen Food Group BV, a introduit une demande de déchéance de cette marque sur le fondement de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

7        Par décision du 8 octobre 2021, la division d’annulation a accueilli la demande en déchéance pour tous les produits ayant fait l’objet de l’enregistrement, faute que soit prouvé l’usage sérieux de la marque contestée en ce qui les concerne, à l’exception du « lait en poudre à usage alimentaire » relevant de la classe 29, pour lequel l’enregistrement de la marque contestée a été maintenu.

8        Le 6 décembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, tendant à l’annulation partielle de la décision de la division d’annulation, en ce qu’elle avait été déchue de ses droits sur la marque contestée pour la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés » relevant de la classe 29, à l’exception du « lait en poudre à usage alimentaire » relevant de la même classe.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En substance, elle a considéré que, en raison de ses caractéristiques et propriétés, de sa forme et de ses conditions de stockage, le « lait en poudre à usage alimentaire » constituait une sous-catégorie suffisamment distincte de la catégorie plus large de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés ». Elle a constaté que la finalité et la destination du lait en poudre différaient de celles du lait liquide et d’autres produits laitiers et répondaient à des besoins des consommateurs complètement différents.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par lui en cas de convocation à une audience.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante à l’intégralité des dépens exposés par elle aux fins de la procédure devant la chambre de recours et devant le Tribunal.

 En droit

13      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001. En substance, la requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’annulation en ce qu’elle avait été déclarée déchue de ses droits sur la marque contestée pour la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés ». Le moyen unique se divise en deux branches, tirées, la première, d’une erreur d’interprétation de la notion de « sous-catégorie autonome de produits » et, la seconde, d’une limitation injustifiée de son intérêt légitime, en tant que titulaire de la marque contestée, à pouvoir étendre sa gamme de produits en bénéficiant de la protection conférée par l’enregistrement pour la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés ».

 Sur la première branche du moyen unique, tirée d’une erreur d’interprétation de la notion de « sous-catégorie autonome de produits »

14      Premièrement, la requérante fait valoir que la non-reconnaissance de l’usage de la marque contestée pour la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés » constitue une restriction de ses droits fondée sur la forme des produits en cause. À cet égard, elle soutient que le lait peut revêtir différents états d’agrégation, sans que cela entraîne une modification de la substance du produit concerné et que, partant, l’état d’agrégation ou la forme des produits en cause ne constitue pas une indication suffisante pour établir une sous-catégorie de produits. Elle fait valoir que le fait que le lait en poudre soit un produit transformé par déshydratation n’empêche pas qu’il puisse être considéré comme étant du lait, étant donné que le lait couramment commercialisé sur le marché est toujours un produit transformé dans les usines. Par ailleurs, elle ajoute que le fait qu’il soit possible de recréer la forme liquide du lait à partir de lait en poudre, en y ajoutant simplement de l’eau, est un facteur essentiel à prendre en considération aux fins d’apprécier la nature similaire entre ces deux types de lait.

15      Par ailleurs, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir appliqué erronément le critère de la finalité et de la destination des produits en cause, la conduisant à la détermination d’une sous-catégorie autonome de produits de manière artificielle. Elle fait valoir, à cet égard, que le lait en poudre a la même finalité ou destination que le lait liquide à l’égard des consommateurs, dès lors que ces deux types de lait répondent à des besoins similaires des consommateurs et qu’ils peuvent être consommés directement ou employés dans la préparation d’autres plats ainsi que destinés à l’industrie alimentaire pour l’élaboration de nombreux produits, indépendamment de leur forme poudreuse ou liquide.

16      En outre, la requérante allègue qu’une sous-catégorie de produits doit couvrir un groupe de produits et non pas un produit unique. Dès lors, la sous-catégorie de produits « lait en poudre à usage alimentaire », laquelle ne concernerait qu’un seul produit, sous une forme unique, ne permettrait pas de valider l’appréciation de la chambre de recours.

17      Deuxièmement, la requérante soutient que la non-reconnaissance de l’usage de la marque contestée pour la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés » constitue une restriction de l’étendue de la protection de ladite marque fondée sur une limitation injustifiée à un seul type de produit. À cet égard, la requérante considère que la preuve de l’usage de la marque contestée pour le lait en poudre aurait dû suffire pour maintenir la protection de celle-ci pour la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés », eu égard au fait que les différents types de lait et de formes transformées de celui-ci se situent à l’intersection de la catégorie combinée de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés ».

18      Troisièmement, la requérante allègue, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a introduit une restriction en termes de finalité par l’ajout de la mention « à usage alimentaire », limitant ainsi l’étendue de la protection de la marque antérieure aux produits relevant de la classe 29.

19      Quatrièmement, la requérante reproche également à la chambre de recours de n’avoir pas mis en relation entre eux les produits en cause eu égard à leur nature et de n’avoir pas pris en compte la perception desdits produits par les consommateurs présents sur le marché pertinent, pour lesquels le lait en poudre n’est qu’une forme de lait parmi d’autres, qu’ils consomment directement après sa réhydratation ou, alternativement, comme un adjuvant du lait, par exemple dans le café, ou comme un ingrédient lacté pour la préparation d’autres denrées. Par ailleurs, la requérante allègue que la chambre de recours n’a pas non plus pris en compte le point de vue du public professionnel, qui considère que la transformation du lait constitue un seul secteur couvrant la production de plusieurs types et formes de lait et de produits laitiers.

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

21      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de juste motif pour le non-usage.

22      Selon l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, si la cause de déchéance n’existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, le titulaire n’est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés.

23      La ratio legis de l’exigence selon laquelle une marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être protégée au titre du droit de l’Union réside dans le fait que le registre de l’EUIPO ne saurait être assimilé à un dépôt stratégique et statique conférant à un détenteur inactif un monopole légal d’une durée indéterminée. Au contraire, ledit registre devrait refléter fidèlement les indications que les entreprises utilisent effectivement sur le marché pour distinguer leurs produits et leurs services dans la vie économique [voir arrêt du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 20 et jurisprudence citée].

24      À cet égard, il convient de rappeler qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43).

25      S’agissant de la notion de « partie des produits ou des services » mentionnée à l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, il y a lieu de relever que le consommateur désireux d’acquérir un produit ou un service relevant d’une catégorie de produits ou de services ayant été définie de façon particulièrement précise et circonscrite, mais à l’intérieur de laquelle il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives, associera à une marque enregistrée pour cette catégorie de produits ou de services l’ensemble des produits ou des services appartenant à celle-ci, de telle sorte que cette marque remplira sa fonction essentielle de garantie de l’origine de ces produits ou de ces services. Dans ces circonstances, il est suffisant d’exiger du titulaire d’une telle marque d’apporter la preuve de l’usage sérieux de sa marque pour une partie des produits ou des services relevant de cette catégorie homogène. En revanche, en ce qui concerne des produits ou des services rassemblés au sein d’une catégorie large, susceptible d’être subdivisée en plusieurs sous-catégories autonomes, il est nécessaire d’exiger du titulaire d’une marque enregistrée pour cette catégorie de produits ou de services d’apporter la preuve de l’usage sérieux de sa marque pour chacune de ces sous-catégories autonomes, à défaut de quoi il sera susceptible d’être déchu de ses droits à la marque pour les sous-catégories autonomes pour lesquelles il n’a pas apporté une telle preuve (arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, points 42 et 43).

26      Toutefois, si la notion d’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit néanmoins pas avoir pour effet de priver le titulaire de la marque concernée de toute protection pour des produits qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie des produits ou des services » ne peut s’entendre de toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement de produits ou de services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou sous-catégories cohérentes. [arrêts du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, EU:T:2005:288, point 46, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 24].

27      En l’espèce, la chambre de recours a examiné la question de savoir si le produit pour lequel il était constant que l’usage sérieux de la marque contestée avait été établi, à savoir le « lait en poudre à usage alimentaire », constituait une sous-catégorie de produits autonome par rapport à la catégorie plus large de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés », pour laquelle cette marque avait été notamment enregistrée.

28      À cet égard, la chambre de recours a défini le « lait » comme un aliment liquide riche en nutriments produit par les glandes mammaires de différents mammifères, tels que les bovins ou les ovins, en tant que produit destiné à l’alimentation humaine. Ensuite, elle a défini les « produits laitiers » comme étant des produits alimentaires à base de lait, tels que le yaourt, le fromage ou le beurre. Ensuite, elle a décrit le lait en poudre comme étant un produit laitier transformé, fabriqué par évaporation à sec du lait. Par ailleurs, la chambre de recours a mis en exergue les différentes finalités du séchage du lait, parmi lesquelles se trouvaient celle d’étendre la durée de sa conservation par rapport au lait liquide, sans besoin de réfrigération, et celle de réduire son volume afin de simplifier son transport. Enfin, elle a constaté également les multiples applications industrielles du lait en poudre dans la fabrication d’une large gamme de produits alimentaires.

29      Sur la base des considérations qui précèdent, la chambre de recours a conclu que le « lait en poudre à usage alimentaire » était une sous-catégorie claire de la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés ». Cette catégorie était suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, telles que, par exemple, le yaourt, le fromage, le beurre et le lait en poudre « en tant que tel », ce dernier étant suffisamment distinct pour constituer une sous-catégorie cohérente. Selon la chambre de recours, la finalité et la destination du « lait en poudre à usage alimentaire » différaient manifestement de celles des autres produits laitiers, « qui [avaient] tous une finalité clairement différente et répond[ai]ent à des besoins totalement différents des consommateurs ».

30      Dès lors, en l’espèce, il y a lieu d’examiner, à la lumière des principes jurisprudentiels rappelés aux points 25 et 26 ci-dessus, si la chambre de recours était fondée à considérer que le lait en poudre constituait une sous-catégorie autonome par rapport à la catégorie plus large de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés » et si les arguments de la requérante sont de nature à remettre en cause le bien-fondé de la conclusion de ladite chambre.

31      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la chambre de recours a conduit l’analyse sur l’existence d’une sous-catégorie de produits autonome par rapport à la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés », considérée dans son ensemble. Ensuite, elle a constaté qu’il s’agissait d’une catégorie très hétérogène et que le produit « lait en poudre à usage alimentaire » était susceptible d’être envisagé de manière autonome à la lumière du critère de la finalité et de la destination des produits ou des services en cause.

32      Il importe de rappeler, à cet égard, que, étant donné que le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat, le critère de la finalité ou de la destination des produits ou des services en cause est un critère primordial dans la définition d’une sous‑catégorie de produits ou de services [arrêts du 13 février 2007, RESPICUR, T‑256/04, EU:T:2007:46, point 29, et du 16 mai 2013, Aleris/OHMI – Carefusion 303 (ALARIS), T‑353/12, non publié, EU:T:2013:257, point 22]. En revanche, la nature des produits en cause ainsi que leurs caractéristiques ne sont pas, en tant que telles, pertinentes pour la définition de sous-catégories de produits ou de services (voir, en ce sens, arrêts du 13 février 2007, RESPICUR, T‑256/04, EU:T:2007:46, point 31, et du 16 mai 2013, ALARIS, T‑353/12, non publié, EU:T:2013:257, point 23).

33      Pour autant, il ne saurait être exclu, que, du point de vue du consommateur pertinent, certaines des caractéristiques des produits en cause présentent, une importance significative dans l’orientation de son choix et qu’elles ont, partant, une incidence sur la finalité et la destination desdits produits à ses yeux.

34      En l’espèce, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que le lait en poudre a une durée de conservation bien plus longue que le lait liquide et ne doit pas être réfrigéré. Il est également plus facile à transporter en raison de son volume réduit. Il s’ensuit que, dans la mesure où les caractéristiques du lait en poudre sont à tel point différentes de celles du lait liquide, ces produits n’ont pas la même finalité ou destination aux yeux du consommateur pertinent.

35      Il convient donc d’entériner l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le lait en poudre constitue une sous-catégorie autonome de la catégorie plus large de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés ».

36      Les arguments de la requérante ne remettent pas en cause ce résultat.

37      Premièrement, s’agissant des arguments de la requérante selon lesquels l’enregistrement de la marque contestée devait être maintenu, d’une part, pour la catégorie « lait », parce que le lait en poudre serait équivalent au lait liquide du point de vue de la finalité et de la destination malgré son état d’agrégation différent et, d’autre part, pour la catégorie « produits laitiers », dès lors que le lait en poudre serait un produit transformé en usine, il y a lieu de constater que ces arguments ne sauraient prospérer.

38      En effet, la requérante part d’une prémisse erronée lorsqu’elle tente de comparer le lait en poudre avec certains produits appartenant à la catégorie générale de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés », comme le lait liquide ou d’autres produits laitiers, au lieu de prendre en compte cette dernière catégorie dans son ensemble. Ce faisant, la requérante reconnaît implicitement que la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés » est hétérogène et susceptible d’être subdivisée en plusieurs sous-catégories autonomes. Ainsi, à l’instar de la chambre de recours, force est de constater que la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés » n’est pas suffisamment circonscrite au regard du critère de la finalité et de la destination des produits ou des services en cause, dès lors qu’elle contient des produits assez hétérogènes au sens de la jurisprudence mentionnée aux points 25 et 26 ci-dessus.

39      Or, la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés » rassemble des produits qui, bien qu’étant similaires dans certains cas, répondent, pourtant, à des besoins très différents des consommateurs du point de vue de la finalité et de la destination. Ainsi, il suffit de constater que les finalités et les destinations qu’un consommateur entend donner à des produits tels que, par exemple, le fromage, le beurre, le yaourt, la crème fraîche ou les multiples types de lait existant sur le marché, ne sauraient, en aucun cas, être considérées comme étant similaires ou analogues les unes par rapport aux autres, ni par rapport à celles du lait en poudre.

40      Bien au contraire, la comparaison de la part de la requérante aurait dû porter sur l’ensemble des produits couverts par la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés », afin de vérifier s’il s’agissait d’une catégorie suffisamment homogène permettant de justifier le maintien de la marque contestée sur la base de la preuve de l’usage apportée. Dans ces conditions, ce grief doit être rejeté comme étant non fondé.

41      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument selon lequel il ne serait pas possible de considérer que le lait en poudre constituait une sous-catégorie de produits à part entière au motif qu’elle ne concernerait qu’un seul produit, il convient de préciser que la sous-catégorie « lait en poudre à usage alimentaire » est susceptible d’englober différents types de lait en poudre, comme celui provenant du lait de brebis, du lait de chèvre ou de vache. Par ailleurs, rien n’empêche de considérer que cette catégorie puisse comprendre d’autres produits laitiers tels que ceux mentionnés par la requérante, à savoir la poudre de lactosérum, la poudre de concentré de protéines de lactosérum, la poudre de concentré de protéines de lait, le babeurre en poudre ou les mélanges de lait en poudre. Ces produits pourraient présenter un caractère suffisamment homogène en termes de finalité et de destination, pouvant répondre à des besoins similaires des consommateurs, notamment en ce qui concerne leur utilisation en tant qu’additif pour la préparation d’autres plats. Par conséquent, ce grief doit être rejeté.

42      Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours, lors de la détermination d’une sous-catégorie de produits, était tenue de vérifier la nature des produits en cause ainsi que de prendre en compte le point de vue du consommateur moyen et celui du public professionnel, il importe de relever d’emblée que la nature des produits en cause ainsi que leurs caractéristiques ne sont, en principe, pas pertinentes pour la définition de sous-catégories de produits ou de services. Toutefois, il n’en demeure pas moins que, tel que cela est rappelé au point 33 ci-dessus, en l’espèce, certaines des caractéristiques que présentent les produits en cause sont intimement liées à la finalité et à la destination de ceux-ci du point de vue du consommateur pertinent. À cet égard, il importe de relever que la chambre de recours a pris en compte la perception des consommateurs au point 35 de la décision attaquée et a considéré, à juste titre, que la finalité et la destination desdits produits différaient manifestement et répondait à des besoins totalement différents des consommateurs.

43      Quatrièmement, s’agissant de la prétendue restriction à l’étendue de la protection de la marque contestée par l’ajout de la mention « à usage alimentaire », il suffit de constater, à l’instar de l’EUIPO, que les produits en cause relèvent de la classe 29, laquelle comprend une grande variété de denrées alimentaires pour la consommation humaine. Ainsi qu’il ressort des notes explicatives de la classification de Nice figurant sur le portail de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), cette classe exclut explicitement les aliments diététiques et les substances adaptées à un usage médical ainsi que les aliments pour animaux. Si, certes, le lait en poudre permet de telles applications, il n’en demeure pas moins que la requérante n’a enregistré ses produits que pour la classe 29, le maintien de la marque contestée pour d’autres catégories de produits n’étant pas justifié. Partant, ce grief doit être rejeté comme non fondé.

44      Il résulte de ce qui précède que la première branche du moyen unique doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du moyen unique, tirée d’une restriction de l’intérêt légitime du titulaire de la marque contestée à pouvoir étendre sa gamme de produits

45      Par la seconde branche du moyen unique, la requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir porté atteinte à son intérêt légitime à pouvoir étendre sa gamme de produits et à bénéficier de la protection conférée par l’enregistrement pour la catégorie de produits « lait et produits laitiers à l’exclusion des crèmes glacées et des desserts lactés », et ce à la lumière de la jurisprudence relative à la notion de « partie des produits et des services », portant interprétation de l’article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, laquelle établit que le titulaire d’une marque n’est pas tenu de prouver l’usage sérieux de sa marque pour toutes les déclinaisons possibles des produits ou des services analogues, mais seulement pour les produits ou les services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou sous-catégories cohérentes.

46      Par ailleurs, la requérante fait valoir que, dès lors que les dispositions régissant les procédures de déchéance constituent une limitation aux droits que tire le titulaire de la marque contestée de son enregistrement, ces dispositions ne sauraient être interprétées de manière extensive.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

48      En l’occurrence, dans la mesure où il a été établi que la détermination de la sous-catégorie de produits « lait en poudre à usage alimentaire » opérée dans la décision attaquée ne méconnaît pas les dispositions de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001, il convient de relever que la déchéance des droits de la requérante sur la marque contestée constitue une limitation justifiée de ses droits pour des catégories de produits pour lesquels l’usage sérieux de ladite marque n’a pas été prouvé.

49      Par conséquent, il convient de rejeter la deuxième branche du moyen unique et le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Une audience ayant eu lieu et la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

51      À cet égard, si l’intervenante a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens exposés par elle aux fins de la procédure devant la chambre de recours, il suffit de constater que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de cette dernière qui continue à régler les dépens exposés dans la procédure de recours devant l’EUIPO [voir arrêt du 14 juillet 2021, Cole Haan/EUIPO – Samsøe & Samsøe Holding (Ø), T–399/20, EU:T:2021:442, point 64 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Agus sp. z o.o. est condamnée aux dépens.

Costeira

Zilgalvis

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 janvier 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.