Language of document : ECLI:EU:T:2009:514

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 décembre 2009 (*)

« Radiation »

Dans l’affaire T‑333/08,

Bull SAS, établie aux Clayes-sous-Bois (France),

Unisys Belgium, établie à Bruxelles (Belgique),

Tata Consultancy Services      (TCS) SA, établie à Capellen (Luxembourg),

représentées par Mes B. Lombaert et M. van der Woude, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. E. Manhaeve et N. Bambara, en qualité d’agents, assistés de Me C. Erkelens, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet l’annulation de la décision de la Commission du 4 juin 2008 de rejeter l’offre soumise par les requérantes dans le cadre de la procédure d’appel d’offres concernant le marché public intitulé « DIGIT/R2/PO/2007/024 – Prestation de services gérés », ainsi que de la décision de ne pas attribuer le marché pour cause d’offre insatisfaisante et d’ouvrir une procédure négociée pour l’attribution du marché concerné,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, V. Vadapalas et T. Tchipev (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et arguments des parties

1        Par lettre du 4 juin 2008 (ci-après l’« acte attaqué »), la Commission des Communautés européennes a notifié aux requérantes, Bull SAS, Unisys Belgium et Tata Consultancy Services (TCS) SA, le rejet de l’offre qu’elles avaient soumise dans le cadre de la procédure d’appel d’offres DIG IT/R2/PO/2007/024, au motif qu’elles n’avaient pas passé le stade de l’évaluation financière des offres, en raison de prix anormalement bas. La Commission a précisé qu’elle avait décidé de ne pas attribuer de contrat à la suite de cet appel d’offres. Elle a indiqué qu’elle entamerait une procédure négociée afin d’attribuer ce contrat, conformément à l’article 127, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »). Les soumissionnaires ayant participé à l’appel d’offres public infructueux seraient invités à participer à cette procédure négociée. Les requérantes recevraient en temps utile les documents visant ladite procédure.

2        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2008, les requérantes ont demandé l’annulation de l’acte attaqué.

3        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 26 mai 2009, les requérantes ont informé le Tribunal, conformément à l’article 99 du règlement de procédure du Tribunal, qu’elles se désistaient de leur recours et ont demandé que chacune des parties supporte ses propres dépens.

4        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2009, la Commission a fait savoir au Tribunal qu’elle ne s’opposait pas à ce désistement. Elle a cependant demandé au Tribunal que les requérantes soient condamnées à supporter ses dépens, outre leurs propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de procédure. La Commission précise qu’il n’existe aucun accord entre les parties à cet égard.

5        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 12 juin 2009, les requérantes ont indiqué que leur désistement était justifié par la circonstance que, au terme de la procédure négociée PN/2008/057 lancée par l’acte attaqué, le marché litigieux leur avait été finalement attribué. Les requérantes font cependant valoir que, alors que l’acte attaqué avait selon elles été adopté de manière irrégulière, leur désistement était la conséquence de l’adoption régulière d’une nouvelle décision à la suite de la modification du cahier des charges dans le cadre de la procédure négociée. Il ne serait dès lors pas équitable qu’elles doivent supporter les dépens de la Commission. Les requérantes soutiennent également que, à cause de l’acte attaqué, elles ont dû attendre une année entière et investir des moyens supplémentaires aux fins de la nouvelle procédure d’examen des offres.

6        Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2009, la Commission a contesté les arguments des requérantes.

7        Premièrement, l’affirmation des requérantes selon laquelle la procédure négociée se serait substituée à la précédente procédure irrégulière serait manifestement erronée. Selon la Commission, la nouvelle décision d’attribution prise dans le cadre de la procédure négociée n’aurait ni annulé ni remplacé l’acte attaqué. Elle ne l’aurait pas non plus modifié dans la mesure où il s’agissait d’une « décision distincte et nouvelle ».

8        Deuxièmement, la Commission conteste l’affirmation des requérantes selon laquelle cette institution aurait modifié son cahier des charges dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure négociée. Elle fait valoir qu’une telle modification est explicitement interdite par l’article 127, paragraphe 1, sous a), des modalités d’exécution. Au surplus, les requérantes n’auraient apporté aucune preuve concrète à l’appui de l’affirmation susvisée. En tout état de cause, contrairement à l’offre initiale, la nouvelle offre ne serait pas entachée des mêmes irrégularités, ce qui aurait permis à la Commission d’attribuer le marché litigieux aux requérantes.

9        Troisièmement, le fait que les requérantes ont dû attendre une année entière et investir des moyens supplémentaires aux fins de la nouvelle procédure ne saurait être une conséquence de l’acte attaqué.

 Appréciation du Tribunal

10      Les requérantes ayant fait connaître par écrit au Tribunal qu’elles se désistaient de leur recours, il y a lieu, conformément à l’article 99 du règlement de procédure, d’ordonner la radiation de l’affaire du registre et de statuer sur les dépens.

11      Selon l’article 87, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de procédure, la partie qui se désiste de son recours est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens par l’autre partie. Toutefois, à la demande de la partie qui se désiste, les dépens sont supportés par l’autre partie, si cela apparaît justifié en vertu de l’attitude de cette dernière.

12      Il appartient donc aux requérantes d’établir que la Commission a adopté une attitude qui justifierait sa condamnation aux dépens de l’instance (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 22 octobre 1996, Carvel et Guardian Newspapers/Conseil, T‑19/96, Rec. p. II‑1519, point 24).

13      Il convient, en premier lieu, de relever que les requérantes n’établissent pas en quoi l’attitude adoptée par la Commission pourrait justifier la condamnation de celle-ci aux dépens. En effet, les requérantes ont présenté leur demande de désistement après avoir été informées, dans le cadre de la procédure négociée, qu’elles étaient les attributaires du marché litigieux. L’acte attaqué a été adopté par la Commission dans le cadre de la procédure ouverte DIGIT/R2/PO/2007/024 et non lors de la mise en œuvre de la procédure négociée PN/2008/057.

14      Il convient, en deuxième lieu, de relever que, bien que la procédure négociée ne puisse être engagée par la Commission qu’en présence de situations spécifiques, telles que celles d’offres irrégulières ou inacceptables soumises en réponse à une procédure ouverte et préalablement clôturée, prévues à l’article 127, paragraphe 1, sous a), des modalités d’exécution, il n’en reste pas moins qu’elle constitue une procédure autonome et distincte de toute autre procédure de passation de marchés et, en particulier, de la procédure ouverte, au sens de l’article 91 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1).

15      En l’espèce, l’attribution du marché litigieux aux requérantes est intervenue au terme de la procédure négociée et non au terme de la procédure ouverte initialement contestée par les requérantes. C’est dans le cadre de la procédure négociée, à laquelle tous les soumissionnaires à la procédure d’appel d’offres ont été invités à participer, que les requérantes ont soumis à la Commission une nouvelle offre, différente de l’offre initiale, qui leur a permis ensuite de se voir attribuer le marché litigieux par la Commission. De plus, la procédure ouverte a été clôturée le 29 mai 2008 préalablement à l’ouverture de la procédure négociée.

16      Certes, ainsi que les requérantes le font valoir, leur désistement résulte du fait qu’elles se sont vu finalement attribuer le marché litigieux. Cependant, cette nouvelle décision d’attribution a été prise par la Commission dans le cadre de la procédure négociée, dans le respect des dispositions pertinentes en matière de marchés publics prévues dans le règlement n° 1605/2002 et dans les modalités d’exécution. À cet égard, il convient de relever que l’argument des requérantes tiré de la modification du cahier des charges n’a pas été étayé. En outre, cet argument est inopérant, dans la mesure où il se rapporte à la régularité du déroulement de la procédure négociée, laquelle présentait un caractère autonome par rapport à la procédure initiale ayant abouti à l’adoption de l’acte attaqué, ainsi qu’il a déjà été relevé (voir point 14 ci-dessus).

17      Les requérantes n’ont dès lors pas établi que le comportement de la Commission n’était pas conforme à l’article 127, paragraphe 1, sous a), des modalités d’exécution, lorsqu’elle a décidé d’engager une procédure négociée, après l’échec de la procédure ouverte. En particulier, les requérantes n’ont avancé aucun élément permettant de supposer qu’il existait, ainsi qu’elles le suggèrent, un lien entre l’irrégularité alléguée de l’acte attaqué et l’engagement de la procédure négociée.

18      Dans ces circonstances, contrairement à ce que les requérantes prétendent, aucun élément ne permet de conclure que la Commission a adopté une attitude justifiant qu’elle supporte les dépens en application de l’article 87, paragraphe 5, premier alinéa, deuxième phrase, du règlement de procédure.

19      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de condamner les requérantes aux dépens de l’instance, conformément à l’article 87, paragraphe 5, premier alinéa, première phrase, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      L’affaire T‑333/08 est radiée du registre.

2)      Bull SAS, Unisys Belgium et Tata Consultancy Services (TCS) SA sont condamnées à supporter leurs propres dépens, ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 16 décembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. W. H. Meij


* Langue de procédure : le français.