Language of document : ECLI:EU:C:2015:848

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme JULIANE KOKOTT

présentées le 23 décembre 2015 (1)

Affaire C‑358/14

République de Pologne

contre

Parlement européen

et

Conseil de l’Union européenne


«Recours en annulation – Rapprochement des législations – Directive 2014/40/UE – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac et des produits connexes – Cigarettes mentholées – Recours à l’article 114 TFUE comme base juridique – Principe de proportionnalité – Principe de subsidiarité»





I –    Introduction

1.        Le législateur de l’Union pouvait-il interdire la vente des cigarettes mentholées sur le marché intérieur de l’Union européenne à compter du 20 mai 2020? Cette question particulièrement chargée d’affectivité (2) constitue en substance la question de droit que la République de Pologne soumet en l’espèce à l’appréciation de la Cour dans son recours en annulation de la directive 2014/40/UE (3). Ce recours s’inscrit dans une série de litiges suscités au fil des ans par les différentes réglementations de l’Union régissant la fabrication, la présentation et la vente sur le marché intérieur de l’Union des produits du tabac et des produits connexes (4).

2.        Contrairement aux affaires précédentes, le présent recours remet en cause non pas dans son principe, mais simplement au regard de certains aspects particuliers, l’aptitude de l’article 114 TFUE (anciennement article 95 CE ou article 100a du traité CEE) à servir de base légale à la nouvelle directive. Aussi la compétence législative ne revêt-elle plus désormais une importance aussi centrale qu’auparavant. Le point essentiel de la présente affaire consiste au contraire à déterminer si une interdiction à l’échelon de l’Union des cigarettes mentholées est compatible avec le principe de proportionnalité. Il s’agit par ailleurs de définir les exigences auxquelles le principe de subsidiarité soumet une réglementation comme celle en cause dans la présente affaire.

3.        Ces questions de droit, auxquelles s’attachent, selon toute apparence, des intérêts économiques considérables, notamment en Pologne, et qui ont une incidence quotidienne sur l’existence de millions de citoyens de l’Union, soulèvent en définitive la question absolument fondamentale de savoir quelle est la marge d’appréciation qui reste au législateur de l’Union pour garantir la possibilité de mettre sur le marché certains produits conformément à des règles uniformes à l’échelon de l’Union, sans que soit pour autant négligé l’objectif essentiel d’un niveau élevé de protection de la santé, consacré en bonne place par le droit primaire de l’Union [article 9 TFUE, article 114, paragraphe 3, TFUE, article 168, paragraphe 1, TFUE, et article 35, deuxième phrase, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»)].

4.        Parallèlement au présent recours en annulation de la République de Pologne, la Cour est également saisie présentement de deux renvois préjudiciels en appréciation de validité de la Directive émanant d’une juridiction britannique. L’une de ces procédures (5) porte exclusivement sur les nouvelles dispositions de l’article 20 de la Directive applicables aux cigarettes électroniques; elle soulève des questions de droit liées aux principes de proportionnalité et de subsidiarité ainsi qu’aux droits fondamentaux de l’Union. Le second renvoi (6) vise un grand nombre de dispositions spécifiques de la Directive et porte notamment sur le choix de l’article 114 TFUE comme base juridique, sur les principes de subsidiarité, de proportionnalité et de sécurité juridique, sur des questions liées aux droits fondamentaux de l’Union ainsi que sur des problèmes soulevés en rapport avec les articles 290 TFUE et 291 TFUE par la délégation à la Commission européenne de compétences réglementaires et d’exécution. Nous concluons également aujourd’hui dans ces deux affaires.

II – Dispositions litigieuses de la Directive

5.        L’expression «arome caractérisant» désigne, aux termes de la définition donnée à l’article 2, point 25, de la Directive:

«une odeur ou un goût clairement identifiable autre que celle ou celui du tabac, provenant d’un additif ou d’une combinaison d’additifs, notamment à base de fruits, d’épices, de plantes aromatiques, d’alcool, de confiseries, de menthol ou de vanille (liste non exhaustive), et qui est identifiable avant ou pendant la consommation du produit du tabac».

6.        L’article 6 de la Directive, intitulé «Liste prioritaire d’additifs et obligations de déclaration renforcées», dispose que des obligations de déclaration renforcées s’appliquent à certains additifs contenus dans les cigarettes et le tabac à rouler figurant sur une liste prioritaire établie et actualisée par la Commission. L’article 6, paragraphe 2, de la Directive précise à cet égard:

«2.      Les États membres exigent des fabricants et des importateurs de cigarettes ou de tabac à rouler contenant un additif figurant sur la liste prioritaire […] qu’ils réalisent des études approfondies visant à examiner, pour chaque additif, si celui‑ci:

[…]

b)      produit un arôme caractérisant;

[…]»

7.        L’article 7 de la Directive comporte une «Réglementation relative aux ingrédients» et prévoit notamment ce qui suit:

«1.      Les États membres interdisent la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant.

Les États membres n’interdisent pas le recours aux additifs essentiels à la fabrication de produits du tabac […]

[…]

2.      La Commission détermine, à la demande d’un État membre, ou peut déterminer, de sa propre initiative, au moyen d’actes d’exécution, si un produit du tabac relève du champ d’application du paragraphe 1. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 25, paragraphe 2.

3.      La Commission adopte des actes d’exécution établissant des règles uniformes relatives aux procédures permettant de déterminer si un produit relève ou non du champ d’application du paragraphe 1. Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 25, paragraphe 2.

4.      Un panel consultatif indépendant est mis en place au niveau de l’Union. Les États membres et la Commission peuvent consulter ce panel avant d’adopter une mesure au titre des paragraphes 1 et 2 du présent article. La Commission adopte des actes d’exécution établissant les procédures pour la mise en place et le fonctionnement de ce panel.

Ces actes d’exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d’examen visée à l’article 25, paragraphe 2.

5.      Lorsque la teneur ou la concentration de certains additifs ou d’une combinaison d’additifs est telle qu’elle entraîne des interdictions conformément au paragraphe 1 du présent article dans au moins trois États membres, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués conformément à l’article 27 pour fixer des teneurs maximales applicables à ces additifs ou à cette combinaison d’additifs produisant l’arôme caractérisant.

[…]

7.      Les États membres interdisent la mise sur le marché de produits du tabac contenant des arômes dans l’un de leurs composants tels que les filtres, le papier, le conditionnement et les capsules, ou tout dispositif technique permettant de modifier l’odeur ou le goût des produits du tabac concernés ou leur intensité de combustion. […]

[…]

12.      Les produits du tabac autres que les cigarettes et le tabac à rouler sont exemptés des interdictions visées aux paragraphes 1 et 7. La Commission adopte des actes délégués conformément à l’article 27 pour retirer cette exemption pour une catégorie particulière de produits en cas d’évolution notable de la situation établie par un rapport de la Commission.

13.      Les États membres et la Commission peuvent percevoir des redevances proportionnelles auprès des fabricants et des importateurs de produits du tabac pour évaluer si un produit du tabac contient un arôme caractérisant, si des additifs ou des arômes interdits sont utilisés […]

14.      En ce qui concerne les produits du tabac contenant un arôme caractérisant particulier, dont le volume des ventes à l’échelle de l’Union représente 3 % ou plus dans une catégorie de produits déterminée, les dispositions du présent article s’appliquent à compter du 20 mai 2020.

[…]»

8.        S’agissant de la «Présentation du produit», l’article 13 de la Directive spécifie notamment:

«1.      L’étiquetage des unités de conditionnement, tout emballage extérieur ainsi que le produit du tabac proprement dit ne peuvent comprendre aucun élément ou dispositif qui:

[…]

c)      évoque un goût, une odeur, tout arôme ou tout autre additif, ou l’absence de ceux-ci;

[…]»

III – Procédure et conclusions des parties

9.        Par requête déposée le 22 juillet 2014, la République de Pologne a introduit sur le fondement de l’article 263 TFUE le présent recours en annulation contre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.

10.      Ont été admis à intervenir, au soutien des conclusions de la requérante, la Roumanie et, au soutien des conclusions des défendeurs, l’Irlande, la République française, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que la Commission.

11.      La République de Pologne conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’article 2, point 25, l’article 6, paragraphe 2, sous b), l’article 7, paragraphes 1 à 5, 7, première phrase, et 12 à 14, ainsi que l’article 13, paragraphe 1, sous c), de la Directive;

–        condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

12.      La Roumanie demande à la Cour d’annuler l’article 7, paragraphes 1 à 5, 7, première phrase, et 12 à 14, de la Directive.

13.      Le Parlement et le Conseil concluent, quant à eux, à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le recours et

–        condamner la République de Pologne aux dépens.

14.      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le recours comme non fondé et

–        condamner la requérante aux dépens.

15.      Pour leur part, l’Irlande, la République française et le Royaume-Uni concluent chacun au rejet du recours. L’Irlande conclut en outre à la condamnation de la République de Pologne aux dépens.

16.      Dans l’hypothèse où la Cour accueillerait le recours de la République de Pologne, la République française, le Parlement et le Conseil demandent en outre à titre subsidiaire le maintien des effets des dispositions éventuellement annulées de la Directive jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable, d’une nouvelle directive.

17.      Le recours de la République de Pologne a fait, devant la Cour, l’objet d’une procédure écrite ainsi que d’une audience, qui s’est tenue le 30 septembre 2015.

IV – Appréciation

A –    Recevabilité du recours

18.      Avant d’entreprendre l’examen du bien-fondé des griefs soulevés par la République de Pologne, nous estimons nécessaire de traiter brièvement la recevabilité de son recours. En premier lieu, il s’agit de déterminer si les dispositions régissant les arômes caractérisants peuvent faire l’objet d’une contestation autonome. En deuxième lieu, il convient d’examiner si les griefs de la requérante dirigés contre certaines des dispositions litigieuses de la Directive sont suffisamment circonstanciés. En troisième lieu, il y a lieu d’aborder la critique du Conseil tirée de ce que les développements de la République de Pologne relatifs au principe d’égalité de traitement dans le cadre du deuxième échange de mémoires, plus précisément dans son mémoire en réplique, constitueraient un moyen nouveau et irrecevable pour cause de tardiveté.

1.      Sur le cantonnement de l’objet du recours en annulation à des articles individualisés de la Directive

19.      La République de Pologne, soutenue par la Roumanie, ne demande pas l’annulation de la Directive dans son intégralité, mais en conteste simplement certaines dispositions, c’est-à-dire toutes celles qui ont pour objet les arômes caractérisants ou, tout simplement, les arômes.

20.      Il résulte d’une jurisprudence constante que l’annulation partielle d’un acte d’une institution de l’Union n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte (exigence dite «de séparabilité») (7). Ce caractère détachable fait défaut lorsque l’annulation partielle de l’acte litigieux aurait pour effet d’en modifier la substance (8).

21.      Les dispositions litigieuses de la Directive contiennent des prescriptions spécifiques applicables aux produits du tabac contenant un arôme caractérisant et dont l’existence est indépendante de celle des autres dispositions de la Directive. Il n’a pas été produit devant la Cour d’indices suggérant que la validité des dispositions de la Directive relatives à ces arômes soit indissociable de celle de ses autres dispositions. Même si la Cour devait en l’espèce annuler des prescriptions isolées se rapportant aux arômes, les autres règles édictées par la Directive conserveraient leur justification et une portée identique.

22.      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les dispositions relatives aux arômes caractérisants constituent des éléments détachables de la Directive, dont la substance ne serait pas affectée par une annulation éventuelle des dispositions en cause.

23.      Pour ces mêmes raisons – contrairement à ce que la République de Pologne a déclaré lors de l’audience – rien ne s’opposerait en pure théorie à ce que les dispositions de la Directive relatives aux arômes caractérisants fassent, à leur tour, l’objet d’une annulation seulement partielle en ce qu’il en résulte une interdiction des cigarettes mentholées.

2.      Sur le caractère suffisamment circonstancié des allégations de la requérante

24.      Il est frappant de constater que la République de Pologne demande l’annulation de toute une série de dispositions isolées de la Directive, sans exposer toutefois des arguments plus précis au sujet de certaines d’entre elles, à savoir l’article 6, paragraphe 2, sous b), l’article 7, paragraphes 12 et 14, et l’article 13, paragraphe 1, sous c).

25.      Il importe de rappeler que les allégations d’une partie requérante doivent être suffisamment circonstanciées. En vertu de l’article 120, sous c), du règlement de procédure de la Cour de justice et de la jurisprudence y relative, toute requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et à la Cour d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même et que les conclusions de cette dernière doivent être formulées de manière non équivoque, afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (9).

26.      En l’espèce, dans la requête il n’est nullement expliqué pourquoi la République de Pologne demande spécifiquement l’annulation de l’article 6, paragraphe 2, sous b), de l’article 7, paragraphes 12 et 14, et de l’article 13, paragraphe 1, sous c), de la Directive. Le contexte du recours de la République de Pologne n’apporte pas non plus d’éclaircissements à cet égard.

27.      Bien au contraire, comme il ressort des moyens développés par la République de Pologne dans sa requête et de ses observations orales devant la Cour, ses prétentions sont exclusivement dirigées contre l’interdiction des cigarettes mentholées édictée par le droit de l’Union. Or, les dispositions précitées de la Directive n’énoncent absolument aucune interdiction de ce genre en tant que telle.

28.      L’on peut certes soutenir qu’une éventuelle annulation par la Cour de l’interdiction des cigarettes mentholées devrait nécessairement s’étendre aux dispositions de la Directive indissociables de cette interdiction. Toutefois, une telle extension ne concerne tout au plus, parmi les dispositions précitées, que l’article 13, paragraphe 1, sous c), de la Directive, qui interdit de mentionner le goût, l’odeur ou l’arôme sur les unités de conditionnement des cigarettes: si, comme le souhaitent la République de Pologne et la Roumanie, la commercialisation des cigarettes mentholées devait demeurer autorisée à l’avenir, il faudrait alors autoriser la mention sur leur emballage de la présence de menthol en tant qu’ingrédient. Comment, sinon, le consommateur pourrait-il arrêter son choix entre les cigarettes mentholées et les cigarettes non aromatisées?

29.      Cependant, les autres dispositions précitées de la Directive ne présentent pas avec l’interdiction des cigarettes mentholées une corrélation si étroite que leur validité serait indissociable de celle de cette interdiction. C’est ainsi que l’article 6, paragraphe 2, sous b), de la Directive impose aux fabricants et aux importateurs de cigarettes et de tabac à rouler l’obligation de réaliser certaines études, laquelle n’entretient aucun rapport direct avec une interdiction des cigarettes mentholées. Il en va de même de l’article 7, paragraphe 12, de la Directive, qui prévoit des dérogations à l’interdiction de mise sur le marché des produits du tabac contenant un arôme caractérisant. Enfin, l’article 7, paragraphe 14, de la Directive n’édicte pas non plus une interdiction des cigarettes mentholées, mais se borne à reporter au 20 mai 2020 la prise d’effet de certaines interdictions, dont celle du menthol.

30.      Il s’ensuit que le recours de la République de Pologne est irrecevable en ce que sa contestation de l’article 6, paragraphe 2, sous b), et de l’article 7, paragraphes 12 et 14, de la Directive n’est pas suffisamment circonstanciée.

3.      Sur l’existence prétendue d’un moyen nouveau et tardif, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

31.      En se fondant sur l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, le Conseil excipe du caractère nouveau d’un moyen que la République de Pologne aurait invoqué tardivement, au stade du deuxième échange de mémoires, plus précisément dans sa réplique, et consistant à alléguer la violation du principe d’égalité de traitement: la Directive aurait appliqué, de l’avis de la République de Pologne, un traitement identique aux cigarettes mentholées et aux autres produits du tabac aromatisés, malgré les différences objectives qu’ils présentent.

32.      Cette exception du Conseil repose visiblement sur une lecture erronée des arguments développés par la requérante au cours de la procédure écrite. Il est vrai que la République de Pologne souligne effectivement à plusieurs reprises dans ses écritures les différences censées exister entre les cigarettes mentholées et les autres produits du tabac aromatisés. Ces allégations constituent cependant, ainsi qu’il ressort par ailleurs clairement des plaidoiries, non pas un moyen distinct, mais, au contraire, une argumentation présentée à l’appui des trois moyens proprement dits articulés par la requérante. Cette argumentation a été exposée pour la première fois dès le stade de la requête. Ainsi qu’il résulte par ailleurs clairement de la réplique, la République de Pologne, en présentant un exposé plus détaillé de ces arguments au cours du deuxième échange de mémoires, se borne à répondre à un argument spécifique du Parlement et du Conseil et s’emploie à préciser l’objet du litige circonscrit par la requête. Une telle démarche est parfaitement licite.

33.      Il convient dès lors de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil.

4.      Conclusion intermédiaire

34.      Le recours de la République de Pologne est irrecevable en ce que sa contestation de l’article 6, paragraphe 2, sous b), et de l’article 7, paragraphes 12 et 14, de la Directive n’est pas suffisamment circonstanciée. Le recours est recevable pour le surplus.

B –    Bien-fondé du recours

35.      Par son recours en annulation, la République de Pologne conteste une série de dispositions spécifiques de la Directive se rapportant toutes à l’utilisation d’arômes caractérisants dans les produits du tabac. Ce recours vise à faire échec à l’interdiction de la commercialisation des cigarettes mentholées sur le marché intérieur de l’Union, laquelle doit prendre effet le 20 mai 2020, conformément à l’article 7, paragraphe 14, de la Directive (10).

36.      À cette fin, la République de Pologne invoque trois moyens: en premier lieu, elle fait valoir que l’interdiction des cigarettes mentholées ne pouvait pas être légalement fondée sur l’article 114 TFUE. En deuxième lieu, elle argue de la violation du principe de proportionnalité et, en troisième lieu, allègue la méconnaissance du principe de subsidiarité.

1.      Sur le choix de l’article 114 TFUE comme base juridique (premier moyen)

37.      Par son premier moyen, la République de Pologne soutient que l’article 114 TFUE ne peut être envisagé comme base juridique d’une interdiction des cigarettes mentholées à l’échelle de l’Union.

38.      Il convient de relever à cet égard qu’un acte législatif adopté sur cette base juridique doit, d’une part, comporter des mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres et, d’autre part, avoir pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur (11). Ces mesures d’harmonisation du marché intérieur au sens de l’article 114 TFUE doivent en outre avoir effectivement pour objet d’améliorer les conditions de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur (12).

39.      À ces fins, l’article 114 TFUE habilite le législateur de l’Union, selon une jurisprudence bien établie, à interdire la commercialisation d’un produit déterminé sur l’ensemble du marché intérieur de l’Union, autant que cette mesure sert à éliminer les obstacles aux échanges d’une catégorie de produits ou a simplement pour objet de prévenir la survenance de tels obstacles (13).

40.      L’exemple des produits du tabac litigieux permet d’illustrer ces considérations en ces termes: l’interdiction par le droit de l’Union de certaines modalités d’offre du tabac vise à créer des conditions d’échanges uniformes applicables à tous les produits du tabac dans l’ensemble de l’Union. Ainsi, l’interdiction à l’échelon de l’Union des produits du tabac contenant un arôme caractérisant représente en quelque sorte la contrepartie de l’aptitude des produits du tabac «normaux», conformes aux conditions posées par la Directive, à circuler librement sur le marché intérieur de l’Union, tout en assurant un niveau élevé de protection de la santé (14). En d’autres termes, les produits du tabac pourront désormais être en principe commercialisés dans l’Union, dans la mesure toutefois où ils ne contiennent pas d’arômes caractérisants.

41.      Aussi la République de Pologne ne semble-t-elle d’ailleurs absolument pas contester en l’espèce que l’article 114 TFUE puisse en principe constituer la base juridique appropriée de mesures d’harmonisation du marché intérieur applicables à des produits du tabac allant jusqu’à interdire la commercialisation de certains produits issus d’une catégorie plus vaste de produits du tabac.

42.      S’agissant spécifiquement des cigarettes mentholées, la République de Pologne estime toutefois qu’il n’existait à la date d’adoption de la Directive ni disparités entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales [première branche du premier moyen; voir ci-dessous, sous a)] ni aucune vraisemblance d’une évolution hétérogène de ces dispositions [seconde branche du premier moyen; voir ci-dessous, sous b)]. La République de Pologne en déduit que l’interdiction litigieuse des cigarettes mentholées ne pouvait être fondée sur l’article 114 TFUE (15).

a)      Sur l’élimination des obstacles aux échanges existants (premier moyen, pris en sa première branche)

43.      La première branche du premier moyen conteste en substance les dispositions litigieuses de la Directive en ce qu’elles seraient inaptes à éliminer les obstacles aux échanges existants, mais, au contraire, susceptibles de provoquer l’émergence de nouveaux obstacles de cette nature.

i)      Sur les divergences entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales

44.      Selon une jurisprudence bien établie, le législateur de l’Union peut recourir à l’article 114 TFUE, notamment en cas de divergences entre les réglementations nationales, lorsque celles-ci sont de nature à entraver les libertés fondamentales et à avoir ainsi une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (16), ou à créer des distorsions de concurrence sensibles (17).

45.      La République de Pologne, soutenue par la Roumanie, argue de l’absence totale, à la date de l’adoption de la Directive, de divergences entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales applicables aux cigarettes mentholées.

46.      Cette allégation n’emporte pas l’adhésion. Elle est, en effet, manifestement fondée sur la conception erronée que le législateur de l’Union n’aurait été habilité par l’article 114 TFUE à réglementer l’utilisation du menthol à titre d’arôme caractérisant dans les produits du tabac qu’en présence de divergences entre les réglementations des États membres portant spécifiquement sur les cigarettes mentholées.

47.      Il convient d’écarter un tel «saucissonnage», qui considère isolément chaque segment de marché réglementé, parmi d’autres, par une mesure d’harmonisation du marché intérieur, voire même, le cas échéant, divers composants de produits pris isolément. Il s’agit au contraire de déterminer si la Directive peut être fondée, dans son ensemble, sur l’article 114 TFUE.

–       Aucune raison ne justifiait l’examen isolé des cigarettes mentholées

48.      L’examen autonome des cigarettes mentholées envisagé par la République de Pologne et la Roumanie ne serait tout au plus concevable que si les cigarettes mentholées occupaient une position particulière par rapport aux autres produits du tabac aromatisés.

49.      Il est vrai que la République de Pologne a tenté au cours de la procédure devant la Cour de revendiquer précisément l’existence d’une telle position en faveur des cigarettes mentholées. Cette argumentation n’est toutefois pas convaincante. Il existe au contraire entre les cigarettes mentholées, d’une part, et les autres cigarettes aromatisées, d’autre part, suffisamment de points communs pour que le législateur de l’Union ait pu adopter une démarche uniforme dans la Directive.

50.      Cette conclusion émane d’une comparaison des deux variétés de cigarettes intégrant tous les éléments pertinents. Il convient, à cet égard, de retenir à la fois que les deux produits présentent des propriétés objectives analogues (18) et qu’ils se trouvent dans une situation comparable au regard des objectifs poursuivis par les dispositions en cause (19).

51.      S’agissant, tout d’abord, des spécifications des différentes variétés de cigarettes, il est impossible de relever de notables différences entre les cigarettes mentholées et les autres cigarettes aromatisées. Le mode de consommation est également identique: dans tous les cas, il y a combustion de tabac et la fumée est exhalée ou inhalée (20).

52.      La comparaison des cigarettes mentholées aux autres cigarettes aromatisées ne fait pas davantage apparaître de différences significatives au regard de l’objectif global de la Directive consistant à assurer la capacité des produits du tabac à circuler sur le marché intérieur de l’Union, tout en garantissant un niveau élevé de protection de la santé (21). Effectivement, tous les arômes caractérisants, qu’il s’agisse du menthol ou d’autres arômes, peuvent en principe avoir pour effet d’atténuer ou d’occulter le goût généralement très âpre, voire âcre, de la fumée du tabac. Il en résulte un risque sérieux que les cigarettes aromatisées facilitent l’initiation des non-fumeurs à la consommation de tabac (22) et entravent le sevrage nicotinique des fumeurs habituels, en tout cas d’un certain nombre d’entre eux (23).

53.      C’est en vain que la République de Pologne objecte à ce propos que les cigarettes mentholées sont un produit «traditionnel», pouvant justifier de longues années de présence sur le marché, et qu’elles exercent moins d’attrait sur les jeunes et les jeunes adultes que d’autres cigarettes aromatisées (24).

54.      D’une part, en effet, il n’existe aucune raison objective de soumettre les produits réputés «traditionnels» et établis de longue date sur le marché à des critères de protection de la santé moins stricts que ceux applicables aux produits innovants. S’il peut être, le cas échéant, justifié de traiter certains produits, spécialement en raison de leur nouveauté, plus sévèrement que d’autres produits ou de les soumettre à un régime spécifique (25), il ne peut toutefois en résulter a contrario que les produits d’ores et déjà établis sur le marché doivent être, en règle générale, assujettis à une réglementation moins stricte que les produits nouveaux.

55.      D’autre part, l’argumentation de la République de Pologne passe totalement sous silence que l’objectif de la Directive consistant à assurer un niveau élevé de protection de la santé sur le marché intérieur de l’Union ne s’épuise nullement dans la protection des jeunes et des jeunes adultes, même si ce groupe d’administrés est au cœur de son dispositif (26). En effet, comme nous l’avons indiqué ci-dessus (27), la Directive vise aussi d’une façon tout à fait générale à assurer un niveau élevé de protection de la santé (voir, notamment l’article 1er de la Directive), ce qui inclut assurément la promotion du sevrage nicotinique des fumeurs habituels.

56.      Dans ces conditions, il n’est pas déterminant de savoir si l’interdiction litigieuse des cigarettes mentholées produit spécifiquement des résultats positifs en faveur de la santé des jeunes. En effet, même si tel ne devait pas être le cas dans une large mesure, l’interdiction des cigarettes mentholées pourrait produire des effets sur d’autres groupes de consommateurs (28) et contribuer ainsi globalement à relever le niveau de protection de la santé sur le marché intérieur de l’Union. Cela suffit en soi à justifier l’institution par la Directive d’une interdiction uniforme de mise sur le marché des cigarettes mentholées et des autres cigarettes aromatisées.

57.      Il y a donc lieu de rejeter dans son intégralité la thèse de la République de Pologne et de la Roumanie selon laquelle les cigarettes mentholées occupent une position particulière les différenciant des autres cigarettes contenant des arômes caractérisants et exigeant une dérogation à l’interdiction de mise sur le marché instituée à l’échelon de l’Union par la Directive à l’encontre de ce groupe de produits du tabac (29).

–       Il existait suffisamment de divergences entre les réglementations nationales

58.      Le recours à l’article 114 TFUE est donc uniquement et exclusivement conditionné par le point de savoir si l’élimination des divergences existant entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres susceptibles d’entraver les échanges commerciaux sur le marché intérieur de l’Union s’imposait à la date d’adoption de la Directive en matière d’utilisation des arômes caractérisants dans les produits du tabac, qu’il s’agisse de menthol ou d’autres arômes.

59.      Comme le Royaume-Uni et le Conseil l’ont notamment précisé devant la Cour, sans être contestés, certains États membres avaient déjà réglementé à l’époque l’utilisation des arômes caractérisants, alors que d’autres s’en étaient abstenus. Les réglementations existantes présentaient un contenu largement divergent et ne se rapportaient pas nécessairement aux mêmes arômes (30). Cet ensemble disparate de réglementations nationales était de nature à susciter l’émergence d’obstacles considérables aux échanges sur un marché intérieur des produits du tabac caractérisé par un intense commerce transfrontalier (31).

60.      Même une éventuelle absence d’obstacles notables aux échanges sur le segment spécifique des cigarettes mentholées n’aurait pas remis en cause le recours à l’article 114 TFUE, dont l’application ne postule effectivement pas que chaque disposition détaillée d’une mesure d’harmonisation du marché intérieur fondée sur cette base juridique doive porter remède à des divergences concrètes entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales. La démarche déterminante consiste au contraire à appréhender la réglementation dans son ensemble (32).

61.      Comme les institutions défenderesses et certaines des parties intervenant à leur soutien le relèvent à juste titre, le législateur de l’Union a pu également retenir en l’espèce que l’interdiction des cigarettes contenant des arômes caractérisants aurait nettement moins contribué à l’obtention d’un niveau élevé de protection de la santé si les consommateurs existants ou potentiels de produits du tabac aromatisés avaient continué de disposer sur le marché intérieur de cigarettes mentholées à titre de solution de repli (33).

62.      Au-delà de ces considérations, deux États membres au moins – le Royaume de Belgique et la République fédérale d’Allemagne – avaient interdit, avant même la date d’adoption de la Directive, l’utilisation de certaines capsules mentholées dans les cigarettes, de sorte que cette variété particulière de cigarettes mentholées ne pouvait en tout cas pas être commercialisée dans ces États membres (34). En revanche, des interdictions comparables ne semblent pas avoir été en vigueur à l’époque dans d’autres États membres. Le grief tiré par la République de Pologne de l’absence de disparités entre réglementations nationales dans le secteur spécifique des cigarettes mentholées est donc non seulement peu convaincant sur le plan du mode de fonctionnement de l’article 114 TFUE, mais également entaché d’erreur de fait en l’espèce.

63.      Il convient encore de relever dans ce contexte que le nombre des États membres ayant légiféré ou ayant eu l’intention de légiférer dans le domaine concerné à la date de la proposition de la Commission n’est pas déterminant en lui-même pour l’appréciation de la légalité du recours à l’article 114 TFUE par le législateur de l’Union, dès lors que les conditions de son utilisation étaient réunies à la date d’adoption de l’acte législatif en cause (35).

64.      En effet, les conditions auxquelles est subordonnée une intervention du législateur de l’Union fondée sur l’article 114 TFUE sont de nature non pas quantitative, mais qualitative. Pour adopter une mesure d’harmonisation, il n’importe pas tellement de savoir si, et dans combien d’États membres, un produit déterminé fait l’objet de réglementations ou même d’interdictions. Toute perturbation existante ou prévisible des échanges dans le marché intérieur peut justifier une mesure d’harmonisation, à condition que les principes généraux d’exercice des compétences d’harmonisation, notamment les principes de subsidiarité et de proportionnalité (article 5, paragraphes 3 et 4, TUE) (36) soient respectés (37).

65.      Il y a donc lieu de rejeter le premier grief soulevé par la République de Pologne dans le cadre du premier moyen, pris en sa première branche.

ii)    Sur la prétendue création de nouveaux obstacles aux échanges

66.      La République de Pologne, soutenue par la Roumanie, fait encore valoir dans le cadre de cette première branche du premier moyen que l’article 7, paragraphe 1, de la Directive ne définit pas avec suffisamment de précision le champ d’application matériel de l’interdiction de mise sur le marché des produits du tabac contenant un arôme caractérisant, étant donné que la Directive ne dresse aucune liste des arômes autorisés ou interdits. La République de Pologne considère que cette situation conduit non pas à l’élimination d’éventuels obstacles aux échanges existants, mais, au contraire, à la création de nouveaux obstacles de cette nature, car il y aurait lieu de craindre que les États membres exerceront de façon divergente la marge d’appréciation dont ils disposent sur ce point.

67.      Ce grief n’emporte toutefois pas davantage la conviction.

68.      D’une part, il est dans la nature d’une législation d’utiliser des notions juridiques indéterminées. Tel est à plus forte raison le cas des dispositions des directives, qui exigent toujours une transposition en droit national (voir l’article 288, troisième alinéa, TFUE). Dans ce contexte, le législateur de l’Union dispose d’une marge d’appréciation quant à la technique de rapprochement la plus appropriée afin d’aboutir au résultat souhaité (38).

69.      D’autre part, l’on peut en toute hypothèse difficilement concevoir dans quelle mesure l’interdiction à l’échelon de l’Union de tous les produits du tabac contenant des arômes caractérisants, telle que prescrite à l’article 7, paragraphe 1, de la Directive, devrait engendrer, lors de sa transposition en droit national, des divergences d’une ampleur de nature à susciter des craintes sérieuses de nouveaux obstacles aux échanges.

70.      À supposer même que des divergences apparaissent à cet égard, le législateur de l’Union aurait suffisamment pourvu à leur prévention dans la Directive, dont l’article 7, paragraphes 2 à 5, permet en effet à la Commission d’adopter, sous les conditions qu’il précise, des actes d’exécution et des actes délégués, en vue de dissiper les ambiguïtés résiduelles.

71.      L’adoption à l’échelon de l’Union d’une liste des substances aromatiques autorisées ou interdites (une sorte de «liste positive» ou de «liste négative»), suggérée par la République de Pologne à titre de solution de remplacement de l’article 7 de la Directive, aurait présenté l’inconvénient rédhibitoire d’une rédaction lourde et facile à contourner, aggravé de surcroît par la nécessité d’actualiser la liste en permanence, eu égard au développement rapide du secteur. Par ailleurs, une telle démarche restreindrait indûment la marge d’appréciation résiduelle des instances nationales, en méconnaissance du principe de proportionnalité (article 5, paragraphe 4, TUE).

72.      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen du recours est dénuée de fondement dans son intégralité.

b)      Sur le risque d’une évolution future hétérogène des dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales (premier moyen, pris en sa seconde branche)

73.      La République de Pologne soutient dans la seconde branche du premier moyen qu’il est «hautement invraisemblable» que des obstacles aux échanges surviennent à l’avenir sur le marché intérieur de l’Union à la suite de l’adoption d’interdictions nationales des cigarettes mentholées.

74.      Nous n’aborderons ci-dessous cette question qu’à titre subsidiaire, car il découle en toute hypothèse de notre analyse de la première branche du premier moyen qu’il existait dès la date d’adoption de la Directive des obstacles significatifs aux échanges en raison des divergences existant à l’époque entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales régissant les produits du tabac contenant des arômes caractérisants. Ainsi la question de l’émergence de futurs obstacles aux échanges est en réalité sans objet.

75.      Il nous apparaît en outre que l’argumentation de la République de Pologne est contradictoire. L’allégation qu’elle émet dans le cadre de cette seconde branche du premier moyen, selon laquelle il n’y aurait pas lieu de s’attendre à une évolution divergente des dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, n’est guère compatible avec la crainte, exprimée dans la première branche du premier moyen, de démarches discordantes adoptées par les États membres dans la transposition de l’interdiction des arômes caractérisants (39).

76.      Quoi qu’il en soit, il résulte d’une jurisprudence bien établie que le recours à l’article 114 TFUE comme base juridique est possible pour prévenir des obstacles futurs aux échanges résultant de l’évolution hétérogène des législations nationales, dans la mesure où l’apparition de tels obstacles est vraisemblable et que la mesure d’harmonisation adoptée a pour objet leur prévention (40).

77.      Tel est précisément le cas en l’espèce, surtout si l’on intègre dans les réflexions le contexte international dans lequel s’inscrivent les travaux de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

78.      Les institutions défenderesses et certaines des parties intervenant à leur soutien ont exposé de façon convaincante que l’Union et ses États membres ont été invités, à la suite de l’adoption de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (ci-après la «convention-cadre de l’OMS») (41), à restreindre ou à interdire l’utilisation dans les produits du tabac d’ingrédients, y compris le menthol, pouvant servir à améliorer leur goût. Certes, ces mesures ne découlent pas des termes de la convention-cadre elle-même, mais procèdent des directives concernant l’application de ses articles 9 et 10, que la conférence des parties contractantes a adoptées il y a quelques années (42).

79.      Même si ces directives ne sont pas en soi juridiquement contraignantes, elles n’en revêtent pas moins un caractère universel de recommandation en faveur de la mise en œuvre de la convention-cadre de l’OMS par les parties contractantes (43). Elles apportent donc également des éléments d’orientation aux États membres de l’Union ayant concouru à la conclusion de cette convention-cadre.

80.      Dans ces conditions, le législateur de l’Union était autorisé à escompter l’adoption rapide de dispositions nationales réglementant l’utilisation du menthol et d’autres arômes caractérisants dans les produits du tabac, s’il s’était révélé impossible d’adopter au niveau de l’Union une réglementation uniforme, ce que l’Irlande et la République française ont confirmé de façon très concluante devant la Cour, à la lumière de leur pratique interne respective. L’argument factuel de la République de Pologne selon lequel les États membres de l’Union n’ont, en réalité, guère légiféré en la matière pendant une longue période procède sans doute uniquement de ce que la Commission avait déjà préparé et engagé au sein de l’Union la procédure législative d’adoption de la Directive (44) à une date plus ou moins contemporaine de celle de la parution des directives OMS (45).

81.      En outre, le législateur de l’Union pouvait raisonnablement supposer qu’à défaut d’adoption à l’échelon de l’Union d’une mesure d’harmonisation, d’éventuelles dispositions nationales mettant en œuvre la convention-cadre de l’OMS divergeraient d’un État membre à l’autre et conduiraient donc à l’émergence de nouveaux obstacles aux échanges sur le marché intérieur. En effet, les directives concernant l’application de la convention-cadre ne prescrivent pas de mesures concrètes aux parties à la convention, mais leur confèrent une marge de manœuvre on ne peut plus importante. En particulier, elles leur ouvrent une option entre les interdictions et les simples restrictions à l’utilisation d’agents de sapidité dans les produits du tabac et ne livrent que des exemples de telles substances.

82.      Dans ces conditions, la seconde branche du premier moyen est également infondée.

c)      Conclusion intermédiaire

83.      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

2.      Sur le principe de proportionnalité (deuxième moyen)

84.      Le deuxième moyen porte sur le principe de proportionnalité. La République de Pologne argue de l’incompatibilité des dispositions litigieuses de la Directive avec ce principe, tel qu’il est consacré à l’article 5, paragraphe 4, TUE.

a)      Considérations générales sur le principe de proportionnalité

85.      Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit de l’Union. Il est établi à l’article 5, paragraphe 4, TUE spécifiquement au regard de l’exercice de leurs compétences par les institutions de l’Union. Il exige que leurs actes soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs (46), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les charges imposées ne doivent pas être démesurées par rapport aux buts visés (47).

86.      Dans l’exercice du contrôle juridictionnel des actes de l’Union au regard de leur proportionnalité, il importe de considérer que, dès lors que des ingérences dans des droits fondamentaux sont en cause, l’étendue du pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union peut s’avérer limitée en fonction d’un certain nombre d’éléments, parmi lesquels figurent, notamment, le domaine concerné, la nature du droit en cause, la nature et la gravité de l’ingérence ainsi que la finalité de celle‑ci (48).

87.      La présente affaire touche au droit fondamental à la liberté d’entreprise (article 16 de la Charte). Selon une jurisprudence constante, la liberté d’entreprise peut être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (49), étant précisé que le législateur de l’Union dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale, et où il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (50).

88.      Il est indéniable, et il n’est d’ailleurs sérieusement contesté par aucune des parties, que l’adoption de la Directive a placé précisément le législateur de l’Union face à ce genre de questions complexes de nature économique, sociale et politique. Il convenait donc de lui reconnaître un large pouvoir d’appréciation pour procéder aux évaluations sous-jacentes à la Directive, en particulier au vu des meilleurs moyens d’atteindre le haut niveau de protection de la santé requis sur le marché intérieur de l’Union (article 9 TFUE, article 114, paragraphe 3, TFUE, article 168, paragraphe 1, TFUE et article 35, deuxième phrase, de la Charte). Il en est également ainsi parce que, par nature, les prévisions portant sur le fonctionnement futur du marché peuvent tout au plus être vérifiées à la mesure de leur plausibilité.

89.      Ce pouvoir d’appréciation implique qu’une méconnaissance du principe de proportionnalité par le législateur de l’Union ne peut être retenue que lorsque l’acte de l’Union considéré est manifestement disproportionné, en ce sens qu’il est visiblement inapte à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis, va manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs, ou bien produit des inconvénients manifestement disproportionnés par rapport à ces objectifs (51). Peu importe, en revanche, que la mesure adoptée dans cet acte soit la seule concevable ou même seulement la plus opportune.

90.      C’est en considération de ces critères qu’il convient de soumettre ci‑dessous les dispositions litigieuses de la Directive au contrôle juridictionnel de leur proportionnalité.

b)      Caractère approprié et nécessité d’une interdiction de mise sur le marché (deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches)

91.      La République de Pologne soutient dans les deux premières branches de ce deuxième moyen qu’une interdiction des cigarettes mentholées n’est ni appropriée ni nécessaire pour atteindre le niveau élevé de protection de la santé que le législateur de l’Union vise à atteindre avec la Directive.

i)      Observations préalables sur le principe de précaution

92.      Il importe de noter au préalable qu’aucune des parties à la procédure ne nie les risques liés à l’action de fumer (52). Toutes les parties s’accordent également à reconnaître, en principe, que les arômes caractérisants facilitent ou confortent cette action et peuvent donc induire des risques pour la santé (53).

93.      En revanche, les parties s’opposent vivement sur l’impact que l’interdiction des cigarettes mentholées produira sur le comportement des fumeurs existants ou potentiels. Les deux camps étayent leurs thèses d’études scientifiques et se reprochent réciproquement l’absence de fondement scientifique suffisamment solide de leurs développements respectifs.

94.      Toutefois, l’appréciation de la validité de la Directive et, en particulier, de la proportionnalité de ses dispositions litigieuses n’est nullement tributaire du point de savoir si les considérations de santé que le législateur de l’Union a avancées au sujet des cigarettes mentholées et que nous estimons à titre personnel tout à fait plausibles peuvent faire l’objet d’une preuve suffisamment précise, en l’état actuel de la science.

95.      En adoptant la Directive, le législateur de l’Union était en effet tenu de respecter le principe de précaution (54). C’est précisément lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué en raison de la nature insuffisante, non concluante ou imprécise des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour la santé publique persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, que le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives, sous réserve qu’elles soient non discriminatoires et objectives (55).

96.      L’appel, formulé au sein de l’OMS, à la limitation ou à l’interdiction universelles de l’utilisation dans les produits du tabac d’ingrédients, y compris le menthol (56), pouvant servir à améliorer le goût de ces produits n’est, lui aussi, rien d’autre que l’expression du principe de précaution.

97.      Certes, ce principe contraint le législateur de l’Union à adopter constamment ses décisions en fonction des données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale (57) (voir également, en ce sens, l’article 114, paragraphe 3, TFUE). Cependant, ni la République de Pologne ni la Roumanie n’ont nié que le législateur de l’Union se soit acquitté en l’espèce de cette obligation (58). Le désaccord opposant les parties porte simplement sur les enseignements qu’il convenait de tirer des connaissances scientifiques examinées. Or, le législateur de l’Union disposait, dans cette mesure, d’un large pouvoir d’appréciation, dont il n’a excédé en aucune façon les limites dans le cas d’espèce.

98.      Il s’ensuit que le principe de précaution rendait parfaitement défendable, voire même exigeait, le cas échéant, l’adoption de dispositions générales strictes régissant l’utilisation des arômes caractérisants dans les produits du tabac, d’autant plus que les obligations dérivant du droit primaire de l’Union imposaient la réalisation d’un niveau élevé de protection de la santé (article 9 TFUE, article 114, paragraphe 3, TFUE, article 168, paragraphe 1, TFUE et article 35, deuxième phrase, de la Charte).

ii)    Caractère approprié d’une interdiction de mise sur le marché (deuxième moyen, pris en sa première branche)

99.      La République de Pologne invoque trois arguments pour contester l’aptitude de l’interdiction de la mise sur le marché des cigarettes mentholées à atteindre l’objectif de la Directive consistant à améliorer le niveau de protection de la santé, surtout de celle des jeunes: premièrement, les cigarettes mentholées seraient un produit «traditionnel», moins attractif pour les jeunes que d’autres produits du tabac aromatisés; deuxièmement, il ne serait pas objectivement démontré qu’une interdiction des cigarettes mentholées soit bien apte à inciter dans une moindre mesure les jeunes au tabagisme ou à réduire d’une façon générale le nombre des fumeurs. Troisièmement, l’interdiction provoquerait l’épanouissement du marché noir des cigarettes mentholées.

–       Sur l’impact d’une interdiction des cigarettes mentholées sur la santé

100. S’agissant des deux premiers arguments développés par la République de Pologne, nous avons déjà relevé ci-dessus à propos de l’article 114 TFUE qu’il n’existe aucune raison objective d’appliquer à des produits réputés «traditionnels» et établis de longue date sur le marché des critères de protection de la santé moins sévères que ceux applicables aux produits innovants (59). Comme la République française le relève fort justement, le caractère traditionnel d’un produit n’en justifie pas le maintien sur le marché, lorsqu’il gêne la réalisation d’un niveau élevé de protection de la santé.

101. En outre, la République de Pologne nous paraît soutenir à tort que les institutions de l’Union devraient démontrer objectivement qu’une interdiction des cigarettes mentholées aurait pour effet de réduire l’initiation à la consommation de tabac chez les jeunes ou une diminution du nombre de fumeurs en général.

102. En effet, comme nous l’avons déjà relevé, le critère d’appréciation du caractère approprié des dispositions litigieuses ne consiste pas tellement à déterminer si l’impact sur le comportement des fumeurs (existants ou potentiels) que le législateur attribue à l’interdiction des arômes caractérisants peut être scientifiquement prouvé avec une précision suffisante. Par nature, les prévisions portant sur l’évolution future du fonctionnement du marché ne se prêtent pas à une preuve au sens propre, mais peuvent tout au plus être vérifiées au regard de leur plausibilité.

103. Il apparaît parfaitement plausible que, comme l’envisage le législateur de l’Union, une interdiction des cigarettes mentholées et des autres cigarettes aromatisées réduise l’attrait de l’initiation à la consommation de tabac chez les jeunes et les jeunes adultes et facilite parallèlement le sevrage nicotinique des fumeurs existants, en tout cas, de certains d’entre eux. En un mot, dès lors que les arômes caractérisants facilitent ou confortent l’action de fumer, parce qu’ils peuvent habituellement avoir pour effet d’atténuer ou d’occulter le goût généralement très âpre, voire âcre, de la fumée du tabac, il est concevable d’admettre que l’abandon de tels arômes peut produire l’effet inverse et contribuer ainsi à améliorer la protection de la santé.

104. En aucun cas, une interdiction des arômes caractérisants dans les produits du tabac ne peut être considérée comme manifestement inappropriée pour atteindre l’objectif précité et contribuer ainsi à un niveau élevé de protection de la santé sur le marché intérieur de l’Union. Cette observation est encore plus valable lorsque l’on prend en compte le principe de précaution et le large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur de l’Union dans le choix du meilleur moyen d’atteindre le niveau élevé de protection de la santé requis sur le marché intérieur.

–       Sur le prétendu épanouissement du marché noir des cigarettes mentholées

105. La prédiction d’un épanouissement du marché noir des cigarettes mentholées annoncée par la République de Pologne ne constitue, quant à elle, rien de plus qu’une simple affirmation, fort peu étayée au demeurant.

106. Les institutions défenderesses et certaines des parties intervenant à leur soutien tentent avant tout de répondre à cette affirmation en renvoyant aux nouvelles dispositions des articles 15 et 16 de la Directive, qui édictent des prescriptions détaillées applicables à la traçabilité des paquets de cigarettes et à l’apposition sur ceux-ci de dispositifs de sécurité.

107. Certes, il faut concéder à la République de Pologne que de telles mesures préventives ne sont pas en elles-mêmes aptes à garantir la cessation d’une éventuelle contrebande de cigarettes mentholées en provenance d’États tiers ni de la vente de cigarettes mentholées illégalement importées ou commercialisées sur le marché noir à l’intérieur de l’Union.

108. Nous pensons cependant que la question décisive ne saurait non plus consister à savoir si ces mesures peuvent efficacement empêcher la contrebande et les transactions sur le marché noir (60). Deux points sont au contraire déterminants: d’une part, les articles 15 et 16 de la Directive gênent l’exercice d’activités illégales et en facilitent la détection; d’autre part, et surtout, les consommateurs pourront plus difficilement continuer de s’approvisionner en cigarettes mentholées et en autres cigarettes aromatisées après l’entrée en vigueur d’une interdiction de mise sur le marché des produits du tabac contenant des arômes caractérisants. Cette circonstance permet à elle seule de considérer qu’une telle interdiction ne manquera pas de contribuer à la garantie d’un niveau élevé de protection de la santé. D’éventuelles transgressions isolées d’une prohibition n’en démentent pas l’aptitude de principe à atteindre son objectif.

109. Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen est dépourvue de fondement.

iii) Nécessité d’une interdiction des ventes (deuxième moyen, pris en sa deuxième branche)

110. La République de Pologne conteste en outre qu’une interdiction de mise sur le marché des cigarettes mentholées soit nécessaire pour obtenir sur le marché intérieur de l’Union le niveau élevé de protection de la santé recherché par la Directive.

111. Les arguments développés à ce propos par la République de Pologne peuvent être ramenés à deux problématiques consistant à déterminer, d’une part, si l’instauration d’une interdiction générale de tous les arômes caractérisants, à l’inclusion du menthol, était nécessaire et, d’autre part, si le législateur ne disposait pas de moyens moins contraignants et moins radicaux qu’une interdiction.

–       Sur la nécessité d’une interdiction générale de tous les arômes caractérisants

112. S’agissant de la première de ces problématiques, nous avons déjà relevé ci-dessus, à propos de l’article 114 TFUE, la faiblesse des arguments de la République de Pologne sur la position particulière que les cigarettes mentholées sont censées occuper sur le segment des cigarettes aromatisées (61).

113. En particulier, le caractère «traditionnel» par rapport aux autres variétés de cigarettes aromatisées que la République de Pologne prête aux cigarettes mentholées, à le supposer avéré, n’est pas apte à justifier la moindre entorse à l’objectif général d’un niveau élevé de protection de la santé qu’il importe d’atteindre sur le marché intérieur des produits du tabac.

114. En interdisant tous les arômes caractérisants, la Directive, comme il ressort notamment de son article 1er, et de son préambule (62), se conforme aux prescriptions formulées au sein de l’OMS (63).

115. Si le législateur de l’Union avait renoncé à soumettre le menthol à l’interdiction des arômes caractérisants, la Directive en aurait été sensiblement moins apte à contribuer à la réalisation d’un niveau élevé de protection de la santé. En effet, les consommateurs existants ou potentiels de produits du tabac aromatisés auraient alors continué de disposer de cigarettes mentholées sur le marché intérieur, à titre de solution de repli, ce qui aurait facilité l’initiation des jeunes et des jeunes adultes à la consommation de tabac, tout en gênant le sevrage nicotinique des fumeurs habituels (64).

116. Par ailleurs, l’Union se serait éventuellement exposée au risque d’un litige avec l’OMC, si elle n’avait pas prohibé les cigarettes mentholées au même titre que les autres cigarettes aromatisées. C’est ainsi que l’organe de règlement des différends de l’OMC a considéré dans un rapport établi en 2012 que les États-Unis d’Amérique avaient méconnu les règles de l’OMC en interdisant la vente des cigarettes aux clous de girofle, tout en maintenant l’autorisation de la vente des cigarettes mentholées (65). Contrairement à la conception de la République de Pologne, il n’apparaît nullement exclu, mais il est au contraire très probable, que ce rapport de l’OMC soit transposable à la question présentement examinée, d’autant plus que le rapport retient expressément la comparabilité des cigarettes aux clous de girofle et des cigarettes aromatisées au menthol (à titre de produits dits «similaires» au sens de l’accord sur les obstacles techniques au commerce).

117. Dans ces conditions, la nécessité d’une interdiction de tous les arômes caractérisants, dont le menthol, ne peut être sérieusement remise en cause (66). En toute hypothèse, une telle interdiction générale ne va pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un niveau élevé de protection de la santé sur le marché intérieur de l’Union.

–       Sur les mesures réputées moins contraignantes suggérées par la République de Pologne

118. En ce qui concerne la deuxième des problématiques étudiées, la République de Pologne suggère en substance trois solutions de remplacement qu’elle estime envisageables comme moins contraignantes qu’une interdiction totale des cigarettes mentholées: l’instauration de limites d’âge pour la vente de ces cigarettes, l’apposition d’avertissements sanitaires spécifiques sur leur emballage ainsi que des campagnes d’information ciblées.

119. Il y a lieu d’observer à ce sujet que d’éventuelles mesures moins contraignantes par rapport à la mesure adoptée par le législateur de l’Union ne peuvent être prises en considération dans le cadre du contrôle de proportionnalité que si elles sont tout aussi aptes à réaliser l’objectif poursuivi par l’acte litigieux arrêté par l’institution de l’Union (67).

120. Tel n’est pas le cas des limites d’âge proposées. Il résulte, en effet, de l’exposé convaincant présenté par les institutions de l’Union parties à la procédure et par plusieurs États membres intervenants qu’il est facile de contourner les limites d’âge dans le commerce et extrêmement malaisé d’en contrôler le respect.

121. D’une part, il se peut que des mineurs s’approvisionnent en cigarettes aromatisées auprès de personnes majeures de leur famille ou de leur cercle d’amis et de connaissances. D’autre part, même la sujétion de l’achat de cigarettes aromatisées à la condition de majorité civile ne peut garantir une protection convenable des jeunes consommateurs venant de dépasser la limite d’âge pertinente contre les dangers induits par la consommation de nicotine. Comme il a été exposé de façon concluante au cours de la procédure devant la Cour, aussi bien les mineurs que les jeunes adultes majeurs (en particulier ceux appartenant au groupe d’âge des 18 à 25 ans) sont particulièrement exposés, parce que l’initiation à la consommation de produits contenant de la nicotine peut intervenir et se vérifie encore fréquemment jusqu’à l’âge de 25 ans révolus.

122. Une obligation imposée aux fabricants et aux importateurs d’apposer des avertissements sanitaires sur l’emballage des cigarettes mentholées ne peut pas non plus être considérée comme aussi appropriée, au regard du but consistant à atteindre un niveau élevé de protection de la santé, qu’une interdiction de mise sur le marché de tous les produits du tabac contenant des arômes caractérisants. En effet, même des avertissements sanitaires spécifiques informant le consommateur que les cigarettes aromatisées ne présentent pas moins de risques que les cigarettes non aromatisées n’affecteraient en aucune façon leur maintien à la disposition des consommateurs. La vente de cigarettes contenant des arômes caractérisants pourrait ainsi continuer à faire obstacle à la réalisation d’un niveau élevé de protection de la santé sur le marché intérieur de l’Union. Qui plus est, comme l’Irlande le relève à bon droit, des avertissements sanitaires portant spécifiquement sur les arômes pourraient même se révéler contre-productifs, étant donné qu’ils sont susceptibles, à l’instar d’un message publicitaire, d’attirer l’attention du consommateur sur la présence d’arômes caractérisants, avec une intensité particulière et plus efficacement qu’une simple indication de contenu.

123. Le même raisonnement peut être tenu à l’égard de la proposition de la République de Pologne visant à lancer des campagnes d’information sur la dangerosité des produits du tabac contenant des arômes caractérisants. Comme la Commission le fait fort justement observer, de telles campagnes ne seraient en toute hypothèse aucunement aptes, aux fins de l’article 114 TFUE, à supprimer les obstacles aux échanges résultant des divergences des réglementations nationales gouvernant l’utilisation des arômes caractérisants, ni à prévenir l’apparition de tels obstacles.

124. Il s’ensuit que les deux premières branches du deuxième moyen présentement examiné ne sauraient prospérer.

c)      Proportionnalité au sens strict (deuxième moyen, pris en sa troisième branche)

125. Par la troisième branche de son deuxième moyen, la République de Pologne invoque la proportionnalité au sens strict. Elle dénonce les difficultés économiques et sociales que l’interdiction des cigarettes mentholées lui infligera, qui plus est, dans une mesure sensiblement plus large qu’aux autres États membres. La République de Pologne reproche en outre au législateur de l’Union de ne pas avoir effectué une analyse coûts/bénéfices ni, en toute hypothèse, une analyse consacrée spécifiquement aux cigarettes mentholées.

126. Contrairement à la conception du Royaume-Uni, l’examen de la proportionnalité au sens strict représente une troisième étape autonome du raisonnement tenu dans le cadre du principe de proportionnalité. Elle prescrit, comme nous l’avons indiqué initialement, que les inconvénients causés par un acte de l’Union ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (68). Aussi le législateur de l’Union doit-il constamment s’assurer que les objectifs poursuivis par la mesure retenue soient de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs (69) (voir également, pour les projets d’actes législatifs, l’article 5, dernière phrase, du protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité (70)).

127. En l’espèce, le Parlement et le Conseil ont pu, en tant qu’institutions législatives de l’Union, se fonder en particulier sur l’analyse d’impact de la Commission (71), qui traite aussi des conséquences économiques et sociales des mesures instaurées par la Directive (72).

128. Comme les cigarettes mentholées n’occupent pas, ainsi que nous l’avons relevé, de position particulière sur le segment des cigarettes aromatisées (73), une analyse d’impact ciblée sur ce produit spécifique ne s’imposait pas, contrairement à la thèse avancée par la République de Pologne.

129. Il se peut que la disparition du marché des cigarettes mentholées consécutive à l’interdiction par le droit de l’Union de la vente des produits du tabac contenant des arômes caractérisants puisse entraîner temporairement des conséquences négatives sur la situation économique de certains exploitants agricoles cultivant le tabac et de certaines entreprises de fabrication et de distribution de produits du tabac et même coûter, dans le pire des cas, quelques emplois.

130. Il importe toutefois de considérer que la protection de la santé humaine occupe dans l’échelle des valeurs du droit de l’Union un rang incomparablement supérieur à celui de tels intérêts, de nature essentiellement économique (voir, à cet égard, l’article 9 TFUE, l’article 114, paragraphe 3, TFUE, l’article 168, paragraphe 1, TFUE, ainsi que l’article 35, deuxième phrase, de la Charte), de sorte que la protection de la santé peut justifier des conséquences économiques négatives, même d’une ampleur considérable, pour certains opérateurs économiques (74).

131. La circonstance que l’interdiction des cigarettes mentholées aura des conséquences économiques plus graves en Pologne que dans d’autres États membres n’a d’ailleurs pas pour effet de conférer un caractère disproportionné à l’interdiction des arômes caractérisants instituée par la Directive. Les différences de structure des économies nationales ne permettent guère de concevoir une situation où un acte législatif de l’Union aurait exactement le même impact dans tous les États membres (75). Comme le soulignent à juste titre les institutions de l’Union parties à la procédure, le rapprochement des législations dans le marché intérieur de l’Union serait largement privé de sens s’il ne pouvait intervenir que dans les domaines où les conditions sont déjà amplement similaires dans tous les États membres.

132. Les pertes escomptées par la République de Pologne dans son agriculture et son marché du tabac (76), à en supposer exacte l’évaluation, semblent d’ailleurs relativement modestes et supportables, d’autant plus qu’elles ne se traduisent apparemment que par de simples reculs des ventes et non par une baisse des bénéfices nets.

133. Indépendamment de ces considérations, les éventuelles difficultés économiques et sociales que l’interdiction des cigarettes mentholées est de nature à entraîner sont amorties par un délai de transition largement mesuré, expirant le 20 mai 2020, soit une période de quatre ans s’ajoutant au délai de transposition de la Directive. En ce qui concerne spécifiquement la situation des exploitants agricoles, les intéressés peuvent en outre recevoir, le cas échéant, des aides au revenu dans le cadre de la politique agricole commune.

134. En définitive, il était ainsi parfaitement défendable du point de vue du législateur de l’Union et, en toute hypothèse, non manifestement disproportionné de privilégier, lors de l’adoption de la Directive, le niveau élevé de protection de la santé à atteindre sur les considérations économiques et sociales que la République de Pologne a invoquées dans la présente procédure.

135. Par conséquent, la troisième branche du deuxième moyen présentement examiné est elle aussi infondée.

d)      Conclusion intermédiaire

136. Dans ces conditions, le deuxième moyen, pris dans son ensemble, ne saurait prospérer.

3.      Sur le principe de subsidiarité (troisième moyen)

137. Le troisième moyen invoqué par la République de Pologne est tiré de la violation du principe de subsidiarité, tel qu’il est consacré à l’article 5, paragraphe 1, deuxième phrase, TUE, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 3, TUE.

138. En vertu de ce principe, l’Union n’intervient dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive que si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent au contraire l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union (article 5, paragraphe 3, TUE).

139. Comme l’Union ne dispose pas d’une compétence générale pour réglementer le marché intérieur (77) et que celui-ci relève d’un domaine de compétences partagées entre l’Union et ses États membres [article 4, paragraphe 2, sous a), TFUE], le principe de subsidiarité est applicable aux mesures d’harmonisation adoptées en vertu de l’article 114 TFUE, ainsi que, par voie de conséquence, à la Directive (78).

140. Le respect du principe de subsidiarité est soumis au contrôle juridictionnel du juge de l’Union (79). Ce contrôle s’exerce notamment à deux égards: d’une part, la compatibilité matérielle des actes de l’Union avec le principe de subsidiarité [voir, sur ce point, ci-dessous, sous a)] et, d’autre part, leur motivation à la lumière de ce principe [voir, sur ce point, ci-dessous, sous b)]. La République de Pologne traite ces deux aspects dans son troisième moyen.

a)      Compatibilité matérielle de la Directive avec le principe de subsidiarité

141. En premier lieu, la République de Pologne, soutenue par la Roumanie, fait grief au législateur de l’Union de ne pas avoir soumis la Directive, avant son adoption, à l’épreuve de l’«analyse d’efficacité comparative».

142. La République de Pologne fait ainsi allusion au critère à double détente régissant la mise en œuvre concrète du principe de subsidiarité, conformément à l’article 5, paragraphe 3, TUE:

–        d’une part, les institutions de l’Union doivent s’assurer qu’elles n’interviennent que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres (composante négative du critère);

–        d’autre part, une intervention de l’Union n’est légale que si et dans la mesure où les objectifs des mesures envisagées peuvent, en raison de leurs dimensions ou de leurs effets, être mieux réalisés au niveau de l’Union (composante positive du critère).

Ces deux composantes du critère de subsidiarité se rapportent en définitive, sous deux angles différents, à la seule et unique question de savoir s’il y a lieu d’agir à l’échelon de l’Union ou à celui des États membres pour réaliser les objectifs envisagés.

143. Contrairement à la thèse des institutions de l’Union parties à la procédure, la réunion des conditions du recours à l’article 114 TFUE en tant que base juridique des mesures d’harmonisation du marché intérieur ne satisfait nullement à elle seule au critère de subsidiarité. S’il est exact que les considérations pertinentes au regard de l’article 5, paragraphe 3, TUE se recoupent largement avec celles entrant également en considération aux fins de l’application de l’article 114 TFUE, elles ne coïncident cependant pas intégralement.

144. En effet, l’article 114 TFUE indique si l’Union est bien compétente pour adopter des mesures d’harmonisation du marché intérieur. En revanche, le principe de subsidiarité au sens de l’article 5, paragraphe 3, TUE détermine si et selon quelles modalités l’Union fait usage de cette compétence dans une hypothèse déterminée. En d’autres termes, l’article 114 TFUE régit la répartition des compétences entre l’Union et les États membres, alors que le principe de subsidiarité prescrit aux institutions de l’Union des directives juridiquement contraignantes aux fins de l’exercice de leur compétence (article 5, paragraphe 1, TUE).

145. La vérification du respect du principe de subsidiarité doit porter en principe sur la Directive dans son ensemble et non sur chacune de ses dispositions en particulier (80). À cet égard, les mesures introduites par la Directive doivent être appréciées, ainsi qu’il ressort du libellé même de l’article 5, paragraphe 3, TUE, en considération des objectifs qu’elles poursuivent. Il s’ensuit que la question de la subsidiarité ne doit pas être examinée en l’espèce au seul vu des cigarettes mentholées, car, comme nous l’avons exposé en détail ci-dessus (81), l’interdiction de cette variété spécifique de cigarettes ne peut pas être tenue pour une mesure autonome et isolée par rapport à l’interdiction de tous les produits du tabac contenant un arôme caractérisant.

146. Lorsqu’il est saisi d’une contestation mettant en cause le respect des conditions de fond du principe de subsidiarité dans l’application de l’article114 TFUE, le juge de l’Union doit conserver à l’esprit que l’exercice par les institutions de l’Union de leur compétence pour adopter des mesures d’harmonisation du marché intérieur implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale nécessitant des appréciations et des évaluations complexes. Leur contrôle s’exerce tout d’abord au niveau politique avec le concours des parlements nationaux et le protocole n° 2 a instauré spécialement des procédures particulières à cet effet. De la part du juge, de telles considérations ne sont en revanche susceptibles que d’un contrôle restreint, comme nous l’avons déjà exposé dans nos développements sur le principe de proportionnalité (82).

147. La Cour ne peut utilement vérifier que le point de savoir si, dans l’exercice de leur compétence, les institutions politiques de l’Union sont restées, au regard du principe de subsidiarité, dans les limites de la marge d’appréciation qui leur est conférée. À cet égard, le juge de l’Union examine si elles ont été en mesure, dans le cas concret, de fonder leur appréciation de la question de la subsidiarité sur une base factuelle suffisante et si elles n’ont pas commis à cette occasion une erreur manifeste d’appréciation (83).

148. Un contrôle juridictionnel plus strict de la subsidiarité pourrait se révéler nécessaire si un acte de l’Union devait exceptionnellement porter sur des questions touchant à l’identité nationale des États membres (voir article 4, paragraphe 2, TUE) (84). Toutefois, il n’existe en l’espèce aucun indice en ce sens, de sorte que l’examen de la Cour peut rester cantonné au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.

i)      Composante négative du critère de subsidiarité: mesures non susceptibles d’être mises en œuvre de manière suffisante par les États membres

149. S’agissant tout d’abord de la composante négative du critère de subsidiarité, il convient d’examiner si les objectifs poursuivis par les mesures à adopter en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac auraient pu être mises en œuvre de manière suffisante à l’échelon des États membres.

150. En général, les trois aspects suivants peuvent être, notamment, pris en considération au titre de cette composante négative du critère de subsidiarité.

151. En premier lieu, il s’agit de considérer les capacités techniques et financières des États membres. La présence d’États membres ne se trouvant absolument pas en mesure d’adopter les actes nécessaires à la résolution d’une question révèle qu’il est satisfait à la composante négative du critère de subsidiarité.

152. En deuxième lieu, il convient d’examiner si des particularités nationales, régionales ou locales ne sont pas au cœur du problème en cause. Un tel cas de figure plaide plutôt en faveur d’une action à l’échelon des États membres et de l’intervention d’instances caractérisées par leur plus grande proximité et leur expertise aux fins des mesures à arrêter.

153. En troisième lieu, il importe de déterminer si le problème à résoudre revêt une dimension purement locale ou régionale ou, au contraire, une portée transfrontalière, non susceptible, par nature, d’être maîtrisée efficacement à l’échelon national, régional ou local. L’existence de problèmes transnationaux est l’un des principaux indices de la satisfaction de la composante négative du critère de subsidiarité (85).

154. L’élimination des obstacles aux échanges transfrontaliers sur le marché intérieur de l’Union, enjeu majeur de l’article 114 TFUE, livre un parfait exemple de mesures généralement inaptes à être réalisées de façon convenable à l’échelon des États membres (86). En effet, abstraction faite du cas extrêmement peu probable de l’adoption en temps utile par tous les États membres concernés de législations parallèles au contenu en substance identique, la démarche nationale, régionale ou locale donne lieu très fréquemment à une mosaïque de dispositions disparates, qui aggrave, le cas échéant, les obstacles aux échanges, au lieu de les éliminer (87).

155. La République de Pologne tente néanmoins en l’espèce de nier l’existence d’un problème d’ampleur transnationale en renvoyant aux divergences entre les habitudes de consommation et aux différences de structure économique des 28 États membres de l’Union. De l’avis de la République de Pologne, étant donné que la part de marché des cigarettes mentholées n’est relativement importante que dans trois États membres, à savoir la République de Pologne, la République slovaque et la République de Finlande, des mesures de santé publique régissant l’utilisation du menthol comme arôme caractérisant dans les produits du tabac pourraient être adoptées au niveau national.

156. Cet argument n’est pas fondé pour deux raisons.

157. D’une part, la République de Pologne méconnaît le véritable objectif des mesures arrêtées. Ni la Directive dans son ensemble ni l’interdiction litigieuse des cigarettes mentholées en particulier n’ont une finalité purement sanitaire. Elles visent plutôt à éliminer les obstacles aux échanges de produits du tabac en assurant parallèlement un niveau élevé de protection de la santé. Comme nous l’avons déjà exposé (88), l’interdiction de tous les arômes caractérisants représente la contrepartie de l’aptitude des produits du tabac à circuler sur le marché intérieur de l’Union, avec la garantie d’un niveau élevé de protection de la santé. Or, lorsque, comme en l’espèce, une directive poursuit en même temps deux objectifs, interdépendants de surcroît, ceux-ci ne peuvent faire l’objet d’un examen séparé au regard du critère de subsidiarité, mais doivent être au contraire appréciés conjointement (89).

158. D’autre part, l’existence de conditions de marché différentes d’un État membre à l’autre n’est pas à elle seule de nature à exclure l’existence de difficultés d’ampleur transnationale. Avant l’adoption d’une mesure d’harmonisation du marché intérieur, la situation du marché ne sera que très exceptionnellement identique dans tous les États membres. La question n’est absolument pas là au demeurant, car le point décisif consiste au contraire à déterminer si des échanges transfrontaliers significatifs sont constatés ou escomptés dans le secteur considéré et si les obstacles existants ou prévus à ces échanges peuvent être efficacement résolus par la seule action des États membres.

159. Il apparaît en l’espèce que le marché des produits du tabac est caractérisé par d’intenses échanges transnationaux (90), que les réglementations applicables à l’utilisation des arômes caractérisants dans les États membres divergent sensiblement et que de nouvelles disparités sont à escompter (91).

160. Dans ces conditions, le législateur de l’Union ne peut encourir le reproche d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant l’existence de difficultés d’ampleur transnationale non susceptibles d’être résolues uniquement par des mesures nationales (92).

ii)    Composante positive du critère de subsidiarité: mesures pouvant être mieux mises en œuvre au niveau de l’Union en raison de leurs dimensions ou de leurs effets

161. S’agissant, ensuite, de la composante positive du critère de subsidiarité, il y a lieu de déterminer si les objectifs poursuivis par les mesures à adopter en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac peuvent être mieux mis en œuvre au niveau de l’Union en raison de leurs dimensions ou de leurs effets.

162. Cette deuxième étape de l’application du critère de subsidiarité consiste à se demander si une intervention des institutions de l’Union apporte une valeur ajoutée, en ce sens que l’intérêt général de l’Union peut être mieux servi par une action à son niveau que par des mesures adoptées à l’échelon national (93).

163. En définitive, les institutions politiques de l’Union sont ainsi appelées, avant d’adopter chacun des actes ne ressortissant pas à la compétence exclusive de l’Union, à s’en tenir à la réglementation des questions importantes d’intérêt commun de l’Union.

164. Il est vrai qu’une forte présomption de valeur ajoutée s’attache à une action au niveau de l’Union, lorsque l’acte en cause adopté par celle-ci vise à résoudre des difficultés d’ampleur transnationale, en particulier, l’élimination d’obstacles aux échanges et, partant, l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur de l’Union (voir l’article 26, paragraphe 1, TFUE). Toutefois, une corrélation avec le marché intérieur ne doit pas à elle seule inciter à tenir pour nécessairement satisfaite la composante positive du critère de subsidiarité, sauf à priver le principe de subsidiarité d’une grande partie de son effet utile aux fins des questions relatives au marché intérieur.

165. Le point de savoir si une action des institutions de l’Union produit une valeur ajoutée au sens évoqué ci-dessus devrait plutôt, en particulier pour les questions relatives au marché intérieur, faire l’objet d’une appréciation aussi bien quantitative que qualitative. D’un point de vue quantitatif, la valeur ajoutée d’une action au niveau de l’Union est d’autant plus manifeste qu’elle concerne un plus grand nombre de citoyens de l’Union ou d’agents économiques et qu’elle porte sur un volume d’échanges plus important. D’un point de vue qualitatif, l’importance économique, sociale et politique du domaine à réglementer doit être évaluée en considération des objectifs de l’Union, tels qu’ils sont définis à l’article 3 TUE, eu égard aux valeurs fondamentales sur lesquelles repose l’Union, conformément à l’article 2 TUE. La nouveauté d’un produit qui ne fait pas encore l’objet d’échanges en raison de l’absence d’un cadre juridique uniforme peut également plaider en faveur d’une intervention à l’échelon de l’Union (94).

166. Toutes ces réflexions doivent être constamment menées en considération de l’intérêt général de l’Union, la situation de tel ou tel État membre pris individuellement n’étant généralement pas décisive à cet égard, contrairement à la thèse de la République de Pologne (95). Il peut en aller autrement à titre exceptionnel, lorsque les mesures envisagées par les institutions de l’Union affectent l’identité d’un État membre (article 4, paragraphe 2, TUE) ou ses intérêts essentiels. La présente affaire ne livre toutefois aucun indice en ce sens. Il serait d’ailleurs plus que surprenant que l’on entende sérieusement qualifier de question d’intérêt national les problèmes de fabrication, de vente et de consommation des cigarettes mentholées.

167. Indépendamment de ces développements, il est indéniable que la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes concernent un marché représentant un volume d’échanges considérable et déploient des effets sur la vie quotidienne de millions de citoyens de l’Union. En outre, le commerce des produits du tabac constitue également du point de vue qualitatif un sujet transnational important, en raison notamment des risques sanitaires liés à l’action de fumer, de sorte que l’on peut indubitablement retenir en l’espèce l’existence d’un intérêt commun de l’Union.

168. Dans ces conditions, le législateur de l’Union ne peut encourir le reproche d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant en l’occurrence la présence de difficultés d’ampleur transnationale susceptibles d’être mieux résolues au niveau de l’Union qu’à l’échelon de ses États membres (96).

169. Cette impression se confirme lorsque l’on intègre dans les réflexions la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. En sa qualité de partie contractante à cette convention-cadre, l’Union avait l’obligation de concourir à sa mise en œuvre dans le cadre de ses compétences et elle était par ailleurs tenue de prendre aussi en considération les recommandations découlant des directives concernant l’application des articles 9 et 10 de cette convention (97). Il y a lieu de tenir compte également d’une telle obligation de droit international pour répondre à la question de savoir si et selon quelles modalités les institutions de l’Union exercent les compétences qui leur sont conférées.

170. Il convient encore de relever dans un pur souci d’exhaustivité que, même en présence d’un intérêt commun de l’Union et de certaines obligations de droit international, tous les aspects de la fabrication, de la présentation et de la vente des produits du tabac ou de leurs produits connexes n’appellent pas nécessairement à l’heure actuelle une réglementation uniforme. C’est ainsi que la mise en œuvre des dispositions adoptées, le contrôle de leur respect sur le terrain ainsi que le prononcé de sanctions éventuelles sont des questions que l’Union peut généralement considérer comme susceptibles d’être mieux résolues par les autorités des États membres dans le respect des spécificités nationales, régionales et locales. Aussi la Directive s’en remet-elle très largement aux États membres pour l’exécution de ces tâches.

171. En synthèse, aucune méconnaissance matérielle du principe de subsidiarité ne saurait être constatée en ce qui concerne la Directive – ainsi qu’il en allait déjà pour le texte qui l’a précédée (98). Cette conclusion n’est, d’ailleurs, pas remise en cause par le dépôt, au cours de la procédure législative, d’avis motivés au sens de l’article 6 du protocole n° 2 par un groupe de parlements nationaux (99). En effet, d’une part, les allégations de méconnaissance du principe de subsidiarité émises dans ces avis motivés n’étaient pas en nombre suffisant pour déclencher l’ouverture de la procédure dite du «carton jaune» en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du protocole n° 2 et, d’autre part, ces allégations sont fondées sur une appréciation bien plus politique que juridique du projet d’acte législatif présenté par la Commission.

b)      Motivation suffisante de la Directive au regard du principe de subsidiarité

172. En second lieu, la République de Pologne reproche au préambule de la Directive de ne pas contenir un examen suffisant des exigences inhérentes au critère de subsidiarité. La République de Pologne fait ainsi valoir en fin de compte que la Directive est entachée d’un défaut de motivation.

173. Il résulte d’une jurisprudence constante que la motivation exigée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (100).

174. Lorsqu’est en cause le respect du principe de subsidiarité, la motivation de l’acte de l’Union doit permettre d’examiner si le législateur de l’Union a suffisamment traité les questions pertinentes aux fins de l’application de ce principe et, dans l’affirmative, de déterminer à quelles conclusions il est parvenu sur ce point.

175. La République de Pologne fait valoir à ce propos que le préambule de la Directive ne consacre au principe de subsidiarité qu’un seul considérant, le considérant 60, lequel, de surcroît, ne contiendrait qu’une formule standardisée.

176. Il est vrai qu’au considérant 60 en cause, le législateur se borne à constater que «les objectifs de la présente directive, à savoir le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente du tabac et des produits connexes, ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, mais peuvent, en raison de leurs dimensions et effets, l’être mieux au niveau de l’Union», pour en conclure que «celle-ci peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 [TUE]».

177. L’on ne saurait soutenir que cette formulation, cantonnée en définitive à une reproduction modulaire du libellé même des dispositions pertinentes du traité UE, soit vraiment un brillant spécimen de la technique si célébrée du «mieux légiférer», que les institutions de l’Union se sont fixée comme objectif depuis quelque temps.

178. Certes, la présence d’une telle formule standard dans le préambule d’un acte de l’Union ne devrait pas à elle seule conduire à des conclusions hâtives sur le respect de l’obligation de motivation. Une telle formule invite néanmoins à constater la carence de la motivation de l’acte en cause. Si l’on peut déduire après tout de cette motivation que le législateur était lui-même convaincu de respecter le principe de subsidiarité, elle ne fait cependant pas clairement apparaître les réflexions qu’il a exactement menées à propos de la problématique de la subsidiarité ni la profondeur de son analyse de cette question.

179. Une formulation aussi creuse que celle du considérant 60 litigieux de la Directive ne doit pas pour autant entraîner nécessairement l’annulation de l’acte litigieux. Des aspects pertinents sur la question de la subsidiarité peuvent également apparaître dans d’autres considérants du préambule, même s’il n’y est pas expressément question du principe de subsidiarité (101).

180. Tel est le cas en l’espèce: les insuffisances d’une action à l’échelon national ainsi que les avantages procurés par l’adoption au niveau de l’Union d’une mesure d’harmonisation du marché intérieur sont notamment exposés aux considérants 4 à 7, 15, 16 et 36 de la Directive. Même si leurs développements sont avant tout formulés pour conforter le recours à l’article 114 TFUE comme base juridique, ils peuvent néanmoins être exploités aux fins de l’application du principe de subsidiarité. Comme nous l’avons déjà mentionné (102), les considérations que le législateur de l’Union doit mener au titre de l’article 114 TFUE et de l’article 5, paragraphe 3, TUE se recoupent en effet largement.

181. Au-delà de ces considérations, il importe de ne pas perdre de vue que, selon une jurisprudence constante, il n’est pas exigé que la motivation d’un acte de l’Union spécifie tous les éléments de droit ou de fait pertinents. Le respect de l’obligation de motivation doit, par ailleurs, être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (103). Ces principes s’imposent d’autant plus que, comme en l’espèce, il est prévu de faire adopter des dispositions à portée générale, dont la motivation peut se limiter à livrer une description plutôt globale des grandes lignes de la réglementation considérée et des objectifs qu’elle poursuit (104).

182. Il importe de noter en l’espèce que le législateur de l’Union a pu se fonder à la fois sur la motivation de la proposition de directive présentée par la Commission (105) et sur une analyse exhaustive élaborée par ses services dans le cadre de l’analyse d’impact (106) de la Directive. Les inconvénients résultant de réglementations nationales divergentes ainsi que les avantages d’une action à l’échelon de l’Union font l’objet d’un examen approfondi non seulement dans les développements consacrés spécifiquement au principe de subsidiarité, mais également dans de nombreuses autres sections de ces deux textes.

183. Il est ainsi établi à suffisance de droit que les institutions législatives de l’Union ont disposé d’une documentation complète à même d’étayer l’appréciation qu’elles ont portée sur le respect du principe de subsidiarité.

184. L’article 5 du protocole n° 2 ne permet d’ailleurs pas non plus d’inférer que les «éléments circonstanciés» auxquels le traité de Lisbonne a nouvellement subordonné les interventions législatives de l’Union dans les domaines relevant de la subsidiarité doivent nécessairement être exposés dans le préambule même de l’acte arrêté en définitive par le Parlement et le Conseil. Vu la complexité des réflexions à mener à cet égard, une telle solution ne serait d’ailleurs guère réalisable et pourrait aisément sortir du cadre d’un tel préambule.

185. Ce qui est déterminant, c’est, au contraire, que les institutions compétentes de l’Union, de même que les parlements nationaux, puissent se déterminer sur le fondement des «éléments circonstanciés» exigés à l’article 5 du protocole n° 2 pendant la procédure législative, ainsi qu’il est indiscutablement advenu en l’espèce. Il s’avère à l’examen que cette considération ressort même du libellé de l’article 5 du protocole n° 2, qui se réfère effectivement aux seuls projets d’actes législatifs, mais non aux actes finals adoptés par le Parlement et le Conseil dans l’exercice de leur activité législative.

186. Dans ces conditions, le grief tiré d’un défaut de motivation de la Directive au regard de l’application du principe de subsidiarité est infondé dans son intégralité.

c)      Conclusion intermédiaire

187. En définitive, aucune violation matérielle ou formelle du principe de subsidiarité ne peut être retenue. Par conséquent, le troisième moyen invoqué par la République de Pologne ne saurait, lui non plus, être accueilli.

188. Il convient toutefois de recommander vivement au législateur de l’Union de ne plus recourir à l’avenir à des formules aussi creuses que celle du considérant 60 de la Directive et d’étayer au contraire l’exposé des motifs de ses actes de développements sur le principe de subsidiarité suffisamment circonstanciés et plus étroitement ciblés sur chacune des mesures considérées.

C –    Résumé

189. Dès lors qu’aucun des moyens invoqués par la République de Pologne, partiellement soutenue par la Roumanie, ne peut être accueilli, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, pour partie comme irrecevable (107) et pour partie comme non fondé.

V –    Sur les dépens

190. En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Dans la mesure où la République de Pologne succombera selon la solution que nous proposons et où le Parlement et le Conseil ont conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la République de Pologne aux dépens.

191. En outre, en tant que parties intervenantes, l’Irlande, la République française, la Roumanie, le Royaume-Uni et la Commission supporteront leurs propres dépens, conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

VI – Conclusion

192. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit:

1)      Le recours est rejeté.

2)      L’Irlande, la République française, la Roumanie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ainsi que la Commission européenne supporteront leurs propres dépens. Pour le surplus, la République de Pologne est condamnée aux dépens.


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Les médias ont ainsi rapporté les précautions qu’avait un jour prises feu l’ancien chancelier allemand, Helmut Schmidt, en prévision du risque de voir disparaître les cigarettes mentholées: «Drohendes EU‑Verbot: Helmut Schmidt hortet angeblich 200 Stangen Mentholzigaretten» («Menace d’interdiction émanant de l’Union européenne: Helmut Schmidt constituerait un stock de 200 cartouches de cigarettes mentholées») (Spiegel Online, Politik, 9 juillet 2013).


3 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE (JO L 127, p. 1, ci-après la «Directive»).


4 – Voir, notamment, à cet égard, arrêts Allemagne/Parlement et Conseil, C‑376/98, EU:C:2000:544; British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741; Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800; Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802; Allemagne/Parlement et Conseil, C‑380/03, EU:C:2006:772, ainsi que Commission/Danemark, C‑468/14, EU:C:2015:504.


5 – Affaire Pillbox 38, C‑477/14.


6 – Affaire Philip Morris Brands e.a., C‑547/14.


7 – Arrêts Jamet/Commission, C‑37/71, EU:C:1972:57, point 11; Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 38; Commission/Parlement et Conseil, C‑427/12, EU:C:2014:170, point 16, ainsi que Commission/Conseil, C‑425/13, EU:C:2015:483, point 94.


8 – Arrêts France/Parlement et Conseil, C‑244/03, EU:C:2005:299, point 13; Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, EU:C:2012:778, point 38; Commission/Parlement et Conseil, C‑427/12, EU:C:2014:170, point 16, ainsi que Commission/Conseil, C‑425/13, EU:C:2015:483, point 94; voir déjà dans le même sens arrêt France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, points 257 à 259.


9 – Jurisprudence constante; voir, entre autres, arrêts Commission/Parlement et Conseil, C‑411/06, EU:C:2009:518, point 27; Royaume-Uni/Conseil, C‑209/13, EU:C:2014:283, point 30, ainsi que Parlement/Conseil, C‑540/13, EU:C:2015:224, point 9.


10 – L’échéance du 20 mai 2020 se déduit de l’article 7, paragraphe 14, de la Directive, étant donné que le volume des ventes des cigarettes mentholées dans l’ensemble de l’Union excède 3 % selon les affirmations concordantes des parties au litige.


11 – Arrêt Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑270/12, EU:C:2014:18, point 100.


12 – Arrêts British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, point 60; Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 32, ainsi qu’Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 26.


13 – Arrêts Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800, points 34 et 35, ainsi que Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, points 33 et 34. L’arrêt récent Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, a été également rendu à propos d’une situation factuelle où l’article 95 CE (devenu article 114 TFUE) constituait la base juridique d’une interdiction de commercialiser certains produits sur le marché intérieur de l’Union.


14 – Voir également article 24, paragraphe 1, de la Directive.


15 – Dans la mesure où la République de Pologne développe les mêmes arguments dans le cadre du deuxième moyen en invoquant la violation du principe de proportionnalité, ils feront ci-dessous l’objet d’une analyse conjointe et ne seront pas réexaminés par la suite.


16 – Arrêts Allemagne/Parlement et Conseil, C‑380/03, EU:C:2006:772, point 37; Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 32, ainsi qu’Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 26.


17 – Arrêts Allemagne/Parlement et Conseil, C‑376/98, EU:C:2000:544, points 84 et 106; Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 32, ainsi qu’Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 26.


18 – Arrêts Rewe-Zentrale des Lebensmitell-Großhandels, C‑45/75, EU:C:1976:22, point 12; John Walker, 243/84, EU:C:1986:100, point 11; Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800, point 69, et Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, point 71.


19 – Arrêts Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, points 25 et 26; Association Belge des Consommateurs Test-Achats e.a., C‑236/09, EU:C:2011:100, point 29; Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 167, ainsi que Feakins, C‑335/13, EU:C:2014:2343, point 51.


20 – Dans cette mesure, l’affaire sous examen se distingue radicalement de l’affaire Pillbox 38 (C‑477/14; voir points 47 à 49 des conclusions de ce jour que nous avons présentées dans cette affaire), où doit être effectuée une comparaison, non pas entre différentes variétés de produits du tabac traditionnels, mais entre les produits du tabac traditionnels, d’une part, et les cigarettes électroniques, d’autre part, et où il en ressort des différences considérables.


21 – Voir, en particulier, article 1erin fine ainsi que considérants 5, 6, 8 et 36 de la Directive.


22 – Voir également, à ce sujet, considérant 16 de la Directive.


23 – Voir, à ce sujet, la référence aux habitudes de consommation contenue au considérant 16 de la Directive.


24 – La République de Pologne en conclut que les cigarettes mentholées n’incitent pas une proportion significative de jeunes à s’initier à la consommation du tabac.


25 – Arrêts Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800, point 69, et Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, point 71.


26 – Article 1erin fine ainsi que considérants 8 et 19 de la Directive.


27 – Voir point 40 et 52 des présentes conclusions.


28 – Voir, à cet égard, analyse d’impact («Impact Assessment») présentée par les services de la Commission le 19 décembre 2012 [Doc. SWD (2012) 452 final], notamment partie 1, p. 101, où il est précisé au sujet de l’interdiction des arômes caractérisants envisagée: «a certain impact is also expected for established smokers» («on s’attend également à un certain effet sur les fumeurs existants»).


29 – Voir, en ce sens, rapport de l’Organe d’appel permanent de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) du 4 avril 2012 (WT/DS406/AB/R «États-Unis – Mesures affectant la production et la vente de cigarettes aux clous de girofle», disponible sur le site Internet de l’OMC www.wto.org), qui se fonde sur la comparabilité des cigarettes contenant, respectivement, un arôme de clous de girofle et un arôme mentholé (voir, en particulier, raisonnement développé au point 298).


30 – Ainsi, la République fédérale d’Allemagne interdisait l’utilisation de toutes les capsules aromatisées dans les cigarettes, alors que le Royaume de Belgique ne prohibait que l’utilisation des capsules mentholées. La République française soumettait à des valeurs limites l’utilisation d’additifs conférant un goût sucré ou acidulé. Pour sa part, la République de Lituanie interdisait toute utilisation de certains arômes, par exemple, tous ceux libérant un goût de vanille ou de clous de girofle. Une vue d’ensemble de cette question figure dans l’analyse d’impact («Impact Assessment») que les services de la Commission ont présentée le 19 décembre 2012 [Doc. SWD (2012) 452 final]; voir, en particulier partie 1, p. 34, ainsi que partie 4, p. 6.


31 – Considérant 6 de la Directive; voir déjà, dans le même sens, arrêts British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, point 64; Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800, point 39, ainsi que Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, point 38.


32 – Aux termes de la formulation adoptée par la Cour, le recours à la base légale de l’article 114 TFUE ne présuppose pas l’existence d’un lien effectif avec la libre circulation entre les États membres dans chacune des situations visées par l’acte adopté sur une telle base. Ce qui importe, c’est plutôt que l’acte reposant sur ce fondement ait, dans son ensemble, effectivement pour objet l’amélioration des conditions d’établissement et de fonctionnement du marché intérieur (voir arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, C‑380/03, EU:C:2006:772, point 80).


33 – Voir également, à cet égard, considérant 16 de la Directive, dont il ressort que le législateur de l’Union a spécifiquement porté son attention sur les arômes caractérisants, qui sont aptes à influencer les habitudes de consommation.


34 – Voir, à cet égard, données rapportées dans l’analyse d’impact («Impact Assessment») présentée par les services de la Commission le 19 décembre 2012 [Doc. SWD (2012) 452 final], notamment partie 1, p. 34.


35 – Arrêt Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 24. Voir, en ce sens, arrêts Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800, point 38, et Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, point 37.


36 – Voir, à ce sujet, mes développements relatifs aux deuxième et troisième moyens du recours.


37 – Voir point 51 des conclusions que nous avons présentées dans l’affaire Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:190, point 51.


38 – Arrêts Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑66/04, EU:C:2005:743, point 45; Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C‑217/04, EU:C:2006:279, point 43, ainsi que Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 35.


39 – Voir, à cet égard, point 66 des présentes conclusions.


40 – Arrêts Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04, et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 29; Allemagne/Parlement et Conseil, C‑380/03, EU:C:2006:772, points 38 et 42, ainsi qu’Irlande/Parlement et Conseil, C‑301/06, EU:C:2009:68, point 64.


41 – Approuvée par la décision 2004/513/CE du Conseil, du 2 juin 2004, relative à la conclusion de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (JO L 213, p. 8).


42 – Voir, à ce sujet, directives partielles pour l’application des articles 9 et 10 adoptées par la conférence des parties à la convention-cadre de l’OMS lors de sa quatrième session à Punta del Este en 2010 [FCTC/COP/4(10)], et modifiées lors de sa cinquième session à Séoul en 2012 [FCTC/COP/5(6)] (ci-après les «directives» ou les «directives OMS»). Ces directives précisent en leur point 3.1.2.2, qui comporte également une référence expresse au menthol en tant qu’agent de sapidité: «Les Parties devraient réglementer, en la limitant ou en l’interdisant, l’utilisation d’ingrédients pouvant servir à améliorer le goût des produits du tabac.»


43 – Ibidem, point 1.1.


44 – La proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente du tabac et de ses produits» [JO 2013,  C 327, p. 65, COM(2012) 788 final], a été présentée par la Commission le 19 décembre 2012. Les préparatifs internes et les auditions menées par la Commission ont donc eu lieu antérieurement.


45 – Voir, en ce sens, point 34, dernière phrase, des conclusions que nous avons présentées dans l’affaire Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:190.


46 – Arrêts Maizena e.a., 137/85, EU:C:1987:493, point 15; Royaume-Uni/Conseil, C‑84/94, EU:C:1996:431, point 57; British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, point 122; Digital Rights Ireland e.a., C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 46, ainsi que Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 67.


47 – Arrêt Schräder HS Kraftfutter, 265/87, EU:C:1989:303, point 21; Jippes e.a., C‑189/01, EU:C:2001:420, point 81, ainsi qu’ERG e.a., C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 86; voir également, en ce sens, arrêt Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 91.


48 – Arrêt Digital Rights Ireland e.a., C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 47.


49 – Arrêt Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 46.


50 – Arrêts British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, point 123; S.P.C.M. e.a., C‑558/07, EU:C:2009:430, point 42; Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 52, ainsi que Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 67.


51 – Arrêt Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, points 74, 81 et 91; voir, en ce sens, arrêts Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 52; S.P.C.M. e.a., C‑558/07, EU:C:2009:430, point 42, ainsi qu’Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 46.


52 – Pour sa part, la Cour retient que la nicotine engendre une dépendance et que sa toxicité n’est pas contestée (arrêts Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800, point 50, et Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, point 52).


53 – Voir, à cet égard, point 52 des présentes conclusions.


54 – Voir, en ce sens, arrêt Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04, et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 68, où la Cour souligne «la nécessité pour le législateur [de l’Union] de prendre en compte le principe de précaution lorsqu’il adopte, dans le cadre de la politique du marché intérieur, des mesures visant à protéger la santé humaine».


55 – Arrêts Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, EU:C:1998:192, point 99; Commission/Danemark, C‑192/01, EU:C:2003:492, points 52 et 53; Commission/France, C‑333/08, EU:C:2010:44, point 93; Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, points 60 à 62, et Acino/Commission, C‑269/13 P, EU:C:2014:255, point 57.


56 – Voir, à cet égard, points 77 à 79 des présentes conclusions.


57 – Arrêts Commission/Danemark, C‑192/01, EU:C:2003:492, point 51; Commission/France, C‑333/08, EU:C:2010:44, point 92, et Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 60; voir également arrêt Monsanto Agricoltura Italia e.a., C‑236/01, EU:C:2003:431, point 113.


58 – Les directives OMS (citées à la note 42 ci-dessus), dont s’est inspiré le législateur de l’Union, comme il ressort de l’article 1er et du considérant 7 de la Directive, s’appuient, elles aussi, sur «les meilleures données scientifiques disponibles et sur l’expérience des parties» (voir, à cet égard, point 1.1 de ces directives).


59 – Voir point 53 des présentes conclusions.


60 – Voir, en ce sens, arrêt British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:74, point 129. Nous menons une réflexion similaire dans les conclusions que nous avons présentées dans les affaires CHEZ Razpredelenie Bulgaria, C‑83/14, EU:C:2015:170, point 123, ainsi que Belov, C‑394/11, EU:C:2012:585, points 107 et 108.


61 – Voir, à cet égard, points 48 à 57 des présentes conclusions.


62 – Considérant 7 de la Directive.


63 – Voir, à cet égard, points 77 à 79 et 96 des présentes conclusions.


64 – Cette considération n’est pas infirmée par le fait que, selon une étude citée par la République de Pologne, le menthol serait la cause d’initiation au tabagisme la moins souvent invoquée. En effet, l’élimination d’une cause quelconque, si minime soit-elle, est apte à contribuer à la réalisation d’un niveau élevé de protection de la santé sur le marché intérieur des produits du tabac.


65 – Rapport de l’organe d’appel permanent de l’OMC du 4 avril 2012 (WT/DS406/AB/R, «États-Unis ‑ Mesures affectant la production et la vente de cigarettes aux clous de girofle», disponible sur le site Internet de l’OMC www.wto.org); voir, notamment, point 298.


66 – Voir, en ce sens, à propos de l’interdiction de mise sur le marché des produits du tabac à usage oral, arrêts Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800, point 47, et Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, point 49.


67 – Arrêts Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800, point 55, et Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, point 56.


68 – Arrêts Schräder HS Kraftfutter, 265/87, EU:C:1989:303, point 21; Jippes e.a., C‑189/01, EU:C:2001:420, point 81, ainsi qu’ERG e.a., C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 86; voir également, dans le même sens, arrêt Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 91.


69 – Arrêts Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 59; Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 53, ainsi que Luxembourg/Parlement et Conseil, C‑176/09, EU:C:2011:290, point 63.


70 – Protocole n° 2 annexé au traité UE et au traité FUE (ci-après le «protocole n° 2»).


71 – Analyse d’impact («Impact Assessment») présentée par les services de la Commission le 19 décembre 2012 [Doc. SWD (2012) 452 final], notamment partie 1, p. 98 et suiv., ainsi que p. 120 et suiv.


72 – La Cour porte parfois également attention à une telle analyse d’impact de la Commission dans son examen de la validité des actes juridiques de l’Union (voir, notamment, arrêt Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, points 55 et 65).


73 – Voir points 48 à 57 des présentes conclusions.


74 – Voir, en ce sens, arrêt Nelson e.a., C‑581/10 et C‑629/10, EU:C:2012:657, point 81, se rapportant à la protection des consommateurs.


75 – C’est ainsi que les prescriptions environnementales du droit de l’Union applicables aux voitures affectent davantage les États membres où l’industrie automobile occupe une large place. De même, des actes de l’Union régissant la production et la vente de la bière auraient un impact plus marqué dans les États membres disposant d’une production significative de cette boisson et où le volume de sa consommation est le plus élevé.


76 – La République de Pologne fait observer dans sa requête qu’elle figure parmi les États membres où les cigarettes mentholées représentent une proportion relativement importante aussi bien de la production que de la consommation. En cas d’interdiction des cigarettes mentholées, la République de Pologne escompte une baisse du chiffre d’affaires annuel de 400 à 500 euros par cultivateur de tabac. Elle considère en outre comme vraisemblable, sans toutefois le quantifier, un recul du chiffre d’affaires des buralistes, points de vente le plus souvent de petite ou de moyenne taille.


77 – Arrêt Allemagne/Parlement et Conseil, C‑376/98, EU:C:2000:544, point 83.


78 – Voir également jurisprudence intervenue à ce jour et se rapportant à l’époque antérieure à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne: arrêts British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, point 179, ainsi que Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 75.


79 – Voir, en particulier, arrêts Allemagne/Parlement et Conseil, C‑233/94, EU:C:1997:231, points 23 à 29; Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98, EU:C:2001:523, points 30 à 34; British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, points 177 à 185; Vodafone e.a,. C‑58/08, EU:C:2010:321, points 72 à 79, ainsi qu’Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, points 44 à 55.


80 – Voir également, en ce sens, arrêt Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, point 51.


81 – Voir points 48 à 57 des présentes conclusions.


82 –      Voir points 89 et 90 des présentes conclusions.


83 – Voir, en ce sens, quelques formulations utilisées dans la jurisprudence récente: d’une part, arrêt Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, point 54, où la Cour considère que «[…] dès lors que [le législateur de l’Union] a […] estimé sur la base d’éléments circonstanciés et sans commettre d’erreur d’appréciation que l’intérêt général de l’Union pouvait être mieux servi par une action au niveau de celle-ci», et, d’autre part, arrêt Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 78, où la Cour examine si le législateur de l’Union «pouvait légitimement estimer» qu’il était nécessaire d’adopter certaines dispositions à l’échelon de l’Union.


84 – À ce propos, il est indiqué de s’arrêter sur la jurisprudence relative au principe de proportionnalité, laquelle définit un critère de contrôle juridictionnel plus ou moins strict en fonction du domaine matériel ou du droit fondamental en cause (voir, notamment, d’une part, arrêt Digital Rights Ireland e.a., C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 47, ainsi que, d’autre part, arrêt Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 46.


85 – Voir déjà, en ce sens, l’«approche globale concernant l’application du principe de subsidiarité» arrêtée par le Conseil européen d’Édimbourg des 11 et 12 décembre 1992 [voir, à cet égard, les conclusions de la présidence, Partie A, annexe 1, section II, sous ii), publiées au Bull. CE n° 12/1992], où il est fait référence à des «aspects transnationaux».


86 – Arrêt Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98, EU:C:2001:523, point 32.


87 – Voir en ce sens également arrêts British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, points 182 et 183, ainsi qu’Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, points 106 et 107.


88 – Voir point 40 des présentes conclusions.


89 – Voir, en ce sens, arrêt Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, points 46 à 48.


90 – Considérant 6 de la Directive; voir déjà, en ce sens, arrêts British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, point 64; Arnold André, C‑434/02, EU:C:2004:800, point 39, ainsi que Swedish Match, C‑210/03, EU:C:2004:802, point 38.


91 – Voir points 59 et 62 des présentes conclusions.


92 – Voir notamment, à ce sujet, considérant 60 de la Directive.


93 – Arrêt Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, point 54.


94 – Voir, à ce sujet, point 52 des conclusions que nous avons présentées dans l’affaire Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:190, point 52.


95 – Voir, à nouveau, arrêt Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, points 53 et 54.


96 – Voir à cet égard, en particulier, considérant 60 de la Directive.


97 – Voir, à ce sujet, points 78 et 79 des présentes conclusions.


98 – Voir, à cet égard, arrêt British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, EU:C:2002:741, points 181 à 185.


99 – Des avis motivés rédigés sur la base du projet de directive de la Commission ont été déposés par les parlements des États membres suivants: la République de Bulgarie, la République tchèque, le Royaume de Danemark, la République hellénique, la République italienne, la République portugaise, la Roumanie et le Royaume de Suède. Quasi aucun de ces avis n’a toutefois exposé d’arguments de fond sur l’interdiction litigieuse des cigarettes mentholées.


100 – Arrêts Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (II), C‑466/93, EU:C:1995:370, point 16; AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, point 58, ainsi que Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 70.


101 – Voir, en ce sens, arrêts Allemagne/Parlement et Conseil, C‑233/94, EU:C:1997:231, points 25 à 29, ainsi que Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98, EU:C:2001:523, point 33.


102 – Voir point 143 des présentes conclusions.


103 – Voir, à nouveau, arrêts Atlanta Fruchthandelsgesellschaft e.a. (II), C‑466/93, EU:C:1995:370, point 16; AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, point 58, ainsi que Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 70; voir encore arrêt Estonie/Parlement et Conseil, C‑508/13, EU:C:2015:403, points 58, 59 et 61.


104 – Voir, en ce sens, arrêts Royaume-Uni/Conseil, C‑150/94, EU:C:1998:547, points 25 et 26; AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, point 59, ainsi qu’Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 29.


105 – COM(2012) 788 final, présentée par la Commission le 19 décembre 2012.


106 – «Impact Assessment», document présenté par les services de la Commission le 19 décembre 2012 [Doc. SWD (2012) 452 final].


107 – Voir, à propos des développements irrecevables du recours, points 24 à 30 et 34 des présentes conclusions.