Language of document : ECLI:EU:T:2022:690

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

9 novembre 2022 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des ronds à béton – Décision constatant une infraction à l’article 65 CA, après l’expiration du traité CECA, sur le fondement du règlement (CE) no 1/2003 – Fixation des prix – Limitation et contrôle de la production et des ventes – Décision prise à la suite de l’annulation de décisions antérieures – Tenue d’une nouvelle audition en présence des autorités de concurrence des États membres – Droits de la défense – Principe de bonne administration – Délai raisonnable – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑656/19,

Alfa Acciai SpA, établie à Brescia (Italie), représentée par Mes D. Fosselard, D. Slater et G. Carnazza, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Rossi, G. Conte et Mme C. Sjödin, en qualité d’agents, assistés de Me P. Manzini, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2019) 4969 final de la Commission, du 4 juillet 2019, relative à une violation de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 – Ronds à béton), en ce qu’elle constate que la requérante a enfreint cette disposition et en ce qu’elle la condamne à une amende de 3,587 millions d’euros,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise, P. Nihoul (rapporteur), Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Alfa Acciai SpA, est une entreprise active dans le secteur des ronds à béton en Italie depuis 1986 et dont le siège est sis à Brescia (Italie).

 Première décision de la Commission (2002)

2        D’octobre à décembre 2000, la Commission des Communautés européennes a effectué, conformément à l’article 47 CA, des vérifications auprès d’entreprises italiennes productrices de ronds à béton, dont la requérante, et d’une association d’entreprises, la Federazione imprese siderurgiche italiane (Fédération des entreprises sidérurgiques italiennes, ci-après la « Federacciai »). Elle leur a également adressé des demandes de renseignements, en application de cette disposition.

3        Le 26 mars 2002, la Commission a ouvert une procédure d’application de l’article 65 CA et formulé des griefs au titre de l’article 36 CA (ci-après la « communication des griefs ») notifiés notamment à la requérante. Celle-ci a répondu à la communication des griefs le 14 mai 2002.

4        Une audition des parties à la procédure administrative a eu lieu le 13 juin 2002.

5        Le 12 août 2002, la Commission a adressé, aux mêmes destinataires, des griefs supplémentaires (ci-après la « communication des griefs supplémentaires »), sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204). Elle y a expliqué sa position concernant la poursuite de la procédure après l’expiration du traité CECA, le 23 juillet 2002. La requérante a répondu à la communication des griefs supplémentaires le 12 septembre 2002.

6        Une nouvelle audition des parties à la procédure administrative, en présence des autorités de concurrence des États membres, a eu lieu le 30 septembre 2002. Elle concernait l’objet de la communication des griefs supplémentaires, à savoir les conséquences juridiques de l’expiration du traité CECA sur la poursuite de la procédure.

7        À l’issue de la procédure administrative, la Commission a adopté la décision C(2002) 5087 final, du 17 décembre 2002, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (COMP/37.956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision de 2002 »), adressée à la Federacciai et à huit entreprises, dont la requérante. Elle y a constaté que ces dernières avaient, entre décembre 1989 et juillet 2000, mis en œuvre une entente unique, complexe et continue sur le marché italien des ronds à béton en barres ou en rouleaux (ci-après les « ronds à béton ») ayant pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes, contraire à l’article 65, paragraphe 1, CA. Elle a, à ce titre, infligé une amende d’un montant de 7,175 millions d’euros à la requérante.

8        Le 5 mars 2003, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de 2002. Le Tribunal a annulé ladite décision à l’égard de la requérante (arrêt du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission, T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, EU:T:2007:317) et des autres entreprises destinataires, au motif que la base juridique utilisée, soit l’article 65, paragraphes 4 et 5, CA, n’était plus en vigueur au moment de l’adoption de la décision. De ce fait, la Commission n’avait pas compétence, sur le fondement de ces dispositions, pour constater et sanctionner une infraction à l’article 65, paragraphe 1, CA après l’expiration du traité CECA. Le Tribunal n’a pas examiné les autres aspects de cette décision.

9        La décision de 2002 est devenue définitive à l’égard de la Federacciai, qui n’a pas introduit de recours devant le Tribunal.

 Deuxième décision de la Commission (2009) 

10      Par lettre du 30 juin 2008, la Commission a informé la requérante et les autres entreprises concernées de son intention de d’adopter une nouvelle décision, en corrigeant la base juridique utilisée. Elle a, en outre, précisé que ladite décision serait fondée sur les preuves présentées dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires. Sur invitation de la Commission, la requérante a présenté des observations écrites le 4 septembre 2008.

11      Le 30 septembre 2009, la Commission a adopté une nouvelle décision C(2009) 7492 final, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire COMP/37.956 – Ronds à béton, réadoption), adressée aux mêmes entreprises que la décision de 2002, dont la requérante. Cette décision a été adoptée sur le fondement des règles procédurales du traité CE et du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1). Elle reposait sur les éléments visés dans la communication des griefs et la communication des griefs supplémentaires et reprenait, en substance, la teneur et les conclusions de la décision de 2002. En particulier, le montant de l’amende infligée à la requérante, de 7,175 millions d’euros, restait inchangé.

12      Le 8 décembre 2009, la Commission a adopté une décision modificative, intégrant, dans son annexe, les tableaux illustrant les variations de prix omis de sa décision du 30 septembre 2009 et corrigeant les renvois numérotés auxdits tableaux dans huit notes en bas de page.

13      Le 18 février 2010, la requérante a formé un recours devant le Tribunal contre la décision de la Commission du 30 septembre 2009, telle que modifiée (ci-après la « décision de 2009 »). Le 9 décembre 2014, le Tribunal a rejeté ce recours (arrêt du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission, T‑85/10, non publié, EU:T:2014:1037). Le Tribunal a annulé partiellement la décision de 2009 à l’égard d’un autre de ses destinataires, réduit le montant de l’amende infligée à deux autres de ses destinataires et rejeté les autres recours introduits.

14      Le 20 février 2015, la requérante a introduit un pourvoi contre l’arrêt du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T‑85/10, non publié, EU:T:2014:1037). Par arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), la Cour a annulé ledit arrêt du Tribunal ainsi que la décision de 2009 à l’égard, notamment, de la requérante.

15      Dans l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), la Cour a jugé que, lorsqu’une décision était adoptée sur le fondement du règlement no 1/2003, la procédure aboutissant à cette décision devait être conforme aux règles de procédure prévues par ce règlement ainsi que par le règlement (CE) no 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles [101] et [102 TFUE] (JO 2004, L 123, p. 18), même si cette procédure avait commencé avant leur entrée en vigueur.

16      Or, la Cour a constaté que, en l’espèce, l’audition du 13 juin 2002, la seule qui concernait le fond de la procédure, ne pouvait être considérée comme conforme aux exigences procédurales relatives à l’adoption d’une décision sur le fondement du règlement no 1/2003, en l’absence de participation des autorités de concurrence des États membres.

17      La Cour a conclu que le Tribunal avait commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’avait pas l’obligation, avant l’adoption de la décision de 2009, d’organiser une nouvelle audition, au motif que les entreprises avaient déjà eu la possibilité d’être entendues oralement lors des auditions des 13 juin et 30 septembre 2002.

18      Dans son arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), la Cour a rappelé l’importance de la tenue, sur demande des parties concernées, d’une audition à laquelle les autorités de concurrence des États membres sont invitées, son omission constituant une violation des formes substantielles.

19      La Cour a jugé que, dès lors que ce droit explicité dans le règlement no 773/2004 n’avait pas été respecté, il n’était pas nécessaire pour l’entreprise dont le droit avait été ainsi violé de démontrer que cette violation avait pu influer à son détriment sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision litigieuse.

20      La Cour a également annulé d’autres arrêts du Tribunal du 9 décembre 2014statuant sur la légalité de la décision de 2009, ainsi que cette décision, à l’égard de quatre autres entreprises, pour les mêmes motifs. La décision de 2009 est en revanche devenue définitive pour les entreprises destinataires qui n’ont pas formé de pourvoi contre lesdits arrêts.

 Troisième décision de la Commission (2019)

21      Par lettre du 15 décembre 2017, la Commission a informé la requérante de son intention de reprendre la procédure administrative et d’organiser, dans ce cadre, une nouvelle audition des parties à ladite procédure en présence des autorités de concurrence des États membres.

22      Par lettre du 1er février 2018, la requérante a présenté des observations dans lesquelles elle a contesté le pouvoir de la Commission de reprendre la procédure administrative et a ainsi invité cette dernière à ne pas procéder à cette reprise.

23      Le 23 avril 2018, la Commission a tenu une nouvelle audition concernant le fond de la procédure, à laquelle ont pris part, en présence des autorités de concurrence des États membres et du conseiller-auditeur, la requérante ainsi que trois autres entreprises destinataires de la décision de 2009.

24      Par lettres du 19 novembre 2018 ainsi que des 18 janvier et 6 mai 2019, la Commission a envoyé trois demandes de renseignements à la requérante concernant son chiffre d’affaires.

25      Le 4 juillet 2019, la Commission a adopté la décision C(2019) 4969 final, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire AT.37956 – Ronds à béton) (ci-après la « décision attaquée »), adressée aux cinq entreprises à l’égard desquelles la décision de 2009 avait été annulée, à savoir, outre la requérante, Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA (issues de la scission, le 1er mars 2000, de Ferriera Valsabbia SpA), Feralpi Holding SpA (anciennement Feralpi Siderurgica SpA et Federalpi Siderurgica SRL), Partecipazioni Industriali SpA (anciennement Riva Acciaio SpA puis Riva Fire SpA, ci-après « Riva ») et Ferriere Nord SpA.

26      Par la décision attaquée, la Commission a constaté la même infraction que celle faisant l’objet de la décision de 2009, tout en réduisant les amendes infligées aux entreprises destinataires de 50 % en raison de la durée de la procédure. Par l’article 2 de la décision attaquée, elle a ainsi infligé à la requérante une amende d’un montant de 3,587 millions d’euros.

27      Le 8 juillet 2019, une copie incomplète de la décision attaquée, n’en comprenant que les pages impaires, a été notifiée à la requérante.

28      Le 18 juillet 2019, une version complète de la décision attaquée a été notifiée à la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 septembre 2019, la requérante a introduit le présent recours.

30      Sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

31      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties et leur a demandé de produire des documents. Les parties ont répondu à ces questions et à ces demandes de production de documents dans le délai imparti.

32      Par décision du président de la quatrième chambre du Tribunal du 16 avril 2021, les affaires T‑655/19 et T‑656/19 ont été jointes aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 68 du règlement de procédure.

33      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions écrites et orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 juin 2021.

34      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée pour autant qu’elle la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

35      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

36      À l’appui du recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés :

–        le premier, de la violation de règles procédurales lors de l’audition du 23 avril 2018, laquelle aurait entraîné une violation des droits de la défense ;

–        le deuxième, du refus illégal de la Commission de vérifier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de cette adoption avec le principe du délai raisonnable de la procédure ;

–        le troisième, et une partie du quatrième, de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure ;

–        le quatrième, de la violation de l’obligation de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense et des règles procédurales lors de l’audition du 23 avril 2018

37      La requérante soutient que la décision attaquée a été adoptée au terme d’une procédure marquée par l’existence d’irrégularités commises dans l’organisation de l’audition faisant suite à l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717).

38      En particulier, la requérante avance trois griefs, concernant l’impartialité requise de la part du comité consultatif, l’absence d’acteurs importants lors de l’audition du 23 avril 2018 et l’impossibilité, pour la Commission, de remédier au défaut procédural censuré par la Cour, tous contestés par la Commission.

 Sur l’audition organisée à la suite de la reprise de la procédure administrative

39      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans son arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717, points 42 à 47), la Cour a reproché à la Commission de n’avoir pas donné à la requérante l’occasion de développer ses arguments lors d’une audition qui aurait porté sur le fond de l’affaire en présence des autorités de concurrence des États membres.

40      La Cour a ensuite jugé que le défaut ainsi identifié devait être analysé comme une violation des formes substantielles viciant la procédure indépendamment des conséquences préjudiciables pouvant en résulter pour la requérante (arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission, C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717, points 48 à 50).

41      Analysant l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), la Commission a estimé que, si ce défaut était corrigé, la procédure administrative pouvait être reprise à l’encontre des entreprises encore visées (considérant 15 de la décision attaquée).

42      Par lettre du 15 décembre 2017, la Commission a indiqué aux entreprises en cause qu’elle souhaitait reprendre la procédure administrative à partir du point auquel était apparu le défaut identifié par la Cour, c’est-à-dire à partir de l’audition.

43      Dans sa lettre du 15 décembre 2017, la Commission a demandé aux entreprises en cause de manifester par écrit, si elles le souhaitaient, leur intérêt à participer à une nouvelle audition qui, portant sur le fond du dossier, serait organisée en présence des autorités de concurrence des États membres conformément à la réglementation applicable.

44      Ayant reçu les réponses fournies par les entreprises en cause, la Commission a organisé une nouvelle audition le 23 avril 2018 en présence des autorités de concurrence des États membres.

 Sur l’exécution des arrêts d’annulation

45      Il importe de rappeler que, en vertu de l’article 266, paragraphe 1, TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour.

46      Pour se conformer à un arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, les institutions doivent respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui en constituent le soutien nécessaire en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2017, France/Commission, T‑74/14, non publié, EU:T:2017:471, point 45 et jurisprudence citée).

47      L’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’affecte pas toutes les étapes ayant précédé son adoption, mais seulement celles qui sont concernées par les motifs, de fond ou de procédure, ayant justifié l’annulation (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2017, France/Commission, T‑74/14, non publié, EU:T:2017:471, point 47 et jurisprudence citée).

48      Dès lors, la procédure visant à remplacer un acte annulé peut, en principe, être reprise à partir de l’étape affectée par l’illégalité (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 73, et du 6 juillet 2017, France/Commission, T‑74/14, non publié, EU:T:2017:471, point 46 et jurisprudence citée).

49      En l’espèce, l’acte ayant été annulé à la suite d’une violation de formes substantielles intervenue dans l’organisation de l’audition (arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission, C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), il était loisible à la Commission de reprendre la procédure, comme elle l’a fait, à partir de cette étape.

50      C’est dans ce contexte que doivent être examinés les griefs avancés par la requérante à l’appui du premier moyen.

 Sur le premier grief, concernant l’impartialité requise de la part du comité consultatif

51      La requérante soutient que le comité consultatif n’a pas été valablement consulté, car les modalités mises en place pour organiser l’audition à laquelle devaient être invitées les autorités de concurrence des États membres, dont les représentants composent ledit comité, n’ont pas permis de garantir leur impartialité au moment où celui-ci devait rendre son avis en application de la réglementation.

52      À cet égard, il convient de rappeler que la procédure pour l’adoption des décisions fondées sur les articles 101 et 102 TFUE est réglée, pour les aspects concernés par le présent litige, par le règlement no 1/2003 :

–        selon l’article 14, paragraphes 1 et 2, de ce règlement, la Commission, avant de prendre sa décision, consulte un comité composé de représentants des autorités de concurrence des États membres ;

–        l’article 14, paragraphe 3, dudit règlement précise que ce comité émet un avis écrit sur l’avant-projet de décision soumis par la Commission ;

–        l’article 14, paragraphe 5, du même règlement précise que la Commission tient le plus grand compte de l’avis rendu par ce comité en informant celui-ci de la façon dont elle s’est acquittée de cette obligation.

53      Pour l’organisation des auditions, le règlement no 773/2004 fixe les règles suivantes :

–        l’article 12 de ce règlement requiert de la Commission qu’elle donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs l’occasion de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites ;

–        l’article 14, paragraphe 3, dudit règlement prévoit que les autorités de concurrence des États membres sont invitées à prendre part à l’audition.

54      Selon la jurisprudence, la consultation du comité consultatif constitue une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de la décision litigieuse et entraîne son annulation s’il est établi que le non-respect de règles a empêché ledit comité de rendre son avis en pleine connaissance de cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 148 et jurisprudence citée).

55      La requérante ne soutient pas que les règles énoncées aux points 52 et 53 ci-dessus n’ont pas été respectées en tant que telles. Elle estime toutefois que, lorsque les autorités de concurrence des États membres ont participé à l’audition du 23 avril 2018 et ont, ensuite, rendu leur avis, elles ne se trouvaient pas dans une situation garantissant leur impartialité. Selon la requérante, ces autorités connaissaient, en effet, au moment de rendre cet avis, la position qu’avaient adoptée la Commission et les juridictions de l’Union européenne dans les décisions et les arrêts ayant jalonné la procédure. Elle fait observer que, d’une part, avant de prendre la décision attaquée, la Commission avait déjà adopté, à deux reprises (en 2002 et 2009), une décision de sanction sans consulter lesdites autorités sur le fond de l’affaire et que, d’autre part, en 2014, le Tribunal avait rendu un arrêt confirmant la position retenue par la Commission. Selon elle, marqué par l’existence de ces décisions et de cet arrêt, le contexte a inévitablement influencé ces mêmes autorités d’une manière rendant impossible la formulation d’un avis en toute impartialité.

56      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’un acte est annulé, il disparaît de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, Crédit mutuel Arkéa/BCE, T‑712/15, EU:T:2017:900, point 42 et jurisprudence citée), même si, lorsqu’il a une portée individuelle, l’annulation ne bénéficie, sous certaines réserves, qu’aux parties au procès (voir arrêt du 8 mai 2019, Lucchini/Commission, T‑185/18, non publié, EU:T:2019:298, points 33 à 37 et jurisprudence citée).

57      Ainsi, les arrêts du Tribunal, qui sont des actes adoptés par l’une des institutions de l’Union, disparaissent rétroactivement de l’ordre juridique lorsqu’ils sont annulés sur pourvoi.

58      Partant, en l’espèce, bien que le comité consultatif ait rendu son avis, d’une part, après que la Commission a adopté la décision de 2002 puis celle de 2009 et, d’autre part, après que le Tribunal s’est prononcé dans son arrêt du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T‑85/10, non publié, EU:T:2014:1037), il n’en demeure pas moins que, ayant été annulés, ces décisions et cet arrêt avaient disparu de l’ordre juridique de l’Union et étaient censés, en application de ladite jurisprudence, n’avoir jamais existé.

59      En ce qui concerne le prétendu manque d’impartialité des autorités de concurrence des États membres qui rendrait impossible la formulation par le comité consultatif d’un avis en toute impartialité, il convient de relever que, aux termes de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), toute personne a le droit, notamment, de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union.

60      L’exigence d’impartialité prévue par l’article 41 de la Charte recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée qui est chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 et jurisprudence citée).

61      En l’espèce, l’impartialité du comité consultatif lorsqu’il a rendu son avis est mise en cause en ce que, selon la requérante, l’attitude des représentants des autorités qui composent ledit comité a pu être influencée par le fait que ces autorités avaient eu connaissance de la position adoptée sur l’affaire, d’une part, par la Commission dans ses décisions de 2002 et de 2009 et, d’autre part, par le Tribunal dans son arrêt du 9 décembre 2014, Alfa Acciai/Commission (T‑85/10, non publié, EU:T:2014:1037).

62      D’une telle connaissance, même à la supposer établie, il ne saurait cependant être déduit un manque d’impartialité pouvant affecter la légalité de la décision attaquée, sauf à mettre en cause les dispositions du traité en vertu desquelles des actes déclarés illégaux sont susceptibles d’être remplacés, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si c’est l’impartialité subjective ou l’impartialité objective qui est ici mise en cause par la requérante.

63      En effet, la connaissance possible d’une solution antérieurement adoptée et, le cas échéant, confirmée dans un arrêt du Tribunal annulé par la suite par la Cour sur pourvoi est inhérente à l’obligation de tirer les conséquences d’une annulation. Décider que la connaissance d’une telle situation pourrait faire obstacle, par elle-même, à une reprise de procédure affecterait, en soi, le mécanisme d’annulation en indiquant que ce dernier implique non seulement la disparition rétroactive de l’acte annulé, mais aussi l’interdiction de reprendre la procédure. Une telle éventualité serait incompatible avec l’article 266 TFUE, qui, en cas d’annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE, impose aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union de prendre les mesures que comporte l’exécution des arrêts rendus à leur égard sans pour autant les affranchir de la mission consistant à assurer, dans les domaines relevant de leur compétence, l’application du droit de l’Union.

64      Le grief doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième grief, concernant l’absence d’acteurs importants lors de l’audition du 23 avril 2018

65      La requérante soutient que la Commission, d’une part, a violé diverses règles relatives à l’organisation des auditions et, d’autre part, a commis une erreur en omettant d’inviter plusieurs entités à l’audition du 23 avril 2018, alors que, ayant joué un rôle important dans le dossier, ces entités auraient pu communiquer aux autorités de concurrence des États membres des éléments permettant à ces dernières d’arrêter leur position en pleine connaissance de cause. Selon elle, n’ayant pu bénéficier d’un avis rendu en pleine connaissance de cause par ces autorités, ses droits de la défense ont été méconnus pour les raisons suivantes :

–        la Federacciai aurait dû participer à ladite audition, de même que Leali SpA, ayant entretemps fait faillite, eu égard au rôle central joué par ces dernières dans l’ensemble des faits visés par l’enquête ;

–        Lucchini SpA, ayant également fait faillite, et pour Riva, placée sous administration extraordinaire, qui étaient les chefs de file du marché, auraient également dû participer à ladite audition ;

–        Industrie Riunite Odolesi SpA (ci-après « IRO »), qui n’avait pas contesté, quant à elle, l’arrêt du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T‑69/10, non publié, EU:T:2014:1030) aurait elle aussi dû participer à ladite audition ;

–        l’Associazione Nazionale Sagomatori Ferro (Association nationale des entreprises de façonnage de fer, ci-après l’« Ansfer ») aurait dû être invitée, cette association, représentant des clients des entreprises concernées, étant intervenue en tant que tiers lors de l’audition du 13 juin 2002 et ayant déclaré, à cette occasion, que l’existence d’ententes restrictives de concurrence n’avait jamais été ressentie sur le marché.

66      Il convient donc d’examiner si, dans l’organisation de l’audition, la Commission a violé une règle qui s’imposait à elle et si elle a, de la sorte, ou d’une quelconque autre manière, entravé les droits de la défense de la requérante à l’occasion de l’audition du 23 avril 2018.

67      En premier lieu, il convient de relever que la participation à l’audition fait partie des droits procéduraux dont la violation, en raison de leur nature subjective, doit être invoquée par l’entreprise ou le tiers qui en est titulaire (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2010, ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, T‑62/08, EU:T:2010:268, point 186 ; du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 77, et du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, point 36).

68      Ainsi, la requérante ne saurait demander avec succès l’annulation d’une décision pour le seul motif qu’auraient été méconnus, en l’espèce, des droits procéduraux bénéficiant à des tiers ou à d’autres parties.

69      Par ailleurs, il doit être relevé que, même si les auditions tenues dans le cadre des procédures en matière d’ententes se déroulent le plus souvent sous une forme collective dans la pratique de la Commission, la réglementation ne reconnaît pas de droit à une audition collective pour les entreprises auxquelles une communication des griefs a été adressée.

70      Au contraire, l’article 14, paragraphe 6, du règlement no 773/2004 précise que toute personne peut être entendue soit séparément, soit en présence d’autres personnes invitées à assister à l’audition, en tenant compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires et autres informations confidentielles ne soient pas divulgués (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 697).

71      En second lieu, il convient d’examiner, au-delà du respect dû aux droits dont disposent d’autres personnes ou entités, si, d’une manière ayant pu entraver la défense de la requérante, la Commission a enfreint des règles concernant l’organisation des auditions.

72      À cet égard, il convient de relever que les droits de la défense sont des droits fondamentaux faisant partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge de l’Union assure le respect. Pareil respect dans une procédure suivie devant la Commission ayant pour objet d’infliger une amende à une entreprise pour violation des règles de concurrence exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence de l’infraction au traité. Ces droits sont visés à l’article 41, paragraphe 2, sous a) et b), de la Charte (voir arrêt du 25 octobre 2011, Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:686, points 52 et 53 et jurisprudence citée).

73      En l’espèce, la requérante a insisté sur le fait que l’absence de certaines entités avait eu pour conséquence que le comité consultatif n’avait pas pu rendre son avis en toute connaissance de cause. Selon elle, si ces entités avaient été entendues, le contenu de son avis, et, en conséquence, celui de la décision attaquée, aurait ainsi pu être différent. Cette problématique a fait l’objet d’échanges nourris entre les parties, tant à l’écrit que lors de l’audience.

74      À cet égard, il convient de distinguer la situation des entreprises destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée, la situation des tiers justifiant d’un intérêt suffisant et la situation des autres tiers.

–       Sur la situation des entreprises destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée

75      Selon l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, les entreprises et les associations d’entreprises visées par la procédure menée doivent avoir l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs qui sont retenus contre elles avant que soit prise à leur égard une décision appliquant l’article 101 ou 102 TFUE. La Commission ne peut fonder ses décisions à leur égard que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations.

76      L’article 12 du règlement no 773/2004 précise que la Commission donne aux parties auxquelles elle adresse une communication des griefs l’occasion de développer leurs arguments lors d’une audition, si elles en font la demande dans leurs observations écrites.

77      En l’espèce, l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et l’article 12 du règlement no 773/2004 avaient donc vocation à s’appliquer à toutes les entreprises ayant participé à l’entente pour lesquelles la décision de 2002 ou la décision de 2009 n’était pas devenue définitive, y compris Riva.

78      Selon la requérante, l’absence de Riva à l’audition du 23 avril 2018 a pu contribuer à vicier la procédure en affectant les conditions dans lesquelles elle pouvait assurer sa défense.

79      À cet égard, il convient de relever que, ainsi que cela est indiqué aux considérants 45 et 46 de la décision attaquée, et sans que cela soit contesté par les parties :

–        Riva a été informée par la Commission, par lettre du 15 décembre 2017, de la reprise de la procédure ;

–        en réponse à ce courrier, Riva a déposé des observations écrites sans demander, toutefois, à participer à une audition ;

–        Riva n’ayant pas formulé une telle demande, la Commission ne l’a pas invitée à prendre part à l’audition du 23 avril 2018.

80      Au vu de ces éléments, il ne saurait être considéré que, en s’abstenant d’inviter Riva à participer à l’audition du 23 avril 2018, la Commission a violé l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 et l’article 12 du règlement no 773/2004. N’ayant pas demandé à participer à l’audition, Riva n’avait pas à y être invitée par la Commission. La requérante ne saurait donc valablement se prévaloir d’une violation des dispositions susvisées ayant pu affecter sa défense.

–       Sur la situation des tiers justifiant d’un intérêt suffisant

81      L’audition des tiers intéressés est régie par l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003. Cette disposition prévoit que, si des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant demandent à être entendues, il est fait droit à leur demande.

82      L’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004 précise :

–        si des personnes physiques ou morales demandent à être entendues et justifient d’un intérêt suffisant, la Commission les informe, par écrit, de la nature et de l’objet de la procédure ;

–        elle donne à ces personnes la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit dans un délai qu’elle fixe ;

–        elle peut les inviter à développer leurs arguments lors de l’audition si ces personnes en font la demande dans leurs observations écrites.

83      En l’espèce, l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004 avaient donc vocation à s’appliquer notamment à cinq entités dont la présence était nécessaire, selon la requérante, pour que l’audition du 23 avril 2018 soit valablement organisée, à savoir, d’une part, la Federacciai, Leali, IRO et Lucchini et, d’autre part, l’Ansfer.

84      En premier lieu, s’agissant des quatre premières entités visées au point 83 ci-dessus, il convient de relever que celles-ci ont renoncé, à un stade antérieur de la procédure, à contester la décision qui leur avait été adressée :

–        la Federacciai n’a pas déposé de recours en annulation contre la décision de 2002 ;

–        Leali, IRO et Lucchini n’ont pas introduit de pourvoi contre les arrêts du 9 décembre 2014, Leali et Acciaierie e Ferriere Leali Luigi/Commission (T‑489/09, T‑490/09 et T‑56/10, non publié, EU:T:2014:1039), du 9 décembre 2014, IRO/Commission (T‑69/10, non publié, EU:T:2014:1030), et du 9 décembre 2014 Lucchini/Commission (T‑91/10, EU:T:2014:1033), qui avaient rejeté leurs recours en annulation contre la décision de 2009.

85      Dès lors, selon la jurisprudence, la décision de la Commission prise à l’égard de ces entités est devenue définitive pour ce qui les concerne et, par suite, la procédure étant pour elles terminée, elles n’étaient plus parties à la procédure reprise le 15 décembre 2017 (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 63).

86      Dans ces conditions, les quatre premières entités visées au point 83 ci-dessus ne disposaient pas d’un droit à participer à l’audition du 23 avril 2018 en qualité de parties à la procédure.

87      Certes, les quatre premières entités visées au point 83 ci-dessus avaient la possibilité de demander à la Commission, en démontrant qu’elles présentaient un intérêt suffisant, l’autorisation de prendre part à l’audition du 23 avril 2018 en tant que tiers intéressés, conformément aux dispositions rappelées aux points 81 et 82 ci-dessus.

88      Cependant, la Federacciai, Leali et IRO n’ont pas effectué une telle démarche et, ainsi, il ne saurait être prétendu que la Commission ait pu, dans ce cadre, violer quelque règle que ce soit, avec pour conséquence d’avoir pu affecter l’exercice par la requérante de ses droits de la défense.

89      En revanche, il convient de noter que Lucchini a considéré, de son côté, qu’elle devait bénéficier de l’annulation prononcée par la Cour dans ses arrêts du 21 septembre 2017, Feralpi/Commission (C‑85/15 P, EU:C:2017:709), du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), du 21 septembre 2017, Ferriere Nord/Commission (C‑88/15 P, EU:C:2017:716), et du 21 septembre 2017, Riva Fire/Commission (C‑89/15 P, EU:C:2017:713), même si elle n’a pas introduit de pourvoi contre l’arrêt du 9 décembre 2014, Lucchini/Commission (T‑91/10, EU:T:2014:1033). Sur la base de cette argumentation, elle a demandé à la Commission l’autorisation de participer à l’audition du 23 avril 2018. Toutefois, cette demande a été présentée par Lucchini en tant que partie à la procédure reprise le 15 décembre 2017, au même titre, notamment, que la requérante, et non en qualité de tiers intéressé. Cette demande a été rejetée par la Commission à juste titre pour les raisons indiquées aux points 84 et 85 ci-dessus (arrêt du 8 mai 2019, Lucchini/Commission, T‑185/18, non publié, EU:T:2019:298, points 41 et 42). S’étant vu refuser cette possibilité en tant que partie à la procédure, Lucchini n’a pas fait valoir, par la suite, qu’elle pouvait être invitée à l’audition en qualité de tiers disposant d’un intérêt suffisant.

90      Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, en s’abstenant d’inviter, d’une part, la Federacciai et, d’autre part, Leali, IRO et Lucchini à participer à l’audition, la Commission a violé une règle procédurale pouvant avoir une incidence sur l’exercice, par la requérante, de ses droits de la défense.

91      En second lieu, s’agissant de la cinquième entité visée au point 83 ci-dessus, à savoir l’Ansfer, la requérante considère qu’elle aurait dû être invitée à l’audition du 23 avril 2018, au vu des informations qu’elle détenait et qui étaient susceptibles d’exercer une influence sur les autorités de concurrence des États membres, relativement à la connaissance qu’elles avaient du dossier.

92      À l’appui de sa position, la requérante présente trois arguments.

93      Premièrement, la requérante soutient que, selon toute vraisemblance, si l’Ansfer avait été informée par la Commission de la reprise de la procédure, elle aurait participé à l’audition du 23 avril 2018, comme elle l’avait fait pour l’audition du 13 juin 2002.

94      À cet égard, il convient de rappeler comment a été ouverte en 2002 la procédure diligentée contre la requérante et contre les autres entreprises alors visées.

95      Comme l’a indiqué la Commission dans sa réponse aux questions du Tribunal et à l’audience sans être contredite par la requérante, l’ouverture en cause est intervenue le 26 mars 2002, suivie de la notification aux parties concernées de la communication des griefs, conformément à l’article 36 CA.

96      Alors, l’ouverture en cause n’a été accompagnée d’aucune mesure de publicité, car la réglementation ne requérait pas de la Commission qu’elle rende publique la décision d’ouvrir une procédure administrative, l’adoption d’une communication des griefs ou, comme en l’espèce, d’une communication des griefs supplémentaires.

97      La façon de procéder n’a pas été différente après que le Tribunal a rendu l’arrêt du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, EU:T:2007:317), et que la Cour a rendu l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717).

98      Après avoir analysé les arrêts visés au point 97 ci-dessus, la Commission a informé la requérante, la première fois par lettre du 30 juin 2008 et la seconde par lettre du 15 décembre 2017, de son intention de « reprendre » la procédure.

99      En particulier, la seconde lettre a été notifiée aux entreprises destinataires de la décision attaquée, mais n’a été communiquée à aucune autre personne ou entité, de même qu’elle n’a fait l’objet d’aucune mesure de publicité.

100    Selon la requérante, la Commission était tenue d’informer le public de la reprise de la procédure après l’annulation de la décision de 2009 et, si cette obligation avait été respectée en l’espèce, l’Ansfer aurait été informée et aurait pu demander à participer à la nouvelle audition.

101    À cet égard, il convient de noter qu’aucune règle n’exige de la Commission qu’elle rende publique la reprise d’une procédure à la suite de l’annulation de l’une de ses décisions par un arrêt de la Cour ou du Tribunal.

102    En effet, une telle reprise de procédure intervient dans le cadre de l’exécution d’un arrêt d’annulation.

103    Or, l’article 266 TFUE n’oblige l’institution dont émane l’acte annulé que dans les limites de ce qui est nécessaire pour assurer l’exécution de l’arrêt d’annulation. En ce sens, cette disposition impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans ledit arrêt. Toutefois, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour décider des moyens à mettre en œuvre afin de tirer les conséquences d’un arrêt d’annulation ou d’invalidation, étant entendu que ces moyens doivent être compatibles avec le dispositif de l’arrêt en cause et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire. Sauf à ce que l’irrégularité constatée ait entaché de nullité l’ensemble de la procédure, les institutions concernées peuvent, afin d’adopter un acte visant à remplacer un précédent acte annulé ou invalidé, reprendre la procédure au stade où cette irrégularité a été commise (voir arrêt du 11 décembre 2017, Léon Van Parys/Commission, T‑125/16, EU:T:2017:884, points 49 et 52 et jurisprudence citée).

104    Au terme de l’appréciation que la Commission effectue dans ce cadre, elle peut ainsi décider de reprendre la procédure comme elle l’a fait dans la présente affaire, tout comme elle peut abandonner la procédure si elle estime que le dossier peut être clos ou, si elle pense que des mesures d’enquête s’imposent, ouvrir une nouvelle procédure, susceptible, dans ce cas, de conduire à la notification d’une nouvelle communication des griefs aux entreprises destinataires conformément à l’article 27, paragraphe 1, du règlement no 1/2003.

105    En l’espèce, la Commission, ayant effectué ladite appréciation, a décidé de reprendre la procédure au point où elle avait été interrompue, comme le permet la jurisprudence visée aux points 47 et 48 ci-dessus.

106    À l’audience, les parties ont débattu de la communication de la Commission du 20 octobre 2011 concernant les bonnes pratiques relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE (JO 2011, C 308, p. 6) (voir, en particulier, point 20 de celle-ci), dans laquelle la Commission s’est engagée, d’une part, à annoncer l’ouverture de chaque procédure d’application de ces dispositions sur le site Internet de sa direction générale de la concurrence et, d’autre part, à publier un communiqué de presse sur le sujet, sauf lorsque de telles mesures de publicité sont susceptibles de nuire au déroulement de l’enquête.

107    Toutefois, la communication en cause n’imposait pas en l’espèce à la Commission de mettre en œuvre les engagements visés au point 106 ci-dessus. En effet, en l’absence de disposition expresse en ce sens, il n’y a pas lieu d’étendre la portée de ces engagements lorsque la Commission reprend une procédure au stade d’une audition précédemment tenue de manière irrégulière, qui est le stade où cette procédure a été interrompue, ainsi que la Commission l’a décidé en l’espèce dans le cadre de l’exécution de l’arrêt d’annulation de la Cour, situation qui se distingue de celle de l’ouverture de la procédure visée dans cette communication.

108    L’argument doit donc être rejeté.

109    Deuxièmement, la requérante soutient que, pour la détermination des tiers à inviter à l’audition, l’Ansfer ne pouvait être regardée comme un simple membre du public, mais avait le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » au sens de l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003 et de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 773/2004.

110    Au soutien de sa position, la requérante rappelle que le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » avait été reconnu en 2002 à l’Ansfer par le conseiller-auditeur, ce qui avait permis la participation de cette association à l’audition du 13 juin 2002.

111    Disposant alors du statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant », l’Ansfer ne saurait l’avoir perdu entretemps et aurait dû être invitée à participer, à ce titre, à l’audition du 23 avril 2018.

112    À cet égard, il convient de relever que l’argumentation de la requérante en ce qui concerne le maintien du statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » est conforme à la position défendue par la Commission sur la continuité existant entre les étapes de la procédure administrative même si celle-ci a été interrompue par des procédures juridictionnelles ayant donné lieu à des arrêts d’annulation.

113    Dans cette perspective, il serait légitime de considérer qu’une entité s’étant vu reconnaître le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » à un stade antérieur de la procédure ait pu le conserver tout au long de la procédure, même si celle-ci a pu être interrompue par une procédure juridictionnelle ayant donné lieu à une annulation prononcée par le juge de l’Union.

114    Il importe donc de déterminer si, en l’espèce, s’étant vu reconnaître le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » à un moment de la procédure, l’Ansfer a pu conserver ce statut tout au long de cette dernière et aurait dû être invitée à l’audition du 23 avril 2018 ou, à tout le moins, être informée de la reprise de la procédure pour lui permettre de manifester son intérêt et, ainsi, d’être invitée, le cas échéant, à participer à ladite audition.

115    À cet égard, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort du dossier, sans que cela soit contesté par la requérante, l’intérêt manifesté par l’Ansfer pour participer à la procédure n’a pas été maintenu tout au long de cette dernière.

116    En effet, récapitulant les étapes qui se sont succédé, la Commission a précisé, à l’audience, sans être contredite par la requérante, en réponse aux questions posées par le Tribunal, que :

–        en 2002, l’Ansfer avait appris l’ouverture de la procédure par l’intermédiaire d’informations parues dans la presse italienne ;

–        sur la base de ces informations, l’Ansfer avait demandé à la Commission à être autorisée à participer à l’audition du 13 juin 2002 en faisant valoir qu’elle pouvait démontrer, à cet effet, l’existence, en ce qui la concernait, d’un intérêt suffisant ;

–        ayant été invitée à participer, l’Ansfer s’était présentée à ladite audition, où, sans que son représentant y prît la parole, elle avait déposé des observations écrites ;

–        sur cette base, elle avait été invitée à participer à la deuxième audition du 30 septembre 2002, relative aux conséquences de l’expiration du traité CECA sur la procédure ;

–        elle n’avait, toutefois, pas répondu à cette invitation et ne s’était pas davantage présentée lors de cette audition ;

–        l’Ansfer n’ayant pas répondu à l’invitation à la nouvelle audition qui lui avait été adressée et ne s’y étant pas présentée, la Commission avait considéré que celle-ci ne demandait plus à participer à la suite de la procédure et ne devait donc pas être invitée à l’audition du 23 avril 2018 ;

–        dans ce cadre, la Commission avait tenu compte du fait que, d’une part, la participation de l’Ansfer, lors de l’audition du 13 juin 2002, s’était limitée à la soumission d’observations écrites, sans prise de parole, et que, d’autre part, ces observations avaient été versées au dossier.

117    Or, en vertu de la réglementation, les tiers peuvent prendre part à une audition organisée dans une procédure relative à l’application des règles de concurrence, mais, pour ce faire, ils doivent se manifester auprès de la Commission et établir à l’intention de cette dernière qu’ils présentent un intérêt suffisant pour leur permettre d’y participer (voir points 81 et 82 ci-dessus).

118    En outre, il convient de considérer que, lorsqu’un tiers s’est vu reconnaître le statut de « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » lors d’une procédure administrative qui a été interrompue par un contrôle juridictionnel au terme duquel une annulation a été prononcée par le juge de l’Union, la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour décider si ce tiers conserve un intérêt suffisant à faire connaître son point de vue. En effet, la garantie des droits de la défense n’exige pas que la Commission, lorsqu’elle reprend ladite procédure, procède à l’audition des tiers ne disposant plus d’un tel intérêt suffisant (voir, par analogie, arrêts du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission, T‑655/11, EU:T:2015:383, point 406, et du 11 juillet 2019, Silver Plastics et Johannes Reifenhäuser/Commission, T‑582/15, non publié, EU:T:2019:497, point 202 et jurisprudence citée).

119    Dans l’intérêt d’une bonne administration, il convient, en effet, d’éviter une multiplication d’intervenants tout en assurant la participation de ceux qui peuvent apporter une réelle contribution, à charge ou à décharge, à l’analyse du dossier et au respect des droits de la défense, de manière à assurer que l’avis soit rendu par le comité consultatif et que la décision soit prise par la Commission en pleine connaissance de cause et dans le respect des garanties procédurales.

120    C’est au terme d’une telle appréciation que, en l’espèce, l’Ansfer a été invitée en tant que « tiers justifiant d’un intérêt suffisant » à participer à l’audition du 13 juin 2002 et à celle du 30 septembre 2002.

121    Par la suite, au vu de l’absence de réponse de l’Ansfer à l’invitation à participer à la deuxième audition du 30 septembre 2002 et de son absence de participation à cette audition, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer que celle-ci avait renoncé à intervenir dans la suite de la procédure ou, à tout le moins, ne souhaitait pas développer davantage ses arguments lors de l’audition du 23 avril 2018 et que sa contribution, déjà versée au dossier et reprise par la suite dans le projet de la décision attaquée, ne justifiait pas de l’informer de la reprise de la procédure pour lui permettre de manifester à nouveau son intérêt et, ainsi, d’être invitée, le cas échéant, à participer à ladite audition.

122    L’argument doit donc être rejeté.

123    Troisièmement, la requérante soutient avoir attiré l’attention de la Commission, dans sa lettre du 1er février 2018, sur le fait que la procédure ne pouvait être reprise valablement, dès lors que tous les acteurs présents en 2002 ne pourraient être présents à la nouvelle audition, avec pour conséquence de ne donner qu’une vision partielle de l’affaire aux autorités de concurrence des États membres, dont les représentants sont chargés d’exprimer une opinion pour permettre au comité consultatif de rendre son avis conformément à la réglementation.

124    À cet égard, il convient de relever que, ainsi formulée, une telle remarque ne saurait être analysée comme une demande ayant été adressée à la Commission et visant à obtenir de celle-ci qu’elle invite à l’audition l’Ansfer ou d’autres tiers en application de l’article 10, paragraphe 3, du règlement no 773/2004, qui permet aux parties de proposer dans leurs observations écrites « que la Commission entende des personnes susceptibles de corroborer les faits exposés dans leurs observations ».

125    Comme le signale la Commission, c’est à la requérante qu’il appartenait, si elle estimait que l’intervention de l’Ansfer était nécessaire, voire seulement utile, pour la défense de son argumentation, d’informer cette association de la reprise de la procédure afin qu’elle se manifeste auprès de la Commission ou de demander à cette dernière, de manière spécifique, d’inviter cette entité.

126    Or, la requérante, dans ses réponses écrites aux questions du Tribunal, a admis n’avoir effectué aucune démarche en ce sens auprès de la Commission ou de l’Ansfer.

127    Il convient d’ajouter que, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, les autorités de concurrence des États membres peuvent demander à la Commission d’entendre des tiers, si elles l’estiment approprié.

128    Rien n’empêchait la requérante de suggérer aux autorités de concurrence des États membres, lors de l’audition du 23 avril 2018, ou avant celle-ci, de demander à la Commission d’entendre l’Ansfer.

129    Or, la requérante n’a pas accompli une telle démarche auprès des autorités de concurrence des États membres, pas plus que lesdites autorités n’ont demandé à la Commission d’entendre l’Ansfer.

130    Partant, l’Ansfer ne disposant plus d’un intérêt suffisant à faire connaître son point de vue lors de la reprise de la procédure (voir points 112 à 122 ci-dessus), et aucune demande visant à l’entendre n’ayant été adressée à la Commission, il ne saurait être valablement reproché à cette dernière de ne pas l’avoir invitée à participer à l’audition du 23 avril 2018.

131    L’argument doit donc être écarté.

–       Sur la situation des autres tiers

132    Pour autant que l’argumentation présentée par la requérante puisse être interprétée comme y faisant référence, il convient de relever que la réglementation prévoit, pour l’organisation des auditions, une troisième situation, qui concerne les tiers ne présentant pas un intérêt suffisant au sens déterminé aux points 81 et 82 ci-dessus.

133    L’article 13, paragraphe 3, du règlement no 773/2004 prévoit la possibilité d’inviter toute personne physique ou morale, autre que les entreprises visées par la procédure ou les tiers justifiant d’un tel intérêt, à exprimer son point de vue par écrit et à assister, le cas échéant, à l’audition. Outre qu’elles peuvent être autorisées à y assister, ces personnes peuvent être invitées à exprimer leur point de vue au cours de l’audition.

134    C’est dans cette situation que se trouvait notamment l’Ansfer, dès lors que, comme cela a été établi, la Commission a pu considérer que cette association ne disposait plus d’un intérêt suffisant à faire connaître son point de vue, lors de la reprise de la procédure (voir points 112 à 122 ci-dessus).

135    Or, la Commission dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer si la participation de tiers non intéressés peut être utile dans les débats, étant précisé que la garantie des droits de la défense de la requérante n’exige pas dans tous les cas que la Commission procède aux auditions demandées (voir, en ce sens, jurisprudence citée au point 118 ci-dessus).

136    Ainsi, en l’espèce, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer, pour les raisons évoquées aux points 112 à 122 ci-dessus, qu’inviter l’Ansfer à l’audition du 23 avril 2018 n’apporterait pas d’élément nouveau aux débats.

137    Dans ces conditions, il ne saurait être valablement reproché à la Commission d’avoir violé une règle procédurale qui aurait pu avoir une incidence sur l’exercice, par la requérante, de ses droits de la défense en omettant d’inviter d’autres tiers à l’audition du 23 avril 2018.

138    L’argument doit donc être rejeté.

139    Au vu des éléments qui précèdent, il peut être conclu que la Commission n’a pas violé de règles procédurales concernant l’audition d’autres personnes ou entités et, par conséquent, que l’exercice des droits de la défense dont se prévaut la requérante n’a pu être entravé d’aucune manière par la violation de telles règles.

140    Pour autant que de besoin, il convient de relever que la requérante n’a pas établi avoir été entravée dans l’exercice de ses droits de la défense indépendamment de la violation d’une règle, en raison de l’absence d’une entreprise ou d’un tiers lors de l’audition organisée en vue de l’adoption de la décision attaquée.

141    Le grief doit donc être rejeté.

 Sur le troisième grief, concernant l’impossibilité, pour la Commission, de remédier au défaut procédural censuré par la Cour

142    La requérante soutient en substance qu’il était impossible de remédier au défaut procédural censuré par la Cour. En raison du délai écoulé, les changements intervenus dans l’identité des acteurs et la structure du marché étaient tels, selon elle, qu’aucune audition ne pouvait encore être organisée dans des conditions identiques ou, à tout le moins, équivalentes à celles qui prévalaient en 2002.

143    À cet égard, il convient de relever que, en raison de l’ampleur des tâches qu’elles impliquent, le contexte dans lequel sont organisées les procédures de concurrence est inévitablement altéré par l’écoulement du temps.

144    Dans un tel contexte où la concurrence induit constamment des modifications des acteurs, des produits et des parts de marché, la possibilité que de tels changements rendent impossible, par eux-mêmes, l’adoption d’une nouvelle décision affecterait, dans son principe même, la possibilité, pour la Commission, de reprendre une procédure en vue d’appliquer les règles de concurrence en exécution de la mission qui lui est assignée par les traités.

145    Lorsque la Commission décide de reprendre une procédure à la suite d’une annulation de l’une de ses décisions par un arrêt de la Cour ou du Tribunal, elle doit toutefois procéder à une évaluation destinée à déterminer, au vu des circonstances existant au moment de la reprise, et en particulier des effets ayant pu résulter de l’écoulement du temps, si la poursuite de la procédure apparaît encore comme étant une solution appropriée à la situation, ce qu’elle a fait en l’espèce, comme cela est expliqué en réponse au premier grief du deuxième moyen présenté par la requérante à l’appui du recours (voir points 149 à 173 ci-après).

146    Le grief doit donc être rejeté et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré du refus illégal de la Commission de vérifier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de cette décision avec le principe du délai raisonnable de la procédure

147    La requérante soutient que la Commission n’a pas vérifié à suffisance de droit si la décision attaquée pouvait être adoptée, alors que, selon elle, le principe du délai raisonnable, consacré à l’article 41 de la Charte, s’y opposait. D’une part, elle reproche à la Commission une erreur de droit à cet égard. D’autre part, elle fait grief à la Commission de ne pas avoir respecté l’obligation de motivation qui lui incombe.

148    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

 Sur le premier grief, tiré d’une erreur de droit

149    La requérante soutient que la Commission a violé l’article 41 de la Charte, en refusant d’apprécier, avant d’adopter la décision attaquée, la compatibilité de l’adoption de cette décision avec le principe du délai raisonnable.

150    À cet égard, il convient de relever que, comme le signale la requérante, la Commission est tenue de respecter le principe du délai raisonnable repris à l’article 41 de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 179, et du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 285).

151    Ainsi, l’écoulement du délai doit être pris en compte lorsque, faisant usage de la marge d’appréciation qui lui est conférée par le droit de l’Union, la Commission apprécie si, dans l’application des règles de concurrence, des poursuites doivent être engagées et une décision adoptée.

152    Il ressort de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’obligation de tenir compte de l’écoulement du délai lorsqu’elle apprécie si de telles poursuites doivent être engagées et une décision de sanction adoptée n’a pas été violée par la Commission. La décision attaquée indique en effet que cette institution a examiné, avant de se prononcer, si, en l’espèce, la procédure pouvait être reprise et si celle-ci pouvait aboutir à l’adoption d’une telle décision, imposant une amende.

153    Ainsi, la Commission a analysé, dans plusieurs passages de la décision attaquée, d’une part, si la procédure ayant conduit à l’adoption de cette dernière avait été menée d’une manière satisfaisante s’agissant des délais et, d’autre part, si des conséquences devaient être tirées de la durée des phases ayant conduit à cette adoption.

154    Par exemple, la Commission a relevé que, selon l’analyse qu’elle avait pu effectuer, d’une part, les activités d’enquête avaient été menées avec diligence et, d’autre part, les interruptions intervenues au cours de la procédure administrative étaient dues au contrôle juridictionnel (considérants 528 et 555 de la décision attaquée).

155    Dans ce cadre, la Commission a reconnu que, comme cela avait été retenu par le Tribunal et la Cour dans les arrêts du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, EU:T:2007:317), et du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), elle avait commis des erreurs procédurales. Toutefois, elle a fait valoir que ces erreurs, qui avaient pu allonger la durée de la procédure, étaient dues à l’incertitude juridique dans laquelle elle s’était trouvée à la suite de l’expiration du traité CECA (considérant 555 de la décision attaquée).

156    De la même manière, la Commission a admis que, à la suite des erreurs procédurales qui avaient été commises, les différentes phases s’étant succédé avaient pu conduire, pour la procédure envisagée dans son ensemble, phases administratives et interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises, à une durée « objectivement » longue (considérant 528 de la décision attaquée).

157    La Commission a ajouté, dans le cadre de cette appréciation, que, selon elle, cette longueur ne dépassait pas les délais considérés comme étant acceptables au regard de la jurisprudence (considérant 528 de la décision attaquée).

158    De manière complémentaire, la Commission a signalé que, en vertu de la jurisprudence, une durée contraire au principe du délai raisonnable ne pouvait entraîner, à elle seule, l’annulation d’une décision. En effet, selon la Cour, un tel résultat ne pourrait être atteint que si la durée déraisonnable avait affecté les droits de la défense en compromettant la faculté, pour les entreprises concernées, de recueillir les preuves et de présenter leurs arguments. Or, selon la Commission, la requérante n’avait pas démontré que tel avait été le cas en l’espèce (considérants 556 et 557 de la décision attaquée).

159    Par ailleurs, la Commission a indiqué, au considérant 536 de la décision attaquée, que, au regard de la réglementation applicable, et conformément à la jurisprudence développée en la matière, elle avait le pouvoir d’adopter une nouvelle décision.

160    La Commission a admis que l’adoption d’une nouvelle décision devait être précédée d’un examen visant, dans le cadre du pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu en matière de poursuite d’infractions au droit de la concurrence, à mettre en balance, d’une part, l’intérêt public à assurer l’application effective des règles de concurrence et, d’autre part, celui des parties à obtenir une décision dans un délai raisonnable et à ce que soient mitigées les conséquences possibles des erreurs qui avaient pu être commises durant la procédure (considérants 536 et 559 de la décision attaquée).

161    En l’espèce, la Commission a procédé à une telle mise en balance en concluant, au vu du caractère grave de l’infraction constatée, d’une part, qu’il était nécessaire d’adopter une décision et, d’autre part, qu’il fallait imposer une sanction aux entreprises destinataires (considérants 560 à 568 de la décision attaquée).

162    Finalement, la Commission a réduit le montant de l’amende conformément à la suggestion formulée par le conseiller-auditeur, de manière à mitiger, dans une certaine mesure (50 %), les conséquences négatives qui avaient pu résulter, pour les entreprises concernées, de la longueur de la procédure et des erreurs procédurales commises (considérants 570 à 573 de la décision attaquée).

163    Ainsi, il ressort de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a vérifié, avant d’adopter cette décision, si le principe du délai raisonnable avait été respecté, en analysant la longueur de la procédure administrative, phases administratives et interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises, les causes pouvant expliquer la durée de la procédure et les conséquences susceptibles d’en être tirées.

164    Cette conclusion est contestée par la requérante, selon laquelle la Commission, dans la décision attaquée, a refusé de se prononcer sur la longueur déraisonnable de la procédure au motif que cette appréciation devait être réservée au juge de l’Union sans qu’elle puisse se prononcer à ce sujet.

165    À cet égard, il convient de relever que le juge de l’Union peut être saisi de questions relatives à la durée de procédures. Au contentieux de la responsabilité, il doit condamner les institutions, organes ou organismes de l’Union lorsque ces derniers ont causé un dommage en violant le principe du délai raisonnable (arrêts du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C‑50/12 P, EU:C:2013:771, point 94, et du 11 juillet 2019, Italmobiliare e.a./Commission, T‑523/15, non publié, EU:T:2019:499, point 159). Au contentieux de l’annulation, la durée d’une procédure peut avoir pour conséquence l’annulation d’une décision attaquée si deux conditions sont satisfaites de manière cumulative, la première étant que cette longueur apparaisse comme ayant été déraisonnable et la seconde, que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense (arrêts du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, EU:C:2006:593, points 47 et 48 ; du 8 mai 2014, Bolloré/Commission, C‑414/12 P, non publié, EU:C:2014:301, points 84 et 85, et du 9 juin 2016, PROAS/Commission, C‑616/13 P, EU:C:2016:415, points 74 à 76).

166    Comme le signale la requérante, la compétence ainsi confiée au juge de l’Union ne saurait affranchir la Commission de l’appréciation qu’elle doit effectuer au moment de déterminer les suites qu’il convient de donner à un arrêt d’annulation en application de l’article 266 TFUE.

167    Comme cela a été indiqué, la Commission doit prendre en compte, lorsqu’elle effectue une telle appréciation, l’ensemble des éléments de la cause, notamment l’opportunité d’adopter une nouvelle décision, celle d’infliger une sanction et celle, le cas échéant, de réduire la sanction envisagée s’il apparaît, notamment, que, sans constituer en elle-même un manquement fautif, la durée de la procédure, en ce qu’elle a comporté des phases administratives mais aussi, le cas échéant, des interruptions dues au contrôle juridictionnel, a pu avoir une incidence sur les éléments à prendre en compte pour fixer le montant de l’amende, et notamment sur son caractère éventuellement dissuasif lorsqu’elle intervient longtemps après les faits constitutifs de l’infraction.

168    Cette appréciation, portant notamment sur la durée globale de la procédure, phases juridictionnelles comprises, a été principalement effectuée au considérant 528 de la décision attaquée.

169    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a vérifié, dans la décision attaquée, si la durée de la procédure pouvait faire obstacle à la reprise de la procédure tout en reconnaissant qu’une telle appréciation était placée sous le contrôle du juge de l’Union au contentieux de la légalité et, le cas échéant, de la responsabilité.

170    Dans la requête, la requérante invoque l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), relativement à l’obligation, qui incomberait à la Commission, de vérifier, avant d’adopter une nouvelle décision, si cette adoption serait conforme au principe du délai raisonnable.

171    À cet égard, il convient de relever que, tout comme l’article 47 de la Charte, également invoqué par la requérante, l’article 6 de la CEDH comporte l’obligation de respecter le principe du délai raisonnable dans les procédures juridictionnelles.

172    En l’espèce, l’article 6 de la CEDH et l’article 47 de la Charte ne sauraient en tout état de cause avoir une incidence sur la solution à donner au litige pour ce qui concerne le moyen examiné ici, étant donné que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a procédé, dans les faits, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, à la vérification dont il est question dans l’argumentation développée par elle.

173    Le grief doit donc être rejeté.

 Sur le second grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

174    La requérante reproche à la Commission d’avoir violé l’obligation de motivation en n’expliquant pas à suffisance de droit pourquoi elle estimait ne pas être tenue d’apprécier le respect du principe du délai raisonnable.

175    À cet égard, il convient de considérer que le grief manque en fait.

176    En effet, comme cela a été jugé en réponse au premier grief du présent moyen, la Commission n’a pas refusé de vérifier, dans la décision attaquée, la compatibilité de l’adoption de cette dernière avec le principe du délai raisonnable.

177    Au contraire, il ressort de la réponse au premier grief qu’elle a procédé à cette vérification à suffisance de droit en concluant qu’aucune considération ne pouvait faire obstacle à la reprise de la procédure, à l’adoption d’une nouvelle décision et à l’imposition d’une amende.

178    Le second grief doit donc être rejeté et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur les troisième et, pour partie, quatrième moyens, tous deux tirés de la violation du principe du délai raisonnable de la procédure

179    À l’appui du troisième moyen, la requérante soutient que la décision attaquée doit être annulée, car celle-ci a été adoptée au terme d’une procédure qui aurait dépassé le délai raisonnable. Selon elle, la durée excessive de la procédure a pour conséquence que la Commission ne disposait plus du pouvoir de sanction et que ladite décision est, dès lors, également illégale pour excès de pouvoir. L’argumentation développée au soutien du troisième moyen apparaît également, pour partie, dans le quatrième moyen. En substance, la requérante avance trois griefs, concernant respectivement la durée des phases administratives, la durée globale de la procédure et l’effet, sur les droits de la défense, de la longueur de la procédure, tous contestés par la Commission.

180    Avant d’examiner ces griefs, il convient de rappeler que, selon la Cour, la durée d’une procédure peut avoir pour conséquence l’annulation d’une décision attaquée si deux conditions sont satisfaites de manière cumulative, la première étant que cette longueur apparaisse comme ayant été déraisonnable et la seconde étant que le dépassement du délai raisonnable ait entravé l’exercice des droits de la défense (voir point 165 ci-dessus).

181    Il en résulte qu’une décision de la Commission ne pourrait être annulée au seul motif du dépassement du délai raisonnable si les droits de la défense de la requérante n’ont pas été affectés par ce dépassement. Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel le simple dépassement du délai raisonnable aurait dû amener la Commission à renoncer à adopter la décision attaquée doit être d’emblée rejeté.

182    Pour l’analyse du moyen, le Tribunal examinera la première condition, en considérant successivement la durée des phases administratives (premier grief) et la durée globale de la procédure administrative, interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises (deuxième grief). Ensuite, il analysera, au titre de la seconde condition, si l’exercice des droits de la défense de la requérante a été entravé (troisième grief).

 Sur le premier grief, concernant la durée des phases administratives

183    La requérante soutient que, s’étalant sur plus de six années, la durée des phases administratives s’est avérée contraire au principe du délai raisonnable. Elle critique, en particulier, la lenteur avec laquelle la Commission a réagi aux annulations successivement prononcées par le Tribunal et la Cour :

–        entre le prononcé de l’arrêt du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T‑27/03, T‑46/03, T‑58/03, T‑79/03, T‑80/03, T‑97/03 et T‑98/03, EU:T:2007:317), et l’adoption de la décision de 2009, soit pendant plus de deux ans, la Commission se serait limitée à envoyer la lettre du 30 juin 2008 mentionnée au point 10 ci-dessus, annonçant la reprise de la procédure, ainsi que des demandes de renseignements et il n’y aurait eu, durant cette période, ni nouvelle communication des griefs ni nouvelle audition, alors qu’il était facile pour la Commission de corriger le défaut ayant invalidé la décision annulée, étant donné que ce défaut avait été identifié avec clarté par le Tribunal ;

–        de même, entre l’arrêt du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C‑86/15 P et C‑87/15 P, EU:C:2017:717), et l’adoption de la décision attaquée, soit durant un an et neuf mois, l’activité déployée par la Commission se serait limitée à l’envoi de la lettre du 15 décembre 2017 annonçant la reprise de la procédure, à celui des lettres annonçant et expliquant l’audition du 23 avril 2018 ainsi qu’à des demandes limitées de renseignements sur le chiffre d’affaires de la requérante.

184    Selon la requérante, la longueur de ces phases est injustifiable au regard de la jurisprudence :

–        dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 juin 2011, Bavaria/Commission (T‑235/07, EU:T:2011:283, point 323), une durée de 20 mois au titre de la deuxième phase administrative, s’étendant de la réception de la communication des griefs à l’adoption de la décision litigieuse dans cette affaire, aurait été jugée déraisonnable ;

–        dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582), la procédure de réadoption n’aurait duré que dix mois ;

–        par ailleurs, la procédure de réadoption aurait duré moins de huit mois dans l’affaire Solvay/Commission (conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:256, point 242), neuf mois dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 8 mai 2014, Bolloré/Commission (C‑414/12 P, EU:C:2014:301), trois mois dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 février 2019, Printeos/Commission (T‑201/17, EU:T:2019:81), et quatre mois dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 octobre 2018, GEA/Commission (T‑640/16, EU:T:2018:700).

185    À cet égard, il convient de relever que le droit de l’Union exige des institutions qu’elles traitent dans un délai raisonnable les affaires dans le cadre des procédures administratives qu’elles mènent (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 284).

186    En effet, l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général de droit repris, notamment, à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte (arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 167 ; du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111, point 162, et du 7 juin 2013, Italie/Commission, T‑267/07, EU:T:2013:305, point 61).

187    En l’espèce, il ressort du dossier que quatre phases, ayant duré au total six ans et un mois, se sont succédé devant la Commission au cours du traitement de l’affaire :

–        une première phase, d’une durée d’un an et cinq mois, a séparé les premières mesures d’enquête de l’envoi de la communication des griefs à la Federacciai et aux entreprises concernées ;

–        les trois phases suivantes sont celles qui ont respectivement abouti à l’adoption de la décision de 2002, de celle de 2009 et de la décision attaquée et qui ont chacune respectivement duré neuf mois, deux ans et un mois et un an et neuf mois.

188    Selon la jurisprudence, le caractère raisonnable du délai doit être apprécié en considérant les circonstances propres à chaque affaire et, notamment, l’enjeu du litige pour l’intéressé, la complexité de l’affaire ainsi que le comportement de la partie requérante et celui des autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 187 et 188).

189    Ainsi, même à supposer que, dans d’autres affaires, la phase administrative ayant suivi l’annulation d’une décision de la Commission par le juge de l’Union, dans le cadre d’une procédure reprise pour adopter une nouvelle décision, ait été plus courte que dans les circonstances de l’espèce, comme le soutient la requérante, cela ne permettrait pas, en soi, de conclure à la violation du principe du délai raisonnable.

190    En effet, il convient d’examiner le caractère raisonnable du délai en considérant les circonstances propres de chaque affaire au regard notamment des critères mentionnés au point 188 ci-dessus.

191    En premier lieu, concernant l’enjeu du litige pour l’intéressé, il convient de rappeler que, en cas de litige concernant une infraction au droit de la concurrence, l’exigence fondamentale de sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs économiques ainsi que l’objectif d’assurer que la concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur présentent un intérêt considérable non seulement pour la partie requérante et pour ses concurrents, mais également pour les tiers, en raison du grand nombre de personnes concernées et des intérêts financiers en jeu (voir arrêt du 1er février 2017, Aalberts Industries/Union européenne, T‑725/14, EU:T:2017:47, point 40 et jurisprudence citée).

192    En l’espèce, la Commission a constaté dans la décision attaquée que la requérante avait enfreint l’article 65, paragraphe 1, CA, en participant, du 6 décembre 1989 au 27 juin 2000, à un accord continu ou à des pratiques concertées concernant les ronds à béton, qui avaient pour objet ou pour effet la fixation des prix et la limitation ou le contrôle de la production ou des ventes sur le marché intérieur.

193    Sur la base de cette constatation, la Commission a infligé à la requérante une amende de 3,587 millions d’euros.

194    Tenant compte de ces éléments, il est permis de considérer que l’enjeu de l’affaire était important pour la requérante.

195    En deuxième lieu, concernant la complexité de l’affaire, il convient de relever que les erreurs commises par la Commission concernent les conséquences qu’il convenait de tirer, pour la procédure, de l’expiration du traité CECA.

196    Or, il convient de rappeler que les questions liées aux règles applicables aux faits de la cause tant pour ce qui concerne le fond que pour ce qui a trait à la procédure, en raison de l’expiration du traité CECA, présentaient, comme l’a indiqué la Commission, une certaine complexité.

197    Par ailleurs, l’entente couvrait une période relativement longue (10 ans et 7 mois), concernait un nombre significatif d’acteurs (8 entreprises, comprenant au total 11 sociétés, et une association professionnelle) et impliquait un important volume de documents fournis ou obtenus au cours des inspections (environ 20 000 pages).

198    Au vu de ces éléments, l’affaire doit être considérée comme étant complexe.

199    En troisième lieu, s’agissant du comportement des parties, il y a lieu de relever que la Commission a mené une activité continue en raison des sollicitations abondantes qui lui parvenaient des parties à la procédure administrative.

200    Ainsi, la Commission a dû traiter, dans le contexte de l’adoption de la décision attaquée, de nombreux courriers, en même temps qu’elle devait préparer l’audition du 23 avril 2018 et examiner une proposition de transaction présentée par certaines parties à la procédure administrative le 4 décembre 2018.

201    De ces éléments considérés dans leur ensemble, il résulte que la durée des phases administratives de la procédure n’apparaît pas comme ayant été déraisonnable au regard des circonstances propres à l’affaire et, notamment, de sa complexité, dans un contexte où aucune période d’inactivité inexpliquée ne peut être reprochée à la Commission au cours des étapes ayant jalonné lesdites phases administratives.

202    Le grief doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième grief, concernant la durée globale de la procédure

203    La requérante conteste la durée globale qui a été requise pour le traitement du dossier, depuis les premiers actes d’instruction jusqu’à l’adoption de la décision attaquée. Selon elle, le fait que, lors de cette adoption, cette durée s’élevait à près de 19 ans et concernait des comportements dont certains s’étaient déroulés il y a plus de 30 ans rend cette durée contraire au principe du délai raisonnable.

204    À cet égard, il convient de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général de droit repris notamment à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte. Par ailleurs, le non-respect d’un délai de jugement raisonnable constitue une irrégularité de procédure (arrêt du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, EU:C:2009:456, point 191). En effet, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle conformément à l’article 47 de la Charte et à l’article 6 de la CEDH (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Der Grüne Punkt – Duales System Deutschland/Commission, C‑385/07 P, EU:C:2009:456, points 177 à 179, et du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, points 282 et 283).

205    En effet, le droit de l’Union exige que les institutions, organes et organismes de l’Union traitent dans un délai raisonnable les affaires dans le cadre des procédures administratives qu’elles mènent (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑214/06, EU:T:2012:275, point 284).

206    L’obligation de respecter un délai raisonnable s’applique à chaque étape s’insérant dans une procédure ainsi qu’à l’ensemble formé par elle (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 230 et 231, et conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Solvay/Commission, C‑109/10 P, EU:C:2011:256, point 239).

207    En l’espèce, il convient de constater que la période sur laquelle s’est déroulé l’ensemble de la procédure administrative a été exceptionnellement longue, ce qui a d’ailleurs amené la Commission à réduire l’amende finalement infligée à la requérante (voir point 162 ci-dessus).

208    Cependant, la longueur globale de la procédure administrative peut être expliquée, en l’espèce, par la complexité du dossier étant entendu que, pour certains aspects, elle est due aux éléments afférents à l’affaire proprement dite, tandis que, pour d’autres, elle est liée au contexte dans lequel s’est inscrit le dossier, à savoir l’expiration du traité CECA (voir points 195 à 198 ci-dessus).

209    Certes, des erreurs ont été commises par la Commission dans l’appréciation des conséquences à tirer de l’expiration du traité CECA et ces erreurs ont donné lieu à des annulations prononcées, successivement, par le Tribunal et par la Cour.

210    Toutefois, ces erreurs ainsi que l’impact qu’elles ont pu avoir sur la durée de la procédure administrative doivent être appréciés en tenant compte de la complexité des questions posées.

211    Par ailleurs, la durée globale de la procédure administrative est en partie imputable aux interruptions dues au contrôle juridictionnel et est donc liée au nombre de recours introduits devant le juge de l’Union sur les différents aspects de l’affaire.

212    À cet égard, il convient de relever que la possibilité pour des entreprises, dans une situation telle que celle de la requérante, de voir leurs affaires examinées plus d’une fois par les autorités administratives et le cas échéant les juridictions de l’Union est inhérente au système mis en place prévu par les rédacteurs des traités pour le contrôle des comportements et des opérations en matière de concurrence. Ainsi, l’obligation pour l’autorité administrative d’accomplir diverses formalités et démarches avant de pouvoir adopter une décision finale dans le domaine de la concurrence et la possibilité que ces formalités ou démarches puissent donner lieu à un recours ne sauraient être utilisées par une entreprise, comme argument au terme du processus, pour faire valoir que le délai raisonnable s’est trouvé dépassé (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Wahl dans les affaires Feralpi e.a./Commission, C‑85/15 P, C‑86/15 P et C‑87/15 P, C‑88/15 P et C‑89/15 P, EU:C:2016:940, point 70).

213    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, appréciée dans son ensemble, la longueur de la procédure administrative a été excessive et, donc, qu’elle a pu faire obstacle à ce que soit adoptée, par la Commission, une nouvelle décision imposant une amende.

214    Le grief doit donc être rejeté.

 Sur le troisième grief, concernant l’effet, sur les droits de la défense, de la longueur de la procédure

215    La requérante soutient que la longueur de la procédure administrative a affecté ses droits de la défense. Selon elle, en raison de cette longueur, l’audition du 23 avril 2018 n’a pas permis aux autorités de concurrence des États membres d’entendre tous les acteurs dont les opinions pouvaient avoir une influence sur sa capacité à se défendre.

216    À cet égard, il convient de rappeler que, comme cela a été indiqué au point 180 ci-dessus, deux conditions doivent être réunies pour que le juge prononce l’annulation de la décision adoptée par la Commission au titre d’une violation du principe du délai raisonnable. La première (longueur déraisonnable de la procédure) n’étant pas remplie, il n’est pas nécessaire, en principe, de vérifier, en réponse au troisième grief, si la longueur de la procédure administrative a entravé l’exercice des droits de la défense. Il convient toutefois de procéder à cet examen, de manière surabondante, pour donner une pleine réponse aux préoccupations formulées par la requérante.

217    D’une part, il convient de constater que, au cours de la procédure envisagée dans son ensemble, la requérante a eu, à sept reprises au moins, l’occasion d’exprimer son point de vue et d’avancer ses arguments (voir points 3 à 6, 10, 22 et 23 ci-dessus).

218    En particulier, les requérantes ont pu exprimer leur point de vue, durant la troisième phase administrative, dans leurs observations du 1er février 2018 et lors de l’audition du 23 avril 2018 (voir points 22 et 23 ci-dessus).

219    D’autre part, l’examen du premier moyen a permis d’établir que les droits de la défense de la requérante n’avaient été affectés ni par le fait que tous les acteurs ayant participé aux auditions précédentes n’étaient pas présents lors de l’audition du 23 avril 2018, ni par le fait que les représentants des autorités de concurrence des États membres savaient, au moment d’exprimer leur avis au sein du comité consultatif, que deux décisions, dont l’une avait été confirmée par le Tribunal, avaient été adoptées antérieurement à l’encontre des entreprises concernées (voir points 66 à 146 ci-dessus).

220    De ces éléments, il résulte que, même à supposer que la durée de la procédure administrative puisse être considérée comme contraire au principe du délai raisonnable, les conditions à satisfaire en vue d’obtenir une annulation de la décision attaquée ne seraient pas remplies, dès lors qu’aucune atteinte aux droits de la défense découlant de ladite durée n’a pu être établie par la requérante.

221    Dans ces conditions, il convient de considérer qu’aucune des exigences requises pour que le Tribunal puisse prononcer l’annulation de la décision attaquée au titre d’une violation du principe du délai raisonnable n’est satisfaite.

222    Le grief doit donc être rejeté et, avec lui, le moyen considéré dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation

223    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante avance trois griefs, concernant, le premier, l’absence d’explication suffisante sur les raisons ayant conduit la Commission à adopter une nouvelle décision imposant une amende, le deuxième, une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission à propos de l’effet dissuasif pouvant être produit par l’adoption d’une telle décision et, le troisième, une erreur commise par la Commission dans l’appréciation de la possibilité, pour des tiers, d’introduire un recours en responsabilité devant les juridictions nationales, ainsi que d’autres arguments, qui sont tous contestés par la Commission.

 Sur le premier grief, concernant l’absence d’explication suffisante sur les raisons ayant conduit la Commission à adopter une nouvelle décision imposant une amende

224    La requérante soutient que la Commission n’a pas suffisamment expliqué les raisons ayant pu l’amener à reprendre la procédure :

–        d’une part, la motivation ne justifierait pas l’adoption d’une décision imposant une amende en plus de constater une infraction ;

–        d’autre part, la Commission n’aurait pas étayé son affirmation selon laquelle une amende est nécessaire afin de garantir un effet dissuasif sur le marché en cause alors que celui-ci aurait radicalement changé.

225    En premier lieu, il convient de relever que la Commission est investie par l’article 105, paragraphe 1, TFUE de la mission de veiller à l’application des articles 101 et 102 TFUE.

226    À ce titre, la Commission est appelée à définir et à mettre en œuvre, selon la jurisprudence, la politique de concurrence de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2013, Vivendi/Commission, T‑432/10, non publié, EU:T:2013:538, point 22 et jurisprudence citée). 

227    Dans ce cadre, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation attesté par le règlement no 1/2003, selon lequel, si elle constate l’existence d’une infraction, elle « peut », d’une part, obliger les entreprises intéressées à y mettre fin (article 7, paragraphe 1) et, d’autre part, infliger des amendes aux entreprises contrevenantes (article 23, paragraphe 2).

228    En matière de concurrence, la Commission s’est ainsi vu confier, indépendamment de la voie suivie pour porter le dossier à sa connaissance, à savoir notamment dans le cadre d’une plainte ou de sa propre initiative, le pouvoir de décider si des comportements doivent faire l’objet d’une poursuite, d’une décision et d’une amende, en fonction des priorités qu’elle définit dans le cadre de sa politique de concurrence.

229    Toutefois, l’existence de ce pouvoir n’exonère pas la Commission de son obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2020, LL-Carpenter/Commission, T‑531/18, non publié, EU:T:2020:91, point 90 et jurisprudence citée).

230    Dans un contexte où, comme en l’espèce, d’une part, une décision prise par la Commission a été annulée à deux reprises et où, d’autre part, le temps qui s’est écoulé entre les premiers actes d’instruction et l’adoption de la décision a été exceptionnellement long, il appartient à cette institution, au titre du principe de bonne administration, de tenir compte de la durée de la procédure et des conséquences qu’a pu avoir cette durée sur sa décision de poursuivre les entreprises concernées, cette appréciation devant alors apparaître dans la motivation de la décision.

231    Or, c’est bien ce qu’a fait la Commission en indiquant dans le détail, d’une part, aux considérants 526 à 529 de la décision attaquée et, d’autre part, aux considérants 536 à 573 de cette décision, les raisons pour lesquelles elle a considéré qu’il fallait adopter une nouvelle décision établissant l’existence de l’infraction et infligeant une amende aux entreprises concernées. En particulier, elle a indiqué que l’imposition d’une amende permettrait de garantir que les entreprises destinataires, qui ont participé à une entente de longue durée, ne restent pas impunies, en ajoutant que, selon elle, seule l’imposition d’une amende garantirait une application cohérente des règles de concurrence et produirait un effet dissuasif à l’égard des entreprises (considérant 565 de ladite décision).

232    Le premier argument doit donc être rejeté.

233    En second lieu, il doit être relevé que, au considérant 505 de la décision attaquée, la Commission a indiqué avoir informé les entreprises destinataires, au terme de son appréciation selon laquelle elle souhaitait reprendre la procédure pour établir, à la suite d’une audition concernant le fond et tenue conformément aux règlements nos 1/2003 et 773/2004, si la participation desdites entreprises à l’infraction qui leur était reprochée dans la communication des griefs et dans la communication des griefs supplémentaires ressortait ou non avec suffisamment de clarté.

234    En ce qui concerne la sanction, comme cela a été relevé au point 231 ci-dessus, la Commission a indiqué, au considérant 565 de la décision attaquée, que l’imposition d’une amende permettrait de prévenir toute impunité des entreprises concernées et que seule une telle imposition d’amende garantirait une application cohérente des règles de concurrence de l’Union et un effet dissuasif.

235    S’agissant, enfin, du changement qu’a connu le marché, lequel devrait, selon la requérante, justifier que la Commission soit plus indulgente en matière d’amende, cette question est traitée au considérant 567 de la décision attaquée, dans lequel celle-ci a indiqué que, même si l’infraction avait cessé depuis relativement longtemps, l’adoption d’une décision infligeant une amende conservait son importance, particulièrement pour le marché des ronds à béton en Italie, afin de dissuader les entreprises destinataires de s’engager à nouveau dans des comportements d’une telle gravité.

236    De ces éléments, il peut être conclu que la motivation fournie par la Commission dans la décision attaquée fait apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement suivi par elle pour justifier l’adoption d’une nouvelle décision imposant une amende malgré les annulations intervenues dans le passé, y compris le souci de donner à la décision attaquée un effet dissuasif.

237    Le second argument doit donc être rejeté et, avec lui, le grief considéré dans son ensemble.

 Sur le deuxième grief, concernant une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission à propos de l’effet dissuasif pouvant être produit par l’adoption d’une nouvelle décision imposant une amende

238    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, malgré les changements intervenus sur le marché des ronds en béton, qu’adopter une décision et infliger une sanction était encore nécessaire pour dissuader les entreprises destinataires d’adopter un tel comportement à l’avenir et pour dissuader l’ensemble des acteurs éventuellement concernés de commettre des infractions comparables dans le futur.

239    À cet égard, il convient de relever que la Commission a pu considérer, au vu du caractère grave de l’infraction constatée, qu’adopter une décision et infliger une sanction était encore justifié, au moment où la décision attaquée a été adoptée, en considération de l’effet dissuasif que pourraient produire, sur les marchés, cette décision et cette sanction.

240    En effet, c’est la sanction, c’est-à-dire le fait d’avoir à payer l’amende infligée, qui dissuade effectivement une entreprise, et de manière générale les acteurs du marché, de commettre une violation des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 TFUE.

241    Certes, la requérante s’est vu infliger une sanction à deux reprises au cours de la procédure, la première fois par la décision de 2002 et la seconde fois par celle de 2009. Toutefois, ces décisions ont été annulées par le juge de l’Union respectivement dans les arrêts du 25 octobre 2007, SP e.a./Commission (T-27/03, T-46/03, T-58/03, T-79/03, T-80/03, T-97/03 et T-98/03, EU:T:2007:317) et du 21 septembre 2017, Ferriera Valsabbia e.a./Commission (C-86/15 P et C-87/15 P, EU:C:2017:717). Dans ces conditions, imposer une sanction dans la décision attaquée a pu être jugé justifié au regard de la nécessité d’assurer l’effet dissuasif.

242    Il peut être ajouté que l’imposition d’une amende par la Commission n’avait pas pour seul objectif, en l’espèce, de conférer un certain effet dissuasif à la décision attaquée, mais également d’éviter une totale impunité aux entreprises concernées, comme cela aurait été le cas si elles n’avaient pas été sanctionnées dans la décision attaquée (voir considérant 527 de la décision attaquée).

243    Or, ce dernier objectif suffisait, à lui seul, au regard des éléments mentionnés dans la décision attaquée, et compte tenu, tout particulièrement, d’une part, du caractère grave de l’infraction constatée par la Commission et, d’autre part, de la durée de cette infraction, telle qu’elle avait été établie par ladite institution, pour justifier en l’espèce l’adoption d’une décision imposant une sanction.

244    Le grief doit donc être rejeté.

 Sur le troisième grief, concernant une erreur commise par la Commission dans l’appréciation de la possibilité, pour des tiers, d’introduire une action en réparation devant les juridictions nationales

245    La requérante conteste l’un des arguments avancés par la Commission pour justifier la reprise de la procédure administrative, à savoir qu’il y avait lieu de garantir la possibilité pour des tiers d’introduire encore des actions en réparation à la suite de l’adoption de la décision attaquée. Selon elle, aucune action civile ne pouvait plus être introduite au moment où a été adoptée cette décision, car une telle action se prescrit après cinq ans en Italie et les comportements concernés par la présente procédure remontaient, pour certains, à plus de trente ans.

246    À cet égard, il convient de relever que, au considérant 564 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, selon elle, la reprise de la procédure et l’adoption d’une nouvelle décision pouvaient faciliter la tâche de tiers souhaitant introduire, le cas échéant, devant les juges nationaux, une action en réparation.

247    Cette appréciation est fondée. En effet, la Commission ne pouvait exclure, en adoptant la décision attaquée, la possibilité que certaines victimes aient interrompu la prescription et que ladite décision puisse alors faciliter l’introduction, par ces dernières, d’une action visant à obtenir la réparation d’un éventuel dommage.

248    Il convient, par ailleurs, de relever que la requérante concentre son argumentation sur le délai de prescription en matière civile en Italie.

249    Cependant, d’autres pays que l’Italie pouvaient être concernés par l’introduction d’actions en vue d’obtenir la réparation d’un éventuel dommage résultant de l’entente, dès lors que les produits ayant été affectés par cette entente ont pu être achetés par des clients situés à l’étranger.

250    Dans ce contexte, l’application d’autres droits nationaux, prévoyant, le cas échéant, des règles différentes sur le délai de prescription ou les causes pouvant suspendre, voire interrompre, celle-ci, ne pouvait être exclue par la Commission.

251    Ainsi, la requérante, dans son argumentation, reste en défaut d’établir l’existence d’une erreur, sa position se limitant à indiquer qu’elle n’a pas la même opinion que la Commission sur la question concernée, à savoir l’intérêt de l’existence d’une décision de la Commission pour l’introduction d’actions en réparation devant les juridictions nationales par des tiers éventuellement lésés.

252    Le grief doit donc être rejeté.

 Sur les autres arguments

253    À l’appui du quatrième moyen, la requérante soulève encore deux arguments qui ont été analysés, pour partie en tout cas, dans la réponse donnée aux autres moyens examinés précédemment.

254    Par le premier argument, la requérante fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas examiné à suffisance de droit si la durée de la procédure administrative avait dépassé le délai raisonnable.

255    En particulier, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir expliqué à suffisance de droit pourquoi, dans le cadre de son analyse, celle-ci ne devait examiner que la durée de la procédure administrative.

256    À cet égard, il convient de relever que, comme cela est indiqué aux points 152 à 169 ci-dessus en réponse au premier grief du deuxième moyen, la Commission, contrairement à ce que soutient la requérante, a vérifié la durée globale de la procédure administrative, phases administratives et interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises, et examiné si cette durée pouvait ou devait avoir des conséquences sur la possibilité de reprendre ladite procédure et sur la situation des entreprises concernées.

257    Dans ce cadre, la Commission a admis que, à la suite des erreurs procédurales qui avaient été commises, les différentes phases s’étant succédé avaient pu conduire, pour la procédure administrative envisagée dans son ensemble, phases administratives et interruptions dues au contrôle juridictionnel comprises, à une durée « objectivement » longue, comme cela est indiqué aux points 156 et 157 ci-dessus.

258    Mettant ensuite en balance l’intérêt public à obtenir l’application effective des règles de concurrence et l’intérêt des parties à ce que les conséquences possibles des erreurs procédurales commises soient prises en considération, la Commission a décidé d’adopter une décision constatant une infraction aux règles de concurrence, mais de réduire l’amende infligée à concurrence de 50 %.

259    Le premier argument doit donc être rejeté.

260    Par le second argument, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le délai raisonnable n’avait pas été dépassé.

261    En particulier, la requérante soutient que la Commission ne pouvait affirmer, comme elle l’a fait, que la procédure administrative s’était déroulée avec célérité.

262    À cet égard, compte tenu des éléments mentionnés en réponse au troisième moyen (voir points 183 à 214 ci-dessus), il doit être considéré que, en concluant que la durée de la procédure administrative n’avait pas été déraisonnable, la Commission n’a pas commis d’erreur d’appréciation.

263    De ces considérations et, en particulier, des points 185 à 202 ci-dessus, il découle, dans le même sens, que l’affirmation de la Commission contenue au considérant 555 de la décision attaquée, selon laquelle, « [d]ans la présente affaire, en ce qui concerne la phase administrative, [elle] estime avoir toujours mené son activité d’enquête avec célérité et sans interruptions injustifiées », ne contient pas non plus d’erreur d’appréciation.

264    Le second argument doit donc être rejeté.

265    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble comme étant non fondé.

 Sur la demande présentée à l’audience par la requérante au sujet de la réformation de l’amende

266    La requérante a indiqué, lors de l’audience, qu’elle a contesté la légalité de la décision attaquée dans son recours, mais également, implicitement, le montant de l’amende, de sorte que le Tribunal serait également saisi d’une demande de réformation de l’amende dans l’exercice de la compétence de pleine juridiction.

267    À cet égard, il convient de rappeler que, comme la Commission l’a relevé à l’audience, selon la jurisprudence, le juge de l’Union ne peut exercer d’office la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 261 TFUE et à l’article 31 du règlement no 1/2003.

268    En effet, la procédure devant les juridictions de l’Union étant contradictoire, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever cette demande à l’encontre de la décision attaquée, d’articuler les moyens justifiant cette demande et d’apporter les éléments de preuve à l’appui de ces moyens (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 335).

269    Or, force est de constater que, en l’espèce, la requête ne contient aucune demande de réformation de l’amende. Certes, la requérante a soutenu à l’audience qu’une telle demande ressortait de l’économie de la requête. Toutefois, elle n’a formulé aucun élément au soutien de cette affirmation. Dans ces conditions, il convient de considérer que les exigences découlant de l’article 76, sous e), du règlement de procédure, selon lesquelles la partie requérante est tenue d’indiquer ses conclusions dans sa requête, ne sont pas satisfaites. En application de cette disposition, seules les conclusions exposées dans la requête introductive d’instance peuvent être prises en considération et le bien-fondé du recours ne peut être examiné qu’au regard des conclusions contenues dans la requête introductive d’instance (arrêt du 18 novembre 2020, H/Conseil, T‑271/10 RENV II, EU:T:2020:548, point 84 et jurisprudence citée). 

270    Il convient donc de considérer que la demande de réformation de l’amende a été formulée, au cours de la procédure, de manière tardive et, tirant les conséquences de ce caractère tardif, que, en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, elle est irrecevable.

271    En tout état de cause, les arguments au soutien du recours étant intégralement rejetés, l’amende ne saurait être réduite, ni a fortiori annulée, au titre des moyens soulevés à l’appui du recours.

 Conclusion

272    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

273    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Alfa Acciai SpA est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Frendo

 

      Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.