Language of document : ECLI:EU:T:2021:163

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

24 mars 2021 (*)

  « Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne consistant en une combinaison des couleurs orange et grise – Motif absolu de refus – Article 4 et article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Représentation graphique suffisamment claire et précise – Nécessité d’un agencement systématique associant les couleurs de manière prédéterminée et constante »

Dans l’affaire T‑193/18,

Andreas Stihl AG & Co. KG, établie à Waiblingen (Allemagne), représentée par Mes S. Völker, M. Pemsel et C. Eulenpesch, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Folliard-Monguiral et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Giro Travel Company SRL, établie à Roman (Roumanie), représentée par Me C. Frisch, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 23 janvier 2018 (affaire R 200/2017-2), relative à une procédure de nullité entre Giro Travel Company et Andreas Stihl,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, MM. D. Gratsias et B. Berke (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ukelyte, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 19 mars 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 6 juin 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 31 mai 2018,

vu la décision du 26 juillet 2018 de suspendre la procédure,

vu les mesures d’organisation de la procédure du 14 août 2019,

à la suite de l’audience du 18 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 décembre 2008, la requérante, Andreas Stihl AG & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est la combinaison des couleurs, en tant que telles, orange et grise, représentée comme suit :

Image not found

3        La requérante a demandé l’enregistrement de la combinaison des couleurs orange (RAL 2010) et grise (RAL 7035) et a fourni la description suivante : « La partie supérieure du boîtier de la tronçonneuse est orange et la partie inférieure du boîtier de la tronçonneuse est grise ».

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 7 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 7 : « Tronçonneuses ».

5        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires 2011/084, du 3 mai 2011, et a été enregistrée le 10 août 2011 sous le numéro 007472723, avec la description mentionnée au point 3 ci-dessus.

6        Le 24 juin 2015, l’intervenante, Giro Travel Company SRL, a introduit une demande de nullité de la marque contestée, fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001] lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), b) et d), du même règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous a), b) et d), du règlement 2017/1001] ainsi que sur l’article 52, paragraphe 1, sous b), dudit règlement [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

7        Par décision du 29 novembre 2016, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité, au motif que la demande de marque satisfaisait aux exigences visées à l’article 4 du règlement no 207/2009 [devenu article 4 du règlement 2017/1001] lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009. La division d’annulation a considéré que la représentation graphique et la description verbale du signe permettaient l’identification d’un agencement systématique dans le cadre duquel les couleurs étaient utilisées de manière prédéterminée et constante.

8        Le 26 janvier 2017, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation.

9        Par sa décision du 23 janvier 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours a accueilli le recours, annulé la décision de la division d’annulation et déclaré la nullité de la marque contestée sur la base de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009.

10      À titre liminaire, la chambre de recours a précisé que, sauf spécification contraire, toutes les références contenues dans la décision attaquée devaient être considérées comme renvoyant au règlement 2017/1001, codifiant le règlement no 207/2009, tel que modifié. Par ailleurs, au point 18 de la décision attaquée, elle a spécifié que le règlement en vigueur à la date du dépôt de la marque contestée était le règlement no 207/2009 et que celui-ci devait s’appliquer à la présente procédure.

11      Ensuite, la chambre de recours a retenu, d’une part, que la description de la marque contestée n’était pas, en soi, assez claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible ou objective. Par ailleurs, dans la mesure où il existait maintes formes différentes de tronçonneuses sur le marché, le champ de protection de la marque n’était pas clair. D’autre part, elle a estimé que la représentation graphique de la marque contestée consistait en le positionnement horizontal des deux couleurs orange et grise, l’une au-dessus de l’autre, sans forme ni contour, autorisant plusieurs combinaisons différentes des deux couleurs et que la description l’accompagnant n’apportait pas suffisamment de précisions supplémentaires concernant l’agencement systématique associant les couleurs de manière prédéterminée et constante et interdisant plusieurs combinaisons différentes de ces couleurs.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant lui.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours, si la Cour confirme qu’une représentation consistant en une division verticale ou horizontale de deux bandes égales de couleurs est, en tant que telle, « abstraite » et non adéquate pour montrer, sans une description appropriée, un agencement systématique associant les couleurs de manière prédéterminée et constante ;

–        annuler la décision attaquée, si la Cour confirme qu’une représentation consistant en une division verticale ou horizontale de deux bandes égales de couleurs est, en tant que telle, adéquate pour montrer un agencement systématique associant les couleurs de manière prédéterminée et constante, à condition que l’objet de la protection ne soit pas élargi ou autrement altéré par la description accompagnant la représentation ;

–        condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par elle.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 4, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94.

 Sur le règlement applicable rationae temporis

16      À titre liminaire, la requérante considère que le règlement applicable au moment du dépôt de la demande d’enregistrement était le règlement no 40/94 et que c’est donc celui-ci qui doit être appliqué en l’espèce.

17      L’EUIPO est d’accord sur le fait que le règlement applicable au présent litige est le règlement no 40/94, à tout le moins en ce qui concerne les dispositions à caractère non strictement procédural.

18      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 19 décembre 2008, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001, en vigueur au moment où la décision attaquée a été adoptée.

19      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée à l’article 4 et à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, comme visant l’article 4 et l’article 7, paragraphe 1, sous a), d’une teneur identique, du règlement no 40/94.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 4, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94

20      La requérante conteste, en substance, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la représentation graphique de la marque contestée n’était pas suffisamment claire et précise. Cette dernière contiendrait, en réalité, un agencement systématique dans le cadre duquel les couleurs seraient utilisées de manière prédéterminée et constante. Notamment, d’une part, les deux couleurs seraient représentées dans un champ rectangulaire et définies par un code couleur et, d’autre part, la représentation graphique serait accompagnée par une description très spécifique indiquant clairement l’agencement systématique des couleurs. Ainsi, la marque contestée présenterait toutes les caractéristiques exigées par l’arrêt du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie (C‑49/02, EU:C:2004:384). La requérante estime, par ailleurs, que l’arrêt du 29 juillet 2019, Red Bull/EUIPO (C‑124/18 P, EU:C:2019:641), n’a aucun impact sur la présente affaire, étant donné que la représentation graphique, prise avec la description, ne permettrait pas différentes combinaisons de couleurs.

21      L’EUIPO considère que la question déterminante en l’espèce serait celle de savoir si, indépendamment d’une éventuelle description, une représentation graphique, consistant en deux bandes égales de couleurs, divisées horizontalement, constituerait nécessairement une désignation de couleurs « de manière abstraite et sans contours ». Il ne serait pas clair si la Cour, dans l’arrêt du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie (C‑49/02, EU:C:2004:384), envisageait que la représentation de deux couleurs en proportions égales et placées côte à côte constitue, par principe, une revendication de couleurs « sous toutes les formes imaginables », ou si une telle représentation n’est pas claire uniquement si la description la rend imprécise.

22      D’une part, dans l’hypothèse où, déjà en vertu du règlement no 40/94, la représentation aurait été censée rendre visible et concret l’agencement systématique des couleurs, la combinaison de deux couleurs placées côte à côte suivant une division horizontale aurait une forme ou une apparence concrète et cette dernière définirait un agencement permanent, susceptible d’être reproduit sur des produits de formes différentes. Suivant cette prémisse, la chambre de recours aurait commis une erreur en considérant que la représentation graphique de la marque contestée permettait plusieurs combinaisons différentes des deux couleurs, car la description définirait de façon plus précise la représentation, sans y ajouter ou soustraire quoi que ce soit et la représentation resterait dès lors suffisamment précise, même si la ligne divisant le boîtier de la tronçonneuse en une partie supérieure et une partie inférieure n’était pas droite. En outre, il n’y aurait pas de contradiction flagrante entre la représentation du signe et la manière dont ces couleurs sont apposées sur le produit, étant donné qu’il découlerait de la nature particulière des marques de couleurs qu’il serait éventuellement nécessaire d’adapter la délinéation des deux couleurs au contexte concret d’apposition de ces dernières.

23      D’autre part, dans l’hypothèse où la représentation de deux bandes horizontales égales de couleurs ne pourrait constituer, par elle-même, qu’une juxtaposition abstraite de ces couleurs, sans qu’elle présume constituer un agencement systématique, comme il a été retenu par la chambre de recours, le recours devrait être rejeté. En effet, une description serait toujours requise pour définir cet agencement particulier puisque l’on ne saurait pas si la ligne au milieu est une ligne qui délimite le signe et participe à sa forme ou à son apparence suivant un schéma immuable. Or, même en supposant que la proportion de chaque couleur reste de identique à l’autre couleur, la description en l’espèce permettrait des combinaisons différentes et n’ajouterait aucune clarification apte à définir suffisamment quel est l’agencement systématique des couleurs demandé, à l’exclusion de tout autre agencement.

24      Par ailleurs, l’EUIPO considère que l’arrêt du 29 juillet 2019, Red Bull/EUIPO (C‑124/18 P, EU:C:2019:641), n’a aucun impact sur la présente affaire.

25      L’intervenante estime que la description de la marque contestée n’est pas claire et considère que l’appréciation opérée par la chambre de recours est manifestement pertinente.

26      Aux termes de l’article 4 du règlement no 40/94, peuvent constituer des marques de l’Union européenne tous les signes susceptibles d’une représentation graphique, notamment les mots, y compris les noms de personnes, les dessins, les lettres, les chiffres, la forme du produit ou de son conditionnement, à condition que de tels signes soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

27      Conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, sont refusés à l’enregistrement en tant que marques de l’Union européenne les signes qui ne sont pas conformes à l’article 4 de ce règlement.

28      L’enregistrement d’une marque dans un registre public a pour objet de rendre celle-ci accessible aux autorités compétentes et au public, en particulier aux opérateurs économiques. C’est à partir de cet enregistrement que les autorités compétentes doivent connaître avec clarté et précision la nature des signes constitutifs d’une marque, afin d’être en mesure de remplir leurs obligations relatives à l’examen préalable des demandes d’enregistrement ainsi qu’à la publication et au maintien d’un registre approprié et précis des marques. Les opérateurs économiques, pour leur part, doivent pouvoir s’assurer avec clarté et précision des enregistrements effectués ou des demandes d’enregistrement formulées par leurs concurrents actuels ou potentiels et bénéficier ainsi d’informations pertinentes concernant les droits des tiers. Pour que les utilisateurs dudit registre soient en mesure de déterminer à partir de l’enregistrement d’une marque la nature exacte de cette dernière, sa représentation graphique dans le registre doit être complète par elle-même, facilement accessible et intelligible. Cette représentation doit également écarter tout élément de subjectivité dans le processus d’identification et de perception du signe (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2002, Sieckmann, C‑273/00, EU:C:2002:748, points 49, 50, 52 et 54).

29      À cette fin, une représentation graphique, au sens de l’article 4 du règlement no 40/94, doit permettre au signe d’être représenté visuellement, en particulier au moyen de figures, de lignes ou de caractères, de sorte qu’il puisse être identifié avec précision de manière à déterminer l’objet exact de la protection conférée au titulaire (arrêt du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, points 25 et 27).

30      Dans ce contexte, un échantillon de la couleur en question accompagné de la désignation de celle-ci au moyen d’un code d’identification internationalement reconnu peut constituer une représentation graphique au sens de l’article 4 du règlement no 40/94, du point de vue de la précision et de la stabilité relatives aux couleurs en question (voir, en ce sens, arrêts du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, EU:C:2003:244, point 37, et du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, point 36).

31      En outre, une représentation graphique de deux ou de plusieurs couleurs qui sont désignées de manière abstraite et sans contour doit comporter un agencement systématique associant les couleurs concernées de manière prédéterminée et constante. En revanche, la simple juxtaposition de deux ou de plusieurs couleurs sans forme, ni contour ou la mention de deux ou de plusieurs couleurs « sous toutes les formes imaginables », à savoir de manières impliquant que les couleurs en question peuvent prendre plusieurs formes différentes ne présentent pas les caractères de précision et de constance exigés par l’article 4 du règlement no 40/94. En effet, de telles présentations autoriseraient de nombreuses combinaisons différentes qui ne permettraient pas au consommateur d’appréhender et de mémoriser une combinaison particulière qu’il pourrait utiliser pour réitérer, avec certitude, une expérience d’achat, pas plus qu’elles ne permettraient aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques de connaître la portée des droits protégés du titulaire de la marque (voir, par analogie, arrêt du 24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie, C‑49/02, EU:C:2004:384, points 33 à 35).

32      Il ressort également de la jurisprudence qu’il découle de la nature d’une marque consistant en une combinaison de couleurs en tant que telles, sans contours ou forme, que, afin que l’objet précis de sa protection soit clair et perceptible par les consommateurs et par les autres opérateurs économiques et qu’elle remplisse ainsi sa fonction essentielle d’indication d’origine en ne conférant pas d’avantages concurrentiels disproportionnés, sa représentation graphique ou la description l’accompagnant doivent montrer les nuances précises des couleurs en cause, les proportions ainsi que leur agencement dans l’espace [arrêt du 30 novembre 2017, Red Bull/EUIPO – Optimum Mark (Combinaison des couleurs bleue et argent), T‑101/15 et T‑102/15, EU:T:2017:852, point 96, confirmé sur pourvoi].

33      De plus, selon la règle 3, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1], la demande peut contenir une description de la marque. L’association d’un échantillon d’une couleur et d’une description verbale de celle-ci peut constituer une représentation graphique au sens de l’article 4 du règlement no 40/94, à condition que la description soit claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible et objective (arrêt du 6 mai 2003, Libertel, C‑104/01, EU:C:2003:244, point 36). Une fois qu’une description est présente dans la demande d’enregistrement, celle‑ci doit être examinée conjointement à la représentation graphique (arrêt du 30 novembre 2017, Combinaison des couleurs bleue et argent, T‑101/15 et T‑102/15, EU:T:2017:852, point 79).

34      En l’espèce, à titre liminaire, il convient de rappeler que la chambre de recours a entériné la définition du public pertinent retenue par la division d’annulation, selon laquelle les produits pour lesquels la marque est enregistrée, à savoir les « tronçonneuses » comprises dans la classe 7, s’adressent à un public spécialisé, à savoir à des professionnels du jardinage et des travailleurs forestiers qualifiés ainsi qu’à des employés de sociétés ou d’organismes publics spécialisés dans le domaine du BTP ou de l’aménagement paysager. Par ailleurs, dans la mesure où la marque de l’Union européenne contestée est une marque de couleur sur laquelle ne figure aucun élément verbal lisible, il convenait de prendre en compte les consommateurs de toute l’Union européenne.

35      En outre, ainsi qu’il ressort du point 1 de la décision attaquée, la marque contestée est définie au moyen de la représentation reproduite au point 2 ci-dessus illustrant la combinaison des couleurs orange (RAL 2010) et grise (RAL 7035), associée à la description suivante : « La partie supérieure du boîtier de la tronçonneuse est orange et la partie inférieure du boîtier de la tronçonneuse est grise » (voir point 3 ci-dessus).

36      S’il est vrai que l’échantillon des deux couleurs définies au moyen de deux codes d’identification n’est, en tant que tel, pas pourvu de contours leur donnant une forme particulière, la description faisant partie de la demande de marque précise que la marque prend la forme d’une partie d’un produit particulier, à savoir un boîtier de tronçonneuse et que la partie supérieure dudit boîtier est orange alors que la partie inférieure de celui-ci est grise.

37      Certes, ainsi que l’expose la chambre de recours au point 30 de la décision attaquée, les boîtiers des tronçonneuses ne sont pas tous conçus selon une forme identique. Toutefois, premièrement, les différences dont font preuve les boîtiers en question quant à leur aspect extérieur consistent en des variations de design qui n’excluent pas la possibilité pour le consommateur d’identifier un seul objet. Deuxièmement, la description de la marque litigieuse clarifie que la combinaison des couleurs faisant l’objet de la protection en question ne prend pas n’importe quelle forme de boîtier de tronçonneuse, mais la forme d’un boîtier visiblement divisé en deux parties, l’une supérieure et l’autre inférieure. Cette précision, contenue dans la description de la marque litigieuse, limite davantage les formes que peut prendre le boîtier de tronçonneuse.

38      Par conséquent, premièrement, appréciée en combinaison avec la description l’accompagnant, la représentation graphique ne consiste pas en la simple juxtaposition de deux ou plusieurs couleurs sans forme, ni contour, dépourvue d’agencement systématique. En effet, les couleurs composant la marque litigieuse ne prennent pas « toutes les formes imaginables » de manière à impliquer que la marque en question soit dépourvue de la précision et de la constance exigées par l’article 4 du règlement no 40/94.

39      Deuxièmement, contrairement à ce qu’a exposé la chambre de recours aux points 34 et 36 de la décision attaquée, le fait que l’application de la marque litigieuse sur un boîtier de tronçonneuse peut entraîner que les parties supérieure et inférieure dudit boîtier ne soient pas distinguées exactement de la même manière que sur l’échantillon des couleurs faisant partie de la demande n’est pas déterminant. En effet, le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire. Il s’ensuit que, indépendamment de la forme précise du boîtier, les informations fournies par la description accompagnant la représentation graphique permettent au consommateur de visualiser un objet particulier, à savoir un boîtier de tronçonneuse pourvu de deux parties, une supérieure de couleur orange et une inférieure de couleur grise, et de le reconnaître lors de l’acte d’achat. Cette description satisfait donc aux conditions énoncées au point 33 ci-dessus.

40      Dans ces circonstances, la marque litigieuse doit être considérée comme comportant un agencement systématique associant les couleurs concernées de manière prédéterminée et constante.

41      Compte tenu de la description faisant partie de l’enregistrement, la marque litigieuse permet donc au consommateur d’appréhender et de mémoriser une combinaison particulière qu’il pourrait utiliser pour réitérer, avec certitude, une expérience d’achat, a fortiori s’agissant en l’espèce d’un public spécialisé. De manière similaire, elle permet aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques de connaître la portée des droits protégés du titulaire de la marque. Il s’ensuit que la marque litigieuse remplit les conditions de l’article 4 du règlement no 40/94.

42      Par conséquent, en considérant au point 40 de la décision attaquée que la marque contestée devait être annulée en application de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu en combinaison avec l’article 51, paragraphe 1, sous a), du même règlement, la chambre de recours a fait une appréciation erronée, si bien qu’il y a lieu de faire droit au moyen unique de la requérante et d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

43      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

44      En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, la requérante n’ayant toutefois pas conclu à la condamnation de cette dernière aux dépens, il y a lieu de condamner l’EUIPO à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

45      Par ailleurs, l’intervenante, qui a succombé en ses conclusions, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 janvier 2018 (affaire R 200/2017-2) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Andreas Stihl AG & Co. KG.

3)      Giro Travel Company SRL supportera ses propres dépens.

Costeira

Gratsias

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.