Language of document : ECLI:EU:T:2021:123

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

10 mars 2021 (*)

« Clause compromissoire ‐ Programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité (2007‑2013)– Contrats “Highly scalable Deployment model of Inclusive E-GOvern” (DIEGO) et “Speeding Every European Digital” (SEED)– Notes de débit– Coûts éligibles – Justification des coûts – Fiabilité des relevés de tâches consacrés aux projets »

Dans l’affaire T‑539/18,

Ayuntamiento de Quart de Poblet, établie à Quart de Poblet (Espagne), représentée par Mes B. Sanchis Piqueras et J. A. Rodríguez Pellitero, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Estrada de Solà et Mme M. Ilkova, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 272 TFUE et tendant, en substance, à faire constater l’inexistence des créances contractuelles que la Commission prétend détenir à l’égard de la requérante au titre des conventions de subvention DIEGO et SEED,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Sur les conventions de subvention en cause

1        Le 22 avril 2010, la Commission européenne a conclu avec Investigación y Desarollo Informático EIKON, SL (ci‑après le « coordinateur »), la convention de subvention no 250451 pour la réalisation d’un projet dénommé « Highly scalable Deployment model of Inclusive E-GOvern » (ci-après la « convention DIEGO » ou le « projet DIEGO »), à laquelle ont adhéré les membres d’un consortium, parmi lesquels figurait la requérante, Ayuntamiento de Quart de Poblet.

2        Le 16 décembre 2011, la Commission a conclu avec le coordinateur la convention de subvention no 297192 pour la réalisation d’un projet dénommé « Speeding Every European Digital » (ci-après la « convention SEED » ou le « projet SEED »), à laquelle ont adhéré les membres d’un consortium, parmi lesquels figurait la Generalitat Valenciana – Dirección General de Tecnologías de la Información (Gouvernement de Valence – Direction générale des technologies de l’information, Espagne). Par la suite, la requérante a remplacé cette dernière.

3        Les conventions DIEGO et SEED (ci-après, prises ensemble, les « conventions de subvention ») ont pour but de mettre en œuvre le programme d’appui stratégique en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC) qui s’inscrit dans le cadre du programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité, établi par la décision no 1639/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 2006, établissant un programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité (2007-2013) (JO 2006, L 310, p. 15).

4        Aux termes de leurs préambules respectifs, les conventions de subvention comprennent, outre une convention de financement principale (ci-après le « contrat principal »), quatre annexes qui font partie intégrante de cette dernière. La première de ces annexes concerne la description des travaux à réaliser. La deuxième de ces annexes énonce les conditions générales gouvernant ces conventions (ci-après les « conditions générales »). Les troisième et quatrième annexes regroupent respectivement les formulaires A et B, que doivent remplir les entités juridiques souhaitant adhérer aux conventions. Les conventions de subvention sont rédigées en des termes quasiment identiques.

5        En vertu de l’article 10, premier alinéa, du contrat principal des conventions de subvention, chaque convention est régie « par ses propres stipulations, par les actes pertinents de l’Union européenne relatifs au [programme‑cadre pour l’innovation et la compétitivité], par le règlement financier applicable au budget général de l’Union et ses règles d’application, ainsi que par d’autres règles du droit des Communautés européennes et de l’Union européenne et, à titre subsidiaire, par le droit belge ».

6        L’article 10, troisième alinéa, du contrat principal des conventions de subvention contient une clause compromissoire, au sens de l’article 272 TFUE, attribuant au Tribunal et, en cas de pourvoi, à la Cour une compétence exclusive pour connaître des litiges entre l’Union européenne, d’une part, et les bénéficiaires des subventions, d’autre part, quant à l’interprétation, à l’exécution ou à la validité des conventions de subvention ainsi qu’à la légalité des décisions de la Commission comportant des obligations pécuniaires, et formant titre exécutoire, conformément à l’article 299 TFUE.

7        En vertu de l’article 3 du contrat principal de la convention DIEGO, le projet DIEGO devait durer 24 mois à compter du 1er avril 2010. La durée du projet a par la suite été étendue à 30 mois. L’article 4 du contrat principal prévoyait une exécution du projet en deux parties, la première s’étendant du premier au douzième mois d’exécution (soit du 1er avril 2010 au 31 mars 2011) et la seconde du treizième au dernier mois d’exécution (soit du 1er avril 2011 au 30 septembre 2012).

8        Le montant total des coûts éligibles déclarés par la requérante pour la convention DIEGO s’élevait à 478 456 euros. Conformément à l’article 5 du contrat principal, au terme duquel le niveau de la participation financière de l’Union était limité à 50 % des coûts éligibles, la contribution versée par la Commission à la requérante, par l’intermédiaire du coordinateur, s’est élevée à 239 228 euros.

9        En vertu de l’article 3 du contrat principal de la convention SEED, le projet SEED devait durer 30 mois à compter du 1er janvier 2012. L’article 4 du contrat principal prévoyait une exécution du projet en trois parties, la première s’étendant du premier au douzième mois d’exécution (soit du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012), la deuxième du douzième au vingt-quatrième mois (soit du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2013) et la troisième du vingt-cinquième mois au dernier mois d’exécution (soit du 1er janvier 2014 au 30 juin 2014).

10      Le montant total des coûts éligibles déclarés par la requérante pour la convention SEED s’élevait à 649 882 euros. Conformément à l’article 5 du contrat principal, dont la teneur est identique à l’article 5 visé au point 8 ci-dessus, la contribution versée par la Commission à la requérante, par l’intermédiaire du coordinateur, s’est élevée à 324 941 euros.

B.      Sur la procédure d’audit

11      Au cours de l’année 2015, la Commission a chargé un cabinet d’audit externe (ci-après les « auditeurs ») de procéder à un audit financier des conventions de subvention.

12      L’audit financier a été effectué dans les locaux de la requérante les 15 et 16 juin 2015.

13      Par lettre reçue le 20 octobre 2016, la Commission a communiqué à la requérante le rapport d’audit final (ci-après le « rapport d’audit »), en soulignant qu’elle en approuvait les conclusions. Au terme de la procédure d’audit, le montant total des coûts éligibles s’élevait à 42 882,69 euros pour la convention DIEGO et à 47 172,74 euros pour la convention SEED. En d’autres termes, les auditeurs concluaient à une réduction des coûts éligibles, en faveur de la Commission, à concurrence de 435 573,31 euros pour la convention DIEGO et de 602 709,26 euros pour la convention SEED.

C.      Sur la procédure de recouvrement engagée par la Commission

14      Dans la lettre de préinformation, datée du 9 novembre 2016, la Commission a informé la requérante du lancement de la procédure de recouvrement et de son intention de procéder au recouvrement d’une somme de 158 484 euros pour la convention DIEGO et de 301 356 euros pour la convention SEED. À cette occasion, la requérante a été invitée à communiquer, dans un délai de 30 jours à compter de la réception de cette lettre, tout nouveau commentaire qui, n’ayant pas été transmis dans le cadre de la procédure contradictoire précédant l’adoption du rapport d’audit, serait pertinent pour l’appréciation de la Commission.

15      Le 19 janvier 2017, la requérante a transmis ses commentaires à la Commission. Elle a également présenté, pour chacune des conventions de subvention, un rapport indépendant de constatations factuelles sur les coûts déclarés dans le cadre d’une convention de subvention financée par le programme d’appui stratégique en matière de TIC, daté du 18 janvier 2017, préparé par un auditeur externe (ci-après, pris ensemble, les « rapports de la requérante sur les conventions de subvention »). La requérante a également sollicité la tenue d’une réunion avec la Commission.

16      Le 19 mai 2017, la Commission a répondu aux commentaires de la requérante et a maintenu sa position quant aux conclusions de l’audit ainsi qu’à la mise en œuvre de ses résultats.

17      Par lettre datée du 14 juin 2017, la requérante a transmis à la Commission de nouveaux éléments de preuve et a réitéré sa demande de tenue d’une réunion avec la Commission.

18      Le 2 octobre 2017, la Commission a informé la requérante que, après une analyse exhaustive des éléments de preuve supplémentaires transmis le 14 juin 2017, ces derniers ne permettaient toujours pas d’évaluer le temps déclaré par les membres du personnel ayant travaillé sur les projets audités. Par conséquent, la Commission a réitéré sa position quant aux conclusions de l’audit et à la mise en œuvre de ses résultats. Pour faciliter la compréhension de la requérante, la Commission a joint à sa lettre un tableau détaillant son évaluation de chaque document transmis.

19      Le 4 octobre 2017, la requérante a adressé un courriel à la Commission dans lequel elle exprimait son désaccord avec la position de cette dernière et a réitéré sa demande de tenue d’une réunion avec elle.

20      Le 30 novembre 2017, une réunion s’est tenue entre la requérante et la Commission. Lors de cette réunion, la Commission a proposé à la requérante de fournir des éléments de preuve supplémentaires relatifs aux coûts de personnel, que cette dernière était libre de choisir parmi les travailleurs ayant participé à l’exécution des conventions de subvention et qui devaient être particulièrement solides (ci-après les « éléments de preuve solides » ).

21      Le 15 janvier 2018, la requérante a fait parvenir à la Commission ses éléments de preuve solides et lui a communiqué des documents relatifs au travail réalisé par quatre personnes dans le cadre de la convention DIEGO et par trois personnes dans le cadre de la convention SEED.

22      Par lettre datée du 25 juin 2018 (ci-après la « lettre du 25 juin 2018 »), la Commission a informé la requérante de la clôture de la phase contradictoire et lui a transmis deux notes de débit lui ordonnant de verser, le 6 août 2018 au plus tard, la somme de 160 284 euros dans le cadre de la convention DIEGO et la somme de 252 460 euros dans le cadre de la convention SEED (ci-après les « notes de débit »). La lettre était accompagnée de deux annexes ainsi que des rapports révisés de mise en œuvre de l’audit. La première annexe contenait les résultats de l’analyse des documents supplémentaires transmis par la requérante le 15 janvier 2018. Au terme de cette analyse, la Commission a accepté un certain nombre d’heures de travail déclarées par la requérante. La seconde annexe contenait une analyse révisée des coûts directs et indiquait l’ajustement des coûts éligibles à opérer pour chaque convention de subvention en cause. Les ajustements opérés portaient exclusivement sur les coûts de personnel et les coûts indirects. Les rapports révisés de mise en œuvre de l’audit se rapportaient, quant à eux, à la somme à recouvrer pour chaque convention de subvention.

23      Le 6 août 2018, la requérante a versé à la Commission les sommes réclamées dans les notes de débit.

II.    Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 septembre 2018, la requérante a introduit le présent recours. Le 25 février 2019, la Commission a déposé un mémoire en défense.

25      Le 10 mai 2019, la requérante a déposé une réplique et, le 11 juin 2019, la Commission a déposé une duplique.

26      Par mesures d’organisation de la procédure des 31 janvier, 27 avril et 5 juin 2020, adoptées en vertu de l’article 89, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre à plusieurs questions et à produire différents documents. Les parties y ont répondu, à chaque fois, dans les délais impartis.

27      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le présent recours, introduit dans les délais et les formes prescrits et formé au titre de l’article 272 TFUE contre la décision contenue dans la lettre du 25 juin 2018, recevable et fondé ;

–        reconnaître et déclarer :

–        que la requérante a dûment satisfait aux obligations qui lui incombaient en vertu des conventions de subvention,

–        que, partant, elle a droit au financement reconnu en vertu desdites conventions,

–        que la réclamation par la Commission du remboursement de la somme de 160 284 euros versée au titre de la convention DIEGO et de la somme de 252 460 euros versée au titre de la convention SEED est non fondée et « irrecevable »,

–        l’annulation des notes de débit ou, en tout état de cause, le constat de leur illégalité,

–        la condamnation de la Commission à rembourser au bénéficiaire les sommes réclamées à ce dernier et versées par lui ;

–        à titre subsidiaire, reconnaître comme éligible ou pouvant faire l’objet d’une subvention la partie des sommes réclamées par la Commission que le Tribunal jugera appropriée ;

–        en tout état de cause, condamner la Commission aux dépens.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

29      Dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, une demande d’audience a été présentée, sur le fondement de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

30      Par courriers du 27 avril 2020, le Tribunal a invité les parties à indiquer si elles souhaitaient être entendues en leurs observations lors d’une audience de plaidoiries en dépit de la crise sanitaire.

31      Par courriers du 28 mai 2020, les parties ont renoncé à demander la tenue d’une audience.

32      Dans ces conditions, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, décidé de statuer sans phase orale de la procédure.

III. En droit

A.      Sur l’étendue du litige

33      La requérante formule dans sa requête huit chefs de conclusions.

34      S’agissant du quatrième chef de conclusions, le Tribunal constate que la requérante ne fait valoir aucun moyen au soutien de celui-ci en ce qu’il tend à déclarer « irrecevable » la « réclamation du remboursement » des sommes demandées par la Commission. Dès lors, la condition prévue à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, selon laquelle les moyens invoqués doivent faire l’objet d’un exposé sommaire, n’est pas remplie et ledit chef de conclusions doit être rejeté comme étant irrecevable en tant qu’il se rapporte à l’ « irrecevabilité » de la demande de remboursement de la Commission (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 2017, Pilla/Commission et EACEA, T‑784/16, non publiée, EU:T:2017:806, point 36 et jurisprudence citée).

35      S’agissant du cinquième chef de conclusions, il convient de rappeler que les conclusions des parties définissent l’objet du litige. Il importe, dès lors, qu’elles indiquent, expressément et sans équivoque, ce que les parties demandent (voir ordonnance du 27 mars 2017, Frank/Commission, T‑603/15, non publiée, EU:T:2017:228, point 39 et jurisprudence citée).

36      Par ailleurs, il appartient à la partie requérante de faire le choix du fondement juridique de son recours, et non au juge de l’Union de choisir lui-même la base légale la plus appropriée (voir arrêts du 15 mars 2005, Espagne/Eurojust, C‑160/03, EU:C:2005:168, point 35 et jurisprudence citée, et du 20 mai 2019, Fundación Tecnalia Research & Innovation/REA, T‑104/18, non publié, EU:T:2019:345, point 39 et jurisprudence citée).

37      En l’espèce, la requérante a explicitement fondé son recours sur l’article 272 TFUE. En effet, cet article est directement visé dans le titre du recours à la première page de la requête, dans ses conclusions ainsi qu’aux points 144 et 145. La requérante a, en outre, confirmé dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal du 31 janvier 2020 que son recours était bel et bien et uniquement fondé sur l’article 272 TFUE.

38      Il est vrai que le libellé du cinquième chef de conclusions peut prêter à confusion en ce qu’il vise à « annuler » les notes de débit « ou », en tout état de cause, à constater leur « illégalité », dans la mesure où il n’est pas sans rappeler la terminologie propre au contrôle de légalité opéré au titre du recours en annulation institué à l’article 263 TFUE.

39      Toutefois, il n’en demeure pas moins que, outre le fait que la requérante a clairement confirmé le fondement contractuel de son recours, elle a également expliqué, dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal du 31 janvier 2020, que ce chef de conclusions devait être compris comme visant à faire constater l’inexistence de la dette contractuelle réclamée par la Commission au titre des conventions de subvention, et non comme visant à l’annulation d’un acte administratif.

40      Par ailleurs, les trois moyens invoqués par la requérante dans le cadre de ce recours sont tirés, en substance, de la violation de règles régissant les relations contractuelles entre les signataires des conventions de subvention.

41      Il en résulte que, indépendamment de l’usage d’une terminologie caractéristique des recours introduits sur le fondement de l’article 263 TFUE, le cinquième chef de conclusions de la requérante doit être regardé comme présenté, en définitive, sur une base contractuelle.

42      Partant, le cinquième chef de conclusions, tel que précisé par la réponse de la requérante à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal du 31 janvier 2020, apparaît recevable pour autant qu’il est fondé sur l’article 272 TFUE.

B.      Sur le fond

43      Les huit chefs de conclusions de la requérante peuvent être regroupés autour d’un chef de conclusions principal et d’un chef de conclusions subsidiaire. À titre principal, la requérante demande, en substance, au Tribunal de déclarer « non fondés » les montants réclamés par la Commission dans les notes de débit (deuxième au sixième chefs de conclusions). À titre subsidiaire, la requérante demande que le Tribunal ramène ces montants à une somme qu’il jugera appropriée (septième chef de conclusions). Le premier chef de conclusions n’a pas de portée autonome et se confond avec les chefs de conclusions déjà évoqués. Quant au huitième chef de conclusions, il concerne les dépens.

44      Dans ce contexte, la requérante soulève formellement trois moyens. Toutefois, la requête n’indique pas quel moyen vient au soutien de quel chef de conclusions. En dépit de la structure et de la formulation confuse de la requête, il y a lieu de considérer que, par ses premier et deuxième moyens, qui se recoupent largement et qu’il convient donc de traiter ensemble, la requérante reproche, en substance, à la Commission de s’être fondée sur les conclusions erronées du rapport d’audit pour conclure à l’inéligibilité de certaines dépenses déclarées dans le cadre de l’exécution des conventions de subvention. Par son troisième moyen, la requérante reproche à la Commission différents manquements à ses obligations contractuelles.

1.      Observations liminaires 

45      Avant d’examiner le bien-fondé des moyens, le recours appelle des observations sur le droit applicable, sur les conditions générales d’éligibilité des coûts et sur la charge de la preuve.

a)      Sur le droit applicable

46      Ainsi qu’il ressort du point 5 ci-dessus, les conventions de subvention sont régies, à titre principal, par leurs termes et les actes pertinents de l’Union et, à titre subsidiaire, par le droit belge.

47      À cet égard, il importe de préciser les règles régissant l’exécution des conventions de subvention qui apparaissent pertinentes aux fins de la résolution du présent litige.

1)      Sur les conventions de subvention

48      L’article II.20 des conditions générales stipule :

« 1. Les coûts éligibles sont les coûts définis aux articles II.21 et II.22. Ils doivent remplir toutes les conditions suivantes :

–        […] ;

–        être nécessaires pour l’exécution du projet ;

–        être effectivement engagés par le bénéficiaire ;

–        être identifiables et vérifiables, être enregistrés dans la comptabilité du bénéficiaire et être déterminés conformément aux règles comptables applicables dans le pays où le bénéficiaire est établi et aux pratiques comptables usuelles du bénéficiaire. Les procédures internes de comptabilité et d’audit du bénéficiaire doivent permettre d’établir un rapprochement direct entre les coûts et recettes déclarés au titre du projet et les fiches financières et pièces justificatives correspondantes ;

–        respecter les exigences de la législation fiscale et sociale applicable ;

–        être raisonnables et justifiés, et respecter les exigences d’une bonne gestion financière, notamment en matière d’économie et d’efficience ; et

–        être engagés pendant la durée du projet. »

49      L’article II.21 des conditions générales, relatif aux coûts directs, stipule ce qui suit :

« 1. Les coûts directs sont tous les coûts éligibles qui peuvent être directement attribués au projet et sont identifiés par le bénéficiaire comme tels, conformément à son système comptable […]

2. […] Pour ce qui est des frais de personnel,

(a) seuls les coûts des heures effectivement travaillées au titre du projet par les personnes effectuant directement les travaux peuvent être imputés à la convention de subvention […] »

50      L’article II.22, paragraphe 1, des conditions générales, relatif aux coûts indirects, prévoit ce qui suit :

« Les coûts indirects sont tous les coûts éligibles qui ne peuvent pas être identifiés par le bénéficiaire comme étant directement attribués au projet, mais qui peuvent être identifiés et justifiés par son système de comptabilité comme étant encourus en relation directe avec les coûts directs éligibles attribués au projet […] »

51      Selon l’article II.23 des conditions générales, le bénéficiaire, aux fins du remboursement des coûts éligibles, doit présenter à la Commission une documentation précise, complète et probante justifiant de leurs engagements effectifs.

52      Enfin, conformément à l’article II.28 des conditions générales, qui s’attache aux audits financiers :

« 2. Les bénéficiaires doivent mettre directement à la disposition de la Commission […] toutes les données détaillées qui peuvent être demandées […] afin de vérifier que le contrat est correctement géré, qu’il est mis en œuvre conformément à ses dispositions et que les coûts ont été imputés de manière conforme.

3. Les bénéficiaires veillent à ce que la Commission […] ait accès sur-le-champ à des heures raisonnables, notamment, aux bureaux des bénéficiaires, au personnel des bénéficiaires qui est associé au projet [et] à la documentation visée à l’article II.23 nécessaire pour réaliser l’audit […] »

2)      Sur le droit belge

53      Premièrement, l’article 1134, troisième alinéa, du code civil belge prévoit que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. L’article 1135 du même code précise que « [l]es conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ». Ce second article exprime donc également le principe d’exécution de bonne foi des contrats.

54      Deuxièmement, selon un principe de droit généralement admis, toute juridiction fait application de ses propres règles de procédure, y compris les règles de compétence (voir, en ce sens, arrêt du 8 avril 1992, Commission/Feilhauer, C‑209/90, EU:C:1992:172, point 13). Les règles destinées à régir la charge, l’admissibilité, la valeur et la force probante des éléments de preuve échappent toutefois à ce principe dans la mesure où elles ne sont pas de nature processuelle, mais substantielle, en ce qu’elles déterminent les conditions d’existence, le domaine et les causes d’extinction de droits subjectifs. Le choix de la loi applicable effectué dans le contrat en cause porte ainsi également sur les règles de preuve (arrêt du 4 février 2016, Isotis/Commission, T‑562/13, non publié, EU:T:2016:63, point 89).

55      Dès lors, il y a également lieu de tenir compte de l’article 1315 du code civil belge, qui énonce que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

3)      Sur le guide financier du programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité

56      Il convient de rappeler que la Commission a édité un guide financier du programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité, intitulé CIP Financial Guidelines (ci-après le « guide financier »).

57      À cet égard, bien qu’il n’eût pas une valeur contraignante, le guide financier relevait du cadre dans lequel les conventions de subvention ont été conclues, dès lors qu’il était destiné à fournir, notamment, des exemples concrets ainsi que des suggestions relatives aux bonnes pratiques financières à appliquer lors de la mise en œuvre des projets financés dans le cadre du programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 54 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, Meta Group/Commission, T‑744/14, non publié, EU:T:2017:304, point 177). En vertu du principe d’exécution de bonne foi des contrats, les indications fournies dans le guide financier devaient ainsi être prises en compte.

58      Or, il ressort notamment de l’article II.21, paragraphe 2, du guide financier, dans sa version applicable pour chaque période d’audit concernée, que :

« Les heures productives doivent être clairement justifiées et correspondre aux enregistrements de temps sous-jacents. Si le nombre d’heures réellement consacrées à des tâches productives (comme l’indiquent les enregistrements de temps) dépasse les heures de production standard, les premières sont utilisées pour le calcul des coûts de personnel, sauf si des heures supplémentaires sont payées. »

59      À cet égard, il y a lieu d’observer que la Commission a communiqué le 5 mars 2012 ce document au coordinateur du projet SEED et que, aux termes de l’article II.2, paragraphe 1, des conditions générales de la convention SEED, le coordinateur est chargé de la coordination technique, financière et administrative du projet et agit, notamment, en tant qu’intermédiaire entre la Commission et les bénéficiaires de la convention.

b)      Sur les conditions d’éligibilité 

60      S’agissant des conditions d’éligibilité, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon un principe fondamental régissant les concours financiers de l’Union, celle-ci ne peut subventionner que des dépenses effectivement engagées (arrêts du 22 mai 2007, Commission/IIC, T‑500/04, EU:T:2007:146, point 94 ; du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden/Commission, T‑29/11, EU:T:2014:912, point 71, et du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑768/14, non publié, EU:T:2017:28, point 134).

61      Dès lors, afin que l’institution ou l’organisme concerné puisse exercer un rôle de contrôle, les bénéficiaires de tels concours doivent démontrer la réalité des coûts imputés aux projets subventionnés, la fourniture par ces bénéficiaires d’informations fiables étant indispensable au bon fonctionnement du système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d’octroi des concours sont remplies (arrêts du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑771/14, non publié, EU:T:2017:27, point 129, et du 20 juin 2018, KV/EACEA, T‑306/15 et T‑484/15, non publié, EU:T:2018:359, point 57).

62      Il ne suffit donc pas de démontrer qu’un projet a été réalisé pour justifier l’attribution d’une subvention spécifique. Le bénéficiaire de l’aide doit, de surcroît, apporter la preuve qu’il a exposé les frais déclarés conformément aux conditions fixées pour l’octroi du concours concerné, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles. Son obligation de respecter les conditions financières fixées constitue même l’un de ses engagements essentiels et, de ce fait, conditionne l’attribution du concours financier (arrêts du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T‑771/14, non publié, EU:T:2017:27, point 129, et du 20 juin 2018, KV/EACEA, T‑306/15 et T‑484/15, non publié, EU:T:2018:359, point 57).

c)      Sur la charge de la preuve 

63      Il découle de l’article 1315 du code civil belge que les coûts invoqués par la requérante ne peuvent lui être remboursés qu’à condition qu’elle ait démontré leur réalité, leur lien avec les conventions de subvention et le respect des autres critères d’éligibilité posés par celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2012, Insula/Commission, T‑110/10, non publié, EU:T:2012:289, point 44). À cette fin, la requérante doit fournir des informations fiables permettant de vérifier si les conditions d’octroi des subventions étaient remplies et établir que ces coûts ont été exposés conformément aux conditions fixées pour l’octroi des concours concernés, seuls des frais dûment justifiés pouvant être considérés comme éligibles (voir, en ce sens, arrêts du 22 mai 2007, Commission/IIC, T‑500/04, EU:T:2007:146, point 94, et du 24 octobre 2014, Technische Universität Dresden/Commission, T‑29/11, EU:T:2014:912, point 71).

64      Ce n’est que dans l’hypothèse où la partie requérante apporte de telles preuves par des relevés de frais et d’autres renseignements pertinents qu’il incombe à la Commission de démontrer qu’il y avait lieu d’écarter les dépenses litigieuses, en justifiant leur rejet au motif que la prestation contractuelle est défectueuse ou que les relevés de frais ne sont pas exacts ou crédibles (voir, en ce sens, ordonnance du 4 décembre 2014, Talanton/Commission, T‑165/13, non publiée, EU:T:2014:1027, point 72, et arrêt du 26 janvier 2017, Diktyo Amyntikon Viomichanion Net/Commission, T‑703/14, non publié, EU:T:2017:34, point 84).

65      Par conséquent, lorsque la Commission présente, sur la base de constatations reprises dans un rapport d’audit, des indices concrets de l’existence d’un risque que le temps de travail déclaré ne remplisse pas les conditions d’éligibilité, l’inéligibilité est présumée et il appartient au cocontractant de démontrer, par des éléments probants, que les conditions d’éligibilité ont, au contraire, bien été respectées (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑166/17, non publié, EU:T:2019:26, point 61 et jurisprudence citée). En effet, la présence d’indices concrets de l’existence d’un risque que les conditions d’éligibilité des dépenses ne soient pas remplies suffit pour que la preuve continue de peser sur le bénéficiaire du contrat (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 2020, EKETA/Commission, C‑273/19 P, non publié, EU:C:2020:852, points 74 et 77).

66      C’est à la lumière de toutes ces observations qu’il convient d’examiner les différents moyens soulevés par la requérante.

2.      Sur les premier et deuxième moyens, relatifs à l’éligibilité des dépenses déclarées par la requérante

67      Par ses premier et deuxième moyens, la requérante reproche, en substance, à la Commission de s’être fondée sur les conclusions du rapport d’audit pour conclure à l’inéligibilité de certaines dépenses déclarées dans le cadre de l’exécution des conventions de subvention. Elle entend, à cet égard, se prévaloir d’erreurs de procédure et d’erreurs sur le fond.

68      En l’espèce, dans le cadre de la convention DIEGO, la requérante a déclaré des coûts éligibles pour un montant de 478 456 euros, déclinés comme suit :

–        349 077 euros de coûts de personnel ;

–        24 656 euros d’autres coûts spécifiques ;

–        104 723 euros de coûts indirects.

69      Le rapport d’audit a conclu au rejet d’une partie des coûts déclarés par la requérante et a établi le montant des coûts éligibles de la façon suivante :

–        14 298,72 euros de coûts de personnel ;

–        24 294,36 euros d’autres coûts spécifiques ;

–        4 289,62 euros de coûts indirects.

70      Au terme de la procédure de recouvrement, la Commission a réévalué le montant de certains coûts éligibles, à savoir :

–        69 985 euros de coûts de personnel ;

–        20 996 euros de coûts indirects.

71      Dans le cadre de la convention SEED, la requérante a déclaré des coûts éligibles pour un montant de 649 882 euros, déclinés comme suit :

–        474 835 euros de coûts de personnel ;

–        13 983 euros de coûts de sous-traitance ;

–        18 615 euros d’autres coûts spécifiques ;

–        142 449 euros de coûts indirects.

72      Le rapport d’audit a conclu au rejet d’une partie des coûts déclarés par la requérante et a établi le montant des coûts éligibles de la façon suivante :

–        12 514,42 euros de coûts de personnel ;

–        12 289 euros de coûts de sous-traitance ;

–        18 615 euros d’autres coûts spécifiques ;

–        3 754,33 euros de coûts indirects.

73      Au terme de la procédure de recouvrement, la Commission a réévalué le montant de certains coûts éligibles, à savoir :

–        28 522 euros de coûts de personnel ;

–        8 556 euros de coûts indirects.

74      Dès lors, après avoir examiné les erreurs de procédure soulevées par la requérante, il conviendra d’examiner l’éligibilité des coûts déclarés par catégories concernées au regard des conclusions du rapport d’audit, de la réduction accordée par la Commission dans la lettre du 25 juin 2018 ainsi que des stipulations des conventions de subvention en cause et du droit applicable à ces dernières.

a)      Sur l’expertise et l’objectivité des auditeurs

75      Pour contester l’appréciation par les auditeurs des informations qu’elle a fournies s’agissant de ses relevés de travail par tâches (« partes de trabajo » en espagnol, ci-après les « relevés de tâches »), la requérante met en cause l’expertise des auditeurs en s’appuyant sur ce qu’elle estime être leurs incompréhensions et leurs erreurs successives.

76      Par ailleurs, à différents endroits de ses écritures, la requérante semble également remettre en cause l’objectivité des auditeurs, en faisant référence à leurs appréciations « éminemment subjectives » et dénuées de tout fondement, effectuées sur la base de « critères subjectifs » ou d’un préjugé infondé qui auraient abouti à des conclusions « partiales », « tendancieuses » ou « artificieuses ».

77      S’agissant du degré d’expertise des auditeurs, aucun élément du dossier ne permet de mettre en doute qu’ils disposaient des qualifications nécessaires pour vérifier l’éligibilité des coûts déclarés par la requérante à la lumière des stipulations des conventions de subvention (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, point 122).

78      S’agissant de l’allégation de partialité des auditeurs, la requérante ne fournit pas d’éléments de nature à établir une quelconque subjectivité de leur part. Il n’est donc pas possible de regarder les conclusions des auditeurs, sur lesquelles la Commission s’est fondée, comme étant entachées d’un manque d’objectivité et d’impartialité.

b)      Sur les coûts de personnel 

79      Il y a lieu de rappeler que le montant des coûts de personnel est obtenu en multipliant le nombre d’heures consacrées à la réalisation du projet par un taux horaire. Le taux horaire se calcule en divisant la rémunération totale annuelle du salarié par le nombre de ses heures productives annuelles.

80      En l’espèce, seul le nombre d’heures consacrées à la réalisation des projets DIEGO et SEED est remis en cause par le rapport d’audit, approuvé par la Commission.

81      La requérante soutient, de manière générale, que l’imputation des heures consacrées à la réalisation de ces deux projets a été effectuée conformément aux dispositions contractuelles pertinentes et conteste le nombre d’heures productives annuelles retenu dans le rapport d’audit.

82      Toutefois, la Commission soutient, en substance et à juste titre, que les créances figurant dans les notes de débit reposent sur la circonstance que les relevés de tâches fournis par la requérante ne sont pas fiables.

83      Dans le rapport d’audit, ce motif ressort tant des observations des auditeurs que du sommaire des ajustements requis à la suite de l’audit.

84      Par ailleurs, le non-respect de l’obligation de produire, lors de l’audit financier, des relevés de tâches fiables pour justifier les coûts de personnel est un motif suffisant pour rejeter l’ensemble de ces coûts (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2015, Amitié/Commission, T‑234/12, non publié, EU:T:2015:601, point 211 et 212, et du 25 janvier 2017, ANKO/Commission, T-771/14, non publié, EU:T:2017:27, points 92 à 96).

85      Au vu de ce qui précède, il convient donc d’apprécier la validité du motif tiré du manque de fiabilité des relevés de tâches (arrêt du 22 janvier 2019, EKETA/Commission, T‑198/17, non publié, EU:T:2019:27, point 66).

1)      Sur la fiabilité des relevés de tâches

86      La Commission met en avant différents éléments de preuve en vue d’établir l’absence de fiabilité des relevés de tâches fournis par la requérante, dans le cadre tant de la convention DIEGO que de la convention SEED. La requérante conteste les éléments de preuve avancés par la Commission ainsi que certaines constatations du rapport d’audit liées à la fiabilité des enregistrements de temps de travail.

i)      Sur les cas du contrôleur financier et du secrétaire général

87      Les cas du contrôleur financier et du secrétaire général constituent respectivement les éléments de preuve no 1 et no 2 mis en avant par la Commission pour établir l’absence de fiabilité des relevés de tâches de la requérante.

88      En l’espèce, il ressort des observations formulées par la Commission que, premièrement, le contrôleur financier et le secrétaire général ont consacré pendant deux ans respectivement 75 % et 57 % de leur temps de travail au projet SEED, alors que les projets européens représentaient en moyenne moins de 0,7 % des recettes du budget de la municipalité. Ainsi, le conseiller financier a déclaré avoir consacré 2030 heures de travail au projet SEED pendant 24 mois sur un total de 2706 heures travaillées. Quant au secrétaire général, il a déclaré avoir consacré 2001 heures de travail au projet SEED pendant 27 mois sur un total de 3317,73 heures travaillées. Ces chiffres, présentés par la Commission, ne sont pas contestés par la requérante.

89      Deuxièmement, le nombre d’heures consacrées au projet SEED par ces deux employés a excédé, en différentes occasions, le nombre total d’heures mensuelles travaillées (juillet 2012 et avril 2014 pour le conseiller financier ; avril et juin 2012 ainsi qu’avril et juin 2014 pour le secrétaire général), ainsi que l’atteste une comparaison entre les relevés de tâches et les registres journaliers (« registros horarios » en espagnol) qui enregistrent les heures de présence quotidienne sur le lieu de travail de chaque employé, sans distinction des tâches accomplies.

90      Troisièmement, ces deux employés ont imputé dans leurs relevés de tâches un nombre stable d’heures de travail (83 heures, parfois 84 heures) pendant 6 mois consécutifs (de janvier à juin 2013), alors que leur nombre total d’heures mensuelles travaillées pour ces mêmes périodes a significativement varié [entre 124 heures (mars 2013) et 170 heures (mai 2013) pour le conseiller financier et entre 117 heures (mars 2013) et 151 heures (mai 2013) pour le secrétaire général]. Des coïncidences statistiques similaires existent pour les mois d’octobre à décembre 2013 s’agissant de ces deux employés.

91      Quatrièmement, ces personnes n’ont pas été en mesure de résumer le projet SEED au cours des entretiens qu’elles ont eus avec les auditeurs, et ce en dépit des nombreuses heures passées à travailler sur ce projet.

92      Cinquièmement, ainsi qu’il ressort du point 188 ci-après, le nombre d’heures de travail déclarées au titre du projet SEED par ces personnes n’apparaît pas conciliable avec la charge de travail liée à l’exercice de leurs fonctions.

93      Il apparaît ainsi que, par ces éléments, la Commission établit que les relevés de tâches du contrôleur financier et du secrétaire général présentent des anomalies qui remettent en cause leur fiabilité.

94      La requérante ne produit aucun élément de nature à clarifier les anomalies relevées par la Commission et à démontrer la fiabilité des relevés de tâches de son contrôleur financier et de son secrétaire général.

95      En premier lieu, la requérante ne saurait utilement démontrer que les relevés de tâches du contrôleur financier et du secrétaire général, qui n’ont pas été considérés comme fiables par la Commission, reflétaient bien les heures effectivement consacrées au projet SEED, en se limitant à affirmer l’importance qu’auraient revêtus les projets DIEGO et SEED pour elle ou qu’aucune disposition contractuelle ou législative applicable à ces projets n’empêchait ces personnes de consacrer du temps de travail à ces projets (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Epsilon International/Commission, T‑477/16, non publié, EU:T:2018:714, point 100).

96      En deuxième lieu, l’argument selon lequel les heures déclarées seraient le fruit de la réalisation d’heures supplémentaires doit également être écarté.

97      En effet, la Commission n’entend pas remettre en cause le fait que la requérante ait pu accorder de telles heures aux personnes concernées. Cependant, ces deux employés ont facturé en différentes occasions davantage d’heures au titre de la convention SEED que n’en contiennent leurs registres journaliers des mois concernés, dans lesquels les heures supplémentaires auraient aussi dû figurer. Les registres journaliers versés au dossier, loin de corroborer la réalité des heures déclarées au titre du projet SEED, viennent au contraire la contredire. Incidemment, le raisonnement avancé par la requérante pour justifier la fiabilité des relevés de tâches aboutit à mettre en cause la crédibilité des registres journaliers.

98      En troisième lieu, il convient d’écarter l’argument selon lequel il incomberait à la Commission d’apporter des éléments permettant de conclure que les heures enregistrées seraient inhabituelles dans le secteur où opèrent ces deux employés et selon lequel la Commission aurait dû comparer les enregistrements concernés avec ceux d’autres employés exerçant les mêmes fonctions au sein de l’administration publique. En effet, il résulte des points 88 à 92 ci-dessus que la Commission a présenté des indices concrets de l’absence de fiabilité et de crédibilité des relevés de tâches du contrôleur financier et du secrétaire général. Il appartenait, dès lors, à la requérante, conformément aux principes rappelés aux points 63 à 65 ci-dessus, de démontrer, par le biais d’éléments probants, que les conditions d’éligibilité avaient été respectées, ce qu’elle n’a pas fait.

ii)    Sur les entretiens professionnels

99      Le résultat des entretiens professionnels réalisés durant l’audit constitue l’élément de preuve no 3 mis en avant par la Commission pour établir l’absence de fiabilité des relevés de tâches de la requérante.

100    La requérante conteste la valeur probante accordée par la Commission à ces entretiens dans la requête et la réplique. Elle articule sa contestation, en substance, autour de deux axes, mettant en cause la nature et l’importance de ces entretiens ainsi que leur absence de fiabilité.

101    Dans ce contexte et à titre liminaire, il y a lieu de relever que l’argument développé aux points 197 et 198 de la requête manque de clarté et de précision. La Commission n’a d’ailleurs pas pris position sur ces deux points, alors qu’elle prend explicitement position sur les points suivants se rattachant au même grief.

102    Or, selon une jurisprudence bien établie, conformément à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2018, Winkler/Commission, T‑369/17, non publié, EU:T:2018:334, point 53 et jurisprudence citée).

103    Partant, cet argument est irrecevable.

–       Sur la nature et l’importance des entretiens

104    La requérante fait valoir que les entretiens réalisés au cours de l’audit n’ont aucun fondement contractuel. La preuve documentaire serait la seule preuve pertinente pour apprécier l’imputabilité des coûts. Dans la requête, elle en conclut que la valeur probante des entretiens doit être considérée comme nulle. Au stade de la réplique, elle en déduit que les entretiens ne sauraient avoir une valeur probante plus grande que les documents présentés. Ils ne sauraient ainsi se substituer aux relevés de tâches. Ils pourraient tout au plus les compléter.

105    En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les entretiens menés durant l’audit n’auraient aucun fondement contractuel, il doit être rejeté.

106    En effet, l’article II.28, paragraphe 3, des conditions générales des conventions de subvention prévoit explicitement la possibilité pour les auditeurs d’accéder au personnel des bénéficiaires associés au projet dans le cadre d’un audit financier. Cet accès au personnel inclut nécessairement la possibilité de s’entretenir avec lui. En effet, si l’interprétation de la requérante devait être retenue, la possibilité d’accéder au personnel des bénéficiaires, prévue dans cet article, serait redondante avec la possibilité d’accéder à la documentation justifiant l’éligibilité des coûts, également prévue à cet article.

107    De plus, la possibilité de s’entretenir avec le personnel apparaît nécessaire pour vérifier le degré d’implication de celui-ci dans le projet. Cette possibilité permet, lorsque les preuves documentaires sont insuffisantes, de vérifier le caractère réel des coûts et de s’assurer que les heures déclarées ont effectivement été travaillées, conformément à l’article II.20, paragraphe 1, et à l’article II.21, paragraphe 2, sous a), des conditions générales des conventions de subvention.

108    En second lieu, s’agissant de l’argument de la requérante s’attachant à la valeur probante des entretiens professionnels, il n’est pas clair si, par son argumentation, la requérante entend dénier toute valeur probante à ces entretiens ou faire valoir qu’ils sont susceptibles de revêtir une valeur probante lorsqu’ils corroborent les relevés de tâches. Dans les deux cas, cet argument doit être rejeté.

109    En effet, il ressort de l’article II.23 des conditions générales des conventions de subvention que la preuve documentaire est privilégiée pour justifier l’éligibilité des coûts. Néanmoins, ces conventions ne stipulent pas l’obligation pour la requérante de démontrer l’éligibilité des coûts déclarés par le biais des relevés de tâches de travail remplis par le personnel impliqué dans les actions concernées. Ainsi, les relevés de tâches de travail constituent un moyen à la disposition de la requérante pour démontrer l’éligibilité des coûts (voir, par analogie, arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, point 126).

110    Il en va de même pour la Commission, dans la mesure où les conventions de subvention ne stipulent pas l’obligation pour celle-ci de démontrer l’inéligibilité des coûts déclarés par le biais d’un moyen de preuve déterminé. Au contraire, il ressort de l’article II.28, paragraphe 3, des conditions générales et des points 106 et 107 ci-dessus que l’accès à l’information par les auditeurs s’effectue de différentes façons dans le cadre d’un audit financier.

111    Les entretiens apparaissent ainsi complémentaires des relevés de tâches. Néanmoins, s’ils sont menés à titre complémentaire, ils sont censés venir confirmer, et non contredire, les preuves documentaires.

112    Par conséquent, comme le soutient la Commission, lorsque les entretiens professionnels diffèrent sensiblement des relevés de tâches, il est permis de douter de la fiabilité de ces derniers.

113    En tout état de cause, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la conclusion de la Commission quant à l’absence de fiabilité des relevés de tâches n’est pas uniquement fondée sur les entretiens professionnels, mais sur un ensemble d’éléments de preuve, ainsi qu’il ressort des points 87 à 98 ci-dessus et des points 128 à 193 ci-après.

–       Sur l’absence de fiabilité des entretiens

114    La requérante met en cause la fiabilité des entretiens professionnels réalisés par les auditeurs. Elle s’appuie sur différents arguments.

115    Premièrement, l’échantillon de personnes interrogées n’aurait pas été représentatif. Deuxièmement, il n’existerait pas de retranscription in extenso du contenu des entretiens. Troisièmement, ni la durée, ni le fait que les entretiens aient été individuels ou collectifs, ni les critères ayant conduit au choix des personnes interrogées ne seraient mentionnés dans le rapport d’audit. Quatrièmement, les entretiens se seraient déroulés des années après la fin des projets DIEGO et SEED. Cinquièmement, l’éligibilité des coûts aurait été confirmée par les rapports de la requérante sur les conventions de subvention visés au point 15 ci-dessus, la seule différence étant que des entretiens n’auraient pas été conduits par l’auditeur externe mandaté par la requérante.

116    En premier lieu, en ce qui concerne la représentativité du groupe de personnes interrogées, il ressort du procès-verbal des entretiens préalables et des relevés de tâches versés au dossier que les auditeurs ont réussi à interroger cinq personnes sur un total de seize participants au projet DIEGO et six personnes sur un total de quatorze participants au projet SEED. Le nombre de personnes interrogées représente ainsi 31,25 % des effectifs participants et 32,09 % des coûts déclarés pour la convention DIEGO, contre 42,86 % des effectifs participants et 41.83 % des coûts déclarés pour la convention SEED. Les chiffres de 20,6 % et de 54,56 % avancés par les parties, en termes de coûts déclarés, dans le cadre, respectivement, de la convention DIEGO et de la convention SEED, apparaissent à cet égard erronés. En effet, la requérante n’a pas circonscrit le bon groupe de personnes interrogées durant ces entretiens, ainsi que l’atteste une comparaison entre les tableaux I et VI de la requête avec le procès-verbal des entretiens préalables, et n’a donc pas comptabilisé le bon nombre d’heures déclarées. La Commission s’est apparemment contentée de reprendre dans ses écrits les chiffres avancés par la requérante sans les vérifier. La requérante s’est également trompée dans la comptabilisation des heures déclarées de différents participants aux deux projets. Par exemple, selon les relevés de tâches, A a travaillé 345 heures au titre du projet DIEGO et 889 heures au titre du projet SEED, et non pas 285 et 1054 heures comme le laissent entendre les tableaux I et VI. De même, B a déclaré 1850 heures de travail au titre du projet SEED, et non pas 1685 comme le laisse entendre le tableau VI. Ces erreurs ont affecté le calcul du taux de participation des participants aux deux projets.

117    Par ailleurs, les auditeurs se sont entretenus avec le contrôleur financier et le secrétaire général, mais également avec des membres du personnel chargés de l’appui aussi bien technique qu’administratif, au terme de la distinction entre les postes, établie aux tableaux I et VI de la requête. De plus, au terme de la classification établie au point 10 de la requête, relatif au projet DIEGO, les auditeurs se sont entretenus avec un tiers des participants dont le taux de participation au projet était élevé (plus 10 %), avec la moitié des participants dont le taux global de participation au projet était compris entre 5 et 10 % et avec un cinquième des participants dont le taux de participation au projet était faible (moins de 5 %). Enfin, au terme de la classification établie au point 39 de la requête, relatif au projet SEED, les auditeurs se sont entretenus avec deux cinquièmes des participants dont le taux de participation au projet était élevé (plus 10 %), avec la totalité des participants dont le taux global de participation au projet était compris entre 5 et 10 % (A devant être rangée dans cette catégorie, son taux de participation horaire s’élevant à 6,06 %, et non à 1,71 % comme le prétend la requérante) et avec un septième des participants dont le taux de participation au projet était faible (moins de 5 %).

118    Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, les auditeurs ont interrogé des personnes dont la participation a été constante sur presque toute la durée des deux projets (telles que C pour la convention DIEGO et le contrôleur financier et le secrétaire général pour la convention SEED).

119    Il ressort de ce qui précède que l’échantillon des personnes interrogées apparaît suffisamment représentatif.

120    En deuxième lieu, il ne saurait être exigé des auditeurs qu’ils retranscrivent l’intégralité des entretiens en vue de garantir leur fiabilité. En effet, une telle obligation ne ressort pas du droit applicable.

121    En tout état de cause, à la lecture des conclusions des entretiens produits par la Commission, il est possible de comprendre quelles sont les considérations sur lesquelles les auditeurs ont fondé leurs conclusions. Le compte rendu de chaque entretien est, certes, bref, mais il retranscrit les éléments et les appréciations qui étayent les conclusions des auditeurs. Ainsi, les auditeurs ont vérifié la connaissance globale de chaque projet (comme l’indique l’intitulé et le contenu de la rubrique « Résumé du projet »), et les tâches concrètes effectuées par chaque employé interrogé, ainsi que l’indique la teneur de certaines réponses figurant dans la rubrique « conclusion », telles que : « ne connaît pas », « [n]ulle connaissance du projet, incapable de définir clairement ses tâches dans le projet » ; « [c]onnaît le projet, bien qu’il ne soit pas en mesure de définir clairement ses tâches[ ;e]n attente de validation d’autres preuves ». Il ne ressort pas de ce document que les auditeurs aient posé des questions inadaptées ou sans rapport avec les fonctions exercées par les personnes interrogées, ou qu’ils aient dénaturé ou détourné le sens de leurs réponses.

122    En troisième lieu, la requérante n’explique pas en quoi le fait que la durée, le caractère individuel ou collectif des entretiens ou les critères ayant conduit au choix des personnes interrogées ne sont pas mentionnés dans le rapport d’audit mettrait en cause leur fiabilité.

123    En quatrième lieu, la justification avancée par la requérante pour expliquer les incohérences constatées entre les relevés de tâches et les entretiens, à savoir que les entretiens ont été menés plusieurs années après l’achèvement des projets DIEGO et SEED, doit être rejetée.

124    En effet, au moment des entretiens, menés les 15 et 16 juin 2015, près de trois ans s’étaient écoulés depuis la fin de la convention DIEGO et près d’un an depuis la fin de la convention SEED. Si le raisonnement de la requérante était avéré, les réponses aux entretiens et la connaissance des projets et des tâches effectuées auraient dû varier d’un projet à l’autre. Or, tel n’est pas le cas. Il ressort des conclusions des entretiens transmis par la Commission qu’aucune des six personnes interrogées dans le cadre de la convention SEED n’a été en mesure de fournir une explication satisfaisante de ce projet et des tâches concrètes effectuées. Cela est particulièrement frappant dans le cas du contrôleur financier et du secrétaire général, dont le nombre d’heures facturées s’élève, pour chacun d’entre eux, à plus de 2000 et dont la participation s’est étalée sur quasiment toute la durée d’exécution du projet. Par comparaison, dans le cadre de la convention DIEGO, si certains participants interrogés n’ont pas de connaissance (D, 115 heures de travail déclarées) ou seulement une connaissance limitée du projet (C, 3068 heures de travail déclarées), d’autres en ont, en revanche, une connaissance en dépit d’une participation plus limitée (E, 464 heures de travail déclarées) et plus ancienne par rapport à la convention SEED.

125    En cinquième lieu, la requérante ne saurait s’appuyer sur les rapports visés au point 15 ci-dessus pour mettre en cause la fiabilité des entretiens professionnels et établir l’éligibilité des coûts de personnel déclarés (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission, T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804, point 89).

126    En effet, il ressort des rapports de la requérante sur les conventions de subvention que chacun de ces documents a été préparé et soumis à la Commission en exécution de l’article II.4, paragraphe 7, des conditions générales des conventions de subvention, qui stipule, en substance, que les décomptes financiers (financial statements) soumis par le bénéficiaire à la Commission aux fins de l’octroi, par celle-ci, du paiement intermédiaire et du paiement final doivent être certifiés par un auditeur externe lorsque le montant concerné par ces paiements est égal ou supérieur à 325 000 euros.

127    Néanmoins, l’article II.4, paragraphe 7, in fine, des conditions générales stipule également que les certificats préparés par les auditeurs externes n’ont d’impact ni sur les obligations des bénéficiaires en vertu de la convention de subvention, ni sur les droits de l’Union découlant de celle-ci et, en particulier, de l’article II.28 des conditions générales, relatif aux audits financiers. Par ailleurs, les rapports de la requérante sur les conventions de subvention précisent qu’ils ne peuvent être invoqués par le bénéficiaire, à savoir la requérante, et par la Commission qu’en relation avec les exigences posées par l’article II.4, paragraphe 7, des conditions générales.

iii) Sur la coïncidence des heures déclarées

128    La coïncidence des heures déclarées par certains employés du projet DIEGO constitue l’élément de preuve no 4 mis en avant par la Commission pour établir l’absence de fiabilité des relevés de tâches de la requérante.

129    En l’espèce, il ressort des relevés de tâches du projet DIEGO que deux employés ont facturé invariablement, pendant respectivement 15 mois et 12 mois consécutifs, le même nombre d’heures, à savoir 125 heures (d’avril 2011 à juin 2012 pour F ; d’octobre 2011 à septembre 2012 pour C).

130    Par ailleurs, ces deux employés semblent également n’avoir pris aucun jour de congé pendant respectivement 28 mois et 25 mois consécutifs (de juin 2010 à septembre 2012 pour F ; de septembre 2010 à septembre 2012 pour C).

131    La requérante ne produit aucun élément de nature à clarifier ces anomalies relevées par la Commission et à démontrer la fiabilité des relevés de tâches de ces deux employés.

132    Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel ces personnes auraient été engagées spécifiquement pour le projet n’explique pas les coïncidences numériques relevées par la Commission. En effet, cette dernière ne s’est pas attachée à la possibilité d’imputer au projet DIEGO des heures de façon ininterrompue pendant toute la durée du projet, mais au fait de lui imputer un nombre identique d’heures de façon ininterrompue.

133    Deuxièmement, le document produit par la requérante certifiant que ces deux employés ont pris les congés auxquels ils avaient droit entre le 7 juin 2010 et le 30 septembre 2012 ne clarifie pas les coïncidences statistiques relevées par la Commission.

134    En effet, il n’est pas contesté que ces personnes ont probablement pris des congés. Toutefois, cela suppose que ces congés ont été fractionnés, comme l’admet la requérante, au rythme de près de deux jours par mois tous les mois pendant 28 mois pour F et 25 mois pour C. Or, le plus fréquent pour partir en vacances est de partir pendant une période prolongée de plusieurs jours ou de plusieurs semaines d’affilée ce qui aurait dû se refléter d’une façon ou d’une autre dans le volume des heures déclarées mensuellement par les personnes en cause.

iv)    Sur les contradictions existantes entre les relevés de tâches et les activités décrites dans le premier rapport annuel d’activité de la convention SEED

135    Les contradictions existantes entre les relevés de tâches de certains employés et les activités décrites dans le premier rapport annuel d’activité de la convention SEED constituent l’élément de preuve no 5 mis en avant par la Commission pour établir l’absence de fiabilité des relevés de tâches de la requérante.

136    En l’espèce, il ressort de la page 37 du premier rapport annuel d’activité de la convention SEED que trois employés ont participé à différentes activités de ce projet pour lesquelles aucune heure de travail n’a été imputée dans les relevés de tâches des mois concernés. Il s’agit plus précisément de la participation de G aux réunions des 17 et 24 mai et 1er juin 2012 et de celle de F et de H aux réunions des 24 mai et des 27 et 28 décembre 2012.

137    La requérante ne produit aucun élément de nature à clarifier les contradictions relevées par la Commission et à démontrer la fiabilité des relevés de tâches des employés concernés.

138    En premier lieu, il y a lieu de rejeter comme inopérant l’argument de la requérante selon lequel il existerait une disproportion totale et une inexactitude entre le titre qui introduit le point 76 du mémoire en défense et le contenu de celui-ci. En effet, même à la supposer établie, cette circonstance n’est pas de nature à clarifier les contradictions relevées par la Commission.

139    En second lieu, l’argument de la requérante selon lequel la participation aux activités concernées n’aurait pas été déclarée parce que ces trois employés n’auraient pas travaillé dans le cadre desdites activités doit être rejeté.

140    En effet, il est incompréhensible, comme le relève la Commission, que F et H aient été recrutés spécifiquement pour le projet SEED, aient participé à des réunions liées à ce projet et n’aient pas imputé les heures de travail correspondantes. De plus, l’explication donnée par la requérante selon laquelle il conviendrait de tenir compte du fait que F et G travaillaient à ce moment-là sur le projet DIEGO laisse penser que des heures consacrées au projet SEED ont pu être imputées au projet DIEGO, ce qui sème ainsi le doute quant à la fiabilité des relevés de tâches des deux projets. Enfin, à supposer même, comme le soutient la requérante, que ces personnes aient assisté à ces réunions parce qu’elles avaient une expérience antérieure dans des projets similaires ou parce qu’elles étaient intéressées à y participer, cela constituerait une circonstance qui met en cause la crédibilité des informations contenues dans le premier rapport annuel d’activité de la convention SEED, qui est supposé présenter les principales réalisations pour cette période de référence.

v)      Sur les erreurs dans les relevés de tâches et les signatures apposées « à la chaîne »

141    Les signatures des relevés de tâches constituent les éléments de preuve nos 6 et 7 mis en avant par la Commission pour établir l’absence de fiabilité de ces documents.

142    Tout d’abord, il ressort d’une comparaison entre les relevés de tâches de I et de F que le relevé de juillet 2011 pour la convention DIEGO de F a été signé par I. En effet, la signature sur ce relevé ne coïncide pas avec celles qui précèdent et celles qui suivent. Par ailleurs, la signature sur ce relevé est identique à celle généralement apposée sur les relevés de travail de I. Ce dernier a donc signé deux relevés de tâches pour le mois de juillet 2011, à savoir le sien et celui de F.

143    Ensuite, les signatures et les contresignatures des relevés de tâches des conventions DIEGO et SEED ont été systématiquement apposées le dernier jour de chaque mois, samedi et dimanche compris. Ce constat ne manque pas de surprendre. En effet, il laisse entendre que les différents participants aux projets ont signé et contresigné des documents pendant le week-end, en particulier durant leur repos dominical. Par ailleurs, une comparaison entre les relevés de tâches et les registres journaliers du conseiller financier et du secrétaire général (les seuls qui ont été versés au dossier) révèle que ces deux personnes ont signé leurs relevés de tâches les week-ends où ils ne travaillaient pas (à savoir samedi 30 juin 2012, dimanche 30 septembre 2012, dimanche 31 mars 2013, dimanche 30 juin 2013 pour les deux intéressés et samedi 31 mai 2014 en plus pour le secrétaire général).

144    Ces différents éléments constituent des indices que les relevés de tâches ont été créés au même moment, a posteriori, et ne sont donc pas crédibles.

145    En tout état de cause, la requérante ne produit aucun élément de nature à clarifier les anomalies relevées par la Commission et à établir la fiabilité des relevés de tâches des conventions DIEGO et SEED.

146    Premièrement, l’argument de la requérante selon lequel l’appréciation de la Commission s’attachant à « des erreurs » dans les relevés de tâches serait disproportionnée et fallacieuse, dans la mesure où la Commission ne s’attacherait en réalité qu’à une seule erreur, est inopérant. En effet, même à la supposer établie, cette circonstance n’est pas de nature à clarifier les anomalies relevées par la Commission.

147    Deuxièmement, l’argument de la requérante selon lequel il serait disproportionné et inexact de déduire du fait qu’une signature d’un employé ne coïncide pas avec ses autres signatures dans un seul relevé de tâches que toutes les signatures auraient été apposées « à la chaîne » doit être rejeté.

148    Cet argument, consistant, en substance, à dénier la possibilité pour la Commission de procéder par inférence, contrevient à la charge de la preuve telle que définie aux points 63 et 64 ci-dessus. Par conséquent, en se fondant sur la présomption d’inéligibilité des coûts, présomption qui est appuyée par des indices concrets et qui n’est pas renversée par des éléments probants, la Commission est fondée à soutenir que les relevés de tâches n’ont pas été établis à mesure que le projet avançait, mais ont été fabriqués avant l’arrivée des auditeurs et signés à la chaîne (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, points 105 et 106 et jurisprudence citée).

149    Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal devrait rejeter les allégations de la Commission dès lors que cette dernière n’a pas eu recours à un expert en graphologie pour expertiser les signatures dans les relevés de tâches doit être rejeté.

150    En effet, l’examen des éléments versés au dossier ne requiert aucune expertise particulière. Le constat que les relevés de tâches ont tous été signés et contresignés le dernier jour de chaque mois, y compris lorsque ce jour tombait un samedi ou un dimanche, ne nécessite aucune compétence particulière. Il est également aisé de constater que la signature du relevé de juillet 2011 de F correspond à celle de I, sauf à supposer que celle-là ait imité la signature de celui-ci. Ces éléments sont suffisants pour établir que les documents n’ont pas été signés aux dates renseignées et présumer qu’ils l’ont été a posteriori et à la chaîne.

151    La Commission soutient que ces preuves ne laissent planer aucun doute, mais que la possibilité de demander à la requérante de fournir les originaux des relevés de tâches est laissée à la discrétion du Tribunal.

152    À supposer que ce propos doive être interprété comme une demande de mesure d’organisation de la procédure, il convient de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (arrêt du 11 juin 2015, EMA/Commission, C‑100/14 P, non publié, EU:C:2015:382, point 80).

153    En l’espèce, eu égard aux constatations déjà effectuées au point 150 ci-dessus, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé pour statuer sur l’argument de la requérante. Il n’y a donc pas lieu de faire droit à une demande tendant à l’adoption de mesures d’organisation de la procédure.

154    Quatrièmement, l’argument de la requérante selon lequel la Commission ne saurait invoquer comme élément de preuve le fait que les signatures des relevés de tâches aient été apposées « à la chaîne », dans la mesure où les documents originaux avaient déjà été examinés par les auditeurs et que ces derniers n’avaient relevé aucune anomalie, doit être rejeté.

155    En effet, une procédure d’audit n’est qu’une procédure préalable et préparatoire, distincte de la procédure pouvant éventuellement aboutir à un recouvrement, cette dernière étant menée par les services opérationnels de l’autorité, qui ne sont aucunement liés par les conclusions du rapport d’audit (ordonnance du 4 décembre 2014, Talanton/Commission, T‑165/13, non publiée, EU:T:2014:1027, point 47 ; arrêts du 5 octobre 2016, European Children’s Fashion Association et Instituto de Economía Pública/EACEA, T‑724/14, non publié, EU:T:2016:600, point 66, et du 11 juillet 2019, IPPT PAN/Commission et REA, T‑805/16, non publié, EU:T:2019:496, point 132).

156    Dès lors, la Commission ne saurait être empêchée de présenter des indices concrets qui n’auraient pas été relevés ou retenus par les auditeurs.

vi)    Sur les contradictions dans les déclarations

157    Les contradictions relevées par la Commission entre les différentes déclarations de la requérante constituent l’élément de preuve no 8 sur lequel elle s’appuie pour établir l’absence de fiabilité des relevés de tâches établis dans le cadre des conventions de subvention.

158    En l’espèce, dans la lettre du 25 juin 2018 et le mémoire en défense, la Commission a fourni une liste non exhaustive d’exemples corroborant l’absence de fiabilité des relevés de tâches se fondant sur les contradictions existantes entre les relevés de tâches et les heures déclarées dans le tableau présenté par la requérante dans son courriel du 15 janvier 2018.

159    Dans ce dernier tableau, la requérante établit pour chaque relevé de tâches un lien avec les activités réalisées au cours du mois en question. Elle y renseigne le nombre d’heures déclarées dans le relevé de tâches de même que celui nécessaire pour réaliser l’activité concernée. Or, force est de constater que, dans la grande majorité des cas, ces deux chiffres ne concordent pas. Par ailleurs, le nombre d’heures déclarées pour réaliser certaines activités apparaît excessif.

160    Par exemple, pour le « 1st Workshop DIEGO D 1.1.26 » du 29 septembre 2011, E aurait consacré 72 heures à l’événement, alors que, durant ce mois, aucune heure de travail n’a été déclarée dans son relevé de tâches. Quant à G, il déclare avoir travaillé 144 heures pour ce même événement, alors que, pour le mois de septembre 2011, il déclare un total de 88 heures dans son relevé de tâches.

161    Par ailleurs, s’il ne saurait être exclu que la préparation de certaines activités ait pu s’étaler sur plusieurs mois, il n’est pas possible d’expliquer comment F a pu consacrer 48 heures au « Kick-off Meeting » des 12 et 13 mai 2010, qui, comme son nom l’indique, est la première réunion relative au projet DIEGO, alors qu’aucune heure de travail n’est déclarée dans le relevé de temps de travail du mois correspondant ou du mois précédent, qui marque l’entrée en vigueur de cette convention.

162    La requérante ne produit aucun élément de nature à clarifier les anomalies relevées par la Commission et à établir la fiabilité des relevés de tâches.

163    En effet, l’affirmation de la requérante selon laquelle le nombre d’heures nécessaires à la réalisation d’une activité ou d’un événement serait indépendant des heures imputées dans les relevés de tâches ne peut être suivie, dans la mesure où la requérante elle-même établit un parallèle dans son tableau entre la date des activités et les relevés de tâches des mois concernés.

164    Par ailleurs, l’allégation de la requérante selon laquelle, lors de la réunion du 30 novembre 2017, la Commission se serait engagée à réexaminer tous les éléments de preuve relatifs à l’ensemble des employés travaillant sur les projets DIEGO et SEED s’il était démontré que des erreurs avaient été commises pendant l’audit apparaît inopérante. En effet, même si cette circonstance était avérée, elle ne serait pas en mesure de clarifier les incohérences relevées aux points 158 à 161 ci-dessus.

165    En tout état de cause, la requérante n’apporte pas la preuve que la Commission a pris un tel engagement. Le courriel de la requérante du 15 décembre 2017 sur lequel elle fonde son allégation ne constitue pas un procès-verbal de réunion. Il s’agit d’un simple courriel administratif dans lequel la requérante se félicite des résultats de la réunion. De plus, le passage du courriel sur lequel elle fonde son allégation, à savoir « j’espère sincèrement que les nouveaux éléments de preuve auront pour résultat de restaurer la confiance dans notre travail », ne permet pas d’extrapoler un quelconque engagement de la Commission à adopter un comportement déterminé.

vii) Sur les preuves alternatives

166    La requérante fait valoir, en substance, que le rapport d’audit n’a pas pris correctement en considération les informations supplémentaires qu’elle a transmises pendant l’audit.

167    La Commission ne prend pas position sur les arguments avancés par la requérante.

168    Force est de constater que la requérante, qui affirme avoir versé au dossier l’intégralité des documents communiqués durant l’audit, n’identifie pas les documents concernés parmi les annexes du dossier.

169    L’annexe A.121 de la requête, censée refléter la « liste de leur contenu », ne permet pas non plus d’établir une corrélation entre les annexes versées au dossier et les documents communiqués durant l’audit. En effet, cette annexe établit une liste de dossiers et de fichiers sauvegardés sur un serveur non identifié. Les fichiers sont aux formats JPEG, PDF ou DOC et leurs noms ne permettent aucun rapprochement avec les annexes versées au dossier. Il s’agit de noms tels que « K :\Ficheros diego\[confidentiel] (1)\doc6.pdf », « K :\Ficheros diego\[confidentiel]\r8.jpg » ou encore « K :\Ficheros seed\[confidentiel]\correo4.pdf ».

170    Dans le prolongement de la jurisprudence citée au point 102 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94 et jurisprudence citée).

171    Il s’ensuit que l’allégation de la requérante reprise au point 166 ci-dessus, faute d’avoir été explicitée dans la requête, doit être rejetée comme irrecevable.

viii) Sur les autres contestations liées à la fiabilité des enregistrements de temps de travail

172    La requérante soutient, en substance, que différentes constatations du rapport d’audit liées à la fiabilité des enregistrements de temps de travail seraient entachées d’erreurs ou d’inexactitudes. Ses arguments, formulés dans la requête et sur lesquels la Commission ne prend pas position, ne sont plus évoqués dans la réplique.

–       Sur le système d’enregistrement des temps de travail

173    La requérante conteste deux constatations de la section 4 du rapport d’audit liées à son système d’enregistrement des temps de travail.

174    En premier lieu, elle soutient que les auditeurs n’ont pas compris les relevés de tâches et son système d’enregistrement des temps de travail. Cela ressortirait de la section 4.2 du rapport d’audit, selon laquelle les relevés de tâches devraient reprendre seulement des informations relatives aux heures consacrées à la mise en œuvre des projets en cause, alors que ces documents rempliraient déjà ces conditions. De plus, l’affirmation des auditeurs selon laquelle ces documents sont établis sur une base journalière serait inexacte, puisque ces documents seraient remplis sur une base mensuelle.

175    En second lieu, les auditeurs auraient expressément reconnu à la section 4.3 du rapport d’audit que l’appréciation de l’adéquation des contrôles internes de la requérante ne ressortirait pas de leur compétence, mais auraient tout de même porté une appréciation sur son système d’enregistrement des temps de travail. Leur conclusion quant à la fiabilité de ce système devrait donc être rejetée dans la mesure où ils ne l’ont pas compris.

176    En premier lieu, d’après la section 4.2 du rapport d’audit, les feuilles de présence (time sheets) de la requérante sont établies sous forme de tableurs, réalisés sur Excel, sur une base journalière. Or, les relevés de tâches versés au dossier font état d’un décompte mensuel des heures passées sur le projet et ne sont pas établis sous forme de tableurs Excel.

177    Dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 27 avril 2020, la Commission a expliqué que le rapport d’audit n’était entaché d’aucune erreur, mais manquait de précision, dans la mesure où chaque membre de l’équipe travaillant sur le projet DIEGO aurait reporté quotidiennement ses heures dans des fichiers Excel et où les relevés de tâches, établis mensuellement, refléteraient l’enregistrement des heures effectué quotidiennement par chaque employé. Durant l’audit, seule une copie des relevés de tâches a été fournie. Les fichiers Excel journaliers auraient été consultés sur un ordinateur mis à la disposition des auditeurs.

178    Dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 5 juin 2020, la requérante nie l’existence des fichiers Excel quotidiens.

179    Toutefois, les parties s’accordent sur le fait que les données figurant sur les fichiers Excel correspondent (ou, à supposer qu’ils existent, devraient en toute hypothèse correspondre) à celles figurant sur les relevés de tâches.

180    Par conséquent, cette erreur contenue dans le rapport d’audit, à la supposer avérée, est sans incidence sur les données contenues dans les relevés de tâches et ne saurait remettre en cause les constatations opérées aux points 99 à 165 ci-dessus liées à la fiabilité de ces relevés.

181    En second lieu, l’argument de la requérante se fonde sur une lecture erronée de la section 4.3 du rapport d’audit, puisque les auditeurs ne se sont pas référés à leur compétence, mais à leur objectif.

–       Sur le volume des heures déclarées dans les relevés de tâches

182    La requérante conteste trois constatations de la section 5.4 du rapport d’audit traitant de la compatibilité entre le volume des heures déclarées au titre des projets DIEGO et SEED dans certains relevés de tâches et l’exercice de certaines fonctions.

183    Premièrement, la requérante fait valoir que le taux de participation des employés exerçant des fonctions relatives aux ressources humaines et au contrôle juridique, comptable et financier, à l’exception du contrôleur financier et du secrétaire général, serait notablement faible.

184    Deuxièmement, la requérante estime qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre le nombre d’heures déclarées et la charge de travail liée à l’exercice de ces fonctions. Elle renvoie, à cet égard, à la légalité des heures supplémentaires évoquée au point 204 ci-après et à l’absence d’incompatibilité en ce qui concerne les fonctionnaires concernés.

185    Troisièmement, la requérante conteste la base juridique retenue par les auditeurs liée aux fonctions de contrôleur financier et de secrétaire général, dans la mesure où cette législation nationale ne réglementerait pas le régime des incompatibilités légales des fonctionnaires publics.

186    Premièrement, en ce qui concerne l’argument de la requérante s’attachant au taux de participation des employés aux projets, il y a lieu de relever que le passage du rapport d’audit mis en cause par la requérante ne s’attache pas à un tel taux, mais se contente de relever que certains employés ont déclaré beaucoup d’heures de travail au titre du projet. Or, en l’espèce, ces deux concepts ne sont pas équivalents, dans la mesure où les personnes ayant participé au projet n’y ont pas toutes participé pendant la même durée. Ainsi, un employé participant uniquement durant un mois au projet, mais y consacrant 100 % de son temps de travail, ne saurait avoir un taux de participation élevé au projet, bien que le temps consacré au projet l’ait empêché de se consacrer à d’autres tâches pendant le mois en question.

187    En tout état de cause, la requérante n’identifie pas les employés sur lesquels elle entend appuyer sa démonstration. Elle se contente de renvoyer aux tableaux I et VI de la requête sans plus de précision. De même, la description des tâches effectuées par les personnes ayant travaillé sur les projets DIEGO et SEED, figurant aux points 11 et 40 de la requête, manque de précision et l’affectation des intéressés n’y est pas précisée.

188    Deuxièmement, en ce qui concerne l’incompatibilité entre le nombre d’heures déclarées et la charge de travail liée à l’exercice des fonctions relatives aux ressources humaines et au contrôle juridique, comptable et financier, retenue par les auditeurs, il y a lieu de rappeler qu’en cas de contestation, il incombe à la requérante, en sa qualité de bénéficiaire de la convention de subvention, de démontrer, par la production d’une documentation précise, complète et probante, la réalité, la nécessité et le caractère économique des coûts encourus dont elle réclame le remboursement à la Commission, conformément à l’article II.23 des conditions générales des conventions de subvention. Partant, la requérante ne saurait utilement contester la constatation des auditeurs, selon laquelle le nombre d’heures déclarées et la charge de travail liée à l’exercice de certaines fonctions seraient incompatibles, en se limitant à faire référence à la légalité des heures supplémentaires et à l’absence d’incompatibilité en ce qui concerne les personnes concernées (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Epsilon International/Commission, T‑477/16, non publié, EU:T:2018:714, point 100).

189    Troisièmement, en ce qui concerne la base juridique citée par les auditeurs liée aux fonctions de contrôleur financier et de secrétaire général, il y a lieu de relever que la requérante effectue une lecture erronée du passage concerné du rapport d’audit. En effet, contrairement à ce que semble considérer la requérante, les auditeurs ne se sont pas attachés aux incompatibilités légales existant relativement à ces personnes, mais ont simplement constaté que la loi qui y est citée régissait l’exercice de ces deux fonctions.

190    Il résulte de ce qui précède que les arguments de la requérante relatifs à l’incompatibilité entre le nombre d’heures déclarées et la charge de travail liée à l’exercice de certaines fonctions doivent être rejetés comme non fondés.

–       Sur les erreurs systématiques

191    La requérante soutient, en substance, qu’elle n’a pas commis les erreurs systématiques relevées dans la section 5.4 du rapport d’audit.

192    En l’espèce, la requérante se contente d’affirmer que ces erreurs ne seraient pas réelles et auraient toutes été réfutées au cours de la procédure administrative, preuves à l’appui, et renvoie à cet égard sans plus de précision aux annexes A.112.2 à A.112.4 de la requête.

193    En vertu de la jurisprudence rappelée aux points 102 et 170 ci-dessus, aux termes de laquelle il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les griefs que les pièces annexées sont censées étayer, l’allégation de la requérante reprise au point 191 ci-dessus, faute d’avoir été explicitée dans la requête, doit être rejetée comme irrecevable.

ix)    Sur l’offre de preuve de la requérante

194    La requérante propose que huit membres de son personnel ayant participé à l’exécution des conventions de subvention soient entendus comme témoins. Au stade de la réplique, la requérante justifie l’utilité de cette offre de preuve par la nécessité de démontrer la fiabilité des relevés de tâches. En s’opposant dans le mémoire en défense à cette offre, la Commission aurait violé le droit de la requérante à une protection juridictionnelle effective ainsi que ses droits de la défense.

195    En vertu de la jurisprudence rappelée au point 152 ci-dessus, il appartient au Tribunal d’apprécier la pertinence d’une demande d’audition de témoins par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (voir arrêt du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 78 et jurisprudence citée).

196    En l’espèce, après avoir examiné cette demande de mesure d’instruction au regard des moyens et des arguments invoqués, celle-ci n’apparaît ni pertinente ni nécessaire, compte tenu des éléments dont le Tribunal dispose, pour statuer sur le présent recours, et, partant, il n’y a pas lieu de donner une suite favorable à cette demande d’audition de témoins.

197    À titre incident, il y a lieu de relever que cette décision est également conforme à la position défendue par la requérante dans ses écrits. En effet, cette dernière soutient, dans le cadre des entretiens professionnels menés entre un an et trois ans après l’achèvement des projets en cause, que la capacité des travailleurs à pouvoir répondre de manière adéquate aux questions posées par les auditeurs a pu être significativement diminuée. Or, selon ce même raisonnement, le délai de cinq ans écoulé depuis ces entretiens ne peut guère avoir amélioré la connaissance des projets chez les employés concernés.

198    Pour finir, il ne saurait être soutenu sérieusement que la Commission, en faisant valoir que la requérante n’aurait pas justifié de la nécessité d’auditionner les témoins proposés, aurait violé le droit à une protection juridictionnelle effective et les droits de la défense de la requérante. En tout état de cause, cette dernière s’étant limitée à énoncer une violation de ces droits sans expliciter, ne serait-ce que succinctement, en quoi consisterait cette violation, cette allégation doit être rejetée comme étant irrecevable conformément à la jurisprudence visée au point 102 ci-dessus.

x)      Conclusion intermédiaire

199    Il résulte des points 86 à 198 ci-dessus que la Commission est fondée à soutenir que la requérante n’a pas été en mesure de produire des relevés de tâches fiables pour justifier les coûts de personnel qu’elle a déclarés.

200    Bien que le non-respect de cette obligation, lors de l’audit financier, permette de rejeter l’ensemble des coûts de personnel (voir point 84 ci-dessus), la Commission a tout de même accepté l’éligibilité de certains d’entre eux dans le cadre de la procédure subséquente de recouvrement engagée par ses services.

201    Dès lors, il y a lieu également d’examiner les arguments de la requérante contestant les autres paramètres intervenant dans le calcul des coûts éligibles. En effet, ainsi qu’il ressort du point 79 ci-dessus, les coûts de personnel sont calculés en fonction de différentes variables et le nombre d’heures consacrées à la réalisation des projets n’est que l’un d’entre eux. La Commission ne saurait s’affranchir des règles contractuelles applicables aux coûts dont elle a accepté l’éligibilité.

202    Dans ce contexte, la requérante conteste également le nombre d’heures productives annuelles retenu par les auditeurs.

2)      Sur le nombre d’heures productives annuelles

203    La requérante conteste le nombre d’heures productives annuelles, retenu dans la section 5.3 du rapport d’audit, comme base de calcul des coûts de personnel.

204    À cet égard, la requérante fait valoir que les auditeurs se seraient appuyés sur une base juridique erronée pour calculer le nombre d’heures productives annuelles. En tout état de cause, les auditeurs auraient omis, dans le cadre de ce calcul, de prendre en considération la faculté reconnue à la requérante, par la législation nationale, de fixer des compléments de rémunération pour les heures supplémentaires effectuées par les membres de son personnel. Son contrôleur financier et son secrétaire général auraient ainsi bénéficié de cette possibilité.

205    La Commission ne prend pas position sur ces arguments.

206    En l’espèce, le rapport d’audit ne distingue pas entre les différentes catégories de personnel de la requérante et établit un nombre d’heures productives annuelles unique pour chaque année d’exécution des conventions. La requérante estime donc, en substance, que les chiffres retenus par les auditeurs seraient d’une façon générale erronés et qu’un nombre ad hoc aurait dû être établi pour le contrôleur financier et le secrétaire général.

207    En ce qui concerne le nombre d’heures productives annuelles « générales », la requérante reconnaît elle-même, au point 188 de la requête, que le nombre d’heures productives annuelles retenu dans le rapport d’audit pour les différentes années d’exécution des conventions de subvention correspond à celui figurant dans la législation nationale applicable, selon elle, en l’espèce. La contestation de la requérante ne porte donc pas sur les chiffres retenus dans le rapport d’audit, mais seulement sur la base juridique qui y est citée. Dès lors, même à la supposer établie, cette circonstance n’est pas susceptible d’avoir un impact sur le nombre d’heures productives annuelles.

208    En ce qui concerne l’adoption d’un nombre d’heures productives annuelles « ad hoc » à destination du contrôleur financier et du secrétaire général, il ressort de l’article II.21, paragraphe 2, du guide financier que les heures supplémentaires ne sont pas prises en considération dans le cadre de la détermination des heures productives si elles sont rémunérées (voir point 58 ci-dessus). Dès lors, à supposer même que la législation citée par la requérante ait été effectivement applicable au contrôleur financier et au secrétaire général, les éventuelles heures supplémentaires rémunérées réalisées par ces derniers ne sauraient être prises en considération dans le cadre de la détermination des heures productives annuelles.

209    Il résulte de ce qui précède que les arguments de la requérante liés au nombre d’heures productives annuelles doivent être rejetés comme étant inopérants.

210    Partant, il n’y pas lieu d’accueillir les arguments de la requérante relatifs aux coûts de personnel.

c)      Sur les autres coûts directs 

211    La requérante conteste des conclusions de la section 7, concernant les coûts de sous-traitance, et de la section 12, concernant les autres coûts spécifiques, du rapport d’audit, qui mettent en cause l’éligibilité d’autres coûts directs, à savoir 1 694 euros de coûts de sous-traitance pour la convention SEED ainsi que, parmi les autres coûts spécifiques, 291,79 euros de frais de déplacement et 56,26 euros de chèques-repas pour la convention DIEGO.

212    La Commission conteste les arguments de la requérante.

213    En ce qui concerne les coûts de sous-traitance, la requérante se contente de renvoyer à l’annexe A.118.D de la requête pour justifier de leur éligibilité. Or, force est de constater que cette allégation n’est pas explicitée dans la requête et qu’aucune annexe portant ce numéro n’a été versée au dossier. Il s’ensuit que, en vertu de la jurisprudence citée aux points 102 et 170 ci-dessus, la présente allégation est irrecevable.

214    En ce qui concerne les frais de déplacement, ainsi qu’il a été mentionné aux points 63 et 64 ci-dessus, il incombe à la requérante de prouver l’éligibilité des coûts qu’elle a déclarés. La requérante ne saurait justifier du caractère éligible des frais de déplacement en se contentant de faire valoir que les dispositions nationales visées dans le rapport d’audit seraient inapplicables en vertu d’autres dispositions nationales. Cette circonstance, à la supposer avérée, n’est pas suffisante pour démontrer l’éligibilité de ces coûts.

215    En ce qui concerne les chèques-repas, la requérante rejette le constat des auditeurs selon lequel une somme de 56,26 euros serait inéligible, dans la mesure où elle ne se rapportait pas à du personnel participant au projet DIEGO. Toutefois, force est de constater qu’elle n’identifie pas les personnes concernées et n’apporte aucun élément de preuve de leur participation au projet DIEGO.

216    Il ressort de ce qui précède qu’il n’y pas lieu d’accueillir les arguments de la requérante relatifs aux autres coûts directs.

d)      Sur les coûts indirects 

217    La requérante conteste les conclusions de la section 13 du rapport d’audit relatives au caractère non éligible des coûts indirects.

1)      Sur la requalification de certains coûts de personnel en coûts indirects

218    La requérante soutient que c’est à tort que la Commission a requalifié, dans le cadre des conventions de subvention, sur la base du rapport d’audit, des coûts de personnel en coûts indirects. À ce titre, elle fait valoir, en substance, que la contribution de son contrôleur financier et de son secrétaire général à la convention SEED devrait être considérée comme étant de nature directe.

219    La Commission ne prend pas position sur les arguments de la requérante.

220    Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article II.22, paragraphe 1, des conditions générales des conventions de subvention, les coûts indirects sont tous les coûts éligibles qui ne peuvent pas être identifiés par le contractant comme étant directement attribués au projet, mais qui peuvent être identifiés et justifiés par son système de comptabilité comme ayant été encourus en relation directe avec les coûts directs éligibles attribués au projet.

221    Le guide financier clarifie la notion de coûts indirects, également appelés frais généraux (overheads), qui sont tous les coûts structurels et d’appui de nature administrative, technique et logistique transversaux au fonctionnement des différentes activités de l’organisme bénéficiaire et qui ne peuvent donc pas être entièrement imputés au projet. La nature d’un coût indirect est telle qu’il n’est pas possible, ou du moins faisable, de mesurer directement dans quelle mesure le coût est attribuable à un objectif de coût unique.

222    En l’espèce, selon la requérante, l’implication du contrôleur financier devrait être de nature directe, dans la mesure où il exerce un contrôle financier critique, formel et matériel sur les paiements et assure la mise en œuvre matérielle des investissements avec pour objectif d’exercer un contrôle des actes du bénéficiaire.

223    Or, force est de constater que les tâches exercées par le contrôleur financier résultent du fonctionnement normal que la requérante doit supporter en tout état de cause, en raison de son activité habituelle, et indépendamment de la réalisation du projet SEED, et ne sont pas réellement liées à la réalisation de ce projet (voir, par analogie, arrêt du 13 mars 2003, Comunità montana della Valnerina/Commission, T‑340/00, EU:T:2003:71, points 77 et 106).

224    Une conclusion identique s’impose pour le secrétaire général, qui, selon la requérante, effectue des expertises juridiques contraignantes et certifie tous les actes et accords passés par la requérante.

225    C’est donc à juste titre que les coûts de personnel du contrôleur financier et du secrétaire général n’ont pas été considérés comme des coûts directs. Partant, la Commission était en droit de les considérer comme des coûts indirects.

2)      Sur la quantification des coûts indirects

226    La requérante reproche, en substance, à la Commission d’avoir considéré que certains coûts indirects exposés n’étaient pas éligibles, à concurrence d’un montant de 83 727 euros pour la convention DIEGO et d’un montant de 133 893 euros pour la convention SEED. Dans la mesure où elle aurait démontré que les coûts de personnel étaient éligibles, elle soutient qu’il devrait en aller de même des coûts indirects.

227    La Commission ne prend pas position sur ces arguments.

228    En vertu de l’article II.22, paragraphe 2, des conditions générales des conventions de subvention, les coûts indirects sont calculés sur une base forfaitaire de 30 % des coûts de personnel. L’éligibilité des coûts indirects découle ainsi de la reconnaissance de l’éligibilité des coûts de personnel. Or, dans la mesure où il ressort des points 210 et 216 ci-dessus que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a rejeté comme étant inéligibles les coûts directs déclarés par la requérante, il n’y a pas lieu de considérer que les conclusions relatives aux coûts indirects sont contraires aux stipulations contractuelles.

229    Il ressort de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu d’accueillir les arguments de la requérante relatifs aux coûts indirects.

230    Partant, les premier et deuxième moyens doivent être rejetés.

3.      Sur le troisième moyen, relatif aux manquements de la Commission à ses obligations contractuelles

231    Par son troisième moyen, tiré du manquement de la Commission à ses obligations contractuelles, la requérante entend faire valoir différentes violations par la Commission de ses obligations contractuelles.

232    Premièrement, la Commission aurait méconnu l’obligation qui lui incombe de vérifier la compétence des auditeurs chargés de mener à bien l’audit et la manière dont ils se sont acquittés de leurs tâches, dans la mesure où la Commission a accepté de corriger certains coûts de personnel après l’envoi par la requérante des éléments de preuve solides .

233    Deuxièmement, la Commission aurait violé les droits de la défense de la requérante, n’examinant les éléments de preuve qu’elle a fournis qu’« in extremis ». Cela découlerait notamment des propos tenus par la Commission, lors de la réunion du 3 novembre 2017, aux termes desquels elle n’aurait pas eu le temps d’examiner l’énorme quantité de preuves qu’elle a transmises.

234    Troisièmement, la Commission aurait violé son obligation d’exécution de bonne foi des conventions en demandant le remboursement de pratiquement la totalité du financement convenu dans les conventions de subvention, alors que la requérante a respecté ses obligations contractuelles. Elle aurait également maintenu ouverte la procédure de recouvrement sans procéder à un réexamen en profondeur et se serait refusée à revoir l’ensemble de la procédure lorsqu’elle s’est finalement rendu compte de ses erreurs.

235    La Commission conteste les arguments de la requérante.

236    Premièrement, en ce qui concerne l’obligation de vérifier la compétence des auditeurs, il n’est pas clair si, par cette allégation, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir modifié sa position dans le cadre de la procédure de recouvrement, de ne pas avoir modifié les conclusions du rapport d’audit après l’envoi des éléments de preuve solides ou de ne pas avoir vérifié les qualifications des auditeurs avant le lancement de la procédure d’audit.

237    Tout d’abord, ainsi qu’il résulte du point 230 ci-dessus, la requérante n’apporte pas la preuve que la Commission aurait mal apprécié les coûts éligibles dans le cadre de la procédure de recouvrement.

238    Ensuite, le fait que des documents et des allégations aient été présentés par la requérante dans le cadre de la procédure de recouvrement n’implique pas qu’ils doivent être pris en considération aux fins d’autres procédures déjà clôturées telles que celle de l’audit, dont le rapport final avait déjà été communiqué à la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2016, Intercon/Commission, T‑632/14, non publié, EU:T:2016:526, point 76).

239    Enfin, aucune disposition contractuelle n’impose à la Commission de vérifier les qualifications des auditeurs avant le lancement d’une procédure d’audit.

240    Deuxièmement, en ce qui concerne la violation des droits de la défense de la requérante, celle-ci fait référence à un examen « in extremis » par la Commission des éléments de preuve fournis. Cette allégation apparaît incompréhensible. Il s’ensuit que, au regard de la jurisprudence citée au point 102 ci-dessus, cette allégation de la requérante manque de clarté et qu’il convient, par conséquent, de la rejeter comme étant irrecevable.

241    Troisièmement, en ce qui concerne la violation de l’obligation d’exécuter de bonne foi les conventions, il y a lieu de rappeler que, en vertu du droit belge, applicable à titre subsidiaire aux conventions de subvention en cause, l’obligation d’exécuter de bonne foi ces conventions interdit aux parties d’exercer leurs droits d’une manière qui excéderait manifestement les limites de l’exercice normal de ce droit par une personne prudente et diligente [arrêt de la Cour de cassation (Belgique) du 16 novembre 2007 (référence C.06.0349.F.1)].

242    Comme cela a été expliqué au point 61 ci-dessus, afin que la Commission puisse exercer son contrôle, les bénéficiaires de subventions doivent démontrer le caractère éligible des coûts imputés aux projets subventionnés. Or, ainsi que cela a été constaté aux points 210, 216 et 229 ci-dessus, la requérante n’a pas dûment justifié les coûts déclarés.

243    À cet égard, il convient de relever que la Commission est tenue, aux termes de l’article 317 TFUE, de respecter le principe de bonne gestion financière. Elle veille également à la protection des intérêts financiers de l’Union dans l’exécution du budget de celle-ci. Il en est de même en matière contractuelle, dès lors que les subventions accordées par la Commission sont issues du budget de l’Union. Par conséquent, la Commission ne peut pas, sans porter atteinte auxdits principes établis par le traité FUE, approuver une dépense à charge du budget de l’Union sans fondement juridique. Or, dans le contexte d’une subvention, c’est la convention de subvention qui régit les conditions d’octroi et d’utilisation de celle-ci et, plus particulièrement, les clauses relatives à la détermination du montant de cette subvention en fonction des coûts déclarés par le cocontractant de la Commission. Il s’ensuit que, si les coûts déclarés par un bénéficiaire ne sont pas éligibles au titre de la convention de subvention concernée, la Commission n’a d’autre choix que de procéder au recouvrement de la subvention à concurrence des montants non justifiés, dès lors que, sur la base du fondement juridique que constitue cette convention de subvention, cette institution n’est autorisée à liquider, à charge du budget de l’Union, que des sommes dûment justifiées (arrêt du 19 septembre 2019, BTC/Commission, T‑786/17, non publié, EU:T:2019:630, point 98).

244    À la lumière de ces principes et eu égard à l’ensemble des constatations effectuées par la Commission, il ne saurait être reproché à cette dernière d’avoir méconnu le principe d’exécution de bonne foi des conventions en demandant à la requérante le remboursement de pratiquement la totalité des coûts déclarés imputés aux conventions de subvention, représentant, certes, la quasi-intégralité de la somme versée à la requérante au titre de ces conventions de subvention, en raison du caractère inéligible desdits coûts de personnel (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, BTC/Commission, T‑786/17, non publié, EU:T:2019:630, point 99).

245    Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

246    Il ressort des considérations qui précèdent que les deuxième au septième chefs de conclusions doivent être rejetés dans leur totalité.

247    Partant, le recours est rejeté.

IV.    Sur les dépens

248    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

249    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ayuntamiento de Quart de Poblet supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

Svenningsen

Barents

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 mars 2021.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Sur les conventions de subvention en cause

B. Sur la procédure d’audit

C. Sur la procédure de recouvrement engagée par la Commission

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur l’étendue du litige

B. Sur le fond

1. Observations liminaires

a) Sur le droit applicable

1) Sur les conventions de subvention

2) Sur le droit belge

3) Sur le guide financier du programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité

b) Sur les conditions d’éligibilité

c) Sur la charge de la preuve

2. Sur les premier et deuxième moyens, relatifs à l’éligibilité des dépenses déclarées par la requérante

a) Sur l’expertise et l’objectivité des auditeurs

b) Sur les coûts de personnel

1) Sur la fiabilité des relevés de tâches

i) Sur les cas du contrôleur financier et du secrétaire général

ii) Sur les entretiens professionnels

– Sur la nature et l’importance des entretiens

– Sur l’absence de fiabilité des entretiens

iii) Sur la coïncidence des heures déclarées

iv) Sur les contradictions existantes entre les relevés de tâches et les activités décrites dans le premier rapport annuel d’activité de la convention SEED

v) Sur les erreurs dans les relevés de tâches et les signatures apposées « à la chaîne »

vi) Sur les contradictions dans les déclarations

vii) Sur les preuves alternatives

viii) Sur les autres contestations liées à la fiabilité des enregistrements de temps de travail

– Sur le système d’enregistrement des temps de travail

– Sur le volume des heures déclarées dans les relevés de tâches

– Sur les erreurs systématiques

ix) Sur l’offre de preuve de la requérante

x) Conclusion intermédiaire

2) Sur le nombre d’heures productives annuelles

c) Sur les autres coûts directs

d) Sur les coûts indirects

1) Sur la requalification de certains coûts de personnel en coûts indirects

2) Sur la quantification des coûts indirects

3. Sur le troisième moyen, relatif aux manquements de la Commission à ses obligations contractuelles

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’espagnol.


1 Données confidentielles occultées.