Language of document : ECLI:EU:T:2023:566

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

20 septembre 2023 (*)

« Aides d’État – Régime d’aides mis à exécution par la Belgique – Décision déclarant le régime d’aides incompatible avec le marché intérieur et illégal et ordonnant la récupération de l’aide versée – Décision fiscale anticipée (tax ruling) – Bénéfices imposables – Exonération des bénéfices excédentaires – Avantage – Caractère sélectif – Récupération »

Dans les affaires T‑201/16, T‑335/16, T‑357/16 et T‑369/16,

Soudal NV, établie à Turnhout (Belgique), représentée par Me H. Viaene, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑201/16,

Esko-Graphics BVBA, établie à Gand (Belgique), représentée par Me Viaene,

partie requérante dans l’affaire T‑335/16,

Punch Powertrain, établie à Saint-Trond (Belgique), représentée par Me P. Wytinck, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑357/16,

Luciad, établie à Louvain (Belgique), représentée par Mes D. Arts, P. Smet et I. Panis, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑369/16,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P.-J. Loewenthal, B. Stromsky et Mme F. Tomat, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, M. S. Frimodt Nielsen, Mme V. Tomljenović (rapporteure), MM. R. Norkus et W. Valasidis, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la décision du 16 février 2018 de suspendre la procédure dans l’attente des décisions mettant fin à l’instance dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt du 14 février 2019, Belgique et Magnetrol International/Commission (T‑131/16 et T‑263/16, EU:T:2019:91), et à l’arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International (C‑337/19 P, EU:C:2021:741),

–        la décision du 9 septembre 2022 de reprendre la procédure,

–        les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions,

vu l’ordonnance de la présidente de la deuxième chambre élargie du 21 décembre 2022 portant jonction des affaires T‑201/16, T‑335/16, T‑357/16 et T‑369/16 aux fins de la phase orale de la procédure,

à la suite de l’audience du 16 février 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par leurs recours fondés sur l’article 263 TFUE, les requérantes, dans l’affaire T‑201/16, Soudal NV, dans l’affaire T‑335/16, Esko-Graphics BVBA, dans l’affaire T‑357/16, Punch Powertrain, et, dans l’affaire T‑369/16, Luciad, demandent l’annulation de la décision (UE) 2016/1699 de la Commission, du 11 janvier 2016, relative au régime d’aides d’État concernant l’exonération des bénéfices excédentaires SA.37667 (2015/C) (ex 2015/NN) mis en œuvre par la Belgique (JO 2016, L 260, p. 61, ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Les faits à l’origine du litige ainsi que le cadre juridique qui y est afférent ont été exposés par le Tribunal aux points 1 à 28 de l’arrêt du 14 février 2019, Belgique et Magnetrol International/Commission (T‑131/16 et T‑263/16, EU:T:2019:91), ainsi que par la Cour aux points 1 à 24 de l’arrêt du 16 septembre 2021, Commission/Belgique et Magnetrol International (C‑337/19 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2021:741). Pour les besoins de la présente procédure, ils peuvent être résumés de la manière suivante.

3        Moyennant une décision anticipée adoptée par le « service des décisions anticipées » du service public fédéral des finances belge, sur le fondement de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après le « CIR 92 »), lu conjointement avec l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière d’impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale (Moniteur belge du 31 décembre 2002, p. 58817, ci-après la « loi du 24 décembre 2002 »), les sociétés résidentes belges faisant partie d’un groupe multinational et les établissements stables belges de sociétés résidentes étrangères faisant partie d’un groupe multinational pouvaient réduire leur base imposable en Belgique en déduisant les bénéfices, considérés comme « excédentaires », des bénéfices qu’ils avaient enregistrés. Par ce système, une partie des bénéfices réalisés par les entités belges bénéficiant d’une décision anticipée n’était pas imposée en Belgique. Selon les autorités fiscales belges, ces bénéfices excédentaires découlaient des synergies, des économies d’échelle ou d’autres avantages résultant de l’appartenance à un groupe multinational, et, partant, n’étaient pas imputables aux entités belges en question.

4        Les requérantes dans les présentes affaires sont des sociétés établies en Belgique et intégrées à des groupes multinationaux d’entreprises. Ces sociétés effectuent des transactions avec d’autres sociétés au sein de leurs groupes respectifs.

5        Il ressort de l’annexe de la décision attaquée ainsi que des pièces qui figurent dans les dossiers dans les présentes affaires que, le 21 février 2011, s’agissant de Soudal, le 28 janvier 2014, s’agissant d’Esko-Graphics, le 25 juin 2013, s’agissant de Punch Powertrain, et le 20 avril 2010, s’agissant de Luciad, le service des décisions anticipées, au sein du ministère des Finances belge, a adopté des décisions anticipées relatives à l’exonération des bénéfices excédentaires à l’égard des requérantes. Celles-ci en avaient fait la demande à la suite de restructurations au sein de leurs groupes d’entreprises visant à effectuer des investissements ou à centraliser un certain nombre de fonctions et de services auprès des sociétés de ces groupes, établies en Belgique. Ces décisions anticipées avaient une validité de plusieurs années.

6        À la suite d’une procédure administrative qui a commencé le 19 décembre 2013, par une lettre par laquelle la Commission européenne a demandé au Royaume de Belgique de lui fournir des renseignements concernant le système des décisions fiscales anticipées, relatives aux bénéfices excédentaires, qui se fondaient sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, la Commission a adopté la décision attaquée le 11 janvier 2016.

7        Par la décision attaquée, la Commission a constaté que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires, qui se fondait sur l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, en vertu duquel le Royaume de Belgique avait émis des décisions anticipées en faveur d’entités belges de groupes multinationaux d’entreprises, accordant auxdites entités une exonération pour une partie des bénéfices qu’elles réalisaient, constituait un régime d’aides d’État, accordant un avantage sélectif à ses bénéficiaires, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui était incompatible avec le marché intérieur.

8        Ainsi, la Commission a soutenu, à titre principal, que le régime en cause octroyait un avantage sélectif aux bénéficiaires des décisions anticipées, dans la mesure où l’exonération de leurs bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique. À titre subsidiaire, la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires pouvait procurer un avantage sélectif aux bénéficiaires des décisions anticipées, dans la mesure où une telle exonération s’écartait du principe de pleine concurrence.

9        Ayant constaté que le régime en cause avait été mis à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission a ordonné la récupération des aides ainsi octroyées auprès de leurs bénéficiaires, dont la liste définitive devait être ultérieurement établie par le Royaume de Belgique.

II.    Conclusions des parties

10      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

12      Il convient de joindre les présentes affaires aux fins de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, les parties ayant été entendues.

13      À l’appui de leurs recours, les requérantes soulèvent quatre moyens, qui visent, en substance, à contester les constatations de la Commission en ce qui concerne l’existence d’un régime d’aides, l’existence d’un avantage, dans les affaires T‑201/16, T‑335/16 et T‑357/16, et le caractère sélectif de celui-ci ainsi que la récupération des aides, ordonnée par la Commission. En outre, Luciad, dans l’affaire T‑369/16, conteste les constatations de la Commission en ce qui concerne la capacité du régime en cause à fausser ou à menacer de fausser la concurrence et l’affectation des échanges entre États membres. Par ailleurs, Soudal, dans l’affaire T‑201/16, reproche à la Commission de ne pas avoir appliqué le critère de l’investisseur privé.

A.      Sur la qualification du régime en cause de régime d’aides

14      Dans le cadre de leur premier moyen, Soudal, dans l’affaire T‑201/16, Esko-Graphics, dans l’affaire T‑335/16, et Punch Powertrain, dans l’affaire T‑357/16, font valoir, en substance, que la Commission a erronément considéré que les actes sur lesquels se fondait le régime en cause ne nécessitaient pas des mesures d’application supplémentaires. En effet, il aurait résulté clairement tant du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 que des travaux préparatoires afférents à la loi du 21 juin 2004 par laquelle ladite disposition avait été incorporée au CIR et de la pratique décisionnelle du service des décisions anticipées que des mesures d’application auraient été nécessaires afin de pouvoir appliquer ladite disposition.

15      À la suite d’une question du Tribunal, Luciad, dans l’affaire T‑369/16, a confirmé qu’elle renonçait à ce moyen.

16      La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes dans le cadre du présent moyen.

17      À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a indiqué que la décision attaquée avait établi l’existence d’un régime d’aides, au sens de l’article 1er, sous d), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), ressortant d’une ligne systématique de conduite des autorités fiscales belges et a ainsi rejeté comme non fondé le moyen invoqué par le Royaume de Belgique et Magnetrol International, qui était tiré de la conclusion erronée relative à l’existence d’un régime d’aides.

18      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le premier moyen invoqué dans les affaires T‑201/16, T‑335/16 et T‑357/16, tiré de la prétendue erreur commise par la Commission dans la constatation de l’existence d’un régime d’aides, celui-ci étant en substance analogue à ceux du Royaume de Belgique et de Magnetrol International écartés par la Cour dans l’arrêt sur pourvoi.

B.      Sur l’existence d’un avantage

19      Dans le cadre de leur deuxième moyen, Soudal, dans l’affaire T‑201/16, Esko-Graphics, dans l’affaire T‑335/16, et Punch Powertrain, dans l’affaire T‑357/16, soulèvent une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’obligation de motivation en ce que la Commission n’aurait pas correctement apprécié l’existence d’un avantage. En substance, elles reprochent à la Commission de ne pas avoir examiné de manière distincte la question de savoir si le régime en cause impliquait l’octroi d’un avantage économique aux bénéficiaires concernés. Or, la fusion du critère de la sélectivité et de celui relatif à l’existence d’un avantage, telle qu’elle est opérée par la Commission dans la décision attaquée, serait en contradiction flagrante avec la jurisprudence de la Cour ainsi qu’avec sa pratique décisionnelle et ses communications relatives aux aides d’État. En outre, elles font valoir que la décision attaquée est viciée par un défaut de motivation dans la mesure où la Commission n’aurait pas démontré que le régime en cause conférait effectivement un avantage et que, en tout état de cause, elle aurait dû explicitement motiver les raisons du changement de sa pratique antérieure.

20      La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation soulevée.

21      D’emblée, il y a lieu de rappeler que la motivation d’un acte adopté par la Commission doit permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin, d’une part, de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, points 62 et 63 ; du 16 octobre 2014, Eurallumina/Commission, T‑308/11, non publié, EU:T:2014:894, point 44, et du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 80).

22      En outre, il y a lieu de relever que, dans l’analyse des conditions énumérées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE pour qu’une mesure constitue une aide d’État, dont celle afférente à l’existence d’un avantage sélectif, la notion d’avantage et celle de sa sélectivité constituent deux critères distincts. Pour ce qui est de l’avantage, la Commission doit démontrer que la mesure améliore la situation financière du bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 33). En revanche, pour ce qui est de la sélectivité, la Commission doit démontrer que l’avantage ne bénéficie pas à d’autres entreprises dans une situation juridique et factuelle comparable à celle du bénéficiaire au regard de l’objectif du système de référence (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 49).

23      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être clairement distinguée de la détection concomitante d’un avantage économique, en ce que, lorsque la Commission a décelé la présence d’un avantage, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée, elle est tenue d’établir, en outre, que cet avantage profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises (arrêt du 4 juin 2015, Commission/MOL, C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 59).

24      Il importe néanmoins de préciser qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que ces deux critères peuvent être examinés conjointement, en tant que « troisième condition », prévue par l’article 107, paragraphe 1, TFUE, portant sur l’existence d’un « avantage sélectif » (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 32).

25      Dans la décision attaquée, le raisonnement de la Commission concernant l’avantage figure dans le cadre de l’analyse sur l’existence d’un avantage sélectif, à savoir le point 6.3, intitulé « Existence d’un avantage sélectif ». Dans ce cadre, la Commission a effectivement examiné le critère de l’avantage.

26      À titre préalable, il convient de constater que, au considérant 125 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges n’était pas prévue par le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique. En outre, au considérant 126 de la décision attaquée, la Commission a mis en exergue le fait que cette exonération était calculée en faisant abstraction des bénéfices totaux réellement enregistrés par l’entité belge et des ajustements légalement prévus. Au considérant 127 de la décision attaquée, elle a souligné que, bien que le système belge ait prévu des dispositions particulières applicables aux groupes, celles-ci visaient plutôt à mettre sur un pied d’égalité les entités intégrées à des groupes multinationaux et les entités autonomes.

27      Dans ce cadre, au considérant 133 de la décision attaquée, la Commission a signalé que, en vertu du système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, les entités de sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique étaient imposées sur la base de leurs bénéfices réellement enregistrés, et non sur la base d’un niveau hypothétique de bénéfices, raison pour laquelle l’exonération des bénéfices excédentaires conférait un avantage aux entités belges d’un groupe bénéficiant du régime en cause.

28      Au considérant 135 de la décision attaquée, la Commission a rappelé la jurisprudence selon laquelle un avantage économique peut être conféré en réduisant la charge fiscale d’une entreprise et, en particulier, en réduisant la base imposable ou le montant de l’impôt dû. Ainsi, elle a considéré que, en l’espèce, le régime en cause permettait aux sociétés bénéficiaires des décisions anticipées de réduire l’impôt dû en déduisant de leur bénéfice réellement enregistré un bénéfice dit « excédentaire ». Ce dernier était calculé en estimant le bénéfice moyen hypothétique d’entreprises autonomes comparables, de sorte que la différence entre le bénéfice réellement enregistré et ce bénéfice moyen hypothétique se traduisait en un pourcentage d’exonération qui fondait le calcul de la base imposable accordée pour les cinq années pendant lesquelles la décision anticipée était d’application. Dans la mesure où cette base imposable, ainsi calculée au titre des décisions anticipées accordées en vertu du régime en cause, était inférieure à la base imposable en l’absence desdites décisions anticipées, un avantage en aurait découlé.

29      Partant, il ressort de la décision attaquée que l’avantage retenu par la Commission consistait en la non-imposition des bénéfices excédentaires des sociétés bénéficiaires et en l’imposition de ces dernières sur des bénéfices calculés à partir d’un bénéfice moyen hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus, en vertu des décisions anticipées, au titre du régime en cause. Selon la Commission, une telle imposition représentait un allégement de la charge fiscale supportée par les bénéficiaires dudit régime, par rapport à celle qui aurait découlé d’une imposition normale au titre du système de l’impôt sur les sociétés en Belgique, laquelle aurait visé la totalité des bénéfices réellement enregistrés, après application des ajustements légalement prévus.

30      Ensuite, l’analyse proprement dite de la sélectivité de cet avantage se trouve aux considérants 136 à 141 de la décision attaquée, au sein du point 6.3.2.1, en ce qui concerne le raisonnement à titre principal de la Commission sur la sélectivité, fondé sur l’existence d’une dérogation au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique. Par ailleurs, la sélectivité de l’avantage, représenté par l’exonération des bénéfices excédentaires, est analysée également aux considérants 152 à 170 de la décision attaquée, au sein du point 6.3.2.2, en ce qui concerne le raisonnement sur la sélectivité, avancé par la Commission à titre subsidiaire, fondé sur l’existence d’une dérogation au principe de pleine concurrence.

31      Il ressort de ce qui précède que les justifications avancées par la Commission pour ses constatations quant à l’existence d’un avantage et au caractère sélectif de celui-ci satisfont aux exigences de l’obligation de motivation telles qu’énoncées au point 21 ci-dessus.

32      En outre, le fait que, d’un point de vue formel, l’analyse de l’avantage ait été insérée dans une section qui couvre également l’examen de la sélectivité ne révèle pas l’absence d’un examen au fond des deux notions, dans la mesure où l’existence d’un avantage, d’une part, et celle de son caractère sélectif, d’autre part, sont effectivement analysées.

33      Partant, il y a lieu d’écarter le deuxième moyen invoqué dans les affaires T‑201/16, T‑335/16 et T‑357/16, en ce qui concerne l’existence d’un avantage.

C.      Sur le caractère sélectif du régime en cause

34      Dans le cadre du troisième moyen dans les affaires T‑201/16, T‑335/16 et T‑357/16 et du quatrième moyen dans l’affaire T‑369/16, les requérantes soulèvent une violation de l’article 107 TFUE et de l’obligation de motivation ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission n’a pas correctement apprécié le caractère sélectif du régime en cause et, partant, n’a pas prouvé l’existence d’un avantage sélectif.

35      Les arguments invoqués par les requérantes à l’encontre de la conclusion de la Commission relative à la sélectivité du régime en cause dans le cadre des présents moyens peuvent être regroupés en trois branches, contestant, la première, la détermination du système de référence effectuée par la Commission, la deuxième, la conclusion relative à l’existence d’une dérogation au système de référence favorisant certaines entreprises et, la troisième, l’appréciation de la Commission rejetant l’existence d’une justification pour une telle dérogation.

36      La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

1.      Sur la détermination du système de référence

37      Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où elle a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires ne faisait pas partie intégrante du système de référence. En outre, selon les requérantes, le système de référence prévoit des ajustements à la hausse et à la baisse pour déterminer le bénéfice imposable des sociétés et, plus particulièrement, des ajustements spécifiques dans le cadre de transactions transfrontalières.

38      Par ailleurs, Luciad, dans l’affaire T‑369/16, fait valoir que les ajustements spécifiques prévus pour la détermination du bénéfice imposable d’entités exerçant des activités transfrontalières visent à prévenir une possible double imposition et à préserver le droit d’imposition du Royaume de Belgique. L’objectif consistant à prévenir une possible double imposition donnerait souvent lieu à des exonérations, comme il découlerait de l’article 76 de l’arrêté royal d’exécution du CIR 92 du 27 août 1993. Ainsi, l’objectif du régime en cause serait, précisément, la prévention d’une double imposition et non une exonération d’impôts.

39      Enfin, dans leurs réponses écrites aux questions du Tribunal, les requérantes soulignent l’importance accordée par la jurisprudence au système de référence et le fait que celui-ci est propre à chaque État membre, en ce qu’il détermine quelle est l’imposition normale applicable. Or, la Commission aurait erronément identifié le système de référence en ignorant l’application du système commun de l’impôt sur les sociétés et en retenant sa version du principe de pleine concurrence.

a)      Observations liminaires

40      Ainsi que le soulignent les requérantes, il importe de rappeler que la détermination du système de référence revêt une importance accrue dans le cas de mesures fiscales, puisque l’existence d’un avantage économique, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale ». En outre, la détermination de l’ensemble des entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable dépend de la définition préalable du régime juridique au regard de l’objectif duquel doit, le cas échéant, être examinée la comparabilité de la situation factuelle et juridique respective des entreprises favorisées par la mesure en cause et de celles qui ne le sont pas (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, point 69 et jurisprudence citée).

41      En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que, si les États membres doivent ainsi s’abstenir d’adopter toute mesure fiscale susceptible de constituer une aide d’État incompatible avec le marché intérieur, il n’en demeure pas moins que, en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union fait l’objet d’une harmonisation, c’est l’État membre concerné qui détermine, par l’exercice de ses compétences propres en matière de fiscalité directe et dans le respect de son autonomie fiscale, les caractéristiques constitutives de l’impôt, lesquelles définissent, en principe, le système de référence ou le régime fiscal « normal », à partir duquel il convient d’analyser la condition relative à la sélectivité. Il en va notamment ainsi de la détermination de l’assiette de l’impôt et de son fait générateur (voir arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, points 65 et 73 et jurisprudence citée).

42      Il s’ensuit que seul le droit national applicable dans l’État membre concerné doit être pris en compte en vue d’identifier le système de référence en matière de fiscalité directe, cette identification étant elle-même un préalable indispensable, en vue d’apprécier non seulement l’existence d’un avantage, mais aussi la question de savoir si celui-ci revêt un caractère sélectif.

43      Par ailleurs, afin de déterminer si une mesure fiscale a fait bénéficier une entreprise d’un avantage sélectif, il incombe à la Commission de procéder à une comparaison avec le système d’imposition normalement applicable dans l’État membre concerné, au terme d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État. Ne sauraient donc être pris en compte, dans l’examen de l’existence d’un avantage fiscal sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et aux fins d’établir la charge fiscale devant normalement peser sur une entreprise, des paramètres et des règles externes au système fiscal national en cause, à moins que ce dernier ne s’y réfère explicitement (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2022, Fiat Chrysler Finance Europe/Commission, C‑885/19 P et C‑898/19 P, EU:C:2022:859, points 92 et 96).

44      En l’espèce, aux considérants 121 à 129 de la décision attaquée, la Commission a exposé sa position concernant le système de référence.

45      Ainsi, aux considérants 121 et 122 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que le système de référence était le système de droit commun d’imposition des bénéfices des sociétés, prévu par le régime de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, dont l’objectif était l’imposition des bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique. La Commission a relevé que le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique s’appliquait aux sociétés résidentes en Belgique ainsi qu’aux succursales belges de sociétés non résidentes. En vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, les sociétés résidentes en Belgique étaient tenues de payer l’impôt sur le revenu des sociétés sur le montant total des bénéfices qu’elles réalisaient, sauf lorsqu’une convention contre les doubles impositions s’appliquait. En outre, en vertu des articles 227 et 229 du CIR 92, les sociétés non résidentes n’étaient soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés que pour certains types de revenus spécifiques de source belge. Par ailleurs, la Commission a souligné que, dans les deux cas, l’impôt belge sur les sociétés était dû sur le bénéfice total, lequel était fixé selon les règles relatives au calcul des bénéfices tels qu’ils étaient définis à l’article 24 du CIR 92. En vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, lu en liaison avec les articles 1er, 24, 183, 227 et 229 du CIR 92, le bénéfice total correspondait aux revenus des sociétés, dont étaient soustraites les dépenses déductibles qui étaient généralement enregistrées dans la comptabilité, de sorte que le bénéfice réellement enregistré constituait le point de départ du calcul du bénéfice total imposable, sans préjudice de l’application dans un second temps des ajustements positifs et négatifs prévus par le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

46      Aux considérants 123 à 128 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges ne faisait pas partie intégrante du système de référence.

47      Plus précisément, au considérant 125 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’une telle exonération n’était prescrite par aucune disposition du CIR 92. En effet, l’article 185, paragraphe 2, sous a), du CIR 92 permettait à l’administration fiscale belge de procéder à un ajustement unilatéral primaire des bénéfices d’une société, pour le cas où des transactions ou des arrangements avec des sociétés liées étaient effectués dans des conditions qui s’écartaient de celles de pleine concurrence. En revanche, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoyait la possibilité d’effectuer des ajustements négatifs des bénéfices d’une société, générés par une transaction ou un arrangement intragroupe, à la condition supplémentaire que le bénéfice à ajuster eût été inclus dans le bénéfice de la contrepartie étrangère à cette transaction ou à cet arrangement.

48      En outre, au considérant 126 de la décision attaquée, la Commission a rappelé que le système de l’impôt sur les sociétés en Belgique visait à imposer les entreprises soumises à l’impôt, sur leurs bénéfices réels, indépendamment de leur forme juridique, de leur taille ou de leur appartenance ou non à un groupe multinational d’entreprises.

49      Par ailleurs, au considérant 127 de la décision attaquée, la Commission a relevé que, aux fins du calcul des bénéfices imposables, les sociétés intégrées d’un groupe multinational étaient tenues de fixer les prix à appliquer à leurs transactions intragroupes au lieu d’utiliser des prix dictés directement par le marché, raison pour laquelle la législation fiscale belge prévoyait des dispositions particulières applicables aux groupes, qui visaient généralement à mettre sur un pied d’égalité les sociétés non intégrées et les entités économiques structurées sous la forme de groupes.

50      Au considérant 129 de la décision attaquée, la Commission a conclu que le système de référence à prendre en considération était le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, dont l’objectif était d’imposer de la même manière les bénéfices de toutes les sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique. Ce système comprenait les ajustements applicables, conformément au système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui déterminaient le bénéfice imposable de la société aux fins de la perception de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

51      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner les arguments des requérantes faisant grief à la Commission d’avoir erronément exclu le régime en cause du système de référence et d’avoir erronément ignoré que ledit système prévoyait la possibilité d’effectuer des ajustements tant à la hausse qu’à la baisse, en particulier dans le cadre des relations transfrontalières, visant à prévenir la double imposition.

b)      Sur la non-inclusion du régime des bénéfices excédentaires dans le système de référence

52      D’emblée, il convient de souligner que la Commission n’a pas exclu l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 du système de référence. En revanche, elle a considéré que le régime des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges n’était pas prévu par cette disposition et, partant, ne faisait pas partie du système de référence.

53      Ainsi, afin de déterminer si la Commission a correctement conclu que le régime des bénéfices excédentaires n’était pas prévu par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, il convient d’examiner, d’une part, la portée de cette disposition et, d’autre part, le régime des bénéfices excédentaires tel qu’il est appliqué par les autorités fiscales belges.

1)      Sur la portée de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92

54      Il y a lieu de relever que la Commission a fondé son analyse de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 sur la base du libellé de cette disposition et des textes accompagnant son entrée en vigueur. En effet, aux considérants 29 à 38 de la décision attaquée, la Commission a décrit de manière détaillée, premièrement, le texte de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, introduit par la loi du 21 juin 2004, modifiant le CIR 92 et la loi du 24 décembre 2002 (Moniteur belge du 9 juillet 2004, p. 54623, ci-après la « loi du 21 juin 2004 »), deuxièmement, l’exposé des motifs figurant dans le projet de ladite loi, présenté le 30 avril 2004 par le gouvernement belge à la Chambre des représentants de Belgique (ci-après l’« exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 ») et, troisièmement, la circulaire du 4 juillet 2006 concernant l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 (ci-après la « circulaire administrative du 4 juillet 2006 »).

55      Tout d’abord, dans sa version applicable en l’espèce, l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, auquel fait référence le considérant 29 de la décision attaquée, est libellé comme suit :

« Sans préjudice de l’alinéa 2, pour deux sociétés faisant partie d’un groupe multinational de sociétés liées et en ce qui concerne leurs relations transfrontalières réciproques :

[…]

b)      lorsque, dans les bénéfices d’une société sont repris des bénéfices qui sont également repris dans les bénéfices d’une autre société, et que les bénéfices ainsi inclus sont des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes, les bénéfices de la première société sont ajustés d’une manière appropriée.

L’alinéa 1er s’applique par décision anticipée sans préjudice de l’application de la Convention relative à l’élimination des doubles impositions en cas de corrections des bénéfices des entreprises associées (90/436) du 23 juillet 1990 et des conventions internationales préventives de la double imposition. »

56      Ensuite, l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, auquel fait référence le considérant 34 de la décision attaquée, indique que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoit un ajustement corrélatif approprié afin d’éviter ou de supprimer une double imposition (possible) et qu’il ne faut procéder à un ajustement corrélatif que si l’administration fiscale ou le service des décisions anticipées estime que l’ajustement primaire est justifié dans son principe et son montant.

57      Par ailleurs, l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 précise que ladite disposition ne s’applique pas si le bénéfice réalisé dans l’État partenaire est majoré de telle façon qu’il est supérieur à celui qui serait obtenu en cas d’application du principe de pleine concurrence, les autorités fiscales belges n’étant pas contraintes d’accepter les conséquences d’un ajustement arbitraire ou unilatéral dans l’État partenaire.

58      Enfin, la circulaire administrative du 4 juillet 2006, à laquelle fait référence le considérant 38 de la décision attaquée, réitère le constat suivant lequel un tel ajustement négatif ne s’applique pas lorsque l’ajustement positif primaire opéré par une autre juridiction est excessif. Par ailleurs, ladite circulaire reprend largement le texte de l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004, en ce qu’elle rappelle que l’ajustement négatif corrélatif trouve son sens dans le principe de pleine concurrence, qu’il a pour objectif d’éviter ou de supprimer une double imposition (possible) et qu’il doit s’effectuer de manière appropriée, à savoir que les autorités fiscales belges ne peuvent procéder à cet ajustement que si ce dernier est justifié en son principe et en son montant.

59      Partant, il ressort du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 que l’ajustement négatif est prévu dans le cadre des relations transfrontalières entre deux sociétés liées et qu’il doit être corrélatif, en ce sens qu’il n’est applicable qu’à la condition que les bénéfices faisant l’objet de l’ajustement soient également repris dans les bénéfices de l’autre société et que ces bénéfices ainsi inclus soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes.

60      Cette constatation est confirmée tant par l’exposé des motifs de la loi du 21 juin 2004 que par la circulaire administrative du 4 juillet 2006, qui soulignent que l’ajustement corrélatif doit être approprié en son principe et en son montant et qu’il n’est pas procédé à cet ajustement si les bénéfices réalisés dans un autre État sont majorés de façon à ce qu’ils deviennent supérieurs à ceux qui auraient été obtenus en application du principe de pleine concurrence. En effet, ces textes indiquent que l’ajustement négatif, prévu par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, requiert une corrélation entre les bénéfices ajustés à la baisse en Belgique et des bénéfices repris dans une autre société du groupe établie dans un autre État.

2)      Sur le régime des bénéfices excédentaires

61      Le régime des bénéfices excédentaires, tel qu’il est appliqué par les autorités fiscales belges, est décrit par la Commission, aux considérants 13 à 22 de la décision attaquée. En outre, aux considérants 39 à 42 de la décision attaquée, la Commission a pris en compte les réponses du ministre des Finances belge à des questions parlementaires, sur l’application de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, du 13 avril 2005, du 11 avril 2007 et du 6 janvier 2015. Ces réponses expliquent la pratique administrative des autorités fiscales belges relative aux bénéfices excédentaires.

62      Il ressort de ces réponses que, dans le cadre du régime des bénéfices excédentaires appliqué par les autorités fiscales belges, l’ajustement négatif des bénéfices permettant de déduire de la base imposable lesdits bénéfices excédentaires n’était pas conditionné par le fait que les bénéfices exonérés aient été repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes.

63      En outre, il ressort des explications fournies par le Royaume de Belgique, telles qu’elles sont reprises notamment aux considérants 15 à 20 de la décision attaquée, que l’exonération appliquée par les autorités fiscales belges, au titre du régime en cause, était fondée sur un pourcentage d’exonération, calculé sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique pour l’entité belge, obtenu à partir d’un indicateur du niveau de bénéfice résultant d’une comparaison avec les bénéfices des entreprises autonomes comparables et fixé comme une valeur située dans la fourchette interquartile dudit indicateur du niveau de bénéfice choisi pour un ensemble d’entreprises autonomes comparables. Ce pourcentage d’exonération aurait été applicable pendant plusieurs années, à savoir pendant la durée de validité de la décision anticipée. Ainsi, l’imposition des entités belges qui en résultait ne prenait pas comme point de départ la totalité des bénéfices réellement enregistrés, au sens des articles 1er, 24, 183 et de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, auxquels auraient été appliqués les ajustements légalement prévus dans le cas des groupes d’entreprises, au titre de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, mais plutôt un bénéfice hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par l’entité belge en question et des ajustements légalement prévus.

64      Par ailleurs, le fait que l’objectif de cette disposition soit d’éviter une double imposition possible, ainsi qu’il a été souligné par la requérante dans l’affaire T‑369/16, ne saurait éliminer la condition explicitement prévue, relative au fait que les bénéfices à ajuster doivent avoir également été repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes. En effet, c’est précisément lorsque les bénéfices d’une entité belge sont également repris dans les bénéfices d’une autre société, établie dans un autre État, que la possibilité d’une double imposition peut exister.

3)      Conclusion sur la non-inclusion du régime des bénéfices excédentaires dans le système de référence

65      Il ressort de ce qui précède que, alors que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 requiert, aux fins d’un ajustement négatif, que les bénéfices à ajuster aient été également repris dans les bénéfices d’une autre société et qu’ils soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre les deux sociétés avaient été celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes, le régime des bénéfices excédentaires était appliqué par les autorités belges sans prendre en considération ces conditions.

66      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, c’est à juste titre que la Commission a considéré que l’exonération des bénéfices excédentaires, appliquée par les autorités fiscales belges au titre du régime en cause, ne faisait pas partie du système de référence.

c)      Sur la possibilité d’effectuer des ajustements sur les bénéfices enregistrés des sociétés imposables

67      Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir pris en compte la possibilité, prévue par le système d’imposition belge, d’effectuer des ajustements à la hausse ou à la baisse sur le montant des bénéfices comptables afin de déterminer les bénéfices imposables.

68      En premier lieu, il y a lieu de relever, ainsi que la Commission l’a correctement indiqué au considérant 122 de la décision attaquée, que, à des fins fiscales, en Belgique, les revenus imposables comprennent notamment les bénéfices tels que définis à l’article 24 du CIR 92, au sein de la section relative à l’impôt des personnes physiques.

69      L’article 24 du CIR 92 prévoit que les revenus imposables des entreprises industrielles, commerciales et agricoles englobent tous les revenus découlant d’activités entrepreneuriales, tels que les bénéfices provenant de « toutes les opérations traitées par les établissements de ces entreprises ou par l’intermédiaire de ceux-ci », et de « tout accroissement de la valeur des éléments d’actif […] et de tout amoindrissement de la valeur des éléments de passif […] lorsque ces plus-values ou moins-values ont été réalisées ou exprimées dans la comptabilité ou les comptes annuels ».

70      En outre, le considérant 122 renvoie à l’article 183 et à l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92. En vertu de l’article 183 du CIR 92, les revenus soumis à l’impôt des sociétés sont les mêmes que ceux qui sont envisagés en matière d’impôt des personnes physiques, dont le calcul repose sur le principe selon lequel le revenu imposable est constitué de l’ensemble des revenus nets, dont les bénéfices, diminué des dépenses déductibles. Par ailleurs, en vertu de l’article 185, paragraphe 1, du CIR 92, les sociétés sont imposables sur le montant total des bénéfices.

71      Il en découle que, selon les dispositions du CIR 92, aux fins de l’impôt sur les sociétés, le calcul des revenus imposables se fait à partir de tous les bénéfices réalisés ou comptabilisés par les entreprises assujetties à l’impôt en Belgique, sur lesquels sont applicables les déductions légalement prévues.

72      En second lieu, il y a lieu de relever qu’il ressort des précisions apportées par la Commission au considérant 123 de la décision attaquée qu’elle a pris en considération le fait que la base pour le calcul du bénéfice imposable était constituée par le bénéfice total enregistré de l’entité en question, sur lequel étaient effectués les ajustements, négatifs et positifs, prévus par le système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

73      Plus spécifiquement, la Commission a relevé, au considérant 125 de la décision attaquée, que les ajustements positifs et négatifs, prévus à l’article 185, paragraphe 2, sous a) et b), du CIR 92, constituaient des dispositions fiscales particulières applicables à des situations dans lesquelles les conditions fixées pour une transaction ou un arrangement s’écartaient de celles qui auraient été convenues entre des sociétés indépendantes.

74      Partant, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Commission a pris en compte le fait que, dans le régime fiscal applicable en Belgique, spécifiquement en ce qui concerne la base imposable pour l’impôt sur les bénéfices des sociétés, la possibilité existait d’effectuer des ajustements positifs et négatifs sur les bénéfices enregistrés.

75      Pour ces mêmes raisons, les griefs des requérantes tirés d’une prétendue méconnaissance par la Commission de l’existence, dans le régime fiscal belge, d’ajustements applicables aux transactions transfrontalières visant à éviter la double imposition ne sauraient prospérer.

76      Il s’ensuit que la première branche du présent moyen, contestant la détermination du système de référence, doit être écartée.

2.      Sur l’existence d’une dérogation au système de référence favorisant certaines entreprises

77      Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission n’a pas suffisamment démontré que le régime en cause dérogeait au système de référence et, par conséquent, qu’elle a échoué à démontrer le caractère sélectif dudit régime.

78      À titre liminaire il convient de rappeler que le caractère sélectif de l’avantage octroyé par une mesure fiscale doit être établi en démontrant que celle-ci déroge au régime fiscal commun ou « normal », dans la mesure où elle introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système fiscal de cet État membre, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 49 et jurisprudence citée).

a)      Sur le raisonnement à titre principal relatif au caractère sélectif de l’avantage

79      En l’espèce, au point 6.3.2.1 de la décision attaquée, la Commission a constaté, à titre principal, que le régime en cause dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique. Il convient de préciser que ce que la Commission a considéré comme ne faisant pas partie du système de référence, et partant comme y dérogeant, était le régime des bénéfices excédentaires, à savoir l’ajustement négatif, tel qu’il a été effectué par les autorités fiscales belges sur une partie des bénéfices imposables, dits « excédentaires ».

80      Or, ainsi qu’il a été indiqué aux points 65 et 66 ci-dessus, au regard du libellé de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, l’ajustement négatif des bénéfices imposables est soumis à la condition que les bénéfices à déduire pour une société donnée aient été également repris dans les bénéfices d’une autre société et que ces bénéfices soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les conditions convenues entre elles avaient été celles qui auraient été convenues entre sociétés indépendantes. En revanche, la pratique des autorités fiscales belges consistant à effectuer un ajustement négatif unilatéral sans qu’il soit besoin d’établir que les bénéfices à ajuster aient été repris dans les bénéfices d’une autre société et qu’ils soient des bénéfices qui auraient été réalisés par cette autre société si les transactions concernées avaient été réalisées entre sociétés indépendantes n’est pas prévue par l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92.

81      Partant, c’est à juste titre que la Commission a considéré, au titre de son raisonnement principal, que l’exonération des bénéfices excédentaires, telle qu’elle a été effectuée par les autorités fiscales belges, constituait une dérogation au système de référence qu’elle avait retenu, à savoir le système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui comprenait notamment l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92.

82      Il convient donc d’examiner si une telle dérogation a introduit une différenciation entre opérateurs se trouvant dans une position factuelle et juridique comparable, ce que les requérantes contestent également.

b)      Sur l’introduction d’une différenciation entre opérateurs économiques se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable

83      Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission aurait échoué à démontrer, conformément à l’exigence de la jurisprudence, le caractère sélectif du régime en cause, étant donné que ledit régime ne serait pas de nature à accorder un traitement différencié aux entreprises bénéficiaires, en vertu des propriétés qui leur étaient spécifiques. En effet, le régime en cause serait ouvert à toutes les entreprises belges qui effectuent des transactions avec une entreprise étrangère liée dans tous les secteurs économiques sans condition particulière.

84      La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

85      À cet égard, il convient de relever que la Commission a avancé, aux considérants 138 à 140 de la décision attaquée, trois motifs alternatifs pour étayer sa conclusion, qu’il convient d’examiner successivement aux fins d’exhaustivité.

1)      Sur le traitement différencié des bénéficiaires intégrés à un groupe multinational d’entreprises

86      Les requérantes font valoir que le fait que seules des entreprises multinationales puissent bénéficier du régime en cause ne constituerait pas une preuve du caractère sélectif dudit régime. En effet, les entreprises autonomes se trouveraient dans une situation factuelle et juridique différente de celle dans laquelle se trouveraient les sociétés intégrées au sein d’un groupe d’entreprises. Par ailleurs, le seul fait qu’une mesure distingue entre des entités d’un groupe national et des entités d’un groupe multinational n’impliquerait pas la sélectivité d’une telle mesure. À cet égard, Luciad soutient que, notamment, la problématique liée aux prix de transfert, à la base d’imposition et à l’empêchement d’une possible double imposition ne se poserait qu’en ce qui concerne les entités faisant partie d’un groupe multinational.

87      En l’espèce, au considérant 138 de la décision attaquée, la Commission a affirmé que le régime était sélectif parce qu’il était ouvert uniquement aux entités faisant partie d’un groupe multinational d’entreprises.

88      Certes, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 a vocation à s’appliquer à des sociétés intégrées à un groupe multinational. Toutefois, la finalité de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92 vise précisément à placer sur un pied d’égalité les entreprises liées et les entreprises non liées.

89      À cet égard, ainsi qu’il a été indiqué au point 50 ci-dessus, il importe de rappeler que l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, tel qu’il ressort du considérant 129 de la décision attaquée, est d’imposer tous les bénéfices imposables de toutes les entités soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qu’elles soient autonomes ou intégrées dans un groupe multinational d’entreprises, ce qui au demeurant n’a pas été contesté en tant que tel par les requérantes.

90      En outre, ainsi qu’il a été indiqué au point 71 ci-dessus, selon les règles normales d’imposition en Belgique, les bénéfices imposables des entreprises sont, à la base, tous les bénéfices qui ont été réalisés ou exprimés dans la comptabilité ou les comptes annuels de celles-ci.

91      En revanche, l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges, en ce qu’elle déroge à l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92, octroie un allégement fiscal aux bénéficiaires concernés, au motif qu’ils font partie d’un groupe multinational d’entreprises, en leur permettant de déduire de leur assiette imposable une partie de leurs bénéfices enregistrés, sans que ces bénéfices exonérés aient été repris dans les bénéfices d’une autre société du groupe.

92      Il existerait, partant, un traitement différencié entre les entités intégrées à un groupe multinational, ayant bénéficié, en vertu du régime en cause, de l’exonération des bénéfices excédentaires, à hauteur d’un pourcentage d’exonération, calculé sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus, et d’autres entités, autonomes ou intégrées au sein d’un groupe d’entreprises, qui auraient été imposées conformément aux règles normales d’imposition des sociétés en Belgique sur la totalité de leurs bénéfices réellement enregistrés, le cas échéant, s’agissant des entités intégrées, après application de l’ajustement au titre de l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92, suivant les conditions qui y sont prévues.

93      Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu que les entités faisant partie d’un groupe multinational ayant bénéficié de l’exonération des bénéfices excédentaires au titre du régime en cause, qui constitue un ajustement qui n’est pas en tant que tel prévu par la loi, auraient reçu un traitement différencié par rapport à d’autres entités en Belgique n’en ayant pas bénéficié, alors que ces entités se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, à savoir imposer tous les bénéfices imposables de toutes les sociétés résidentes ou actives par l’intermédiaire d’un établissement stable en Belgique.

2)      Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises n’ayant pas procédé à des investissements, à la centralisation d’activités ou à la création d’emplois en Belgique

94      Les requérantes estiment que l’exigence selon laquelle une décision anticipée ne peut être obtenue qu’en ce qui concerne des opérations qui n’ont pas encore produit d’effets sur le plan fiscal n’entraîne pas un caractère sélectif. En effet, l’exigence d’une « situation nouvelle » découlerait de l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 et ne supposerait aucun déplacement d’activités ou d’investissements vers la Belgique. En tout état de cause, toutes les entreprises auraient la possibilité de réaliser des investissements en Belgique ou d’adapter la structure du groupe concerné, de sorte que cette condition, pour autant qu’elle existerait, ne pourrait pas permettre de conclure à l’existence d’un caractère sélectif.

95      En l’espèce, au considérant 139 de la décision attaquée, la Commission a soutenu que le régime en cause était sélectif dans la mesure où il n’était pas ouvert à des sociétés qui auraient décidé de ne pas effectuer d’investissements, de ne pas créer d’emplois ou de ne pas centraliser d’activités en Belgique. La Commission a relevé que l’article 20 de la loi du 24°décembre 2002 subordonnait l’adoption des décisions anticipées à l’existence d’une situation ou d’une opération n’ayant pas produit d’effets sur le plan fiscal et qu’une décision anticipée était nécessaire pour bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires.

96      La Commission a également relevé que, dans l’échantillon des décisions anticipées accordant une exonération des bénéfices excédentaires qu’elle a analysé, chaque décision anticipée mentionnait des investissements importants, la centralisation d’activités ou la création d’emplois en Belgique. De ce fait, elle a considéré que l’obligation relative à la « situation nouvelle », à laquelle étaient soumises les demandes de décisions anticipées afin de bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires, donnait lieu à un traitement différencié des groupes multinationaux qui modifiaient leur modèle d’entreprise en mettant en place de nouvelles activités en Belgique par rapport à tous les autres opérateurs économiques, y compris les groupes multinationaux qui continuaient de suivre leur modèle d’entreprise existant en Belgique.

97      À cet égard, il convient de rappeler que, aux points 142 à 144 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a confirmé que le choix d’un échantillon constitué de 22 décisions anticipées, adoptées au cours des années 2005, 2007, 2010 et 2013, était approprié et suffisamment représentatif.

98      En outre, il convient de relever que l’article 20 de la loi du 24 décembre 2002 définit la décision anticipée comme étant l’acte juridique par lequel le service public fédéral des finances détermine, conformément aux dispositions en vigueur, comment la loi s’appliquera à une situation ou à une opération particulière qui n’a pas encore produit d’effets sur le plan fiscal. Par ailleurs, l’article 22 de cette même loi précise qu’une décision anticipée ne peut être adoptée, lorsque la demande a trait à des situations ou à des opérations identiques à celles ayant déjà produit des effets sur le plan fiscal à l’égard du demandeur.

99      Certes, de la lecture des dispositions indiquées au point 98 ci-dessus, il ne saurait être déduit que la réalisation d’investissements, la création d’emplois ou la centralisation d’activités en Belgique constituent des conditions explicitement exigées pour l’obtention d’une décision anticipée.

100    Toutefois, il ressort de l’échantillon des décisions anticipées, analysé par la Commission dans la décision attaquée, que ces décisions ont effectivement été accordées à la suite de propositions des demandeurs de réaliser des investissements en Belgique, d’y relocaliser certaines fonctions ou d’y créer un certain nombre d’emplois. En effet, les trois exemples décrits dans la note en bas de page no 80 de la décision attaquée, dans lesquels les demandeurs des décisions anticipées en question ont décrit leurs plans d’investissements et de recentralisation d’activités en Belgique, révèlent que, dans la pratique, la condition pour l’adoption d’une décision anticipée, relative à l’existence d’une situation n’ayant pas produit des effets fiscaux, a été remplie par des investissements, la centralisation d’activités ou la création d’emplois en Belgique.

101    À cet égard, il convient de rappeler que, en l’espèce, c’est la pratique administrative des autorités fiscales belges, consistant à exonérer des bénéfices par des décisions anticipées, qui a été considérée comme étant dérogatoire à ce qui est prévu à l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92. Or, en vertu desdites décisions anticipées, leurs bénéficiaires ont obtenu un avantage consistant en l’allégement de leur assiette imposable, du fait de l’exonération des bénéfices dits « excédentaires ». En revanche, les entités n’ayant pas procédé à une modification de leur modèle d’entreprise, afin de créer des situations fiscales nouvelles qui, au regard d’une telle pratique, consistaient systématiquement en des investissements, en la centralisation d’activités ou en la création d’emplois en Belgique, et, partant, n’ayant pas demandé de décision anticipée ont été imposées sur l’ensemble de leurs bénéfices imposables. Partant, le régime en cause a donné lieu à un traitement différencié de sociétés se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l’objectif du système de droit commun de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique.

102    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu, au considérant 139 de la décision attaquée, que le système en cause était sélectif parce qu’il n’était pas ouvert à des sociétés qui avaient décidé de ne pas effectuer des investissements en Belgique, de ne pas y centraliser des activités et de ne pas y créer des emplois.

3)      Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille

103    Les requérantes soutiennent que le régime en cause ne saurait être considéré comme étant sélectif, parce que la Commission n’a pas démontré que seules de grandes entreprises ou, à tout le moins, des entreprises de taille moyenne pourraient effectivement bénéficier dudit régime. En effet, l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 ne contiendrait aucune exigence à cet égard. En outre, Soudal, dans l’affaire T‑201/16, Esko-Graphics, dans l’affaire T‑335/16, et Punch Powertrain, dans l’affaire T‑357/16, estiment que cette partie de la décision attaquée est viciée par une motivation insuffisante et incohérente. Par ailleurs, Luciad, dans l’affaire T‑369/16, soutient que le régime en cause est également accessible à des entités faisant partie de groupes multinationaux de petite taille, comme le prouve le fait qu’elle ait pu bénéficier dudit régime en étant une petite entreprise. L’échantillon analysé par la Commission ne serait dès lors pas représentatif.

104    En l’espèce, au considérant 140 de la décision attaquée, la Commission a soutenu que le régime en cause était sélectif dans la mesure où seules les entités belges faisant partie d’un groupe multinational de grande taille ou de taille moyenne pouvaient effectivement bénéficier de l’exonération des bénéfices excédentaires.

105    En effet, au considérant 140 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que seules les entités appartenant à un groupe multinational suffisamment grand étaient incitées à obtenir une décision anticipée, étant donné que c’était uniquement au sein de grands groupes d’entreprises qu’étaient susceptibles d’être générés des bénéfices tirés de synergies, d’économies d’échelle et d’autres avantages, d’une hauteur significative justifiant la demande de décision anticipée. En outre, la Commission a relevé que le processus d’obtention d’une telle décision nécessitait une demande détaillée présentant la situation nouvelle qui justifiait l’exonération ainsi que des études sur les bénéfices excédentaires, ce qui aurait été plus contraignant pour les petits groupes de sociétés que pour les grands.

106    À cet égard, il n’est pas contesté que, au sein de l’échantillon de 22 décisions anticipées au titre du régime en cause examiné par la Commission, tel qu’il a été décrit au considérant 65 de la décision attaquée et qui a été qualifié comme étant approprié et représentatif, aux points 142 à 144 de l’arrêt sur pourvoi, aucune de ces décisions ne concernait des entités appartenant à des groupes d’entreprises de petite taille.

107    En outre, ainsi qu’il est indiqué au considérant 66 de la décision attaquée, il n’est pas contesté que, au cours de la procédure administrative, à la suite d’un tel constat par la Commission sur la base de l’échantillon de 22 décisions anticipées et en réponse à une demande par celle-ci à cet égard, le Royaume de Belgique n’est pas parvenu à étayer son allégation selon laquelle l’exonération avait été accordée aussi à des entreprises appartenant à des groupes d’entreprises de petite taille.

108    D’emblée, au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de relever que les justifications avancées par la Commission pour ses constatations quant à l’existence d’un traitement différencié, en ce que seules les entités belges faisant partie d’un groupe multinational de grande taille ou de taille moyenne avaient effectivement bénéficié de l’exonération des bénéfices excédentaires, satisfont aux exigences de l’obligation de motivation telles qu’elles sont énoncées au point 22 ci-dessus.

109    En outre, force est de constater que, au regard de la pratique administrative visée par la Commission, ce sont des entreprises faisant partie de groupes de grande et de moyenne taille qui se sont prévalues du régime d’exonération des bénéfices excédentaires, à l’exclusion des entreprises faisant partie d’un groupe d’entreprises de petite taille.

110    Enfin, à l’égard des arguments de Luciad, dans l’affaire T‑369/16, tirés de sa situation individuelle, il y a lieu de rappeler que, dans une décision qui porte sur un régime d’aides, la Commission n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime (arrêt sur pourvoi, point 77). Il en découle qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir omis de procéder à un examen des cas individuels en cause, ces éléments n’étant pas pertinents aux fins de l’examen de l’existence d’un régime d’aides.

111    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir soutenu, au considérant 140 de la décision attaquée, que le système en cause était sélectif parce qu’il n’était pas ouvert aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille.

112    En tout état de cause, à supposer même que la Commission ait retenu, à tort, un tel motif relatif au traitement différencié par rapport aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille, cela n’affecterait pas la validité des deux autres motifs avancés par la Commission et examinés, respectivement, aux points 87 à 93 et 95 à 102 ci-dessus.

c)      Conclusion sur le raisonnement à titre principal de la Commission

113    Au vu de ce qui précède, la Commission n’a pas erronément constaté, à l’issue de son raisonnement à titre principal, d’une part, que le régime d’exonération des bénéfices excédentaires dérogeait au système commun de l’impôt sur les sociétés en Belgique et, d’autre part, que le régime en question n’était pas accessible à toutes les entités se trouvant dans une situation juridique et factuelle similaire, au vu de l’objectif du système de l’impôt sur le revenu des sociétés en Belgique, qui était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt en Belgique.

114    Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des arguments des requérantes à l’encontre du raisonnement subsidiaire sur la sélectivité, développé par la Commission au point 6.3.2.2 de la décision attaquée.

115    Il s’ensuit que la deuxième branche du présent moyen, contestant l’existence d’une dérogation au système de référence qui favoriserait certaines entreprises doit être écartée.

3.      Sur l’existence d’une justification fondée sur la nature et l’économie générale du système fiscal belge

116    Luciad, dans l’affaire T‑369/16, soutient que, même si le régime en cause devait opérer une distinction entre des entreprises qui, au regard de l’objectif du régime fiscal général concerné, se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable, cette distinction pourrait être justifiée par la nature et l’économie de ce régime, en ce qu’elle viserait à empêcher une éventuelle double imposition, ce qui ne pourrait être atteint par des moyens moins intrusifs.

117    La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

118    Il convient de constater que, aux considérants 173 à 181 de la décision attaquée, la Commission a conclu, en substance, que le Royaume de Belgique n’était pas parvenu à établir que les mesures en cause poursuivaient réellement l’objectif d’éviter la double imposition. Selon la Commission, dans la mesure où l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 prévoyait un ajustement négatif des bénéfices d’une société si ceux-ci avaient été repris dans les bénéfices d’une autre société, l’exonération appliquée par les autorités fiscales belges, sans qu’il fût nécessaire de prouver que les bénéfices excédentaires à exonérer auraient été inclus dans la base imposable d’une autre société, ne pouvait se justifier par l’économie générale du système. Ainsi, la Commission en a conclu que l’exonération unilatérale en cause ne répondait pas de façon nécessaire et proportionnée à des situations de double imposition.

119    À cet égard, il y a lieu de relever que, en vertu de la jurisprudence, une mesure constituant une exception à l’application du système fiscal général peut être justifiée si l’État membre concerné parvient à démontrer que cette mesure résulte directement des principes fondateurs ou directeurs de son système fiscal. À cet égard, il serait nécessaire de distinguer entre, d’une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs et, d’autre part, les mécanismes inhérents au système fiscal lui-même qui sont nécessaires à la réalisation de tels objectifs. Ainsi, des exonérations fiscales qui résulteraient d’un objectif étranger au système d’imposition dans lequel elles s’inscrivent ne sauraient échapper aux exigences découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, points 64, 65, 69 et 70).

120    En l’espèce, il a été constaté, notamment au point 65 ci-dessus, que l’exonération des bénéfices excédentaires appliquée par les autorités fiscales belges n’était pas soumise à la condition de prouver que ceux-ci avaient été inclus dans les bénéfices d’une autre société. Il n’était pas non plus requis que ces bénéfices excédentaires aient effectivement fait l’objet d’une imposition dans un autre État. Ainsi, force est de constater que les mesures en cause n’étaient pas conditionnées par l’existence de situations de double imposition fiscale réelle ou possible.

121    Dans ces circonstances, il ne saurait être soutenu que l’exonération des bénéfices excédentaires, telle qu’elle a été appliquée par les autorités fiscales belges, visait à éviter la double imposition, réelle ou possible. Partant, c’est à juste titre que la Commission a conclu qu’une telle exonération ne répondait pas de façon nécessaire et proportionnée à des situations de double imposition.

122    Il s’ensuit que la troisième branche concernant l’existence d’une justification fondée sur la nature et l’économie générale du système fiscal belge doit être rejetée ainsi que le présent moyen dans son ensemble.

D.      Sur l’existence d’une mesure faussant ou menaçant de fausser la concurrence susceptible d’affecter les échanges entre les États membres (deuxième et troisième moyens dans l’affaire T369/16)

123    Dans le cadre de son deuxième moyen, Luciad, dans l’affaire T‑369/16, fait valoir que la décision attaquée est viciée par un défaut de motivation dans la mesure où la Commission aurait omis de préciser de quelle manière le régime en cause pouvait fausser ou menacer de fausser la concurrence. En tout état de cause, la Commission aurait violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qu’elle aurait, à tort, considéré que ledit régime faussait ou menaçait de fausser la concurrence dans la mesure où son application aurait abouti automatiquement à l’allégement d’une charge pour les bénéficiaires concernés et en ce qu’elle n’aurait pas tenu compte d’une imposition éventuelle à l’étranger sur les bénéfices excédentaires.

124    Par ailleurs, dans le cadre de son troisième moyen, Luciad, dans l’affaire T‑369/16, soutient que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation en ce que la Commission n’a pas tenu compte d’éléments spécifiques du régime en cause et que, conformément à la jurisprudence, la seule référence aux activités des bénéficiaires concernés dans différents États membres serait insuffisante pour étayer une affectation des échanges entre lesdits États. En outre, elle soutient que la Commission aurait violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qu’elle n’aurait pas pu soutenir que le régime des bénéfices excédentaires affectait les échanges entre les États membres, étant donné que son raisonnement s’appuierait, à tort, sur la prémisse que ledit régime aurait abouti automatiquement à un allégement de la charge fiscale de ses bénéficiaires.

125    En l’espèce, aux considérants 187 et 188 de la décision attaquée, la Commission a souligné que le régime en cause accordait un avantage sélectif à ses bénéficiaires ainsi qu’aux groupes multinationaux auxquels ils appartenaient et que cet avantage avait conduit à une réduction des charges qui devaient normalement peser sur les bénéficiaires dans le cadre de leurs activités. Partant, la Commission a considéré que le régime en cause constituait une aide au fonctionnement pour ses bénéficiaires ainsi que pour les groupes multinationaux auxquels ceux-ci appartenaient. Ainsi, la Commission en a conclu que le régime en cause faussait ou menaçait de fausser la concurrence et était susceptible d’affecter les échanges au sein de l’Union.

126    D’emblée, il y a lieu de relever que les justifications avancées par la Commission pour ses constatations quant à l’existence de mesures faussant ou menaçant de fausser la concurrence et susceptibles d’affecter les échanges au sein de l’Union satisfont aux exigences de l’obligation de motivation telles qu’elles sont énoncées au point 21 ci-dessus.

127    En outre, à l’égard des arguments contestant les constatations de la Commission, il convient de rappeler la jurisprudence sur la condition relative à la distorsion de concurrence, selon laquelle les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de concurrence (arrêt du 26 octobre 2016, Orange/Commission, C‑211/15 P, EU:C:2016:798, point 66).

128    En particulier, il ressort de la jurisprudence que toute aide octroyée à une entreprise qui exerce ses activités sur le marché intérieur est susceptible de causer des distorsions de concurrence et d’affecter les échanges entre États membres (voir arrêt du 22 avril 2016, Irlande et Aughinish Alumina/Commission, T‑50/06 RENV II et T‑69/06 RENV II, EU:T:2016:227, point 113 et jurisprudence citée).

129    En l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 29 ci-dessus, l’exonération des bénéfices excédentaires des sociétés bénéficiaires de décisions anticipées consistait en la non-imposition desdits bénéfices et en l’imposition des sociétés bénéficiaires sur des bénéfices calculés à partir d’un bénéfice moyen hypothétique faisant abstraction du bénéfice total réalisé par ces sociétés et des ajustements légalement prévus. En outre, il a été constaté, au point 81 ci-dessus, que ces mesures dérogeaient au système de référence. Ainsi, il a été conclu, au point 113 ci-dessus, que la Commission avait correctement conclu que ces mesures dérogeant au système de référence représentaient un avantage ouvert uniquement aux bénéficiaires des décisions anticipées et, partant, étaient sélectives.

130    Partant, une telle non-imposition prévue par les mesures en cause constituait un avantage qui plaçait les sociétés bénéficiaires dans une position économique plus favorable que celle qu’elles auraient eu en l’absence de décision anticipée.

131    Par ailleurs, force est de constater que, à l’origine des bénéfices excédentaires dont l’exonération fait l’objet des mesures en cause, se trouvaient des entités belges faisant partie de groupes multinationaux effectuant des transactions avec d’autres sociétés du groupe concerné, établies dans d’autres États. Partant, en l’espèce, les aides en question ont nécessairement créé une distorsion de concurrence au sein du marché intérieur. En effet, le système d’exonération des bénéfices excédentaires était susceptible d’altérer les activités de ces entités belges et des sociétés au sein des groupes d’entreprises concernées, notamment en termes d’investissements, de localisation d’activités et de création d’emplois ainsi que de flux de transactions intragroupes. Or, au sein de ces groupes d’entreprises, de telles décisions étaient susceptibles d’être prises afin que l’entité belge réalisât des bénéfices qui auraient été, par la suite, exonérés en Belgique. Une telle dynamique était donc susceptible de fausser la concurrence au sein du marché intérieur.

132    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur de droit en ce qu’elle a considéré que les aides accordées par le régime en cause étaient de nature à fausser ou à menacer de fausser la concurrence et à affecter les échanges entre les États membres.

133    Partant, il y a lieu d’écarter les deuxième et troisième moyens dans l’affaire T‑369/16.

E.      Sur la violation du principe de la sécurité juridique en ce que la décision attaquée ordonne la récupération des aides (quatrième moyen dans les affaires T201/16, T335/16 et T357/16)

134    Soudal, dans l’affaire T‑201/16, Esko-Graphics, dans l’affaire T‑335/16, et Punch Powertrain, dans l’affaire T‑357/16, soutiennent, à titre subsidiaire, que, sur la base d’une pratique décisionnelle constante de la Commission, qui ne remettait pas en cause l’application du principe de pleine concurrence internationalement reconnu, la mise à exécution de l’ordre de récupération de la prétendue aide dans la présente affaire violerait le principe de sécurité juridique. En effet, sur la base de la pratique décisionnelle et de la jurisprudence, il serait impossible de prévoir que l’article 185, paragraphe 2, sous b), du CIR 92 serait contraire à l’article 107 TFUE, étant donné que ladite disposition du CIR 92 ne serait que la transposition dans la législation belge du principe de pleine concurrence conformément aux principes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) applicables en matière de prix de transfert.

135    La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation des requérantes.

136    En vertu de l’article 16 du règlement 2015/1589, lorsque la Commission constate l’existence d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur et illégale, elle décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire, à moins que, ce faisant, elle aille à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

137    Selon une jurisprudence constante, la conséquence logique de la constatation de l’illégalité d’une aide est sa suppression par voie de récupération afin de rétablir la situation antérieure. En effet, le principal objectif visé par la récupération d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par une telle aide. Or, par le remboursement de l’aide, le bénéficiaire perd l’avantage dont il disposait sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (voir arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 131 et jurisprudence citée).

138    En outre, il convient de rappeler que le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 100 et jurisprudence citée).

139    En l’espèce, les requérantes se limitent à affirmer qu’elles ne pouvaient pas s’attendre à ce que les décisions anticipées constituent des aides d’État du fait d’une prétendue pratique antérieure de la Commission concernant le principe de pleine concurrence.

140    À cet égard, il y a lieu de relever que, à supposer qu’il existe une pratique antérieure de la Commission qui diffère de l’approche adoptée en l’espèce, une telle pratique ne saurait lier la Commission, dans la mesure où elle est censée fonder son appréciation sur les seules dispositions juridiques applicables du traité FUE et du droit dérivé. En effet, c’est dans le seul cadre de l’article 107 TFUE que doit être appréciée la légalité d’une décision de la Commission constatant qu’une mesure constitue une aide, et non à l’aune d’une prétendue pratique antérieure.

141    Or, en l’espèce, la qualification en tant qu’aide d’État incompatible et illégale du régime d’exonération des bénéfices excédentaires, appliqué par les autorités fiscales belges, en ce qu’il serait susceptible d’alléger les charges grevant le budget des bénéficiaires dudit régime, ne saurait être considérée comme imprévisible pour lesdits bénéficiaires aux termes de la jurisprudence rappelée au point 138 ci-dessus et donc comme contraire au principe de sécurité juridique.

142    En tout état de cause, la Commission ayant conclu, à bon droit, au titre de son raisonnement principal, que le régime en cause avait accordé à ses bénéficiaires un avantage sélectif, au sens de l’article 107 TFUE, les arguments tirés d’une violation du principe de sécurité juridique du fait des conclusions de la Commission, au titre de son raisonnement subsidiaire, sont inopérants.

143    Il en résulte que le quatrième moyen dans les affaires T‑201/16, T‑335/16 et T‑357/16 doit être écarté.

F.      Sur la violation du principe de l’investisseur privé

144    Dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen invoqué par Soudal, dans l’affaire T‑201/16, celle-ci relève que, en lui accordant une décision anticipée, l’État belge s’est comporté comme un opérateur en économie de marché qui poursuit la réalisation d’un rendement à court ou long terme de son investissement. En effet, l’État belge aurait investi dans son groupe une somme d’argent, sous la forme de l’octroi d’une diminution d’impôts, en échange de l’obligation par ledit groupe d’introduire un modèle entrepreneurial centralisé, de réaliser des investissements importants et de créer en Belgique les emplois qui y seraient liés. Ainsi, l’État belge aurait pu s’attendre à en tirer un rendement attractif sur le plan économique. Partant, la Commission aurait enfreint l’article 107, paragraphe 1, TFUE ainsi que l’obligation de motivation en n’examinant pas d’office l’applicabilité du principe de l’investisseur privé dans la présente affaire, indépendamment du fait que ni l’État belge ni elle-même n’auraient soulevé cet argument durant la procédure administrative.

145    À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle, aux fins de l’application du critère de l’investisseur privé, il convient nécessairement d’établir une distinction entre les obligations que l’État doit assumer en tant qu’entreprise exerçant une activité économique et celles qui peuvent lui incomber en tant que puissance publique. Ainsi, lorsqu’un investissement de la part d’un État intervient dans le cadre de l’exercice de la puissance publique, le comportement de l’État ne peut jamais être comparé à celui d’un opérateur ou d’un investisseur privé en économie de marché (voir arrêt du 11 septembre 2012, Corsica Ferries France/Commission, T‑565/08, EU:T:2012:415, point 79 et jurisprudence citée).

146    Or, en l’espèce, en adoptant des décisions anticipées, les autorités fiscales belges ont confirmé la base imposable que les entités demanderesses desdites décisions avaient pu retenir, aux fins du calcul de l’impôt sur les sociétés en Belgique, pendant un nombre déterminé d’exercices fiscaux. Ainsi, le Royaume de Belgique a clairement agi en tant que puissance publique et non en tant qu’investisseur privé en économie de marché. Partant, le critère de l’investisseur privé n’est pas applicable en l’espèce.

147    Dans ces circonstances, il convient d’écarter la seconde branche du deuxième moyen dans l’affaire T‑201/16.

148    Tous les moyens soulevés par les requérantes ayant été écartés, il y a donc lieu de rejeter les recours dans leur ensemble.

IV.    Sur les dépens

149    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes dans les présentes affaires ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, afférents à ces affaires, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T201/16, T335/16, T357/16 et T369/16 sont jointes aux fins du présent arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Soudal NV supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, dans l’affaire T201/16.

4)      Esko-Graphics BVBA supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, dans l’affaire T335/16.

5)      Punch Powertrain supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, dans l’affaire T357/16.

6)      Luciad supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, dans l’affaire T369/16.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Tomljenović

Norkus

 

      Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 septembre 2023.

Signatures

Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la qualification du régime en cause de régime d’aides

B. Sur l’existence d’un avantage

C. Sur le caractère sélectif du régime en cause

1. Sur la détermination du système de référence

a) Observations liminaires

b) Sur la non-inclusion du régime des bénéfices excédentaires dans le système de référence

1) Sur la portée de l’article 185, paragraphe 2, du CIR 92

2) Sur le régime des bénéfices excédentaires

3) Conclusion sur la non-inclusion du régime des bénéfices excédentaires dans le système de référence

c) Sur la possibilité d’effectuer des ajustements sur les bénéfices enregistrés des sociétés imposables

2. Sur l’existence d’une dérogation au système de référence favorisant certaines entreprises

a) Sur le raisonnement à titre principal relatif au caractère sélectif de l’avantage

b) Sur l’introduction d’une différenciation entre opérateurs économiques se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable

1) Sur le traitement différencié des bénéficiaires intégrés à un groupe multinational d’entreprises

2) Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises n’ayant pas procédé à des investissements, à la centralisation d’activités ou à la création d’emplois en Belgique

3) Sur le traitement différencié par rapport aux entreprises faisant partie d’un groupe de petite taille

c) Conclusion sur le raisonnement à titre principal de la Commission

3. Sur l’existence d’une justification fondée sur la nature et l’économie générale du système fiscal belge

D. Sur l’existence d’une mesure faussant ou menaçant de fausser la concurrence susceptible d’affecter les échanges entre les États membres (deuxième et troisième moyens dans l’affaire T369/16)

E. Sur la violation du principe de la sécurité juridique en ce que la décision attaquée ordonne la récupération des aides (quatrième moyen dans les affaires T201/16, T335/16 et T357/16)

F. Sur la violation du principe de l’investisseur privé

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le néerlandais.