Language of document : ECLI:EU:T:1999:318

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 décembre 1999 (1)

«Concurrence - Distribution automobile - Examen des plaintes - Recours en carence, en annulation et en indemnité - Irrecevabilité»

Dans les affaires jointes T-190/95 et T-45/96,

Société de distribution de mécaniques et d'automobiles (Sodima), société de droit français en liquidation judiciaire, établie à Istres (France), représentée par Me Dominique Rafoni, mandataire liquidateur, et, dans la présente procédure, par Me Jean-Claude Fourgoux, avocat au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Pierrot Schiltz, 4, rue Béatrix de Bourbon,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Giuliano Marenco, conseiller juridique, et Guy Charrier, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Marenco et Loïc Guérin, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes tendant, en premier lieu, à la constatation que la Commission s'est illégalement abstenue de prendre position à la suite d'une plainte de la requérante fondée sur l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) et sur le règlement (CEE) n° 123/85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16), en deuxième lieu, à l'annulation d'une prétendue décision implicite refusant de communiquer à la requérante des éléments du dossier, en troisième lieu, à l'annulation d'une prétendue décision implicite de jonction de la plainte de la requérante à d'autres plaintes et, en quatrième lieu, à la réparation d'un préjudice,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 2 mars 1999

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    La requérante, la Société de distribution de mécaniques et d'automobiles (ci-après «Sodima»), a exercé depuis 1984 l'activité de concessionnaire d'automobiles de la marque Peugeot. Le contrat de concession a été résilié par Automobiles Peugeot SA, constructeur des véhicules des marques Peugeot et Citroën (ci-après «PSA»), à une date qui ne ressort pas du dossier. Le 17 décembre 1992, la requérante a déposé une déclaration de cessation des paiements. Le 24 juillet 1996, elle a été mise en liquidation judiciaire.

2.
    Un litige est pendant devant les juridictions françaises entre la requérante et PSA dans le cadre duquel la requérante demande la condamnation de PSA à combler son passif de 14 millions de FF.

3.
    Le 1er juillet 1994, la requérante a déposé, auprès de la Commission, une plainte contre PSA au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après «règlement n° 17»). La requérante faisait valoir que le contrat de concession qu'elle avait conclu était incompatible, tant dans sa rédaction que dans son exécution, avec l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) et le règlement (CEE) n° 123/85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente des véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16). La requérante sollicitait de la Commission le retrait du bénéfice de l'exemption par catégorie conformément aux articles 10 du règlement n° 123/85, du 12 décembre 1984, précité, et 8 du règlement n° 17, ainsi que l'adoption de mesures provisoires.

4.
    Le 5 août 1994, la Commission a communiqué à PSA, pour qu'elle prenne position, la plainte de Sodima avec la liste des pièces justificatives produites par celle-ci. Le 26 octobre 1994, la Commission, saisie de plusieurs plaintes similaires, a transmis à PSA une demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17.

5.
    PSA ayant demandé la communication de l'intégralité des pièces produites par Sodima, la Commission a demandé à la requérante si elle avait des objections, ayant trait au secret d'affaires, à une telle communication. La requérante a donné son accord, tout en s'opposant à ce que ses pièces soient communiquées à des tiers ou utilisées dans d'autres procédures suivies par les services de la Commission.

6.
    Par lettres des 13 décembre 1994 et 16 janvier 1995 puis par courriers des 23 janvier, 7 février et 1er mars 1995, la requérante a demandé à la Commission la communication, respectivement, de la demande de renseignements adressée à PSA ainsi que des observations de PSA sur sa plainte, sans obtenir de réponse.

7.
    Le 15 février 1995, PSA a répondu à la demande de renseignements de la Commission, tout en s'opposant à la communication de ses réponses au plaignant au motif qu'il s'agissait de secrets d'affaires. Le 27 février 1995, PSA a adressé à la Commission une prise de position sur la plainte de la requérante.

8.
    Dans une lettre du 14 mars 1995, la requérante a mis en demeure la Commission, conformément à l'article 175 du traité, de prendre position dans les meilleurs délais.

9.
    Le 12 octobre 1995, la requérante a introduit le recours dans l'affaire T-190/95, complété par un mémoire ampliatif du 17 mai 1996. Par acte séparé du 8décembre 1995, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité, qui, par ordonnance du 30 janvier 1997, a été jointe au fond.

10.
    Par courrier du 4 janvier 1996, la requérante a mis à nouveau la Commission en demeure d'adresser une communication des griefs à PSA.

11.
    Le 27 mars 1996, la requérante a introduit le recours dans l'affaire T-45/96.

12.
    Le 27 janvier 1997, la Commission a adressé à la requérante une communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63/CEE de la Commission du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après «règlement n° 99/63»), annonçant son intention de rejeter la plainte. En annexe à cette lettre, la Commission a transmis à la requérante les informations communiquées par PSA non couvertes par le secret d'affaires. Le 13 mars 1997, la requérante a répondu qu'elle n'était pas en mesure de présenter valablement ses observations en raison de la communication partielle du dossier.

13.
    Par décision du 5 janvier 1999, la Commission a rejeté la plainte. La requérante a formé un recours contre cette décision (affaire T-62/99).

14.
    Par ordonnance du 21 janvier 1999, le président de la première chambre du Tribunal a décidé la jonction des affaires T-190/95 et T-45/96 aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

15.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 2 mars 1999.

16.
    Par lettre parvenue au greffe du Tribunal le 25 mars 1999, la requérante a demandé la jonction de l'affaire T-62/99 aux présentes affaires jointes. Elle a indiqué qu'elle se désisterait de ses conclusions en carence en cas de jonction de ces dernières avec l'affaire T-62/99.

17.
    Les présentes affaires étant en état d'être jugées, le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de prononcer la jonction demandée.

Conclusions des parties

18.
    Dans l'affaire T-190/95, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    constater la carence de la Commission;

-    annuler la décision implicite de refus de communication;

-    annuler la décision implicite de jonction des dossiers;

-    retenir la responsabilité extracontractuelle de la Commission et dire qu'elle devra réparer le préjudice à hauteur de 200 000 euros par an à compter du 14 mars 1995;

-    condamner la Commission aux dépens.

19.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable;

-    déclarer, à titre subsidiaire, le recours:

    -    dénué d'objet et, de surcroît, non fondé, s'agissant de la carence et de la mise en jeu de la responsabilité extracontractuelle de la Commission;

    -    non fondé, s'agissant de la demande d'annulation des prétendues décisions implicites de refus de communication de pièces et de jonction de dossiers;

-    condamner la partie requérante aux dépens.

20.
    Dans l'affaire T-45/96, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    constater la carence de la Commission;

-    annuler la décision implicite de refus de communication;

-    annuler la décision implicite de jonction des dossiers;

-    retenir la responsabilité extracontractuelle de la Commission et dire qu'elle devra réparer le préjudice à hauteur de 200 000 euros par an à compter du 14 mars 1995;

-    condamner la Commission aux dépens.

21.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter ce recours en carence et en annulation comme irrecevable et, subsidiairement, comme non fondé;

-    condamner la partie requérante aux dépens.

Sur la recevabilité du recours dans l'affaire T-190/95

Sur les conclusions en carence

Argumentation des parties

22.
    La Commission estime que le recours en carence est tardif et, subsidiairement, qu'il a perdu son objet, étant donné qu'elle a adressé à la requérante une communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63.

23.
    La requérante soutient que son recours doit être déclaré recevable en application du principe de protection de la confiance légitime. La communication du recours par le greffe du Tribunal à la Commission pourrait, par ailleurs, être considérée comme une nouvelle mise en demeure de sorte que les conditions d'application de l'article 175, deuxième alinéa, du traité CE (devenu article 232, deuxième alinéa, CE) seraient remplies.

Appréciation du Tribunal

24.
    La mise en demeure adressée par la requérante à la Commission est datée du 14 mars 1995. La date à laquelle cette lettre a été reçue par la Commission ne ressort pas du dossier, mais la requérante ne conteste pas que le délai de quatre mois au total, prévu à l'article 175, deuxième alinéa, du traité était expiré au moment où elle a introduit son recours.

25.
    La requérante ne saurait invoquer le principe de protection de la confiance légitime pour écarter l'application de l'article 175, deuxième alinéa, du traité, en se référant à ses contacts avec la Commission ultérieurement à la mise en demeure. En effet, les délais de recours présentent un caractère d'ordre public et ne sont à la disposition ni du juge ni des parties (voir, par exemple, ordonnance du Tribunal du 3 février 1998, Polyvios/ Commission, T-68/96, Rec. p. II-153, point 43). Par conséquent, des déclarations de la Commission dans sa correspondance avec la requérante ou des prises de position publiques de l'institution ne peuvent avoir une incidence sur la recevabilité du recours.

26.
    En tout état de cause, les déclarations invoquées par la requérante en l'espèce évoquent le traitement de la plainte envisagé par la Commission et les activités de celle-ci dans le secteur de l'automobile en général, mais ne contiennent pas d'éléments susceptibles de créer une confusion à l'égard du délai de recours prévu à l'article 175, deuxième alinéa, du traité.

27.
    La requérante ne saurait non plus invoquer l'arrêt de la Cour du 16 février 1993, ENU/Commission (C-107/91, Rec. p. I-599). Cet arrêt ne concerne pas le délai en question, mais la question bien distincte de savoir si la mise en demeure a été adressée à l'institution communautaire concernée dans un délai raisonnable (voir points 23 et 24 de l'arrêt).

28.
    Enfin, tant la lettre que l'économie de l'article 175 du traité s'opposent à ce que la communication du recours elle-même soit considérée comme une mise en demeure.

29.
    Par conséquent, les conclusions en carence doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur la recevabilité des conclusions en annulation

Argumentation des parties

30.
    La requérante considère que le silence de la Commission à la suite de sa lettre du 14 mars 1995 constitue une décision implicite ayant le caractère d'un acte attaquable et que la Commission a également pris une décision implicite de jonction des différentes plaintes.

Appréciation du Tribunal

31.
    Il y a lieu de rappeler que constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE) les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (voir arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9). Le seul silence d'une institution ne peut produire de tels effets, sauf lorsque cette conséquence est expressément prévue par une disposition du droit communautaire.

32.
    Le droit communautaire prévoit, dans certains cas spécifiques, que le silence d'une institution a valeur de décision lorsque cette institution a été invitée à prendre position et qu'elle ne s'est pas prononcée à l'expiration d'un certain délai. En l'absence de telles dispositions expresses, fixant un délai à l'expiration duquel une décision implicite est réputée intervenir et définissant le contenu de cette décision, l'inaction d'une institution ne saurait être assimilée à une décision, sauf à mettre en cause le système des voies de recours institué par le traité.

33.
    Or, les règlements n° 17 et n° 99/63 ne prévoient pas que le silence de la Commission, à la suite d'une demande de communication de documents, ait valeur de décision implicite de rejet. Si sa demande reste sans suite, la partie plaignante peut soit saisir la Commission d'une mise en demeure au titre de l'article 175 dutraité et introduire, le cas échéant, un recours en carence, soit invoquer toute illégalité éventuelle en résultant dans le cadre d'un recours en annulation de la décision prise par la Commission à l'issue de la procédure.

34.
    Il s'ensuit que l'abstention de la Commission de faire droit à la demande de la requérante visant à obtenir la communication de certaines pièces ne peut pas être qualifiée de décision attaquable.

35.
    En l'espèce, il n'existait pas non plus, au moment de l'introduction du présent recours, d'acte susceptible d'être interprété, par analogie avec la solution adoptée dans les arrêts de la Cour du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission (C-19/93 P, Rec. p. I-3319, points 28 et 29), et du Tribunal du 12 décembre 1996, Rendo e.a./Commission (T-16/91 RV, Rec. p. II-1827), comme une décision partielle de rejet. Certes, la requérante a obtenu, en annexe à la communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63 datant du mois de janvier 1997, la transmission d'une partie des documents qu'elle avait demandés. Néanmoins, cette transmission étant postérieure à l'introduction des recours faisant l'objet du présent arrêt, elle ne saurait être attaquée dans le cadre de cette instance.

36.
    Pour ce qui est, ensuite, de la prétendue décision implicite de jonction des dossiers, il suffit de constater que la requérante n'a pas établi qu'une telle décision a été prise, ni démontré en quoi une jonction des dossiers lui ferait grief. Notamment, le reproche selon lequel la Commission aurait communiqué des pièces produites par la requérante à d'autres plaignants n'est corroboré par aucun élément du dossier.

37.
    Il s'ensuit que les conclusions en annulation sont irrecevables.

Sur la recevabilité des conclusions en indemnité

Argumentation des parties

38.
    La Commission fait valoir que l'irrecevabilité du recours en indemnité découle de celle du recours en carence. Elle est, en outre, d'avis que la requête ne respecte pas les conditions posées par les dispositions de l'article 19 du statut (CE) de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, de celui-ci, et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. Enfin, le recours en carence étant devenu sans objet, il en serait de même du recours en indemnité.

39.
    La requérante invoque l'autonomie des voies de recours. Elle est d'avis qu'il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle le recours en carence n'a plus d'objet lorsque l'institution défenderesse a pris position en cours d'instance, qu'il n'y a pas eu carence auparavant. Par conséquent, le recours en responsabilité n'aurait pas perdu son objet.

40.
    La requérante reproche à la Commission d'avoir traité sa plainte de façon dilatoire alors qu'elle lui avait fourni des éléments de preuve complets. Elle fait valoir que la carence de la Commission lui cause un préjudice en retardant la procédure engagée devant les juridictions françaises contre PSA en comblement de son passif de 14 millions de FF. Le préjudice causé par la carence de la Commission pourrait être évalué au montant des intérêts produits par la somme de 14 millions de FF au taux de 10 %, soit à 200 000 euros par an. Elle ajoute qu'elle ne peut pas demander devant les juridictions nationales la réparation de ce préjudice.

Appréciation du Tribunal

41.
    Aux termes de l'article 19 du statut de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels il se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir ordonnance du Tribunal du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T-56/92, Rec. p. II-1267, point 21, et arrêt du Tribunal du 6 mai 1997, Guérin automobiles/Commission, T-195/95, Rec. p. II-679, point 20).

42.
    Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d'identifier le comportement que le requérant reproche à l'institution, les raisons pour lesquelles il estime qu'un lien de causalité existe entre ce comportement et le préjudice qu'il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l'étendue de ce préjudice (voir arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T-387/94, Rec. p. II-961, point 107).

43.
    En l'espèce, dans ses mémoires, la requérante reproche à la Commission d'avoir traité sa plainte avec retard et soutient que ce retard lui a causé un préjudice.

44.
    Cependant, quant à la nature et à l'étendue de ce préjudice et quant au lien de causalité, la requérante se borne à faire allusion, sans autre précision, à une action en indemnisation qu'elle a engagée contre PSA devant les juridictions françaises. La requérante fait également référence, dans ce contexte, au «comblement de son passif», sans toutefois préciser quel est le fondement en droit national de son action. Elle n'indique pas non plus concrètement à quel stade se trouve cette procédure ni quels sont les moyens de défense avancés par PSA. Elle soutient, certes, que son indemnisation par le juge national serait retardée jusqu'à ce que laCommission se soit prononcée sur sa plainte, mais elle ne fournit aucune indication concrète quant à l'influence d'une éventuelle décision de la Commission sur la décision qui sera prise par la juridiction nationale. Elle mentionne, en outre, une demande de sursis à statuer formulée par PSA sans toutefois ajouter aucune précision relative à la date ou aux motifs de cette demande, ni à la suite qui lui a été ou qui pourrait lui être réservée.

45.
    La requête ne permet donc pas de connaître le caractère et l'étendue du préjudice que la requérante estime avoir subi, ni d'identifier le lien de causalité entre ce prétendu préjudice et le comportement incriminé de la Commission. Elle ne permet donc ni au juge communautaire d'exercer son contrôle, ni à la Commission d'assurer sa défense.

46.
    Il s'ensuit que les exigences de l'article 19 du statut de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal ne sont pas remplies.

47.
    Par conséquent, le recours en indemnité est irrecevable.

Sur l'affaire T-45/96

Sur les conclusions en carence

48.
    Le présent recours en carence est devenu sans objet, étant donné, d'une part, que la Commission a adressé à la requérante, le 27 janvier 1997, une communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63 et, d'autre part, qu'une décision définitive rejetant la plainte de la requérante a été adoptée le 5 janvier 1999.

49.
    Il n'y a donc plus lieu de statuer sur le recours en carence.

Sur les conclusions en annulation et en indemnité

50.
    Dans les affaires T-45/96 et T-190/95, la requérante présente des conclusions identiques, visant les mêmes prétendues décisions et la réparation du même préjudice. A l'appui de ces conclusions, elle invoque les mêmes moyens et arguments.

51.
    Il s'ensuit que les conclusions en annulation et en indemnité dans l'affaire T-45/96 sont irrecevables pour les même raisons que celles qui ont été exposées dans l'examen de l'affaire T-190/95.

Sur les dépens

52.
    La requérante ayant succombé en ses conclusions dans l'affaire T-190/95, elle doit être condamnée aux dépens conformément à l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

53.
    Dans l'affaire T-45/96, il n'y a plus lieu de statuer sur le recours en carence, de sorte que le Tribunal peut régler librement les dépens, conformément à l'article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure. En revanche, la requérante a succombé pour ce qui est de ses conclusions en annulation et en indemnité. Dans ces conditions, le Tribunal estime qu'il y a lieu de faire application de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure et de décider que chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours dans l'affaire T-190/95 est rejeté comme irrecevable.

2)    Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions en carence dans l'affaire T-45/96.

3)    Le recours dans l'affaire T-45/96 est, pour le surplus, rejeté comme irrecevable.

4)    La requérante est condamnée aux dépens de l'affaire T-190/95. Chacune des parties supportera ses propres dépens afférents à l'affaire T-45/96.

Vesterdorf Pirrung Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.