Language of document : ECLI:EU:T:2005:346

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

5 octobre 2005 (*)

« Fonctionnaires – Fausses déclarations de frais de mission – Procédure disciplinaire – Blâme – Régime linguistique – Secret médical »

Dans l’affaire T-203/03,

Lars Bo Rasmussen, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Hellerup (Danemark), représenté par Mes G. Bouneou et F. Frabetti, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. J. Curall et V. Joris, puis par M. Joris et Mme M. Patkova, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 1er juillet 2002 infligeant la sanction disciplinaire de blâme au requérant pour fausses déclarations de frais de mission, une demande de restitution des sommes répétées au titre de l’article 85 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi qu’une demande de réparation du préjudice moral prétendument subi,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme P. Lindh et M. V. Vadapalas, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 mai 2005,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1       Le requérant, entré au service de la Commission en tant qu’administrateur de grade A 6, en 1975, a été affecté à l’Office des publications officielles des Communautés européennes. Mis à la disposition de l’Office statistique des Communautés européennes (Eurostat) de 1981 à 1983, il a ensuite exercé ses fonctions à la direction générale (DG) « Personnel et administration », au sein de la direction de la traduction. Devenu administrateur de grade A 5 en 1989, le requérant a été nommé, le 1er mars 1991, à la DG « Emploi, relations industrielles et affaires sociales ». Le 1er octobre 1994, il a rejoint l’unité nouvellement créée « Promotion de la santé et surveillance des maladies ». Affecté à l’unité « Promotion de la santé, surveillance de la santé et prévention des blessures et accidents » le 1er octobre 1999, le requérant a été promu au grade A 4 par décision prenant effet le 1er janvier 2000. Il perçoit une pension d’invalidité depuis le 1er août 2001.

2       Le 3 mars 1998, le requérant a introduit une demande d’ordre de mission, visée par son supérieur hiérarchique et contresignée par l’ordonnateur, en vue de participer à une conférence se tenant à Dublin, du 9 mars 1998 à 9 h 00 au 10 mars 1998 à 17 h 00. Selon cette demande, le requérant devait partir de Luxembourg pour Bruxelles avec sa voiture personnelle, le 7 mars 1998 à 12 h 00, avant de prendre le même jour un vol Bruxelles-Dublin via Londres, puis de revenir à Luxembourg le 11 mars 1998 à 16 h 00, par le trajet inverse.

3       Dans sa déclaration de frais de mission en date du 17 mars 1998, le requérant a indiqué que la mission s’était déroulée comme initialement prévu. Pour le retour, le requérant a précisé avoir pris l’avion de Dublin pour Bruxelles le 11 mars à 8 h 40 et réalisé le voyage Bruxelles-Luxembourg, avec sa voiture personnelle dans l’après-midi du même jour. Au vu de cette déclaration, l’administration lui a versé des frais de mission à hauteur de quatre jours d’indemnités journalières et lui a remboursé le voyage aller-retour Luxembourg-Bruxelles, le billet d’avion aller-retour Bruxelles-Dublin étant pris en charge par l’organisateur de la conférence.

4       Entre-temps, le requérant a présenté une demande visant à obtenir un congé spécial pour élections d’une durée de deux jours et demi, du 11 mars dans l’après-midi au 13 mars inclus, afin de se rendre au Danemark pour voter aux élections législatives du 11 mars 1998.

5       Les services de la Commission ayant demandé au requérant de leur fournir une pièce justifiant de sa participation aux élections législatives danoises, ce dernier a adressé à l’administration, le 3 décembre 1998, une déclaration sur l’honneur selon laquelle il s’était déplacé à Copenhague au Danemark lors de ces élections.

6       À l’appui de cette déclaration, le requérant a communiqué le relevé de points d’un programme de fidélisation d’une compagnie aérienne faisant mention d’un vol Londres-Copenhague partant à 12 h 40 et arrivant à 15 h 25, le 11 mars 1998.

7       Par lettre du 10 février 1999, le requérant a demandé au bureau des congés d’imputer les deux jours et demi correspondant à son voyage au Danemark sur le congé spécial pour élections et non sur son congé annuel. La Commission a rejeté cette demande, le 25 mars 1999, au motif que les fonctionnaires danois pouvaient voter à l’ambassade du Danemark à Luxembourg pour les élections en cause. Ce refus a été confirmé le 9 juillet 1999, puis le 22 juillet 1999.

8       Le 26 juillet 1999, le requérant a introduit une réclamation auprès de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») contre la décision de la Commission de ne pas lui accorder un congé spécial pour la participation aux élections danoises du 11 mars 1998.

9       Par lettres du 27 juillet et du 2 août 1999, les services de la Commission ont informé le requérant que les documents envoyés dans le cadre de sa demande de congé spécial faisaient apparaître qu’il n’avait pas effectué le trajet Dublin-Luxembourg, le 11 mars 1998. Aussi, l’administration a décidé de prendre en compte l’heure de fin des travaux de la conférence pour le calcul des indemnités journalières, soit le 10 mars 1998 à 16 h 00, et de ne pas rembourser le voyage Bruxelles-Luxembourg. En conséquence, la Commission a récupéré sur le traitement du requérant, pour le mois de septembre 1999, une partie des indemnités qu’il avait perçues, en application de l’article 85 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »).

10     Le 10 août 1999, le requérant a introduit une réclamation contre la décision de la Commission de limiter le montant des indemnités journalières afférentes à sa mission à Dublin.

11     Par décision du 2 décembre 1999, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant concernant l’octroi d’un congé spécial pour élections puis, par décision du 1er février 2000, la réclamation relative à la répétition des sommes payées au titre des indemnités de mission.

12     Le 20 mars 2000, le requérant a introduit un recours devant le Tribunal (affaire T‑63/00), ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 2 décembre 1999 puis, le 18 avril 2000, un second recours (affaire T‑90/00), ayant pour objet une demande d’annulation de la décision du 1er février 2000.

13     En parallèle à cette procédure contentieuse, le directeur général de la DG « Personnel et administration », M. R., a adressé au requérant, le 12 mai 2000, une lettre rédigée en français de la façon suivante :

« Je vous informe que, suite au constat de déclarations contradictoires et douteuses de votre part, j’ai décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à votre encontre.

Les griefs qui vous sont reprochés sont d’avoir établi de fausses déclarations dans le cadre de vos missions et de vos congés.

[…]

Ainsi, des contradictions graves entre vos déclarations et les preuves matérielles, apportées par ailleurs par l’administration, ressortent de votre dossier.

J’estime néanmoins qu’il y a lieu de vous entendre conformément aux dispositions de l’article 87 du statut. »

14     Par cette même lettre, le requérant a été convoqué à une audition fixée au 16 mai 2000.

15     Par lettre du 8 juin 2000, rédigée en français, le requérant a, d’une part, demandé à M. R. de lui faire parvenir la lettre du 12 mai 2000 dans sa langue maternelle, le danois et, d’autre part, affirmé que le directeur général aurait dû attendre la décision du Tribunal avant de procéder à l’ouverture d’une procédure disciplinaire.

16     Par ordonnance en date du 8 novembre 2000, le Tribunal a joint les affaires T‑63/00 et T‑90/00 et, par une autre ordonnance du même jour, a ordonné, à titre de mesure d’instruction, la comparution personnelle du requérant à l’audience du 6 décembre 2000.

17     Lors de sa comparution, le requérant a reconnu ne pas avoir effectué de déplacement jusqu’à Luxembourg le 11 mars 1998. Par ailleurs, invité par le Tribunal à produire une attestation établie par les autorités nationales compétentes prouvant, à tout le moins, sa qualité d’électeur au Danemark, le requérant n’a pas été en mesure de produire ladite pièce.

18     À la suite de cette comparution, le requérant a informé le Tribunal qu’il se désistait de ses recours.

19     Par l’ordonnance du 23 janvier 2001, Rasmussen/Commission (T‑63/00 et T‑90/00, non publiée au Recueil), le président de la première chambre du Tribunal a radié les affaires jointes T‑63/00 et T‑90/00 et a condamné le requérant à supporter l’ensemble des dépens.

20     L’audition demandée par le directeur général de la DG « Personnel et administration » n’ayant pas eu lieu à la date prévue, le requérant a été convoqué de nouveau par lettres en date du 22 mars, du 22 mai et du 7 novembre 2001.

21     En vue de cette audition et alors que le requérant percevait une pension d’invalidité au Danemark depuis le 1er août 2001, la Commission a consulté le chef d’unité du service médical de la Commission à Luxembourg, par lettre du 17 octobre 2001, en lui demandant, premièrement, si M. Rasmussen était en état de se déplacer du Danemark à Bruxelles pour une audition, deuxièmement, s’il était en état d’être auditionné et, troisièmement, s’il y avait des obstacles d’ordre médical qui empêchaient l’application éventuelle d’une sanction disciplinaire, étant donné qu’il ne s’agirait vraisemblablement que d’un avertissement par écrit ou d’un blâme.

22     Par lettre en date du 23 octobre 2001, ledit chef d’unité a répondu de la façon suivante :

« 1) Oui, M. Rasmussen est en état de se déplacer du Danemark à Bruxelles pour une audition, d’autant plus que je le croise de temps en temps à la cantine à Luxembourg.

2) Oui, M. Rasmussen est en état d’être auditionné.

3) Non, étant donné que le domaine dans lequel une procédure disciplinaire a été ouverte est le domaine ‘financier’ au sens large, je ne vois pas d’obstacle d’ordre médical qui empêcherait l’application d’une sanction éventuelle telle que précisée dans votre note. »

23     L’audition du requérant par deux membres de la DG « Personnel et administration », au titre de l’article 87 du statut, s’est tenue le 6 mars 2002, à Bruxelles, en anglais.

24     Par décision du 1er juillet 2002, rédigée en anglais, les directeurs généraux des DG « Personnel et administration », « Santé et protection des consommateurs » et « Éducation et culture » ont infligé un blâme au requérant sur le fondement de l’article 86, paragraphe 2, sous b), du statut (ci-après la « décision attaquée »).

25     Le 19 septembre 2002, le requérant a introduit une réclamation, rédigée en langue française, contre la décision attaquée.

26     La réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 21 janvier 2003.

 Procédure et conclusions des parties

27     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2003, le requérant a introduit le présent recours.

28     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a invité la Commission à produire un document. Il a été déféré à cette demande dans le délai imparti.

29     À l’audience du 11 mai 2005, lors de laquelle le requérant n’était ni présent ni représenté, la Commission a été entendue en sa plaidoirie et en ses réponses aux questions orales posées par le Tribunal.

30     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       annuler la décision portant rejet de la réclamation du 21 janvier 2003 ;

–       condamner la défenderesse à la restitution des sommes répétées au titre de l’article 85 du statut ;

–       condamner la défenderesse à lui verser 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ou tout autre montant même supérieur en réparation du préjudice moral subi ;

–       condamner la défenderesse aux dépens.

31     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner le requérant aux dépens.

 Sur la recevabilité de la demande en restitution des sommes répétées au titre de l’article 85 du statut

32     En ce qui concerne le troisième chef de conclusions, il convient, tout d’abord, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’incombe pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 91 du statut, d’adresser des injonctions aux institutions communautaires. En effet, en cas d’annulation d’un acte, l’institution concernée est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt (arrêts du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, point 29, et du 4 mai 2005, Castets/Commission, T‑398/03, non encore publié au Recueil, point 19).

33     En conséquence, ainsi que la Commission l’a soutenu lors de l’audience, le chef de conclusions visant à ce que le Tribunal enjoigne à la Commission de restituer au requérant les indemnités journalières et les indemnités de transport répétées au titre de l’article 85 du statut est irrecevable.

 Sur les conclusions en annulation

34     Au soutien de sa demande en annulation, le requérant invoque, en substance, quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’irrégularités de procédure commises par la Commission. Le deuxième moyen est fondé sur la violation du règlement n° 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), et de l’article 13 CE. Le troisième moyen est relatif à une violation du secret médical. Le quatrième moyen est pris d’une violation de l’article 71 du statut.

 Sur le premier moyen, tiré d’irrégularités de procédure commises par la Commission

 Arguments des parties

35     Le requérant fait valoir que dans la lettre d’ouverture de la procédure disciplinaire, en date du 12 mai 2000, il n’est accusé d’aucune violation de quelque article du statut que ce soit. Or, il serait de jurisprudence constante que les griefs doivent être clairement formulés dans l’acte d’ouverture de la procédure disciplinaire par son auteur, celui-ci devant indiquer la règle de droit ou le principe ayant fait l’objet d’une violation, afin d’assurer le respect des droits de la défense.

36     Par ailleurs, le requérant se demande si la procédure disciplinaire n’a pas été ouverte par M. R. à titre personnel, alors qu’elle ne pouvait l’être que par une personne ayant la qualité d’AIPN.

37     Le requérant souligne enfin que la Commission ne lui a pas donné l’occasion de se défendre, lors de l’audition du 6 mars 2002, contre l’accusation selon laquelle il voulait obtenir le remboursement de frais de mission auxquels il n’avait pas droit.

38     En ce qui concerne la lettre d’ouverture de la procédure disciplinaire, la Commission rétorque qu’elle constitue seulement un acte préparatoire suivi, au terme de la procédure, d’une autre décision adressée au requérant. Cette lettre représenterait le premier acte d’une procédure contradictoire destinée à vérifier l’exactitude des déclarations faites par le requérant. À ce stade de la procédure, la Commission n’aurait pas été dans l’obligation de faire état de la violation d’une disposition précise.

39     À propos de l’ouverture de la procédure disciplinaire par M. R., la Commission, se référant à sa décision du 9 novembre 2001, concernant la modification des tables des AIPN, et à la décision de son secrétaire général en date du 6 novembre 2001, relative à la désignation du troisième directeur général au sein de l’AIPN, considère que le directeur général a agi en qualité d’AIPN, dûment désignée à cet effet par la décision du 9 novembre 2001.

40     Concernant le caractère contradictoire de l’audition du 6 mars 2002, la Commission relève que celle-ci a eu lieu à la suite de la constatation de contradictions graves entre les déclarations du requérant et les preuves matérielles qu’il avait fournies à l’administration. Selon elle, au moment de l’audition, le requérant avait déjà connaissance de tous les éléments concernant cette affaire grâce à la lettre de l’AIPN du 1er février 2000, rejetant sa réclamation, ainsi qu’au mémoire en défense de la Commission dans l’affaire T‑90/00, dont il s’est désisté. De plus, il résulterait du rapport d’audition contresigné par le requérant que les questions posées avaient pour objectif de clarifier des propos incohérents et confus formulés par ce dernier dans ses communications avec l’administration.

 Appréciation du Tribunal

41     S’agissant, tout d’abord, de l’indication de la règle de droit prétendument violée dans l’acte d’ouverture de la procédure disciplinaire, il résulte de la jurisprudence du Tribunal que le but d’une décision portant ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire est de permettre à l’AIPN d’examiner la véracité et la gravité des faits reprochés au fonctionnaire concerné et d’entendre celui-ci à ce sujet, conformément à l’article 87 du statut, en vue de se forger une opinion, d’une part, quant à l’opportunité soit de clore sans suite la procédure disciplinaire, soit d’adopter une sanction disciplinaire à l’encontre du fonctionnaire et, d’autre part, le cas échéant, quant à la nécessité de le renvoyer ou non, avant l’adoption de cette sanction, devant le conseil de discipline, selon la procédure prévue à l’annexe IX du statut (arrêt du Tribunal du 13 mars 2003, Pessoa e Costa/Commission, T‑166/02, RecFP p. I‑A‑89 et II‑471, point 36).

42     Le fait que, lors de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre de l’un de ses agents, l’AIPN n’a pas visé explicitement les dispositions dont la violation est finalement retenue dans la décision de sanction arrêtée à l’issue de cette procédure ne saurait être considéré comme ayant privé l’intéressé de son droit d’être utilement entendu lorsque les griefs formulés lors de cette ouverture permettaient à l’intéressé de connaître précisément les dispositions auxquelles il lui était reproché d’avoir manqué (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 mars 2004, Afari/BCE, T‑11/03, non encore publié au Recueil, points 111 à 120).

43     En l’espèce, dans la décision attaquée, l’AIPN a considéré que le requérant, par de fausses déclarations destinées à obtenir le remboursement de ses frais de mission, avait violé l’article 12, paragraphe 1, du statut, selon lequel « [l]e fonctionnaire doit s’abstenir de tout acte et, en particulier, de toute expression publique d’opinions qui puisse porter atteinte à la dignité de sa fonction ».

44     Dans ladite décision, l’AIPN a également énoncé que le requérant avait violé l’article 27, paragraphe 1, du statut, aux termes duquel « [l]e recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres des Communautés ».

45     Il ressort donc de la décision attaquée que la Commission a considéré que le requérant, par son comportement, avait manqué à l’intégrité et à la dignité de sa fonction.

46     Dans la lettre d’ouverture de la procédure disciplinaire, l’AIPN a reproché au requérant d’avoir procédé à de fausses déclarations de frais de mission dans le cadre de ses missions et de ses congés.

47     Or, de tels griefs permettaient au requérant de comprendre suffisamment clairement qu’il lui était reproché d’avoir violé les dispositions du statut exigeant des fonctionnaires un comportement digne et intègre.

48     Dès lors, il y a lieu de considérer que le requérant a été mis en mesure, par l’AIPN, de connaître les dispositions auxquelles il lui est reproché d’avoir manqué.

49     Il en résulte que le grief concernant l’indication de la règle de droit prétendument violée dans l’acte d’ouverture de la procédure disciplinaire doit être rejeté.

50     S’agissant, ensuite, de l’ouverture de la procédure disciplinaire par M. R., il y a lieu de constater que le requérant n’apporte aucun élément au soutien de l’affirmation selon laquelle le directeur général de la DG « Personnel et administration » aurait ouvert la procédure disciplinaire à titre personnel.

51     Par ailleurs, la décision de la Commission du 21 janvier 1998, publiée aux Informations administratives n° 1031 du 23 février 1998 et produite par la défenderesse dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, établit que M. R., en sa qualité de directeur général de la DG « Personnel et administration », était compétent, en tant qu’AIPN, pour procéder à l’engagement d’une procédure disciplinaire concernant un fonctionnaire d’un grade tel que celui du requérant.

52     Il convient donc de rejeter le grief selon lequel M. R. aurait ouvert la procédure disciplinaire à titre personnel.

53     Enfin, s’agissant de l’audition du 6 mars 2002, il suffit de relever que le compte rendu de l’audition, signé par le requérant et non contesté, établit qu’un échange contradictoire a eu lieu et que le requérant a pu présenter sa défense à propos des déclarations de frais de mission litigieuses.

54     Partant, il y a lieu d’écarter le grief du requérant portant sur le caractère prétendument non contradictoire de l’audition du 6 mars 2002.

55     Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du règlement n° 1 et de l’article 13 CE

 Arguments des parties

56     Le requérant soutient que la Commission a violé le règlement n° 1, qui détermine le régime linguistique des institutions, en insistant pour communiquer avec lui en français malgré ses demandes répétées d’utiliser le danois ou l’anglais, sa première langue étrangère.

57     Le requérant affirme également que l’insistance de la Commission à utiliser la langue française porte atteinte aux droits de la défense et révèle une discrimination linguistique, constitutive d’une violation de l’article 13 CE.

58     La défenderesse souligne que l’article 6 du règlement n° 1 permet aux institutions de déterminer l’application du régime linguistique dans leurs règlements intérieurs, mais que le règlement intérieur de la Commission ne comprend pas de disposition à ce sujet. Elle invoque une jurisprudence du Tribunal selon laquelle il incombe aux institutions, en vertu de leur devoir de sollicitude, de s’adresser à un fonctionnaire dans une langue que celui-ci maîtrise d’une manière approfondie ou, si ce n’est pas le cas, d’une manière lui permettant de prendre utilement connaissance de l’acte en question.

59     La Commission prétend que le requérant a parfaitement compris toutes les notes qui lui ont été envoyées en français, lui-même ayant rédigé des lettres dans cette langue lors de la présente affaire et déclaré par ailleurs, à plusieurs reprises, qu’il possédait une parfaite maîtrise du français. Elle en déduit qu’elle n’a pas failli à son devoir de sollicitude en envoyant au requérant une partie du courrier en langue française, celui-ci ayant pris utilement connaissance des actes qui lui ont été reprochés dès l’ouverture de la procédure disciplinaire. La défenderesse ajoute qu’aucune atteinte aux droits de la défense du requérant ne peut être retenue en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

60     Le règlement n° 1 n’est pas applicable aux relations entre les institutions et leurs agents, en ce qu’il fixe uniquement le régime linguistique applicable entre les institutions de la Communauté européenne et un État membre ou une personne relevant de la juridiction de l’un des États membres.

61     L’administration a néanmoins l’obligation de s’assurer que les fonctionnaires peuvent effectivement et facilement prendre connaissance des actes administratifs qui les concernent individuellement. Même si le statut ne règle pas la question de l’emploi des langues par les institutions communautaires dans le cadre des décisions adressées à leur personnel, il incombe aux institutions, en vertu du devoir de sollicitude, d’adresser à un fonctionnaire une décision individuelle libellée dans une langue que celui-ci maîtrise d’une façon approfondie (arrêt du Tribunal du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, point 46).

62     Si tant est que le grief soulevé par le requérant puisse être interprété comme faisant valoir la violation d’un tel devoir, il convient de relever que, en l’espèce, le requérant ayant demandé à la Commission d’employer soit la langue danoise, soit la langue anglaise, le litige porte uniquement sur la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire et les convocations en vue de l’audition du requérant, rédigées en français. En effet, l’audition en date du 6 mars 2002 s’est tenue en anglais et la décision attaquée a été rédigée en anglais.

63     Or, d’une part, le requérant a rédigé sa réclamation du 19 septembre 2002, contre la décision attaquée, en langue française. D’autre part, le requérant a déclaré, lors de son audition par la Commission, le 6 mars 2002, qu’il possédait une parfaite maîtrise de la langue française.

64     Dès lors, il y a lieu de constater que le requérant possède une maîtrise de la langue française lui ayant permis de prendre effectivement et facilement connaissance du contenu des lettres qui lui ont été transmises par l’administration au cours de la procédure disciplinaire.

65     Dans ces circonstances, le grief tiré de la violation du régime linguistique des institutions communautaires doit être rejeté.

66     Par ailleurs, eu égard aux considérations qui précèdent, il ne saurait être considéré que l’utilisation de la langue française par l’administration ait empêché le requérant d’être entendu utilement avant l’adoption de l’acte lui faisant grief et, partant, ait été de nature à porter atteinte aux droits de la défense. 

67     Concernant la prétendue violation de l’article 13 CE, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68, et du 14 octobre 2004, Sandini/Cour de justice, T‑389/02, non encore publié au Recueil, point 120).

68     La seule référence, dans la requête, à la violation de l’article 13 CE, en l’absence d’allégations précises concernant la discrimination linguistique dénoncée, ne saurait être considérée comme suffisante au regard du règlement de procédure, et il convient, dès lors, d’écarter ce grief comme irrecevable.

69     Il s’ensuit que le deuxième moyen soulevé par le requérant doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du secret médical

 Arguments des parties

70     Le requérant reproche à la Commission d’avoir consulté son service médical pour savoir s’il était en état de se déplacer à Bruxelles pour une audition.

71     Aucun médecin du service médical ne l’ayant examiné à cette occasion, le requérant considère que l’avis de la Commission est fondé sur son dossier médical, ce qui constitue une violation du secret professionnel. La Commission aurait dû solliciter l’avis d’un médecin du pays de résidence du requérant.

72     La défenderesse fait observer qu’elle a consulté le chef du service médical de la Commission à Luxembourg, dans un souci de sollicitude vis-à-vis du requérant. Celui-ci percevant une pension d’invalidité au Danemark depuis le 1er août 2001, l’administration voulait s’assurer que son état de santé lui permettait d’effectuer le déplacement à Bruxelles et qu’il n’y avait pas d’obstacle d’ordre médical à l’application éventuelle d’une sanction disciplinaire.

73     La Commission affirme qu’aucune violation du secret médical n’a été commise. En effet, selon la défenderesse, la personne qui a consulté le dossier médical du requérant était un médecin, tenu par le secret professionnel. En outre, les questions posées auraient été d’ordre général et non de nature médicale et les réponses du médecin n’auraient rien révélé de l’état de santé du requérant ou de son diagnostic médical, notamment sur les raisons qui ont conduit à lui attribuer une pension d’invalidité.

 Appréciation du Tribunal

74     Selon le requérant, la violation du secret médical serait constituée par la consultation de son dossier médical par un médecin de la Commission. À cet égard, le requérant ne conteste pas la faculté, pour la défenderesse, de solliciter un avis médical préalablement à son audition au titre de l’article 87 du statut ni les réponses fournies, en l’espèce, par le médecin dans son avis du 23 octobre 2001.

75     Or, dans les circonstances de l’espèce, la seule consultation du dossier médical du requérant par un médecin de la Commission ne saurait affecter la légalité de la décision attaquée. Ce grief est, par conséquent, inopérant au soutien des conclusions en annulation de ladite décision.

76     Le moyen tiré d’une violation du secret médical doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 71 du statut

 Arguments des parties

77     Selon le requérant, le blâme infligé serait dû à des interprétations contradictoires de l’article 71 du statut, de l’annexe VII du statut, notamment dans ses articles 11 à 13, et du guide des missions. Pendant l’audition du 6 mars 2002, il aurait donné une explication très plausible de son comportement, lié à l’introduction, à cette période, de l’informatique pour le traitement des ordres de mission. Même s’il s’agissait d’une mission combinée avec un congé, la Commission aurait dû calculer les indemnités journalières et les frais de transport de manière à prendre en considération le fait que le requérant a été obligé de passer la nuit du 10 mars 1998 à Dublin, en l’absence de moyen de transport, et qu’il n’a pris que deux jours et demi de congés.

78     La Commission fait valoir que le requérant ne peut remettre en cause une situation déjà tranchée par le Tribunal. La défenderesse rappelle que le requérant a admis ne pas être rentré de Dublin à Luxembourg, mais avoir pris l’avion de Londres à Copenhague. Elle relève également que le requérant n’a pu apporter la preuve, demandée par le Tribunal, qu’il avait effectivement exercé son droit de vote au Danemark et qu’il s’était ensuite désisté de son recours.

79     La Commission ajoute que le litige ne porte pas sur une question d’interprétation des dispositions statutaires. Selon la défenderesse, la procédure disciplinaire n’a pas été motivée par l’impossibilité matérielle pour le requérant de revenir à Luxembourg, mais par ses fausses déclarations selon lesquelles il était revenu sur son lieu d’affectation à l’issue de sa mission à Dublin.

 Appréciation du Tribunal

80     À titre liminaire, il convient de rappeler que, dès que la réalité des faits retenus à la charge d’un fonctionnaire en tant que violation de ses obligations statutaires est établie, le choix de la sanction adéquate appartient, sous le contrôle du juge, à l’autorité disciplinaire (arrêt de la Cour du 30 mai 1973, De Greef/Commission, 46/72, Rec. p. 543, point 45). Celle-ci doit fonder son choix de la sanction sur une évaluation globale de tous les faits concrets et des circonstances aggravantes ou atténuantes propres à l’espèce (arrêt du Tribunal du 3 juillet 2001, E/Commission, T‑24/98 et T‑241/99, RecFP p. I‑A‑149 et II‑681, point 86).

81     En l’espèce, le litige concerne des déclarations de frais de mission ne correspondant pas aux déplacements réellement effectués par le requérant et ne porte pas sur l’interprétation de l’article 71 du statut, de l’annexe VII du statut et du guide des missions. À cet égard, il convient de rappeler que le requérant a reconnu, lors de sa comparution devant le Tribunal, le 6 décembre 2000, ne pas être revenu à Luxembourg le 11 mars 1998. Les arguments du requérant relatifs à l’informatisation des ordres de mission ne permettent pas de remettre en cause ce qu’il a précédemment reconnu.

82     Dès lors, le quatrième moyen n’est pas fondé.

83     Partant, les conclusions en annulation doivent être rejetées.

 Sur les conclusions en indemnité

84     En ce qui concerne la demande en indemnité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (arrêts du Tribunal du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, RecFP p. I‑A‑97 et II‑289, point 159, et du 25 juin 2003, Pyres/Commission, T‑72/01, RecFP p. I‑A‑169 et II‑861, point 85).

85     En l’espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation.

86     Les conclusions en indemnité doivent, par conséquent, être rejetées.

87     Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

88     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Toutefois, aux termes de cet article et de l’article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, de ce règlement, le Tribunal peut condamner une partie à rembourser à l’autre partie les frais qu’elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

89     Eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, et notamment au fait que le requérant persiste à contester la répétition des frais de mission liés à sa mission à Dublin alors même qu’il a admis, devant le Tribunal, lors de l’audience du 6 décembre 2000, ne pas être revenu à Luxembourg le 11 mars 1998, il y a lieu de faire application de l’article 87, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure.

90     En conséquence, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que le requérant supportera, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le requérant supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par la Commission.

3)      La Commission supportera la moitié de ses propres dépens.

Legal

Lindh

Vadapalas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2005.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       H. Legal


* Langue de procédure : le français.