Language of document : ECLI:EU:T:2008:461

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

23 octobre 2008 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Recours en annulation – Droits de la défense – Motivation – Contrôle juridictionnel »

Dans l’affaire T‑256/07,

People’s Mojahedin Organization of Iran, établie à Auvers‑sur‑Oise (France), représentée par Me J.-P. Spitzer, avocat, et M. D. Vaughan, QC,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme E. Finnegan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mmes V. Jackson et T. Harris, puis par Mme Jackson, en qualité d’agents, assistées de Mmes S. Lee et M. Gray, barristers,

par

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mmes S. Boelaert et J. Aquilina, puis par Mme Boelaert, MM. P. Aalto et P. van Nuffel, en qualité d’agents,

et par

Royaume des Pays-Bas, représenté par MM. M. de Grave et Y. de Vries, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet initial une demande d’annulation de la décision 2007/445/CE du Conseil, du 28 juin 2007, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant les décisions 2006/379/CE et 2006/1008/CE (JO L 169, p. 58), pour autant qu’elle concerne la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, D. Šváby et L. Truchot, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 mars 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Pour un exposé des premiers antécédents du présent litige, il est renvoyé aux points 1 à 26 de l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil (T‑228/02, Rec. p. II‑4665, ci‑après l’« arrêt OMPI »).

2        Après l’audience de plaidoirie dans l’affaire à l’origine dudit arrêt OMPI, qui s’est tenue le 7 février 2006, mais avant le prononcé de celui-ci, le Conseil a adopté la décision 2006/379/CE, du 29 mai 2006, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2005/930/CE (JO L 144, p. 21). Il est constant que, par cette décision, le Conseil a maintenu le nom de la requérante dans la liste figurant à l’annexe du règlement (CE) n° 2580/2001 du Conseil, du 27 décembre 2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO L 344, p. 70, rectificatif JO 2007, L 164, p. 36, ci-après la « liste litigieuse »).

3        Par l’arrêt OMPI, point 1 supra, le Tribunal a annulé la décision 2005/930/CE du Conseil, du 21 décembre 2005, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2005/848/CE (JO L 340, p. 64), pour autant qu’elle concernait la requérante, aux motifs que cette décision n’était pas motivée, qu’elle avait été adoptée dans le cadre d’une procédure au cours de laquelle les droits de la défense de la requérante n’avaient pas été respectés et que le Tribunal lui-même n’était pas en mesure de procéder au contrôle juridictionnel de la légalité de cette décision (arrêt OMPI, point 1 supra, point 173).

4        Le 21 décembre 2006, le Conseil a adopté la décision 2006/1008/CE, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 (JO L 379, p. 123). Par cette décision, le Conseil a ajouté le nom de certaines personnes, groupes et entités à la liste litigieuse.

5        Par lettre du 30 janvier 2007, le Conseil a indiqué à la requérante que, à son avis, les motifs invoqués pour l’inclure dans la liste litigieuse étaient toujours valables et que, par conséquent, il comptait la maintenir dans cette liste. À cette lettre était joint un exposé des motifs invoqués par le Conseil. Il était également indiqué à la requérante que celle‑ci pouvait soumettre au Conseil des observations sur son intention de la maintenir dans la liste et sur les motifs qu’il invoquait à cet égard, ainsi que toutes pièces à l’appui, dans un délai d’un mois.

6        Dans l’exposé des motifs joint à ladite lettre, le Conseil a notamment relevé qu’une décision avait été prise à l’égard de la requérante par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931/PESC du Conseil, du 27 décembre 2001, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO L 344, p. 93), à savoir l’ordonnance du Secretary of State for the Home Department (ministre de l’Intérieur, ci-après le « Home Secretary ») du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord du 28 mars 2001 visant à proscrire la requérante en tant qu’organisation impliquée dans le terrorisme, en vertu du Terrorism Act 2000 (loi sur le terrorisme de 2000) (ci‑après l’« ordonnance du Home Secretary »). Après avoir noté que cette décision, qui selon ladite loi pouvait faire l’objet d’un appel (review), était toujours en vigueur, le Conseil a constaté que les motifs de l’inclusion de la requérante dans la liste litigieuse restaient d’application.

7        Par lettres des 27 février, 19, 20 et 26 mars 2007, la requérante a soumis au Conseil ses observations en réponse. Elle a notamment contesté qu’une quelconque décision de la « maintenir » dans la liste litigieuse puisse être valablement adoptée à la suite de l’arrêt OMPI, point 1 supra. Elle a également critiqué tant les motifs invoqués par le Conseil pour justifier une telle décision que la procédure suivie par lui. Enfin, elle a demandé à avoir accès au dossier du Conseil.

8        Sous couvert d’une lettre du 30 mars 2007, le Conseil a communiqué à la requérante un ensemble de seize documents. S’agissant de la communication des autres documents du dossier, il a indiqué que le ou les États d’origine devaient d’abord être consultés.

9        Par lettre du 16 avril 2007, la requérante a fait valoir qu’il était essentiel qu’elle ait accès à tous les documents du dossier et qu’elle ait la possibilité de les commenter avant qu’une décision soit adoptée. Le même jour, les avocats de la requérante ont adressé au Conseil un avis conjoint dans lequel ils répétaient les arguments avancés antérieurement et contestaient de surcroît que l’ordonnance du Home Secretary puisse servir de fondement à la décision envisagée.

10      Par un avis publié au Journal officiel (C 90, p. 1) le 25 avril 2007, le Conseil a informé les personnes, groupes et entités visés par les décisions 2006/379 et 2006/1008 qu’il avait l’intention de les maintenir dans la liste litigieuse. Le Conseil a également informé les intéressés qu’il leur était possible de lui adresser une demande en vue d’obtenir l’exposé des motifs pour lesquels ils avaient été inclus dans la liste en question (à moins que celui-ci ne leur ait déjà été communiqué).

11      Par lettre du 14 mai 2007, le Conseil a communiqué à la requérante un document additionnel du dossier. S’agissant des autres documents non encore communiqués, le Conseil a indiqué que l’État dont ils provenaient s’opposait à leur communication. Le Conseil a par ailleurs joint à cette lettre une note de son secrétariat général au comité des représentants permanents (Coreper) du 19 janvier 2007 (document 5418/1/07 REV 1), intitulée « Suivi de l’arrêt [OMPI] », à laquelle était joint un projet de lettre et de motifs dont le contenu est identique à celui de la lettre du Conseil à la requérante du 30 janvier 2007, citée au point 5 ci‑dessus.

12      Par lettre du 29 mai 2007, la requérante a soumis de nouvelles observations complémentaires, dans lesquelles elle analysait les documents communiqués par le Conseil. Elle a, par ailleurs, insisté pour que les documents à décharge produits par elle soient versés au dossier.

13      Par lettre du 12 juin 2007, le Conseil a répondu à la requérante qu’une copie de ses courriers ainsi que de tous les documents à décharge produits par elle avait été distribuée aux délégations des États membres.

14      Le 28 juin 2007, le Conseil a adopté la décision 2007/445/CE, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant les décisions 2006/379 et 2006/1008 (JO L 169, p. 58). Aux termes de l’article 1er de cette décision, la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 est remplacée par la liste figurant en annexe. Il est constant que le nom de la requérante est repris dans ladite annexe.

15      La décision 2007/445 a été notifiée à la requérante sous couvert d’une lettre du Conseil du 29 juin 2007 (ci-après la « première lettre de notification »). L’exposé des motifs joint à ladite lettre est identique, en substance, à celui joint à la lettre du 30 janvier 2007 (voir point 6 ci-dessus).

 Procédure et nouveaux développements en cours d’instance

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juillet 2007, la requérante a introduit le présent recours.

17      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande visant à ce qu’il soit statué selon une procédure accélérée, conformément à l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Le Conseil a présenté ses observations sur cette demande le 30 juillet 2007.

18      Avant de statuer sur ladite demande, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, le 13 septembre 2007, de convoquer les agents des parties à une réunion informelle en présence du juge rapporteur, conformément à l’article 64 du règlement de procédure. Cette réunion s’est tenue le 10 octobre 2007.

19      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

20      Le 11 octobre 2007, le Tribunal (septième chambre) a décidé de statuer selon une procédure accélérée, à condition que la requérante présente, dans un délai de sept jours, une version abrégée de sa requête ainsi qu’une liste des annexes devant être seules prises en considération, conformément au projet rédigé par elle en vue de la réunion informelle. La requérante a satisfait à cette condition.

21      Par ordonnance du 20 novembre 2007, les parties entendues, le président de la septième chambre du Tribunal a admis le Royaume‑Uni, la Commission des Communautés européennes et le Royaume des Pays‑Bas à intervenir à l’appui des conclusions du Conseil.

22      Par décision (Open Determination) PC/02/2006, du 30 novembre 2007, la Proscribed Organisations Appeal Commission (commission d’appel concernant les organisations interdites, Royaume-Uni, ci-après la « POAC ») a fait droit à un recours formé contre la décision du Home Secretary du 1er septembre 2006 refusant de lever la proscription de la requérante en tant qu’organisation impliquée dans le terrorisme et a ordonné audit Home Secretary de soumettre au Parlement du Royaume‑Uni un projet d’ordonnance (Order) retirant la requérante de la liste des organisations proscrites en vertu du Terrorism Act 2000 (ci-après la « décision de la POAC »).

23      Sous couvert d’une lettre du 5 décembre 2007, la requérante a déposé au greffe du Tribunal, d’une part, une copie de la décision de la POAC et, d’autre part, une copie de la lettre adressée par elle-même au Conseil le même jour, en vue d’obtenir sa radiation de la liste litigieuse au vu de la décision de la POAC.

24      Par lettre du 12 décembre 2007, le Tribunal (septième chambre) a posé des questions écrites aux parties quant à l’éventuelle incidence de la décision de la POAC sur la présente affaire, ainsi que sur l’opportunité de poursuivre la procédure accélérée.

25      Par décision du 14 décembre 2007, la POAC a rejeté la demande du Home Secretary visant à être autorisé à introduire un pourvoi devant la Court of Appeal (England & Wales) [cour d’appel (Angleterre et pays de Galles), Royaume-Uni] contre la décision de la POAC du 30 novembre 2007. La POAC a motivé ce refus, dans un addendum à ladite décision daté du 17 décembre 2007, par la circonstance qu’aucun des arguments avancés par le Home Secretary ne présentait de chances raisonnables de succès.

26      Le 20 décembre 2007, le Conseil a adopté la décision 2007/868/CE, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et abrogeant la décision 2007/445 (JO L 340, p. 100). Aux termes de l’article 1er de cette décision, la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 est remplacée par la liste figurant en annexe. Il est constant que le nom de la requérante est repris au point 2.19 de ladite annexe, sous la rubrique « Groupes et entités ».

27      Le 28 décembre 2007, le Home Secretary a introduit devant la Court of Appeal une nouvelle demande d’autorisation de former un pourvoi contre la décision de la POAC.

28      La décision 2007/868 a été notifiée à la requérante sous couvert d’une lettre du Conseil du 3 janvier 2008 (ci-après la « seconde lettre de notification »). Selon les termes de cette lettre, le Conseil a considéré que les raisons de maintenir la requérante dans la liste litigieuse, préalablement communiquées à l’intéressée par la première lettre de notification, étaient encore valables. S’agissant de la décision de la POAC, le Conseil a relevé que le Home Secretary avait tenté d’introduire un pourvoi contre celle-ci.

29      L’exposé des motifs joint à la seconde lettre de notification est identique à celui qui avait été joint à la première lettre de notification (voir point 15 ci-dessus).

30      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2008, la requérante a informé le Tribunal de l’adoption de la décision 2007/868. Elle a demandé à pouvoir adapter ses conclusions dans la présente affaire de façon à ce que son recours vise également à l’annulation de cette décision. En outre, elle a demandé au Tribunal de continuer de statuer selon la procédure accélérée et a fait valoir que la présente affaire était d’autant plus urgente du fait de l’adoption de la décision en question.

31      Le Conseil, le Royaume-Uni et la Commission ont déposé au greffe leurs observations écrites en réponse aux questions du Tribunal du 12 décembre 2007, les 15 et 16 janvier 2008.

32      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a, par lettre du greffe du 5 février 2008 :

–        invité le Conseil et les parties intervenantes à présenter leurs observations écrites sur la demande d’adaptation des conclusions de la requérante visée au point 30 ci-dessus ;

–        demandé au Conseil et au Royaume‑Uni de déposer l’ensemble des documents relatifs à la procédure d’adoption de la décision 2007/868, pour autant que celle-ci concerne la requérante ;

–        autorisé le Royaume-Uni à déposer un mémoire en intervention.

33      Dans leurs observations écrites en réponse auxdites mesures d’organisation de la procédure, déposées au greffe du Tribunal les 19 et 21 février 2008, le Conseil, la Commission et les Pays‑Bas ont déclaré ne pas avoir d’objections à la demande d’adaptation des conclusions de la requérante visée au point 30 ci-dessus.

34      En revanche, dans son mémoire en intervention, déposé au greffe du Tribunal le 21 février 2008, le Royaume‑Uni a soutenu, en se référant au point 34 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, que le contrôle juridictionnel du Tribunal devrait porter en l’espèce sur la seule décision 2007/868. Selon cet intervenant, la décision 2007/445 n’est plus susceptible d’un tel contrôle dès lors qu’elle a été abrogée par ladite décision 2007/868.

35      Le Conseil et le Royaume‑Uni ont par ailleurs déféré à la demande du Tribunal visant à la production des documents relatifs à la procédure d’adoption de la décision 2007/868, pour autant que celle-ci concerne la requérante. À cette occasion, le Royaume‑Uni a toutefois demandé que les informations contenues dans les documents produits par lui ne soient pas divulguées au public.

36      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 6 mars 2008.

37      Sous couvert d’une lettre du 13 mai 2008, la requérante a déposé au greffe du Tribunal une copie de l’arrêt de la Court of Appeal du 7 mai 2008, rejetant la demande du Home Secretary visant à être autorisé à introduire devant cette juridiction un pourvoi contre la décision de la POAC (ci-après l’« arrêt de la Court of Appeal »). Dans cette même lettre, la requérante a fait valoir certaines observations sur cet arrêt.

38      Par ordonnance du 12 juin 2008, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ordonner la réouverture de la procédure orale, conformément à l’article 62 du règlement de procédure, afin de permettre aux autres parties de prendre position sur ces éléments nouveaux.

39      Par lettre du greffe du 12 juin 2008, les autres parties ont été invitées à déposer leurs observations sur la lettre de la requérante du 13 mai 2008 et sur l’arrêt de la Court of Appeal.

40      Le Conseil ayant déféré à cette demande par lettre déposée au greffe le 7 juillet 2008 et la requérante n’ayant pas été autorisée à lui répliquer, le Tribunal a clos de nouveau la procédure orale par décision du 15 juillet 2008.

 Conclusions des parties

41      Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2007/445, pour autant que celle-ci la concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

42      Dans sa lettre au Tribunal du 11 janvier 2008, la requérante conclut également à ce qu’il plaise au Tribunal annuler la décision 2007/868, pour autant que celle-ci la concerne.

43      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

44      Le Royaume‑Uni, la Commission et les Pays‑Bas soutiennent le premier chef de conclusions du Conseil.

 Sur les conséquences procédurales de l’abrogation et du remplacement de la décision 2007/445

45      Ainsi qu’il ressort du point 26 ci-dessus, la décision 2007/445 a été abrogée et remplacée, depuis le dépôt de la requête, par la décision 2007/868. La requérante a demandé à pouvoir adapter ses conclusions initiales de façon à ce que son recours vise à l’annulation de ces deux décisions.

46      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision ou un règlement concernant directement et individuellement un particulier sont, en cours de procédure, remplacés par un acte ayant le même objet, celui-ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge communautaire contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (voir arrêt OMPI, point 1 supra, points 28 et 29, et la jurisprudence citée).

47      Il convient donc en l’espèce, conformément à cette jurisprudence, de faire droit à la demande de la requérante et de considérer que son recours tend également, à la date de clôture de la procédure orale, à l’annulation de la décision 2007/868, pour autant que cette décision la concerne, et de permettre aux parties de reformuler leurs conclusions, moyens et arguments à la lumière de cet élément nouveau, ce qui implique, pour elles, le droit de présenter des conclusions, moyens et arguments supplémentaires (arrêt OMPI, point 1 supra, point 30).

48      Par ailleurs, la requérante conserve un intérêt à obtenir l’annulation de la décision 2007/445 pour autant que celle-ci la concerne, dans la mesure où l’abrogation d’un acte d’une institution n’est pas une reconnaissance de son illégalité et produit un effet ex nunc, à la différence d’un arrêt d’annulation en vertu duquel l’acte annulé est éliminé rétroactivement de l’ordre juridique et censé n’avoir jamais existé (voir arrêt OMPI, point 1 supra, points 34 et 35, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 février 1960, Geitling e.a./Haute Autorité, 16/59 à 18/59, Rec. p. 45, 65). Il convient donc de considérer que le contrôle du Tribunal porte également sur cette décision, contrairement à ce que soutient le Royaume‑Uni sur la base d’une lecture manifestement erronée des points 34 et 35 de l’arrêt OMPI, point 1 supra.

49      Dans la suite du présent arrêt, le Tribunal se prononcera successivement sur la demande en annulation de la décision 2007/445 et sur la demande en annulation de la décision 2007/868.

 Sur la demande en annulation de la décision 2007/445

50      Au soutien de ses conclusions en annulation de la décision 2007/445, la requérante invoque, en substance, cinq moyens. Le premier, qui se subdivise en trois branches, est tiré d’une violation de l’article 233 CE et des principes établis par le Tribunal dans l’arrêt OMPI, point 1 supra. Le deuxième est tiré d’une violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation. Le troisième est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001. Le quatrième est tiré d’une violation de la charge de la preuve et d’une erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve. Le cinquième est tiré d’un abus ou d’un détournement de pouvoir.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 233 CE et des principes établis par le Tribunal dans l’arrêt OMPI

 Sur la première branche du premier moyen

51      Dans une première branche du moyen, la requérante fait observer que, aux termes des considérants de la décision 2007/445 et d’après la motivation contenue dans la première lettre de notification, le Conseil a décidé de la « maintenir » dans la liste litigieuse, en se fondant sur la circonstance que la décision 2006/379, non annulée par le Tribunal, était demeurée en vigueur. La décision 2007/445 serait ainsi fondée sur la « validité continuée » de la décision 2006/379.

52      La requérante fait ensuite valoir, en substance, que le Conseil n’était pas en droit de la « maintenir » ainsi dans la liste litigieuse, dès lors que la décision 2005/930 avait été annulée par l’arrêt OMPI, point 1 supra, et que toutes les autres décisions du Conseil, en particulier la décision 2006/379, devaient être tenues ipso jure pour nulles et non avenues à son égard, en vertu de ce même arrêt, dans la mesure où elles étaient entachées des mêmes vices de procédure (violation des droits de la défense) et de forme (absence de motivation) que ceux ayant justifié l’annulation de ladite décision 2005/930.

53      Elle s’appuie, en particulier, sur le point 35 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, dans lequel le Tribunal a indiqué, d’une part, que, en vertu d’un arrêt d’annulation, « l’acte annulé est éliminé rétroactivement de l’ordre juridique et censé n’avoir jamais existé » et, d’autre part, que, en cas d’annulation des actes attaqués, le Conseil « serait tenu […] de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt, conformément à l’article 233 CE, ce qui pourrait impliquer qu’[il] modifie ou retire, le cas échéant, les éventuels actes ayant abrogé et remplacé les actes attaqués postérieurement à la clôture de la procédure orale ». Dans ces circonstances, le Conseil n’aurait pas été en droit, en adoptant la décision 2007/445, d’invoquer le fait que le Tribunal n’avait pas annulé la décision 2006/379.

54      À cet égard, il convient de rappeler que, par l’arrêt OMPI, point 1 supra, le Tribunal a annulé la décision 2005/930, pour autant qu’elle concernait la requérante. En revanche, le Tribunal n’a pas annulé la décision 2006/379, celle-ci n’ayant d’ailleurs pas pu être déférée à son contrôle juridictionnel, dès lors qu’elle avait été adoptée postérieurement à la clôture de la procédure orale et que la requérante n’avait pas demandé la réouverture de ladite procédure en vue d’adapter ses conclusions à la lumière de l’élément nouveau que constituait son adoption (voir, également, arrêt OMPI, point 1 supra, point 33).

55      Il convient de relever, par ailleurs, que, selon une jurisprudence constante, les actes des institutions communautaires, même irréguliers, jouissent en principe d’une présomption de validité et produisent, dès lors, des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 1er avril 1982, Dürbeck/Commission, 11/81, Rec. p. 1251, point 17 ; du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d’Abruzzo/Commission, 15/85, Rec. p. 1005, point 10 ; du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555, point 48 ; du 8 juillet 1999, Chemie Linz/Commission, C‑245/92 P, Rec. p. I‑4643, point 93, et du 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C‑475/01, Rec. p. I‑8923, point 18).

56      Par exception à ce principe, les actes entachés d’une irrégularité dont la gravité est si évidente qu’elle ne peut être tolérée par l’ordre juridique communautaire doivent être réputés n’avoir produit aucun effet juridique, même provisoire, c’est-à-dire être regardés comme juridiquement inexistants. Cette exception vise à préserver un équilibre entre deux exigences fondamentales, mais parfois antagonistes, auxquelles doit satisfaire un ordre juridique, à savoir la stabilité des relations juridiques et le respect de la légalité (arrêts Commission/BASF e.a., point 55 supra, point 49 ; Chemie Linz/Commission, point 55 supra, point 94, et Commission/Grèce, point 55 supra, point 19).

57      La gravité des conséquences qui se rattachent à la constatation de l’inexistence d’un acte des institutions de la Communauté postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes (arrêts Commission/BASF e.a., point 55 supra, point 50 ; Chemie Linz/Commission, point 55 supra, point 95, et Commission/Grèce, point 55 supra, point 20).

58      Or, la décision 2006/379 ne saurait être considérée comme un tel acte inexistant, et ce quand bien même elle aurait été entachée des mêmes vices de forme et de procédure que ceux ayant entaché la décision 2005/930, ainsi que l’a allégué la requérante sans être contredite par le Conseil.

59      Il s’ensuit que ladite décision ne devait pas être tenue par le Conseil pour « ipso jure nulle […] et non avenue […] » à l’égard de la requérante, contrairement à ce que celle-ci soutient.

60      Pour le surplus, il y a lieu de rappeler que, pour se conformer à un arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution auteur de l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 27).

61      Mais, si la constatation de l’illégalité constatée dans les motifs de l’arrêt d’annulation oblige, en premier lieu, l’institution auteur de l’acte annulé à éliminer cette illégalité dans l’acte destiné à se substituer à l’acte annulé, elle peut également, en tant qu’elle vise une disposition d’un contenu déterminé dans une matière donnée, entraîner d’autres conséquences pour cette institution (arrêt Asteris e.a./Commission, point 60 supra, point 28).

62      S’agissant, comme en l’espèce, de l’annulation, pour vices de forme et de procédure, d’une décision de gel des fonds qui, aux termes de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, doit faire l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, l’institution qui en est l’auteur a d’abord l’obligation de veiller à ce que les éventuelles décisions subséquentes de gel des fonds devant intervenir après l’arrêt d’annulation, pour régir des périodes postérieures à cet arrêt, ne soient pas entachées des mêmes vices (voir, par analogie, arrêt Asteris e.a./Commission, point 60 supra, point 29).

63      En l’occurrence, le Conseil a satisfait à cette obligation en instaurant, puis en mettant en œuvre, aussitôt après le prononcé de l’arrêt OMPI, point 1 supra, une nouvelle procédure en vue de se conformer aux règles de forme et de procédure énoncées par le Tribunal dans ledit arrêt, notamment aux points 126 (droits de la défense) et 151 (motivation), et de faire bénéficier la requérante des garanties conférées par cette nouvelle procédure, avant d’adopter à l’encontre de celle-ci la décision 2007/445 (voir points 88 et suivants ci-après).

64      Il convient encore d’admettre que, en vertu de l’effet rétroactif qui s’attache aux arrêts d’annulation, la constatation d’illégalité remonte à la date de prise d’effet de l’acte annulé (arrêt Asteris e.a./Commission, point 60 supra, point 30). Aussi le Tribunal a-t-il indiqué, au point 35 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, que les mesures que comportait l’exécution de cet arrêt, conformément à l’article 233 CE, pouvaient impliquer que le Conseil modifie ou retire, le cas échéant, les actes ayant abrogé et remplacé la décision 2005/930 annulée, postérieurement à la clôture de la procédure orale.

65      C’est à juste titre, toutefois, que le Conseil et le Royaume‑Uni ont relevé, dans leurs écritures, qu’il ne découlait pas dudit point 35 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, que le Conseil était nécessairement tenu de modifier ou de retirer les actes en question. Il découle, en effet, de la jurisprudence que, lorsqu’un acte a été annulé pour vices de forme ou de procédure, comme c’est le cas en l’espèce, l’institution concernée est en droit d’adopter à nouveau un acte identique, en respectant cette fois les règles de forme et de procédure en question, et même de donner à cet acte un effet rétroactif, si cela est nécessaire à la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi et si la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (arrêts de la Cour du 30 septembre 1982, Amylum/Conseil, 108/81, Rec. p. 3107, points 4 à 17, et du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, points 45 à 47 ; arrêt du Tribunal du 17 octobre 1991, de Compte/Parlement, T‑26/89, Rec. p. II‑781, point 66).

66      Cette jurisprudence est applicable, par analogie, à l’hypothèse envisagée au point 35 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, étant entendu que, dans un tel cas de figure, l’institution concernée est en droit de maintenir en vigueur l’acte ayant abrogé ou remplacé l’acte annulé, postérieurement à la clôture de la procédure orale, pendant le temps qui lui est strictement nécessaire pour adopter un nouvel acte en se conformant aux règles de forme et de procédure concernées. Dans ce cas très particulier, en effet, il serait manifestement contraire à la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi d’obliger le Conseil à retirer, dans un premier temps, l’acte non conforme à ces règles, puis de l’autoriser, dans un second temps, à donner un effet rétroactif à l’acte nouvellement adopté conformément auxdites règles.

67      Ainsi, en l’espèce, et toujours à supposer que la décision 2006/379 ait été entachée des mêmes vices de forme et de procédure que ceux ayant entaché la décision 2005/930, il ne saurait être fait grief au Conseil d’avoir refusé de la modifier ou de la retirer, pour autant qu’elle concernait la requérante, durant le temps qui lui était strictement nécessaire pour adopter un nouvel acte en respectant les règles de forme et de procédure dont la violation avait été sanctionnée par l’arrêt OMPI, point 1 supra, si cette institution estimait que les motifs invoqués par elle pour inclure la requérante dans la liste litigieuse étaient toujours valables. À cet égard, le Conseil a relevé à bon droit que, dans l’arrêt OMPI, point 1 supra, le Tribunal ne s’est pas prononcé sur le bien‑fondé de ces motifs. Par ailleurs, la confiance légitime de l’intéressée a été dûment respectée, puisque le Conseil l’a informée de ses intentions par lettre du 30 janvier 2007 (voir point 5 ci-dessus).

68      Dans ces conditions, il ne saurait davantage être fait grief au Conseil d’avoir décidé de « maintenir » la requérante dans la liste litigieuse, ni de s’être fondé, à cette fin, sur la « validité continuée » de la décision 2006/379.

69      En tout état de cause, ainsi que le Conseil et le Royaume-Uni l’ont soutenu à bon droit, la décision 2007/445 n’est pas fondée sur, ni subordonnée à la validité de la décision 2006/379. S’il est vrai que dans l’arrêt OMPI, point 1 supra, le Tribunal, aux fins de la détermination de l’objet et des limitations des garanties afférentes au respect des droits de la défense et à l’obligation de motivation, a établi une distinction entre la « décision initiale » de gel des fonds, telle que visée à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, et les « décisions subséquentes » de maintien du gel des fonds, après réexamen, telles que visées à l’article 1er, paragraphe 6, de ladite position commune, il n’en demeure pas moins que chacune de ces décisions subséquentes constitue une décision nouvelle prise au titre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 et résultant d’un réexamen, par le Conseil, de la liste litigieuse (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, Rec. p. I‑445, point 103, confirmant expressément sur ce point l’ordonnance du Tribunal du 15 février 2005, PKK et KNK/Conseil, T‑229/02, Rec. p. II‑539, point 44).

70      Dans ces conditions, ni la circonstance que le Conseil s’est référé, dans le préambule de la décision 2007/445, à la décision 2006/379, ni la circonstance qu’il a décidé de « maintenir » la requérante dans la liste litigieuse ne sont de nature à entacher d’illégalité ladite décision 2007/445.

71      Partant, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la deuxième branche du premier moyen

72      Dans une deuxième branche du moyen, la requérante fait observer que la décision 2007/445 est fondée, pour ce qui la concerne, sur la même ordonnance du Home Secretary et sur les mêmes éléments de preuve qui avaient été à la base de la décision 2005/930.

73      La requérante fait ensuite valoir, en substance, que le Conseil n’était pas en droit de « réutiliser » ou de « recycler » ainsi de tels éléments pour former la base de la décision 2007/445. En invoquant ces seuls éléments, le Conseil procéderait par voie de « régularisation », en violation non seulement des principes établis par le Tribunal dans l’arrêt OMPI, point 1 supra, mais aussi des principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

74      La requérante soutient plus particulièrement que, dans la mesure où la décision 2005/930 a été partiellement annulée pour violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation, il incombait au Conseil d’adopter à son égard une nouvelle décision, fondée sur une nouvelle décision d’une autorité nationale ou sur de nouveaux éléments, mais certainement pas sur l’ordonnance du Home Secretary ou sur des éléments de preuve antérieurs à 2001. La décision 2007/445 étant fondée sur ces seuls derniers éléments, elle serait ipso jure nulle pour ce qui la concerne.

75      À cet égard, il suffit de relever que l’annulation d’un acte pour vices de forme ou de procédure ne porte aucunement préjudice au droit de l’institution auteur de cet acte d’adopter un nouvel acte en se fondant sur les mêmes éléments de fait et de droit que ceux qui avaient été à la base de l’acte annulé, pour autant qu’elle respecte, à cette occasion, les règles de forme ou de procédure dont la violation a été sanctionnée et que la confiance légitime des intéressés soit dûment respectée (voir également point 65 ci-dessus).

76      En l’occurrence, la circonstance que la décision 2007/445 soit fondée, en ce qui concerne la requérante, sur la même ordonnance du Home Secretary et sur les mêmes éléments de preuve qui avaient été à la base de la décision 2005/930 serait donc, à la supposer établie, sans incidence sur la légalité de cette décision. Par ailleurs, il a déjà été constaté, au point 67 ci-dessus, que la confiance légitime de l’intéressée avait été dûment respectée en l’espèce.

77      Partant, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la troisième branche du premier moyen

78      Dans une troisième branche du moyen, développée à titre subsidiaire, la requérante fait observer que, dans l’arrêt OMPI, point 1 supra, le Tribunal a établi une distinction entre la décision initiale d’inclure une personne dans la liste litigieuse et les décisions subséquentes de l’y maintenir. Selon elle, il découle des points 143 et 145 de cet arrêt que la décision initiale peut être adoptée au seul vu d’une décision prise par une autorité nationale compétente. En revanche, les décisions subséquentes devraient indiquer les raisons spécifiques et concrètes sur lesquelles le Conseil se fonde. Il découlerait, par ailleurs, des points 144 et 145 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, que les décisions subséquentes doivent être précédées d’un réexamen de la situation de l’intéressé, afin de vérifier s’il continue à se livrer à des activités terroristes.

79      Il s’ensuit, selon elle, que, pour maintenir la requérante dans la liste litigieuse, par la décision 2007/445, le Conseil n’était pas en droit d’invoquer simplement l’ordonnance du Home Secretary ni de se référer à des événements remontant à 2001.

80      À cet égard, il convient de relever d’emblée que l’argumentation de la requérante procède d’une lecture erronée de l’arrêt OMPI, point 1 supra.

81      Il découle, en particulier, des points 143 à 146 et 151 de cet arrêt que tant la motivation d’une décision initiale de gel des fonds que la motivation des décisions subséquentes doivent porter non seulement sur les conditions légales d’application du règlement n° 2580/2001, en particulier l’existence d’une décision nationale prise par une autorité compétente, mais également sur les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une mesure de gel des fonds.

82      Par ailleurs, il ressort tant du point 145 du même arrêt que de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, auquel renvoie également l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, que, si les décisions subséquentes de gel des fonds doivent bien être précédées d’un « réexamen » de la situation de l’intéressé, ce n’est pas à seule fin de vérifier s’il continue à se livrer à des activités terroristes, comme la requérante le soutient à tort, mais afin de s’assurer que son maintien dans la liste litigieuse « reste justifié », le cas échéant sur la base de nouveaux éléments d’information ou de preuve. À cet égard, le Tribunal a précisé que, lorsque les motifs d’une décision subséquente de gel des fonds sont essentiellement les mêmes que ceux déjà invoqués à l’occasion d’une précédente décision, une simple déclaration à cet effet peut suffire, en particulier lorsque l’intéressé est un groupe ou une entité (arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Al‑Aqsa/Conseil, T‑327/03, non publié au Recueil, point 54).

83      Pour le surplus, force est de constater que l’argumentation de la requérante manque en fait. En effet, dans l’exposé des motifs joint à sa lettre du 30 janvier 2007 adressée à la requérante, le Conseil ne s’est pas borné à invoquer l’ordonnance du Home Secretary. Au paragraphe 1 de cet exposé des motifs, le Conseil s’est référé à une série d’actes, prétendument commis par la requérante, dont il a estimé qu’ils relevaient des dispositions de l’article 1er, paragraphe 3, sous a), b), d), g) et h), de la position commune 2001/931 et qu’ils avaient été commis dans les buts énoncés à son article 1er, paragraphe 3, sous i) et iii). Au paragraphe 2 de son exposé des motifs, le Conseil en a déduit que la requérante était visée par l’article 2, paragraphe 3, sous ii), du règlement n° 2580/2001. Dans les paragraphes suivants de son exposé des motifs, le Conseil a relevé également que l’ordonnance du Home Secretary, qui visait à proscrire la requérante en tant qu’organisation impliquée dans le terrorisme et qui, selon le Terrorism Act 2000, pouvait faire l’objet d’un appel (review), restait en vigueur. Ayant ainsi constaté que les motifs de l’inclusion de la requérante dans la liste litigieuse restaient valables, le Conseil lui a fait part de sa décision de continuer à la soumettre aux mesures prévues à l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 2580/2001.

84      Le Conseil a ainsi indiqué, conformément à la jurisprudence citée aux points 81 et 82 ci-dessus, les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considérait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que la requérante devait continuer à faire l’objet d’une mesure de gel des fonds.

85      Quant à la question de savoir si les motifs ainsi invoqués par le Conseil étaient de nature à justifier légalement, en fait comme en droit, l’adoption de la décision 2007/445, elle relève du contrôle de la légalité au fond de cette décision, auquel il sera procédé lors de l’examen des troisième et quatrième moyens.

86      Partant, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée et, avec elle, ce moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et de l’obligation de motivation

87      S’agissant, en premier lieu, de la violation alléguée des droits de la défense, la requérante soutient qu’elle n’a jamais été mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue quant aux explications pertinentes alléguées pour justifier son maintien dans la liste litigieuse. Elle fait plus particulièrement valoir que les seuls renseignements qu’elle a reçus du Conseil sont antérieurs à 2001, que le Conseil n’a en rien cherché à répondre aux critiques qu’elle lui avait adressées, qu’il n’a aucunement tenu compte des éléments à décharge produits par elle et qu’il ne lui a pas davantage donné l’occasion d’être entendue lors d’une audition.

88      À cet égard, il convient de rappeler que l’objet de la garantie afférente au respect des droits de la défense, dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds prise au titre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, ainsi que les limitations de cette garantie qui peuvent être légitimement imposées aux intéressés, dans un tel contexte, ont été définis par le Tribunal aux points 114 à 137 de l’arrêt OMPI, point 1 supra.

89      En l’espèce, il ressort des faits et des circonstances relatés aux points 5 à 13 ci‑dessus que le Conseil s’est dûment conformé aux principes énoncés par le Tribunal auxdits points 114 à 137 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, dans le contexte de l’adoption de la décision 2007/445.

90      Premièrement, en effet, le Conseil a communiqué à la requérante, en annexe à sa lettre du 30 janvier 2007, un exposé des motifs qui indiquait de façon claire et non équivoque les raisons qui, à son avis, justifiaient son maintien dans la liste litigieuse (voir également point 83 ci-dessus). Cet exposé mentionnait des exemples spécifiques d’actes de terrorisme, au sens des dispositions pertinentes de la position commune 2001/931, dont la requérante serait responsable. Il indiquait également que, en raison de ces actes, une décision avait été prise par une autorité compétente du Royaume‑Uni pour proscrire la requérante en tant qu’organisation impliquée dans des actes de terrorisme, que cette décision était soumise à réexamen en vertu de la législation du Royaume‑Uni applicable et qu’elle était toujours en vigueur. La lettre du 30 janvier 2007 indiquait par ailleurs que la requérante pouvait soumettre au Conseil des observations sur son intention de la maintenir dans la liste litigieuse et sur les motifs qu’il invoquait à cet égard, ainsi que toutes pièces à l’appui, dans un délai d’un mois.

91      Deuxièmement, le Conseil a communiqué à la requérante, par lettres des 30 mars et 14 mai 2007, un certain nombre de documents du dossier. Quant aux autres documents, le Conseil a exposé, dans sa lettre du 14 mai 2007, qu’il n’était pas en mesure de les lui transmettre, étant donné que l’État qui les avait fournis n’avait pas donné son accord à leur divulgation. Dans le cadre du présent recours, la requérante n’a pas remis en cause ce refus opposé à la communication de certains éléments à charge, ni les motifs invoqués pour le justifier.

92      Troisièmement, le Conseil a mis la requérante en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge, faculté dont elle a effectivement fait usage par ses lettres des 27 février, 19, 20 et 26 mars, 16 avril et 29 mai 2007.

93      Quant à l’argument que la requérante prétend tirer du refus opposé par le Conseil à sa demande d’être entendue lors d’une audition formelle, il suffit de constater que ni la réglementation en cause, à savoir le règlement n° 2580/2001, ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une telle audition (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, Rec. p. II‑3923, point 108 ; voir, également, arrêt OMPI, point 1 supra, point 93).

94      Quant à l’argument de la requérante selon lequel le Conseil n’aurait en rien cherché à répondre à ses observations, ni aucunement tenu compte des éléments à décharge produits par elle, il procède d’une appréciation erronée des obligations qui s’imposent au Conseil au titre du respect des droits de la défense. En l’espèce, ainsi qu’il ressort de la lettre du Conseil du 12 juin 2007 et de la première lettre de notification, cette institution a dûment tenu compte des observations et des éléments à décharge produits par la requérante, notamment en veillant à ce qu’ils soient communiqués aux délégations des États membres, préalablement à l’adoption de la décision 2007/445.

95      En revanche, le Conseil n’était pas tenu de répondre à ces observations à la lumière de ces documents, s’il estimait que ceux-ci ne justifiaient pas les conclusions que la requérante prétendait en tirer. À cet égard, le Tribunal estime que la reproduction textuelle de l’exposé des motifs joint à la lettre du Conseil du 30 janvier 2007, dans l’exposé des motifs joint à la première lettre de notification, signifie, en soi, uniquement que le Conseil a maintenu son point de vue. À défaut, comme en l’espèce, d’autres éléments de preuve pertinents, un tel parallélisme des textes n’établit pas que le Conseil aurait omis, dans son appréciation de l’affaire, de prendre dûment en considération les arguments présentés par la requérante pour sa défense (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, points 117 et 118).

96      Au demeurant, et en tout état de cause, le Conseil a répondu de façon spécifique, dans la première lettre de notification, à l’argument principal avancé par la requérante au cours de la procédure administrative, selon lequel seule une activité terroriste présente et actuelle serait de nature à justifier son maintien dans la liste litigieuse (voir également point 142 ci-après).

97      Il découle de ce qui précède que la violation alléguée des droits de la défense n’est pas établie en l’espèce.

98      S’agissant, en second lieu, de la violation alléguée de l’obligation de motivation, la requérante soutient que la décision 2007/445 n’indique pas les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil a considéré, d’une part, que la réglementation pertinente lui était applicable (arrêt OMPI, point 1 supra, point 143) et, d’autre part, après réexamen, que le gel de ses fonds restait justifié (arrêt OMPI, point 1 supra, point 151). En particulier, le Conseil n’aurait tenu aucun compte des renseignements fournis par la requérante, pour la période postérieure à 2001, et la décision 2007/445 serait dénuée de toute motivation relativement à cette période.

99      À cet égard, il convient de rappeler que l’objet de la garantie afférente à l’obligation de motivation, dans le contexte de l’adoption d’une décision de gel des fonds prise au titre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, ainsi que les limitations de cette garantie qui peuvent être légitimement imposées aux intéressés, dans un tel contexte, ont été définis par le Tribunal aux points 138 à 151 de l’arrêt OMPI, point 1 supra.

100    En l’espèce, il ressort de l’examen de la troisième branche du premier moyen (voir points 83 et 84 ci-dessus) que le Conseil s’est dûment conformé aux principes énoncés par le Tribunal, auxdits points 138 à 151 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, dans le contexte de l’adoption de la décision 2007/445.

101    Quant à l’argument selon lequel le Conseil n’aurait pas tenu compte des renseignements fournis par la requérante pour la période postérieure à 2001, ni motivé sa décision à cet égard, il y a lieu de rappeler que, si, en vertu de l’article 253 CE, le Conseil est tenu de mentionner les éléments de fait dont dépend la justification des actes qu’il adopte et les considérations juridiques qui l’ont amené à prendre ceux-ci, cette disposition n’exige pas que le Conseil discute tous les points de fait et de droit qui auraient été soulevés par les intéressés au cours de la procédure administrative (arrêts de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 22, et du 18 septembre 2003, Volkswagen/Commission, C‑338/00 P, Rec. p. I‑9189, point 127 ; arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, Rec. p. II‑4251, point 232).

102    Au demeurant, et en tout état de cause, il a déjà été constaté, au point 96 ci-dessus, que le Conseil avait répondu de façon spécifique, dans la première lettre de notification, à l’argument avancé par la requérante au cours de la procédure administrative, selon lequel seule une activité terroriste présente et actuelle serait de nature à justifier son maintien dans la liste litigieuse.

103    Il découle de ce qui précède que la violation alléguée de l’obligation de motivation n’est pas établie en l’espèce.

104    Partant, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001

105    La requérante relève que tant l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001 que l’article 1er, paragraphes 2, 3 et 6, de la position commune 2001/931 sont libellés au présent de l’indicatif. Il s’ensuit, selon elle, qu’il doit exister un lien temporel étroit et immédiat entre la décision d’inclure ou de maintenir une personne dans la liste litigieuse et les actes de terrorisme pris en considération à cette fin. Une personne ne pourrait ainsi être inscrite dans la liste litigieuse que s’il lui est reproché une activité terroriste actuelle ou, à tout le moins, récente. De même, une personne ne pourrait être maintenue dans ladite liste, après réexamen, en seule considération de faits anciens.

106    Or, en l’espèce, la décision 2007/445 ne se fonderait sur aucun fait postérieur à 2001, pour ce qui concerne la requérante, et celle-ci aurait produit de nombreux éléments à décharge, pour la période postérieure à 2001.

107    À cet égard, le Tribunal considère, à l’instar du Conseil et du Royaume-Uni, que l’interprétation donnée par la requérante des dispositions en cause du règlement n° 2580/2001 et de la position commune 2001/931 est exagérément restrictive et que rien, dans ces dispositions, n’interdit l’imposition de mesures restrictives à l’encontre de personnes ou d’entités qui ont commis par le passé des actes de terrorisme, nonobstant l’absence d’éléments prouvant qu’elles commettent actuellement de tels actes ou y participent, si les circonstances le justifient.

108    En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, ce point de vue n’est pas infirmé par le libellé des dispositions en question. S’il est vrai que l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931 recourt au présent de l’indicatif (« des personnes qui commettent ») pour définir ce qu’il y a lieu d’entendre par « personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme », c’est dans le sens gnomique propre aux définitions et incriminations légales, et non par référence à une période temporelle donnée. Il en va de même du participe présent utilisé dans les versions française (« les personnes […] commettant ») et anglaise (« persons committing ») de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, ce que confirme le recours à l’indicatif présent pour la formule équivalente utilisée dans d’autres versions linguistiques (voir, notamment, les versions allemande « Personen, die eine terroristische Handlung begehen », italienne « persone che commettono », néerlandaise « personen die een terroristische daad plegen » et slovaque « osôb, ktoré páchajú »). Par ailleurs, l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 permet l’adoption de mesures restrictives à l’encontre, notamment, de personnes ayant fait l’objet d’une condamnation pour faits de terrorisme, ce qui implique normalement une activité terroriste passée et non activement poursuivie au moment où la constatation en est faite dans la décision de condamnation. Enfin, le paragraphe 6 du même article prévoit que les noms des personnes et des entités reprises sur la liste litigieuse feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié. Sous peine de priver cette disposition de son effet utile, il y a lieu de considérer qu’elle permet le maintien sur la liste litigieuse de personnes et d’entités n’ayant commis aucun nouvel acte terroriste au cours du ou des semestres précédant le réexamen, si ce maintien reste justifié au regard de l’ensemble des circonstances pertinentes.

109    En second lieu, il convient de souligner que le règlement n° 2580/2001 et la position commune 2001/931, de même que la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies que ceux-ci mettent en œuvre, visent à lutter contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme. La réalisation de cet objectif, d’une importance fondamentale pour la communauté internationale, risquerait d’être compromise si les mesures de gel des fonds prévues par ces actes ne pouvaient s’appliquer qu’à des personnes, groupes et entités qui commettent actuellement des actes de terrorisme ou qui l’ont fait dans un passé très récent.

110    Par ailleurs, ces mesures visant essentiellement à prévenir la perpétration de tels actes ou leur répétition, elles sont davantage fondées sur l’évaluation d’une menace actuelle ou future que sur l’appréciation d’un comportement passé.

111    À cet égard, le Conseil et le Royaume-Uni ont exposé que, selon les enseignements tirés de l’expérience, l’interruption temporaire des activités d’une organisation ayant un passé terroriste ne constitue pas en elle-même une garantie que l’intéressée ne va pas les reprendre à tout moment et qu’il n’y a pas nécessairement lieu de prêter foi à un prétendu renoncement à la violence exprimé dans ce contexte. Tel pourrait notamment être le cas si l’absence d’une telle activité résulte de l’efficacité des sanctions imposées, ou si elle est délibérée en ce sens que l’organisation en question tente d’obtenir la levée des sanctions afin de pouvoir reprendre ses anciennes activités terroristes. Elle pourrait également s’expliquer par les difficultés que rencontre l’intéressée à commettre de nouveaux actes de terrorisme, compte tenu de l’efficacité des mesures préventives adoptées par les autorités compétentes, ou bien encore par le temps requis pour la préparation de tels actes.

112    Ces considérations n’apparaissant pas déraisonnables, il y a lieu d’admettre que le large pouvoir d’appréciation dont dispose le Conseil, quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption ou du maintien d’une mesure de gel des fonds (arrêt OMPI, point 1 supra, point 159), s’étend à l’évaluation de la menace que peut continuer à représenter une organisation ayant commis par le passé des actes de terrorisme, nonobstant la suspension de ses activités terroristes pendant un temps plus ou moins long, voire la cessation apparente de celles-ci.

113    En l’espèce, la circonstance que le Conseil se soit référé exclusivement à des actes terroristes passés et à des faits antérieurs à 2001, pour ce qui concerne la requérante, ne suffit donc pas, à elle seule, à révéler une violation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001.

114    Quant à la question de savoir si, au regard de l’ensemble des autres circonstances pertinentes, le Conseil a, ce faisant, excédé les limites de son pouvoir d’appréciation, elle relève de l’examen du quatrième moyen.

115    Au vu de ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de la charge de la preuve et d’une erreur manifeste d’appréciation des éléments de preuve

 Arguments des parties

116    La requérante fait valoir que les décisions prises au titre du règlement n° 2580/2001 constituent une ingérence manifeste et sérieuse dans les droits garantis par les articles 10 et 11 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que par l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH. Elle insiste, à cet égard, sur les conséquences draconiennes qui découlent pour elle de la décision 2007/445.

117    En conséquence, la requérante soutient, d’une part, que le Conseil doit démontrer que la mise en œuvre des mesures prises contre elle est prescrite par la loi, en vue de réaliser un objectif légitime, et nécessaire dans une société démocratique.

118    La requérante soutient, d’autre part, que la charge de la preuve de ce que le gel de ses fonds demeurait légalement justifié à la date du 28 juin 2007 incombe au Conseil et que le niveau de preuve requis à cet effet doit être celui applicable en matière pénale.

119    Quant au rôle du Tribunal, la requérante fait valoir que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, le Tribunal devrait réexaminer objectivement l’ensemble des faits, tant ceux invoqués par le Conseil que ceux invoqués par elle, afin de déterminer si le Conseil disposait de motifs raisonnables pour adopter, en 2007, la décision 2007/445.

120    En l’espèce, la décision 2007/445 aurait été adoptée à l’encontre de la requérante sur la base de documents à charge dénués de précision, de sérieux et de crédibilité, tous antérieurs à 2001, et sans examen adéquat des nombreux documents à décharge relatifs aux années postérieures à 2001, produits par la requérante.

121    S’agissant des éléments à décharge, la requérante fait plus particulièrement valoir que, lors d’un congrès extraordinaire qui s’est tenu à Ashraf City (Irak) en juin 2001, sa direction a pris la décision unilatérale de mettre fin aux activités militaires de l’organisation en Iran. Cette décision aurait été ratifiée par deux congrès ordinaires, en septembre 2001 et en 2003. À l’exception de quelques opérations effectuées par des unités opérationnelles qui n’avaient pas reçu le message à temps, la requérante ne se serait pas livrée à la moindre opération militaire depuis l’été 2001 et ses unités opérationnelles auraient été définitivement dissoutes. Elle aurait également divulgué les coordonnées de toutes ses bases aux Nations unies ainsi qu’aux gouvernements du Royaume‑Uni et des États‑Unis.

122    La requérante se réfère également aux documents joints en annexes 2 et 6 à son recours, qui établiraient que depuis 2001 elle-même et tous ses membres ont volontairement renoncé à la violence et au terrorisme, ont restitué leurs armes, ont conclu un accord avec les forces de la coalition en Irak et ont été dûment reconnus comme « personnes protégées ».

123    Enfin, la requérante souligne qu’il n’a jamais été suggéré qu’elle ait commis le moindre acte de terrorisme au sein de l’Union européenne.

124    Le Conseil et le Royaume‑Uni relèvent tout d’abord que, dans l’arrêt OMPI, point 1 supra (point 135), le Tribunal a clairement indiqué qu’une mesure de gel des fonds ne constituait pas une sanction pénale.

125    Le Conseil et le Royaume-Uni font ensuite valoir que le gel des fonds ne constitue pas une atteinte aux droits à la liberté d’expression et d’association, dès lors que les prétendues restrictions de ces libertés sont une conséquence non voulue ou fortuite d’une décision des autorités. Par ailleurs, le gel des fonds ne porterait pas atteinte à la substance même du droit de propriété (arrêt du Tribunal du 21 septembre 2005, Kadi/Conseil et Commission, T‑315/01, Rec. p. II‑3649, point 248). En tout état de cause, le Conseil estime qu’il n’y a pas violation des articles 10 et 11 de la CEDH ni de l’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH dès lors que les mesures en cause en l’espèce sont prescrites par la loi, qu’elles visent l’objectif légitime qui consiste à lutter contre le terrorisme et qu’elles sont nécessaires dans une société démocratique pour atteindre cet objectif.

126    En conséquence, le Conseil et le Royaume‑Uni estiment que, conformément à la règle normalement applicable devant le juge communautaire (voir, à cet égard, arrêts du Tribunal du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T‑106/95, Rec. p. II‑229, point 115, et du 8 juillet 2004, Corus UK/Commission, T‑48/00, Rec. p. II‑2325, point 125), c’est à la requérante qu’incombe la charge d’apporter la preuve de son allégation selon laquelle la décision 2007/445 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Le Royaume-Uni souligne, à cet égard, que ladite décision bénéficie d’une présomption de légalité et que la procédure mettant en cause sa validité est de nature civile, de sorte que la charge de la preuve revient à la partie demanderesse et que le niveau de preuve requis est celui applicable en matière civile. Par ailleurs, aucune disposition de la réglementation applicable n’aurait prévu un renversement ou un allègement de la charge de la preuve.

127    Quant à l’étendue du contrôle juridictionnel du Tribunal, le Conseil et le Royaume-Uni renvoient à l’arrêt OMPI, point 1 supra (point 159), à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 21 février 1986 dans l’affaire James (série A, n° 98) et aux conclusions de l’avocat général M. Jacobs sous l’arrêt de la Cour du 30 juillet 1996, Bosphorus (C‑84/95, Rec. p. I‑3953, I‑3956, point 65). En conséquence, le Conseil et le Royaume‑Uni soutiennent que le Tribunal n’est pas compétent pour substituer sa propre appréciation des faits et des preuves concernant la requérante à celle du Conseil. Cela vaudrait, en particulier, pour ce qui est de l’appréciation des circonstances dans lesquelles le législateur peut décider si et quand des mesures restrictives doivent être rapportées. À cet égard, le Royaume‑Uni souligne que, dans la mesure où les responsables de la prise de décision ont l’avantage de disposer d’une gamme étendue d’avis en matière de sécurité et de terrorisme, qui, s’ils ne sont pas évalués correctement, peuvent entraîner de graves conséquences, ils sont en droit d’adopter une approche conservatoire dans l’évaluation du risque lié à ces conséquences. Dans ce contexte, un poids significatif et une déférence certaine devraient être reconnus à leurs décisions. En particulier, les juridictions, nationales comme communautaires, ne devraient pas « se forger leur propre opinion » quant aux fondements de la décision en cause.

128    Le Conseil soutient au demeurant, en renvoyant à ses observations en réponse au troisième moyen, qu’il a correctement apprécié les éléments de preuve pertinents en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

129    Il convient de relever d’emblée, en réponse à l’argumentation de la requérante, que les mesures de gel des fonds du type de celle en cause en l’espèce sont prescrites par la loi, à savoir la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies et le règlement n° 2580/2001 lui-même. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du préambule de ces actes, ces mesures visent l’objectif légitime de lutte contre le terrorisme. Enfin, dans le préambule de ladite résolution 1373 (2001), le Conseil de sécurité a réaffirmé la nécessité de lutter par tous les moyens, conformément à la charte des Nations unies, contre les menaces à la paix et à la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme et a considéré que les États se devaient de compléter la coopération internationale en prenant des mesures supplémentaires, et notamment le gel des fonds, pour prévenir et réprimer sur leur territoire, par tous les moyens licites, le financement et la préparation de tout acte de terrorisme. Sauf à remettre en cause cette appréciation, qui engage la communauté internationale tout entière, les mesures en question doivent dès lors être qualifiées de nécessaires, dans une société démocratique, pour atteindre ledit objectif.

130    Cela étant, ainsi que le Tribunal l’a déjà relevé aux points 115 et 116 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, les éléments de fait et de droit susceptibles de conditionner l’application d’une mesure de gel des fonds à une personne, à un groupe ou à une entité sont déterminés par l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001. Aux termes de cette disposition, le Conseil, statuant à l’unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d’entités auxquels ledit règlement s’applique, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphes 4 à 6, de la position commune 2001/931. La liste en question doit donc être établie, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, des groupes et des entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, fondée sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse de la condamnation pour de tels faits. On entend par « autorité compétente » une autorité judiciaire ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence en la matière, une autorité compétente équivalente dans ce domaine. Par ailleurs, les noms des personnes et des entités reprises sur la liste doivent faire l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

131    Au point 117 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, le Tribunal a déduit de ces dispositions que la procédure susceptible d’aboutir à une mesure de gel des fonds au titre de la réglementation pertinente se déroule à deux niveaux, l’un national, l’autre communautaire. Dans un premier temps, une autorité nationale compétente, en principe judiciaire, doit prendre à l’égard de l’intéressé une décision répondant à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. S’il s’agit d’une décision d’ouverture d’enquêtes ou de poursuites, celle-ci doit être fondée sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles. Dans un second temps, le Conseil, statuant à l’unanimité, doit décider d’inclure l’intéressé dans la liste litigieuse, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une telle décision a été prise. Par la suite, le Conseil doit s’assurer à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, que le maintien de l’intéressé dans la liste litigieuse reste justifié. À cet égard, la vérification de l’existence d’une décision d’une autorité nationale répondant à ladite définition apparaît comme une condition préalable essentielle à l’adoption, par le Conseil, d’une décision initiale de gel des fonds, tandis que la vérification des suites réservées à cette décision au niveau national apparaît indispensable dans le contexte de l’adoption d’une décision subséquente de gel des fonds.

132    Au point 123 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, le Tribunal a, par ailleurs, rappelé que, en vertu de l’article 10 CE, les relations entre les États membres et les institutions communautaires sont régies par des devoirs réciproques de coopération loyale (voir arrêt de la Cour du 16 octobre 2003, Irlande/Commission, C‑339/00, Rec. p. I‑11757, points 71 et 72, et la jurisprudence citée). Ce principe est d’application générale et s’impose, notamment, dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale [communément appelée « justice et affaires intérieures » (JAI)] régie par le titre VI du traité UE, qui est d’ailleurs entièrement fondée sur la coopération entre les États membres et les institutions (arrêt de la Cour du 16 juin 2005, Pupino, C‑105/03, Rec. p. I‑5285, point 42).

133    Au point 124 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, le Tribunal a estimé que, dans un cas d’application de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001, dispositions qui instaurent une forme de coopération spécifique entre le Conseil et les États membres, dans le cadre de la lutte commune contre le terrorisme, ce principe entraîne, pour le Conseil, l’obligation de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente, à tout le moins s’il s’agit d’une autorité judiciaire, notamment pour ce qui est de l’existence des « preuves ou des indices sérieux et crédibles » sur lesquels la décision de celle-ci est fondée.

134    Il découle de ce qui précède que, si la charge de la preuve de ce que le gel des fonds d’une personne, d’un groupe ou d’une entité est ou reste légalement justifié, au regard de la réglementation pertinente, incombe bien au Conseil, ainsi que le soutient à raison la requérante, cette charge a un objet relativement restreint, au niveau de la procédure communautaire de gel des fonds (voir, par analogie, arrêt OMPI, point 1 supra, point 126, à propos de l’objet des droits de la défense dans le cadre de cette même procédure). Dans le cas d’une décision initiale de gel des fonds, elle porte essentiellement sur l’existence d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision d’une autorité nationale répondant à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 a été prise à l’égard de l’intéressé. Par ailleurs, dans le cas d’une décision subséquente de gel des fonds, après réexamen, la charge de la preuve porte essentiellement sur la question de savoir si le gel des fonds reste justifié eu égard à toutes les circonstances pertinentes de l’espèce et, tout particulièrement, aux suites réservées à ladite décision de l’autorité nationale compétente.

135    Enfin, il découle des points 145, 146 et 151 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, que, dans la mesure où le Conseil n’agit pas au titre d’une compétence liée, dans le cadre de l’adoption, à l’unanimité, d’une mesure de gel des fonds au titre du règlement n° 2580/2001, il dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier les raisons pour lesquelles l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure.

136    À cet égard, il convient néanmoins de préciser que, lorsqu’il lui revient d’apprécier si le gel des fonds d’une personne, d’un groupe ou d’une entité est ou reste justifié, la considération primordiale qui s’impose au Conseil est sa perception et son évaluation du risque que, en l’absence d’une telle mesure, lesdits fonds puissent être utilisés pour le financement ou pour la préparation d’actes de terrorisme (voir point 129 ci-dessus).

137    Quant au rôle du Tribunal, celui-ci a reconnu, au point 159 de l’arrêt OMPI, point 1 supra, que le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption de sanctions économiques et financières sur la base des articles 60 CE, 301 CE et 308 CE, conformément à une position commune adoptée au titre de la politique étrangère et de sécurité commune. Ce pouvoir d’appréciation concerne, en particulier, les considérations d’opportunité sur lesquelles de telles décisions sont fondées.

138    Cependant, si le Tribunal reconnaît au Conseil une marge d’appréciation en la matière, cela n’implique pas qu’il doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par cette institution, des données pertinentes. En effet, le juge communautaire doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier la situation et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Toutefois, dans le cadre de ce contrôle, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation en opportunité à celle du Conseil (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, Rec. p. I‑9947, point 57, et la jurisprudence citée).

139    En outre, il y a lieu de relever que, dans les cas où une institution communautaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect de certaines garanties procédurales revêt une importance fondamentale. La Cour a ainsi eu l’occasion de préciser que parmi ces garanties figurent l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et de motiver sa décision de façon suffisante (voir arrêt Espagne/Lenzing, point 138 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

140    Dans le cadre du présent moyen, la requérante demande au Tribunal de vérifier si, dans les circonstances de l’espèce et eu égard à l’ensemble des données pertinentes, tant celles invoquées par le Conseil que celles invoquées par elle‑même, le Conseil disposait de motifs raisonnables pour adopter à son égard, en 2007, la décision 2007/445 (voir point 119 ci-dessus).

141    Une telle vérification, à la lumière des objectifs poursuivis par la réglementation applicable (voir points 130, 135 et 136 ci-dessus), reste incontestablement dans les limites du contrôle juridictionnel que le juge communautaire peut exercer sur une décision de gel des fonds prise au titre de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 2580/2001. Elle correspond en substance, en effet, au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation (arrêt OMPI, point 1 supra, point 159). Au demeurant, ni le Conseil ni le Royaume-Uni ne soutiennent qu’un tel contrôle outrepasse le niveau de contrôle qui est reconnu au Tribunal par la jurisprudence dans un domaine tel que celui des sanctions économiques et financières.

142    En l’occurrence, il ressort de la lettre du Conseil du 30 janvier 2007, de la première lettre de notification et de l’exposé des motifs joint à chacune de ces deux lettres que, pour l’essentiel, le Conseil s’est fondé sur la circonstance que l’ordonnance du Home Secretary, qui répondait selon lui à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, était toujours en vigueur, bien que, selon le Terrorism Act 2000, elle ait pu faire l’objet d’un recours juridictionnel (review). Il ressort également de la première lettre de notification et de l’exposé des motifs joint à celle-ci que le Conseil a pris en considération les observations soumises par la requérante et les éléments à décharge produits par elle, pour ce qui concerne la période postérieure à 2001, mais qu’il a estimé que ceux-ci ne justifiaient pas sa demande visant à être retirée de la liste litigieuse. En particulier, le Conseil a rejeté l’argument selon lequel il ne serait fondé à maintenir une décision de gel des fonds que si l’intéressé commettait ou tentait actuellement de commettre des actes de terrorisme.

143    Le Tribunal considère que, au regard de l’ensemble des données pertinentes ainsi prises en considération, le Conseil disposait de motifs raisonnables et d’éléments de preuve suffisants pour adopter la décision attaquée à l’égard de la requérante, qu’il n’a commis aucune erreur manifeste dans l’appréciation de ces données et qu’il a dès lors justifié à suffisance de droit le maintien de la requérante dans la liste litigieuse.

144    Premièrement, en effet, l’ordonnance du Home Secretary apparaît bien, au regard de la législation nationale pertinente, comme une décision d’une autorité nationale compétente répondant à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Au demeurant, cette qualification n’a pas été remise en cause par la requérante dans le cadre du présent recours.

145    Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel la décision attaquée aurait été adoptée à l’égard de la requérante sur la base de documents à charge dénués de précision, de sérieux et de crédibilité, il découle des principes rappelés aux points 133 et 134 ci-dessus que le Conseil était non seulement fondé à, mais même tenu de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente, notamment pour ce qui est de l’existence des « preuves ou des indices sérieux et crédibles » sur lesquels la décision de celle-ci était fondée. S’il est vrai que cette autorité nationale n’était pas une autorité judiciaire, la circonstance que sa décision était susceptible de recours juridictionnel et qu’un tel recours soit n’avait pas été exercé, soit n’avait pas abouti à une décision favorable à la requérante, plaçait le Conseil dans la même situation.

146    Troisièmement, des considérations analogues à celles exposées au point 145 ci‑dessus s’appliquent à l’argument selon lequel la décision attaquée aurait été adoptée à l’égard de la requérante sur la base de documents à charge tous antérieurs à 2001 et sans examen des documents à décharge produits par la requérante pour la période postérieure. Dès lors que l’ordonnance du Home Secretary pouvait à tout moment depuis 2001 faire l’objet d’un recours juridictionnel en droit interne, dirigé soit directement contre elle, soit indirectement contre toute décision subséquente du Home Secretary portant refus de la retirer ou de l’abroger, il était raisonnable pour le Conseil de tenir pour prépondérante, aux fins de sa propre appréciation, la circonstance que cette ordonnance demeurait en vigueur.

147    Quatrièmement, s’agissant de la mise en balance des éléments à charge et à décharge, le Tribunal estime que le Conseil agit de manière raisonnable et prudente lorsque, dans une situation où, comme en l’espèce, la décision de l’autorité administrative nationale compétente sur laquelle est fondée la décision communautaire de gel des fonds peut faire ou fait l’objet d’un recours juridictionnel de droit interne, cette institution refuse en principe de prendre position sur le bien-fondé des arguments de fond avancés par l’intéressé au soutien d’un tel recours, avant de connaître l’issue de celui-ci. Dans le cas contraire, en effet, l’appréciation portée par le Conseil, en tant qu’institution politique ou administrative, risquerait d’entrer en conflit, sur des points de fait ou de droit, avec l’appréciation portée par la juridiction nationale compétente.

148    Cinquièmement, enfin, s’agissant de l’argument selon lequel la requérante ne se serait jamais vu reprocher un quelconque acte de terrorisme sur le territoire de l’Union européenne, il suffit de relever que le règlement n° 2580/2001 ne subordonne nullement l’adoption de décisions communautaires de gel des fonds à la condition que les actes de terrorisme invoqués dans ce contexte aient été commis sur ledit territoire. Une telle condition serait du reste contraire à l’esprit et à l’objectif de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité, dont le préambule réaffirme, notamment, « le principe que l’Assemblée générale a établi dans sa déclaration d’octobre 1970 (2625 XXV) et que le Conseil de sécurité a réaffirmé dans sa résolution 1189 (1998), à savoir que chaque État a le devoir de s’abstenir d’organiser et d’encourager des actes de terrorisme sur le territoire d’un autre État, d’y aider ou d’y participer, ou de tolérer sur son territoire des activités organisées en vue de perpétrer de tels actes » et invite les États à « réprimer sur leur territoire, par tous les moyens licites, le financement et la préparation de tout acte de terrorisme ».

149    Au vu de ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’un abus ou d’un détournement de pouvoir

150    La requérante soutient que, pour ce qui la concerne, la décision 2007/445 a été adoptée par le Conseil dans des circonstances qui sont constitutives d’abus ou de détournement de pouvoir. Selon elle, le Conseil avait décidé à l’avance de la maintenir dans la liste litigieuse, malgré les éléments l’exonérant totalement depuis 2001, au seul motif qu’il souhaitait apaiser le régime iranien actuel.

151    À cet égard, la Cour et le Tribunal ont itérativement jugé qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt de la Cour du 14 décembre 2004, Swedish Match, C‑210/03, Rec. p. I‑11893, point 75, et arrêt du Tribunal du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, Rec. p. II‑1, point 164, et la jurisprudence citée).

152    Or, en l’espèce, aucun élément du dossier ne fait apparaître d’indice propre à accréditer l’idée que la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision 2007/445 aurait été engagée dans un but autre que celui de la lutte contre le terrorisme et son financement. En particulier, l’allégation de la requérante selon laquelle ladite décision aurait été prise à son égard dans le seul but d’apaiser le régime iranien actuel relève d’un pur procès d’intention et n’est étayée par aucun indice objectif.

153    Partant, le cinquième moyen doit être rejeté.

154    Aucun des moyens invoqués par la requérante au soutien de sa demande en annulation de la décision 2007/445 n’ayant prospéré, ladite demande doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la demande en annulation de la décision 2007/868

 Arguments des parties

155    Dans sa lettre déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2008, la requérante fait valoir que les moyens invoqués au soutien de sa demande en annulation partielle de la décision 2007/445 sont également pertinents dans le cadre de sa demande en annulation partielle de la décision 2007/868.

156    La requérante souligne que la POAC est la juridiction spécialisée mise en place par le Parlement du Royaume-Uni pour connaître des recours dirigés contre les décisions portant proscription ou refus de lever la proscription des organisations considérées comme terroristes par le Home Secretary.

157    Or, dans sa décision du 30 novembre 2007, cette juridiction aurait qualifié de « perverse » la décision du Home Secretary du 1er septembre 2006 refusant de lever la proscription de la requérante comme organisation terroriste (voir point 22 ci-dessus). Elle aurait également refusé d’autoriser le Home Secretary à introduire un pourvoi contre sa décision devant la Court of Appeal. Par ailleurs, dans le cadre d’un tel pourvoi devant la Court of Appeal, le Home Secretary ne serait pas en droit de contester les constatations de fait de la POAC.

158    En l’espèce, la POAC aurait examiné les éléments de preuve, confidentiels et non confidentiels, produits par le Home Secretary et elle aurait interrogé à huis clos le témoin convoqué au nom de celle-ci. Ses constatations de fait démontreraient que tous les éléments factuels avancés par la requérante au cours de la procédure ayant mené à l’adoption de la décision 2007/445 étaient corrects et qu’il n’existait aucune base factuelle pour soutenir que la requérante était encore une organisation terroriste. Il en irait de même dans le contexte de l’adoption de la décision 2007/868.

159    La requérante fait dès lors grief au Conseil d’avoir adopté la décision 2007/868 à un moment où il avait connaissance non seulement de la décision de la POAC et de ses constatations de fait, mais encore du refus de la POAC d’autoriser le Home Secretary à introduire un pourvoi devant la Court of Appeal et des termes dans lesquels ce refus avait été formulé.

160    Elle fait observer que, si le Home Secretary a, certes, introduit devant la Court of Appeal une nouvelle demande d’autorisation de former un pourvoi contre la décision de la POAC, comme elle était en droit de le faire, il n’en demeure pas moins que la décision 2007/868 se fonde, à son égard, uniquement sur l’ordonnance du Home Secretary du 28 mars 2001 et ne tient aucun compte de la décision de la POAC.

161    Selon la requérante, ces éléments montrent que la décision 2007/868 est manifestement erronée et qu’elle est de surcroît entachée d’un détournement de pouvoir, pour ce qui la concerne.

162    Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 15 janvier 2008, le Conseil s’est abstenu de tout commentaire sur la pertinence de la décision de la POAC aux fins de la présente procédure.

163    Lors de l’audience, cette institution a fait valoir, en se référant aux constatations de fait opérées par la POAC, que, même si celles-ci devaient être considérées comme exactes et présentant une image globale correcte, il demeurait raisonnable de considérer que la requérante était impliquée dans des actes terroristes, au sens où l’entend le règlement n° 2580/2001, et que, par conséquent, le gel de ses fonds restait justifié. Le Conseil a soutenu, par ailleurs, que, tout en ayant pris en considération la demande du Home Secretary visant à être autorisé par la Court of Appeal à former un pourvoi contre la décision de la POAC, il n’avait pas simplement décidé d’attendre l’issue de ce recours avant de réévaluer la situation de la requérante.

164    Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 16 janvier 2008, la Commission soutient qu’il serait prématuré de tirer des conséquences de la décision de la POAC, au niveau communautaire, à l’heure actuelle. Selon elle, il y a lieu d’attendre la décision de la Court of Appeal sur la demande d’autorisation de pourvoi introduite par le Home Secretary et ensuite, le cas échéant, d’attendre l’issue d’un éventuel pourvoi devant la Court of Appeal ainsi que celle d’un éventuel pourvoi ultérieur devant la House of Lords (Chambre des Lords), avant de déterminer si ladite décision doit avoir une incidence sur la légalité des décisions adoptées au niveau communautaire.

165    Dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 16 janvier 2008, le Royaume‑Uni rappelle que, en tout état de cause, l’ordonnance du Home Secretary du 28 mars 2001 est toujours en vigueur. Ainsi, cette ordonnance constituerait une base légale suffisante aux fins de l’adoption par le Conseil de la décision 2007/868 à l’égard de la requérante. Le Royaume‑Uni relève également que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, du Terrorism Act 2000, la décision de la POAC n’oblige pas le Home Secretary à retirer la requérante de la liste nationale analogue à celle établie par le Conseil, avant l’épuisement de l’ensemble des voies de pourvoi, y compris devant la House of Lords.

166    Dans son mémoire en intervention, le Royaume‑Uni expose, par ailleurs, que la décision 2007/868 a été adoptée par le Conseil, en connaissance de la décision de la POAC et de la décision subséquente du Home Secretary de former un recours contre cette décision. L’audience devant la Court of Appeal, tant sur la demande d’autorisation de former un pourvoi que sur le fond de l’affaire, se serait déroulée du 18 au 20 février 2008.

 Appréciation du Tribunal

167    Dans le cadre de la demande en annulation partielle de la décision 2007/868, les parties ont consacré l’essentiel de leur argumentation à la pertinence de la décision de la POAC mentionnée au point 22 ci-dessus aux fins du contrôle de légalité opéré en l’espèce par le Tribunal.

168    Par cette décision, la POAC a notamment qualifié de « perverse » (perverse) la conclusion du Home Secretary, contenue dans sa décision du 1er septembre 2006 refusant de lever la proscription de la requérante, selon laquelle celle-ci était encore, à cette époque, une organisation « impliquée dans le terrorisme » (concerned in terrorism), au sens du Terrorism Act 2000. Il y a lieu d’entendre par là que, selon l’appréciation de la POAC, aucune personne raisonnable n’aurait pu arriver à une telle conclusion et que, au contraire, n’importe quelle personne raisonnable serait arrivée à la conclusion opposée, sur la base des éléments dont disposait le Home Secretary.

169    À cet égard, la POAC a résumé comme suit ses principales constatations de fait et les conclusions juridiques qu’elle en a tirées, aux points 347 à 349 de sa décision :

« 347. […] Nous devons examiner tout le matériel qui a été ou qui aurait raisonnablement pu être à la disposition du [Home Secretary] en vue de déterminer si la PMOI était ou aurait pu être honnêtement considérée par lui comme étant impliquée dans le terrorisme. Nous avons soumis tout le matériel à l’examen minutieux que nous considérons être le standard approprié pour notre évaluation.

348.      Nous avons déjà exposé en détail nos conclusions sur le matériel devant nous. Selon notre avis, un examen minutieux du matériel amène à la conclusion suivante :

348.1. Sous la possible exception de l’incident unique de mai 2002, la PMOI ne s’est pas livrée à des actes de terrorisme en Iran ou ailleurs depuis août 2001.

348.2. Même si la PMOI a pu avoir à une certaine époque une structure de commandement militaire en Iran, le matériel démontre qu’une telle structure avait cessé d’exister avant (au plus tard) la fin 2002.

348.3. À supposer même que les trois rapports de 2002 puissent être considérés comme une glorification [du terrorisme] au sens de l’article 3, paragraphe 5, sous c), [du Terrorism Act 2000], une telle activité avait cessé avant août 2002.

348.4. En mai 2003, la PMOI a été désarmée.

348.5. Il n’y pas de matériel qui indique que la PMOI aurait obtenu ou aurait cherché à obtenir des armes ou à reconstruire autrement une quelconque capacité militaire, en dépit de sa capacité à le faire après mai 2003.

348.6. De plus, il n’y a pas de matériel qui suggère que la PMOI aurait cherché à recruter ou à entraîner ses membres pour des actions militaires ou de terrorisme.

En résumé, il n’y a aucune preuve que, à un quelconque moment depuis 2003, la PMOI aurait cherché à recréer une quelconque forme de structure capable de mettre à exécution ou de soutenir des actes de terrorisme. Il n’y a aucune preuve d’une quelconque tentative de ‘se préparer’ pour le terrorisme. Il n’y a aucune preuve d’un quelconque encouragement d’autres personnes à commettre des actes de terrorisme. Il n’y pas non plus de matériel qui permette de fonder une quelconque croyance que la PMOI aurait été ‘autrement impliquée dans le terrorisme’ à la date d’adoption de la décision en septembre 2006. En ce qui concerne la période postérieure à mai 2003, celle-ci ne peut pas être proprement décrite comme étant une ‘simple inactivité’, contrairement à ce qui a été suggéré par le [Home Secretary] dans sa lettre de décision. Le matériel a révélé que l’ensemble du dispositif militaire n’existait plus, que ce soit en Irak, en Iran ou ailleurs, et qu’il n’y avait eu aucune tentative de la PMOI pour le rétablir.

349. Dans ces circonstances, la seule conviction qu’un décideur raisonnable aurait pu honnêtement envisager, que ce soit en septembre 2006 ou par la suite, est que la PMOI ne satisfaisait plus à aucun des critères nécessaires pour le maintien de sa proscription. En d’autres termes, sur la base du matériel devant nous, la PMOI n’était pas impliquée dans le terrorisme en septembre 2006 et ne l’est toujours pas. »

170    Pour les motifs exposés, notamment, aux points 130 à 139 ci-dessus, le Tribunal considère que la décision de la POAC revêt une importance considérable aux fins de la présente procédure.

171    Il s’agit, en effet, de la première décision d’une autorité judiciaire compétente statuant sur la légalité, au regard du droit national applicable, du refus du Home Secretary de révoquer son ordonnance du 28 mars 2001 sur la base de laquelle le Conseil a adopté tant la décision initiale de gel des fonds de la requérante que toutes les décisions subséquentes, jusques et y compris la décision 2007/868.

172    La décision de la POAC constitue donc incontestablement l’une des suites réservées, au niveau national, à l’ordonnance du Home Secretary du 28 mars 2001.

173    Or, le Tribunal a déjà relevé que la vérification de telles suites apparaissait indispensable dans le contexte de l’adoption d’une décision subséquente de gel des fonds (voir point 131 ci-dessus).

174    Quant à la mesure dans laquelle le Conseil a eu connaissance de la décision de la POAC et en a tenu compte, dans le contexte de l’adoption de la décision 2007/868, il ressort des explications fournies par cette institution et par le Royaume‑Uni ainsi que des documents relatifs à ladite procédure, produits par ces parties en réponse aux mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal, que :

–        le 13 novembre 2007, le représentant du Royaume‑Uni a informé verbalement les membres du groupe de travail du Conseil relatif à la position commune 2001/931 (ci-après le « groupe de travail PC 931 ») que la POAC rendrait sa décision dans l’affaire concernant la requérante le 30 novembre 2007 et que le Royaume‑Uni déterminerait sa position concernant la proscription de l’intéressée en fonction de cette décision ;

–        le 3 décembre 2007, le Royaume‑Uni a informé par courriel la présidence portugaise du Conseil de la décision de la POAC, en lui faisant un résumé de cette décision, en l’invitant à en prendre connaissance sur le site Internet où elle était disponible et en lui faisant part de son intention d’évoquer la question lors de la prochaine réunion du groupe de travail PC 931 ;

–        le 4 décembre 2007, le Royaume‑Uni a informé par courriel la présidence portugaise que le Home Secretary avait clairement indiqué qu’il chercherait à obtenir l’autorisation de former un pourvoi contre la décision de la POAC ; le Royaume‑Uni pensait que la décision sur cette autorisation serait prise avant le 17 décembre 2007 ; en cas d’autorisation, l’audience sur pourvoi devant la Court of Appeal aurait lieu dans les premiers mois de 2008 ; dans ce même courriel, le Royaume‑Uni a proposé que l’Union européenne n’entreprenne aucune action relative au maintien de la requérante dans la liste litigieuse jusqu’à ce que la procédure de pourvoi au Royaume‑Uni soit menée à son terme, et a précisé que la proscription de la requérante au Royaume‑Uni resterait en vigueur pendant cette période ;

–        le 6 décembre 2007, une copie de la lettre adressée par la requérante au Conseil le 5 décembre 2007, en vue d’obtenir sa radiation de la liste litigieuse au vu de la décision de la POAC (point 23 ci-dessus), ainsi qu’une copie de ladite décision de la POAC ont été transmises par le secrétariat général du Conseil aux délégations des États membres au sein du Conseil ;

–        le 12 décembre 2007, le groupe de travail PC 931 a tenu une réunion destinée à préparer l’adoption de la décision 2007/868 ; selon le « résultat des travaux » de cette réunion, transmis par le secrétariat général du Conseil aux délégations des États membres au sein du Conseil le 20 décembre 2007, ledit groupe de travail a été informé par la délégation du Royaume‑Uni de la décision de la POAC ; la délégation du Royaume‑Uni a également informé les autres délégations de l’intention du Home Secretary d’être autorisé à former un pourvoi contre cette décision et leur a expliqué que, si la POAC elle-même refusait cette autorisation, le Home Secretary avait l’intention de la demander directement à la Court of Appeal ;

–        le 17 décembre 2007, un projet de décision et un projet de position commune reflétant les résultats de la réunion du groupe de travail PC 931 ont été transmis par le secrétariat général du Conseil au groupe de travail des conseillers pour les relations extérieures ; le nom de la requérante était inclus dans les listes annexées à ces projets ; le même jour, le groupe de travail des conseillers pour les relations extérieures a approuvé lesdits projets et a invité le Coreper à recommander au Conseil d’adopter ces projets ; la note de couverture consignant ces faits (note I/A) a été transmise par le secrétariat général du Conseil au Coreper le 18 décembre 2007 ;

–        le 19 décembre 2007, le Coreper a approuvé les recommandations en question ;

–        le 19 décembre 2007, le Royaume‑Uni a informé par courriel la présidence portugaise, le secrétariat général du Conseil et les délégations des États membres qui en avaient expressément fait la demande que la POAC avait refusé l’autorisation de pourvoi sollicitée par le Home Secretary ; le Royaume‑Uni a ajouté que le Home Secretary avait l’intention de demander la même autorisation à la Court of Appeal, sans pouvoir indiquer à quelle date celle-ci se prononcerait sur cette demande.

175    C’est dans ces circonstances que, le 20 décembre 2007, le Conseil a adopté la décision 2007/868.

176    S’agissant de l’indication des raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil a considéré, après réexamen, que le gel des fonds de la requérante restait justifié, laquelle constitue l’essentiel de l’obligation de motivation incombant à cette institution dans le cadre de l’adoption d’une décision subséquente de gel des fonds (arrêt OMPI, point 1 supra, points 143 et 144), il ressort de l’exposé des faits rappelé aux points 28 et 29 ci-dessus que le Conseil a considéré, dans la seconde lettre de notification, que les raisons de maintenir la requérante dans la liste litigieuse, préalablement communiquées à l’intéressée par la première lettre de notification, étaient encore valables. Par ailleurs, l’exposé des motifs joint à la seconde lettre de notification est rigoureusement identique à celui qui avait été joint à la première lettre de notification. Quant à la décision de la POAC, le Conseil s’est borné à relever, dans la seconde lettre de notification, que le Home Secretary avait tenté d’introduire un pourvoi contre celle-ci (the Council notes that the UK Home Secretary has sought to bring an appeal).

177    Au regard de l’ensemble des données pertinentes à la date d’adoption de la décision 2007/868, et compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, le Tribunal considère que cette motivation est manifestement insuffisante pour justifier légalement le maintien du gel des fonds de la requérante.

178    Premièrement, ladite motivation ne permet pas de saisir la mesure dans laquelle le Conseil a effectivement tenu compte de la décision de la POAC, comme il en avait l’obligation (voir point 173 ci-dessus).

179    Deuxièmement, cette motivation n’expose pas les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil a considéré, malgré les constatations de fait souverainement opérées par la POAC et les conclusions juridiques particulièrement sévères pour le Home Secretary que cette juridiction en a tirées, que le maintien de la requérante dans la liste litigieuse restait justifié au regard du même ensemble de faits et de circonstances sur lequel la POAC a eu à se prononcer (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 17 janvier 1995, Publishers Association/Commission, C‑360/92 P, Rec. p. I‑23, points 39 à 44).

180    Il en va tout particulièrement ainsi au vu de la conclusion de la POAC selon laquelle la seule croyance qu’un décideur raisonnable aurait pu honnêtement se forger, à partir de septembre 2006, était que la requérante ne répondait plus à aucun des critères requis pour justifier le maintien de sa proscription comme organisation terroriste ou que, en d’autres termes, elle n’était plus impliquée dans le terrorisme depuis cette époque. Dans ces circonstances, il incombait à tout le moins au Conseil de réévaluer son appréciation de l’existence d’une décision d’une autorité nationale compétente fondée sur des « indices sérieux et crédibles », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

181    Lors de l’audience, le Conseil s’est efforcé de remédier à cette insuffisance manifeste de motivation en soutenant, exemples à l’appui, que, même sur la base des faits tels que constatés par la POAC, il demeurait raisonnable de considérer, à la date d’adoption de la décision 2007/868, que la requérante était impliquée dans des actes terroristes, au sens où l’entend le règlement n° 2580/2001, et que, par conséquent, le gel de ses fonds restait justifié (voir point 163 ci-dessus).

182    À cet égard, il convient toutefois de rappeler que la motivation d’un acte doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief et que l’absence de motivation, ou son insuffisance manifeste, ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge communautaire (voir arrêt OMPI, point 1 supra, point 139, et la jurisprudence citée).

183    Troisièmement, le Tribunal considère que, si le Conseil pouvait, certes, avoir égard à l’existence de voies de recours contre la décision de la POAC ainsi qu’à leur exercice effectif par le Home Secretary, il ne lui suffisait pas, en l’espèce, d’indiquer que celui-ci avait tenté d’introduire un pourvoi pour être dispensé de prendre spécifiquement en considération les constatations de fait souverainement opérées par la POAC ainsi que les conséquences juridiques qu’elle en avait tirées.

184    Il en va d’autant plus ainsi que, d’une part, la POAC, autorité judiciaire compétente pour contrôler la légalité des actes du Home Secretary, avait qualifié le refus de celui-ci de lever la proscription de la requérante de « déraisonnable » et de « pervers » et que, d’autre part, à la date d’adoption de la décision 2007/868, le Conseil avait été informé du refus de la POAC d’autoriser le Home Secretary à introduire un tel pourvoi ainsi que des motifs de ce refus, à savoir que, selon la POAC, aucun des arguments avancés par le Home Secretary ne présentait de chances raisonnables de succès devant la Court of Appeal.

185    En conclusion, le Tribunal constate que, au regard de l’ensemble des données pertinentes et compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, le maintien du gel des fonds de la requérante opéré par l’article 1er de la décision 2007/868, en liaison avec le point 2.19 de la liste figurant à l’annexe de cette décision, sous la rubrique « Groupes et entités », n’est pas motivé à suffisance de droit.

186    Cette constatation ne peut qu’entraîner l’annulation de ces dispositions, pour autant qu’elles concernent la requérante.

187    Pour le surplus, aucun des moyens invoqués par la requérante n’est susceptible de fonder sa demande en annulation, pour ce qui la concerne, des autres dispositions de ladite décision, notamment son article 2, aux termes duquel la décision 2007/445 est abrogée.

 Sur les dépens

188    Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de décider que le Conseil supportera, outre ses propres dépens, le tiers des dépens de la requérante.

189    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme non fondé en ce qu’il tend à l’annulation de la décision 2007/445/CE du Conseil, du 28 juin 2007, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant les décisions 2006/379/CE et 2006/1008/CE.

2)      L’article 1er de la décision 2007/868/CE du Conseil, du 20 décembre 2007, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2007/445, et le point 2.19 de la liste figurant à l’annexe de cette décision sont annulés pour autant qu’ils concernent la People’s Mojahedin Organization of Iran.

3)      Le recours est rejeté comme non fondé en ce qu’il tend à l’annulation des autres dispositions de la décision 2007/868, pour ce qui concerne la People’s Mojahedin Organization of Iran.

4)      Le Conseil est condamné à supporter, outre ses propres dépens, le tiers des dépens de la People’s Mojahedin Organization of Iran.

5)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Commission et le Royaume des Pays-Bas supporteront leurs propres dépens.

Forwood

Šváby

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 octobre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.