Language of document : ECLI:EU:T:2008:467

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

30 octobre 2008 (*)

« Référé − Police sanitaire – Règlement (CE) n° 999/2001 − Éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles − Règlement (CE) n° 746/2008 − Demande de sursis à exécution − Fumus boni juris − Urgence − Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑257/07 R II,

République française, représentée par Mmes E. Belliard, R. Loosli-Surrans, A.-L. During et M. G. de Bergues, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Nolin et A. Bordes, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mmes C. Gibbs et I. Rao, puis par Mme Rao, en qualité d’agents, assistées de M. T. Ward, barrister,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution du règlement (CE) n° 746/2008 de la Commission, du 17 juin 2008, modifiant l’annexe VII du règlement (CE) n° 999/2001 du Parlement européen et du Conseil fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l’éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles (JO L 202, p. 11), en tant qu’il introduit, dans le chapitre A de cette annexe VII, le point 2.3, sous b), iii), le point 2.3, sous d), et le point 4,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Le présent litige concerne le règlement (CE) n° 999/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l’éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissibles (JO L 147, p. 1).

2        Les encéphalopathies spongiformes transmissibles (ci-après les « EST ») sont des maladies neurodégénératives qui affectent les animaux et les humains. L’agent causal est une protéine appelée « prion ». Les EST sont caractérisées par des lésions particulières du système nerveux central (cerveau et moelle épinière). L’encéphalopathie spongiforme bovine (ci-après l’« ESB ») est une EST qui affecte les bovins. La tremblante, classique ou atypique, est une EST qui affecte les ovins et les caprins. Chez les ovins, il existe une variation de sensibilité de nature génétique à la tremblante : ils sont résistants ou sensibles à la tremblante.

3        Les règles édictées par le règlement n° 999/2001, qui s’appliquent aux bovins et aux petits ruminants (ovins et caprins), ont été établies en prenant pour hypothèse l’existence d’un lien entre l’ESB et la nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez les humains.

4        L’annexe VII du règlement n° 999/2001 établit les mesures d’éradication à prendre consécutivement à la confirmation de la présence d’une EST chez les ovins et les caprins. Cette annexe prévoyait initialement que, lorsqu’un cas d’EST était détecté dans un troupeau de caprins, tous les animaux devaient être abattus et détruits, tandis que, s’agissant d’un troupeau d’ovins, seuls devaient être abattus et détruits les ovins génétiquement sensibles, les ovins génétiquement résistants pouvant éventuellement être épargnés.

5        L’évolution des connaissances scientifiques et les préoccupations exprimées par certains États membres ont amené la Commission à envisager l’assouplissement de la réglementation en matière de lutte contre les EST pour tenir compte de nouveaux instruments de diagnostic qui étaient devenus disponibles. La Commission estimait, notamment, que de nouveaux tests de discrimination permettaient d’exclure la présence de l’ESB en quelques semaines dans la plupart des cas d’animaux atteints d’EST, identifiés à la suite d’un premier test rapide. Elle concluait que, lorsque l’ESB était exclue, il n’y avait plus de risque pour la santé publique, si bien qu’un abattage de la totalité du cheptel infecté d’EST pouvait être considéré comme disproportionné par rapport aux enjeux de santé publique, la mise à la consommation humaine des animaux abattus pouvant être permise en cas de résultat négatif des tests de dépistage.

6        Saisie par les autorités françaises de plusieurs demandes d’avis concernant les évolutions de la réglementation communautaire suggérées par la Commission pour les EST, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) s’est opposée aux propositions de la Commission, au motif qu’elles allégeraient considérablement la réglementation en vigueur, et ce malgré les incertitudes relatives à la fiabilité des tests de discrimination et à la transmissibilité à l’homme des souches d’EST autres que celles de l’ESB. Dans un avis du 15 janvier 2007, l’AFSSA a précisé que les tests de discrimination ne permettaient pas d’exclure la présence de l’ESB ni chez l’animal testé ni a fortiori dans le troupeau auquel il appartenait et que la transmission à l’homme des souches d’EST autres que celles de l’ESB ne pouvait pas davantage être exclue.

7        À la suite de cet avis de l’AFSSA, la Commission a saisi l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) – instituée par le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’EFSA et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO L 31, p. 1) –, en lui demandant de fournir un avis concernant, d’une part, l’existence de nouvelles données disponibles susceptibles de fournir la preuve de tout lien épidémiologique ou moléculaire entre la tremblante classique ou atypique et les EST chez l’homme et, d’autre part, la performance des méthodes analytiques de différenciation actuelles utilisées pour un examen plus poussé des cas positifs d’EST chez les petits ruminants et leur capacité à distinguer l’ESB de souches connues de tremblante atypique ou classique.

8        L’EFSA a rendu un avis le 8 mars 2007 comportant les deux conclusions suivantes :

–        il n’existe pas de preuve d’un lien épidémiologique ou moléculaire entre la tremblante classique ou atypique et les EST chez l’homme ; l’agent de l’ESB est le seul agent responsable d’EST identifié comme zoonotique ; cependant, du fait de leur diversité, il n’est pas possible, aujourd’hui, d’exclure toute transmissibilité à l’homme d’autres agents d’EST animales ;

–        les tests de discrimination actuels tels que décrits dans la législation communautaire et devant être utilisés pour faire la distinction entre un animal atteint de la tremblante et un animal atteint de l’ESB semblent aujourd’hui fiables pour distinguer l’ESB de la tremblante classique et atypique ; néanmoins, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, ni leur sensibilité diagnostique ni leur spécificité ne peuvent être considérées comme parfaites.

9        Invitée à se prononcer sur l’apparente divergence entre ses appréciations du risque et celles faites par l’AFSSA, l’EFSA a, par lettre du 22 juin 2007, indiqué à la Commission que, après consultation de l’AFSSA, il n’existait aucune divergence d’opinion entre les deux organismes.

10      Dans ces circonstances, la Commission a adopté, le 26 juin 2007, le règlement (CE) n° 727/2007 modifiant les annexes I, III, VII et X du règlement n° 999/2001 (JO L 165, p. 8). Le point 3 de l’annexe de ce règlement a modifié l’annexe VII du règlement n° 999/2001, en assouplissant les mesures de police sanitaire applicables au troupeau d’ovins ou de caprins dans lequel un cas d’EST a été détecté au moyen d’un premier test rapide. Dans l’hypothèse où l’ESB pouvait être exclue au moyen des tests de discrimination, les États membres avaient désormais la faculté de remplacer la mise à mort et la complète destruction des animaux par leur maintien en exploitation, sous surveillance, ou leur abattage à des fins de consommation humaine accompagné de la réalisation de tests rapides de détection de la présence d’EST.

11      Ainsi qu’il ressort de son considérant 9, le règlement n° 727/2007 était fondé, notamment, sur l’avis de l’EFSA du 8 mars 2007, résumé au point 8 ci-dessus.

12      Par requête déposée devant le Tribunal le 17 juillet 2007, la République française a introduit un recours visant à l’annulation du point 3 de l’annexe du règlement n° 727/2007, pour violation du principe de précaution, en tant qu’il introduisait, dans l’annexe VII du règlement n° 999/2001, le régime assoupli d’éradication de l’EST mentionné au point 10 ci-dessus. En outre, elle a introduit une demande en référé visant à obtenir le sursis à l’exécution dudit régime.

13      Par ordonnance du 28 septembre 2007, France/Commission (T‑257/07 R, Rec. p. II‑4153, ci-après l’« ordonnance du 28 septembre 2007 »), le juge des référés a fait droit à cette demande et suspendu, jusqu’au prononcé de l’arrêt au principal, l’application du régime en cause.

14      S’agissant de l’évaluation du risque opérée par la Commission, le juge des référés a considéré qu’il subsistait de réelles incertitudes scientifiques quant à la fiabilité des tests de discrimination et quant à la possibilité que, parmi les agents responsables d’EST d’origine animale, d’autres agents que celui de l’ESB puissent être transmissibles à l’homme. Il a donc admis l’existence d’un fumus boni juris au regard du grief tiré d’une violation du principe de précaution du fait d’une erreur de la Commission dans l’évaluation du risque (ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, points 85 et 86).

15      S’agissant de la gestion du risque, le juge des référés a estimé, d’une part, que l’affirmation selon laquelle il était prévisible que, dans le cadre du nouveau régime assoupli, des animaux seraient mis à la consommation humaine alors qu’ils étaient infectés par des EST non détectées n’apparaissait pas dépourvue de tout fondement et, d’autre part, que, en l’état actuel des connaissances, il ne serait pas possible d’exclure que la consommation de viandes et de produits issus d’animaux infectés par des EST, autres que l’ESB, présente un danger pour la santé humaine. Il en a conclu que l’allégation selon laquelle le nouveau régime ne permettait pas de circonscrire le risque que les EST représentent pour la santé humaine ne semblait pas, au moins à première vue, dépourvue de pertinence. Il a donc admis l’existence d’un fumus boni juris au regard du grief tiré d’une violation du principe de précaution du fait d’une erreur de la Commission dans la gestion du risque (ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, points 106, 107 et 116).

16      Enfin, le juge des référés a considéré que la condition de l’urgence était satisfaite et que la balance des différents intérêts en cause ne penchait pas en faveur du rejet du sursis à exécution demandé (ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, points 133 et 148).

17      Pour un plus ample exposé du cadre juridique, des faits à l’origine du litige et de l’appréciation du juge des référés, il est renvoyé à l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra.

18      L’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, n’a pas fait l’objet d’un pourvoi devant le président de la Cour.

19      Au contraire, à la suite de cette ordonnance, la Commission a décidé de saisir l’EFSA en vue de clarifier son avis du 8 mars 2007, sur lequel avait été fondé le règlement n° 727/2007. En réponse, l’EFSA a, le 24 janvier 2008, adopté un rapport fournissant des explications scientifiques et techniques relatives à l’interprétation de certains aspects des conclusions de son avis du 8 mars 2007.

20      Sur la base de ce nouveau rapport de l’EFSA, la Commission a adopté, le 17 juin 2008, le règlement (CE) nº 746/2008 modifiant l’annexe VII du règlement nº 999/2001 (JO L 202, p. 11), qui est entré en vigueur le 29 septembre 2008 et dont l’annexe remplace le chapitre A de l’annexe VII du règlement nº 999/2001, tel que ce chapitre avait été modifié par le règlement n° 727/2007.

21      Ainsi que la Commission l’a expressément indiqué au Tribunal (dans ses écritures des 17 juin et 26 août 2008), le dispositif du nouveau règlement nº 746/2008 est quasi identique au dispositif – abrogé – du règlement n° 727/2007. Seule la motivation du règlement nº 746/2008 est différente dans la mesure, notamment, où elle se fonde sur les conclusions du rapport de l’EFSA du 24 janvier 2008.

22      C’est dans ces circonstances que, par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 juillet 2008, la République française a demandé au Tribunal, premièrement, d’étendre la procédure en cours dans l’affaire T‑257/07 aux dispositions du règlement nº 746/2008 qui remplaçaient celles du règlement n° 727/2007 concernées par son recours, deuxièmement, de lui permettre de présenter des conclusions et des moyens supplémentaires contre lesdites dispositions du règlement nº 746/2008 afin de tenir compte de la nouvelle motivation présentée par la Commission et, troisièmement, d’ordonner le sursis à l’exécution de ces mêmes dispositions du règlement nº 746/2008.

23      Dans ses observations du 26 août 2008, déposées au greffe du Tribunal le 28 août 2008, la Commission s’est ralliée aux deux premières demandes d’extension de la République française, au motif que le règlement nº 746/2008 ne faisait presque que reprendre les mêmes dispositions que le règlement n° 727/2007. En revanche, s’agissant d’une éventuelle suspension des dispositions en cause du règlement nº 746/2008, la Commission a estimé que les autorités françaises devraient introduire une nouvelle demande en référé, étant donné que la nouvelle motivation à la base de ce règlement visait essentiellement à répondre aux critiques formulées par le juge des référés dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra.

24      Dans ces conditions, la République française a, par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 septembre 2008, introduit la présente demande en référé dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal d’ordonner le sursis à l’exécution du règlement nº 746/2008, en tant qu’il introduit, dans le chapitre A de l’annexe VII du règlement nº 999/2001, le point 2.3, sous b), iii), le point 2.3, sous d), et le point 4 (ci-après les « dispositions incriminées »).

25      Dans ses observations écrites sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 3 octobre 2008, la Commission conclut au rejet de cette demande.

26      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord qui, par ordonnance du 30 novembre 2007, avait été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission s’est, par mémoire du 6 octobre 2008, rallié aux conclusions de cette dernière.

27      Par décision du 6 octobre 2008, le Tribunal (troisième chambre) a accueilli la demande de la République française, visant à étendre aux dispositions incriminées la procédure en cours dans l’affaire T‑257/07, et permis le dépôt de conclusions et de moyens supplémentaires.

 En droit

28      En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

29      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et sortent leurs effets dès avant la décision au principal. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73, et la jurisprudence citée).

30      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées, dès lors qu’aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

31      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Sur le fumus boni juris

 Observations liminaires

32      La République française reproche à la Commission d’avoir violé, sous plusieurs aspects, le principe de précaution en adoptant les dispositions incriminées.

33      La Commission souligne, pour sa part, que la seule différence essentielle entre le régime créé par le règlement nº 746/2008 et le régime antérieur, instauré par le règlement n° 727/2007, réside dans la motivation (voir point 21 ci-dessus).

34      C’est cette nouvelle motivation, telle qu’elle figure dans le règlement nº 746/2008, qui fait l’objet substantiel du débat mené entre les parties au regard d’un éventuel fumus boni juris.

35      Dans le cadre de ladite motivation, la Commission présente, aux considérants 10 à 15, le rapport de l’EFSA du 24 janvier 2008 comme suit :

« (10) S’agissant de la transmissibilité des EST, l’EFSA a confirmé :

–        qu’aucun agent d’EST autre que ceux qui sont responsables de la tremblante classique et de la tremblante atypique n’a été identifié chez les ovins,

–        qu’aucun agent d’EST autre que ceux qui sont responsables de l’ESB, de la tremblante classique et de la tremblante atypique n’a été identifié chez les caprins,

–                 […]

(11)      Néanmoins, l’EFSA ne peut exclure que des agents d’EST autres que ceux de l’ESB soient transmissibles à l’homme, étant donné :

–        que la transmission expérimentale d’agents d’EST à des modèles de primates et de souris transgéniques exprimant le gène PrP humain est actuellement utilisée pour évaluer la capacité potentielle d’un agent d’EST à franchir la barrière d’espèce humaine,

–        qu’il a été démontré que des agents d’EST autres que l’agent de l’ESB classique provenant de trois cas d’EST sur le terrain (deux cas de tremblante classique et un cas d’ESB de type L) franchissent la barrière d’espèce humaine modélisée,

–        qu’il convient de tenir compte des limites de ces modèles, entre autres en ce qui concerne l’incertitude de leur représentativité de la barrière d’espèce humaine et l’incertitude de la correspondance entre la voie d’inoculation expérimentale utilisée et une exposition dans des conditions naturelles.

(12)      Il ressort des explications fournies par l’EFSA que la biodiversité des agents pathogènes présents chez les ovins et les caprins est un élément important qui empêche d’exclure toute transmissibilité à l’homme et que cette diversité augmente la probabilité que l’un des agents d’EST soit transmissible. L’EFSA reconnaît néanmoins qu’aucune donnée scientifique ne prouve l’existence d’un quelconque lien direct entre une EST autre que l’ESB chez les ovins et les caprins et une EST chez l’homme. Le point de vue de l’EFSA selon lequel la transmissibilité à l’homme d’agents d’EST présents chez des ovins ou des caprins ne peut être exclue est fondé sur des études expérimentales sur la barrière d’espèce humaine et des modèles animaux (primates et souris). Ces modèles n’intègrent toutefois pas des caractéristiques génétiques humaines qui ont une grande incidence sur la sensibilité relative aux maladies à prions. Ils ont également leurs limites lorsqu’il s’agit de calculer quels pourraient être les résultats dans des conditions naturelles, notamment en raison de l’incertitude de leur représentativité de la barrière d’espèce humaine et l’incertitude de la correspondance entre la voie d’inoculation expérimentale utilisée et une exposition dans des conditions naturelles. Sur la base de ces éléments, on peut considérer que, si tout risque de transmissibilité à l’homme d’agents d’EST présents chez les ovins ou les caprins ne peut être exclu, ce risque serait extrêmement faible, compte tenu du fait que la preuve de transmissibilité est fondée sur des modèles expérimentaux qui ne reflètent pas les conditions naturelles en ce qui concerne la barrière d’espèce humaine et les voies d’infection réelles.

(13)      S’agissant des tests de discrimination, l’EFSA a confirmé :

–        que, sur la base des données limitées disponibles, les tests de discrimination employés au niveau de l’Union européenne sont des instruments qui peuvent être utilisés pour le dépistage des cas d’EST sur le terrain, conformément à l’annexe X, chapitre C, point 3.2[, sous] c), du règlement […] nº 999/2001, et qui permettent d’atteindre l’objectif d’identification rapide et reproductible des cas d’EST ayant une signature compatible avec celle de l’agent de l’ESB classique,

–        que ces tests de discrimination ne peuvent être considérés comme parfaits en raison du manque actuel de compréhension de la véritable biodiversité des agents d’EST présents chez les ovins et les caprins et de la manière dont les agents interagissent en cas de co-infection.

(14)      En réponse à une demande de clarification émanant de la Commission et portant sur le fait de savoir si l’absence de données statistiquement suffisantes sur les performances des tests était compensée par la procédure mise en place, qui comprend un essai circulaire avec d’autres méthodes d’identification moléculaire dans différents laboratoires et une évaluation par un groupe d’experts présidé par le laboratoire de référence communautaire pour les EST, l’EFSA a expliqué :

–        que, si les essais circulaires réalisés sur des échantillons provenant de cas expérimentaux d’ESB ovines présentaient des performances stables, l’incertitude subsistait quant à leurs performances sur le terrain en raison de l’absence de détection de cas d’ESB naturelle chez les ovins ou les caprins,

–        que les cas déclarés positifs au dépistage des EST ne sont soumis à l’intégralité de la procédure de discrimination, qui comprend un test biologique, que si le test de discrimination biochimique est compatible avec la signature de l’ESB ; c’est pourquoi les données obtenues au moyen de cette procédure ne peuvent être utilisées pour l’évaluation de la sensibilité ou de la spécificité des tests de discrimination,

–        qu’une augmentation du nombre de résultats négatifs lors de la réalisation de tests de discrimination de l’EST chez des ovins ou des caprins ne peut compenser l’absence de données statistiquement suffisantes sur les performances des tests.

(15)      L’EFSA a reconnu que les tests de discrimination […] sont des instruments qui permettent d’atteindre l’objectif d’identification rapide et reproductible des cas d’EST ayant une signature compatible avec celle de l’agent de l’ESB classique. Vu l’absence de données scientifiques attestant la possibilité de co-infection d’ovins ou de caprins par des agents de l’ESB et des agents d’autres EST dans des conditions naturelles et vu que la prévalence de l’ESB chez des ovins, le cas échéant, ou chez des caprins est très faible et que la possibilité de co-infection serait donc encore plus faible, le nombre de cas d’ESB non décelés chez des ovins et des caprins serait extrêmement faible. Par conséquent, même si les tests de discrimination ne peuvent être qualifiés de parfaits, il convient de les considérer comme un instrument utile pour atteindre l’objectif d’éradication des EST poursuivi par le règlement […] nº 999/2001. »

36      Au considérant 16, la Commission mentionne également l’avis de l’EFSA du 25 janvier 2007, dans lequel celle-ci a donné une estimation de la prévalence probable de l’ESB chez les ovins :

« L’EFSA est arrivée à la conclusion qu’il y a moins de 0,3 à 0,5 cas d’ESB pour 10 000 animaux sains abattus dans les pays à haut risque. L’EFSA a également précisé qu’’il y a, dans l’Union européenne, 95 % de certitude que le nombre de cas soit égal ou inférieur à quatre par million de moutons et 99 % de certitude que ce taux soit égal ou inférieur à six cas par million. Étant donné qu’aucun cas d’ESB n’a encore dû être confirmé chez des moutons, la prévalence la plus probable est de zéro.’ Depuis l’introduction en 2005 de la procédure de tests de discrimination […], 2 798 tests de discrimination ont été pratiqués sur des ovins infectés par une EST et 265 tests de discrimination sur des caprins infectés par une EST et aucune de ces infections ne s’est révélée semblable à l’ESB. »

37      C’est au regard de ces considérants que les parties ont présenté leurs arguments.

 Arguments des parties

38      La République française considère que la motivation des dispositions incriminées ne répond pas aux griefs qu’elle avait exposés, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, à l’encontre des dispositions correspondantes du règlement nº 727/2007. Elle maintient donc lesdits griefs en faisant valoir que les dispositions incriminées présentent un risque pour la santé des personnes à compter de leur mise en application.

–       Sur l’évaluation du risque

39      La République française estime que les dispositions incriminées n’ont pas été fondées sur une évaluation correcte des risques potentiels pour la santé humaine et animale. En effet, la Commission n’aurait pas tenu compte de tous les éléments d’une évaluation scientifique des risques et ne se serait donc pas conformée à son obligation de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale, au sens de l’arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Alpharma/Conseil (T‑70/99, Rec. p. II‑3495, point 165).

40      Dans ce contexte, premièrement, la République française soutient que la consultation de l’EFSA par la Commission est demeurée incomplète, en ce que l’EFSA n’a pas été consultée sur la fiabilité des tests rapides de dépistage des EST. Ces tests rapides constitueraient pourtant le premier maillon du régime mis en place par les dispositions incriminées. En effet, en cas de résultat négatif à ces tests, les ovins génétiquement sensibles et les caprins pourraient être mis à la consommation sans autre vérification. Par conséquent, une évaluation scientifique de la fiabilité des tests rapides apparaîtrait comme indispensable pour une évaluation correcte des risques résultant des dispositions incriminées.

41      Tout en admettant que l’EFSA a réalisé une évaluation favorable des tests rapides, dans des avis des 17 mai et 26 septembre 2005, en recommandant leur utilisation pour la détection des EST, la République française relève qu’il n’a pas été question, dans ces avis, de l’utilisation desdits tests sur des ovins génétiquement sensibles et des caprins issus de troupeaux infectés afin de permettre leur mise à la consommation en cas de résultat négatif. L’EFSA aurait seulement approuvé leur utilisation à des fins de surveillance épidémiologique. Dès lors, en l’absence d’une évaluation scientifique de la performance des tests rapides pour détecter, au sein des troupeaux infectés par une EST, les animaux atteints avant leur mise à la consommation, la Commission n’aurait raisonnablement pas dû adopter les dispositions incriminées.

42      La République française souligne que l’AFSSA avait, pour sa part, émis de sérieux doutes sur la fiabilité des tests rapides utilisés dans un tel contexte, en considérant, dans des avis des 13 juin et 5 décembre 2007, que la moitié des animaux atteints d’une EST n’étaient pas détectés par ces tests. Par ailleurs, l’EFSA aurait, elle-même, souligné la faible efficacité des tests rapides pour s’assurer de l’absence d’infectiosité dans les tissus périphériques des petits ruminants, dans son avis du 5 juin 2008 relatif à l’évaluation du risque lié aux EST résultant des carcasses d’ovins et de caprins âgés de moins de 6 mois issus de troupeaux infectés par des EST et destinés à la consommation humaine.

43      Deuxièmement, la République française reproche à la Commission de ne pas avoir demandé à l’EFSA d’évaluer l’accroissement du risque résultant de l’adoption des dispositions incriminées, c’est-à-dire le risque résultant de la mise à la consommation humaine, dans les conditions prévues par ces dispositions, d’ovins génétiquement sensibles et de caprins issus de troupeaux dans lesquels un cas de tremblante classique a été confirmé. Pourtant, la Commission aurait dû reconnaître, dans le cadre de la présente affaire, une augmentation mathématique de ce risque. À cet égard, l’AFSSA aurait estimé, dans son avis du 13 juin 2007, que la mise en œuvre du nouveau régime envisagé par la Commission aurait abouti en 2006 à livrer à la consommation humaine au moins 1 000 carcasses françaises porteuses de quantités importantes d’infectiosités.

44      Troisièmement, la République française considère que, en adoptant les dispositions incriminées, la Commission n’a pas pleinement pris en considération les données scientifiques qui résultaient du rapport de l’EFSA du 24 janvier 2008. En effet, selon ce rapport, d’une part, il ne serait pas possible d’exclure la transmissibilité à l’homme d’agents d’EST autres que celui de l’ESB et, d’autre part, les tests de discrimination ne seraient pas parfaitement fiables. Il ne serait donc pas possible de comprendre de quelle manière la prise en considération d’un tel avis a pu conduire la Commission à adopter, dans le règlement nº 746/2008, des dispositions exactement identiques à celles du règlement nº 727/2007.

45      Quatrièmement, la République française allègue qu’elle ne partage pas l’interprétation que fait la Commission du rapport de l’EFSA du 24 janvier 2008, telle qu’elle ressort du préambule du règlement nº 746/2008. En effet, dans le considérant 12 de ce règlement (voir point 35 ci-dessus), la Commission utiliserait de manière biaisée les incertitudes et les réserves scientifiques exprimées par l’EFSA, selon laquelle il ne serait pas possible d’exclure la transmissibilité à l’homme d’un agent d’EST autre que celui de l’ESB. Cette interprétation ne serait pas conforme à la conclusion de l’EFSA, qui ne se prononcerait pas sur le niveau du risque encouru, mais qui inviterait, en l’état actuel des connaissances scientifiques, à faire preuve de la plus grande prudence sur la question de la transmissibilité des EST à l’homme.

46      Cinquièmement, alors que l’EFSA conclurait, dans son rapport du 24 janvier 2008, que les tests de discrimination ne peuvent être considérés comme parfaits en raison du manque actuel de compréhension de la véritable biodiversité des agents d’EST et de la manière dont les agents interagissent en cas de co-infection, la Commission, au considérant 15 du règlement nº 746/2008, minimiserait ces incertitudes scientifiques très fortes exprimées par l’EFSA, en arguant de l’absence de données scientifiques attestant la possibilité de co-infection dans des conditions naturelles et de la faiblesse de la prévalence de l’ESB.

47      En ce qui concerne l’assertion selon laquelle la prévalence de l’ESB chez les petits ruminants serait extrêmement faible, la République française affirme que l’EFSA a toujours fait preuve de la plus grande prudence à ce sujet, notamment dans l’attente des résultats des études menées depuis plusieurs années sur quelques cas suspects d’ESB chez des ovins et des caprins. Or, le laboratoire communautaire de référence aurait récemment rendu des conclusions à ce sujet. Dans un rapport du 30 avril 2008, les experts de ce laboratoire auraient annoncé que cinq cas suspects d’ovins devaient être classés comme n’étant pas des cas d’ESB, mais que, dans le cas d’une chèvre écossaise, les conclusions s’orientaient vers l’ESB, même si de nouvelles manipulations devaient être menées pour le confirmer. En outre, une nouvelle suspicion d’ESB chez une chèvre britannique serait en cours d’étude audit laboratoire. Ces suspicions s’ajouteraient au cas d’ESB confirmé sur une chèvre française en 2004.

48      La République française ajoute que la Commission ne s’est pas conformée à son obligation de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale. En permettant que les ovins génétiquement sensibles et les caprins issus de troupeaux atteints par la tremblante classique soient mis à la consommation humaine, les dispositions incriminées aggraveraient fortement l’exposition du consommateur au risque que présentent les EST pour la santé humaine et entraîneraient une augmentation mathématique du risque. En effet, selon l’avis de l’AFSSA du 15 janvier 2007, les animaux génétiquement sensibles issus de troupeaux atteints par la tremblante classique présenteraient un risque en matière de santé publique de 60 à 1 800 fois plus élevé qu’un animal « tout venant » d’être infecté par la tremblante classique.

49      La République française résume qu’il n’est pas possible d’exclure que des agents d’EST autres que celui de l’ESB soient transmissibles à l’homme et que la mise à la consommation de viandes et de produits issus d’animaux infectés par des EST peut donc présenter un risque pour la santé humaine. Les tests prévus par les dispositions incriminées pour détecter, avant leur mise à la consommation, les animaux infectés par des EST seraient insuffisants pour détecter avec certitude les animaux infectés. Or, parmi les ovins génétiquement sensibles et les caprins issus de troupeaux infectés, il existerait un risque non négligeable qu’un animal atteint d’une EST soit mis à la consommation. Ainsi, selon l’avis de l’EFSA du 5 juin 2008, la prévalence des EST chez les ovins serait évaluée à 0,1 % dans la population générale, alors qu’elle varierait entre 3 et 41 %, selon la sensibilité génétique de l’animal, au sein des troupeaux atteints par la tremblante classique. Dès lors, les dispositions incriminées entraîneraient une augmentation considérable du risque pour le consommateur.

50      La Commission, soutenue par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, rappelle qu’elle avait décidé de consulter l’EFSA une nouvelle fois au regard des deux points critiqués dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, à savoir la question de la fiabilité des tests de discrimination et celle de la possibilité que, parmi les agents responsables d’EST d’origine animale, d’autres agents que celui de l’ESB puissent être transmissibles à l’homme. Or, elle aurait résumé, aux considérants 10 à 15 du règlement nº 746/2008, tant les observations en réponse formulées par l’EFSA dans son rapport du 24 janvier 2008 que les conclusions qu’il convenait d’en tirer. Ce faisant, elle aurait procédé à une nouvelle évaluation scientifique des risques, qui était exhaustive et fondée sur des informations solides et qui répondait à toutes les critiques, à savoir celles formulées par les autorités françaises et celles figurant dans ladite ordonnance en ce qui concerne les incertitudes scientifiques susmentionnées. La Commission n’aurait donc nullement abaissé le niveau de protection de la santé.

51      Tout d’abord, la Commission soutient qu’elle n’était pas obligée de consulter l’EFSA sur la fiabilité des tests rapides, étant donné qu’elle était suffisamment informée à cet égard. En effet, l’EFSA aurait conclu, dans des avis des 17 mai et 26 septembre 2005, que la spécificité et la sensibilité desdits tests étaient d’environ 100 % quand ils étaient utilisés sur l’obex et que ces tests étaient donc appropriés pour la détection de la tremblante classique. Cela signifierait que, si du prion pathologique était présent dans le cerveau d’un animal, les tests actuellement approuvés le détecteraient.

52      L’avis de l’AFSSA du 13 juin 2007, invoqué par la République française, selon lequel 50 % des animaux atteints d’une EST ne seraient pas détectés par les tests rapides, ne tiendrait pas compte du génotypage des animaux testés. Les animaux sensibles seraient détectés beaucoup plus rapidement que les animaux résistants. De ce fait, le seuil de 50 % devrait être beaucoup plus élevé pour les animaux sensibles mis à la consommation, objet du présent litige. Compte tenu du fait que les ovins génétiquement sensibles représenteraient plus ou moins 50 % de la population ovine, ces tests dépisteraient une très grande majorité des animaux génétiquement sensibles infectés par une EST. Par ailleurs, l’AFSSA reconnaîtrait elle-même cet état de fait, car elle conclurait, dans son avis du 5 décembre 2007, que la sensibilité diagnostique des tests sur obex peut être très variable.

53      En tout état de cause, la Commission aurait pris en compte ces informations en adoptant les dispositions incriminées.

54      S’agissant, ensuite, du grief selon lequel elle aurait dû demander à l’EFSA l’évaluation de l’accroissement du risque encouru par les dispositions incriminées, la Commission affirme, d’abord, qu’une telle évaluation est difficile à faire, l’AFSSA ayant d’ailleurs jugé impossible, dans ses avis des 15 janvier et 13 juin 2007, toute quantification du risque lié aux mesures communautaires.

55      En ce qui concerne l’affirmation de la République française selon laquelle les animaux génétiquement sensibles issus des troupeaux atteints par la tremblante classique présentent un risque en matière de santé publique de 60 à 1 800 fois plus élevé qu’un animal « tout venant » d’être infecté par la tremblante classique, la Commission fait observer que ces chiffres se fondent sur l’augmentation du risque uniquement dans les troupeaux infectés. Or, cette augmentation devrait être évaluée en fonction de l’augmentation du risque dans l’ensemble de la population ovine et caprine ainsi que de l’impact de cette augmentation sur le consommateur.

56      En particulier, il faudrait comparer cette augmentation du risque avec le nombre d’animaux provenant de troupeaux non surveillés, ou surveillés et sans cas d’EST détectés, qui posent un risque habituellement accepté. De plus, l’augmentation du nombre d’animaux devrait être convertie en augmentation du risque pour le consommateur, en calculant les quantités de viande « à risque » additionnelles qui seraient consommées. Or, à cet égard, la Commission aurait procédé à une estimation fondée sur les données d’Eurostat et les données notifiées par les États membres dans le cadre des programmes de surveillance des EST chez les petits ruminants.

57      Ainsi, en acceptant une prévalence de la tremblante classique de 5 pour 10 000 dans la population générale, le nombre annuel estimé des animaux « à risque », provenant de troupeaux non surveillés et de troupeaux sans cas détectés, susceptible d’entrer dans la chaîne alimentaire dans un État membre serait de 3 752. Compte tenu du poids moyen d’une carcasse (16 kg pour les moutons et 10 kg pour les chèvres) et de la population humaine moyenne par État membre (46 millions), cela représenterait, par consommateur, environ 1,14 g/tête par an de viande « à risque ».

58      Dans l’hypothèse où les mesures visées par le règlement nº 746/2008 seraient mises en oeuvre, en acceptant une prévalence de la tremblante classique de 30 % dans les troupeaux infectés et une efficacité de 50 % des tests rapides, le nombre annuel estimé des animaux « à risque » pouvant entrer dans la chaîne alimentaire serait de 1 212, ce chiffre étant obtenu en multipliant le nombre d’ovins dans les exploitations infectées par 30 %, puis par le pourcentage de détection des tests rapides (50 %). La même opération devrait être effectuée pour les caprins. Cela correspondrait à 0,34 g/tête additionnel par an de viande « à risque ».

59      Ces chiffres ne représenteraient donc qu’une augmentation de 30 % du risque, ou de 41 % selon l’avis de l’EFSA du 5 juin 2008. Ces pourcentages devraient néanmoins être diminués compte tenu du fait que, pour les animaux sensibles, la période d’incubation est beaucoup plus courte et que le taux de 50 % d’efficacité des tests rapides devrait être considérablement augmenté. Dans ces circonstances, l’augmentation du risque pourrait être qualifiée de faible.

60      En ce qui concerne le risque de prévalence de l’ESB chez les petits ruminants, la Commission relève que le laboratoire communautaire de référence mène actuellement des études complémentaires sur un total de huit cas suspects d’ESB. Ce laboratoire aurait, le 30 avril 2008, publié un rapport, dont il ressortirait, en substance, que le seul cas d’ESB confirmé concerne une chèvre écossaise, abattue en 1990 et née bien avant l’interdiction des farines animales. Rien ne prouverait l’existence d’un cas d’ESB après l’interdiction de ces farines.

61      Enfin, la Commission rappelle que, si les institutions communautaires doivent assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, ce niveau ne doit pas nécessairement être techniquement le plus élevé possible (arrêt du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 152). Tout en reconnaissant effectivement que les dispositions incriminées entraînent une augmentation du risque, la Commission rappelle, d’une part, qu’elle conteste la pertinence des chiffres avancés dans l’avis de l’AFSSA du 15 janvier 2007 et, d’autre part, que ces chiffres devraient être relativisés compte tenu du fait que les animaux sensibles développent beaucoup plus rapidement les signes cliniques de la tremblante classique et sont donc détectables plus rapidement par les tests rapides. Dans ces circonstances, il ne saurait être question d’une augmentation « considérable » du risque pour le consommateur, mais la Commission aurait, en tout état de cause, maintenu un niveau élevé de protection de la santé animale et humaine.

–       Sur la gestion du risque

62      La République française considère que, en adoptant les dispositions incriminées, la Commission n’a pas pris les mesures appropriées pour gérer l’aggravation du risque qu’entraîne la mise à la consommation humaine d’ovins génétiquement sensibles et de caprins issus de troupeaux dans lesquels un cas de tremblante classique a été confirmé, lesdites dispositions ne permettant pas de maintenir un niveau élevé de protection de la santé. À cet égard, la République française renvoie à son argumentation relative aux erreurs commises par la Commission dans l’évaluation du risque et rappelle que le système de tests mis en place pour détecter les animaux infectés avant leur mise à la consommation est d’une fiabilité douteuse.

63      En effet, la moitié des animaux infectés ne seraient pas détectés par les tests rapides, ces tests étant effectués à partir d’un prélèvement sur le système nerveux central. Or, il serait scientifiquement établi que, dans le cas de la tremblante classique et de l’ESB chez le petit ruminant, le prion ne s’accumule que tardivement à des taux détectables dans les tissus du système nerveux central, alors qu’il peut être présent à un stade plus précoce de la maladie dans des tissus périphériques qui ne sont pas prélevés.

64      Quant aux tests de discrimination, ceux-ci ne permettraient pas de distinguer avec certitude la tremblante de l’ESB. De plus, de tels tests ne seraient pratiqués qu’en cas de résultat positif du test rapide préalable. Selon le rapport de l’EFSA du 24 janvier 2008, des bio-essais pourraient être pratiqués en complément des tests de discrimination uniquement si ces derniers ont détecté des cas d’EST qui ont une signature compatible avec celle de l’ESB.

65      Par ailleurs, en vertu des dispositions incriminées, les animaux issus de troupeaux infectés ne seraient soumis à ce système de tests avant leur mise à la consommation que s’ils sont âgés de plus de 18 mois ou présentent plus de deux incisives permanentes. Or, selon la République française, s’il est vrai que le prion peut, avant cet âge, ne pas s’être accumulé à des taux détectables dans le système nerveux central, il peut être présent dans des tissus périphériques susceptibles d’être mis à la consommation. Ainsi, l’avis de l’EFSA du 5 juin 2008 montrerait que, chez les agneaux sensibles, l’infectiosité est présente dans la plupart des formations lymphoïdes secondaires avant l’âge de quatre mois. Selon cet avis, à l’âge de 6 mois, une partie de ces formations infectieuses demeurerait sur les carcasses et atteindrait 1/50 du niveau d’infectiosité constaté dans le cerveau d’une brebis infectée d’âge adulte. Par conséquent, les tests seraient inefficaces.

66      Enfin, les dispositions incriminées permettraient le maintien en exploitation des ovins génétiquement sensibles et des caprins issus d’un troupeau infecté par la tremblante classique, bien que les mesures de surveillance n’aient été mises en place que pour une durée de deux ans. Ainsi, de tels animaux pourraient, à l’issue de ce délai et si aucun autre cas n’a été identifié, être mis à la consommation sans être testés. Or, la tremblante classique aurait une période d’incubation variable, en fonction des souches et de la sensibilité génétique de l’animal. Cette période pourrait être supérieure à deux ans et atteindre même quatre ou cinq ans.

67      La Commission, soutenue par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, rappelle qu’il appartient aux institutions communautaires de fixer le niveau de protection qu’elles estiment approprié pour la société, le contrôle du juge communautaire devant se limiter à examiner si l’exercice du large pouvoir d’appréciation dont bénéficient les institutions communautaires en la matière n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces institutions n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation (arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 61 supra, points 151 et 166). Or, la Commission aurait procédé, depuis l’origine, à une gestion du risque par l’adoption de différentes mesures spécifiques de prévention et d’éradication des EST en ce qui concerne les petits ruminants et, de manière plus générale, par l’interdiction des farines animales depuis janvier 2001.

68      S’agissant plus particulièrement du programme de surveillance des ovins et des caprins – instauré par le règlement (CE) nº 270/2002 de la Commission, du 14 février 2002, modifiant, d’une part, le règlement nº 999/2001 en ce qui concerne les matériels à risque spécifiés et la surveillance épidémiologique des EST et, d’autre part, le règlement (CE) nº 1326/2001 en ce qui concerne l’alimentation des animaux et la mise sur le marché des ovins et des caprins et des produits qui en sont dérivés (JO L 45, p. 4) –, la Commission précise que ce programme ne concerne pas l’ensemble des animaux destinés à la consommation humaine, mais repose sur un échantillonnage. Ce programme de surveillance, qui s’intègre dans la gestion du risque, aurait été modifié, à quatre reprises, par des règlements successifs, dont le règlement nº 727/2007.

69      Dans ce contexte, la Commission souligne que le pourcentage des contrôles a été fortement diminué avec l’adoption du règlement nº 727/2007, ce qui a augmenté considérablement le risque de ne pas détecter des animaux infectés par une EST. En effet, dans son avis du 13 juin 2007, l’AFSSA arriverait à la conclusion qu’il y aurait eu en France 1 000 carcasses porteuses d’EST non détectées en 2006, alors que ce nombre aurait été, en 2004, seulement de 130 en raison du faible pourcentage des contrôles. Selon la Commission, compte tenu de ce que le règlement nº 727/2007 a ramené le pourcentage des contrôles au niveau de 2004, le risque provoqué par cette diminution des contrôles a été multiplié par sept en ce qui concerne les carcasses porteuses d’EST non détectées, cette augmentation du risque pouvant être estimée à 200 % au niveau communautaire. Or, la République française n’aurait pas attaqué les dispositions portant assouplissement du programme de surveillance, alors que les dispositions incriminées ne représenteraient qu’une augmentation du risque de 30 à 41 %.

70      La Commission en conclut que le risque de mise à la consommation de viandes provenant d’animaux atteints par une EST constitue non pas un risque nouveau, mais un risque pris en compte dans le cadre de la gestion du risque (en ce qui concerne tant l’échantillonnage que l’âge des animaux testés). Par ailleurs, si les dispositions incriminées avaient pour conséquence une augmentation du risque évaluée à un pourcentage compris entre 30 et 41, celle-ci devrait être relativisée par rapport à l’augmentation du risque lié à l’assouplissement du programme de surveillance.

71      S’agissant de la prétendue fiabilité douteuse des tests rapides, la Commission rappelle que, compte tenu du fait que « la période d’incubation est beaucoup plus courte pour les animaux sensibles », les tests rapides permettent de détecter un pourcentage important d’animaux infectés.

72      Quant au grief tiré de ce que les tests de discrimination ne permettent pas de distinguer avec certitude la tremblante de l’ESB, la Commission rappelle que, selon l’EFSA, ces tests peuvent être considérés comme fiables (avis du 8 mars 2007) et remplissent l’objectif d’identification rapide et reproductive des cas d’EST qui ont une signature compatible avec l’agent de l’ESB classique (rapport du 24 janvier 2008).

73      En ce qui concerne les doutes exprimés quant à la performance des bio-essais, la Commission affirme que, en cas de doute à la suite d’un test de discrimination et si la présence de l’ESB ne peut être exclue sur la base des résultats d’un examen circulaire, l’ensemble du troupeau doit être abattu en vertu du chapitre A, point 2.3, de l’annexe VII du règlement nº 999/2001, c’est-à-dire en amont du résultat des bio-essais.

74      Enfin, dans la mesure où la République française critique l’âge des animaux testés et se plaint que, au regard de la période d’incubation de la tremblante classique, les mesures de surveillance soient limitées à deux ans, la Commission réitère l’argumentation selon laquelle les animaux génétiquement sensibles sont détectés beaucoup plus rapidement, ce qui entraîne une efficacité accrue des tests rapides pour ces animaux.

 Appréciation du juge des référés

–       Observations liminaires

75      Ainsi qu’il a été jugé dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra (points 59, 86 et 116), la condition relative au fumus boni juris est remplie si un examen prima facie du bien-fondé du moyen invoqué par la République française à l’appui du recours principal et tiré d’une violation par la Commission du principe de précaution révèle que les griefs avancés au soutien de ce moyen présentent un tel caractère sérieux qu’ils ne sauraient être écartés dans le cadre de la présente procédure de référé, mais méritent un examen approfondi qu’il appartient au seul juge du fond d’effectuer (voir, en ce sens, ordonnance Commission/Atlantic Container Line e.a., point 30 supra, point 26, et ordonnance du président du Tribunal du 30 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99 R, Rec. p. II‑1961, point 132).

76      En l’espèce, cet examen prima facie du bien-fondé dudit moyen doit tenir compte des particularités procédurales de la présente affaire.

77      À cet égard, il est constant entre les parties que les dispositions incriminées sont, en substance, identiques aux dispositions correspondantes du régime antérieur, instauré par le règlement n° 727/2007 (voir points 21 à 23 ci-dessus). En particulier, la Commission a souligné que l’unique différence essentielle entre les deux régimes résidait dans la motivation, les divergences au niveau réglementaire proprement dit, à savoir l’ajout au chapitre A de l’annexe VII du règlement n° 999/2001 d’une subdivision f) au point 2.3 et de sept mots au point 4, sous i), pouvant ne pas être prises en compte dans le présent contexte.

78      En outre, la République française a été autorisée par le Tribunal, dans le cadre de l’affaire au principal T‑257/07, et d’ailleurs avec le consentement exprès de la Commission, à étendre et à adapter ses conclusions et moyens aux dispositions incriminées, afin de tenir compte de la nouvelle motivation présentée par la Commission.

79      Il s’ensuit que, dans les circonstances spécifiques du cas d’espèce, l’examen du fumus boni juris se limitera essentiellement à vérifier si la nouvelle motivation, telle qu’elle figure dans le préambule du règlement nº 746/2008, comporte des éléments de nature à justifier une appréciation autre que celle qui a été retenue par le juge des référés dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, au regard du régime instauré par le règlement n° 727/2007.

80      Cette approche est, au demeurant, cohérente avec les dispositions de l’article 108 du règlement de procédure, selon lequel l’ordonnance ayant fait droit à une demande en référé peut à tout moment être modifiée, à la demande d’une partie, par suite d’un « changement de circonstances », et ce dans le cadre de la procédure de référé initiale. Cette disposition vise la survenance de tout élément d’ordre factuel ou juridique de nature à remettre en cause les appréciations du juge des référés quant aux conditions auxquels l’octroi du sursis à exécution ou de la mesure provisoire est subordonné [ordonnance de la Cour du 14 février 2002, Commission/Artegodan, C‑440/01 P(R), Rec. p. I‑1489, point 63].

81      Il est vrai que l’article 108 du règlement de procédure n’est pas d’application formelle en l’espèce. Toutefois, la situation procédurale créée par l’adoption du règlement nº 746/2008 dans les conditions exposées aux points 77 et 78 ci-dessus s’inscrit dans la conception juridique à la base dudit article 108. Il apparaît donc approprié de tenir compte de l’esprit de cette disposition, d’autant plus que c’est la Commission elle-même qui a intentionnellement provoqué le « changement de circonstances » en cause.

82      Un tel examen sélectif ne se heurte pas à la jurisprudence selon laquelle le législateur communautaire dispose, dans un domaine tel que celui de l’espèce, d’un large pouvoir d’appréciation, ce qui implique que le contrôle du juge communautaire quant au fond doit se limiter à examiner si l’exercice de ce pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si le législateur n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 janvier 2006, Agrarproduktion Staebelow, C‑504/04, Rec. p. I‑679, point 36 ; voir également, en matière de politique agricole commune, arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 61 supra, point 166). En effet, ainsi qu’il ressort du point 67 de l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, le juge des référés a déjà tenu compte de cette jurisprudence dans son appréciation de la demande en référé dirigée contre le régime instauré par le règlement nº 727/2007, et l’examen qui sera effectué ci-après devra être considéré comme le prolongement de cette appréciation.

–       Sur l’évaluation et la gestion du risque au regard du principe de précaution

83      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 60 et suivants de l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, le principe de précaution constitue, conformément à l’article 174 CE, un des principes sur lesquels est fondée la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement, dont fait partie celle relative à la protection de la santé des personnes. Ce principe s’applique également lorsque les institutions communautaires prennent, dans le cadre de la politique agricole commune, des mesures de protection de la santé humaine (arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, point 61 supra, point 114).

84      Quant au règlement n° 999/2001 – qui établit des règles pour la prévention, le contrôle et l’éradication des EST chez les bovins, les ovins et les caprins et dont la base juridique est constituée par l’article 152, paragraphe 4, sous b), CE –, son considérant 3 précise qu’il « concerne directement la santé publique » (voir également considérants 2 et 4 du règlement n° 999/2001). L’adaptation et la mise en œuvre de ce règlement, objet du présent litige, sont donc régis par le principe de précaution.

85      En vertu de ce principe, il doit être admis que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, les institutions communautaires peuvent prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (arrêts de la Cour du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C‑180/96, Rec. p. I‑2265, point 99, et National Farmers’ Union e.a., C‑157/96, Rec. p. I‑2211, point 63). En revanche, lorsque des éléments nouveaux modifient la perception d’un risque ou montrent que ce risque peut être circonscrit par des mesures moins contraignantes que celles existantes, il appartient auxdites institutions, et notamment à la Commission, qui a le pouvoir d’initiative, de veiller à une adaptation de la réglementation aux données nouvelles (arrêt Agrarproduktion Staebelow, point 82 supra, point 40).

86      Selon cette jurisprudence, les institutions communautaires peuvent donc adopter des mesures moins contraignantes que celles existantes, à condition que ces mesures puissent circonscrire le risque dont la perception a été modifiée par des éléments nouveaux. Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 178/2002 permet, lui aussi, un assouplissement des mesures de protection.

87      S’agissant plus particulièrement des dispositions incriminées, il convient de rappeler que l’article 23 du règlement nº 999/2001 habilite la Commission à modifier les annexes dudit règlement, et notamment son annexe VII établissant les mesures à prendre consécutivement à la confirmation de la présence d’une EST chez des ovins et des caprins. Par l’adoption, d’abord, du règlement nº 727/2007 et, ensuite, du règlement nº 746/2008, la Commission a fait usage de cette habilitation. Ce faisant, elle était, en principe, autorisée à assouplir les mesures de police sanitaire applicables au troupeau d’ovins ou de caprins dans lequel un cas d’EST avait été détecté.

88      Il convient d’ajouter que, en procédant à une telle modification de l’annexe VII du règlement nº 999/2001, la Commission était obligée, en vertu de l’article 24 bis de ce règlement, introduit par le règlement (CE) nº 1923/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO L 404, p. 1), de se fonder « sur une évaluation appropriée des risques potentiels pour la santé humaine et animale », pourvu que les modifications, compte tenu des « preuves scientifiques existantes », « maintiennent ou, si cela est justifié du point de vue scientifique, augmentent le niveau de protection de la santé humaine et animale assuré dans la Communauté ».

89      La Commission était, en tout état de cause, tenue de respecter la jurisprudence selon laquelle l’évaluation scientifique des risques, réalisée par des experts scientifiques, devait lui donner une information suffisamment fiable et solide pour lui permettre de saisir toute la portée de la question scientifique posée et pour déterminer sa politique en connaissance de cause. Par conséquent, la Commission devait veiller à ce que les mesures prises soient fondées sur une évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible. Malgré l’incertitude scientifique subsistante, cette évaluation scientifique devait lui permettre d’apprécier, sur la base des meilleures données scientifiques disponibles et sur celle des résultats les plus récents de la recherche internationale, si le niveau de risque qu’elle jugeait acceptable pour la société était dépassé (voir, en ce sens, arrêts Pfizer Animal Health/Conseil, point 61 supra, point 162, et Alpharma/Conseil, point 39 supra, point 175).

90      C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner si les allégations de la République française quant aux erreurs commises par la Commission dans l’évaluation et la gestion du risque apparaissent sérieuses. Ces allégations doivent être appréciées, notamment, à la lumière des considérants 10 à 15 du règlement nº 746/2008, qui résument et analysent le rapport de l’EFSA du 24 janvier 2008 (voir point 35 ci-dessus). En outre, il convient de vérifier dans quelle mesure lesdits considérants tiennent compte des appréciations formulées par le juge des référés dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra.

91      Tout d’abord, s’agissant du risque de transmissibilité à l’homme d’agents d’EST autres que celui de l’ESB, il ressort des points 74, 81 et 85 de l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, que, dans son avis du 8 mars 2007, l’EFSA n’avait pas pu exclure la transmissibilité à l’homme de ces agents, du fait de leur diversité, et que, toujours selon l’EFSA, des incertitudes scientifiques importantes demeuraient concernant la question de savoir si les agents responsables d’EST dans leur totalité pouvaient franchir la barrière à la transmission à l’homme dans des conditions naturelles. Le juge des référés a estimé que cet avis exprimait le fait qu’il subsistait de réelles incertitudes scientifiques quant à la possibilité que, parmi les agents responsables d’EST d’origine animale, d’autres agents que celui de l’ESB puissent être transmissibles à l’homme.

92      En ce qui concerne la motivation du règlement nº 746/2008, la Commission, au considérant 11 (voir point 35 ci-dessus), fait état de ce que l’EFSA, dans son rapport du 24 janvier 2008, ne pouvait exclure que des agents d’EST autres que ceux de l’ESB soient transmissibles à l’homme, étant donné, d’une part, que la transmission expérimentale d’agents d’EST à des modèles de primates et de souris transgéniques exprimant le gène PrP humain était actuellement utilisée pour évaluer la capacité potentielle d’un agent d’EST à franchir la barrière d’espèce humaine et, d’autre part, qu’il avait été démontré que des agents d’EST autres que l’agent de l’ESB classique provenant de trois cas d’EST sur le terrain (deux cas de tremblante classique et un cas d’ESB de type L) franchissaient la barrière d’espèce humaine modélisée, tout en ajoutant qu’il convenait de tenir compte des limites de ces modèles.

93      Au considérant 12 du règlement n° 746/2008 (voir point 35 ci-dessus), la Commission reconnaît qu’il ressort des explications fournies par l’EFSA que la biodiversité des agents pathogènes présents chez les ovins et les caprins est un élément important qui empêche d’exclure toute transmissibilité à l’homme et que cette diversité augmente la probabilité que l’un des agents d’EST soit transmissible, tout en relevant que ce point de vue de l’EFSA est fondé sur des études expérimentales et que ces modèles n’intègrent pas des caractéristiques génétiques humaines qui ont une grande incidence sur la sensibilité relative aux maladies à prions. Elle conclut que, si tout risque de transmissibilité à l’homme d’agents d’EST présents chez les ovins ou les caprins ne peut être exclu, ce risque serait extrêmement faible, compte tenu du fait que la preuve de transmissibilité est fondée sur des modèles expérimentaux qui ne reflètent pas les conditions naturelles en ce qui concerne la barrière d’espèce humaine et les voies d’infection réelles.

94      Une analyse des considérants précités du règlement nº 746/2008 fait apparaître, à première vue, que le rapport de l’EFSA du 24 janvier 2008, qui vise à expliquer et à interpréter l’avis du 8 mars 2007, n’a pas levé les incertitudes qui ont été exprimées par l’EFSA dans ledit avis, et retenues dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, quant à la transmissibilité à l’homme d’agents d’EST autres que celui de l’ESB.

95      En effet, s’il est vrai que les conclusions pertinentes du rapport de l’EFSA sont essentiellement fondées sur des modèles expérimentaux et que l’EFSA a mentionné les limites des expérimentations utilisées, force est de constater que ces limites concernent « l’incertitude de leur représentativité de la barrière d’espèce humaine et l’incertitude de la correspondance entre la voie d’inoculation expérimentale utilisée et une exposition dans des conditions naturelles » (considérant 11 du règlement n° 746/2008, voir point 35 ci-dessus). Or, il est inhérent à de telles incertitudes qu’il ne saurait être exclu qu’il puisse s’avérer, dans un avenir plus ou moins proche, que les modèles scientifiques en cause avaient, à l’époque de leur utilisation, des représentativités et des correspondances presque parfaites. En tout état de cause, l’EFSA n’a pas considéré que lesdits modèles étaient inappropriés ou à ne pas prendre en compte en vue d’évaluer la transmissibilité à l’homme d’agents d’EST autres que celui de l’ESB.

96      De plus, la République française a précisé, sans être contredite par la Commission, que les limites des modèles expérimentaux utilisés pour l’étude de la tremblante étaient les mêmes que celles des modèles utilisés il y a plusieurs années pour étudier la transmissibilité de l’ESB. Or, le risque provoqué par l’ESB pour la santé humaine et animale est aujourd’hui incontesté. Par ailleurs, dans le cadre des essais susmentionnés, le franchissement de la barrière d’espèce humaine modélisée a précisément été démontré pour un cas d’ESB de type L.

97      Ensuite, s’agissant du risque lié aux tests de discrimination, le juge des référés a rappelé, aux points 74, 82, 83 et 85 de l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, l’avis de l’EFSA du 8 mars 2007 et celui de janvier 2007. Selon le premier, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, ni la sensibilité diagnostique des tests de discrimination, ni leur spécificité ne peuvent être considérées comme parfaites. Selon le second, la sensibilité et la spécificité desdits tests n’ont pas été évaluées de façon expérimentale pour des raisons logistiques, des facteurs de confusion potentiels, tels que l’infection concomitante d’un même animal par la tremblante et l’ESB, restent à étudier. Enfin, la Commission a, elle-même, souligné la circonstance que, par nature, aucun test biologique ne pouvait être considéré comme parfait. Le juge des référés a considéré que les deux avis précités exprimaient le fait qu’il subsistait de réelles incertitudes scientifiques quant à la fiabilité des tests de discrimination.

98      En ce qui concerne la motivation du règlement nº 746/2008, la Commission, au considérant 13 (voir point 35 ci-dessus), expose que, dans son rapport du 24 janvier 2008, l’EFSA a confirmé que, si les tests de discrimination permettaient d’atteindre l’objectif d’identification des cas d’EST ayant une signature compatible avec celle de l’agent de l’ESB classique, ils ne pouvaient être considérés comme parfaits en raison du manque actuel de compréhension de la véritable biodiversité des agents d’EST présents chez les ovins et les caprins et de la manière dont les agents interagissent en cas de co-infection. Selon le considérant 14 (voir point 35 ci-dessus), l’EFSA a expliqué que les cas déclarés positifs au dépistage des EST n’étaient soumis à l’intégralité de la procédure de discrimination, y compris un test biologique, que si le test de discrimination biochimique était compatible avec la signature de l’ESB, raison pour laquelle les données obtenues au moyen de cette procédure ne pouvaient être utilisées pour l’évaluation de la sensibilité ou de la spécificité des tests de discrimination et qu’une augmentation du nombre de résultats négatifs lors de la réalisation de tests de discrimination de l’EST chez des ovins ou des caprins ne pouvait compenser l’absence de données statistiquement suffisantes sur les performances des tests.

99      Au considérant 15 du règlement n° 746/2008 (voir point 35 ci-dessus), la Commission conclut que l’EFSA a reconnu que les tests de discrimination étaient des instruments permettant d’atteindre l’objectif d’identification des cas d’EST ayant une signature compatible avec celle de l’agent de l’ESB classique. Selon la Commission, compte tenu de l’absence de données scientifiques attestant la possibilité de co-infection d’ovins ou de caprins par des agents de l’ESB et des agents d’autres EST dans des conditions naturelles et étant donné que la prévalence de l’ESB chez des ovins ou chez des caprins est très faible et que la possibilité de co-infection serait donc encore plus faible, le nombre de cas d’ESB non décelés serait extrêmement faible. La Commission estime donc que, même si les tests de discrimination ne peuvent être qualifiés de parfaits, il convient de les considérer comme un instrument utile pour atteindre l’objectif d’éradication des EST poursuivi par le règlement nº 999/2001.

100    Une analyse des considérants précités du règlement nº 746/2008 fait apparaître, à première vue, que les déclarations de l’EFSA visant à expliquer et à interpréter ses avis de janvier 2007 et du 8 mars 2007 n’ont pas entièrement levé les incertitudes qu’elle avait exprimées dans lesdits avis, et qui ont été retenues dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, quant à la fiabilité des tests de discrimination.

101    En effet, ces incertitudes semblent persister eu égard, d’une part, au manque actuel de compréhension de la véritable biodiversité des agents d’EST présents chez les ovins et les caprins et, d’autre part, au caractère inapproprié des essais circulaires et de la procédure de discrimination pour l’évaluation de la sensibilité ou de la spécificité des tests de discrimination.

102    En tout état de cause, il est constant qu’un animal n’est soumis à un test de discrimination que s’il a préalablement fait l’objet d’un test rapide de détection de la présence d’une EST et que le résultat de ce dernier a été positif en ce sens que la présence d’une EST a effectivement été détectée. En revanche, en cas de réaction négative à ce test rapide, l’ovin génétiquement sensible ou le caprin peut être mis à la consommation sans autre vérification. Par conséquent, la fiabilité des tests de discrimination dépend de celle des tests rapides.

103    S’agissant de la fiabilité des tests rapides, il y a lieu de rappeler que, dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra (points 90 et suivants), le juge des référés a relevé que ces tests s’inscrivaient dans le programme de surveillance des ovins et des caprins, lequel ne concernait pas l’ensemble des animaux destinés à la consommation humaine, mais reposait sur un échantillonnage, de telle sorte que les tests rapides ne portaient que sur une fraction des animaux abattus pour la consommation.

104    Il a également été relevé, dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, que les tests rapides étaient réalisés exclusivement sur des tissus du système nerveux central prélevés sur l’animal concerné, étant entendu que, dans le cas de l’ESB et de la tremblante classique chez les petits ruminants, le prion pathogène ne s’accumule que tardivement à des taux détectables dans les tissus du système nerveux central, alors que ce prion peut être présent dès le plus jeune âge dans certains tissus périphériques qui ne sont pas prélevés.

105    En outre, le juge des référés a fait état d’un avis de l’AFSSA du 13 juin 2007, non contesté par la Commission, qui indiquait que les tests sur obex ne détectaient qu’environ la moitié des ovins infectés dans les troupeaux français atteints, l’autre moitié correspondant à des animaux en incubation porteurs d’infectiosité dans leurs organes lymphoïdes.

106    Le juge des référés a poursuivi en soulignant que, en vertu du nouveau régime assoupli, des ovins génétiquement sensibles et des caprins, appartenant à une exploitation dans laquelle un cas d’EST avait été confirmé, pouvaient désormais être abattus à des fins de consommation humaine sans faire l’objet d’un test rapide, car ne répondant pas aux critères de soumission à ce test, et être, pourtant, porteurs d’agents infectieux. À cet égard, le juge des référés a précisé que seuls étaient soumis au test rapide les individus âgés de plus de 18 mois ou présentant plus de deux incisives, en ajoutant que, dans la mesure où les tests rapides ne permettaient d’identifier la maladie qu’à un stade avancé, il semblait possible de conclure, prima facie, que des animaux soumis aux tests et infectés pouvaient ne pas être détectés s’ils ne présentaient pas une accumulation suffisante du prion pathogène dans le système nerveux central.

107    Le juge des référés a également mentionné l’avis de l’AFSSA du 15 janvier 2007 selon lequel le risque d’infection par les EST d’un animal issu d’un troupeau atteint par la tremblante classique était de 20 à 600 fois plus élevé que le risque d’infection par les EST d’un animal issu de la population générale, ce risque étant encore majoré pour les animaux génétiquement sensibles, et souligné que la Commission n’avait pas contesté l’affirmation de principe sur l’existence d’un risque accru d’infection dans la situation décrite par l’AFSSA.

108    Le juge des référés en a déduit que l’affirmation selon laquelle il était prévisible que, dans le cadre du nouveau régime assoupli, des animaux seraient mis à la consommation humaine, alors qu’ils étaient infectés par des EST non détectées, n’apparaissait pas dépourvue de tout fondement, en ajoutant que, en l’état actuel des connaissances, il ne pouvait être exclu que la consommation de viandes et de produits issus d’animaux infectés par des EST, autres que l’ESB, présentait un danger pour la santé humaine.

109    En conclusion, le juge des référés a retenu que l’allégation selon laquelle le régime nouveau assoupli ne permettait pas de circonscrire le risque que les EST représentaient pour la santé humaine et était même susceptible de l’aggraver ne semblait pas, au moins à première vue, dépourvue de pertinence, raison pour laquelle le grief tiré d’une violation du principe de précaution par la Commission justifiait un examen approfondi.

110    En l’espèce, force est de constater que les considérants du règlement nº 746/2008 ne font aucune mention des tests rapides. La Commission ne saurait donc prétendre que la fiabilité de ces tests, remise en question dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, soit démontrée dans la motivation des dispositions incriminées. Par conséquent, le juge des référés ne peut que prendre acte de ce que les doutes exprimés dans ladite ordonnance quant aux tests rapides – concernant, notamment, le pur échantillonnage des tests, les critères de soumission à ces tests, le prélèvement réalisé exclusivement sur des tissus du système nerveux central et la période d’incubation de la tremblante – n’ont pas été levés par cette motivation. Or, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus, les incertitudes quant à la fiabilité des tests rapides provoquent nécessairement des incertitudes correspondantes relatives à la fiabilité des tests de discrimination.

111    Dans la mesure où la Commission renvoie aux avis de l’EFSA des 17 mai et 26 septembre 2005 pour soutenir qu’elle était suffisamment informée sur les tests rapides et qu’elle n’était donc pas obligée de consulter l’EFSA une nouvelle fois à cet égard, il suffit de constater que la question de la fiabilité de ces tests a été amplement discutée par les parties dans le cadre de la procédure de référé close par l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra. Dans ces circonstances, lesdits avis de 2005 ne sauraient être considérés comme des éléments de nature à justifier une appréciation autre que celle qui a été retenue par le juge des référés dans ladite ordonnance au regard du régime instauré par le règlement n° 727/2007.

112    Il en va de même de la référence, au considérant 16 du règlement n° 746/2008, à l’avis de l’EFSA du 25 janvier 2007 qui estimait la prévalence probable de l’ESB chez les ovins à moins de 0,3 à 0,5 cas pour 10 000 animaux sains abattus dans les pays à haut risque. En effet, dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, le juge des référés a déjà tenu compte de cette estimation en relevant, au point 111, qu’elle devait être rapportée, afin d’en mesurer l’exacte portée, à l’ensemble de la population ovine dans la Communauté, évaluée à 67 millions d’individus.

113    Si la Commission, dans le même considérant, fait encore valoir que, depuis leur introduction en 2005, 2 798 et 265 tests de discrimination ont été pratiqués respectivement sur des ovins et sur des caprins infectés par une EST et qu’aucune de ces infections ne s’est révélée semblable à l’ESB, il suffit de rappeler, d’une part, les doutes susmentionnés quant à la fiabilité des tests rapides sur lesquels reposent les tests de discrimination et, d’autre part, les incertitudes susmentionnées inhérentes aux tests de discrimination en tant que tels. Il en résulte, au moins à première vue, que la non-détection, par ces tests, d’une infection semblable à l’ESB ne signifie pas nécessairement l’absence réelle de l’ESB.

114    De plus, il convient de rappeler que le point 4, sous b), faisant partie des dispositions incriminées, permet le maintien en exploitation des ovins génétiquement sensibles et des caprins issus d’un troupeau infecté par la tremblante classique, tandis que les mesures de surveillance mises en place ne couvrent qu’une période de deux ans. Ainsi que la République française l’a relevé à juste titre, de tels animaux peuvent, après cette période et si aucun autre cas de tremblante n’a été identifié, être mis à la consommation humaine sans faire l’objet de tests supplémentaires.

115    Or, aux points 103 à 105 de l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, le juge des référés a constaté que la Commission s’était contentée d’alléguer que la probabilité d’une non-détection des animaux infectés pendant la période de deux ans était extrêmement faible, dans la mesure où cela signifierait que, pendant ces deux années, aucun des animaux qui seraient abattus ne devrait présenter une infection. Cependant, le juge des référés a relevé qu’il était constant que tous les animaux abattus à des fins de consommation humaine ne faisaient pas l’objet d’un test rapide permettant la détection d’une EST. En outre, dans le cadre de la procédure close par ladite ordonnance, la Commission a admis que la tremblante avait une période d’incubation variable, en évoquant une « moyenne de deux ans », alors que la République française évaluait cette période à quatre ou cinq ans.

116    En l’espèce, la République française maintient sa thèse selon laquelle la tremblante classique a une période d’incubation variable, en fonction des souches et de la sensibilité génétique de l’animal, cette période pouvant être supérieure à deux ans et atteindre même quatre ou cinq ans. La Commission, pour sa part, se borne à alléguer que, pour les animaux génétiquement sensibles, la période d’incubation est beaucoup plus courte, de sorte que ces animaux sont détectés beaucoup plus rapidement, ce qui entraîne une efficacité accrue des tests rapides pour la détection de ces animaux.

117    Or, cette affirmation de la Commission, loin d’infirmer les constatations précises faites dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, concernant la période d’incubation pour la tremblante, ne saurait être considérée, à première vue, comme un élément de nature à justifier une appréciation autre que celle qui a été retenue dans cette ordonnance au regard du régime instauré par le règlement n° 727/2007.

118    Enfin, la Commission reconnaît elle-même que les dispositions incriminées ont pour conséquence une augmentation du risque évaluée entre 30 et 41 %. Selon elle, cette augmentation doit, toutefois, être relativisée par rapport à l’augmentation du risque lié à l’assouplissement du programme de surveillance, à savoir la forte diminution du pourcentage des contrôles introduite par le règlement nº 727/2007, « ce qui a augmenté considérablement le risque de ne pas détecter des animaux infectés par une EST ». Toujours selon la Commission, ce dernier risque, dont l’augmentation peut être estimée à 200 % au niveau communautaire, constitue non pas un risque nouveau, mais un risque qui a déjà été pris en compte dans le cadre de la gestion du risque. La Commission reproche d’ailleurs à la République française de ne pas avoir attaqué les dispositions portant assouplissement du programme de surveillance en cause.

119    À cet égard, il y a lieu de constater que, dans le domaine sensible de la protection de la santé publique qui est régi par le principe de précaution, il importe d’évaluer les risques potentiels pour la santé humaine et animale liés à l’adoption des dispositions incriminées. À cet effet, le juge des référés doit être libre de tenir compte de l’augmentation, reconnue par la Commission, du risque tant « ancien » (200 %) que « nouveau » (30 à 41 %), après avoir déjà pris en considération les doutes et incertitudes quant à la transmissibilité à l’homme d’agents d’EST autres que celui de l’ESB, à la fiabilité des tests rapides et de discrimination ainsi qu’à la période d’incubation pour la tremblante. Dans cette optique, l’argumentation de la Commission visant à faire une distinction nette entre risque « ancien » et risque « nouveau » semble, prima facie, inappropriée en matière de protection de la santé. Il en est de même en ce qui concerne la remarque de la Commission s’agissant de la non-contestation par les autorités françaises des dispositions introduisant le prétendu risque « ancien ».

120    Il résulte de tout ce qui précède que la motivation des dispositions incriminées, telle qu’elle figure dans le préambule du règlement nº 746/2008, ne comporte, en substance, aucun élément de nature à justifier une appréciation autre que celle qui a été retenue par le juge des référés dans l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, s’agissant d’erreurs commises par la Commission dans l’évaluation et dans la gestion du risque. Par conséquent, les allégations de la République française selon lesquelles les dispositions incriminées sont de nature à violer le principe de précaution ne semblent pas, au moins à première vue, dépourvues de pertinence et justifient un examen approfondi qu’il appartient au juge du fond d’effectuer.

121    Dès lors, il y a lieu de conclure que la condition d’un fumus boni juris est, en l’espèce, satisfaite.

 Sur l’urgence et la balance des intérêts

122    S’agissant de la condition de l’urgence, il convient de rappeler qu’elle a été considérée comme remplie, aux points 122 à 133 de l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, sur la base d’un raisonnement fondé, notamment, sur le fait que les arguments présentés par la République française à l’appui du fumus boni juris apparaissaient sérieux. Or, en l’espèce, l’examen du fumus boni juris est parvenu à un résultat essentiellement identique à celui de ladite ordonnance. Par conséquent, le débat mené entre les parties en l’espèce ne se distinguant pas substantiellement de celui mené dans la procédure de référé ayant conduit à ladite ordonnance, le juge des référés doit conclure que la condition de l’urgence est également satisfaite en l’espèce.

123    En effet, ainsi que les autorités françaises, chargées de l’intérêt général lié à la protection de la santé publique, le font valoir à juste titre, depuis le 29 septembre 2008, peuvent être abattus à des fins de consommation humaine sur l’ensemble du territoire européen des ovins, y compris des animaux porteurs d’un génotype sensible, et des caprins issus d’un troupeau dans lequel un cas d’EST a été détecté, de sorte que des viandes ou des produits issus d’animaux infectés par une EST peuvent être livrés à la consommation humaine. Or, la consommation de viandes et de produits issus d’un animal infecté par des EST, autre que l’ESB, représente un danger potentiel pour la santé humaine, et celle de viandes et de produits issus d’un animal infecté par l’ESB représente même un réel danger pour l’homme.

124    Comme le juge des référés l’a fait au point 143 de l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra, il y a donc lieu de conclure à l’existence d’un risque sérieux et de préjudice grave et irréparable pour la santé des personnes dans l’hypothèse où le sursis à exécution sollicité ne serait pas accordé.

125    S’agissant de la balance des intérêts en présence, il s’ensuit nécessairement que la solution ne saurait en l’espèce non plus être différente de celle retenue aux points 140 à 148 de l’ordonnance du 28 septembre 2007, point 13 supra. Les exigences liées à la protection de la santé publique doivent, notamment, se voir reconnaître un caractère prépondérant par rapport aux considérations économiques présentées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, comme d’ailleurs par rapport au fait que l’application des dispositions incriminées contribuerait à exclure le risque que les exploitants agricoles n’appliquent pas avec toute la rigueur nécessaire les règles trop strictes qui leur sont imposées, ainsi que le soutient la Commission. Au reste, un argument semblable, relatif à la prévention du « risque d’échappement » du côté des opérateurs, a déjà été rejeté aux points 145 à 147 de ladite ordonnance.

126    En conclusion, les conditions d’octroi du sursis à l’exécution des dispositions incriminées étant réunies, il y a lieu de faire droit à la demande en référé introduite par la République française.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      L’application de l’annexe du règlement (CE) n° 746/2008 de la Commission, du 17 juin 2008, modifiant l’annexe VII du règlement (CE) n° 999/2001 du Parlement européen et du Conseil fixant les règles pour la prévention, le contrôle et l’éradication de certaines encéphalopathies spongiformes transmissible, est suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt au principal, en tant qu’elle introduit, dans le chapitre A de l’annexe VII du règlement (CE) n° 999/2001, du 22 mai 2001, le point 2.3, sous b), iii), le point 2.3, sous d), et le point 4.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 30 octobre 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.