Language of document : ECLI:EU:T:2008:42

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

14 février 2008 (*)

« Procédure – Intervention – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Personnes se prétendant victimes d’un acte de terrorisme – Absence d’intérêt à la solution du litige – Rejet »

Dans l’affaire T‑256/07,

People’s Mojahedin Organization of Iran, établie à Auvers-sur-Oise (France), représentée par Me J.-P. Spitzer, avocat, et M. D. Vaughan, QC,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme E. Finnegan, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mmes V. Jackson et T. Harris, en qualité d’agents, assistées de Mme S. Lee, barrister,

par

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par Mmes S. Boelaert et J. Aquilina, puis par Mme Boelaert et M. P. Aalto, en qualité d’agents,

et par

Royaume des Pays-Bas, représenté par MM. M. de Grave et Y. de Vries, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision 2007/445/CE du Conseil, du 28 juin 2007, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant les décisions 2006/379/CE et 2006/1008/CE (JO L 169, p. 58),

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL
DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

rend la présente

Ordonnance

 Procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juillet 2007, la People’s Mojahedin Organization of Iran a introduit, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours tendant à l’annulation partielle de la décision 2007/445/CE du Conseil, du 28 juin 2007, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant les décisions 2006/379/CE et 2006/1008/CE (JO L 169, p. 58).

2        Par ordonnance du 20 novembre 2007, les parties entendues, le président de la septième chambre du Tribunal a admis le Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Commission et le Royaume des Pays‑Bas à intervenir au litige à l’appui des conclusions du Conseil.

3        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 décembre 2007, Mmes Farideh Khezadeh et Ebtesam Jalizavi, M. Mohammed Jalizavi et Mmes Elham Jalizavi, Abdolnabi Beit-Salem et Massoumeh Youssofi-Nissi (ci-après les « demandeurs ») ont demandé à intervenir au litige au soutien des conclusions du Conseil.

4        Cette demande d’intervention a été signifiée aux parties, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante et la Commission ont soulevé des objections à son égard. Le Conseil et le Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont déclaré s’en remettre à la sagesse du Tribunal.

 En droit

5        En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige soumis au Tribunal, à l’exclusion des litiges entre États membres, entre institutions des Communautés ou entre États membres, d’une part, et institutions des Communautés, d’autre part, peut intervenir audit litige.

6        Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient notamment de vérifier que le demandeur en intervention est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence qu’il convient d’établir une distinction entre les demandeurs en intervention justifiant d’un intérêt direct au sort réservé à l’acte spécifique dont l’annulation est demandée et ceux qui ne justifient que d’un intérêt indirect à la solution du litige, en raison de similarités entre leur situation et celle d’une des parties (ordonnance du président de la Cour du 25 janvier 2008, Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Apache Footwear e.a., C‑464/07 P(I), non encore publiée au Recueil, point 5 ; voir ordonnance du Tribunal du 16 décembre 2004, Hoechst/Commission, T‑410/03, Rec. p. II‑4451, point 14, et la jurisprudence citée).

7        C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’apprécier l’intérêt des demandeurs à la solution du litige.

8        En l’espèce, les demandeurs fondent leur demande d’intervention sur la circonstance que la requérante aurait perpétré, le 25 novembre 1999, un attentat en Iran, au cours duquel des membres de leur famille auraient été tués ou blessés. Cet attentat s’inscrirait dans le cadre d’une affaire d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et de financement d’entreprise terroriste, au sujet de laquelle une information judiciaire aurait été ouverte en France en avril 2001. Le 10 mai 2004, les demandeurs se seraient constitués partie civile, par voie d’intervention, devant le juge d’instruction en charge de cette information. Par ordonnance du 6 décembre 2005, ledit juge d’instruction aurait déclaré irrecevable cette constitution de partie civile, essentiellement au motif qu’il n’existerait pas de lien avéré entre les faits visés par l’information dont il avait la charge et l’attentat auquel les demandeurs faisaient référence. L’appel interjeté par les demandeurs contre cette ordonnance aurait été rejeté comme non fondé par arrêt de la cour d’appel de Paris (France) du 22 décembre 2006. Le 26 décembre 2006, les demandeurs auraient formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

9        C’est dans ce contexte que les demandeurs déclarent vouloir intervenir dans la procédure orale. Ils soutiennent, en particulier, que, en tant que groupe collectif de victimes d’attentats commis par la requérante, ils ont un intérêt manifeste à la solution du litige et au maintien de la requérante dans la liste figurant à l’annexe du règlement n° 2580/2001. Ils entendent plus particulièrement faire valoir, d’une part, que le Conseil n’était nullement tenu de retirer la requérante de la liste litigieuse, à la suite de l’arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil (T‑228/02, Rec. p. II‑4665), et, d’autre part, que les droits de la défense des groupements terroristes devraient être strictement limités.

10      Ce faisant, les demandeurs n’ont fait état d’aucune circonstance particulière susceptible de justifier l’existence d’un intérêt personnel au rejet du recours et n’ont nullement démontré que leur situation pourrait être affectée, d’une manière suffisamment caractérisée, par la solution que le Tribunal donnera au litige. Quelle que soit cette solution, en effet, celle-ci est sans incidence possible sur l’issue des procédures juridictionnelles en cours en France, dès lors que le Tribunal n’est appelé à se prononcer ni sur l’implication de la requérante dans l’attentat du 25 novembre 1999 en Iran auquel se réfèrent les demandeurs, ni sur la relation établie par ceux-ci entre cet attentat et les faits visés par l’information judiciaire mentionnée au point 8 ci-dessus.

11      Pour le surplus, il découle de la jurisprudence citée au point 6 ci-dessus que l’intérêt des demandeurs par rapport aux moyens qu’ils entendent invoquer lors de la procédure orale ne leur confère, en tant que tel, aucun intérêt à la solution du litige, au sens de l’article 40 du statut de la Cour.

12      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les demandeurs ne justifient pas d’un intérêt à intervenir dans la présente affaire et, dès lors, il y a lieu de rejeter la demande d’intervention.

 Sur les dépens

13      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, dudit règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens.

14      En l’espèce, la requérante a conclu à la condamnation des demandeurs aux dépens. Le Conseil n’a pas conclu sur les dépens. Il y a donc lieu d’ordonner que les demandeurs supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens de la requérante afférents à leur demande d’intervention.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande d’intervention présentée par Mmes Farideh Khezadeh et Ebtesam Jalizavi, M. Mohammed Jalizavi et Mmes Elham Jalizavi, Abdolnabi Beit-Salem et Massoumeh Youssofi-Nissi est rejetée.

2)      Mmes Farideh Khezadeh et Ebtesam Jalizavi, M. Mohammed Jalizavi et Mmes Elham Jalizavi, Abdolnabi Beit-Salem et Massoumeh Youssofi-Nissi supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens de la requérante afférents à leur demande d’intervention.

3)      Le Conseil, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la Commission et le Royaume des Pays‑Bas supporteront leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 14 février 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.