Language of document : ECLI:EU:T:2021:643

Affaire T32/21

(publication par extraits)

Daw SE

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle

 Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 6 octobre 2021

« Marque de l’Union européenne – Marque de l’Union européenne verbale Muresko – Marques nationales verbales antérieures Muresko – Revendication de l’ancienneté des marques nationales antérieures après l’enregistrement de la marque de l’Union européenne – Articles 39 et 40 du règlement (UE) 2017/1001 – Enregistrement des marques nationales antérieures ayant expiré au jour de la revendication »

1.      Droit de l’Union européenne – Interprétation – Méthodes – Interprétation littérale, systématique et téléologique


(voir point 22)

2.      Marque de l’Union européenne – Dépôt de la demande de marque de l’Union européenne – Revendication de l’ancienneté de la marque nationale – Conditions – Interprétation restrictive

(Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, art. 39 et 40)

(voir point 23)

3.      Marque de l’Union européenne – Dépôt de la demande de marque de l’Union européenne – Revendication de l’ancienneté de la marque nationale – Revendication après l’enregistrement de la marque de l’Union européenne – Conditions – Marque nationale enregistrée au moment de l’introduction de la revendication

(Règlement du Parlement européen et du Conseil 2017/1001, considérant 12 et art. 39 et 40)

(voir points 25, 27, 28, 30-34, 40)

Résumé

La requérante, Daw SE, est titulaire d’une marque de l’Union européenne verbale Muresko, enregistrée le 12 septembre 2016 par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

Le 3 février 2020, la requérante a revendiqué devant l’EUIPO, pour cette marque, l’ancienneté des marques polonaise et allemande identiques, conformément à l’article 40 du règlement 2017/1001 (1). Sans contester le fait que l’enregistrement de ces marques nationales avait expiré, la requérante s’est prévalue de ce qu’une revendication de l’ancienneté desdites marques avait été accueillie pour une autre marque de l’Union européenne.

L’EUIPO a rejeté la revendication litigieuse au motif de l’expiration de l’enregistrement des marques nationales au moment de l’introduction de cette revendication.

Saisi d’un recours en annulation contre la décision de l’EUIPO, le Tribunal rejette ce recours. Il juge, de manière inédite, qu’une marque nationale antérieure doit être enregistrée et en vigueur à la date de la revendication de l’ancienneté de ladite marque pour une marque de l’Union européenne identique.

Appréciation du Tribunal

En premier lieu, le Tribunal procède à l’interprétation littérale de l’article 40 du règlement 2017/1001. Il considère que la formulation de cet article, eu égard aux différentes versions linguistiques, indique clairement que la marque nationale antérieure identique, dont l’ancienneté est revendiquée au profit de la marque de l’Union européenne, doit être enregistrée au moment où la revendication de l’ancienneté est introduite.

En deuxième lieu, le Tribunal constate que cette interprétation est confirmée par le contexte dudit article (2). En effet, une fois que la revendication de l’ancienneté de la marque nationale antérieure identique au profit de la marque de l’Union européenne a été accueillie, le titulaire peut laisser la première marque expirer, tout en continuant à bénéficier, pour la seconde marque, des mêmes droits que ceux qu’il aurait eus si la première marque avait continué à être enregistrée. Ainsi, le système de revendication de l’ancienneté d’une marque nationale après l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne repose sur le principe que le titulaire de la marque nationale antérieure ne renoncera pas à cette marque ou ne la laissera pas s’éteindre avant que la revendication de l’ancienneté qu’il a introduite n’ait été accueillie au profit de la marque de l’Union européenne. Cela implique que, à la date de l’introduction de cette revendication, l’enregistrement de la marque nationale antérieure identique n’ait pas déjà expiré.

En troisième lieu, ladite interprétation est également conforme à la finalité du système de revendication de l’ancienneté, qui est de permettre aux titulaires de marques nationales et de l’Union européenne identiques de rationaliser leurs portefeuilles de marques en maintenant leurs droits antérieurs. La présomption du maintien des droits attachés à une marque nationale antérieure identique, qui doit être interprétée strictement, ne joue pas de manière générale, mais uniquement en faveur de la marque de l’Union européenne identique et pour les produits ou les services identiques au profit desquels la revendication de l’ancienneté a été accueillie et dans le cas d’un non-renouvellement de l’enregistrement de la marque nationale antérieure identique. Une revendication de l’ancienneté accueillie n’a donc pas pour effet de faire survivre la marque nationale antérieure concernée ou même seulement de maintenir certains droits attachés à celle-ci de manière indépendante de la marque de l’Union européenne au profit de laquelle cette revendication a été accueillie.

Partant, si la requérante peut se prévaloir de la présomption du maintien des droits attachés aux marques polonaise et allemande antérieures, après leur expiration, au profit d’une autre marque de l’Union européenne pour laquelle la revendication de l’ancienneté avait été accueillie avant leur expiration, elle ne peut toutefois pas se prévaloir de cette même présomption à l’appui de la revendication litigieuse pour la marque de l’Union européenne en cause.


1      L’article 40, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), prévoit que le titulaire d’une marque de l’Union européenne qui est titulaire d’une marque antérieure identique, enregistrée dans un État membre […] pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée ou contenus dans ceux-ci, peut se prévaloir de l’ancienneté de la marque antérieure en ce qui concerne l’État membre dans lequel ou pour lequel elle a été enregistrée.


2      Article 40 du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 39, paragraphe 3, de ce règlement.