Language of document : ECLI:EU:T:2001:42

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

7 février 2001 (1)

«Pêche - Concours financier communautaire à la construction de navires de pêche - Règlement (CEE) n° 4028/86 - Demande de réexamen - Faits nouveaux et substantiels - Recours en annulation et en indemnité - Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-186/98,

Compañía Internacional de Pesca y Derivados (Inpesca) , SA , établie à Bermeo (Espagne), représentée par Mes M. I. Angulo Fuertes et M. B. Angulo Fuertes, avocats au barreau de Biscaye, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me E. Arendt, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. L. V. Saggio et J. Guerra Fernández, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision prétendument contenue dans une lettre de la Commission du 16 septembre 1998 et, d'autre part, une demande de condamnation de la Commission à la réparation du préjudice prétendument subi par la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. Potocki et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 13 septembre 2000,

rend le présent

Arrêt

     Cadre réglementaire

1.
    Le règlement (CEE) n° 4028/86 du Conseil, du 18 décembre 1986, relatif à des actions communautaires pour l'amélioration et l'adaptation des structures du secteur de la pêche et de l'aquaculture (JO L 376, p. 7), prévoit, dans son article 6, paragraphe 1, que la Commission peut accorder un concours financier communautaire à des projets d'investissement matériel relatifs à l'achat ou à la construction de nouveaux navires de pêche.

    

2.
    Selon l'article 34, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86, les demandes de concours financier communautaire sont introduites auprès de la Commission par l'intermédiaire de l'État membre intéressé.

3.
    L'article 37, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 dispose:

«Les demandes de concours financier n'ayant pu bénéficier de celui-ci en raison de l'insuffisance des moyens financiers disponibles sont reportées une seule fois à l'exercice budgétaire suivant.»

4.
    Le règlement (CE) n° 1263/1999 du Conseil, du 21 juin 1999, relatif à l'Instrument financier d'orientation de la pêche (JO L 161, p. 54), prévoit à son article 5:

«1. Les dispositions des règlements [...] n° 4028/86 et (CEE) n° 4042/89 du Conseil restent applicables aux demandes de concours introduites avant le 1er janvier 1994.

2. Les parties des sommes engagées au titre d'octroi de concours pour les projets décidés par la Commission entre le 1er janvier 1989 et le 31 décembre 1993 au titre du règlement [...] n° 4028/86, et qui n'ont pas fait l'objet d'une demande de paiement définitif à la Commission au plus tard six ans et trois mois après la date d'octroi du concours, sont dégagées d'office par celle-ci au plus tard six ans et neuf mois à partir de la date d'octroi de concours et donnent lieu au remboursement des sommes indues, sans préjudice des projets qui font l'objet de suspension pour des raisons judiciaires.»

5.
    Le règlement financier du 21 décembre 1977, applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 356, p. 1, ci-après le «règlement financier»), énonce en son article 7.7, tel qu'il résulte du règlement (Euratom, CECA, CEE) n° 610/90 du Conseil, du 13 mars 1990, modifiant le règlement financier (JO L 70, p. 1):

«Les recettes provenant du reversement d'acomptes effectué par les bénéficiaires d'aides communautaires sont inscrites sur des comptes d'ordre.

Au début de chaque exercice, la Commission examine le volume de ces recettes et apprécie en fonction des besoins la nécessité d'une réutilisation éventuelle sur la ligne qui a supporté la dépense initiale.

La Commission prend cette décision avant le 15 février de chaque exercice et informe l'autorité budgétaire, au plus tard le 15 mars, de la décision prise.

Les recettes non réutilisées sont inscrites en recettes diverses de l'exercice au cours duquel elles ont été comptabilisées.»

Faits à l'origine du litige

6.
    Le 20 juin 1989, la requérante a soumis à la Commission, par l'intermédiaire du gouvernement espagnol, une demande de concours financier pour la construction d'un thonier congélateur appelé «Txori-Berri». Le montant du concours sollicité, à savoir 216 886 200 pesetas espagnoles (ESP), représentait 10 % du coût de construction de ce navire.

7.
    Par lettre du 18 décembre 1990, la Commission a informé la requérante que son projet n'avait pu bénéficier du concours financier communautaire au motif que les moyens budgétaires disponibles pour le financement des projets de 1990 étaient insuffisants.

8.
    La demande de la requérante a donc été reportée à l'exercice budgétaire 1991, conformément à l'article 37, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86.

9.
    Par lettre du 8 novembre 1991, la Commission a informé la requérante que son projet n'avait pu bénéficier du concours demandé au motif que les moyens budgétaires disponibles pour le financement des projets de 1991 étaient insuffisants.

10.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 juillet 1992, la requérante a introduit un recours visant à l'annulation des décisions de la Commission du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991 de ne pas accorder à son projet de construction d'un nouveau navire de pêche le concours financier communautaire qu'elle avait sollicité.

    

11.
    Par ordonnance du 27 septembre 1993, la Cour a renvoyé l'affaire devant le Tribunal, en application de l'article 4 de la décision 93/350/Euratom, CECA, CEE du Conseil, du 8 juin 1993, modifiant la décision 88/591/CECA/CEE/Euratom instituant le Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 144, p. 21). Le greffe du Tribunal a attribué à cette affaire le numéro T-453/93.

12.
    Par ordonnance du 29 mars 1994, le président de la deuxième chambre du Tribunal a joint cette affaire à celle, similaire, introduite par Pesquería Vasco-Montañesa, SA (Pevasa), enregistrée sous le numéro T-452/93.

13.
    Par ordonnance du 28 avril 1994, Pevasa et Inpesca/Commission (T-452/93 et T-453/93, Rec. p. II-229), le Tribunal (deuxième chambre) a statué sur ces deux affaires.

14.
    Le Tribunal a d'abord considéré que les lettres adressées à la requérante et à Pevasa, datées du 8 novembre 1991, étaient des actes juridiques produisant des effets de droit définitifs vis-à-vis de ces dernières. En effet, par ces lettres, rédigées de manière précise et sans équivoque, la Commission avait pris une position définitive à propos des demandes des requérantes, du fait que l'article 37, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 ne prévoit qu'un seul report des demandesn'ayant pu bénéficier du concours communautaire, pour insuffisance de moyens financiers disponibles.

15.
    Ensuite, le Tribunal a constaté que les recours, enregistrés le 30 juillet 1992, avaient été introduits au-delà du délai applicable. Par conséquent, il a décidé que ces recours, pour autant qu'ils visaient à l'annulation des décisions du 8 novembre 1991, devaient être rejetés comme irrecevables.

16.
    Par requêtes déposées au greffe de la Cour le 8 juillet 1994, la requérante et Pevasa ont formé un pourvoi contre l'ordonnance Pevasa et Inpesca/Commission, précitée.

17.
    Par ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission (C-199/94 P et C-200/94 P, Rec. p. I-3709), la Cour a rejeté ces pourvois comme étant manifestement non fondés.

18.
    Par acte déposé au greffe de la Cour le 12 février 1996, la requérante a introduit, en vertu de l'article 41 du statut CE de la Cour de justice, une demande en révision de l'ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, précitée.

19.
    Par arrêt du 5 mars 1998, Inpesca/Commission (C-199/94 P et C-200/94 P REV, Rec. p. I-831), la Cour a rejeté cette demande comme irrecevable, en application de l'article 100, paragraphe 1, de son règlement de procédure.

20.
    Entre-temps, par son arrêt du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission (T-551/93, T-231/94 à T-234/94, Rec. p. II-247), le Tribunal avait rejeté les recours introduits dans ces affaires par quatre sociétés actives dans le domaine de la pêche contre quatre décisions, datées du 24 mars 1994, par lesquelles la Commission, d'une part, avait décidé de supprimer les concours financiers communautaires qui leur avaient été octroyés, en application du règlement n° 4028/86, et, d'autre part, avait enjoint à trois de ces sociétés d'en rembourser le montant.

21.
    C'est à ces faits que, dans une lettre du 11 mai 1998, reçue par la Commission le 15 mai 1998, la requérante s'est référée pour affirmer qu'un montant total de 270 328 740 ESP avait été remboursé à cette institution. Ce montant étant supérieur au montant du concours financier que la requérante avait sollicité le 20 juin 1989, la Commission ne pourrait plus arguer que les moyens budgétaires disponibles pour le financement de son projet seraient insuffisants. Compte tenu de ce changement de situation, la requérante a prié la Commission de faire suite, dans les meilleurs délais, à sa demande réitérée de concours financier.

22.
    Dans une lettre du 20 juillet 1998, reçue par la Commission le 28 juillet 1998, la requérante a invoqué certains faits nouveaux justifiant, selon elle, le bien-fondé et la légalité de sa demande de concours financier du 20 juin 1989. En premier lieu, elle a relevé la publication au Journal officiel des Communautés européennes du9 juin 1998 de la proposition de règlement (CE) du Conseil relatif aux actions structurelles dans le secteur de la pêche (JO C 176, p. 44, ci-après la «proposition de règlement»), notamment son article 6. En deuxième lieu, elle a cité de nouveaux arrêts rendus en la matière, en particulier l'arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Le Canne/Commission (T-218/95, Rec. p. II-2055), desquels il ressortirait que le refus d'octroi d'un concours financier au motif d'une prétendue insuffisance des moyens budgétaires disponibles ne devrait pas impliquer le refus définitif et irrévocable dudit concours sollicité. En troisième lieu, elle a souligné l'existence de moyens budgétaires disponibles pour le financement de son projet. Elle s'est référée, à cet égard, au contenu de sa lettre du 11 mai 1998, ajoutant que, en application de l'article 6 de la proposition de règlement, la Commission aurait la faculté de dégager d'office les montants relatifs aux concours financiers qui n'ont pas été payés ou qui l'ont été indûment, afin de financer des projets qui, comme le sien, «ont été suspendus et affectés pour des raisons judiciaires».

23.
    Par lettre du 16 septembre 1998 (ci-après la «lettre litigieuse»), la Commission a répondu à la requérante dans les termes suivants:

«J'ai le plaisir d'accuser réception de votre lettre [du 20 juillet 1998] susmentionnée, dans laquelle vous demandez à la Commission de bien vouloir réexaminer votre dossier et, en conséquence, de vous accorder le cas échéant l'aide à laquelle vous pensez avoir droit par suite de l'annulation [lire: confirmation] des décisions de la Commission C(94) 670/1, C(94) 670/2, C(94) 670/3, et C(94) 670/4 du 24 mars 1994 et du recouvrement consécutif des aides octroyées, lesquelles permettraient aux services de la Commission de disposer de fonds suffisants pour apporter un soutien au projet en question.

Permettez-moi d'indiquer que la législation communautaire en la matière n'autorise pas le réexamen des dossiers qui n'ont pas été admis au bénéfice d'un financement par la Communauté, faute de moyens financiers suffisants. En effet, l'article 37 du règlement [n° 4028/86] prévoit que les projets qui n'ont pas été financés en raison du manque de moyens financiers ne peuvent être reportés qu'une seule fois à l'exercice budgétaire suivant, en vue de les réexaminer en même temps que les nouveaux projets introduits par les États membres. S'il n'est pas retenu à la fin de ce second exercice budgétaire, le projet est définitivement rejeté.

Par ailleurs, le programme d'orientation pluriannuel de la flotte de pêche espagnole prévoyait une réduction de la capacité de pêche de certains secteurs. Par conséquent, bien qu'elle soit importante, la radiation [el aporte de bajas] n'est pas une raison suffisante pour que votre projet bénéficie prioritairement d'un financement, compte tenu des ressources financières limitées de la Communauté. Les autorités espagnoles responsables de la pêche pourront vous confirmer tous les éléments de la présente réponse et, en particulier, tout ce qui concerne les programmes d'orientation pluriannuels successifs de la flotte espagnole.

Enfin, l'aide communautaire ne constitue qu'une partie du concours total demandé. Les autorités espagnoles compétentes en matière de pêche pourront donc vous fournir plus de précisions sur les aides auxquelles vous auriez pu éventuellement prétendre et le traitement de votre dossier par l'administration nationale et communautaire.»

Procédure et conclusions des parties

24.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 1998, la requérante a introduit le présent recours.

25.
    Dans sa requête, la requérante a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer recevable le présent recours en annulation contre la décision de la Commission du 16 septembre 1998 lui ayant refusé l'octroi du concours financier communautaire sollicité pour un projet de construction d'un thonier congélateur au titre du règlement n° 4028/86 et en vertu de l'article 6, paragraphe 1, de la proposition de règlement;

-    déclarer ladite décision de la Commission nulle et non avenue;

-    constater son droit à l'obtention, à titre d'indemnisation du préjudice que lui a causé l'adoption de la décision litigieuse, du concours financier communautaire refusé, s'élevant à 216 886 200 ESP, augmenté des intérêts de retard à partir du 12 mars 1992 jusqu'à la date du versement;

-    lui donner acte de son offre de preuve afin d'établir les faits exposés;

-    condamner la Commission aux dépens.

26.
    Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 15 février 1999, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité du recours, en application de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

27.
    Le 30 mars 1999, la requérante a déposé ses observations sur cette exception, en application de l'article 114, paragraphe 2, du même règlement.

28.
    Dans un document daté du 12 juillet 1999, reçu au Tribunal le 21 juillet 1999, la requérante a soumis des «observations additionnelles» sur ladite exception.

29.
    Par lettre du 6 octobre 1999, reçue au Tribunal le même jour, la Commission a contesté la recevabilité de ces «observations additionnelles».

30.
    À la suite du rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sur l'exception d'irrecevabilité. En outre, il a décidé de poser deux questions écrites à la Commission, auxquelles celle-ci a répondu lors de l'audience qui a eu lieu le 13 septembre 2000. Par ailleurs, lors de cette même audience les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal.

31.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours irrecevable par ordonnance motivée;

-    condamner la requérante aux dépens.

32.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission;

-    condamner la défenderesse aux dépens.

Sur la recevabilité des «observations additionnelles» déposées par la requérante

33.
    Le Tribunal observe que son règlement de procédure ne prévoit pas le dépôt, par les parties au litige, d'«observations additionnelles» sur la recevabilité telles que celles déposées par la requérante dans le cas d'espèce.

34.
    Dans ces conditions, les «observations additionnelles» déposées par la requérante le 21 juillet 1999 doivent être déclarées irrecevables.

35.
    En tout état de cause, la requérante a été entendue lors de l'audience sur les arguments qu'elle avait voulu présenter dans lesdites «observations additionnelles».

Sur la recevabilité des conclusions en annulation

Arguments des parties

36.
    La Commission fait observer que la lettre litigieuse se borne à rappeler la situation du dossier. Il s'agirait d'une lettre purement confirmative, dépourvue de tout effet juridique, qui, par conséquent, ne serait pas un acte attaquable (arrêts de la Cour du 16 décembre 1960, Hamborner Bergau et Friedrich Thyssen Bergau/Haute Autorité, 41/59 et 50/59, Rec. p. 989, 1013 et 1014, et du 15 mars 1967, Cimenteries CBR e.a/Commission, 8/66, à 11/66, Rec. p. 93, 117).

37.
    La défenderesse souligne que la requérante s'est bornée à demander le réexamen de la demande de concours financier qu'elle avait présentée le 20 juin 1989. Elle fait remarquer que cette demande a été rejetée par décisions du 18 décembre 1990 et du 8 novembre 1991, devenues inattaquables du fait que la requérante n'a pas introduit de recours dans le délai prévu. Les ordonnances du 28 avril 1994 et du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, précitées, ainsi que l'arrêt Inpesca/Commission, précité, auraient confirmé que ces décisions ont acquis force de chose jugée et ne pourraient plus faire l'objet de discussion. Dans ces conditions, déclarer le présent recours recevable compromettrait gravement la sécurité juridique.

38.
    La requérante rétorque, en premier lieu, que la lettre litigieuse est comparable aux lettres des 18 décembre 1990 et 8 novembre 1991, qui ont fait l'objet des recours dans les affaires ayant donné lieu à l'ordonnance du 28 avril 1994, Pevasa et Inpesca/Commission, précitée. Dès lors que, dans ces affaires, le Tribunal avait jugé que lesdites lettres constituaient des décisions attaquables, il devrait parvenir à la même conclusion en ce qui concerne la lettre litigieuse.

39.
    En second lieu, la requérante fait valoir que la lettre litigieuse est un acte attaquable parce qu'elle constitue la réponse à une nouvelle demande, à savoir celle formulée dans ses lettres des 11 mai et 20 juillet 1998 et qui repose sur l'existence de faits nouveaux. Elle se réfère, à ce propos, aux faits mentionnés dans ces deux lettres et, notamment, à l'arrêt de la Cour du 14 mai 1998, Windpark Groothusen/Commission (C-48/96 P, Rec. p. I-2873). Selon la requérante, cet arrêt confirme que la Commission s'est réservée la possibilité d'accorder un concours financier à des projets définitivement refusés.

Appréciation du Tribunal

40.
    Il ressort de la jurisprudence qu'une décision qui n'a pas été attaquée par le destinataire dans les délais prévus à l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE) devient définitive à son égard (arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C-310/97 P, Rec. p. I-5363, point 57, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, les délais de recours, qui présentent un caractère d'ordre public, ne sont à la disposition ni du juge ni des parties (ordonnance du Tribunal du 3 février 1998, Polyvios/Commission, T-68/96, Rec. p. II-153, point 43).

41.
    En l'espèce, le Tribunal a constaté, dans son ordonnance du 28 avril 1994, Pevasa et Inpesca/Commission, précitée (points 28 à 37), que la lettre du 8 novembre 1991 contenait la décision définitive de la Commission sur la demande de concours financier que la requérante avait présentée le 20 juin 1989. Il a constaté, ensuite, que le recours de la requérante, enregistré le 30 juillet 1992, avait été introduit au-delà du délai applicable. Par conséquent, il a rejeté ce recours, en tant que dirigé contre la décision du 8 novembre 1991, comme irrecevable.

42.
    Dans son ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, précitée, la Cour a confirmé cette appréciation du Tribunal et rejeté le pourvoi de la requérante comme manifestement non fondé.

43.
    Dans ces conditions, la décision du 8 novembre 1991 est devenue définitive à l'égard de la requérante.

44.
    Or, selon une jurisprudence bien établie, un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d'une décision antérieure devenue définitive est irrecevable. Un acte est considéré comme purement confirmatif d'une décision antérieure s'il ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n'a pas été précédé d'un réexamen de la situation du destinataire de cette décision (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 mars 1978, Herpels/Commission, 54/77, Rec. p. 585, point 14; arrêt du Tribunal du 3 mars 1994, Cortes Jimenez e.a./Commission, T-82/92, RecFP p. I-A-69 et II-237, point 14).

45.
    Toutefois, le caractère confirmatif ou non d'un acte ne saurait être apprécié en fonction uniquement de son contenu par rapport à celui de la décision antérieure qu'il confirmerait. En effet, il y a également lieu d'apprécier le caractère de l'acte attaqué par rapport à la nature de la demande à laquelle cet acte constitue une réponse (arrêt de la Cour du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C-15/91 et C-108/91, Rec. p. I-6061, point 22; arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Salt Union/Commission, T-330/94, Rec. p. II-1475, point 32).

46.
    En particulier, si l'acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués, et par laquelle l'administration est priée de procéder à un réexamen de la décision antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur ces faits et contient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure.

47.
    À ce propos, il convient de souligner que, ainsi que la Commission l'a reconnu lors de l'audience, selon une jurisprudence constante, l'existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d'une demande tendant au réexamen d'une décision antérieure devenue définitive (voir, entre autres, arrêts de la Cour du 22 mars 1961, Snupat/Haute autorité, 42/59 et 49/59, Rec. p. 101, 146; du 15 mai 1985, Esly/Commission, 127/84, Rec. p. 1437, point 10; arrêt du Tribunal du 7 février 1991, Williams/Cour des comptes, T-58/89, Rec. p. II-77, point 24, et ordonnance du Tribunal du 11 juillet 1997, Chauvin/Commission, T-16/97, RecFP p. I-A-237 et II-681, point 37).

48.
    Si une demande visant au réexamen d'une décision devenue définitive est basée sur des faits nouveaux et substantiels, l'institution concernée est tenue d'y procéder. À la suite de ce réexamen, l'institution devra prendre une nouvelle décision, dont la légalité peut, le cas échéant, être contestée devant le juge communautaire. Enrevanche, si la demande de réexamen n'est pas basée sur des faits nouveaux et substantiels, l'institution n'est pas tenue d'y faire droit.

49.
    Un recours introduit contre une décision refusant de procéder à un réexamen d'une décision devenue définitive sera déclaré recevable s'il apparaît que la demande était effectivement basée sur des faits nouveaux et substantiels. En revanche, s'il apparaît que la demande n'était pas basée sur de tels faits, le recours contre la décision refusant de procéder au réexamen sollicité sera déclaré irrecevable (en ce sens, arrêt de la Cour du 10 juillet 1986, Trenti/CES, 153/85, Rec. p. 2427, points 11 à 16; ordonnance du Tribunal du 9 février 2000, Gómez de la Cruz Talegón/Commission, T-165/97, RecFP p. I-A-19 et II-79, points 46 et suivants).

50.
    En ce qui concerne la question de savoir selon quels critères des faits doivent être qualifiés de «nouveaux et substantiels», il ressort de la jurisprudence que, pour avoir un caractère «nouveau», il est nécessaire que ni le requérant ni l'administration n'aient eu ou n'aient été en mesure d'avoir connaissance du fait concerné au moment de l'adoption de la décision antérieure (en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 septembre 1999, Yasse/BEI, T-141/97, RecFP p. I-A-177 et II-929, points 126 à 128). Cette condition est remplie, a fortiori, si le fait en cause est apparu après l'adoption de la décision antérieure (voir arrêt Esly/Commission, précité).

51.
    Pour avoir un caractère «substantiel», il est nécessaire que le fait concerné soit susceptible de modifier de façon substantielle la situation du requérant qui est à la base de la demande initiale ayant donné lieu à la décision antérieure devenue définitive (en ce sens, arrêt de la Cour du 13 novembre 1986, Becker/Commission, 232/85, Rec. p. 3401, point 11).

52.
    En l'espèce, la requérante a invoqué, dans sa lettre du 20 juillet 1998, des faits nouveaux et substantiels et demandé à la Commission de procéder au réexamen de sa décision du 8 novembre 1991. Dans sa réponse, contenue dans la lettre litigieuse, la Commission a qualifié cette lettre de la requérante comme une demande tendant à un tel réexamen. Toutefois, sans s'exprimer sur les faits invoqués, la Commission a rejeté la demande de la requérante en raison du fait que l'article 37, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 ne permet qu'un seul «réexamen».

53.
    Il y a lieu d'interpréter cette réponse de la Commission dans le sens qu'elle estime que les faits invoqués par la requérante ne peuvent pas entrer en ligne de compte pour procéder à un réexamen de sa décision du 8 novembre 1991, dès lors que l'article 37, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 ne permet qu'un seul «réexamen» au sens de cette disposition, à savoir, en l'espèce, celui auquel l'institution a procédé préalablement à sa décision du 8 novembre 1991.

54.
    À ce propos, il convient de préciser qu'il y a lieu d'opérer une nette distinction entre, d'une part, le «réexamen» au titre de l'article 37, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 et, d'autre part, le réexamen d'une décision devenue définitive au cas où des faits nouveaux et substantiels sont invoqués. En effet, il est procédé au «réexamen» prévu par la disposition réglementaire précitée lorsqu'une demande de concours financier est reportée à l'exercice budgétaire suivant, faute de moyens financiers disponibles dans la première année d'appréciation. Il ne s'agit pas d'un réexamen d'une décision devenue définitive, mais d'une nouvelle appréciation par l'institution de la demande de concours financier en question dans le cadre d'un nouvel exercice budgétaire. En revanche, le réexamen fondé sur des faits nouveaux et substantiels relève des principes généraux du droit administratif, tels que précisés par la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, et vise le réexamen d'une décision antérieure devenue définitive, tel que, en l'espèce, le réexamen de la décision de la Commission du 8 novembre 1991, sollicité par la requérante.

55.
    Dès lors qu'il s'agit de deux types de «réexamen» ayant chacun une base légale et un objet différents, la Commission ne saurait fonder sur l'article 37, paragraphe 1, du règlement n° 4028/86 son refus de faire droit à une demande de réexamen de la décision du 8 novembre 1991 formée sur la base de prétendus faits nouveaux et substantiels.

56.
    Par conséquent, aux fins de l'examen de la recevabilité du recours, il y a lieu d'examiner si les éléments invoqués par la requérante dans sa lettre du 20 juillet 1998 constituent des faits nouveaux et substantiels au sens de la jurisprudence citée ci-dessus.

57.
    À ce propos, il convient d'observer que dans sa lettre du 20 juillet 1998, dans laquelle il est renvoyé à la lettre du 11 mai 1998, la requérante a invoqué trois éléments, visés au point 21 ci-dessus, qui, selon elle, constituent des faits nouveaux et substantiels, à savoir, premièrement, la publication de la proposition de règlement, deuxièmement, le prononcé de «nouveaux arrêts» en la matière, en particulier l'arrêt Le Canne/Commission, précité, et, troisièmement, la disponibilité de moyens budgétaires pour le financement de son projet.

58.
    En ce qui concerne le premier de ces éléments, il convient d'observer qu'il s'agit d'une «proposition» de règlement qui, en tant qu'acte préparatoire n'ayant pas encore revêtu un caractère définitif, n'est pas susceptible de modifier la situation de la requérante. Par ailleurs, même si, par hypothèse, le règlement en sa forme définitive, à savoir le règlement n° 1263/1999, devait être considéré comme l'élément pertinent, il ne s'agirait pas d'un fait nouveau et substantiel.

59.
    En effet, ce règlement ne modifie aucunement la situation de la requérante. Notamment, l'article 5 du règlement n° 1263/1999, qui est devenu l'article 6 de la proposition de règlement auquel la requérante se réfère plus particulièrement, se borne à prévoir, dans son paragraphe 1, que les dispositions du règlement n° 4028/86, et d'un autre règlement, non pertinent en l'espèce, restent applicablesaux demandes qui ont été introduites avant le 1er janvier 1994. Or, la demande de concours financier de la requérante a déjà été appréciée et définitivement rejetée par la Commission sur la base des dispositions du règlement n° 4028/86. Dès lors, le fait que ce règlement reste applicable n'est pas susceptible d'affecter la situation de la requérante.

60.
    Par ailleurs, l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1263/1999 n'est pas non plus susceptible d'affecter la situation de la requérante, dès lors que cette disposition ne concerne que les sommes qui ont déjà été engagées à titre d'octroi de concours financiers par la Commission en application du règlement n° 4028/86. Or, aucune somme n'a été engagée par la Commission au bénéfice de la requérante au titre du concours demandé par celle-ci.

61.
    En ce qui concerne, deuxièmement, le prononcé de «nouveaux arrêts» en la matière, en particulier l'arrêt Le Canne/Commission, précité, la requérante affirme qu'il ressort de cette jurisprudence que le refus, motivé par une prétendue insuffisance des moyens budgétaires disponibles, ne doit pas impliquer le refus définitif et irrévocable du concours sollicité. Elle justifie cette affirmation en exposant que, si la Commission peut réduire postérieurement un concours initialement octroyé, cela implique a contrario que la Commission peut également octroyer un concours financier lorsqu'elle l'a initialement refusé.

62.
    Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la pertinence de la conclusion que la requérante tire de cette jurisprudence, il suffit de constater qu'un arrêt rendu par le Tribunal et comportant une appréciation juridique sur des faits qui pourraient éventuellement être qualifiés de nouveaux ne saurait en aucun cas constituer lui-même un fait nouveau (arrêt de la Cour du 19 mars 1991, Ferrandi/Commission, C-403/85 rév., Rec. p. I-1215, point 13; ordonnance Chauvin/Commission, précitée, point 45).

63.
    En ce qui concerne, troisièmement, la disponibilité de moyens budgétaires pour le financement du projet en cause, il convient de rappeler que, selon la requérante, il ressort de l'arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, précité, que la Commission a procédé à la récupération de sommes octroyées au titre de concours financiers durant la même période que celle au cours de laquelle la demande de concours financier litigieuse a été présentée. Grâce aux sommes ainsi récupérées par la Commission, des moyens budgétaires pour le financement du projet de la requérante seraient à nouveau disponibles.

64.
    À ce propos, la Commission a fait remarquer, lors de l'audience, qu'elle a essayé de récupérer les sommes dont l'arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, précité, fait mention, mais que le montant des sommes effectivement recouvrées a été très faible, en raison, notamment, de l'état financier des entreprises concernées.

65.
    Il convient de considérer que, même si la Commission avait pu récupérer toutes les sommes en question, cela ne permettrait pas d'estimer qu'il existe un fait nouveau et substantiel entraînant l'obligation pour l'institution de procéder à un réexamen de sa décision du 8 décembre 1991.

66.
    En effet, comme la Commission l'a expliqué à la suite d'une question écrite du Tribunal, il ressort de l'article 7 du règlement financier que les recettes provenant du reversement d'acomptes effectué par les bénéficiaires d'aides communautaires ne peuvent être réutilisées sur la ligne budgétaire ayant supporté la dépense initiale que si la Commission prend une décision expresse à cet égard. Selon la Commission, une telle décision n'a pas été prise en ce qui concerne les sommes récupérées dans le cas d'espèce.

67.
    En outre, ainsi que la Commission l'a, à juste titre, fait valoir lors de l'audience, dans l'hypothèse même où une telle décision aurait été prise, de sorte que les sommes récupérées auraient à nouveau été disponibles sur la ligne budgétaire d'origine, ces sommes n'auraient pas pu être employées pour le financement de projets, tels que celui de la requérante, pour lesquels une décision définitive de rejet avait été adoptée au cours d'une année budgétaire antérieure.

68.
    En effet, conformément au principe de l'annualité du budget, inscrit au traité CE (articles 199, 202 et 203 du traité CE, devenus respectivement articles 268 CE, 271 CE et 272 CE) et au règlement financier (article 6), les sommes récupérées dans une année budgétaire ne peuvent plus être utilisées dans le cadre d'une année budgétaire précédente qui a déjà été clôturée. Dès lors, les sommes mentionnées dans l'arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, précité, qui auraient, le cas échéant, été récupérées au cours de l'année 1994 - durant laquelle la Commission a adopté les décisions faisant l'objet dudit arrêt - ou d'une année ultérieure, ne pourraient plus être utilisées pour le financement, dans le cadre de l'exercice budgétaire 1991, du projet d'investissement qui faisait l'objet de la demande de concours financier présentée par la requérante.

69.
    Par conséquent, l'éventualité que des sommes soient récupérées au cours de l'année 1994, ou d'une année ultérieure, et réutilisées dans la ligne budgétaire relative au financement des projets d'investissement pour de nouveaux navires de pêche n'est pas susceptible de changer, lors d'un réexamen, l'appréciation que la Commission a faite en 1991 de la demande de concours financier de la requérante.

70.
    Il s'ensuit que la requérante n'a pas établi l'existence de faits nouveaux et substantiels qui auraient dû amener la Commission à procéder à un réexamen de la décision du 8 décembre 1991 rejetant définitivement la demande de concours financier qu'elle avait présentée en 1989.

71.
    Dans ces circonstances, les conclusions en annulation doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur la recevabilité des conclusions en indemnité

Arguments des parties

72.
    La Commission fait observer que la requérante tend, par ses conclusions en indemnité, à obtenir des montants identiques à ceux qui lui auraient été octroyés si la Commission avait fait droit à sa demande de concours financier, augmentés d'intérêts de retard. Par ailleurs, elle fait remarquer que les conclusions en indemnité se fondent sur les mêmes moyens d'illégalité que ceux formulés dans le cadre des conclusions en annulation. Dans ces conditions, la Commission estime que les conclusions en indemnité n'ont pas un caractère autonome. Il s'ensuivrait que, les conclusions en annulation étant irrecevables, les conclusions en indemnité le seraient également.

73.
    Quant à la recevabilité des conclusions en indemnité, la requérante rétorque que le recours en indemnité au titre des articles 178 et 215 du traité CE (devenus respectivement articles 235 CE et 288 CE) constitue une voie de recours autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d'exercice conçues en vue de son objet spécifique (arrêt de la Cour du 28 avril 1971, Lütticke/Commission, 4/69, Rec. p. 325, point 6) et qui se différencie du recours en annulation en ce qu'il tend normalement, non à la suppression d'une mesure déterminée, mais à la réparation du préjudice causé par une institution dans l'exercice de ses fonctions (arrêt de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 3).

74.
    Quant au fond, elle relève que le seul motif invoqué par la Commission pour refuser l'octroi du concours financier sollicité a été que «les moyens budgétaires disponibles étaient insuffisants». Dès lors que la Commission a obtenu ultérieurement des fonds suffisants, provenant du remboursement des concours octroyés durant les années 1990 et 1991, le droit de la requérante au concours financier communautaire serait manifeste. En ne corrigeant pas, dans un délai raisonnable, l'erreur commise en ce qui concerne la demande de concours financier de la requérante, la Commission aurait commis une illégalité engageant la responsabilité de la Communauté.

75.
    La requérante fait valoir que l'indemnité qu'elle sollicite est double. D'une part, elle demande le montant du concours financier refusé, à savoir 216 886 200 ESP. D'autre part, elle requiert le versement des intérêts de retard correspondants, qui, compte tenu des critères retenus dans la jurisprudence dans des cas similaires, devraient être comptés à partir du 12 mars 1992, date à laquelle le «Txori-Berri» a été lancé, jusqu'au paiement effectif, au taux de 8 % l'an (voir les arrêts de laCour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, point 32, et du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C-104/89 et C-37/90, Rec. p. I-3061, point 35).

Appréciation du Tribunal

76.
    Il convient de relever que, si une partie peut agir par le moyen d'une action en responsabilité sans être astreinte par aucun texte à poursuivre l'annulation de l'acte illégal qui lui cause préjudice, elle ne saurait toutefois tourner par ce biais l'irrecevabilité d'une demande visant la même illégalité et tendant aux mêmes fins pécuniaires (arrêts de la Cour du 12 novembre 1981, Birke/Commission et Conseil, 543/79, Rec. p. 2669, point 28; Bruckner/Commission et Conseil, 799/79, Rec. p. 2697, point 19; ordonnance du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, précitée, point 27).

77.
    En l'espèce, les conclusions prétendument présentées aux fins d'indemnisation tendent précisément à obtenir un montant identique à celui du concours communautaire qui aurait été versé si la Commission avait accueilli la demande présentée à cet effet par la requérante, majoré des intérêts de retard, et sont fondées sur les mêmes moyens d'illégalité avancés dans le cadre des conclusions en annulation. Dans ces conditions, il est manifeste que les conclusions en indemnité visent à tourner le délai de recours prévu par l'article 173 du traité et constituent donc un détournement de la procédure instituée par l'article 178 du traité CE.

78.
    Il s'ensuit que les conclusions en indemnité sont irrecevables.

79.
    Il découle de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

80.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens.

81.
    Par conséquent, il y a lieu, au vu des conclusions de la partie défenderesse, de condamner la partie requérante aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    Les «observations additionnelles» déposées par la partie requérante le 21 juillet 1999 sont irrecevables.

2)    Le recours est rejeté.

3)    La partie requérante est condamnée aux dépens.

Pirrung                    Potocki                
Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. W. H. Meij


1: Langue de procédure: l'espagnol.