Language of document : ECLI:EU:T:2024:61

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 février 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne figurative CITY STADE – Marque devenue la désignation usuelle dans le commerce d’un produit ou d’un service pour lequel elle est enregistrée – Activité ou inactivité du titulaire – Article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑220/23,

Sports et loisirs (Casal sport), établie à Altorf (France), représentée par Mes C. Pecnard et C. Alet, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme C. Bovar et M. V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Tennis d’Aquitaine SAS, établie à Ambares (France), représentée par Mes A. Hinoux et V. Le Coq de Kerland, avocats,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin (rapporteur), président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 29 novembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Sports et loisirs (Casal sport), demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 février 2023 (affaire R 179/2022‑2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 24 février 2021, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande de déchéance de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée le 20 mars 2015 à la suite d’une demande déposée par l’intervenante, Tennis d’Aquitaine SAS, le 1er juillet 2013, pour le signe figuratif suivant :

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3        Les produits désignés par la marque contestée pour lesquels la déchéance était demandée relevaient de la classe 6 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Constructions transportables métalliques à savoir constructions permettant la pratique de sports ; structure complète en acier habillé bois ou métal permettant la pratique de différents sports (tennis, basket, football) ».

4        La cause invoquée à l’appui de la demande de déchéance était celle visée à l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), et tenait au fait que la marque contestée serait devenue la désignation usuelle dans le commerce des produits pour lesquels elle avait été enregistrée et que, en particulier, elle aurait été utilisée pour désigner de manière générique des constructions, des structures ou des terrains multisports destinés à la pratique du basketball, du football ou d’autres sports. Cette demande concernait l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 29 novembre 2021, la division d’annulation a prononcé la déchéance de la marque contestée, pour la totalité des produits qu’elle désignait, à compter du 24 février 2021.

6        Le 27 janvier 2022, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation (affaire R 179/2022‑2), dans la mesure où cette dernière avait accueilli en totalité la demande de déchéance.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours de l’intervenante et annulé la décision de la division d’annulation.

8        La chambre de recours a estimé, en substance, que, s’il était établi que la marque contestée était devenue la désignation usuelle dans le commerce des produits qu’elle désignait, cela ne tenait pas au fait de l’activité ou de l’inactivité de l’intervenante, en tant que titulaire de ladite marque.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et prononcer la déchéance de la marque contestée ;

–        condamner l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés dans les procédures devant l’EUIPO.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’hypothèse de la convocation à une audience.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        maintenir ses droits sur la marque contestée pour l’ensemble des produits qu’elle désigne ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés dans les procédures devant l’EUIPO, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 5 000 euros pour frais irrépétibles.

 En droit

12      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

13      Si la requérante déclare acquiescer aux motifs de la décision attaquée s’agissant de la détermination de la période et du public pertinents aux fins de l’action en déchéance, de même qu’au constat que la marque contestée est devenue la désignation usuelle dans le commerce des produits qu’elle désigne, elle conteste, en revanche, par une argumentation se décomposant en trois banches, l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la perte du caractère distinctif de la marque contestée ne serait pas imputable à l’activité ou à l’inactivité de l’intervenante en tant que titulaire de ladite marque.

14      L’EUIPO estime, à l’instar de la chambre de recours, que, si la marque contestée est devenue la désignation usuelle dans le commerce des produits pour lesquels elle a été enregistrée, cette évolution n’est pas imputable au fait de l’intervenante, par son activité ou son inactivité.

15      L’intervenante fait valoir que les preuves produites par la requérante devant l’EUIPO ne démontrent pas que la marque contestée est devenue générique pour désigner les produits pour lesquels elle a été enregistrée. Au demeurant, elle expose que l’ensemble des preuves qu’elle a elle-même produites permettent d’établir toutes les actions qu’elle a entreprises depuis plusieurs années afin de faire valoir l’usage de CITY STADE en tant que marque de l’Union européenne.

 Sur la production par l’intervenante d’une preuve nouvelle au regard de la procédure précontentieuse

16      En l’espèce, l’intervenante a invoqué le jour de l’audience qu’elle avait fait établir le 23 novembre 2023 par un commissaire de justice, à l’occasion de la tenue du salon des Maires et des Collectivités locales, à Paris (France), un procès-verbal de constat dont il ressortait notamment que, parmi ses concurrents participant à ce salon, aucun ne faisait usage sur son stand de l’expression « city stade ». Selon l’intervenante, cela démontre, d’une part, que la marque contestée n’est pas devenue la désignation usuelle dans le commerce des terrains multisports et, d’autre part, que ses actions pendant la période pertinente pour protéger la marque contestée de tout usage générique ont été suffisantes.

17      À la demande du Tribunal, l’intervenante a produit la pièce en question le 30 novembre 2023. L’intervenante a joint à cette pièce deux documents obtenus sur Internet, à savoir une liste des exposants au salon des Maires et des Collectivités locales et un document intitulé « Plans et secteurs » qui se rapporte audit salon. L’EUIPO et la requérante, après avoir pris connaissance desdits documents, ont fait savoir qu’ils les considéraient comme étant irrecevables, en raison de leur production tardive qui ne trouvait pas de justification, la requérante faisant en outre valoir que le procès-verbal devait être déclaré nul et que, en tout état de cause, lesdites pièces n’étaient pas pertinentes.

18      Un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 95, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait annuler ou réformer la décision objet du recours pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 55, et du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 53).

19      Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, la preuve produite pour la première fois devant le Tribunal, accompagnée de deux documents obtenus sur Internet, doit être déclarée irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de l’examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

 Sur l’objet du litige

 Sur le premier chef de conclusions de la requérante, en ce qu’il est demandé au Tribunal de prononcer la déchéance de la marque contestée.

20      En ce qui concerne le premier chef de conclusions de la requérante, il y a lieu de relever que celui-ci tend, outre à ce que le Tribunal annule la décision attaquée, à ce qu’il prononce la déchéance de la marque contestée.

21      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des jugements déclaratoires (voir, en ce sens, ordonnance du 9 décembre 2003, Italie/Commission, C‑224/03, non publiée, EU:C:2003:658, points 20 et 21, et arrêt du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, EU:T:2009:27, point 23).

22      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le premier chef de conclusions de la requérante, pour cause d’incompétence, dans la mesure où, en substance, il tend à ce que le Tribunal déclare que la marque contestée est déchue.

 Sur le second chef de conclusions de l’intervenante, par lequel elle demande au Tribunal de maintenir ses droits sur la marque contestée

23      En ce qui concerne le second chef de conclusions de l’intervenante, il y a lieu de relever que, par celui-ci, elle sollicite du Tribunal qu’il maintienne ses droits sur la marque contestée pour l’ensemble des produits qu’elle désigne.

24      Or, dans la mesure où il serait fait droit au premier chef de conclusions de l’intervenante, par lequel elle sollicite la confirmation de la décision attaquée et qui doit s’interpréter comme tendant au rejet du recours en ce qu’il tend à l’annulation de cette même décision, cela aurait nécessairement pour conséquence le maintien de ses droits sur la marque contestée. Ainsi, son chef de conclusions tendant au maintien de ses droits sur la marque contestée doit être considéré comme étant dépourvu de caractère autonome par rapport à son premier chef de conclusions.

25      En outre, pour autant que le chef de conclusions de l’intervenante tendant au maintien de ses droits sur la marque contestée devrait être considéré, au vu de ses écritures, comme s’apparentant à une demande de réformation de la décision attaquée en ce qui concerne l’appréciation de la condition tenant à ce que la marque contestée soit devenue la désignation usuelle dans le commerce des produits qu’elle désigne, il convient de relever qu’une telle demande ne pourrait, en toute hypothèse, être recevable à défaut pour l’intervenante d’avoir présenté un recours incident, lequel tendrait, en application de l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure, à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête.

 Sur le fond

26      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si la marque est devenue, par le fait de l’activité ou de l’inactivité de son titulaire, la désignation usuelle dans le commerce d’un produit ou d’un service pour lequel elle est enregistrée.

27      Le titulaire d’une marque peut alors être déchu des droits qui lui sont conférés par l’article 9 du règlement 2017/1001 pour autant, premièrement, que cette marque est devenue, dans le commerce, une désignation usuelle d’un produit ou d’un service pour lequel elle est enregistrée et, deuxièmement, que cette mutation est due à l’activité ou à l’inactivité dudit titulaire. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2018, Mendes/EUIPO – Actial Farmaceutica (VSL#3), T‑419/17, EU:T:2018:282, point 26 et jurisprudence citée].

 Sur la condition tenant au fait que la marque contestée est devenue la désignation usuelle dans le commerce des produits qu’elle désigne

28      Il ressort de la jurisprudence que l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 vise une situation dans laquelle la marque n’est plus apte à remplir sa fonction d’origine, à savoir identifier les produits ou les services qu’elle désigne comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises (voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2018, VSL#3, T‑419/17, EU:T:2018:282, points 22 et 23 et jurisprudence citée).

29      Ainsi, alors que l’article 7 du règlement 2017/1001 énumère des situations dans lesquelles la marque n’est pas susceptible ab initio de remplir sa fonction d’indication d’origine, l’article 58, paragraphe 1, sous b), dudit règlement concerne la situation dans laquelle l’usage de la marque s’est à ce point généralisé que le signe qui la constitue tend à désigner la catégorie, le genre ou la nature des produits ou des services visés par l’enregistrement et non plus les produits ou les services spécifiques provenant d’une entreprise déterminée. La marque, devenue la désignation usuelle d’un produit, a dès lors perdu son caractère distinctif, de sorte qu’elle ne remplit plus cette fonction (voir, par analogie, arrêt du 18 mai 2018, VSL#3, T‑419/17, EU:T:2018:282, point 25 et jurisprudence citée).

30      Il convient de relever que la requérante soutient que la chambre de recours a méconnu l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 en retenant que l’intervenante ne pouvait être déchue de ses droits. Dans la mesure où il ressort des points 26 et 27 ci-dessus que ladite déchéance implique la réunion de deux conditions cumulatives, il convient d’examiner non seulement le bien-fondé de la condition tenant au fait que la perte du caractère distinctif de la marque contestée soit imputable à l’activité ou à l’inactivité de l’intervenante, contestée par la requérante dans son moyen unique, mais également le bien-fondé des appréciations de la chambre de recours portant sur la condition tenant à ce que la marque contestée soit devenue la désignation usuelle dans le commerce des produits qu’elle désigne.

31      En effet, dans la logique interne de l’article 58 paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, l’existence d’une marque devenue la désignation usuelle dans le commerce des produits qu’elle désigne constitue une condition préalable à l’examen de la question de savoir si ce caractère usuel est imputable à l’activité ou à l’inactivité de son titulaire.

32      Il doit, partant, être considéré que cette question fait également partie des éléments de droit du litige porté devant le Tribunal, alors même qu’elle n’a pas été abordée par la requérante, mais seulement par l’intervenante. En effet, il convient de relever que, tout en ne devant statuer que sur la demande des parties, auxquelles il appartient de délimiter le cadre du litige, le juge ne saurait être tenu par les seuls arguments invoqués par celles-ci au soutien de leurs prétentions, sauf à se voir contraint, le cas échéant, de fonder sa décision sur des considérations juridiques erronées [voir arrêt du 21 juin 2017, M/S. Indeutsch International/EUIPO – Crafts Americana Group (Représentation de chevrons entre deux lignes parallèles), T‑20/16, EU:T:2017:410, point 30 et jurisprudence citée].

33      Tout d’abord, pour les raisons exposées au point 24 de la décision attaquée, les preuves que la requérante est tenue de produire, en tant que demanderesse en déchéance, doivent se rapporter à la période comprise entre la date d’enregistrement de ladite marque, à savoir le 29 novembre 2013, et la date de la demande de déchéance, à savoir le 24 février 2021 [voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2018, Mad Dogg Athletics/EUIPO – Aerospinning Master Franchising (SPINNING), T‑718/16, EU:T:2018:758, point 17].

34      Ensuite, ainsi que cela résulte du point 25 de la décision attaquée, les preuves en question peuvent se rapporter uniquement au territoire français. En effet, lorsqu’il est démontré qu’une marque de l’Union européenne a perdu tout caractère distinctif dans une partie limitée du territoire de l’Union européenne le cas échéant dans un seul État membre, ce constat implique nécessairement qu’elle n’est plus susceptible d’avoir les effets prévus par le règlement 2017/1001 dans toute l’Union (voir, par analogie, arrêt du 8 novembre 2018, SPINNING, T‑718/16, EU:T:2018:758, point 34).

35      Par ailleurs, en ce qui concerne le public pertinent, il y a également lieu d’approuver les appréciations de la chambre de recours, qui figurent au point 28 de la décision attaquée, selon lesquelles les produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée s’adressent à la fois aux consommateurs faisant partie du grand public désireux d’installer une structure permettant la pratique de différents sports dans un jardin et aux utilisateurs de ces produits, aux collectivités locales qui achètent ces structures pour un usage public et aux professionnels qui vendent ou revendent ces produits. Si l’intervenante critique le fait que, selon elle, la plupart des preuves produites par la requérante concernaient un usage auprès des collectivités locales et des établissements publics et non auprès du consommateur final, en revanche, elle ne remet pas en cause la définition du public pertinent par la chambre de recours.

36      À cet égard, il y a lieu de constater que ces appréciations apparaissent conformes aux éléments du dossier de l’affaire ainsi qu’aux orientations dégagées par la jurisprudence selon lesquelles une marque de l’Union européenne est susceptible d’être déchue, conformément à l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, si elle est devenue la désignation usuelle du produit ou du service qu’elle désigne pour, non pas simplement quelques personnes, mais pour la grande majorité du public concerné, y compris les personnes participant à la commercialisation du produit ou du service en cause (voir, par analogie, arrêt du 29 avril 2004, Björnekulla Fruktindustrier, C‑371/02, EU:C:2004:275, points 23 à 26).

37      Il y a également lieu de constater que, contrairement à ce que soutient l’intervenante, la chambre de recours n’a pas seulement considéré le public institutionnel, constitué en grande partie de collectivités locales ou territoriales, mais elle a également tenu compte du grand public ainsi que des professionnels intervenant dans la commercialisation des produits désignés par la marque contestée.

38      Enfin, s’agissant de l’acquisition par la marque contestée d’un caractère usuel et générique auprès du public pertinent, la chambre de recours a considéré, aux points 29 à 33 de la décision attaquée, qu’il était exact que l’expression « city stade » était utilisée dans le commerce sous une forme générique, au singulier ou au pluriel, précédée d’articles tels que « un », « le », « des », « son », « du », « des » ou « votre », afin de désigner un terrain multisport. Ainsi, la marque contestée aurait cessé de remplir, dans le commerce des structures pour terrains multisports, sa fonction essentielle d’indication d’origine, ce qui aurait exposé l’intervenante à la déchéance des droits conférés par celle-ci.

39      Premièrement, il convient de relever que, parmi les 56 pièces produites par la requérante lors de la procédure devant l’EUIPO, regroupées et numérotées de 1 à 56 à l’annexe A 9 de la requête, un nombre significatif de ces pièces permet de constater l’utilisation générique au cours de la période pertinente de l’expression « city stade », au singulier ou au pluriel et éventuellement précédée d’un article, par un nombre important de collectivités locales ou territoriales, notamment des communes, ainsi que par des institutions publiques, et ce afin de désigner à titre générique, dans le cadre de procédures d’appels d’offres, de marchés publics ou d’actions de communication institutionnelle, des terrains multisports semblables en tous points aux produits pour lesquels la marque contestée a été enregistrée (pièces de l’annexe A 9 numérotées 1, 2, 3, 6, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 22, 24, 25, 36, 37, 43, 45, 46, 47, 48, 49, 50 et 51).

40      En ce qui concerne la pièce de l’annexe A 9 numérotée 1, qui émane du ministère des Sports français, bien qu’elle soit datée de janvier 2011, elle était, selon le constat de la chambre de recours que rien ne permet de contredire, encore disponible le 17 mai 2016, c’est-à-dire pendant la période pertinente.

41      En ce qui concerne les pièces de l’annexe A 9 numérotées 37 et 50, même si elles correspondent à l’installation auprès de collectivités de produits provenant de la requérante elle-même, il convient de constater que « city stade » y est utilisé comme une expression générique et non comme une marque.

42      La prise en compte de l’usage de l’expression « city stade » lors de procédures d’appels d’offres ou de marchés publics (pièces de l’annexe A 9 numérotées 14, 16 et 18) est, contrairement à ce que soutient l’intervenante, parfaitement pertinente pour apprécier si cette expression est devenue une désignation usuelle et générique auprès de la partie significative du public pertinent constituée des collectivités locales. En effet, il doit être rappelé que les collectivités locales qui achètent des « structure[s] complète[s] en acier habillé bois ou métal permettant la pratique de différents sports », destinées à un usage public, font partie dudit public. Or, compte tenu du coût des produits en question, leur achat par les collectivités locales passe généralement par des procédures d’appels d’offres ou de marchés publics. Les documents afférents à de telles procédures, notamment les avis de marchés ou les extraits d’un cahier des clauses techniques (comme ceux qui ont été produits par la requérante), permettent de constater quelle est la terminologie employée à cette occasion pour désigner de façon générique les produits en question.

43      Il y a également lieu de rejeter l’argument de l’intervenante selon lequel, dans les pièces produites par la requérante, l’expression « city stade », mentionnée entre guillemets, en gras et en lettres majuscules, associée à l’expression « de type » ou commençant par la lettre majuscule « C », renverrait à la marque contestée. En effet, l’analyse de ces pièces ne permet pas de corroborer cet argument et il apparaît, au contraire, que « city stade » y est bien utilisé comme une expression générique désignant un ou des terrain(s) multisport(s) et non comme une marque.

44      Deuxièmement, s’agissant du grand public, une partie des pièces produites permet de constater un usage générique de l’expression « city stade » à destination de ce dernier, en particulier dans des articles de la presse écrite généraliste (pièces de l’annexe A 9 numérotées 10, 23, 26, 30, 32, 39, 41, 42, 44 et 52), de même que dans des dictionnaires ou des encyclopédies en ligne et sur les réseaux sociaux (pièces de l’annexe A 9 numérotées 4, 15, 20, 27, 28, 29, 35, 38).

45      S’il est exact, comme le fait valoir l’intervenante, que les pièces de l’annexe A 9 numérotées 53 à 56, qui correspondent à des articles de la presse généraliste, ne peuvent être prises en compte, dans la mesure où elles sont antérieures à la période pertinente, il apparaît toutefois que la pièce de l’annexe A 9 numérotée 52 se rapporte bien, quant à elle, à la période pertinente et qu’elle réunit des extraits d’articles émanant de huit organes différents de la presse régionale et généraliste, ce qui permet de constater un usage généralisé de l’expression « city stade » dans ce type de presse, largement lue par le grand public.

46      Troisièmement, s’agissant des concurrents de l’intervenante ainsi que des entités qui participent à la commercialisation des produits en cause, les pièces produites permettent de constater un usage répandu de l’expression « city stade » sur leurs sites Internet ou dans leurs documents commerciaux (pièces de l’annexe A 9 numérotées 7, 9, 19, 21, 31, 33, 34 et 40). Le fait que l’intervenante, ainsi qu’elle le fait valoir, ait pu contester certains de ces usages auprès de ses concurrents est sans conséquence sur le constat objectif qu’il existe un usage généralisé de l’expression « city stade » par les personnes participant à la commercialisation des produits en cause.

47      Par conséquent, contrairement à ce que soutient l’intervenante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreurs lorsqu’elle a considéré que la marque contestée était devenue la désignation usuelle dans le commerce des produits qu’elle désignait, à l’égard du public pertinent comprenant le public institutionnel, constitué des collectivités locales, le grand public et les professionnels intervenant dans la commercialisation des produits en question. Il n’y a donc pas lieu de remettre en cause les motifs figurant à cet égard dans la décision attaquée.

 Sur la condition tenant au fait que la perte de son caractère distinctif par la marque contestée est imputable à l’activité ou à l’inactivité de l’intervenante

48      Selon la jurisprudence, au regard des dispositions de l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, dans le cadre d’une mise en balance des intérêts du titulaire d’une marque et de ceux de ses concurrents liés à une disponibilité des signes, la perte du caractère distinctif d’une marque de l’Union européenne ne peut être opposée au titulaire de celle-ci que si cette perte est due à son activité ou à son inactivité (voir, par analogie, arrêt du 6 mars 2014, Backaldrin Österreich The Kornspitz Company, C‑409/12, EU:C:2014:130, point 32 et jurisprudence citée).

49      Si la notion d’« activité » peut s’entendre comme étant le fait pour le titulaire d’une marque de l’Union européenne d’utiliser lui-même cette dernière comme une désignation générique, la Cour a jugé que la notion d’« inactivité » pouvait s’entendre non seulement comme l’omission du titulaire d’une marque de demander en temps utile à l’autorité compétente d’interdire aux tiers concernés de faire usage d’un signe pour lequel il existe un risque de confusion, mais également comme toutes les omissions par lesquelles le titulaire d’une marque se montre insuffisamment vigilant quant à la préservation du caractère distinctif de sa marque (voir, par analogie, arrêt du 6 mars 2014, Backaldrin Österreich The Kornspitz Company, C‑409/12, EU:C:2014:130, points 33 et 34).

50      En l’espèce, aux points 35 à 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que l’intervenante avait pris soin d’utiliser systématiquement le symbole « ® » après la marque contestée sur tous ses produits et dans sa documentation publicitaire sous diverses formes, afin d’avertir le public qu’il s’agissait d’une marque destinée à déterminer l’origine commerciale des produits et non d’une expression générique. L’intervenante aurait également reproduit la marque contestée, sous l’intitulé « nos marques », à la dernière page de certains de ses catalogues. De plus, avant la demande en déchéance, l’intervenante aurait défendu à trois reprises la marque contestée à l’encontre de tiers, par l’envoi de lettres de mise en demeure, démontrant ainsi qu’elle avait pris des mesures pour lutter contre son usage en tant qu’expression générique, et elle aurait poursuivi activement la défense de la marque contestée auprès de sept autres sociétés après l’introduction de la demande en déchéance. Dans ces conditions, selon la chambre de recours, la perte du caractère distinctif de la marque contestée ne pouvait être considérée comme étant imputable à l’activité ou à l’inactivité de l’intervenante, de sorte que, contrairement à ce qu’avait estimé la division d’annulation, les conditions de la déchéance de la marque contestée, telles que prévues à l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, n’étaient pas réunies.

51      Il y a donc lieu d’examiner si la chambre de recours, pour parvenir à cette conclusion, a fait une juste appréciation des différentes actions caractérisant l’activité ou l’inactivité de l’intervenante, comme facteurs ayant contribué à la perte du caractère distinctif de la marque contestée.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de l’insuffisance de l’utilisation du symbole « ® » et de l’utilisation de la marque contestée sur les produits et la documentation publicitaire de l’intervenante

52      Premièrement, s’agissant du constat par la chambre de recours de l’apposition systématique par l’intervenante du symbole « ® » à la marque contestée sur tous ses produits et dans sa documentation publicitaire sous diverses formes, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, en substance, il n’existe pas de pratique établie selon laquelle le symbole « ® » conférerait automatiquement un caractère distinctif à une indication descriptive. L’emploi du symbole « ® », lorsqu’il est accolé à une marque, peut être considéré comme un facteur qui n’est pas dénué de pertinence pour apprécier si un terme ou une expression est utilisé en tant que marque de l’Union européenne ou à titre descriptif des produits concernés, mais il ne saurait toutefois être considéré comme étant déterminant [voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2022, Privatbrauerei Eichbaum/EUIPO – Anchor Brewing Company (STEAM), T‑609/21, non publié, EU:T:2022:563, point 113 et jurisprudence citée].

53      Dans ces conditions, l’emploi du symbole « ® » par l’intervenante, à supposer même qu’il ait été aussi systématique que l’a retenu la chambre de recours, permet, certes, de constater la mise en œuvre de certains efforts afin de préserver auprès du public pertinent le caractère distinctif de la marque contestée, mais ses effets doivent être considérés comme étant très limités, contrairement à ce qu’a estimé, en substance, la chambre de recours. En effet, il ne saurait être admis que, de la part d’un professionnel, une action ayant à l’évidence une faible portée juridique soit considérée comme une activité susceptible de produire des effets concrets déterminants s’agissant de la préservation des droits conférés par une marque de l’Union européenne.

54      Deuxièmement, s’agissant de la reproduction de la marque contestée, dans une rubrique intitulée « Nos marques », à la dernière page de certains des catalogues de la requérante, il y a lieu de constater, à l’instar de ce que fait observer la requérante, qu’elle n’était pas systématique et que, notamment, elle ne figurait pas sur un nombre significatif des catalogues produits par l’intervenante devant l’EUIPO (annexes A 11 et A 12 de la requête, annexes 8-1, 8-1-1, 8-2, 8-2-1, 8-2-3, 8-2-9 et 8-2-12 de l’intervenante devant la chambre de recours).

55      En outre, le caractère générique de l’expression « city stade », lorsqu’elle apparaissait dans les catalogues de la requérante, même accolée au symbole « ® », sur la même page que des illustrations ou des photographies de stades multisports en milieu urbain, pouvait laisser penser, en raison de son caractère descriptif, qu’elle constituait une légende de ces reproductions ou de ces photographies, plutôt qu’une marque de l’Union européenne. À cet égard, il peut être relevé, par exemple, que, sur l’un de ses catalogues (annexe 12 de la requête, annexe 8-2-2 de l’intervenante devant la chambre de recours), l’intervenante utilise les slogans « Nous travaillons ensemble afin de créer votre CITY STADE® » ou « Créez vous-même votre CITY STADE® ». Or, un tel usage peut facilement donner lieu à une compréhension de l’expression « city stade » dans un sens générique par le public pertinent, même si la représentation graphique de l’expression « city stade », en lettres majuscules de couleur rouge, est identique à celle de la marque contestée.

56      Dans ces conditions, s’il ne saurait être fait grief à l’intervenante d’avoir elle-même promu, de façon généralisée, un usage générique de la marque contestée, l’usage qu’elle en a fait dans ses catalogues n’était pas dépourvu de toute ambiguïté à l’égard du public pertinent.

57      Il y a donc lieu de déclarer la première branche du moyen unique du recours partiellement fondée, car la perte du caractère distinctif de la marque contestée peut être imputée, dans une certaine mesure au moins, à l’activité de la requérante, ce dont il conviendra de tirer les conséquences lorsqu’il sera apprécié globalement si la perte du caractère distinctif de la marque contestée est due au fait de l’activité ou de l’inactivité de sa titulaire.

 Sur les deuxième et troisième branches du moyen unique, tirées de l’inaction de l’intervenante en tant que titulaire de la marque contestée

58      Premièrement, s’agissant des actions entreprises par l’intervenante, énumérées aux points 41 et 42 de la décision attaquée, aux fins de la préservation du caractère distinctif de la marque contestée auprès de tiers, en particulier de ses concurrents, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours elle-même, qu’elles ont été peu nombreuses, cette dernière ayant mentionné uniquement l’envoi de trois lettres de mise en demeure adressées à des concurrents au cours de la période pertinente qui s’est étalée sur presque huit années. Même si le secteur comporte un nombre limité de fabricants ou de revendeurs et que l’usage généralisé de la marque contestée à titre générique par les professionnels du secteur n’est intervenu, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, qu’à partir de 2021, l’envoi, à la fin de l’année 2020, d’un nombre si faible de lettres de mise en demeure apparaît comme étant une réaction très faible dans l’absolu.

59      La poursuite de la défense de la marque contestée auprès de sept autres sociétés après l’introduction de la demande en déchéance doit être considérée comme une action tardive de l’intervenante, sans incidence sur l’acquisition de la déchéance à l’issue de la période pertinente.

60      Deuxièmement, au regard des éléments figurant dans le dossier de l’affaire, il apparaît que des dictionnaires ou des encyclopédies en ligne et certains réseaux sociaux de partage (voir point 44 ci-dessus) utilisent également l’expression « city stade » à titre générique, sans que cela ait suscité de réaction de la part de la requérante. Or, en vertu de l’article 12 du règlement 2017/1001, si la reproduction d’une marque de l’Union européenne dans un dictionnaire, une encyclopédie ou un ouvrage à consulter similaire donne l’impression qu’elle constitue le terme générique des biens ou des services pour lesquels la marque est enregistrée, l’éditeur veille, sur demande du titulaire de la marque de l’Union européenne, à ce que la reproduction de la marque de l’Union européenne soit, au plus tard lors de l’édition suivante de l’ouvrage, accompagnée de l’indication qu’il s’agit d’une marque enregistrée.

61      Ainsi, contrairement à ce qu’a retenu la chambre de recours, l’inactivité de l’intervenante en tant que titulaire de la marque contestée doit être considérée comme étant caractérisée, de sorte que les deuxième et troisième branches du moyen unique de la requérante doivent être accueillies comme étant bien fondées.

62      Ainsi, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, le fait que la marque contestée est devenue la désignation usuelle dans le commerce des produits pour lesquels elle a été enregistrée est imputable tant à l’activité, dans une certaine mesure, qu’à l’inactivité de l’intervenante, caractérisée par un faible niveau de vigilance, ainsi que par une forme de passivité.

63      Il y a donc lieu de déclarer le moyen unique bien fondé et d’accueillir le recours en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée et, partant, d’annuler cette dernière.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

65      En l’espèce, il doit être rappelé que la requérante a uniquement conclu à la condamnation de l’intervenante, et non de l’EUIPO, aux dépens.

66      L’intervenante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, y compris ceux exposés par cette dernière devant la chambre de recours, dans la mesure où, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition, qui ne seront donc pas mis à la charge de l’intervenante.

67      L’EUIPO ayant succombé en ses conclusions, celui-ci supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 février 2023 (affaire R 179/20222) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens.

3)      Tennis d’Aquitaine SAS est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Sports et loisirs (Casal sport) dans la procédure devant le Tribunal et devant la chambre de recours.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.