Language of document : ECLI:EU:F:2015:34

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

23 avril 2015 (*)

« Fonction publique – Agent contractuel – Rémunération – Bulletin de rémunération – Caractère confirmatif – Non-respect des exigences de la procédure précontentieuse – Réforme du statut des fonctionnaires – Augmentation de la durée du travail sans adaptation du salaire – Absence d’incidence sur la nature confirmative du bulletin de rémunération – Inégalité de traitement entre agents contractuels et agents locaux – Article 81 du règlement de procédure »

Dans l’affaire F‑131/14,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

David Bensai, agent contractuel de la Commission européenne, demeurant à Mullendorf (Luxembourg), représenté par Me A. Salerno, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. G. Berscheid, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de MM. R. Barents, président, E. Perillo et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 16 novembre 2014, M. Bensai demande l’annulation de son bulletin de rémunération établi par la Commission européenne pour le mois de janvier 2014 au motif que la rémunération y figurant est inférieure à celle de l’une de ses collègues travaillant dans le même secteur et exerçant, selon lui, des fonctions comparables voire moins importantes que les siennes.

 Cadre juridique

 Sur le classement et la rémunération des agents contractuels

2        L’article 80, paragraphe 1, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige et résultant du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO L 124, p. 1, ci-après le « RAA »), dispose :

« Les agents contractuels sont répartis en quatre groupes de fonctions correspondant aux tâches qu’ils sont appelés à exercer. Chaque groupe de fonctions est subdivisé en grades et en échelons. »

3        Aux termes du tableau figurant à l’article 80, paragraphe 2, du RAA, des « [t]âches manuelles et d’appui administratif effectuées sous le contrôle de fonctionnaires ou d’agents temporaires » sont confiées aux agents relevant du groupe de fonctions I, subdivisé en trois grades, à savoir les grades 1 à 3.

4        Aux termes de l’article 19 du RAA, applicable aux agents contractuels en vertu de l’article 92 du RAA, « [l]a rémunération de l’agent temporaire comprend un traitement de base, des allocations familiales et des indemnités ».

5        L’article 93 du RAA établit, sous la forme d’un tableau, le barème des traitements de base des agents contractuels. Chaque traitement de base est fonction de trois paramètres, à savoir le groupe de fonctions, le grade et l’échelon.

 Sur l’engagement d’agents, initialement recrutés sous un régime d’agent local, en qualité d’agents contractuels

6        Dans le cadre de la réforme statutaire entrée en vigueur le 1er mai 2004, le règlement no 723/2004 a introduit une annexe au RAA intitulée « Mesures transitoires applicables aux agents relevant du [RAA] ».

7        L’article 2 de l’annexe au RAA dispose :

« 1.      Conformément au [RAA], l’autorité [habilitée à conclure les contrats d’engagement] propose un contrat d’agent contractuel à durée indéterminée à toute personne employée par l’Union le 1er mai 2004 dans le cadre d’un contrat de durée indéterminée en tant qu’agent local dans l’Union européenne ou en vertu de la législation nationale dans l’un des agences et organismes visés à l’article 3 bis, paragraphe 1, [sous] b) et c), du [RAA]. La proposition d’engagement est fondée sur une évaluation des tâches que l’agent contractuel devra exécuter. Ce contrat prend effet au plus tard le 1er mai 2005. […]

2.      Dans le cas où le classement de l’agent qui accepte l’offre de contrat se traduirait par une baisse de sa rémunération, l’institution a la faculté de verser un montant supplémentaire tenant compte des différences existant entre la législation en matière de fiscalité, de sécurité sociale et de pensions de l’État membre d’affectation et les dispositions applicables à l’agent contractuel.

[…]

4.      L’agent qui n’accepte pas l’offre visée au paragraphe 1 peut conserver sa relation contractuelle avec l’institution. »

 Sur la durée du travail

8        Les articles 55 à 56 quater du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable par analogie aux agents contractuels en vertu des articles 16 et 91 du RAA, portent sur la « [d]urée du travail » des fonctionnaires et agents.

9        Dans sa version antérieure au règlement (EU, Euratom) n1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, (JO L 287, p. 15), l’article 55 du statut prévoyait, sans pour autant fixer, au niveau statutaire, une durée minimale de travail hebdomadaire, que « [l]es fonctionnaires en activité [étaie]nt à tout moment à la disposition de leur institution [; t]outefois, la durée normale du travail ne p[ouvai]t excéder 42 heures par semaine, accomplies conformément à un horaire général établi par l’autorité investie du pouvoir de nomination ».

10      En revanche, dans sa version résultant du règlement no 1023/2013, applicable depuis le 1er janvier 2014, l’article 55 du statut prévoit désormais que « [l]a durée normale du travail varie entre 40 et 42 heures par semaine, les horaires de travail étant établis par l’autorité investie du pouvoir de nomination ».

 Faits à l’origine du litige

11      Du 1er août 1997 au 30 avril 2005, le requérant a été employé par la Commission en qualité d’agent de restaurant sous les régimes d’agent local, y compris en tant que travailleur intérimaire, et d’agent auxiliaire, cette dernière catégorie de personnel ayant été supprimée par le règlement n1023/2013.

12      Depuis le 1er mai 2005, le requérant est employé à durée indéterminée par l’Office des infrastructures et de la logistique (OIL), à Luxembourg (Luxembourg), en qualité d’agent contractuel. À cet égard, le contrat d’engagement signé par le requérant, le 29 juin 2005, en remplacement du précédent contrat d’agent local engagé à durée indéterminée, stipule qu’il est classé dans le groupe de fonctions I, au grade 1, échelon 1 et que, en tant qu’agent contractuel, il est « rémunéré au mois ». Respectivement les 1er mai 2007 et 1er janvier 2013, le requérant a été reclassé au grade 2 puis au grade 3 du même groupe de fonctions.

13      Ainsi, le requérant exerce actuellement les fonctions de « responsable de la coordination opérationnelle du personnel des restaurants et des cafétérias », et percevait, en raison de son classement au grade 3, échelon 1, du groupe de fonctions I et par application du barème établi à l’article 93 du RAA, un traitement mensuel de base de 2 364,28 euros à la date d’introduction du présent recours.

14      En application de l’article 55 du statut, dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2014, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de la Commission avait fixé à 37 heures et 30 minutes la durée normale du travail au sein de cette institution. À la suite de l’entrée en vigueur du règlement n1023/2013, la durée minimale du travail dans toutes les institutions a désormais été portée, en application de cette disposition, à 40 heures, nonobstant la possibilité pour chaque AIPN de fixer une durée supérieure ne pouvant toutefois dépasser 42 heures, faculté dont l’AIPN de la Commission n’a, à ce jour, pas fait usage.

15      Par conséquent, s’agissant du requérant, sa durée de travail hebdomadaire est passée, à partir du 1er janvier 2014, de 37 heures et 30 minutes à 40 heures, tandis que son bulletin de rémunération établi pour le mois de janvier 2014 est demeuré inchangé par rapport à ceux établis au cours de l’année 2013.

16      Le 14 avril 2014, le requérant a, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de la Commission (ci-après l’« AHCC »), contenue dans son bulletin de rémunération établi pour le mois de janvier 2014, fixant le montant de sa rémunération.

17      À cet égard, le requérant constatait que son traitement de base au 1er janvier 2014, à savoir 2 364,28 euros, n’était guère différent de celui qu’il percevait en 2005, en l’occurrence 2 203,24 euros, et ce nonobstant l’augmentation de sa durée hebdomadaire de travail intervenue le 1er janvier 2014.

18      En particulier, il faisait valoir que, en comparaison avec la rémunération mensuelle perçue au 1er janvier 2014 par l’une de ses collègues, à savoir 2 816,12 euros selon la fiche de rémunération qu’elle avait accepté de lui dévoiler, il faisait l’objet d’une discrimination en sa qualité d’agent contractuel. En effet, cette collègue, entrée en fonctions le 1er mars 2005 et qui était demeurée employée par la Commission sous le régime d’agent local de droit luxembourgeois, percevrait une rémunération brute supérieure à celle du requérant qui, lui, avait perdu le bénéfice du régime luxembourgeois lorsqu’il avait accepté de devenir agent contractuel en mai 2005.

19      Or, en comparant la description de son poste à celle du poste occupé par cette collègue, celle-ci exercerait des fonctions analogues voire moins importantes que celles du requérant. Dans ce contexte, le requérant précisait que, « [p]our dissiper toute ambiguïté quant à l’objet de [s]a […] réclamation, […] ce qui est […] en cause ici n’est pas la grille de rémunération des agents contractuels, telle qu’elle est fixée par le RAA, mais l’inégalité très concrète de rémunération dont [il est victime], du fait de l’application qui en est faite par la Commission ».

20      Par conséquent, le requérant demandait à la Commission de lui assurer une rémunération non discriminatoire par rapport aux collègues exerçant des fonctions analogues, en particulier par rapport à sa collègue continuant à être rémunérée en application du droit luxembourgeois.

21      Par décision du 6 août 2014, l’AHCC a rejeté la réclamation comme étant, à titre principal, irrecevable et, à titre subsidiaire, non fondée.

22      À cet égard, l’AHCC a indiqué que, contrairement à ce qu’avait évoqué le requérant, la modification statutaire relative à la durée normale du travail, entrée en vigueur le 1er janvier 2014, ne saurait être assimilée à une modification unilatérale de la relation contractuelle entre le requérant et la Commission, puisque ladite durée du travail est régie par le RAA. Partant, aucune décision individuelle ne serait intervenue à cette date dans le cas du requérant. Selon l’AHCC, invoquant à cet égard la jurisprudence résultant notamment du point 26 de l’arrêt du 11 juillet 1996, Ortega Urretavizcaya/Commission (T‑587/93, EU:T:1996:100), l’acte faisant grief, s’agissant du montant du traitement brut du requérant, perçu en janvier 2014, était son contrat d’engagement datant de 2005 ainsi que la décision, qui en découlait, de classement dans le groupe de fonctions, le grade et l’échelon. Or, le requérant ne les a jamais contestés, de sorte qu’il ne saurait saisir l’occasion de l’entrée en vigueur d’une réforme du statut, comme celle intervenue le 1er janvier 2014, pour contester le montant de sa rémunération, laquelle est fonction, non pas de la durée normale du travail, mais du groupe de fonctions, du grade et de l’échelon du requérant. En tout état de cause, ces trois derniers paramètres, seuls pertinents dans la détermination de son traitement mensuel brut, auraient été modifiés en dernier lieu lors de son reclassement au grade 3, échelon 1, du groupe de fonctions I, intervenu le 1er janvier 2013 et à l’encontre duquel il n’a, en l’occurrence, pas introduit de réclamation.

23      À titre subsidiaire, quant au fond, l’AHCC a notamment répondu, premièrement, que, selon la jurisprudence, notamment l’arrêt du 13 juillet 1972, Besnard e.a./Commission (55/71 à 76/71, 86/71, 87/71 et 95/71, EU:C:1972:66, point 19), la rémunération est déterminée en fonction du grade et de l’emploi et non l’inverse ; deuxièmement, que le requérant n’avait pas démontré que la nature des tâches qui lui étaient confiées dépassait celle des tâches normalement assignées à des agents relevant du groupe de fonctions I ; et, troisièmement, que, s’agissant des différences de statut existant entre les diverses catégories de personnes employées par l’Union, soit en tant que fonctionnaires, soit au titre des différentes catégories d’agents relevant du RAA, ces différences ne sauraient être mises en cause, ainsi que cela ressort d’une jurisprudence constante et notamment de l’arrêt du 17 novembre 2009, Palazzo/Commission (F‑57/08, EU:F:2009:152, point 38, et la jurisprudence citée). Partant, l’AHCC considérait que le requérant ne saurait invoquer le principe d’égalité de traitement pour exiger une rémunération au moins égale à celle perçue par des agents de la Commission engagés ou demeurant employés en vertu du droit luxembourgeois. En tout état de cause, la revendication salariale du requérant correspondrait à la rémunération prévue pour les agents contractuels classés au grade 7 du groupe de fonctions II, alors même que le requérant ne conteste pas son classement en groupe de fonctions, grade et échelon ou l’absence de correspondance entre ses fonctions et ledit classement.

24      Quant à l’augmentation de la durée normale hebdomadaire de travail, l’AHCC relevait, toujours dans la décision de rejet de la réclamation, que le requérant n’avait développé aucun argument concret au soutien de son allégation selon laquelle celle-ci aurait dû s’accompagner d’une augmentation du montant de son traitement de base et que, en tout état de cause, la rémunération des fonctionnaires et agents de l’Union repose sur une base forfaitaire pour laquelle le statut n’établit pas de lien avec la durée normale du travail exigée des intéressés.

 Conclusions des parties

25      Le requérant demande au Tribunal :

–        d’« annuler son bulletin de rémunération pour le mois de janvier 2014 en ce qu’il traduit et consacre une discrimination salariale entre lui-même et une collègue, Mme [X], qui, travaillant dans le même secteur que lui et exerçant des responsabilités inférieures aux siennes, est mieux rémunérée au niveau du salaire brut que lui » ;

–        de condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission demande au Tribunal :

–        à titre principal, de rejeter le recours comme étant irrecevable, et, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ;

–        de condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la décision du Tribunal de statuer par voie d’ordonnance motivée

27      En vertu de l’article 81 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

28      En particulier, en vertu d’une jurisprudence constante, le rejet du recours par voie d’ordonnance motivée adoptée sur le fondement de l’article 81 du règlement de procédure, non seulement contribue à l’économie du procès, mais épargne également aux parties les frais que la tenue d’une audience comporterait, lorsque, à la lecture du dossier d’une affaire, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces dudit dossier, est entièrement convaincu de l’irrecevabilité manifeste de la requête ou de son caractère manifestement dépourvu de tout fondement en droit et considère, de surcroît, que la tenue d’une audience ne serait pas de nature à offrir d’éléments nouveaux susceptibles d’infléchir sa conviction (ordonnance du 10 juillet 2014, Mészáros/Commission, F‑22/13, EU:F:2014:189, point 39, et la jurisprudence citée).

29      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour se prononcer et décide ainsi qu’il y a lieu de faire usage de l’article 81 de son règlement de procédure et, partant, de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

 Sur le recours

30      Par son recours, le requérant tend en substance à mettre en cause le montant de sa rémunération, tel qu’il figure dans son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014, au regard de celui de sa collègue et de la circonstance que, à salaire constant, il preste, depuis le 1er janvier 2014, un nombre accru d’heures de travail.

 Arguments des parties

31      À l’instar de ce qu’elle avait répondu dans la décision de rejet de la réclamation, la Commission conclut à l’irrecevabilité du recours en ce que, par celui-ci, le requérant met en cause le montant de son traitement mensuel, tel que figurant dans son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014, alors même que ledit montant résulte de son contrat de travail en tant qu’agent contractuel, conclu en 2005, et, en tout état de cause, du reclassement le concernant intervenu le 1er janvier 2013. Or, dans la mesure où il n’a pas introduit de réclamation dans le délai statutaire ni à l’encontre du contrat de travail conclu en 2005 ni à l’encontre de son reclassement intervenu le 1er janvier 2013, le requérant ne saurait invoquer l’entrée en vigueur de la réforme, le 1er janvier 2014, pour démontrer l’absence de caractère confirmatif de la décision contenue dans son bulletin de rémunération établi pour le mois de janvier 2014.

32      Le requérant fait valoir que, en introduisant au niveau statutaire une durée minimale de travail hebdomadaire de 40 heures, la modification de la durée normale de travail hebdomadaire, intervenue le 1er janvier 2014, a eu pour conséquence de réduire le taux horaire de sa rémunération puisque celle-ci est demeurée la même, nonobstant l’augmentation du nombre d’heures désormais prestées pour son employeur. Ceci constituerait une modification unilatérale de sa relation contractuelle avec la Commission qui s’est matérialisée, pour la première fois, dans son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014. Par conséquent, il s’agirait d’un acte faisant grief contre lequel il pouvait introduire sa réclamation et, ultérieurement, le présent recours, y compris pour contester le traitement salarial discriminatoire dont il prétend être victime par rapport à l’une de ses collègues et qui constitue l’objet principal du recours. À cet égard, le requérant a toutefois souligné que « la référence à l’allongement de la durée de travail hebdomadaire […] n’[a] été opérée que pour justifier la recevabilité de sa réclamation et que[,] même[,] la durée hebdomadaire du travail est totalement étrangère à la discrimination qu[’il] dénonce ».

 Appréciation du Tribunal

33      Selon une jurisprudence constante, la recevabilité d’un recours introduit devant le Tribunal, au titre de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut, est subordonnée au déroulement régulier de la procédure précontentieuse et au respect des délais qu’elle prévoit (arrêts du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, EU:T:2004:207, point 125 ; du 9 janvier 2007, Van Neyghem/Comité des régions, T‑288/04, EU:T:2007:1, point 53, et ordonnance du 14 janvier 2014, Lebedef/Commission, F‑60/13, EU:F:2014:6, point 37).

34      À cet égard, il convient de rappeler que les bulletins de rémunération, tels que celui contesté en l’espèce, peuvent certes constituer des actes faisant grief et susceptibles, en tant que tels, de faire l’objet de réclamations et éventuellement de recours (arrêts du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, EU:C:1984:18, point 4 ; du 27 octobre 1994, Benzler/Commission, T‑536/93, EU:T:1994:264, point 15, et ordonnance du 20 mars 2014, Michel/Commission, F‑44/13, EU:F:2014:40, point 49).

35      Il en est ainsi lorsqu’une décision ayant un objet purement pécuniaire est susceptible, en raison de sa nature, d’être reflétée par un tel bulletin de rémunération. Dans ce cas, la communication du bulletin mensuel de rémunération a pour effet de faire courir les délais de réclamation et de recours, visés respectivement à l’article 90, paragraphe 2, et à l’article 91, paragraphe 3, du statut, contre une décision administrative lorsque ledit bulletin fait apparaître, clairement et pour la première fois, l’existence et la portée de cette décision (arrêts du 9 janvier 2007, Van Neyghem/Comité des régions, T‑288/04, EU:T:2007:1, points 39 et 40 ; du 26 juin 2013, Buschak/Commission, F‑56/12, EU:F:2013:96, point 19, et ordonnance du 20 mars 2014, Michel/Commission, F‑44/13, EU:F:2014:40, point 50).

36      Cependant, un bulletin de rémunération, de par sa nature et son objet, n’a pas les caractéristiques d’un acte faisant grief lorsqu’il ne fait que traduire en termes pécuniaires la portée de décisions juridiques antérieures, relatives à la situation administrative du fonctionnaire (arrêt du 23 avril 2008, Pickering/Commission, F‑103/05, EU:F:2008:45, point 72) ou, en d’autres termes, lorsqu’il n’apparaît que purement confirmatif de ces décisions administratives antérieures (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2008, Lafili/Commission, F‑22/07, EU:F:2008:104, point 33).

37      Or, en l’espèce, force est de constater que la rémunération du requérant, telle qu’elle apparaît sur son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014, ne fait que refléter, de manière purement confirmative, la décision du 1er janvier 2013 portant reclassement du requérant au grade 3, échelon 1, du groupe de fonctions I et contre laquelle il n’a pas introduit de réclamation dans le délai statutaire.

38      À cet égard, le requérant fait encore valoir, pour justifier de la recevabilité de son recours, que, dans son cas, l’augmentation de la durée de travail hebdomadaire, résultant de l’insertion au niveau statutaire d’une durée minimale de travail hebdomadaire de 40 heures, aurait constitué, à partir du 1er janvier 2014, une modification unilatérale par son employeur des conditions d’emploi prévues contractuellement et, plus particulièrement, une diminution de son taux de rémunération horaire. Or, l’intervention de cette modification permettrait de constater l’existence d’un acte faisant grief contenu dans son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014.

39      Le Tribunal considère toutefois que cet argument est manifestement non fondé. En effet, d’une part, la modification unilatérale de sa relation contractuelle avec la Commission, invoquée par le requérant, a été adoptée, non pas par son employeur institutionnel, à savoir la Commission, mais par le législateur de l’Union européenne, constitué du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne, statuant selon la procédure législative ordinaire. En l’occurrence, en vertu de son article 1er, le RAA s’applique au contrat de tout agent engagé par l’Union. Or, certaines conditions de travail, telles que celles concernant la rémunération des agents et la durée de leur travail, sont fixées par le RAA, lequel est un acte législatif adopté par le législateur, et ne sont pas à la disposition des institutions, organes et organismes de l’Union dans l’exercice de leur liberté contractuelle en tant qu’AHCC.

40      D’autre part, le législateur de l’Union peut modifier à tout moment, dans le respect des dispositions des traités, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que des principes généraux du droit, les droits et les obligations des fonctionnaires et agents de l’Union, au moyen de règlements, adoptés en vertu de l’article 336 TFUE, portant modifications du statut et du RAA, lesquelles s’appliquent, sauf dérogation, aux effets futurs des situations nées sous l’empire de la loi ancienne (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, points 60 et 61). En particulier, s’agissant des modifications portant sur la durée du travail telle que définie à l’article 55 du statut, celles-ci s’appliquent également aux agents temporaires et contractuels, en vertu des articles 16 et 91 du RAA.

41      En outre, il ressort clairement des dispositions du RAA que les agents engagés sur une base contractuelle sont rémunérés en fonction de leur classement en grade et échelon au sein de leur groupe de fonctions et que, à cet égard, ils perçoivent une rémunération mensuelle, qui, formellement, n’est pas fonction de la durée normale du travail, laquelle, depuis le 1er janvier 2014, peut varier, conformément au nouveau libellé de l’article 55, paragraphe 2, du statut, entre un minimum de 40 et un maximum de 42 heures par semaine, en fonction de la décision éventuellement prise à cet égard par l’institution, organe ou organisme les employant. C’est d’ailleurs ce qui était rappelé au requérant par la mention, figurant dans son contrat d’engagement, selon laquelle il est « rémunéré au mois ».

42      Il s’ensuit que la diminution du taux horaire de sa rémunération, que le requérant invoque au soutien de la recevabilité de son recours à l’encontre de son bulletin de rémunération du mois de janvier 2014, ne constitue pas une décision unilatérale de son employeur, mais n’est que la conséquence, en pratique, d’une modification législative des dispositions pertinentes du statut et du RAA, modification législative que le requérant a, de surcroît, expressément indiqué qu’il n’entendait pas contester dans le cadre du présent recours.

43      En tout état de cause, pour autant que la prétendue différence discriminatoire de rémunération horaire entre le requérant et sa collègue aurait été accentuée à la suite de l’augmentation de sa durée de travail hebdomadaire intervenue le 1er janvier 2014, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, les différences de statut existant entre les agents locaux, d’une part, et les fonctionnaires ou les autres agents, d’autre part, ne sauraient être remises en question en vertu du principe d’égalité de traitement, ces différences juridiques objectives au niveau des garanties statutaires, du classement, de la rémunération et des avantages sociaux ayant un caractère essentiel (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2006, De Smedt/Commission, F‑59/05, EU:F:2006:105, point 76, expressément confirmé sur pourvoi par ordonnance du 9 juillet 2007, De Smedt/Commission, T‑415/06 P, EU:T:2007:205, points 54 et 55).

44      Partant, force est de conclure, premièrement, que, en ce qu’elle visait à contester son niveau de rémunération, par rapport à celui de sa collègue, tel qu’il résultait, en réalité, de son reclassement à la date du 1er janvier 2013, la réclamation introduite le 14 avril 2014 était manifestement tardive, affectant ainsi la recevabilité du présent recours pour non-respect des délais applicables à la phase précontentieuse. Secondement, en ce qu’elle visait à contester le niveau de rémunération figurant dans le bulletin de rémunération du requérant établi pour le mois de janvier 2014 par rapport au nombre d’heures de travail prestées en exécution de son contrat d’agent contractuel, la réclamation introduite le 14 avril 2014 pouvait certes être, dans une certaine mesure, recevable mais, ainsi que cela ressort des points 39 à 43 de la présente ordonnance, c’est à juste titre que l’AHCC l’a rejetée comme étant, en tout état de cause, non fondée, justifiant de la même manière le rejet du présent recours par le Tribunal comme étant manifestement non fondé à ce dernier égard.

45      Il résulte des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable et, en tout état de cause, manifestement non fondé.

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

47      Il résulte des motifs énoncés dans la présente ordonnance que le requérant a succombé en son recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé qu’il soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et être condamné à supporter les dépens exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme étant manifestement irrecevable et, en tout état de cause, manifestement non fondé.

2)      M. Bensai supporte ses propres dépens et est condamné aux dépens exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 23 avril 2015.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      R. Barents


* Langue de procédure : le français.