Language of document : ECLI:EU:T:2024:184

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

20 mars 2024 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 – Obligation de motivation – Protection juridictionnelle effective – Égalité de traitement – Principe de proportionnalité – Marge d’appréciation du CRU – Exception d’illégalité – Marge d’appréciation de la Commission – Limitation des effets de l’arrêt dans le temps »

Dans l’affaire T‑394/21,

Bayerische Landesbank, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mes H. Berger, M. Weber et D. Schoo, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par MM. J. Kerlin, T. Wittenberg et D. Ceran, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, F. Louis, P. Gey et L. Hesse, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere, D. Petrlík (rapporteur), K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 7 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Bayerische Landesbank, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.

I.      Antécédents du litige

2        La requérante est un établissement de crédit de droit public établi en Allemagne. Elle est rattachée au système de protection institutionnel (ci-après le « SPI »), de la Sparkassen-Finanzgruppe (groupe financier des caisses d’épargne, Allemagne).

3        Par la décision attaquée, le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante »), pour l’année 2021 (ci-après la « période de contribution 2021 »), des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.

4        Par avis de perception du 21 avril 2021, la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin, Autorité fédérale de surveillance des services financiers, Allemagne), en sa qualité d’autorité de résolution nationale (ci-après l’« ARN »), au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter  sa contribution ex ante pour la période de contribution 2021, telle qu’elle avait été fixée par le CRU.

II.    Décision attaquée

5        La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné de trois annexes.

6        Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2021, qui est applicable à tous les établissements.

7        Plus particulièrement, dans la section 5 de ladite décision, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2021 (ci-après le « niveau cible annuel »).

8        Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,35 % du montant moyen des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2020 (ci-après le « montant moyen des dépôts couverts en 2020 »), tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).

9        Dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021. À cet égard, il a précisé, au considérant 59 de ladite décision, que, pour cette période, 13,33 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par des établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »), conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 86,67 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l’union » et les « États membres participants »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.

10      Dans cette même section 6 de la décision attaquée, le CRU a également expliqué qu’il existait, en substance, deux catégories d’établissements assujettis aux contributions ex ante. La première catégorie comprend les établissements qui doivent verser une contribution forfaitaire eu égard à leurs caractéristiques particulières, telles que leur taille ou la nature de leurs activités. Le calcul de la contribution ex ante de ces établissements est régi par les articles 10 et 11 du règlement délégué 2015/63.

11      Les établissements relevant de la seconde catégorie doivent verser une contribution ex ante ajustée à leur profil de risque, que le CRU a fixée en suivant les phases principales suivantes.

12      Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts (ci-après le « passif net »), rapporté au passif net de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif net de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.

13      Dans la seconde phase du calcul de la contribution ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d’indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2021 – des bins (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.

14      Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.

15      Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.

16      L’annexe I de la décision attaquée contient une fiche individuelle pour chaque établissement soumis au versement des contributions ex ante, dont la requérante, qui comporte les résultats du calcul de la contribution ex ante de chacun de ces établissements (ci-après la « fiche individuelle »). Chacune de ces fiches expose le montant de la contribution annuelle de base de l’établissement concerné ainsi que la valeur de son multiplicateur d’ajustement, tant sur la base de l’union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel ledit établissement a été assigné. En outre, la fiche individuelle expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements concernés et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par l’établissement concerné dans le formulaire de déclaration et utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante.

17      L’annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d’établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.

18      L’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des commentaires soumis dans le cadre de la consultation sur les contributions ex ante au Fonds de résolution unique pour 2021 », examine les observations présentées par les établissements lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre les 5 et 19 mars 2021 en vue de l’adoption de la décision attaquée.

III. Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, y compris ses annexes, en ce qu’elle la concerne ;

–        à titre subsidiaire, constater que la décision attaquée est juridiquement inexistante, en ce qu’elle la concerne ;

–        condamner le CRU aux dépens.

20      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée, maintenir les effets de la décision attaquée jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.

21      La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

22      À l’appui de son recours, la requérante soulevait initialement dix moyens, tirés :

–        le premier, d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 3 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté Économique Européenne (JO 1958, 17, p. 385) ;

–        le deuxième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en raison de l’insuffisance de motivation de la décision attaquée ;

–        le troisième, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47, paragraphe 1, de la Charte ;

–        le quatrième, d’une exception d’illégalité des articles 4 à 9 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, fondée sur la violation du droit à une protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47, paragraphe 1, de la Charte et du principe de sécurité juridique ;

–        le cinquième, d’une exception d’illégalité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63, fondée sur une violation de l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59, de l’article 113, paragraphe 7, du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), du « principe du calcul des contributions adapté au risque », du principe de précision des normes fondé sur l’État de droit ainsi que de l’obligation de prise en compte intégrale des faits, au motif que cette disposition ne saurait pondérer l’indicateur de risque « appartenance à un SPI » (ci-après l’« indicateur de risque SPI »), en prenant en compte l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » ;

–        le sixième, d’une violation de l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013, de l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59, des articles 16 et 20 de la Charte, du principe de proportionnalité et du principe de bonne administration ;

–        le septième, d’une exception d’illégalité des articles 6, 7 et 9 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, fondée sur une violation du « principe du calcul des contributions adapté au risque », des articles 16 et 20 de la Charte, du principe de proportionnalité et de l’obligation de prise en compte de l’ensemble des faits ;

–        le huitième, d’une violation des articles 16 et 52 de la Charte, en raison du caractère inapproprié de l’adaptation de la contribution ex ante de la requérante à son profil de risque ;

–        le neuvième, d’une violation des articles 16, 20, 41 et 52 de la Charte, au motif que la décision attaquée serait entachée de nombreuses erreurs manifestes d’appréciation ;

–        le dixième, d’une exception d’illégalité de l’article 20, paragraphe 1, première et deuxième phrases, du règlement délégué 2015/63, fondée sur une violation de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et du « principe du calcul des contributions adapté au risque ».

23      En outre, la requérante a soulevé, dans son mémoire en réplique, un onzième moyen, tiré, d’une part, d’une violation de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ainsi que des articles 16 et 17 de la Charte et, d’autre part, d’une exception d’illégalité des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, fondée sur une violation du « principe du calcul des contributions adapté au risque », du principe de proportionnalité, des articles 16 et 17 de la Charte, des exigences de l’État de droit et des principes issus de l’arrêt du 13 juin 1958, Meroni/Haute Autorité (10/56, EU:C:1958:8).

24      Il convient d’examiner d’abord les moyens par lesquels la requérante excipe de l’illégalité des articles 4 à 9 et 20 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, puis les moyens portant directement sur la légalité de la décision attaquée.

A.      Sur les exceptions d’illégalité des articles 4 à 9 et 20 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63

1.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une exception d’illégalité des articles 4 à 9 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils violeraient les principes de protection juridictionnelle effective et de sécurité juridique

25      Le quatrième moyen s’articule autour de deux branches.

26      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 4 du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU calcule la contribution ex ante que doit verser chaque établissement en proportion du profil de risque de l’établissement sur la base des informations fournies par celui-ci et en application de la méthode énoncée aux articles 4 à 13 de ce règlement délégué.

27      L’article 5 du règlement délégué 2015/63, intitulé « Ajustement au risque des contributions annuelles de base », indique, notamment, les passifs qui sont exclus du calcul de ces contributions. L’article 6 de ce règlement délégué énumère les piliers et indicateurs de risque que le CRU doit prendre en compte pour évaluer le profil de risque des établissements, tandis que l’article 7 dudit règlement délégué précise la pondération relative de chaque pilier de risque et indicateur de risque qui doit être appliquée par le CRU lorsqu’il évalue le profil de risque de chaque établissement.

28      L’article 8 du règlement délégué 2015/63 est, quant à lui, relatif à l’application des indicateurs de risque dans des cas spécifiques.

29      Par ailleurs, l’article 9 du règlement délégué 2015/63, intitulé « Application de l’ajustement en fonction du profil de risque à la contribution annuelle de base », prévoit que le CRU calcule le multiplicateur d’ajustement sur la base des indicateurs de risque mentionnés à l’article 6 de ce règlement délégué conformément à la formule et aux procédures exposées à l’annexe I dudit règlement délégué et qu’il calcule la contribution annuelle de chaque établissement pour chaque période de contribution en multipliant la contribution annuelle de base par ce multiplicateur d’ajustement, conformément à la formule et aux procédures exposées à l’annexe I de ce même règlement délégué.

30      Enfin, l’annexe I du règlement délégué 2015/63 établit la procédure de calcul des contributions annuelles des établissements en plusieurs étapes.

a)      Sur la première branche, portant sur une prétendue violation du principe de protection juridictionnelle effective

31      La requérante soutient que les articles 4 à 9 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le principe de protection juridictionnelle effective, tel que consacré par l’article 47, paragraphe 1, de la Charte. Tout d’abord, ces dispositions créeraient un système opaque pour le calcul des contributions ex ante, puisqu’elles prévoiraient, aux fins de ce calcul, l’usage d’informations couvertes par le secret des affaires, ce qui empêcherait le CRU de fournir une motivation suffisante des décisions fixant lesdites contributions. En effet, en dépit du fait que le montant de la contribution ex ante de chaque établissement dépend des données relatives aux autres établissements, la nature confidentielle de ces données s’opposerait à leur divulgation à l’établissement concerné.

32      Ensuite, lesdites dispositions créeraient un système de détermination des contributions ex ante qui se caractériserait par de nombreuses marges d’appréciation du CRU, ce qui augmenterait davantage le caractère opaque de la réglementation concernée.

33      Enfin, il ne serait pas possible pour le Tribunal de contrôler la légalité de la décision attaquée, puisqu’il ne disposerait pas du logiciel utilisé par le CRU pour calculer les contributions ex ante, lequel serait nécessaire à la vérification du calcul de ces contributions.

34      Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

35      Les articles 4 à 9 du règlement délégué 2015/63 énoncent, ainsi qu’il découle des points 26 à 30 ci-dessus, les règles que le CRU doit appliquer pour déterminer la contribution annuelle de base et pour ajuster cette dernière en fonction du profil de risque des établissements. Ces règles sont ensuite mises en œuvre, de manière plus concrète, à l’annexe I de ce règlement délégué.

36      Selon ces dispositions, l’ajustement de la contribution annuelle de base de chaque établissement en fonction de son profil de risque est fondé sur la comparaison des données individuelles de tous les établissements concernés. Or, le CRU considère que toutes ces données sont couvertes par le secret des affaires, de sorte qu’il ne peut pas les communiquer aux établissements dont la contribution ex ante est calculée dans la décision fixant le montant de ces contributions.

37      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard, soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite sur sa demande, sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle communique lesdits motifs, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêts du 26 avril 2018, Donnellan, C‑34/17, EU:C:2018:282, point 55, et du 24 novembre 2020, Minister van Buitenlandse Zaken, C‑225/19 et C‑226/19, EU:C:2020:951, point 43).

38      En outre, eu égard au principe du contradictoire, lequel fait partie des droits de la défense mentionnés à l’article 47 de la Charte, les parties à un procès doivent avoir le droit de prendre connaissance de toutes les pièces ou observations présentées au juge en vue d’influer sur sa décision et de les discuter. En effet, le droit fondamental à un recours juridictionnel effectif ne permet pas de fonder une décision juridictionnelle sur des faits et des documents dont les parties elles-mêmes, ou l’une d’entre elles, n’ont pas pu prendre connaissance et sur lesquels elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position (voir arrêts du 4 juin 2013, ZZ, C‑300/11, EU:C:2013:363, points 55 et 56, et du 23 octobre 2014, Unitrading, C‑437/13, EU:C:2014:2318, point 21).

39      Cependant, dans certains cas exceptionnels, une autorité de l’Union peut s’opposer à la communication à l’intéressé des motifs précis et complets qui constituent le fondement d’une décision prise à l’encontre de celui-ci, en invoquant des raisons relevant de la protection des données confidentielles. Dans un tel cas, il est nécessaire de mettre en œuvre des techniques et des règles de droit permettant de concilier, d’une part, les considérations légitimes relatives à la protection de données confidentielles ayant été prises en considération pour l’adoption d’une telle décision et, d’autre part, la nécessité de garantir à suffisance au justiciable le respect de ses droits procéduraux, tels que le droit d’être entendu ainsi que le principe du contradictoire (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 115 à 120 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 125).

40      Au regard de la nature spécifique des contributions ex ante, une telle conciliation doit être également effectuée dans le cas du calcul de ces contributions. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, lesdites contributions visent à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués. Ainsi, le calcul des contributions ex ante repose, non sur l’application d’un taux à une assiette, mais, en application des articles 102 et 103 de la directive 2014/59 ainsi que des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014, sur la définition d’un niveau cible final devant être atteint par la somme de ces contributions prélevées avant le 31 décembre 2023 (ci-après le « niveau cible final »), puis d’un niveau cible annuel devant être réparti entre les établissements agréés sur le territoire des États membres participants (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

41      Dès lors que le niveau cible final est défini comme devant s’élever à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble de ces établissements et que la contribution annuelle de base de chaque établissement est calculée proportionnellement au montant de son passif net, rapporté au passif net cumulé de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, il apparaît que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu’il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l’utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

42      Or, les institutions et organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est, notamment, concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 109 et 114 et jurisprudence citée).

43      Dans ces conditions, il appartenait à la Commission et au Conseil de l’Union européenne, lors de la mise en place du système de calcul des contributions ex ante par le règlement délégué 2015/63 et le règlement d’exécution 2015/81, de concilier le respect du secret des affaires avec le principe de protection juridictionnelle effective, de sorte que les données couvertes par ce secret ne puissent pas être communiquées aux intéressés et qu’elles ne puissent pas, notamment, être incluses dans la motivation des décisions fixant le montant des contributions ex ante.

44      Cette caractéristique du système de calcul des contributions ex ante n’empêche pas pour autant l’exercice d’un contrôle juridictionnel effectif par le juge de l’Union.

45      En effet, d’une part, rien dans les dispositions dont la requérante excipe de l’illégalité ne s’oppose à ce que, conformément à l’article 88, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 806/2014, le CRU divulgue, lors de l’adoption de sa décision fixant les contributions ex ante, des informations confidentielles obtenues dans le cadre de son activité sous une forme résumée ou agrégée, de telle sorte que les établissements concernés ne puissent être identifiés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 136).

46      D’autre part, lorsque la motivation d’une telle décision doit être limitée en vue d’assurer la protection des données confidentielles, il appartient à l’auteur de cette décision, en cas de recours devant les juridictions de l’Union mettant en cause ces données, de se justifier devant ces dernières dans le cadre de l’instruction contentieuse (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 110, et du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 145).

47      Le cas échéant, afin d’exercer un contrôle juridictionnel effectif conforme aux exigences de l’article 47 de la Charte, les juridictions de l’Union peuvent solliciter du CRU la production de données susceptibles de justifier les calculs dont l’exactitude est contestée devant elles, en assurant, en tant que de besoin, la confidentialité de ces données (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 146).

48      En outre, en procédant à un examen de l’ensemble des éléments de droit et de fait fournis par le CRU, il incombe au juge de l’Union de vérifier le bien-fondé des raisons invoquées par celui-ci pour s’opposer à la communication des données utilisées aux fins du calcul de la contribution ex ante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 126).

49      S’il s’avère que les raisons invoquées par le CRU s’opposent effectivement à la communication d’informations ou d’éléments de preuve produits devant le juge de l’Union, il est nécessaire de mettre en balance de manière appropriée les exigences liées au droit à une protection juridictionnelle effective, en particulier au respect du principe du contradictoire, et celles découlant de la protection du secret des affaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 128).

50      Il découle de ce qui précède que le calcul des contributions ex ante sur la base de données couvertes par le secret des affaires, conformément aux articles 4 à 9 ainsi qu’à l’annexe I du règlement délégué 2015/63, sans que lesdites données soient mises à la disposition des intéressés, n’implique pas en soi que ces dispositions soient incompatibles avec le principe de protection juridictionnelle effective.

51      En ce qui concerne l’argument de la requérante tiré du pouvoir d’appréciation dont disposerait le CRU, il résulte de la jurisprudence que, si, dans les domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, une institution ou un organisme de l’Union dispose d’un pouvoir d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par cette institution ou cet organisme, de données de nature économique. Le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 10 décembre 2020, Comune di Milano/Commission, C‑160/19 P, EU:C:2020:1012, point 115 et jurisprudence citée).

52      Dans ces conditions, la seule existence d’un pouvoir d’appréciation du CRU ne saurait impliquer que le Tribunal est empêché d’exercer un contrôle juridictionnel effectif de la décision attaquée.

53      Enfin, il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante selon lequel le règlement délégué 2015/63 violerait le principe de protection juridictionnelle effective au motif que les juridictions de l’Union ne peuvent pas vérifier l’exactitude du calcul du montant de la contribution ex ante d’un établissement donné.

54      À cet égard, la requérante se limite à soutenir, sans d’autres précisions, qu’une telle vérification présuppose que le Tribunal dispose du logiciel utilisé par le CRU, lequel n’aurait pourtant pas été mis à sa disposition. Or, cette circonstance n’est pas susceptible de remettre en cause la légalité des articles 4 à 9 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63. En outre, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le Tribunal prenne, parmi les mesures prévues, notamment, dans son règlement de procédure, celles qu’il juge appropriées pour pouvoir vérifier le montant de la contribution ex ante.

55      Eu égard à ce qui précède, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, portant sur une prétendue violation du principe de sécurité juridique

56      La seconde branche du quatrième moyen s’articule, en substance, autour de trois griefs.

1)      Sur le premier grief, tiré de ce que les articles 4 à 9 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 ne permettraient pas aux établissements de calculer au préalable leurs contributions ex ante

57      La requérante fait valoir que les articles 4 à 9 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le principe de sécurité juridique dès lors qu’ils ne lui permettent pas de calculer au préalable la contribution ex ante dont elle est redevable au cours d’une période de contribution, en raison des nombreuses marges d’appréciation conférées au CRU par ces dispositions. Le CRU aurait d’ailleurs fait usage de ces marges d’appréciation en adoptant des décisions internes qui ont précisé la méthodologie à suivre pour le calcul des contributions ex ante (ci-après les « décisions intermédiaires »), mais qui n’ont été ni publiées ni rendues accessibles à la requérante. Cela démontrerait que la structure des dispositions contestées dudit règlement délégué ne présente pas une « densité appropriée » qui permettrait d’exclure tout comportement arbitraire des autorités de l’Union concernées.

58      Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

59      À titre liminaire, il y a lieu de définir la portée exacte de la présente exception d’illégalité.

60      À cet égard, d’une part, force est de constater que, en dépit de l’intitulé de la présente exception d’illégalité, tel que formulé par la requérante, l’argumentation de cette dernière se concentre sur la conformité des articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 avec le principe de sécurité juridique. En revanche, la requérante n’avance aucune argumentation autonome et ciblée concernant la légalité des articles 4, 5, 8 et 9 de ce règlement délégué ou de son annexe I qui irait au-delà de son argumentation relative aux articles 6 et 7 dudit règlement délégué. Dans ces conditions, il convient d’en déduire que la présente exception d’illégalité porte, en réalité, sur les articles 6 et 7 de ce règlement délégué.

61      D’autre part, il convient de relever que, aux termes de ces dispositions, il incombe au CRU d’ajuster la contribution annuelle de base des établissements en tenant compte de quatre piliers de risque, chaque pilier étant composé d’indicateurs de risque qui, à leur tour, peuvent être composés de sous-indicateurs de risque.

62      Or, s’agissant des trois premiers piliers de risque mentionnés à l’article 6, paragraphe 1, sous a) à c), du règlement délégué 2015/63, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret afin de contester leur légalité au motif de leur supposée contradiction avec le principe de sécurité juridique. En outre, en ce qui concerne le pilier de risque mentionné à l’article 6, paragraphe 1, sous d), de ce règlement délégué, dénommé « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution » (ci-après le « pilier de risque IV »), la requérante n’a pas soutenu que l’indicateur de risque « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel », qui constitue l’un des indicateurs de risque du pilier de risque IV, manquerait en clarté et serait donc contraire à ce principe.

63      Dans ces conditions, il y a lieu d’en déduire que la présente exception d’illégalité vise la prétendue non-conformité avec le principe de sécurité juridique des indicateurs de risque du pilier de risque IV, à l’exception de l’indicateur de risque « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

64      Ces précisions étant faites, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique exige, d’une part, que les règles de droit soient claires et précises et, d’autre part, que leur application soit prévisible pour les justiciables, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir des conséquences défavorables. Ledit principe exige, notamment, qu’une réglementation permette aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose et que ces derniers puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations et prendre leurs dispositions en conséquence (arrêts du 29 avril 2021, Banco de Portugal e.a., C‑504/19, EU:C:2021:335, point 51, et du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 319).

65      Pour autant, ces exigences ne sauraient être comprises comme s’opposant à ce qu’une institution de l’Union, dans le cadre d’une norme qu’elle adopte, emploie une notion juridique abstraite ni comme imposant qu’une telle norme abstraite mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance par ladite institution (voir, par analogie, arrêts du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, points 39 et 40, et du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 320).

66      En conséquence, une disposition d’un acte de l’Union ne viole le principe de sécurité juridique, en raison de son manque de clarté, que si elle présente une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes sur la portée ou le sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêts du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, EU:C:2005:223, point 31, et du 22 mai 2007, Mebrom/Commission, T‑216/05, EU:T:2007:148, point 108).

67      De même, le fait qu’un acte de l’Union confère un pouvoir d’appréciation aux autorités chargées de sa mise en œuvre ne méconnaît pas en soi l’exigence de prévisibilité, à la condition que l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir soient définies avec une netteté suffisante, eu égard au but légitime en jeu, pour fournir une protection adéquate contre l’arbitraire (voir arrêt du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, point 321 et jurisprudence citée).

68      Au regard de ces considérations, il convient d’examiner si la méthode de calcul des contributions ex ante, dans la mesure où elle est influencée par le pilier de risque IV, est définie avec suffisamment de précision pour que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes quant à la portée ou au sens des dispositions relatives à ce pilier de risque.

69      À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante ne fait pas valoir que les notions utilisées aux articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 sont d’une ambiguïté telle qu’elle ne peut pas lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes sur leur portée ou leur sens.

70      S’agissant, en particulier, des termes utilisés à l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63, la requérante a admis à l’audience, en substance, qu’elle comprenait le sens qui devait être donné auxdits termes. Certes, elle ne partageait pas l’interprétation que le CRU avait donnée à certains de ces mêmes termes, notamment les termes « modèle économique global », mais elle n’a pas contesté que ceux-ci avaient un sens déterminable, de sorte qu’il était possible de lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes sur leur portée ou leur sens.

71      Il en va d’autant plus ainsi que la plupart des termes utilisés à l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 ont été définis au considérant 98 de la décision attaquée et aux notes de bas de page 36 à 40 de celle-ci, qui renvoient à plusieurs dispositions de la réglementation applicable. Or, la requérante n’a pas soutenu que ces définitions ne ressortaient pas de ces dispositions.

72      En revanche, il convient de relever, à l’instar de la requérante, que les articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 octroient une marge d’appréciation au CRU.

73      En effet, conformément à l’article 6, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement délégué 2015/63, le pilier de risque IV se compose de trois indicateurs de risque, à savoir, premièrement, les « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité », deuxièmement, l’« éventuelle appartenance de l’établissement à un [SPI] » et, troisièmement, la « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel ».

74      Selon l’article 6, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63, le CRU doit tenir compte, lorsqu’il détermine ces indicateurs de risque, « de la probabilité que l’établissement concerné soit mis en résolution et de la probabilité consécutive que le dispositif de financement pour la résolution soit utilisé à cette fin ».

75      Il ressort du libellé de l’article 6, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63 que cette disposition octroie une marge d’appréciation au CRU s’agissant de la façon dont celui-ci doit « tenir compte », aux fins de la détermination desdits indicateurs de risque, « de la probabilité que l’établissement concerné soit mis en résolution et de la probabilité consécutive que le dispositif de financement pour la résolution soit utilisé à cette fin », car les critères indiqués dans ladite disposition doivent être précisés par le CRU pour pouvoir être appliqués à un cas particulier.

76      S’agissant du premier indicateur de risque qui relève du pilier de risque IV et qui est relatif aux activités de négociation, aux expositions hors bilan, aux instruments dérivés, à la complexité et à la résolvabilité de l’établissement, l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 prévoit plusieurs éléments que le CRU doit prendre en compte lors de la détermination de cet indicateur, dont certains peuvent conduire à augmenter le profil de risque de l’établissement concerné et d’autres à le diminuer.

77      Ainsi, les éléments pouvant entraîner une augmentation de ce profil de risque sont au nombre de quatre, à savoir, premièrement, « l’importance des activités de négociation par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement », deuxièmement, « l’importance des expositions hors bilan par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres et au degré de risque des expositions », troisièmement, « l’importance du montant des instruments dérivés par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement » et, quatrièmement, « la mesure dans laquelle […] le modèle économique et la structure organisationnelle de l’établissement sont jugés complexes ».

78      Les éléments pouvant entraîner une diminution dudit profil de risque sont au nombre de deux, à savoir « le montant relatif des instruments dérivés qui sont compensés par une contrepartie centrale » et « la mesure dans laquelle […] l’établissement peut faire l’objet d’une résolution rapide et sans obstacles juridiques ».

79      Il résulte du libellé de l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 que cette disposition octroie au CRU une marge d’appréciation s’agissant de l’« importance » que le CRU doit attacher aux « activités de négociation », aux « expositions hors bilan » et au « montant des instruments dérivés » et de l’articulation entre les différents éléments mentionnés dans cette disposition.

80      Ainsi, s’il ressort de l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63 que, selon le premier sous-indicateur de risque mentionné par cette disposition, il convient de comparer l’importance des « activités de négociation » par rapport à la taille du bilan, au niveau des fonds propres, au degré de risque des expositions et au modèle économique global de l’établissement, ladite disposition ne contient pas de précisions concernant la mise en œuvre concrète de cette comparaison.

81      Il en va de même en ce qui concerne les deuxième et troisième sous-indicateurs de risque prévus à l’article 6, paragraphe 6, sous a), ii) et iii), du règlement délégué 2015/63.

82      S’agissant, par ailleurs, de la détermination de l’indicateur de risque SPI, il découle de l’article 6, paragraphe 7, du règlement délégué 2015/63 que le CRU doit tenir compte de l’adéquation du montant des fonds immédiatement disponibles avec celui des fonds nécessaires « pour permettre un soutien crédible et efficace de [l’établissement concerné] » et du degré de sécurité juridique ou contractuelle quant au fait que ces fonds « seront pleinement utilisés avant que le moindre soutien public extraordinaire puisse être demandé ».

83      Il ressort du libellé de cette disposition que le CRU dispose d’une marge d’appréciation s’agissant du respect des conditions prévues par ladite disposition, lesquelles sont liées à l’adéquation des fonds disponibles du SPI concerné avec les fonds nécessaires au financement de l’établissement en cause et au degré de sécurité juridique ou contractuelle concernant ces fonds.

84      Il en va de même s’agissant de la pondération des différents indicateurs de risque dans le cadre du pilier de risque IV, prévue à l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63.

85      En effet, bien que l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 indique de façon claire la pondération relative des trois indicateurs de risque qui composent le pilier de risque IV et qui sont mentionnés au point 73 ci-dessus, il ne ressort pas de cette disposition de quelle façon la pondération des différents sous-indicateurs de risque au sein des deux premiers indicateurs de risque doit être effectuée. En particulier, ladite disposition ne précise pas si cette pondération doit être répartie entre de tels sous-indicateurs de risque d’une manière proportionnelle. Ainsi, l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 confère un pouvoir d’appréciation au CRU s’agissant de déterminer la pondération des différents sous-indicateurs de risque constituant ces indicateurs de risque, lesquels doivent être pris en compte, conformément à l’article 6, paragraphes 5 à 7, du règlement délégué 2015/63.

86      Dans ces conditions, il convient d’examiner si l’article 6, paragraphes 5 à 7, et l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 peuvent être considérés, conformément à la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, comme des dispositions qui définissent avec une netteté suffisante l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation conféré au CRU, eu égard au but légitime en jeu, de sorte qu’elles fournissent une protection adéquate contre l’arbitraire et que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante d’éventuels doutes sur la portée ou le sens desdites dispositions.

87      Lorsqu’une disposition confère aux institutions ou aux organes de l’Union un pouvoir d’imposer des charges pécuniaires, il convient de déterminer au regard de tous les éléments pertinents si elle définit avec une netteté suffisante l’étendue et les modalités d’exercice d’un tel pouvoir, afin de permettre aux justiciables d’anticiper les conditions dans lesquelles une telle charge sera imposée (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 février 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C‑157/21, EU:C:2022:98, points 319 à 321).

88      En particulier, il convient d’évaluer si un opérateur avisé peut, en recourant au besoin aux services d’un conseil juridique et économique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l’ordre de grandeur de telles charges, étant entendu que le fait que cet opérateur ne puisse, à l’avance, connaître avec précision le niveau desdites charges que l’institution ou l’organe de l’Union imposera dans chaque espèce ne saurait constituer une violation du principe de sécurité juridique (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 95, et du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 58 et jurisprudence citée).

89      À cet égard, il convient, notamment, d’apprécier si l’institution ou l’organe de l’Union sont guidés dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir d’appréciation par certaines indications objectives qui permettent aux justiciables d’anticiper de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l’ordre de grandeur des charges à imposer. Parmi ces indices figurent, notamment, les règles de conduite que l’institution ou l’organe de l’Union s’est lui-même imposées dans ce domaine et qui limitent son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 95). Cependant, de tels indices peuvent également découler de la pratique administrative constante, connue et accessible de cette institution ou de cet organe (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non publié, EU:T:2012:675, point 31).

90      De même, une définition claire dans la réglementation applicable du résultat à atteindre peut constituer un indice pertinent pour les justiciables permettant d’anticiper la façon dont une institution ou un organe de l’Union exercera son pouvoir d’appréciation (voir, par analogie, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 100). Il en va d’autant plus ainsi si la méthode ou le procédé concret aux fins de l’atteinte de ce résultat est prescrit par la réglementation en cause (voir, en ce sens, arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 101).

91      En l’espèce, il convient de relever, en premier lieu, que la réglementation applicable prévoit le résultat à atteindre, selon lequel les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final au terme de la période initiale de huit années à compter du 1er janvier 2016 (ci-après la « période initiale »), ainsi qu’une méthode pour atteindre ce résultat, ce qui réduit l’impact du pouvoir d’appréciation que le CRU exerce lors de la détermination des contributions ex ante. D’une part, le montant de la contribution ex ante de chaque établissement dépend du montant du niveau cible annuel qui est déterminé par le CRU sur la base de son estimation du montant qui correspond, au 31 décembre 2023, à au moins 1 % des dépôts couverts dans l’ensemble des États membres participants, en vertu de l’article 69, paragraphes 1 et 2, du règlement no 806/2014.

92      D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 12 ci-dessus, la contribution ex ante de chaque établissement est déterminée, notamment, sur le fondement de la contribution annuelle de base qui est calculée à partir des montants des passifs nets des établissements concernés. Or, le CRU n’exerce aucun pouvoir d’appréciation concernant la détermination de ces montants. En outre, l’établissement concerné a connaissance du montant de ses passifs nets et il peut avoir accès au montant global des passifs nets des autres établissements, sans pouvoir exiger, en raison de la protection du secret des affaires, d’avoir accès aux données individuelles confidentielles d’autres établissements afin de vérifier le calcul desdits montants (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 114 à 125).

93      En second lieu, la contribution annuelle de base est ajustée au regard du profil de risque de l’établissement concerné, étant entendu que, conformément à l’article 9, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63, le multiplicateur d’ajustement est compris entre les valeurs 0,8 et 1,5.

94      Cet ajustement est calculé sur la base de l’appréciation des quatre piliers de risque prévus à l’article 6 du règlement délégué 2015/63. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 62 ci-dessus, la requérante n’a soumis aucun élément au Tribunal pour démontrer le manque de clarté des trois premiers piliers de risque, ces piliers déterminant 80 % du profil de risque de chaque établissement, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement délégué.

95      De même, la requérante n’a pas contesté un manque de clarté de l’indicateur de risque « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel », qui fait partie du pilier de risque IV et qui a, conformément à l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, sous c), du règlement délégué 2015/63, une pondération de 10 % au sein de ce pilier.

96      Il s’ensuit que les indicateurs de risque dont le manque de clarté est contesté par la requérante et pour lesquels le CRU exerce un certain pouvoir d’appréciation n’influent sur le profil de risque de l’établissement qu’à une hauteur qui se situe au-dessous de 20 %. En outre, l’impact de ces indicateurs sur le montant final de la contribution ex ante est davantage réduit par le fait que le CRU n’exerce aucun pouvoir d’appréciation concernant la détermination du montant de la contribution annuelle de base et que l’ajustement de cette contribution au profil de risque d’un établissement est nettement encadré dans une fourchette préalablement définie allant de 0,8 à 1,5, ainsi qu’il a été rappelé au point 93 ci-dessus.

97      Dans ces conditions, l’étendue et les modalités d’exercice du pouvoir d’appréciation que l’article 6, paragraphes 5 à 7, et l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 confèrent au CRU ne peuvent être considérées comme étant insuffisamment encadrées ou définies avec une netteté insuffisante, eu égard au but légitime en jeu, et ne peuvent donc être considérées comme ne fournissant pas une protection adéquate contre l’arbitraire.

98      Il en va d’autant plus ainsi que la requérante est un opérateur avisé qui peut, en recourant au besoin aux services d’un conseil juridique et économique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l’ordre de grandeur de sa contribution ex ante.

99      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 violent le principe de sécurité juridique au motif que le CRU a exercé le pouvoir d’appréciation conféré par ces dispositions par le biais des décisions intermédiaires qui n’ont pas été publiées ou rendues autrement accessibles.

100    En effet, l’éventuelle adoption ou absence d’accessibilité de telles décisions est imputable au CRU et n’est pas prévue par les articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63.

101    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la requérante n’a pas démontré que les articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 violaient le principe de sécurité juridique.

102    Par conséquent, le premier grief de la seconde branche du quatrième moyen doit être rejeté.

2)      Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission aurait pu établir une autre méthode de calcul des contributions ex ante

103    La requérante fait valoir que la Commission aurait pu établir une méthode de calcul des contributions ex ante qui ne tienne compte que des seules données de l’établissement concerné, de sorte qu’il ne soit pas nécessaire de se servir de données confidentielles d’autres établissements. Une telle méthode de calcul permettrait ainsi à la requérante de mieux comprendre l’étendue de ses obligations et ne se heurterait, dès lors, pas au principe de sécurité juridique.

104    Le CRU conteste cette argumentation.

105    À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le contexte d’un pouvoir délégué au sens de l’article 290 TFUE, la Commission dispose, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle est appelée, notamment, à effectuer des appréciations et des évaluations complexes (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 53 et jurisprudence citée).

106    Tel est le cas en ce qui concerne la fixation des critères d’adaptation des contributions ex ante au profil de risque en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

107    À cet égard, il convient de rappeler que la nature spécifique de ces contributions consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

108    Dans ce contexte, et ainsi qu’il ressort du considérant 114 de la directive 2014/59, le législateur de l’Union a chargé la Commission de préciser, par acte délégué, la façon d’ajuster les contributions des établissements aux dispositifs de financement pour la résolution en proportion de leur profil de risque.

109    Dans cette même optique, le considérant 107 de cette directive précise que, pour assurer un calcul équitable des contributions ex ante aux dispositifs de financement nationaux et encourager l’adoption de modes de fonctionnement moins risqués, il convient que ces contributions soient fonction du risque de crédit, de liquidité et de marché encouru par les établissements.

110    Il découle de ce qui précède que la Commission devait élaborer des règles d’ajustement des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements en poursuivant deux objectifs liés, à savoir, d’une part, assurer la prise en compte des différents risques que génèrent les activités des établissements, bancaires ou plus largement financières, et, d’autre part, encourager ces mêmes établissements à suivre des modes de fonctionnement moins risqués.

111    Or, ainsi qu’il ressort des documents afférents à l’adoption du règlement délégué 2015/63, notamment les documents « JRC technical work supporting Commission second level legislation on risk based contributions to the (single) resolution fund » [Étude technique du JRC au soutien de la législation de deuxième niveau de la Commission sur les contributions fondées sur les risques au fonds de résolution (unique), ci-après l’« étude technique du JRC »], et « Commission Staff Working Document: estimates of the application of the proposed methodology for the calculation of contributions to resolution financing arrangements » (Document de travail des services de la Commission : estimations de l’application de la méthode proposée pour le calcul des contributions aux dispositifs de financement des résolutions), l’élaboration de telles règles impliquait des appréciations et des évaluations complexes de la part de la Commission dans la mesure où celle-ci devait examiner les différents éléments au vu desquels les divers types de risque étaient appréhendés dans les secteurs bancaire et financier.

112    Dans ces conditions, s’agissant de la méthode d’adaptation des contributions annuelles de base au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice du pouvoir d’appréciation octroyé à la Commission n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si celle-ci n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60).

113    En l’espèce, il convient de relever, d’une part, que la requérante n’explique pas comment le seul fait que la Commission aurait pu établir une autre méthode de calcul des contributions ex ante que la méthode instaurée par le règlement délégué 2015/63 a pour conséquence que ce règlement délégué est entaché d’une telle erreur manifeste ou d’un tel détournement de pouvoir, qu’il va manifestement au-delà des limites du pouvoir d’appréciation octroyé à la Commission ou qu’il viole les exigences du principe de sécurité juridique, telles que rappelées au point 64 ci-dessus.

114    D’autre part, il est vrai que, en l’absence des données relatives aux autres établissements, qui relèvent du secret des affaires et qui ne peuvent donc pas être portées à la connaissance de la requérante, cette dernière ne peut pas calculer en amont le montant exact des contributions ex ante dont elle est redevable.

115    Cependant, comme il a été relevé au point 41 ci-dessus, le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu’il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, dont la validité n’a pas été contestée, implique l’utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires.

116    Dans ces conditions, le seul fait que la Commission aurait pu adopter une autre méthode de calcul des contributions ex ante ne constitue pas une violation du principe de sécurité juridique.

117    Partant, le présent grief doit être rejeté.

3)      Sur le troisième grief, tiré d’une violation de l’article 12 du règlement 2016/1011

118    La requérante soutient que les articles 6 et 7 du règlement délégué 2015/63 ne satisfont pas à l’exigence prévue à l’article 12, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d’investissement et modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE et le règlement (UE) no 596/2014 (JO 2016, L 171, p. 1). Selon cette disposition, pour déterminer un indice de référence dans le domaine de la régulation des marchés financiers, il serait nécessaire d’utiliser une méthodologie « assortie de règles claires établissant les modalités selon lesquelles une appréciation discrétionnaire peut être portée dans la détermination de cet indice de référence et à quel moment elle peut l’être ».

119    Le CRU conteste cette argumentation.

120    Il convient de relever que le règlement 2016/1011 se rapporte, ainsi qu’il ressort déjà de son intitulé, aux indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d’instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d’investissement.

121    De ce fait, le règlement 2016/1011 n’a pas vocation à s’appliquer à la détermination des contributions ex ante. Par conséquent, la requérante ne saurait faire valoir que le règlement délégué 2015/63 n’est pas compatible avec les prescriptions de transparence et de précision résultant de l’article 12 dudit règlement.

122    Partant, le présent grief doit être rejeté.

c)      Conclusion sur le quatrième moyen

123    Eu égard à ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté.

2.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’il violerait plusieurs normes supérieures 

124    Le cinquième moyen s’articule autour de quatre branches.

a)      Sur la première branche, portant sur l’incompatibilité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 avec l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59 et l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013

125    La requérante soutient que l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 est incompatible avec l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59 et l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013 dans la mesure où il prévoit une pondération relative à l’indicateur de risque SPI qui différencie les établissements appartenant au même SPI, puisque, lors de l’application de cette pondération, le CRU doit tenir compte de la pondération relative à l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité ».

126    En particulier, l’effet de protection d’un SPI existerait, conformément à l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013, de manière étendue et égale pour tous les établissements membres de ce système. De plus, il existerait une garantie que les fonds du SPI seront employés dans leur totalité avant qu’un soutien financier exceptionnel à partir de ressources publiques puisse être sollicité, conformément à l’article 113, paragraphe 7, sous b), du règlement no 575/2013.

127    Dans ces conditions, une différenciation des établissements appartenant au même SPI sur la base de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité », en vertu de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63, serait en contradiction avec le traitement homogène et cohérent de tous les membres d’un tel SPI qui serait imposé par l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59 et l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013.

128    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

129    Aux termes de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63, lorsque le CRU applique l’indicateur de risque SPI, il tient compte de la pondération relative de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité ».

130    Il s’ensuit que, lorsque plusieurs établissements font partie du même SPI, les établissements qui se voient attribuer une meilleure pondération relative à l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » par rapport à d’autres membres de ce SPI peuvent se voir attribuer une pondération plus favorable dans le cadre de l’indicateur de risque SPI par rapport à ces autres membres.

131    Dans ce contexte, il ressort de l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59 que la Commission est habilitée à adopter des actes délégués pour préciser la notion d’« adaptation des contributions [annuelles de base] en fonction du profil de risque des établissements », « en tenant compte » du fait que l’établissement appartient à un SPI.

132    Or, rien dans l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59 ou dans le surplus de cet article ne précise de quelle manière la Commission doit tenir compte de cette appartenance à un SPI. Ainsi, il n’est pas prévu que la Commission doit attribuer la même pondération à tous les établissements qui font partie du même SPI.

133    En outre, ainsi qu’il ressort des points 107 à 111 ci-dessus, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation s’agissant de la méthode d’adaptation des contributions annuelles de base au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, y compris la fixation du critère qui concerne l’appartenance des établissements à un SPI. Par conséquent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice de ce pouvoir d’appréciation n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si la Commission n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir.

134    À cet égard, tout d’abord, le CRU et la Commission ont expliqué, sans être contredits sur ce point, que les membres d’un SPI, tel que celui auquel appartient la requérante, ne disposaient pas du droit inconditionnel de recevoir de la part d’un tel SPI un soutien qui couvrirait tous leurs engagements, mais que le SPI disposait d’une certaine marge d’appréciation pour décider s’il convenait ou non de soutenir l’un de ses membres.

135    Ensuite, le CRU et la Commission ont indiqué que la défaillance d’un établissement avec un large et complexe bilan pourrait entièrement épuiser les fonds d’un tel SPI. Or, la requérante n’a pas apporté d’éléments pour contester cette allégation.

136    En outre, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui viserait à remettre en cause le fait que l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » permet d’apprécier si un établissement dispose d’un large et complexe bilan.

137    Dans ces conditions, la requérante n’a pas démontré que l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 était entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou qu’il allait manifestement au-delà des limites du pouvoir d’appréciation conféré à la Commission par l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59.

138    En ce qui concerne, enfin, l’exception d’illégalité tirée d’une incompatibilité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 avec l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013, il convient de constater, d’abord, que cette dernière disposition définit les conditions de l’agrément des SPI à des fins prudentielles, et non le calcul des contributions ex ante.

139    Certes, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, point 8, de la directive 2014/59, le CRU peut uniquement tenir compte des SPI qui ont été agréés en conformité avec l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013. Cependant, rien dans le libellé de l’article 113, paragraphe 7, de ce règlement n’interdit d’opérer une différenciation entre les établissements qui sont membres du même SPI aux fins du calcul des contributions ex ante.

140    En outre, bien que l’article 113, paragraphe 7, sous b), du règlement no 575/2013 prévoie que, pour être reconnu à des fins prudentielles, le SPI doit être à même d’accorder le soutien nécessaire à ses membres, conformément aux obligations lui incombant, à partir de fonds aisément accessibles, cette disposition ne va pas jusqu’à exiger qu’un SPI dispose des ressources suffisantes pour éviter la résolution de tous ses membres, y compris tous les grands établissements.

141    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’article 5 de l’orientation (UE) 2016/1994 de la Banque centrale européenne (BCE), du 4 novembre 2016, concernant l’approche retenue pour la reconnaissance des [SPI] à des fins prudentielles par les autorités compétentes nationales conformément au règlement no 575/2013 (JO 2016, L 306, p. 37), invoqué par la requérante. Cette disposition, qui contient des orientations pour la mise en œuvre de l’article 113, paragraphe 7, sous b), du règlement no 575/2013, ne prévoit pas non plus qu’un SPI doit avoir des ressources suffisantes pour éviter la résolution de tous ses membres.

142    Eu égard à ce qui précède, la première branche du cinquième moyen doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième branche, portant sur l’incompatibilité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 avec le « principe du calcul des contributions adapté au risque » et le principe d’égalité de traitement 

143    La deuxième branche du cinquième moyen s’articule, en substance, autour de deux griefs.

1)      Sur le premier grief, tiré d’une violation du « principe du calcul des contributions adapté au risque »

144    La requérante fait valoir que l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 viole le « principe du calcul des contributions adapté au risque » qui découlerait du principe de proportionnalité consacré aux articles 16, 17 et 52 de la Charte, de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et de l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59.

145    Eu égard à ce principe, la manière dont l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » témoignerait du risque de résolution de la requérante conformément à l’article 6, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement délégué 2015/63 n’apparaîtrait pas clairement et précisément.

146    En outre, il n’existerait pas de lien objectif suffisant entre l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité », figurant à l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, sous a), du règlement délégué 2015/63, et celui de l’appartenance à un SPI, prévu à l’article 7, paragraphe 4, premier alinéa, sous b), du même règlement délégué, pour justifier une pondération relative de ce dernier indicateur de risque.

147    Enfin, en mettant en corrélation ces deux indicateurs de risque, le règlement délégué 2015/63 instaurerait un double comptage du premier indicateur de risque, qui aurait déjà été pris en compte dans le calcul de la contribution ex ante en vertu de l’article 6, paragraphe 5, sous a), dudit règlement délégué.

148    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

149    Sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la directive 2014/59 ou une autre règle du droit de l’Union consacre un « principe du calcul des contributions adapté au risque », le premier grief de la deuxième branche du cinquième moyen de la requérante doit être compris en ce sens qu’elle soutient, en substance, que l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, puisqu’il empêche le CRU d’adapter, d’une manière appropriée, les contributions annuelles de base au profil de risque réel des établissements.

150    À cet égard, il ressort tout d’abord des points 107 à 111 ci-dessus que la Commission jouit d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59.

151    Ensuite, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret visant à contester l’affirmation du CRU selon laquelle l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » constituait un critère objectif qui permettait, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63, d’évaluer la probabilité qu’un établissement sollicite d’un SPI un soutien que ce dernier ne pourrait pas octroyer, de sorte que cet établissement risquerait de faire l’objet d’une résolution. Ainsi, rien n’indique que l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 ne permet pas d’adapter la contribution ex ante au profil de risque réel de l’établissement concerné.

152    Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la méthode prévue à l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 n’aboutit pas à un double comptage de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité ».

153    En effet, d’une part, l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » s’applique, au titre de l’article 6, paragraphe 5, sous a), du règlement délégué 2015/63, à tous les établissements dont la contribution ex ante est ajustée en fonction de leur profil de risque. En revanche, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, de ce règlement délégué, ledit indicateur de risque s’applique uniquement à ceux parmi ces établissements qui appartiennent à un SPI. D’autre part, au titre de l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63, l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » a pour objet d’évaluer les risques de l’établissement en question, en raison, notamment, des actifs qu’il détient sur son bilan, de son modèle économique et de sa structure organisationnelle. En revanche, lorsque cet indicateur de risque est appliqué dans le cadre de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, de ce règlement délégué, il est utilisé pour pondérer l’indicateur de risque SPI et vise à évaluer les risques qu’un établissement appartenant à un SPI présente pour la capacité dudit SPI à intervenir au soutien de ses membres. En effet, ainsi qu’il découle des considérations énoncées aux points 163 et 164 ci-dessous, les risques évalués par l’application dudit indicateur de risque peuvent varier d’un établissement à l’autre et peuvent même être à tel point élevés qu’un SPI peut ne pas être en mesure d’absorber ces risques en cas de défaillance d’un établissement adhérant.

154    Dans ces conditions, l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’il prévoit que l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » est pris en compte dans le cadre du processus de détermination de l’indicateur de risque SPI.

155    Eu égard à ce qui précède, le premier grief de la deuxième branche du cinquième moyen doit être rejeté.

2)      Sur le second grief, portant sur une méconnaissance du principe d’égalité de traitement

156    La requérante fait valoir qu’il est dans la nature même d’un SPI de protéger tous ses membres, indépendamment de leur situation de risque concrète, de manière à ce qu’aucun établissement ne puisse être mis individuellement en résolution tant que le SPI existe et remplit sa fonction. L’affiliation à un SPI serait ainsi une circonstance qui rend tous les établissements concernés comparables.

157    Or, en permettant des distinctions entre ces établissements, l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 violerait le principe d’égalité de traitement tel qu’il est consacré par l’article 20 de la Charte. En effet, il n’existerait aucun critère objectif qui pourrait justifier cette différence de traitement. Le critère prévu à l’article 6, paragraphe 5, second alinéa, du règlement délégué 2015/63, à savoir « la probabilité que l’établissement concerné soit mis en résolution », n’aurait pas de lien objectif avec le critère effectivement appliqué par l’article 7, paragraphe 4, de ce règlement délégué pour pondérer l’indicateur de risque SPI, à savoir l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité ».

158    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

159    L’article 20 de la Charte consacre le principe d’égalité de traitement, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 95).

160    À cet égard, tout d’abord, il y a lieu d’examiner si un établissement appartenant à un SPI, tel que la requérante, se trouve dans une situation comparable à celle des autres établissements appartenant à ce même SPI.

161    Selon une jurisprudence constante, le caractère comparable de situations différentes s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).

162    Quant aux principes et aux objectifs du domaine dont relève le règlement délégué 2015/63, il convient de rappeler que la nature spécifique des contributions ex ante consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

163    Eu égard à ces principes et à ces objectifs, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, tous les établissements appartenant à un SPI ne se trouvent pas nécessairement et du seul fait de cette appartenance dans une situation comparable. En effet, ainsi que l’a fait observer le CRU, sans être contredit par la requérante, les membres d’un SPI, tel que celui auquel appartient la requérante, ne disposent pas du droit inconditionnel de recevoir un soutien de la part du SPI qui couvrirait tous leurs engagements, le SPI disposant d’une certaine marge d’appréciation pour décider s’il soutiendra un membre.

164    Ensuite, le CRU et la Commission ont indiqué que la défaillance d’un établissement avec un bilan large et complexe pourrait entièrement épuiser les fonds d’un SPI, à la différence de la défaillance d’établissements avec des bilans plus réduits et simples. Or, la requérante n’a pas non plus apporté d’éléments pour contester cette allégation.

165    Enfin, comme il ressort du point 151 ci-dessus, l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » constitue un critère objectif pour évaluer quels établissements appartenant à un SPI risquent de demander à ce dernier un soutien qu’il ne pourrait pas octroyer. Cet indicateur constitue donc un critère objectif pour évaluer quels établissements se trouvent, s’agissant d’un tel risque, dans une situation comparable. Il en va d’autant plus ainsi que ledit critère s’avère cohérent avec l’un des objectifs principaux du MRU, à savoir encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

166    De ce fait, le second grief de la deuxième branche du cinquième moyen doit être rejeté, dès lors que la requérante n’est pas fondée à soutenir que tous les établissements d’un même SPI se trouvent dans une situation comparable.

c)      Sur la troisième branche, portant sur l’incompatibilité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 avec le principe de sécurité juridique

167    La requérante soutient que l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 ne satisfait pas aux exigences imposées par le principe de sécurité juridique. En particulier, cette disposition n’expliquerait pas clairement comment le CRU doit tenir compte de la « pondération relative de l’indicateur [“activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité”] ». La norme serait à ce point indéterminée que le CRU aurait pu classer les établissements également dans deux bins ou dans plus de trois bins.

168    En outre, ladite disposition laisserait au CRU la liberté de choisir les facteurs qu’il juge appropriés pour répartir les établissements dans différents bins, de sorte qu’un comportement arbitraire ne pourrait pas être exclu.

169    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

170    D’une part, il ressort avec suffisamment de clarté de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 que, dans le cadre de l’indicateur de risque SPI, le CRU est tenu d’assigner les établissements à des bins en appliquant une pondération qui tient compte des sous-indicateurs de risque composant l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité ».

171    D’autre part, il a été certes relevé aux points 68 à 85 ci-dessus que l’article 6, paragraphe 6, et l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 conféraient un pouvoir d’appréciation au CRU concernant la détermination de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » et la pondération de l’indicateur de risque SPI.

172    Cependant, ainsi qu’il a été constaté aux points 86 à 97 ci-dessus, il ressort du règlement délégué 2015/63 que l’étendue et les modalités d’exercice de ce pouvoir d’appréciation sont définies avec une netteté suffisante, de sorte qu’ils permettent aux établissements de prévoir de manière suffisamment précise la méthode de détermination de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité ».

173    De ce fait, la troisième branche du cinquième moyen doit être rejetée.

d)      Sur la quatrième branche, portant sur l’incompatibilité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 avec le principe de prise en compte intégrale des faits

174    La requérante soutient que l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 viole le principe de prise en compte intégrale des faits. En effet, la probabilité qu’un établissement qui est membre d’un SPI fasse l’objet d’une résolution ne pourrait pas être déterminée sur la seule base de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité ». D’autres facteurs essentiels qui déterminent le profil de risque en ce qui concerne la probabilité de résolution devraient aussi être pris en compte.

175    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

176    Lorsque la requérante invoque la violation d’un « principe de prise en compte intégrale des faits », il convient de comprendre ce grief comme une référence au principe de bonne administration, tel que consacré à l’article 41 de la Charte, qui impose aux institutions et aux organes de l’Union l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 23 septembre 2009, Estonie/Commission, T‑263/07, EU:T:2009:351, point 99 et jurisprudence citée).

177    À cet égard, la requérante se borne cependant à soutenir que la Commission a ignoré, lorsqu’elle a adopté l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, certains « facteurs essentiels » qui pourraient influer sur la probabilité de résolution d’un établissement affilié à un SPI, sans pour autant préciser quels sont ces facteurs et pourquoi la Commission était tenue de les prendre en compte.

178    Partant, la quatrième branche du cinquième moyen doit être rejetée.

e)      Conclusion sur le cinquième moyen

179    Eu égard à ce qui précède, le cinquième moyen doit être rejeté.

3.      Sur le septième moyen, tiré d’une exception d’illégalité des articles 6, 7 et 9 ainsi que de l’annexe I, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils violeraient plusieurs normes supérieures

180    Le septième moyen s’articule, en substance, autour de deux branches.

a)      Sur la première branche, portant sur la méthode de binning

181    La requérante soutient que les articles 6, 7 et 9 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 violent le « principe du calcul des contributions adapté au risque » ainsi que les articles 16 et 20 de la Charte, le principe de proportionnalité et le « principe de prise en compte intégrale des faits », dans la mesure où ces dispositions définissent des piliers et des indicateurs de risque, ainsi qu’une procédure et des formules applicables à leur combinaison, sur la base d’une « image idéalisée qui ne correspond pas à l’expérience réelle et à la situation effective de l’ensemble des établissements [devant verser des contributions ex ante adaptées à leur profil de risque] ».

182    En effet, la pondération des indicateurs de risque et leur mise en œuvre à l’annexe I du règlement délégué 2015/63 conduiraient à la constitution de bins et à l’assignation de différents établissements à ces bins qui entraîneraient une charge objectivement injustifiée, disproportionnée et discriminatoire pour des établissements tels que la requérante.

183    En particulier, ainsi qu’il ressortirait de l’annexe II de la décision attaquée, l’application de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63 aurait pour résultat de créer une fourchette de valeurs excessivement large pour les premier et dernier bins, ce qui entraînerait souvent une constitution manifestement erronée des bins et une assignation erronée de la requérante à ces bins, ainsi que cela ressortirait des résultats de sa propre analyse des indicateurs de risque. À titre d’exemple, la requérante aurait [confidentiel] (1) son [confidentiel] par rapport à l’année précédente de [confidentiel], mais, pour l’indicateur de risque [confidentiel], elle relèverait avec sa valeur de [confidentiel] du bin [confidentiel], [confidentiel], et se verrait mise sur le même pied d’égalité qu’un établissement qui présente une valeur [confidentiel], soit une valeur de [confidentiel], alors que la fourchette de valeurs de chacun des [confidentiel] est de moins de [confidentiel].

184    De plus, il ressortirait également de l’annexe II de la décision attaquée que, en ce qui concerne six des neuf indicateurs de risque du pilier de risque IV mentionnés à l’article 6, paragraphe 5, premier alinéa, sous a), du règlement délégué 2015/63, plusieurs bins n’ont pas été pourvus, tandis que les premiers bins comprendraient à chaque fois un très grand nombre d’établissements, ce qui ne serait pas conforme au libellé de l’annexe I de ce règlement délégué en vertu duquel le CRU doit assigner le même nombre d’établissements à chaque bin. Cela montrerait que la Commission a créé une réglementation dont l’application donne des résultats incohérents qui ne reflètent pas le profil de risque des établissements assujettis aux contributions ex ante.

185    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

186    En premier lieu, il convient d’examiner la compatibilité de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63 avec le principe d’égalité de traitement, tel qu’il est consacré par l’article 20 de la Charte.

187    Au regard de la jurisprudence citée au point 159 ci-dessus, il y a lieu, tout d’abord, d’apprécier si ces établissements se trouvent dans une situation comparable.

188    En application de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, il appartient au CRU de calculer, dans un premier temps, un nombre de bins afin de comparer les établissements eu égard aux différents indicateurs et sous-indicateurs de risque. Dans un deuxième temps, il incombe au CRU d’assigner, en principe, le même nombre d’établissements à chaque bin, en commençant par assigner au premier bin les établissements pour lesquels les valeurs de l’indicateur brut sont les plus faibles. Dans un troisième temps, il appartient au CRU d’assigner à tous les établissements figurant dans un bin donné le même score, dénommé « indicateur discrétisé », dont il doit tenir compte pour le reste du calcul de leur multiplicateur d’ajustement.

189    Il n’est pas exclu que l’application de cette méthode, dite « de binning » (regroupement), telle qu’instaurée par l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, puisse aboutir, dans les faits, à des situations dans lesquelles des établissements ayant des valeurs pour un indicateur de risque donné qui sont proches de celles des établissements assignés au bin précédent sont pourtant assignés au bin suivant, contenant des établissements ayant des valeurs pour ce même indicateur de risque qui pourraient parfois être considérablement plus élevées. Cette conséquence découle de l’application de la règle prévue à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, du règlement délégué 2015/63, selon laquelle le CRU assigne, en principe, le même nombre d’établissements à chaque bin.

190    Afin d’examiner si les établissements assignés au même bin, mais ayant des valeurs considérablement différentes les unes des autres pour le même indicateur de risque, se trouvent dans une situation comparable, il y a lieu de prendre en compte, au regard de la jurisprudence citée aux points 161 et 162 ci-dessus, les objectifs du MRU et, notamment, celui visant à encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

191    Il convient de constater que, compte tenu du fait que l’un des objectifs principaux du MRU consiste à encourager les établissements concernés à suivre des modes de fonctionnement moins risqués, les établissements assignés au même bin mais ayant des valeurs considérablement différentes les unes des autres pour le même indicateur de risque, ne se trouvent pas dans des situations comparables, puisqu’ils ont des caractéristiques différentes s’agissant du degré de risque mesuré par cet indicateur.

192    Pourtant, ainsi qu’il découle du point 188 ci-dessus, ces établissements sont traités de manière égale, puisqu’ils sont assignés au même bin relatif audit indicateur de risque et, partant, se voient attribuer le même indicateur discrétisé, dont le CRU tiendra compte pour le calcul du multiplicateur d’ajustement.

193    Cela étant, lorsque des personnes se trouvant dans des situations différentes sont traitées de manière égale, le principe d’égalité de traitement n’est pas violé, pour autant qu’un tel traitement soit dûment justifié (voir arrêt du 7 mars 2017, RPO, C‑390/15, EU:C:2017:174, point 52 et jurisprudence citée).

194    Tel est le cas lorsque ce traitement est en rapport avec un objectif légalement admissible poursuivi par la mesure ayant pour effet d’instaurer ledit traitement et qu’elle est proportionnée à cet objectif (voir arrêt du 7 mars 2017, RPO, C‑390/15, EU:C:2017:174, point 53 et jurisprudence citée).

195    À cet égard, la Cour a reconnu la légitimité de l’objectif consistant, pour une institution de l’Union, à établir des règles générales susceptibles d’être facilement appliquées et aisément contrôlées par les autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêts du 24 février 2015, Sopora, C‑512/13, EU:C:2015:108, point 33, et du 7 mars 2017, RPO, C‑390/15, EU:C:2017:174, point 60).

196    En l’espèce, il convient de relever que le règlement délégué 2015/63 est conforme à cet objectif.

197    En effet, le règlement délégué 2015/63 a prévu une méthode d’ajustement des contributions ex ante au profil de risque des établissements consistant à comparer leurs profils de risque sur la base de valeurs que ces établissements obtiennent pour une série d’indicateurs de risque.

198    La méthode de binning, telle que décrite au point 188 ci-dessus, permet au CRU de gérer de manière efficace un grand nombre de données dont il doit tenir compte pour effectuer la comparaison mentionnée au point 197 ci-dessus, tout en évitant, dans la mesure du possible, que la présence de valeurs dites extrêmes, c’est-à-dire présentant un grand écart par rapport à la moyenne, mène à des comparaisons dénaturées.

199    En effet, ainsi qu’il ressort, notamment, de l’étude technique du JRC, relative au règlement délégué 2015/63, l’un des objectifs de la méthode de binning est de prévoir une méthode simple pour comparer le grand nombre de données déclarées par les établissements dont la contribution ex ante est ajustée à leur profil de risque. En outre, cette méthode permet d’éviter que des établissements ayant des valeurs particulièrement négatives pour certains indicateurs de risque reçoivent néanmoins un score qui indique un profil de risque peu élevé pour cet indicateur, puisqu’il existe certains établissements ayant des valeurs extrêmes.

200    Ensuite, en ce qui concerne la proportionnalité de la méthode de binning au regard de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort des points 107 à 111 ci-dessus, la Commission jouit d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

201    Dans ces conditions, et conformément à la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, points 80, 81 et 91 ; du 30 novembre 2022, Trasta Komercbanka e.a./BCE, T‑698/16, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:737, points 221 et 222 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2022, Firearms United Network e.a./Commission, T‑187/21, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:848, points 122 et 123 et jurisprudence citée), le contrôle du Tribunal du respect du principe de proportionnalité doit se limiter à examiner si la méthode de binning est manifestement inappropriée au regard de l’objectif que la Commission entend poursuivre, si elle ne va pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ou si elle n’entraîne pas d’inconvénients manifestement disproportionnés au regard de l’objectif poursuivi.

202    S’agissant de la question de savoir si la méthode de binning permet d’atteindre l’objectif poursuivi, tel que ce dernier a été précisé aux points 198 et 199 ci-dessus, il convient d’observer que cette méthode est une méthode statistique reconnue, ainsi qu’il ressort, notamment, de l’étude technique du JRC. De même, ladite méthode emploie des critères objectifs pour la détermination des contributions ex ante, à savoir, notamment, une formule mathématique prévue à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 2, du règlement délégué 2015/63.

203    En outre, la méthode de binning permet de comparer facilement les données d’un grand nombre d’établissements et de calculer d’une manière efficace et objective leurs contributions ex ante.

204    Dans ces conditions, cette méthode permet d’atteindre l’objectif poursuivi consistant à établir une méthode simple et aisément contrôlable pour comparer un grand nombre de données aux fins du calcul des contributions ex ante.

205    Par ailleurs, la requérante ne démontre pas que la méthode de binning dépasse manifestement les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi. En particulier, elle n’a pas démontré qu’une autre méthode de comparaison des profils de risque des établissements présenterait manifestement moins d’inconvénients pour ceux-ci que celle du binning, tout en permettant d’atteindre, d’une manière aussi efficace, ledit objectif.

206    Enfin, il est vrai que, comme cela est relevé au point 189 ci-dessus, cette méthode statistique pourrait avoir pour conséquence, dans les faits, que, dans certains cas, des établissements ayant des valeurs considérablement différentes pourraient néanmoins se retrouver dans le même bin, comme cela transparaît à l’annexe II de la décision attaquée. Cependant, une telle circonstance ne peut être considérée comme un inconvénient manifestement démesuré eu égard à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause.

207    En effet, il convient de relever, premièrement, que l’ajustement des contributions ex ante ne peut se réaliser que dans la fourchette d’un coefficient compris entre 0,8 et 1,5, en vertu de l’article 9, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63. La contribution annuelle de base demeure ainsi l’élément prépondérant pour la détermination de la contribution ex ante au regard du profil de risque des établissements.

208    Deuxièmement, ainsi qu’il découle de l’étude empirique conduite préalablement à l’adoption du règlement délégué 2015/63, dont les résultats ont été résumés dans l’étude technique du JRC, le phénomène statistique identifié aux points 189 et 206 ci-dessus est circonscrit en ce qu’il tend à se produire surtout dans les derniers bins, et non dans la grande majorité des bins.

209    Troisièmement, il demeure constant que les établissements se trouvant dans ces derniers bins ont des valeurs plus élevées pour l’indicateur de risque concerné que les établissements assignés aux bins inférieurs.

210    Quatrièmement, la méthode de l’ajustement des contributions ex ante au profil de risque tient compte d’une multitude d’indicateurs de risque, ainsi qu’il ressort de l’article 6 du règlement délégué 2015/63. Un établissement est dès lors assigné, au total, à une multitude de bins en fonction de ses valeurs et de celles des autres établissements pour chaque indicateur de risque.

211    Or, ainsi qu’il ressort de l’étude technique du JRC mentionnée au point 208 ci-dessus, les établissements ont tendance à se retrouver dans d’autres bins pour différents indicateurs de risque. De ce fait, si un établissement se retrouve dans le dernier bin pour un indicateur de risque donné, et se voit ainsi mis sur un pied d’égalité avec des établissements ayant des valeurs considérablement plus élevées, il en va différemment, en règle générale, pour d’autres indicateurs de risque, cela permettant de procéder à une comparaison globale des établissements concernés.

212    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré que l’article 20 de la Charte et le principe de proportionnalité s’opposaient à l’utilisation de la méthode de binning.

213    Au demeurant, le phénomène décrit aux points 210 et 211 ci-dessus est illustré par le calcul de la contribution ex ante de la requérante pour la période de contribution 2021, comme en atteste sa fiche individuelle. En effet, en ce qui concerne la partie de sa contribution ex ante calculée sur la base de l’union, la requérante se retrouve dans le [confidentiel]. En revanche, pour aucun des indicateurs de risque faisant partie des piliers de risque [confidentiel] la requérante ne se retrouve dans le [confidentiel] bin [confidentiel].

214    La situation est d’ailleurs similaire pour la partie de la contribution ex ante de la requérante qui a été calculée sur la base nationale. Il ressort de sa fiche individuelle que la requérante se retrouve dans le [confidentiel] bin pour [confidentiel]. En revanche, elle ne se retrouve dans le [confidentiel] bin pour aucun des indicateurs de risque composant les [confidentiel] piliers de risque.

215    En ce qui concerne, en deuxième lieu, le grief tiré de la violation d’un « principe du calcul des contributions adapté au risque », il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir s’il existe, en droit de l’Union, un tel principe. Ce grief peut être compris en ce sens que la requérante reproche à la Commission, en réalité, d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a prévu la méthode de binning, puisque cette dernière empêcherait le CRU d’adapter, d’une manière appropriée, les contributions annuelles de base au profil de risque réel des établissements.

216    Or, au regard des considérations exposées aux points 202 à 212 ci-dessus, la requérante ne saurait prétendre que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a instauré la méthode de binning.

217    S’agissant, en troisième lieu, de la compatibilité de la méthode de binning avec l’article 16 de la Charte et le principe de prise en compte intégrale des faits, la requérante ne développe aucune argumentation autonome et ciblée concernant la violation de cet article et de ce principe, en se bornant à invoquer la violation de ceux-ci.

218    À cet égard, il découle de la jurisprudence que, pour qu’un recours soit recevable, il est nécessaire que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice. Ainsi, tout moyen qui n’est pas suffisamment articulé dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme étant irrecevable. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen. Cette fin de non-recevoir d’ordre public doit être relevée d’office par le juge de l’Union (voir arrêts du 30 juin 2021, Italie/Commission, T‑265/19, non publié, EU:T:2021:392, point 33 et jurisprudence citée, et du 7 juillet 2021, Bateni/Conseil, T‑455/17, EU:T:2021:411, point 135 et jurisprudence citée).

219    Les griefs mentionnés au point 217 ci-dessus ne répondant pas à ces exigences, ils doivent être rejetés comme étant irrecevables.

220    En dernier lieu, la requérante ne développe, dans sa requête, aucune argumentation autonome et ciblée concernant la prétendue illégalité des articles 6, 7 et 9 du règlement délégué 2015/63 ou d’autres parties de l’annexe I de ce règlement délégué que celle figurant sous le titre « Étape 2 », qui irait au-delà de l’argumentation examinée ci-dessus.

221    De ce fait, l’exception d’illégalité concernant ces dernières dispositions doit être rejetée.

222    Eu égard à ce qui précède, la première branche du septième moyen doit être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, portant sur l’intégration dans le total des prêts et des dépôts interbancaires des passifs intragroupes et des passifs de partage interne des pertes

223    La requérante soutient que les articles 6, 7 et 9 du règlement délégué 2015/63, ainsi que l’annexe I de ce même règlement délégué, violent les articles 16 et 20 de la Charte ainsi que le principe de proportionnalité, en ce qu’ils évaluent d’une manière inexacte le risque des établissements.

224    En outre, l’article 6, paragraphe 4, et l’article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement délégué 2015/63, ainsi que l’annexe I de ce même règlement délégué, violeraient également les articles 16 et 20 de la Charte ainsi que le principe de proportionnalité, en ce qu’ils intégraient dans le total des prêts et des dépôts interbancaires les passifs intragroupes et les passifs de partage interne des pertes, ce qui fausserait le calcul de l’indicateur de risque du pilier de risque mentionné à l’article 6, paragraphe 4, de ce règlement délégué, dénommé « importance de l’établissement pour la stabilité du système financier ou de l’économie » (ci-après le « pilier de risque III »). De ce fait, la requérante se verrait soumise à un double comptage de ces passifs et elle serait, dès lors, désavantagée par rapport aux établissements qui fournissent leurs informations au niveau consolidé, conformément à l’article 14 de ce règlement délégué, et qui pourraient en conséquence déduire ces passifs dans le cadre du calcul de leurs contributions annuelles de base en vertu de l’article 5 dudit règlement délégué.

225    Les passifs intragroupes et les passifs de partage interne des pertes devraient en outre être déductibles au regard de l’article 113, paragraphes 6 et 7 du règlement no 575/2013.

226    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

227    Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 159 ci-dessus, l’article 20 de la Charte consacre le principe d’égalité de traitement, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

228    Il incombe à la partie requérante de préciser et de démontrer quelle est la situation comparable à une autre situation qui a été traitée de manière différente ou quelle est la situation différente par rapport à une autre qui a été traitée de manière identique [voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, points 311 et 312].

229    En l’occurrence, la requérante semble soutenir que, en raison de la prise en considération des passifs intragroupes aux fins de déterminer, conformément à l’article 6, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, l’indicateur de risque du pilier de risque III, elle est traitée différemment des établissements qui fournissent leurs informations au niveau consolidé, conformément à l’article 14 de ce règlement délégué.

230    Cependant, d’une part, dans la mesure où la requérante s’appuie sur l’article 14 du règlement délégué 2015/63 pour établir ce traitement différencié, il convient de relever que cette disposition est dénuée de pertinence car elle se limite à imposer une obligation pour les établissements de fournir certaines informations, sans préciser si celles-ci sont fournies au niveau consolidé. D’autre part, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui permettrait d’apprécier dans quelle mesure elle se trouve dans une situation comparable à celle des établissements qui fournissent leurs informations au niveau consolidé ni dans quelle mesure elle est traitée différemment par rapport à eux.

231    Par ailleurs, la requérante fait valoir, en substance, que le règlement délégué 2015/63 prévoit un traitement différencié injustifié des passifs intragroupes et des passifs créés par un membre d’un SPI via un accord conclu avec d’autres établissements qui sont membres du même SPI (ci-après « passifs intra-SPI ») dans deux situations comparables, à savoir, d’une part, lors du calcul de la contribution annuelle de base qui permet, dans certaines conditions, une exclusion de ces passifs et, d’autre part, lors du calcul de l’indicateur de risque du pilier de risque III qui ne prévoit aucune exclusion similaire.

232    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que le caractère comparable de deux situations concernées s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).

233    Quant aux principes et aux objectifs du domaine dont relève le règlement délégué 2015/63, il convient de rappeler que la nature spécifique des contributions ex ante consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).

234    Le calcul des contributions ex ante se compose essentiellement, conformément à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59 et à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et ainsi qu’il ressort du considérant 5 du règlement délégué 2015/63, de deux éléments, à savoir, premièrement, la taille de l’établissement en cause, étant donné que la contribution annuelle de base est fondée sur un montant proportionnel au passif de cet établissement et, deuxièmement, le niveau de risque des activités concernées dudit établissement, étant donné que cette contribution annuelle de base est adaptée en fonction du profil de risque de ce même établissement. Ce second élément reflète notamment l’objectif d’encourager l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués.

235    Dans ce contexte, l’article 5 du règlement délégué 2015/63 prévoit l’exclusion, dans certaines conditions, des passifs intragroupes et des passifs intra-SPI afin de calculer, dans un premier temps, les contributions annuelles de base. En revanche, l’unique indicateur de risque du pilier de risque III, tel qu’il est prévu à l’article 6, paragraphe 4, de ce règlement délégué, fait partie des quatre piliers de risque prévus par cette disposition, afin d’ajuster, dans un second temps, les contributions annuelles de base au profil de risque des établissements concernés.

236    Or, d’une part, la requérante ne saurait soutenir qu’elle est soumise à un double comptage des passifs liés aux opérations intragroupes et aux opérations intra-SPI, puisque ces passifs ont été déduits lors du calcul de sa contribution annuelle de base, comme le soutient le CRU et sans que cela soit contesté par la requérante. D’autre part, et en tout état de cause, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément qui viserait à démontrer que la prise en compte de ces deux catégories de passifs lors du calcul de la contribution annuelle de base, qui vise à refléter la taille des établissements, et cette même prise en compte lors du calcul de l’indicateur de risque du pilier de risque III, qui vise à mesurer le profil de risque des établissements, constituent des situations comparables.

237    Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre que le règlement délégué 2015/63 prévoit, lors de ces calculs, un traitement différencié injustifié desdits passifs.

238    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les passifs intragroupes et les passifs de partage interne des pertes devraient être déductibles au regard de l’article 113, paragraphes 6 et 7, du règlement n° 575/2013.

239    D’une part, cette disposition définit les conditions concernant le calcul des montants d’expositions pondérés à des fins prudentielles, et non celles concernant le calcul des contributions ex ante. D’autre part, rien dans le libellé de cette disposition n’exige que ces passifs doivent être déductibles aux fins du calcul des contributions ex ante.

240    Ensuite, s’agissant de la prétendue violation de la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de la Charte et du principe de proportionnalité, la requérante ne développe aucune argumentation autonome et ciblée concernant la violation de cet article et de ce principe, en se bornant à en invoquer la violation.

241    Au regard de la jurisprudence citée au point 218 ci-dessus, lesdits griefs de la requérante doivent ainsi être rejetés.

242    Enfin, il convient de relever que, également dans le cadre de la seconde branche du septième moyen, la requérante ne développe, dans sa requête, aucune argumentation autonome et ciblée concernant la prétendue illégalité des articles 6, 7 et 9 du règlement délégué 2015/63, ainsi que de l’annexe I de ce même règlement délégué, qui irait au-delà de l’argumentation examinée ci-dessus.

243    De ce fait, l’exception d’illégalité concernant ces dernières dispositions doit être rejetée.

244    Eu égard à ce qui précède, la présente branche et, partant, le septième moyen dans son intégralité, doivent être rejetés.

4.      Sur le dixième moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’article 20, paragraphe 1, première et deuxième phrases, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’il violerait l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et le « principe du calcul des contributions adapté au risque »

245    La requérante excipe de l’illégalité de l’article 20, paragraphe 1, première et deuxième phrases, du règlement délégué 2015/63 au motif que, dans la mesure où cette disposition permet au CRU de ne pas appliquer, pour une période indéterminée, dans le cadre du calcul des contributions ex ante, un ou plusieurs indicateurs de risque si les données pour ces indicateurs ne sont pas disponibles, la Commission n’aurait pas respecté l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, qui aurait exigé d’elle qu’elle tienne compte de tous les éléments prévus par cette disposition lors de l’adoption du règlement délégué 2015/63.

246    Plus concrètement, l’article 20, paragraphe 1, première et deuxième phrases, du règlement délégué 2015/63 aurait pour effet que, pour la période de contribution 2021, le CRU n’aurait pas tenu compte, dans le cadre du pilier de risque « exposition au risque », de l’indicateur de risque « fonds propres et engagements ou passifs éligibles détenus par l’établissement au-delà de l’[exigence minimale de fonds propres et d’engagements éligibles (EMEE)] », dans le cadre du pilier de risque « stabilité et diversité des sources de financement », de l’indicateur de risque « ratio de financement net stable » et, dans le cadre du pilier de risque IV, des indicateurs de risque « complexité » et « résolvabilité ».

247    Pour les mêmes raisons, l’article 20, paragraphe 1, première et deuxième phrases, du règlement délégué 2015/63 serait également contraire au « principe du calcul des contributions adapté au risque ».

248    Le CRU et la Commission contestent cette argumentation.

249    À titre liminaire, il convient de préciser, d’une part, que, dans le cadre du dixième moyen, la requérante se limite à soulever une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.

250    D’autre part, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la directive 2014/59 ou une autre règle du droit de l’Union consacre un « principe du calcul des contributions adapté au risque », le grief de la requérante tiré de la violation de ce principe doit être compris en ce sens qu’elle soutient, en substance, que l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation, au motif que cette disposition empêcherait le CRU d’adapter, d’une manière appropriée, les contributions annuelles de base au profil de risque réel des établissements.

251    Cela étant précisé, il convient de relever que, aux termes de l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, intitulé « Dispositions transitoires », un indicateur de risque ne s’applique pas tant que les informations requises au titre d’un indicateur de risque spécifique mentionné à l’annexe II de ce règlement délégué ne font pas partie des exigences d’information prudentielle mentionnées à l’article 14 dudit règlement délégué, à savoir les exigences d’information prudentielle établies par le règlement d’exécution no 680/2014 de la Commission, du 16 avril 2014, définissant des normes techniques d’exécution en ce qui concerne l’information prudentielle à fournir par les établissements, conformément au règlement no 575/2013 (JO 2014, L 191, p. 1), ou, le cas échéant, au niveau des États membres.

252    Il convient de rappeler, à cet égard, que le règlement délégué 2015/63 a été adopté sur le fondement de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, lequel oblige la Commission à tenir compte de tous les éléments énumérés sous a) à h) de cette disposition aux fins de préciser la notion d’« adaptation des contributions en fonction du profil de risque des établissements ».

253    Malgré cela, l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 habilite le CRU, à titre transitoire, à ne pas appliquer certains de ces éléments, qui sont reflétés dans les indicateurs de risque prévus par ce règlement délégué.

254    À cet égard, il y a lieu de souligner que, si l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 oblige, certes, la Commission à « tenir compte » de l’ensemble des éléments énumérés à l’article 103, paragraphe 7, sous a) à h), de la directive 2014/59, cette disposition ne précise pas la manière dont elle doit les prendre en compte. À cette fin et comme il a été rappelé aux points 107 à 111 ci-dessus, la Commission jouit d’une large marge d’appréciation concernant la mise en œuvre de cette disposition.

255    Or, une telle marge d’appréciation peut impliquer, le cas échéant, la nécessité de prévoir des périodes transitoires en ce qui concerne l’application des éléments énumérés à l’article 103, paragraphe 7, sous a) à h), de la directive 2014/59, en raison, notamment, de l’indisponibilité des données nécessaires pour le calcul des indicateurs de risque fondés sur ces éléments.

256    L’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 introduit une telle période transitoire dès lors qu’il n’autorise pas le CRU à ne pas appliquer certains desdits éléments indéfiniment dans le temps, mais uniquement à titre transitoire, comme cela découle de l’intitulé de l’article 20 de ce règlement délégué, ainsi que des conditions d’application de son paragraphe 1.

257    En outre, il convient de relever, à l’instar du CRU et de la Commission, que la justification de la période transitoire prévue par cette disposition est étroitement liée au caractère progressif du processus de mise en place des exigences prudentielles et des exigences d’information correspondantes. En effet, ainsi qu’il découle, notamment, du considérant 6 de la directive 2014/59, le règlement délégué 2015/63 a été adopté à un moment où ces exigences n’étaient pas encore définitivement arrêtées ou faisaient encore l’objet d’ajustements. À cet égard, la requérante n’a pas sérieusement contesté l’affirmation du CRU selon laquelle les autorités compétentes détermineraient progressivement certaines desdites exigences qui, à leur tour, influenceraient les données qui devaient être disponibles pour calculer les indicateurs de risque prévus par le règlement délégué 2015/63. Il s’ensuit que de telles données nécessaires pour le calcul de certains de ces indicateurs de risque pouvaient ne pas être disponibles pour l’ensemble des établissements concernés ou, à tout le moins, pour l’ensemble des établissements ayant leur siège dans un État membre, pendant à tout le moins une partie de la période initiale, étant précisé que ces données pouvaient ne pas être déclarées à titre d’informations prudentielles selon le droit de l’Union ou, le cas échéant, le droit national.

258    Dans ce contexte, l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 vise à éviter que des charges disproportionnées ou discriminatoires soient, le cas échéant, imposées aux établissements lors du calcul des contributions ex ante en raison précisément de cette mise en œuvre progressive des exigences prudentielles et des exigences d’information qui y sont afférentes. En effet, ce calcul implique un exercice comparatif. À cet égard, le CRU a expliqué, en substance, sans être contredit, que, si les données indispensables pour le calcul de certains indicateurs de risque n’étaient pas déclarées au titre d’informations prudentielles par l’ensemble des établissements ou, à tout le moins, par l’ensemble des établissements ayant leur siège dans un État membre, le CRU serait obligé de prendre en compte des données relatives à de tels indicateurs qui ne sont pourtant pas comparables.

259    Enfin, il est vrai que l’exception prévue à l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 peut aboutir à une situation où certains indicateurs de risque prévus à l’article 6 de ce règlement délégué demeurent inappliqués pendant toute la période initiale. Cependant, d’une part, une telle conséquence est le résultat de la nature progressive de la mise en œuvre des exigences prudentielles, telle que relevée au point 257 ci-dessus. D’autre part, comme il ressort de l’article 71 du règlement no 806/2014, lesdits indicateurs de risque ont vocation à s’appliquer également au-delà de la période initiale.

260    Dans ces conditions, et compte tenu des considérations énoncées au point 254 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré que l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir ou encore qu’il va manifestement au-delà des limites du large pouvoir d’appréciation octroyé à la Commission par l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.

261    Partant, le dixième moyen doit être rejeté.

B.      Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 3 du règlement no 1

262    Il ressort du dossier que l’avis de perception du 21 avril 2021 de la BaFin était accompagné de la version en anglais de la décision attaquée, y compris ses annexes, et de leur traduction libre en allemand. D’après l’avis de perception, seule la version en anglais de la décision attaquée fait foi.

263    La requérante allègue que la décision attaquée est contraire à l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 3 du règlement no 1, en ce que cette décision spécifie que seule la version en anglais fait foi, alors qu’elle avait expressément choisi l’allemand comme langue officielle à appliquer pendant la procédure administrative, sauf en ce qui concernait des discussions de travail avec le CRU. La requérante n’ayant pas expressément renoncé à son droit de communiquer avec le CRU en allemand, le fait que le CRU a aussi rédigé une version officieuse de la décision attaquée en allemand ne saurait corriger ce défaut, d’autant plus que cette dernière présente des divergences significatives par rapport à la décision attaquée dans sa version en anglais.

264    Le CRU conteste cette argumentation.

265    Aux termes de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le règlement no 1 s’applique au CRU.

266    Il ressort de l’article 3 du règlement no 1 que les textes adressés par les institutions et organes de l’Union à un État membre ou à une personne relevant de la juridiction d’un État membre doivent être rédigés dans la langue de cet État.

267    Cependant, en vertu de l’article 81, paragraphe 4, du règlement no 806/2014, le CRU peut convenir avec les ARN de la langue dans laquelle sont rédigés les documents à leur transmettre ou transmis par elles, cette disposition constituant ainsi une réglementation spéciale par rapport à l’article 3 du règlement no 1.

268    Or, le CRU a mis en œuvre cet article 81, paragraphe 4, en concluant avec les ARN un accord concernant les modalités pratiques de la coopération au sein du MRU, qui a été entériné par la décision SRB/PS/2018/15 du CRU, du 17 décembre 2018, établissant le cadre des modalités pratiques de coopération au sein du MRU entre le CRU et les ARN (ci-après l’« accord CRU-ARN »).

269    Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la décision attaquée a respecté les modalités prévues dans cet accord.

270    En vertu de l’article 4, paragraphe 6, de l’accord CRU-ARN, les actes juridiques du CRU adressés aux ARN, en vue de leur mise en œuvre en vertu du droit national, sont adoptés en anglais, la version desdits actes dans cette langue étant juridiquement contraignante.

271    À cet égard, il ressort de l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 que le CRU est tenu de communiquer ses décisions sur le calcul des contributions ex ante aux ARN concernées.

272    Conformément à cette disposition, le CRU a précisé, à l’article 2 du dispositif de la décision attaquée, que cette dernière serait communiquée à l’ARN allemande, en sa qualité de destinataire au même titre que d’autres ARN.

273    Il s’ensuit que la décision attaquée relève du champ d’application de l’article 4, paragraphe 6, de l’accord CRU-ARN.

274    Conformément à l’article 81, paragraphe 4, du règlement no 806/2014, le CRU pouvait ainsi rédiger la décision attaquée en anglais. Dans ces conditions, la requérante ne peut lui reprocher d’avoir violé l’article 81, paragraphe 1, de ce règlement ou l’article 3 du règlement no 1.

275    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation de la requérante.

276    D’abord, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel elle a choisi de recevoir les documents du CRU pendant la phase administrative en allemand et, partant, le CRU devait lui communiquer la décision attaquée dans cette langue.

277    Bien qu’il ressorte du formulaire produit en annexe A.10 à la requête que la requérante a fait un tel choix, ce choix concerne uniquement l’échange de documents entre le CRU et elle et ne peut pas porter sur les décisions concernant les contributions ex ante, de telles décisions étant adressées par le CRU aux ARN.

278    Ensuite, l’argument de la requérante selon lequel elle est directement et individuellement concernée par la décision attaquée et a, dès lors, le droit d’en recevoir une copie officielle en allemand ne saurait prospérer lui non plus.

279    D’une part, cet argument méconnaît le libellé de l’article 81, paragraphe 4, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2015/81 et l’article 4, paragraphe 6, de l’accord CRU-ARN.

280    D’autre part, il ressort de la jurisprudence qu’il n’existe pas de principe général en droit de l’Union assurant à chaque personne un droit à ce que tout acte qui est susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances et selon lequel les organes de l’Union seraient tenus, sans qu’aucune dérogation soit autorisée, à utiliser l’ensemble des langues officielles dans toute situation (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 37 et jurisprudence citée).

281    Partant, le premier moyen doit être rejeté.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré de défauts de motivation

282    Le deuxième moyen s’articule autour de sept branches.

a)      Observations préliminaires

283    L’article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques sont motivés. De même, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit l’obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l’Union, de motiver leurs décisions.

284    La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).

285    Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).

286    Afin d’examiner si cette motivation est suffisante en ce qui concerne une décision fixant les contributions ex ante, il convient de rappeler, premièrement, qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que la motivation de toute décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent doit nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul du montant de cette somme d’argent (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 105 et jurisprudence citée).

287    Deuxièmement, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est, notamment, concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 et jurisprudence citée).

288    Troisièmement, considérer que la motivation de la décision du CRU fixant des contributions ex ante doit nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l’empêchant, notamment, d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant au FRU (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).

289    Quatrièmement, s’il résulte de ce qui précède que l’obligation de motivation pesant sur le CRU doit être mise en balance, en raison de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul établi par le législateur de l’Union, avec l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires des établissements concernés, il n’en demeure pas moins que cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 120).

290    Toutefois, il ne saurait être considéré, dans le cadre de la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, que motiver une décision mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent sans lui fournir l’intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d’argent porte nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l’obligation de motivation (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 121).

291    S’agissant de la décision du CRU fixant des contributions ex ante, l’obligation de motivation doit être considérée comme étant respectée lorsque les personnes concernées par cette décision, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

292    Dans un tel cas, ces personnes sont, en effet, en mesure de vérifier si leur contribution ex ante a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de leur situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité. Lesdites personnes peuvent, dès lors, comprendre les justifications de la décision fixant leur contribution ex ante et évaluer s’il apparaît utile d’introduire un recours contre cette décision, de sorte qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution de chaque établissement concerné (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 123).

293    Il résulte de ce qui précède que le CRU n’est pas, notamment, tenu de fournir à un établissement les données lui permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de la valeur du multiplicateur d’ajustement, puisque cette vérification supposerait de disposer de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).

294    En revanche, il incombe au CRU de publier ou de transmettre aux établissements concernés, sous une forme agrégée et anonymisée, les informations relatives à ces établissements, utilisées pour calculer cette contribution, dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 166).

295    Parmi les informations devant ainsi être mises à la disposition des établissements figurent, notamment, les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant, sur la base desquelles la contribution ex ante des établissements a été adaptée au profil de risque de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C584/20 P et C621/20 P, EU:C:2021:601, point 167).

296    C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante développés dans le cadre du deuxième moyen.

b)      Sur la première branche, portant sur la langue de la version de la décision attaquée faisant foi

297    La requérante soutient que la décision attaquée n’existe pas dans une langue expressément choisie par elle en vertu de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, à savoir l’allemand. En outre, il y aurait des divergences sur des points essentiels entre la version en anglais de la décision attaquée, qui fait foi, et sa traduction en allemand.

298    Le CRU conteste cette argumentation.

299    En ce qui concerne, d’une part, le grief tiré de l’inexistence de la décision attaquée dans la langue choisie par la requérante, ce grief recoupe, en substance, le premier moyen, si bien qu’il convient de le rejeter pour les motifs énoncés aux points 265 à 280 ci-dessus. S’agissant, d’autre part, du grief tiré des divergences entre les versions linguistiques de cette décision, la requérante n’identifie qu’un seul point de celle-ci sur lequel la version en anglais faisant foi divergerait de sa traduction en allemand, à savoir son considérant 114, relatif à la création de trois bins concernant l’indicateur de risque SPI. Or, à supposer qu’il existe une telle divergence linguistique, la requérante n’explique pas en quoi cette divergence l’aurait empêchée de comprendre les motifs pour lesquels le CRU a créé trois bins concernant l’indicateur de risque SPI.

300    De ce fait, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

c)      Sur la deuxième branche, portant sur la complexité de la motivation du calcul de la contribution ex ante

301    La requérante fait valoir, tout d’abord, que les explications fournies par le CRU dans la décision attaquée, réparties en quatre documents distincts, sont excessivement complexes et opaques.

302    Ensuite, l’outil de calcul utilisé par le CRU pour calculer les contributions ex ante ne serait accessible ni à la requérante ni au Tribunal.

303    Enfin, les vices de motivation de la décision attaquée seraient davantage confirmés par le fait que le CRU a approfondi la motivation de la décision fixant les contributions ex ante pour la période de contribution 2022.

304    Le CRU conteste cette argumentation.

305    Tout d’abord, la requérante n’explique pas à suffisance de droit en quoi le fait que la décision attaquée soit répartie en quatre documents rend cette décision incompréhensible et constitue donc un vice de motivation.

306    De même, bien que la requérante prétende que les documents composant la décision attaquée sont reliés entre eux par de nombreux renvois et des références croisées, de sorte qu’il serait impossible de comprendre pleinement chacun des éléments de calcul, elle ne fournit aucun exemple d’un tel élément qui deviendrait incompréhensible pour cette raison.

307    En ce qui concerne, ensuite, l’outil de calcul utilisé par le CRU pour calculer les contributions ex ante, il convient de relever que le grief de la requérante concerne, selon ses clarifications apportées lors de l’audience, l’outil de calcul sous la forme d’un logiciel utilisé en interne par le CRU pour calculer les contributions ex ante pour la période de contribution 2021 de tous les établissements.

308    Or, la requérante ne saurait reprocher au CRU de ne pas lui avoir donné accès à un tel outil, dès lors qu’elle n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui expliquerait les motifs pour lesquels cet accès était nécessaire pour se conformer aux exigences résultant de la jurisprudence citée aux points 291, 294 et 295 ci-dessus.

309    Enfin, le seul fait que le CRU ait prétendument approfondi la motivation de la décision fixant les contributions ex ante pour la période de contribution 2022 n’est pas pertinent pour apprécier si la décision attaquée est suffisamment motivée. En effet, la motivation de cette dernière décision ne saurait être examinée à la lumière de celle d’un acte adopté à peu près un an après la décision attaquée.

310    À la lumière de ce qui précède, la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

d)      Sur la sixième branche, portant sur la rétention des données des autres établissements

311    Selon la requérante, la motivation de la décision attaquée est insuffisante dès lors que le CRU n’a pas divulgué les données des autres établissements qui constituaient le fondement du calcul des contributions ex ante, ce qui la laisserait dans l’incertitude quant à l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante. Ainsi, le CRU n’aurait pas établi un juste équilibre entre l’obligation de motivation et le secret des affaires.

312    Le CRU conteste cette argumentation.

313    Au considérant 88 de la décision attaquée, le CRU a observé que « les secrets d’affaires des établissements – c’est-à-dire toutes les informations concernant l’activité professionnelle des établissements qui, en cas de divulgation à un concurrent et/ou à un public plus large, pourraient porter gravement atteinte aux intérêts des établissements – [étaient] considérés comme des informations confidentielles ». Il a ajouté que, « [d]ans le cadre du calcul des contributions ex ante […], les informations individuelles fournies par les établissements par l’intermédiaire de leurs formulaires de [déclaration] […], sur lesquelles [il] s’appu[yait] pour calculer leur contribution ex ante, [étaient] considérées comme des secrets d’affaires ».

314    En outre, aux considérants 90 à 92 de la décision attaquée, le CRU a relevé qu’il lui était interdit de « divulguer les points de données de chaque établissement, qui constitu[aie]nt la base des calculs dans [ladite décision] », alors qu’il était autorisé à « divulguer les points de données agrégés et communs, dans la mesure où ces données [étaient] cumulées ». Cela étant, les établissements bénéficiaient, selon ladite décision, d’une « transparence totale quant au calcul de leur [contribution annuelle de base] et de leur multiplicateur d’ajustement » pour les étapes de calcul de cette contribution, telles qu’elles étaient définies à l’annexe I du règlement délégué 2015/63, qui portaient sur le « calcul des indicateurs bruts » (étape 1), le « rééchelonnement des indicateurs » (étape 3) et le « calcul de l’indicateur composite » (étape 5). En outre, les établissements étaient en mesure d’obtenir des « points de données communs utilisés indifféremment par le CRU pour tous les établissements ajustés en fonction de leur profil de risque » pour les étapes de calcul portant sur la « discrétisation des indicateurs » (étape 2), l’« intégration du signe affecté » (étape 4) et le « calcul des contributions annuelles » (étape 6).

315    À cet égard, il convient de rappeler, en premier lieu, que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu’il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l’utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires ne pouvant pas être reprises dans la motivation de la décision de fixation des contributions ex ante (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).

316    En second lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, l’obligation de motivation n’impose pas au CRU de faire figurer, dans la décision attaquée, des considérations détaillées démontrant le caractère confidentiel de chaque catégorie de données fournies par les établissements.

317    En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 285 ci-dessus, il n’est pas exigé que la motivation d’un acte spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications.

318    Or, d’une part, il découle des considérations figurant au considérant 88 de la décision attaquée que le CRU a considéré que l’ensemble des données déclarées par chaque établissement était couvert, dans sa globalité, par le secret des affaires, puisque la divulgation de ces données à un concurrent ou à un public plus large pourrait porter gravement atteinte aux intérêts de l’établissement concerné.

319    D’autre part, étant donné que la requérante a fourni ses propres données aux fins du calcul des contributions ex ante, conformément à l’article 14 du règlement délégué 2015/63, elle avait une pleine connaissance de la nature et des caractéristiques générales de chaque catégorie de ces données. Elle était ainsi, notamment, à même d’évaluer dans quelle mesure chacune de ces catégories de données pouvait comporter des informations confidentielles.

320    Dans ces conditions, la requérante disposait d’informations suffisantes pour comprendre et, le cas échéant, contester les raisons pour lesquelles le CRU avait considéré que les données individuelles des autres établissements étaient couvertes par le secret des affaires. Elle pouvait, notamment, contester, au regard de la nature et des caractéristiques générales de chaque catégorie de ces données, l’appréciation du CRU figurant au considérant 88 de la décision attaquée, selon laquelle lesdites données avaient un caractère secret et leur divulgation pouvait porter gravement atteinte aux intérêts de l’établissement concerné. Ainsi, elle disposait de tous les éléments nécessaires pour pouvoir contester le non-respect par le CRU des exigences dégagées par la Cour concernant la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, telles qu’elles sont rappelées aux points 291, 294 et 295 ci-dessus.

321    Or, la requérante n’a pas apporté d’éléments qui viseraient à remettre en cause l’appréciation du CRU selon laquelle les données individuelles des autres établissements étaient couvertes par le secret des affaires.

322    Eu égard à ce qui précède, la requérante ne saurait prétendre que la décision attaquée est insuffisamment motivée en ce qu’elle ne fournit pas les données individuelles des autres établissements permettant de vérifier le calcul de sa contribution ex ante.

323    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante, selon lequel le CRU, pour s’acquitter de son obligation de motivation, doit lui fournir, sous une forme anonymisée, une liste de toutes les données des établissements qui se trouvent dans le même bin qu’elle.

324    D’une part, imposer au CRU une telle exigence irait au-delà des exigences imposées par la jurisprudence qui ont été rappelées aux points 291, 294 et 295 ci-dessus.

325    D’autre part, le CRU a soutenu, sans être sérieusement contredit sur ce point, que même une liste avec des données anonymisées pour un bin particulier risquait de permettre aux opérateurs économiques actifs dans le domaine bancaire, lesquels sont des opérateurs avisés, d’apprendre des secrets d’affaires de certains établissements. À cet égard, la requérante n’a pas, notamment, contesté que de tels opérateurs savaient quels établissements avaient tendance à avoir des valeurs élevées pour certains indicateurs de risque. Or, s’ils obtenaient des listes avec de telles données chaque année, ils pourraient suivre l’évolution des indicateurs de risque de ces établissements, quand bien même ceux-ci seraient composés de données commercialement sensibles. Un tel risque existe en particulier en ce qui concerne les grands établissements et ceux établis dans les États membres dans lesquels il n’existe qu’un nombre limité d’établissements redevables de la contribution ex ante. En effet, il n’est pas exclu que, dans ces hypothèses, un opérateur avisé soit en position de déduire l’identité de tels établissements, quand bien même ces derniers auraient été anonymisés. Ainsi, il ne saurait être reproché au CRU de ne pas avoir établi de liste de toutes les données anonymisées des établissements qui se trouvaient dans un même bin.

326    À la lumière de ce qui précède, la sixième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

e)      Sur la troisième branche, portant sur la motivation du niveau cible annuel

327    Selon la requérante, la détermination du niveau cible annuel n’est pas dûment motivée dans la décision attaquée. En particulier, le CRU aurait dû expliquer dans quelle mesure il avait pris en compte l’incidence éventuelle des contributions procycliques sur la position financière des établissements concernés. De plus, le CRU n’aurait pas communiqué le niveau cible final pronostiqué ni son interprétation du plafond mentionné à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 806/2014. Or, ainsi que la décision fixant les contributions ex ante pour la période de contribution 2022 le montrerait, le CRU s’estimerait être habilité à augmenter librement le niveau cible annuel en appliquant un coefficient qui n’est pas prévu par la réglementation applicable et à imposer ainsi aux établissements une charge disproportionnée.

328    Le CRU rétorque qu’il ressort des considérants 35 à 48 de la décision attaquée qu’il a respecté son obligation de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel pour la période de contribution 2021.

329    En particulier, il résulterait des considérants 43 à 48 de la décision attaquée que le CRU a tenu compte de la pandémie de COVID-19 dans le cadre de l’analyse de la phase du cycle conjoncturel ainsi que des effets procycliques potentiels des contributions sur la situation financière des établissements contributeurs. À cet égard, le CRU aurait expliqué qu’il anticipait une reprise économique au cours de l’année 2021, même si cette reprise demeurait difficilement prévisible.

330    Par ailleurs, le CRU aurait publié sur son site Internet le niveau cible final pronostiqué et la requérante aurait eu connaissance de cette publication. La prétendue absence de divulgation de l’interprétation du CRU concernant le plafond de 12,5 % prévu à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ne serait pas de nature à affecter la légalité de la motivation de la décision attaquée.

331    À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

332    Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 331 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.

333    L’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 précise que, chaque année, les contributions dues par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ne dépassent pas 12,5 % du niveau cible final.

334    En ce qui concerne le mode de calcul des contributions ex ante, l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU détermine leur montant sur la base du niveau cible annuel, compte tenu du niveau cible final, et sur la base du montant moyen des dépôts couverts de l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.

335    De même, selon l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le CRU calcule la contribution ex ante pour chaque établissement sur la base du niveau cible annuel, qui doit être établi au regard du niveau cible final et conformément à la méthode exposée dans le règlement délégué 2015/63.

336    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 48 de la décision attaquée, le CRU a fixé, pour la période de contribution 2021, le montant du niveau cible annuel à 11 287 677 212,56 euros.

337    Aux considérants 36 et 37 de la décision attaquée, le CRU a expliqué, en substance, que le niveau cible annuel devait être déterminé sur la base d’une analyse portant sur l’évolution des dépôts couverts au cours des années précédentes, sur toute évolution pertinente de la situation économique ainsi que sur une analyse portant sur les indicateurs relatifs à la phase du cycle d’activité et sur les effets que des contributions procycliques auraient sur la situation financière des établissements. Par la suite, le CRU a considéré approprié de fixer un coefficient qui était fondé sur cette analyse et sur les moyens financiers disponibles dans le FRU (ci-après le « coefficient »). Le CRU a appliqué ce coefficient à un huitième du montant moyen des dépôts couverts en 2020, aux fins d’obtenir le niveau cible annuel.

338    Le CRU a exposé la démarche suivie pour fixer le coefficient aux considérants 38 à 47 de la décision attaquée.

339    Au considérant 38 de la décision attaquée, le CRU a constaté une tendance constante à la hausse des dépôts couverts pour tous les établissements des États membres participants. En particulier, le montant moyen de ces dépôts, calculé trimestriellement, s’élevait pour l’année 2020 à 6,689 billions d’euros.

340    Aux considérants 40 et 41 de la décision attaquée, le CRU a présenté l’évolution pronostiquée des dépôts couverts pour les trois années restantes de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Il a estimé que les taux annuels de croissance des dépôts couverts jusqu’à la fin de la période initiale se situeraient entre 4 % et 7 %.

341    Aux considérants 42 à 45 de la décision attaquée, le CRU a présenté une évaluation de la phase du cycle d’activité et de l’effet procyclique potentiel que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements. Pour ce faire, il a indiqué avoir tenu compte de plusieurs indicateurs, tels que la prévision de croissance du produit intérieur brut de la Commission et les projections de la BCE à cet égard ou le flux de crédit du secteur privé en pourcentage du produit intérieur brut.

342    Au considérant 46 de la décision attaquée, le CRU a conclu que, s’il était raisonnable de s’attendre à la poursuite de la croissance des dépôts couverts au sein de l’union bancaire, le rythme de cette croissance serait inférieur à celui de l’année 2020. À cet égard, le CRU a indiqué, au considérant 47 de la décision attaquée, avoir adopté une « approche prudente » en ce qui concernait les taux de croissance des dépôts couverts pour les années à venir jusqu’à 2023.

343    Au regard de ces considérations, le CRU a fixé, au considérant 48 de la décision attaquée, la valeur du coefficient à 1,35 %. Il a ensuite calculé le montant du niveau cible annuel, en multipliant le montant moyen des dépôts couverts en 2020 par ce coefficient et en divisant le résultat de ce calcul par huit, conformément à la formule mathématique suivante, figurant au considérant 48 de ladite décision :

« Cible0 [montant du niveau cible annuel] = Total dépôts couverts2020 * 0,0135 * ⅛ = EUR 11 287 677 212,56 ».

344    Lors de l’audience, le CRU a cependant indiqué qu’il avait déterminé le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 comme suit.

345    Premièrement, sur la base d’une analyse prospective, le CRU a fixé le montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, pronostiqué pour la fin de la période initiale, à environ 7,5 billions d’euros. Pour aboutir à ce montant, le CRU a pris en compte le montant moyen des dépôts couverts en 2020, à savoir 6,689 billions d’euros, un taux de croissance annuel des dépôts couverts de 4 % ainsi que le nombre de périodes de contribution restantes jusqu’à la fin de la période initiale, à savoir trois.

346    Deuxièmement, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, le CRU a calculé 1 % de ces 7,5 billions d’euros pour obtenir le montant estimé du niveau cible final devant être atteint le 31 décembre 2023, à savoir environ 75 milliards d’euros.

347    Troisièmement, le CRU a déduit de ce dernier montant les ressources financières déjà disponibles dans le FRU en 2021, c’est-à-dire environ 42 milliards d’euros, pour obtenir le montant qu’il restait à percevoir pendant les périodes de contribution restantes avant la fin de la période initiale, à savoir de 2021 à 2023. Ce montant s’élevait à environ 33 milliards d’euros.

348    Quatrièmement, le CRU a divisé ce dernier montant par trois pour le répartir uniformément entre lesdites trois périodes de contribution restantes. Le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 a été ainsi fixé au montant mentionné au point 336 ci-dessus, à savoir environ 11,287 milliards d’euros.

349    Le CRU a également affirmé, lors de l’audience, qu’il avait rendu publics des éléments d’information sur lesquels avait été fondée la méthode décrite aux points 345 à 348 ci-dessus et qui auraient permis à la requérante de comprendre la méthode par laquelle le niveau cible annuel avait été déterminé. En particulier, il a précisé qu’il avait publié sur son site Internet, en mai 2021, c’est-à-dire après l’adoption de la décision attaquée, mais avant l’introduction du présent recours, une fiche descriptive dénommée « Fact Sheet 2021 » (ci-après la « fiche descriptive »), qui indiquait le montant estimé du niveau cible final. De même, le CRU a affirmé que le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU était également disponible sur son site Internet ainsi que par le biais d’autres sources publiques, et ce bien avant l’adoption de la décision attaquée.

350    Afin d’examiner si le CRU a respecté son obligation de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, il convient tout d’abord de rappeler qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée). Par conséquent, le Tribunal peut, voire doit, prendre en compte également d’autres défauts de motivation que ceux invoqués par la requérante, et ce, notamment, lorsque ceux-ci se révèlent au cours de la procédure.

351    À cette fin, les parties ont été entendues, au cours de la phase orale de la procédure, sur tous les éventuels défauts de motivation dont serait entachée la décision attaquée en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel. En particulier, interrogé expressément et à plusieurs reprises à cet égard, le CRU a décrit, étape par étape, la méthode qu’il avait réellement suivie pour déterminer le niveau cible annuel pour la période de contribution 2021, telle qu’elle est exposée aux points 344 à 348 ci-dessus.

352    En ce qui concerne, ensuite, le contenu de l’obligation de motivation, il ressort de la jurisprudence que la motivation d’une décision prise par une institution ou un organe de l’Union doit être, notamment, dépourvue de contradictions pour permettre aux intéressés de connaître les motifs réels de cette décision, en vue de défendre leurs droits devant la juridiction compétente, et à cette dernière d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169 et jurisprudence citée ; du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 20 et 45 à 47, et du 16 décembre 2015, Grèce/Commission, T‑241/13, EU:T:2015:982, point 56).

353    De même, lorsque l’auteur de la décision attaquée fournit certaines explications concernant les motifs de celle-ci au cours de la procédure devant le juge de l’Union, ces explications doivent être cohérentes avec les considérations exposées dans cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2005, Suproco/Commission, T‑101/03, EU:T:2005:336, points 45 à 47, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 54 et 55).

354    En effet, si les considérations exposées dans la décision attaquée ne sont pas cohérentes avec de telles explications fournies lors de la procédure juridictionnelle, la motivation de la décision concernée ne remplit pas les fonctions rappelées aux points 284 et 285 ci-dessus. En particulier, une telle incohérence empêche, d’une part, les intéressés de connaître les motifs réels de la décision attaquée, avant l’introduction du recours, et de préparer leur défense à leur égard et, d’autre part, le juge de l’Union d’identifier les motifs ayant servi de véritable support juridique à cette décision et d’examiner leur conformité aux règles applicables.

355    Enfin, il y a lieu de rappeler que, lorsque le CRU adopte une décision fixant les contributions ex ante, il doit porter à la connaissance des établissements concernés la méthode de calcul de ces contributions (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).

356    Il doit en aller de même pour la méthode de détermination du niveau cible annuel, ce montant revêtant une importance essentielle dans l’économie d’une telle décision. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81, le mode de calcul des contributions ex ante consiste en la répartition dudit montant entre tous les établissements concernés, de sorte qu’une augmentation ou une réduction de ce même montant entraîne une augmentation ou une réduction correspondante de la contribution ex ante de chacun de ces établissements.

357    Il ressort de ce qui précède que, si le CRU est tenu de fournir aux établissements, par le biais de la décision attaquée, des explications concernant la méthode de détermination du niveau cible annuel, ces explications doivent être cohérentes avec les explications fournies par le CRU pendant la procédure juridictionnelle et portant sur la méthode réellement appliquée.

358    Or, tel n’est pas le cas dans la présente affaire.

359    En effet, il convient tout d’abord de relever que la décision attaquée a exposé, au considérant 48, une formule mathématique qu’elle a présentée comme étant à la base de la détermination du niveau cible annuel. Or, il s’avère que cette formule n’intègre pas les éléments de la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience. En effet, ainsi qu’il ressort des points 345 à 348 ci-dessus, le CRU a obtenu le montant du niveau cible annuel, dans le cadre de cette méthode, en déduisant du niveau cible final les moyens financiers disponibles dans le FRU, en vue de calculer le montant qu’il restait à percevoir jusqu’à la fin de la période initiale et en divisant ce dernier montant par trois. Or, ces deux étapes du calcul ne trouvent aucune expression dans ladite formule mathématique.

360    Il résulte, certes, de l’argumentation de la requérante, dans le cadre du présent moyen, que celle-ci avait connaissance de la fiche descriptive et, par conséquent, des éventuels montants du niveau cible final indiqués dans la fourchette qui y était incluse. Cependant, à supposer qu’elle ait connu également le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU, ces circonstances seules n’étaient pas de nature à lui permettre de comprendre que les deux opérations mentionnées au point 359 ci-dessus avaient été effectivement appliquées par le CRU, étant précisé, au surplus, que la formule mathématique prévue au considérant 48 de la décision attaquée ne les mentionnait même pas.

361    Des incohérences similaires affectent également la manière dont a été fixé le coefficient de 1,35 %, qui joue pourtant un rôle primordial dans la formule mathématique mentionnée au point 360 ci-dessus. En effet, ce coefficient pourrait être compris en ce sens qu’il est fondé, parmi d’autres paramètres, sur la croissance pronostiquée des dépôts couverts pendant les années restantes de la période initiale. Or, comme le CRU l’a reconnu lors de l’audience, ce coefficient a été fixé de manière à pouvoir justifier le résultat du calcul du montant du niveau cible annuel, c’est-à-dire après que le CRU a calculé ce montant en application des quatre étapes exposées aux points 345 à 348 ci-dessus et, notamment, par la division par trois du montant issu de la déduction des moyens financiers disponibles dans le FRU du niveau cible final. Or, cette démarche ne ressort aucunement de la décision attaquée.

362    En outre, il convient de rappeler que, selon la fiche descriptive, le montant du niveau cible final estimé se situait dans une fourchette comprise entre 70 et 75 milliards d’euros. Or, cette fourchette s’avère incohérente avec la fourchette du taux de croissance des dépôts couverts comprise entre 4 % et 7 % figurant au considérant 41 de la décision attaquée. En effet, le CRU a indiqué à l’audience que, aux fins de la détermination du niveau cible annuel, il avait tenu compte du taux de croissance des dépôts couverts de 4 % – qui était le taux le plus bas de la seconde fourchette – et qu’il avait ainsi obtenu le niveau cible final estimé de 75 milliards d’euros – qui constituait la valeur la plus élevée de la première fourchette. Il s’avère ainsi qu’il existe une discordance entre ces deux fourchettes. En effet, d’une part, la fourchette portant sur le taux d’évolution des dépôts couverts comprend également des valeurs supérieures au taux de 4 %, dont l’application aurait pourtant abouti à un montant estimé du niveau cible final supérieur à ceux inclus dans la fourchette relative à ce niveau cible. D’autre part, il est impossible pour la requérante de comprendre la raison pour laquelle le CRU a inclus dans la fourchette afférente audit niveau cible des montants inférieurs à 75 milliards d’euros. En effet, pour y aboutir, il aurait été nécessaire d’appliquer un taux en deçà de 4 %, qui n’est pourtant pas compris dans la fourchette relative au taux de croissance des dépôts couverts. Dans ces conditions, la requérante n’était pas en mesure de déterminer la manière dont le CRU avait utilisé la fourchette portant sur le taux d’évolution de ces dépôts pour aboutir au calcul du niveau cible final estimé.

363    Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel, la méthode réellement appliquée par le CRU, telle qu’explicitée lors de l’audience, ne correspond pas à celle décrite dans la décision attaquée, de sorte que les motifs réels, au regard desquels a été fixé ce niveau cible, ne pouvaient être identifiés sur la base de la décision attaquée ni par les établissements ni par le Tribunal.

364    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée de vices de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.

365    La troisième branche du deuxième moyen doit ainsi être accueillie. Compte tenu des enjeux juridiques et économiques de la présente affaire, il est pourtant dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de poursuivre l’examen des autres moyens du recours.

f)      Sur la quatrième branche, portant sur la motivation insuffisante de la contribution annuelle de base

366    La requérante fait valoir que le CRU n’a pas précisé tous les éléments concrets du calcul de la contribution annuelle de base en ce qui concerne la requérante. La fiche individuelle ne contiendrait pas, notamment, le dénominateur qui doit être appliqué à cette contribution, à savoir la somme des passifs nets de tous les établissements concernés, adaptée conformément à l’article 5 du règlement délégué 2015/63, ni le « montant […] de la contribution de base de la requérante après application de la formule énoncée dans la décision [attaquée] ».

367    Le CRU conteste cette argumentation.

368    À titre liminaire, il convient de rappeler que, s’agissant des établissements qui doivent verser une contribution ex ante ajustée à leurs profils de risque, le calcul de cette contribution se fait, en substance, en deux étapes.

369    Dans la première étape, le CRU calcule une contribution annuelle de base en fonction du passif net de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59. En vertu de l’article 5 du règlement délégué 2015/63, certains passifs sont déduits de ce passif net.

370    Dans la seconde étape, le CRU adapte la contribution annuelle de base au profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014 et à l’article 103, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 2014/59.

371    La quatrième branche du deuxième moyen vise la première étape du calcul des contributions ex ante.

372    Aux considérants 62 à 65 de la décision attaquée, le CRU a expliqué la méthode de détermination du numérateur et du dénominateur servant de base pour ce calcul.

373    Par ailleurs, à la page 1 de la fiche individuelle, le CRU a exposé, sous le titre « Contribution annuelle de base (CAB) : numérateur », la valeur du numérateur qui avait été prise en compte pour calculer la contribution annuelle de base de la requérante ainsi que les données sur la base desquelles cette dernière avait été calculée.

374    En outre, à la page 2 de la fiche individuelle, sous le titre « Calcul de la contribution brute ([règlement délégué 2015/63], annexe 1, ‟étape 6”) », la décision attaquée a exposé la valeur du dénominateur qui avait été prise en compte pour ce calcul.

375    Il s’ensuit que la requérante disposait d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon sa situation individuelle avait été prise en compte, conformément à la jurisprudence citée au point 291 ci-dessus.

376    Il est vrai que le CRU n’a pas décomposé, ni dans le corps de la décision attaquée ni dans les annexes de cette décision, le dénominateur de la contribution annuelle de base en fonction des éléments qui le constituaient, à savoir la somme des passifs nets de tous les établissements concernés, ajustée conformément à l’article 5 du règlement délégué 2015/63.

377    Cependant, ainsi que la requérante l’a admis à l’audience, ces éléments englobent les données individualisées de tous les établissements concernés.

378    Or, de tels éléments ne s’avèrent pas nécessaires pour permettre à la requérante de comprendre, en substance, de quelle façon sa situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés.

379    Par conséquent, imposer au CRU une exigence de communication desdits éléments irait au-delà des exigences prévues par la jurisprudence citée aux points 291, 294 et 295 ci-dessus.

380    La quatrième branche du deuxième moyen doit ainsi être rejetée.

g)      Sur la cinquième branche, portant sur la motivation insuffisante de l’ajustement de la contribution annuelle de base au risque

381    La cinquième branche du deuxième moyen s’articule, en substance, autour de trois griefs.

1)      Sur le premier grief, portant sur l’impossibilité de vérifier l’assujettissement de l’ensemble des établissements concernés à une contribution ajustée en fonction du profil de risque

382    Selon la requérante, il est impossible de vérifier si l’ensemble des établissements a effectivement été soumis à un ajustement au risque, étant donné qu’il existe une divergence entre, d’une part, le nombre d’établissements figurant dans les statistiques publiées sur le site Internet du CRU et, d’autre part, le nombre de ceux-ci indiqué dans la fiche descriptive.

383    Le CRU conteste cette argumentation.

384    Tout d’abord, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 9, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU calcule le multiplicateur d’ajustement pour tous les établissements, hormis ceux qui sont éligibles au versement d’une contribution forfaitaire en vertu de l’article 10 de ce règlement délégué et ceux qui sont mentionnés à l’article 11 dudit règlement délégué, en combinant les indicateurs de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63 conformément à la formule mathématique et aux procédures exposées à l’annexe I de ce règlement délégué.

385    Ensuite, dans la mesure où l’argumentation de la requérante devrait être comprise en ce sens qu’elle reproche au CRU de ne pas avoir identifié dans la décision attaquée, par leur dénomination, tous les établissements participant au MRU dont la contribution ex ante avait été adaptée à leur profil de risque, il convient de relever que la requérante n’a pas présenté au Tribunal d’éléments de preuve sur la base desquels il serait possible de conclure que cette information était pertinente pour comprendre la manière dont sa situation individuelle avait été prise en compte aux fins du calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés, en vertu de la jurisprudence citée au point 291 ci-dessus.

386    Enfin, dans la mesure où l’argumentation de la requérante devrait être comprise comme exigeant du CRU de communiquer le seul nombre d’établissements pour lesquels la contribution ex ante avait été ajustée en fonction de leur profil de risque pour la période de contribution 2021, force est de constater que l’annexe II de la décision attaquée permet d’identifier le nombre de tels établissements. En effet, en ce qui concerne la partie des contributions ex ante calculée sur la base nationale, ce nombre peut être vérifié, pour chaque État membre, dans la rubrique « N », aux pages 6 à 131 de l’annexe II de la décision attaquée. Il en va de même pour la partie des contributions ex ante calculée sur la base de l’union, dont les statistiques sont exposées aux pages 132 à 137 de l’annexe II de cette décision. Il ressort ainsi de ces statistiques que, pour la période de contribution 2021, un total de 1 627 établissements ont été soumis à une contribution ex ante ajustée à leur profil de risque.

387    Eu égard à ce qui précède, le premier grief de la cinquième branche du deuxième moyen doit être rejeté.

2)      Sur le deuxième grief, portant sur la prise en compte de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité »

388    La requérante soutient que le CRU n’a pas fourni de motivation suffisante quant à la détermination de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité », en n’exposant pas, notamment, son analyse des éléments qui conduisaient à l’augmentation du profil de risque des établissements et qui étaient énoncés à l’article 6, paragraphe 6, sous a), i) à iv), du règlement délégué 2015/63. Or, le CRU aurait exposé une telle analyse pour les éléments qui conduisaient à la diminution du profil de risque des établissements et qui étaient définis à l’article 6, paragraphe 6, sous b), i) et ii), de ce règlement délégué.

389    Le CRU conteste cette argumentation.

390    Il convient de relever, en premier lieu, que les sous-indicateurs relatifs à l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » sont déterminés par le CRU conformément aux conditions posées par l’article 6, paragraphe 6, du règlement délégué 2015/63.

391    En second lieu, aux considérants 98 à 100 de la décision attaquée, le CRU a expliqué de quelle manière il avait déterminé les sous-indicateurs de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité ». Le CRU y a, notamment, inclus une liste de ceux-ci, accompagnée de leurs définitions, et a expliqué, d’une part, les données précises qui constituaient ces sous-indicateurs et, d’autre part, la manière dont il avait pondéré lesdits sous-indicateurs aux fins du calcul de ce pilier de risque.

392    Une telle motivation permet à la requérante de comprendre la manière dont le CRU a appliqué l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » et répond ainsi aux exigences énoncées par la jurisprudence citée aux points 291, 294 et 295 ci-dessus.

393    Eu égard à ce qui précède, le deuxième grief de la cinquième branche du deuxième moyen doit être rejeté.

3)      Sur le troisième grief, portant sur la motivation des étapes 1 à 6 de l’adaptation de la contribution annuelle de base au profil de risque de la requérante

394    La requérante soutient que la motivation des étapes 1 à 6 de l’adaptation de la contribution annuelle de base à son profil de risque, telles que décrites dans la fiche individuelle, est insuffisante.

395    Le CRU conteste cette argumentation.

396    Afin d’apprécier le présent grief, il y a lieu d’examiner si la requérante disposait de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon sa situation individuelle avait été prise en compte, aux fins du calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés, à travers les différentes étapes de ce calcul, telles qu’elles sont définies à l’annexe I du règlement délégué 2015/63.

i)      Étape 1

397    Lors de l’étape 1, le CRU calcule, pour chaque indicateur et sous-indicateur de risque, l’« indicateur brut ». S’agissant des trois premiers piliers de risque, l’indicateur brut est calculé sur la base des définitions et des opérations énoncées au tableau reproduit à l’annexe I, sous le titre « Étape 1 », du règlement délégué 2015/63. Quant au pilier de risque IV, l’indicateur brut est calculé sur la base des définitions et des opérations énoncées aux considérants 98 à 101 de la décision attaquée. Tous les indicateurs bruts sont calculés en tenant compte des informations fournies par chaque établissement. Ces indicateurs bruts, tels que retenus par le CRU aux fins du calcul de la contribution ex ante de chaque établissement, ont ensuite été reproduits dans la fiche individuelle.

398    Dans la mesure où la fiche individuelle a été communiquée à la requérante, celle-ci disposait des éléments suffisants pour pouvoir vérifier, en substance, le calcul des indicateurs bruts qui la concernaient.

399    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le CRU s’est abstenu d’indiquer, dans le cadre du pilier de risque « importance de l’établissement pour la stabilité du système financier ou de l’économie », le dénominateur pour le calcul de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne », tel qu’il figurait à l’annexe I, sous le titre « Étape 1 », septième ligne, du règlement délégué 2015/63.

400    À cet égard, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément qui expliquerait en quoi la connaissance d’une telle donnée lui aurait permis de comprendre, en substance, de quelle façon sa situation individuelle avait été prise en compte, aux fins du calcul de sa contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés. En effet, pour cet indicateur de risque, la requérante peut vérifier sa position par rapport aux autres établissements en se fondant sur sa propre part des prêts et des dépôts interbancaires, telle qu’elle figure aux rubriques 4C6 et 4C7, sous le titre « Autres données déclarées utilisées dans le calcul », à la page 3 de la fiche individuelle. Elle peut, par la suite, comparer cette valeur avec les valeurs limites du bin auquel elle a été assignée pour ledit indicateur de risque, ces valeurs limites étant portées à sa connaissance à la page 31 (en ce qui concerne la base nationale) et à la page 133 (en ce qui concerne la base de l’union) de l’annexe II de la décision attaquée.

401    En outre, et en tout état de cause, la requérante pouvait prendre connaissance du montant du dénominateur de la formule que le CRU avait utilisé pour calculer ledit indicateur de risque, à savoir la somme de l’ensemble des prêts et des dépôts interbancaires détenus par les établissements dans chaque État membre ou dans l’union bancaire, en multipliant le nombre total d’établissements (N) par la valeur moyenne de cet indicateur [Moy. (Image not found)]. Les données pour effectuer cette multiplication se trouvent également aux pages 31 et 133 de l’annexe II de la décision attaquée.

ii)    Étape 2

402    Lors de l’étape 2, pour chaque indicateur brut calculé à l’étape 1 pour chacun des indicateurs et des sous-indicateurs de risque et à l’exception de l’indicateur « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel », le CRU procède aux opérations suivantes. Il calcule, dans un premier temps, un nombre de bins afin de comparer les indicateurs bruts des établissements. Dans un deuxième temps, le CRU assigne le même nombre d’établissements à chaque bin, en commençant par assigner au premier bin les établissements pour lesquels les valeurs de l’indicateur brut sont les plus faibles. De cette manière, chaque bin a des valeurs limites, qui sont déterminées par l’indicateur brut le plus faible et l’indicateur brut le plus élevé. Dans un troisième temps, le CRU assigne à tous les établissements figurant dans un bin donné l’« indicateur discrétisé » pour ce bin, dénommé , qui représente la valeur de l’ordre de ce bin, de la gauche vers la droite, de façon que l’indicateur discrétisé soit défini comme étant égal à 1, 2, 3 et jusqu’au chiffre du dernier bin.

403    En ce qui concerne, en premier lieu, le calcul du nombre de bins, celui-ci se fonde sur la formule mathématique prévue à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 2, du règlement délégué 2015/63. Cette formule est composée des trois éléments suivants :

–        le nombre d’établissements contribuant au FRU, dénommé N ;

–        la valeur , qui est calculée sur le fondement de ce nombre d’établissements ;

–        la valeur , qui est calculée sur la base de ce même nombre d’établissements N, de la moyenne des indicateurs bruts en question, dénommé Image not found, et des indicateurs bruts de chaque établissement, dénommés .

404    Ainsi qu’il ressort du point 386 ci-dessus, la requérante pouvait prendre connaissance du nombre d’établissements N contribuant au FRU.

405    Par ailleurs, le CRU a communiqué, aux pages 30 à 34 et 132 à 136 de l’annexe II de la décision attaquée, les valeurs et ainsi que la moyenne des indicateurs bruts Image not found pour chaque indicateur et sous-indicateur de risque.

406    Enfin, il ressort des considérations exposées aux points 315 à 325 ci-dessus que le CRU n’était pas tenu de communiquer aux établissements les indicateurs bruts de tous les autres établissements concernés.

407    De ce fait, pour ce qui est du calcul du nombre de bins, le CRU a fourni aux établissements la transparence la plus étendue, dans les limites imposées par son obligation de respecter le secret des affaires de ces derniers, de sorte que la requérante disposait d’éléments suffisants pour comprendre, en substance, la manière dont le CRU avait effectué ce calcul.

408    En deuxième lieu, d’une part, la requérante avait accès aux valeurs minimales et maximales de chaque bin, pour chacun des indicateurs ou des sous-indicateurs de risque, puisque celles-ci figuraient aux pages 30 à 34 et 132 à 136 de l’annexe II de la décision attaquée. D’autre part, elle connaissait les indicateurs bruts qui avaient été retenus par le CRU pour le calcul de sa contribution ex ante, ces indicateurs figurant dans sa fiche individuelle. La requérante pouvait ainsi vérifier si les indicateurs bruts qui lui avaient été attribués étaient compris entre les valeurs minimales et maximales des bins auxquels elle avait été assignée.

409    En troisième lieu, les établissements peuvent vérifier, dans la fiche individuelle, l’indicateur discrétisé qui leur a été assigné pour un indicateur ou un sous-indicateur de risque donné..

410    Dans ces conditions, la requérante disposait d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, les opérations effectuées lors de l’étape 2.

411    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

412    La requérante soutient tout d’abord que, dans le cadre de l’application de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, du règlement délégué 2015/63, il est impossible de vérifier si les établissements présentant le même indicateur brut ont bien été assignés au même bin. Ainsi, le CRU aurait dû fournir une liste de classement de tous les établissements, afin que la requérante soit en mesure de vérifier si leur répartition dans les différents bins était correcte. En outre, puisque la décision attaquée ne contient pas de détails concernant le troisième stade de l’étape 2, à savoir l’assignation aux établissements de l’indicateur discrétisé, la requérante n’aurait pas pu vérifier l’indicateur discrétisé qui lui a été attribué pour les différents indicateurs de risque.

413    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 288 ci-dessus, l’obligation de motivation n’exige pas que la requérante ait accès à tous les éléments lui permettant de vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante.

414    En particulier, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 293 ci-dessus, le CRU n’est pas tenu de fournir à la requérante des données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés.

415    Or, le CRU a pu légitimement considérer que l’indicateur discrétisé assigné à un établissement était couvert par le secret des affaires. En effet, le CRU pouvait estimer qu’une éventuelle divulgation de cette information risquerait de révéler la situation économique d’un tel établissement et, notamment, le niveau de risque encouru par ce dernier pour certaines activités financières, en permettant d’effectuer une comparaison directe de ce niveau de risque avec celui encouru par les autres établissements.

iii) Étape 3

416    Lors de l’étape 3, le CRU rééchelonne, pour chaque indicateur et sous-indicateur de risque, les indicateurs discrétisés résultant de l’étape 2 sur une échelle de 1 à 1 000 afin d’obtenir un « indicateur rééchelonné », dénommé .

417    Pour calculer cet indicateur rééchelonné, le CRU applique une formule qui a recours aux trois éléments suivants :

–        l’indicateur discrétisé assigné à l’établissement concerné lors de l’étape 2 ;

–        l’argument de fonction maximum, dont la valeur correspond au chiffre du dernier bin pour l’indicateur ou le sous-indicateur de risque concerné ;

–        l’argument de fonction minimum, dont la valeur correspond au chiffre du premier bin pour l’indicateur ou le sous-indicateur de risque en question.

418    La requérante avait accès à ces éléments. D’une part, l’indicateur discrétisé est le résultat de l’opération de l’étape 2 qui est décrite au point 402 ci-dessus. D’autre part, les valeurs des arguments de fonction maximum et minimum mentionnées au point 417 ci-dessus figurent aux pages 30 à 34 et 132 à 136 de l’annexe II de la décision attaquée, aux lignes « Bin min. » et « Bin max. ».

419    Par conséquent, la requérante disposait d’informations suffisantes pour comprendre l’opération effectuée lors de l’étape 3 et obtenir ainsi l’indicateur rééchelonné.

iv)    Étape 4

420    À l’étape 4, pour chaque indicateur et sous-indicateur de risque, le CRU calcule l’« indicateur rééchelonné transformé », dénommé .

421    À cet égard, l’annexe I, sous le titre « Étape 4 », point 1, du règlement délégué 2015/63, affecte à chaque indicateur de risque soit un signe positif, soit un signe négatif. Pour les indicateurs de risque affectés d’un signe positif, plus les valeurs sont élevées, plus le profil de risque de l’établissement est élevé. Pour les indicateurs de risque affectés d’un signe négatif, plus les valeurs sont élevées, plus le profil de risque de l’établissement est faible.

422    Une fois le signe appliqué, le CRU calcule les indicateurs rééchelonnés transformés, conformément à la formule prévue à cet effet à l’annexe I, sous le titre « Étape 4 », point 2, du règlement délégué 2015/63.

423    Le calcul de l’indicateur rééchelonné transformé est effectué en employant l’indicateur rééchelonné obtenu au cours de l’étape 3. Ainsi, si le signe appliqué à l’indicateur de risque concerné est négatif, l’indicateur rééchelonné transformé a la même valeur que l’indicateur rééchelonné. En revanche, si le signe appliqué à l’indicateur de risque en cause est positif, il convient de déduire l’indicateur rééchelonné du nombre 1 001, conformément à la formule .

424    Tout d’abord, compte tenu de la nature des opérations mentionnées au point 423 ci-dessus, qui soit n’impliquent aucun calcul, soit se limitent à des calculs simples sans utilisation de données supplémentaires, la requérante ne saurait prétendre qu’elle ne disposait pas d’informations suffisantes pour vérifier lesdites opérations effectuées par le CRU.

425    Ensuite, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, dans le cadre de l’étape 4, le CRU n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles il avait appliqué systématiquement un signe positif aux indicateurs de risque du pilier de risque IV.

426    Sur ce point, le CRU a précisé, au considérant 112 de la décision attaquée, que l’application d’un signe négatif ou positif dépendait du caractère de l’indicateur de risque donné. Ensuite, il a rappelé que, pour les indicateurs affectés d’un signe positif, plus les valeurs étaient élevées, plus le profil de risque de l’établissement était élevé. Ainsi, le CRU a appliqué à tous les indicateurs de risque qui composaient le pilier de risque IV, à l’exception de l’indicateur de risque SPI, un signe positif, puisque plus les valeurs pour ces indicateurs étaient élevées, plus le profil de risque de l’établissement était élevé.

427    En outre, la requérante a tort de soutenir qu’elle ne peut pas vérifier les opérations effectuées lors de l’étape 4, car celles-ci s’appuient sur les valeurs résultant de l’étape 3, qu’elle n’est pas en mesure de connaître.

428    En effet, comme cela a été exposé aux points 416 à 418 ci-dessus, la requérante peut calculer elle-même les indicateurs rééchelonnés qui lui ont été appliqués, de sorte qu’elle peut également vérifier si le résultat de leur transformation lors de l’étape 4 – qui figure dans la colonne « Score du bin (TRI) » de sa fiche individuelle – est correct.

429    Enfin, la requérante considère que, dans le cadre de l’étape 4, le CRU n’a pas motivé sa décision quant à la pondération de l’indicateur de risque SPI. Le CRU n’aurait pas, notamment, précisé de quelle manière il avait pris en compte, conformément à l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63, la pondération relative de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » aux fins de l’application de l’indicateur de risque SPI. De même, il n’aurait pas expliqué les raisons de la répartition des établissements en trois bins, l’attribution des facteurs d’ajustement de 7/9 et 5/9 à deux de ces bins, les critères selon lesquels les établissements avaient été assignés auxdits bins et les raisons pour lesquelles la requérante avait été affectée à l’un de ces bins donnés.

430    Sur ce point, il y a lieu de relever, d’une part, que le CRU a expliqué au considérant 114 de la décision attaquée que, même si l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 l’obligeait à pondérer l’indicateur de risque SPI selon les indicateurs de risque qui y étaient énoncés, il devait s’assurer que même des établissements avec le profil le plus risqué puissent encore bénéficier de leur appartenance à un SPI dans le cadre du calcul des contributions ex ante. Dans cette optique, le CRU a indiqué, aux considérants 114 à 116 de la décision attaquée et au point 131 de l’annexe III de cette décision que, afin d’atteindre cet objectif, il avait établi trois bins pour pondérer l’indicateur de risque SPI et avait assigné les établissements qui présentaient le profil de risque le plus faible au troisième bin, pour lequel aucun ajustement de cet indicateur n’était prévu. Il découle également desdites explications que le CRU a assigné, dans cette même logique, les établissements qui présentaient un profil de risque moyen et ceux qui présentaient le profil de risque le plus élevé, respectivement, au deuxième et au premier bins en leur appliquant un facteur d’ajustement de 7/9 et de 5/9 pour ledit indicateur de risque.

431    À ce dernier égard, le CRU a ajouté au point 131 de l’annexe III de la décision attaquée que, en appliquant les facteurs d’ajustement mentionnés au point 430 ci-dessus, même les établissements avec le profil de risque le plus élevé profitaient encore de plus de 50 % de l’avantage maximal qu’ils pouvaient obtenir en raison de leur appartenance à un SPI en ce qui concernait le calcul des contributions ex ante.

432    De telles explications permettent à la requérante de comprendre les raisons qui ont guidé le CRU lors de la pondération de l’indicateur de risque SPI et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel.

433    S’agissant, d’autre part, des raisons pour lesquelles la requérante a été affectée à un bin donné pour l’indicateur de risque SPI, il suffit de constater que, au considérant 115 de la décision attaquée, le CRU a expliqué qu’il avait classé les établissements concernés en fonction de la moyenne arithmétique équitablement pondérée des indicateurs rééchelonnés transformés des neuf sous-indicateurs de risque du pilier de risque IV.

434    Une telle motivation est suffisante, de sorte que l’argumentation de la requérante ne saurait prospérer.

v)      Étape 5

435    Lors de l’étape 5, le CRU effectue les opérations suivantes.

436    Dans un premier temps, le CRU agrège les indicateurs de risque i au sein de chaque pilier de risque j selon une moyenne arithmétique pondérée, en appliquant la formule prévue à cet effet à l’annexe I, sous le titre « Étape 5 », point 1, du règlement délégué 2015/63.

437    Cette formule est résolue sur la base, d’une part, de la pondération de l’indicateur de risque concerné au sein du pilier de risque donné, dénommée , et, d’autre part, de l’indicateur rééchelonné transformé. Or, de telles pondérations figurent non seulement à l’article 7, paragraphes 2 à 4, du règlement délégué 2015/63, mais aussi dans la fiche individuelle de la requérante et à la page 5 de l’annexe II de la décision attaquée. En outre, l’indicateur rééchelonné transformé a été obtenu au cours de l’étape 4.

438    Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre qu’elle n’avait pas accès aux données nécessaires pour résoudre ladite formule.

439    Dans un deuxième temps, le CRU agrège les piliers de risque j pour obtenir l’« indicateur composite », dénommé , selon une moyenne géométrique pondérée, en appliquant la formule prévue à cet effet à l’annexe I, sous le titre « Étape 5 », point 2, du règlement délégué 2015/63.

440    Cette formule est résolue sur la base de la pondération des piliers de risque, dénommée , prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 et des valeurs obtenues à la suite de l’agrégation des indicateurs de risque au sein de chaque pilier de risque, dans le cadre de l’opération décrite aux points 436 et 437 ci-dessus. Ces dernières valeurs sont communiquées à la requérante dans sa fiche individuelle.

441    Dans un troisième temps, le CRU adapte l’indicateur composite en appliquant la formule prévue à cet effet à l’annexe I, sous le titre « Étape 5 », point 3, du règlement délégué 2015/63, à savoir 1 000 , pour obtenir l’« indicateur composite final », dénommé . Par conséquent, les établissements ayant un profil de risque plus élevé obtiennent un indicateur composite final plus élevé.

442    Dans ce contexte, la requérante soutient que, dans le cadre de l’étape 5, le CRU aurait dû expliquer, d’une part, la procédure d’agrégation des indicateurs de risque au sein de chaque pilier de risque, en tenant compte, notamment, des pondérations relatives des indicateurs prescrites à l’article 7 du règlement délégué 2015/63 et en exposant comment il avait abouti à l’agrégation desdits indicateurs et, d’autre part, la manière dont l’indicateur composite avait été obtenu. Il en irait d’autant plus ainsi que, lors de la période de contribution 2021, certains de ces mêmes indicateurs n’ont pas été appliqués par le CRU et que leur pondération a, par conséquent, dû être répartie.

443    À cet égard, il convient tout d’abord de relever que, ainsi qu’il ressort des points 435 à 441 ci-dessus, le processus d’agrégation des indicateurs de risque est fondé sur les formules prévues à l’annexe I, sous le titre « Étape 5 », points 1 à 3, du règlement délégué 2015/63.

444    Ensuite, il découle de ces mêmes points que la requérante disposait de tous les éléments nécessaires pour résoudre lesdites formules.

445    Enfin, le CRU a expliqué au considérant 94 de la décision attaquée que, comme certains indicateurs de risque n’avaient pas été appliqués lors de la période de contribution 2021, les pondérations des indicateurs de risque disponibles avaient été proportionnellement rééchelonnées, de sorte que la somme de leurs pondérations atteigne 100 %, étant entendu qu’un tel redimensionnement était prévu à l’article 20, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.

446    Eu égard à ce qui précède, la requérante disposait d’informations suffisantes pour comprendre les opérations prévues lors de l’étape 5 et mises en œuvre par le CRU.

vi)    Étape 6

447    Lors de l’étape 6, le CRU effectue les deux opérations suivantes.

448    Dans un premier temps, le CRU calcule le multiplicateur d’ajustement, dénommé , en rééchelonnant l’indicateur composite final résultant de l’étape 5 sur une échelle allant de 0,8 à 1,5, conformément à la formule prévue à l’annexe I, sous le titre « Étape 6 », point 1, du règlement délégué 2015/63.

449    Pour résoudre cette formule, le CRU s’appuie sur trois types de données, à savoir :

–        l’indicateur composite final de l’établissement concerné ;

–        l’argument de fonction minimum de l’indicateur composite final, dénommée , qui correspond à la valeur minimale de cet indicateur pour tous les établissements contribuant au FRU pour lesquels un tel indicateur est calculé ;

–        l’argument de fonction maximum de l’indicateur composite final, dénommée , qui correspond à la valeur maximale de ce même indicateur pour lesdits établissements.

450    L’indicateur composite final de l’établissement concerné résulte de l’étape 5. En outre, les fonctions minimum et maximum, mentionnées au point 449 ci-dessus, sont des données qui sont identiques pour tous les établissements dont la contribution annuelle de base est ajustée selon leur profil de risque. Ces données figurent dans la fiche individuelle de chaque établissement ainsi qu’à la page 4 de l’annexe II de la décision attaquée, dans la quatrième et la cinquième colonne du tableau qui y figure, intitulées respectivement « k » et « l ». Par conséquent, la requérante avait accès aux données nécessaires pour résoudre la formule prévue à l’annexe I, sous le titre « Étape 6 », point 1, du règlement délégué 2015/63.

451    Dans un second temps, le CRU calcule la contribution finale de l’établissement concerné, dénommée , selon la formule exposée à l’annexe I, sous le titre « Étape 6 », point 2, du règlement délégué 2015/63.

452    Ce calcul est effectué sur la base de cinq données, à savoir :

–        le niveau cible annuel ajusté conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 6 », point 2, du règlement délégué 2015/63, dénommé « Target » ;

–        le passif net de l’établissement donné ajusté selon l’article 5 du règlement délégué 2015/63, qui constitue le numérateur de la contribution annuelle de base, dénommé ;

–        la somme des contributions annuelles de base ajustées au risque de tous les établissements concernés, dénommée ;

–        le passif net cumulé de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants, qui constitue le dénominateur de la contribution annuelle de base, dénommé ;

–        le multiplicateur d’ajustement de l’établissement donné.

453    Le passif net de la requérante, ajusté selon l’article 5 du règlement délégué 2015/63, et son multiplicateur d’ajustement ainsi que le passif net cumulé de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants ont été communiqués à la requérante dans sa fiche individuelle. Par ailleurs, l’annexe II de la décision attaquée a indiqué, à la page 4, le niveau cible annuel ajusté – dans la première colonne, intitulée « h », du tableau y figurant – ainsi que la somme des contributions annuelles de base ajustées au risque de tous les établissements concernés, cette somme étant reproduite dans la troisième colonne, intitulée « j », du même tableau.

454    Enfin, des explications supplémentaires concernant l’étape 6 ont été fournies par le CRU aux considérants 118 à 121 de la décision attaquée.

455    Dans ces conditions, la requérante disposait d’informations suffisantes pour comprendre les calculs de l’étape 6.

456    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argumentation de la requérante.

457    S’agissant du calcul du multiplicateur d’ajustement, lors de l’étape 6, mentionné aux points 448 et 449 ci-dessus, la requérante a tort de soutenir que, en l’absence de communication des indicateurs composites finals de tous les établissements, elle ne serait pas en mesure de savoir si les valeurs des arguments des fonctions minimum et maximum des indicateurs composites finals, mentionnées au point 449 ci-dessus, ne constituent pas des exceptions conduisant à une déformation des multiplicateurs d’ajustement.

458    Sur ce point, il ressort de la jurisprudence citée au point 286 ci‑dessus que l’obligation de motivation n’exige pas que la requérante ait accès à tous les éléments lui permettant de vérifier l’exactitude du calcul de sa contribution ex ante. Parmi les éléments que le CRU n’est ainsi pas tenu de communiquer à la requérante figurent également les indicateurs composites finals de tous les établissements. Leurs valeurs sont en effet susceptibles de constituer des informations sur la situation économique des établissements concernés et, notamment, sur le niveau de risque encouru par eux sur les marchés, étant entendu que les établissements ayant un profil de risque plus élevé obtiennent un indicateur composite final plus élevé. Dans ces conditions, le CRU a pu légitimement considérer que la divulgation des indicateurs composites finals de tous les établissements porterait atteinte à son obligation de protéger le secret des affaires des établissements concernés. Par conséquent, à la lumière de la jurisprudence citée au point 288 ci‑dessus, les explications fournies par le CRU au considérant 118 de la décision attaquée et les données communiquées par le biais de la fiche individuelle et de la page 4 de l’annexe II de cette décision peuvent être considérées comme étant suffisantes.

459    De même, la requérante ne saurait soutenir, s’agissant du calcul de la contribution finale lors de l’étape 6 mentionné aux points 451 et 452 ci-dessus, que, malgré la reproduction de la formule utilisée pour ce calcul et l’explication de ses différentes composantes dans la décision attaquée, le CRU n’expliquerait pas comment il est parvenu, en ce qui la concerne, au résultat du calcul indiqué dans la fiche individuelle.

460    D’une part, ainsi qu’il ressort des considérants 119 à 121 de la décision attaquée, la contribution finale de la requérante a été calculée selon la formule exposée à l’annexe I, sous le titre « Étape 6 », point 2, du règlement délégué 2015/63. D’autre part, comme il a été relevé au point 453 ci-dessus, la requérante pouvait retrouver les données nécessaires pour résoudre cette formule dans sa fiche individuelle ainsi que dans les colonnes h et j du tableau figurant à la page 4 de l’annexe II de la décision attaquée.

461    Il résulte de ce qui précède qu’en utilisant, d’une part, les formules prévues par l’annexe I du règlement délégué 2015/63 et, d’autre part, les données figurant aux annexes I et II de la décision attaquée, la requérante est effectivement en mesure de vérifier, étape par étape, le calcul de sa contribution ex ante par le CRU.

462    En conséquence, le troisième grief de la cinquième branche du deuxième moyen doit être rejeté.

h)      Sur la septième branche, portant sur l’existence des décisions intermédiaires non publiées 

463    La requérante soutient que la motivation de la décision attaquée est insuffisante, puisque le CRU a adopté des décisions intermédiaires qui n’ont pas été publiées et ne lui ont pas été communiquées.

464    Le CRU conteste cette argumentation.

465    Il ressort de la jurisprudence que la motivation figurant dans la décision fixant des contributions ex ante doit être considérée comme étant insuffisante lorsque cette motivation repose, s’agissant de certains éléments pour lesquels le CRU doit fournir une motivation, uniquement sur d’autres actes juridiques, tels que les décisions intermédiaires, que le CRU a adoptées aux fins de préciser et, dans certains cas, compléter certains aspects de la fixation desdites contributions, mais qu’il n’a pas publiées ou autrement communiquées aux établissements (voir arrêts du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU, T377/16, T645/16 et T809/16, EU:T:2019:823, points 194 et 199, et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T365/16, EU:T:2019:824Hypo Vorarlberg Bank/CRU, points 171 et 176).

466    En l’espèce, le CRU a produit, en réponse à une mesure d’instruction du Tribunal du 9 novembre 2022, les décisions intermédiaires qui étaient pertinentes pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2021. Ces décisions, qui ont été ensuite signifiées à la requérante dans leur version non confidentielle, comportent, notamment, des positions internes qui étaient adressées au personnel du CRU en vue de le guider dans le processus de calcul des contributions ex ante.

467    Toutefois, ainsi qu’il ressort du résumé de la décision attaquée aux points 5 à 18 ci-dessus, celle-ci comporte une motivation concernant la fixation des contributions ex ante pour la période de contribution 2021.

468    En outre, la requérante n’a identifié aucun élément figurant dans les décisions intermédiaires qui n’a pas été repris dans la décision attaquée elle-même et qui aurait été pris en compte aux fins de la détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2021.

469    Par conséquent, rien n’indique que l’existence des décisions intermédiaires ait eu une incidence quelconque sur l’étendue des informations dont la requérante disposait afin de pouvoir vérifier la légalité de la fixation de sa contribution ex ante et de la contester devant le juge de l’Union. En particulier, ainsi qu’il ressort de l’examen des première à sixième branches du deuxième moyen, la requérante a pu comprendre tous les éléments du calcul de la contribution ex ante, à l’exception de la détermination du niveau cible annuel, sur la seule base de la décision attaquée.

470    Partant, la décision attaquée se distingue de la décision du CRU fixant les contributions ex ante qui faisait l’objet des affaires ayant donné lieu aux arrêts du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU (T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823), et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU (T‑365/16, EU:T:2019:824). En effet, cette dernière décision ne comportait pas, notamment, d’indications concernant la détermination par le CRU du pilier de risque IV, de telles indications ne figurant que dans les décisions intermédiaires en cause dans ces affaires (arrêts du 28 novembre 2019, Hypo Vorarlberg Bank/CRU, T‑377/16, T‑645/16 et T‑809/16, EU:T:2019:823, point 195, et du 28 novembre 2019, Portigon/CRU, T‑365/16, EU:T:2019:824, point 172).

471    Enfin, la requérante n’a pas expliqué comment – compte tenu des considérations figurant aux points 467 à 469 ci-dessus – la publication des décisions intermédiaires lui aurait permis d’exercer, dans de meilleures conditions, ses droits devant les juridictions de l’Union ni comment une telle publication aurait permis à ces dernières d’exercer plus efficacement leur contrôle.

472    Dans ces conditions, la seule absence de publication ou de communication des décisions intermédiaires ne saurait, en elle-même, entraîner un défaut de motivation de la décision attaquée.

473    Eu égard à ce qui précède, la septième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

i)      Conclusion sur le deuxième moyen

474    Eu égard à ce qui précède, la troisième branche du deuxième moyen doit être accueillie. Les autres branches de ce moyen doivent être rejetées.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective en raison du caractère invérifiable de la décision attaquée 

475    La requérante fait valoir que le CRU a violé le principe de protection juridictionnelle effective, puisque le contrôle juridictionnel de la décision attaquée est en pratique impossible. D’une part, ni le Tribunal ni la requérante ne disposeraient de données afférentes aux établissements autres que la requérante, bien que ces données soient nécessaires pour la vérification du calcul de la contribution ex ante versée par cette dernière. D’autre part, même si le Tribunal obtenait un accès aux données en question, il ne pourrait pas les exploiter, puisqu’il ne disposerait pas du logiciel utilisé par le CRU pour calculer les contributions ex ante, afin de suivre les différentes étapes du calcul conformément à l’annexe I du règlement délégué 2015/63.

476    Le CRU conteste cette argumentation.

477    Comme il a été relevé au point 43 ci-dessus, il appartenait au Conseil et à la Commission, lors de la mise en place du système de calcul des contributions ex ante par le règlement délégué 2015/63 et le règlement d’exécution 2015/81, de concilier le respect du secret des affaires et le principe de protection juridictionnelle effective, de sorte que les données couvertes par ce secret ne puissent pas être communiquées aux intéressés et qu’elles ne puissent pas, notamment, être incluses dans la motivation des décisions fixant le montant des contributions ex ante.

478    Par ailleurs, en vertu de l’article 339 TFUE et de l’article 88 du règlement no 806/2014, le CRU était également tenu, lors de la communication de la décision attaquée, de veiller à ne pas divulguer de données couvertes par le secret des affaires aux établissements.

479    Cela étant, il incombe au juge de l’Union de vérifier le bien-fondé des raisons invoquées par le CRU pour s’opposer à la communication des données utilisées aux fins du calcul desdites contributions, comme cela a été relevé au point 48 ci-dessus.

480    En l’espèce, il résulte de l’examen effectué aux points 315 à 325 ci-dessus que le CRU était fondé à s’opposer à la communication à la requérante des données individuelles afférentes aux autres établissements.

481    En outre, pour les mêmes raisons que celles évoquées au point 54 ci-dessus, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel l’utilisation par le CRU d’un logiciel pour le calcul des contributions ex ante empêche l’exercice d’un contrôle juridictionnel ultérieur.

482    Dans ces conditions, le troisième moyen doit être rejeté.

4.      Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de plusieurs dispositions du droit primaire et du droit dérivé du fait de l’application d’un multiplicateur pour l’indicateur de risque SPI à la requérante

483    Le sixième moyen s’articule autour de quatre branches.

a)      Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013 et de l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59

484    La requérante rappelle que, s’agissant de l’indicateur de risque SPI, la décision attaquée lui a appliqué un facteur d’ajustement de [confidentiel]. Or, l’application d’un tel facteur ne satisferait pas aux exigences de l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013 ni de l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59. En effet, le SPI dont la requérante est membre protégerait tous les établissements qui en font partie de la même manière, de sorte qu’une différenciation entre ces établissements en ce qui concerne l’indicateur de risque SPI serait contraire au libellé et à l’esprit de ces dispositions.

485    Le CRU conteste cette argumentation.

486    D’une part, ainsi qu’il ressort des points 132 et 139 ci-dessus, rien dans le libellé de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 ou de l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013 n’interdisait à la Commission de prévoir à l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 que le CRU, lorsqu’il applique l’indicateur de risque SPI, doit tenir compte de la pondération relative de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité ».

487    D’autre part, il découle des considérants 114 à 116 de la décision attaquée et du point 131 de l’annexe III de cette décision que le CRU s’est conformé aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, dont l’illégalité n’a d’ailleurs pas été établie.

488    Partant, la première branche du sixième moyen doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième branche, portant sur la violation de l’article 16 de la Charte et du principe de proportionnalité

489    La requérante soutient que, s’agissant de l’indicateur de risque SPI, son classement dans [confidentiel] et, partant, l’attribution qui lui a été faite du facteur d’ajustement [confidentiel] – qui ont eu pour [confidentiel] – sont disproportionnés et violent sa liberté d’entreprise, consacrée à l’article 16 de la Charte, ainsi que le principe de proportionnalité, consacré à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci.

490    L’attribution d’un tel facteur d’ajustement pour l’indicateur de risque SPI serait manifestement injustifiée et arbitraire, car la requérante disposerait d’un bon profil de risque, de sorte que la probabilité de sa résolution, indépendamment de son affiliation à un SPI, serait faible. Cela apparaîtrait, notamment, à la lecture des résultats de sa propre analyse des indicateurs de risque clés de l’Autorité bancaire européenne (ABE).

491    Le CRU conteste cette argumentation.

492    À titre liminaire, il y a lieu de constater que la requérante se borne à invoquer une violation de la liberté d’entreprise consacrée à l’article 16 de la Charte et du principe de proportionnalité, sans développer d’argumentation ciblée concernant ces principes.

493    Au regard de la jurisprudence citée au point 218 ci-dessus, les griefs de la requérante doivent ainsi être rejetés dans la mesure où ils visent la violation de tels principes.

494    Par ailleurs, si l’argumentation de la requérante doit être comprise en ce sens qu’elle soutient, en réalité, que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation quand il lui a attribué le [confidentiel] pour l’indicateur de risque SPI, il convient de relever ce qui suit.

495    En ce qui concerne l’indicateur de risque SPI, le CRU et la Commission ont précisé que la défaillance d’un établissement avec un bilan large et complexe, tel que la requérante, pourrait entièrement épuiser les fonds d’un SPI, à la différence de la défaillance d’un établissement avec un bilan plus réduit et simple. En conséquence, le risque que la requérante doive recourir au FRU n’est pas nécessairement couvert par son appartenance à un SPI. Or, la requérante n’a pas apporté d’éléments pour contester cette allégation.

496    En outre, la requérante ne saurait s’appuyer sur sa propre analyse des indicateurs de risque clés de l’ABE pour contester l’appréciation du CRU de l’indicateur de risque SPI, étant donné que cette analyse porte sur des facteurs qui ne sont pas pertinents pour la pondération de cet indicateur de risque.

497    En effet, aux termes de l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, lorsque le CRU pondère l’indicateur de risque SPI, il doit tenir compte de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » applicable à l’établissement concerné au sens de l’article 6, paragraphe 5, sous a), de ce règlement délégué.

498    Or, dans la propre analyse de la requérante, les différents facteurs, à savoir le ratio de prêts non performants [non-performing loan quote (NPL)], le ratio de couverture, le ratio de délai de grâce (forbearance) et le ratio d’expositions non performantes [non-performing exposures (NPE)] », ne sont inclus ni dans l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 ni dans l’article 6, paragraphe 5, sous a), de ce règlement délégué.

499    D’ailleurs, ainsi que cela ressort de l’annexe II de la décision attaquée, le CRU a tenu compte des données de 1 627 établissements pour constituer les bins relatifs à l’indicateur de risque SPI sur la base de l’Union et des données de 776 établissements pour constituer les bins relatifs à l’indicateur de risque SPI sur la base nationale. En revanche, le nombre d’établissements dont la requérante a tenu compte pour établir son analyse ne ressort pas clairement de cette dernière.

500    Partant, la deuxième branche du sixième moyen doit être rejetée.

c)      Sur la troisième branche, portant sur la violation de l’article 20 de la Charte et du principe d’égalité de traitement

501    La requérante fait valoir que l’application qui lui a été faite du facteur d’ajustement [confidentiel] pour l’indicateur de risque SPI entraîne une différence de traitement injustifiée à l’égard d’établissements qui reçoivent [confidentiel] pour l’indicateur de risque SPI, de sorte que la décision attaquée viole l’article 20 de la Charte et le principe d’égalité de traitement.

502    En particulier, l’appartenance à un SPI serait une circonstance qui rend tous les établissements concernés comparables et il n’y aurait pas de critère objectif à même de justifier une différence de traitement entre les différents établissements appartenant à un SPI. L’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » ne serait pas un critère approprié, comme cela est exposé dans le cadre du cinquième moyen.

503    En outre, l’attribution du facteur d’ajustement [confidentiel] à la requérante constituerait une différenciation manifestement inappropriée, eu égard aux probabilités d’une défaillance de sa part, de sa résolution et de son recours au FRU.

504    Le CRU conteste cette argumentation.

505    D’une part, ainsi qu’il a été relevé aux points 160 à 163 ci-dessus, la requérante ne saurait soutenir que tous les établissements appartenant à un SPI se trouvent dans une situation comparable.

506    D’autre part, comme il a été constaté au point 165 ci-dessus, les éléments relatifs à l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » utilisés pour pondérer l’indicateur de risque SPI entre les différents établissements appartenant à un SPI constituent des critères objectifs qui sont, en outre, cohérents avec l’un des objectifs du MRU, à savoir l’encouragement des établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.

507    Au regard de la jurisprudence citée au point 159 ci-dessus, la troisième branche du sixième moyen doit ainsi être rejetée.

d)      Sur la quatrième branche, portant sur la violation du principe de bonne administration

508    La quatrième branche s’articule autour de deux griefs.

1)      Sur le premier grief, en ce que le CRU n’aurait pas dûment motivé la décision attaquée

509    La requérante soutient que, dans la décision attaquée, le CRU n’explique pas à suffisance de droit, d’une part, les raisons pour lesquelles il est approprié de créer trois bins pour la pondération de l’indicateur de risque SPI au lieu de, par exemple, deux ou cinq bins et, d’autre part, pourquoi le facteur d’ajustement du premier bin doit être de 5/9 et celui du deuxième bin de 7/9 afin de « diversifier les effets de la participation à un [SPI] en fonction des facteurs additionnels liés au degré de risque des établissements ».

510    Le CRU conteste cette argumentation.

511    Il convient de relever que la requérante répète, en substance, une partie des arguments qu’elle a invoqués en ce qui concernait l’étape 4 à l’appui du troisième grief de la cinquième branche du deuxième moyen.

512    Partant, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 430 à 432 ci-dessus, le premier grief de la quatrième branche du sixième moyen doit être rejeté.

2)      Sur le second grief, en ce que le CRU aurait violé son obligation d’instruction

513    La requérante soutient que, en l’assignant au bin [confidentiel] pour l’indicateur de risque SPI, le CRU n’a pas pris en compte tous les faits pertinents de manière complète, scrupuleuse et impartiale. En effet, il n’aurait pas examiné comment la protection accordée par le SPI dont la requérante est membre profite à ses membres. De même, il n’aurait pas vérifié si, et dans quelle mesure, l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 pouvait justifier la formation d’un bin et une différenciation fondée sur le risque par rapport aux autres membres du SPI auquel appartient la requérante. Il en irait de même pour l’examen de la question de savoir si, et dans quelle mesure, le profil de risque de la requérante et d’autres circonstances de l’espèce ne justifieraient pas une assignation qui lui serait plus favorable.

514    Dans ce contexte, le CRU aurait également commis des erreurs d’appréciation. En effet, le processus d’assignation aux bins aboutirait à des résultats erronés, notamment en cas de fusion de deux établissements appartenant à un SPI. Dans un tel cas, l’assignation des autres établissements aux bins serait modifiée, parce qu’il y aurait moins d’établissements à répartir dans les différents bins, tandis que les critères déterminants pour la reconnaissance de l’indicateur de risque SPI mentionnés à l’article 6, paragraphe 7, du règlement délégué 2015/63 resteraient inchangés.

515    Le CRU conteste cette argumentation.

516    Le principe de bonne administration, tel que consacré à l’article 41 de la Charte, impose aux institutions et aux organes de l’Union l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 23 septembre 2009, Estonie/Commission, T‑263/07, EU:T:2009:351, point 99 et jurisprudence citée).

517    En l’espèce, il y a lieu de relever, premièrement, que le CRU peut uniquement tenir compte, pour la pondération de l’indicateur de risque SPI, des éléments énoncés à l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, à savoir l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » au sens de l’article 6, paragraphe 5, sous a), de ce règlement délégué.

518    Deuxièmement, le CRU est tenu de calculer l’indicateur de risque SPI sur la base des données transmises par les établissements conformément à l’article 14 du règlement délégué 2015/63.

519    Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au CRU de ne pas avoir pris en considération, pour le calcul de la contribution ex ante de la requérante, des éléments invoqués par cette dernière, tels que ceux mentionnés au point 513 ci-dessus, qui ne sont pas prévus à l’article 7, paragraphe 4, ni à l’article 14 du règlement délégué 2015/63.

520    Troisièmement, il convient d’écarter le grief tiré de ce que le CRU aurait commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’il a établi les bins pour la pondération de l’indicateur de risque SPI.

521    Tout d’abord, il découle des points 159 à 165 ci-dessus qu’il est loisible au CRU d’opérer des distinctions entre les membres d’un SPI pour apprécier le profil de risque des différents établissements aux fins du calcul de leur contribution ex ante.

522    Ensuite, ainsi qu’il ressort de l’examen du cinquième moyen ci-dessus, le CRU pouvait opérer ces distinctions sur le fondement du critère énoncé à l’article 7, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, selon lequel il pondère l’indicateur de risque SPI sur la base de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité ».

523    Enfin, la requérante n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui viserait à contester l’application de ce critère.

524    Quatrièmement, comme le CRU l’a, en substance, expliqué, sans que la requérante l’ait contesté, si deux établissements appartenant à un SPI fusionnent, cette circonstance entraîne une réduction du nombre d’établissements qui doivent être assignés aux bins établis pour pondérer l’indicateur de risque SPI et cet élément sera automatiquement pris en compte dans le calcul final de ce dernier indicateur de risque, à condition que cette fusion ait eu lieu avant la fin de l’année de référence mentionnée à l’article 14 du règlement délégué 2015/63.

525    Partant, la quatrième branche du sixième moyen doit être rejetée.

e)      Conclusion sur le sixième moyen

526    Eu égard à ce qui précède, le sixième moyen doit être rejeté.

5.      Sur le huitième moyen, tiré de la violation des articles 16 et 52 de la Charte, en raison du caractère inapproprié du multiplicateur d’ajustement 

527    La requérante soutient que les multiplicateurs d’ajustement qui lui ont été appliqués – à savoir le multiplicateur qui lui a été appliqué pour le calcul de sa contribution ex ante sur la base de l’union et celui qui lui a été appliqué pour le calcul de cette contribution sur la base nationale – ne sont pas conformes à son profil de risque, de sorte que la décision attaquée viole l’article 16 de la Charte ainsi que le principe de proportionnalité, consacré à l’article 52, paragraphe 1, de celle-ci.

528    En particulier, étant donné que la requérante aurait un bon profil de risque, comme cela ressort également de sa comparaison avec les indicateurs de risque clés de l’ABE, et que le SPI auquel elle est rattachée lui offrirait une protection complète contre l’insolvabilité et le manque de liquidités, la probabilité de sa résolution et d’un recours au FRU serait très faible. Il serait donc erroné de lui appliquer des multiplicateurs d’ajustement [confidentiel].

529    De plus, en ce qui concerne l’indicateur de risque SPI, le CRU n’aurait donné aucune raison objective à la requérante pour justifier l’assignation de cette dernière au bin [confidentiel], malgré la protection totale conférée par le SPI auquel elle appartient. Cela entraînerait une contribution ex ante [confidentiel], de sorte que la décision attaquée violerait l’article 16 de la Charte, le principe de proportionnalité et l’article 20 de la Charte.

530    Le CRU conteste cette argumentation.

531    À titre liminaire, il y a lieu de constater que la requérante se borne à invoquer des violations des principes consacrés aux articles 16 et 20 de la Charte et du principe de proportionnalité, sans développer une quelconque argumentation ciblée concernant ces principes.

532    Au regard de la jurisprudence citée au point 218 ci-dessus, l’argumentation de la requérante doit ainsi être rejetée dans la mesure où elle vise la violation desdits principes.

533    Par ailleurs, et en tout état de cause, si cette argumentation doit être comprise en ce sens que la requérante soutient, en réalité, que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation quand il a calculé ses multiplicateurs d’ajustement, il convient de relever ce qui suit.

534    D’une part, en ce qui concerne le grief tiré de ce que le CRU aurait assigné la requérante à un bin incorrect pour l’indicateur de risque SPI, il y a lieu de le rejeter pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 521 à 523 ci-dessus.

535    D’autre part, la requérante ne saurait s’appuyer sur sa propre analyse des indicateurs de risque clés de l’ABE pour contester le calcul de ses multiplicateurs d’ajustement. En effet il ressort du considérant 112 de la décision attaquée que le CRU a tenu compte de seize indicateurs de risque pour le calcul des contributions ex ante. Cependant, l’analyse de la requérante ne porte sur aucun de ces seize indicateurs. De plus, ainsi qu’il découle de l’annexe II de la décision attaquée, le CRU a tenu compte des données de 1 627 établissements pour calculer la contribution ex ante de la requérante sur la base de l’union et des données de 776 établissements pour calculer cette contribution sur la base nationale. En revanche, le nombre d’établissements dont la requérante a tenu compte pour établir son analyse ne ressort pas clairement de cette dernière.

536    Eu égard à ce qui précède, le huitième moyen doit être rejeté.

6.      Sur le neuvième moyen, tiré de la violation des articles 16, 20, 41 et 52 de la Charte en raison d’erreurs manifestes d’appréciation

537    La requérante fait valoir que le CRU a méconnu son pouvoir d’appréciation et a, dès lors, violé les articles 16, 20 et 41 de la Charte ainsi que le principe de proportionnalité consacré à l’article 52 de celle-ci, en raison des multiples erreurs manifestes d’appréciation qu’il a commises lors du calcul de sa contribution ex ante.

538    En premier lieu, le CRU n’aurait pas dûment pris en compte ni déterminé :

–        l’incidence que les contributions procycliques pouvaient avoir sur la position financière des établissements lors de la détermination du niveau cible annuel prévu à l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 ;

–        l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité » ;

–        l’indicateur de risque SPI ;

–        le rééchelonnement des pondérations des indicateurs de risque au sein d’un pilier de risque en cas de non-application de certains indicateurs de risque.

539    En second lieu, le CRU aurait méconnu son pouvoir d’appréciation et aurait omis de procéder aux adaptations des contributions ex ante imposées par les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité. En effet, d’une part, ainsi qu’il a été exposé dans le cadre du septième moyen, l’annexe I du règlement délégué 2015/63 conduirait à une situation où la fourchette de valeurs maximums et minimums serait disproportionnellement large pour les premier et dernier bins, où plusieurs bins seraient vides et où d’autres bins comprendraient un nombre manifestement trop élevé d’établissements, ce qui aboutirait à une charge pour la requérante qui serait manifestement injustifiée, disproportionnée et discriminatoire.

540    D’autre part, en prenant en compte, dans le cadre du pilier de risque III, des passifs intragroupes de la requérante, le CRU l’aurait pénalisée et désavantagée par rapport aux établissements qui fournissent leurs informations au niveau consolidé.

541    Le CRU conteste cette argumentation.

542    Tout d’abord, il y a lieu de constater que la requérante se borne à invoquer des violations des principes consacrés aux articles 16, 20 et 41 de la Charte ainsi que du principe de proportionnalité consacré à l’article 52 de celle-ci, sans développer d’argumentation autonome et ciblée concernant ces principes.

543    Au regard de la jurisprudence citée au point 218 ci-dessus, l’argumentation de la requérante doit ainsi être rejetée dans la mesure où elle vise la violation desdits principes.

544    Ensuite, dans la mesure où la requérante soutient que le CRU a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de la constitution des bins et de l’assignation des établissements à ces bins, ce grief n’est pas appuyé par des arguments spécifiques. En particulier, la requérante ne précise pas comment le pouvoir d’appréciation octroyé au CRU est lié aux facteurs indiqués au point 538 ci-dessus ni de quelle manière précise le CRU aurait dû tenir compte de ces facteurs.

545    De même, bien que la requérante reproche au CRU d’avoir omis de procéder aux « modulations individuelles nécessaires [des résultats de l’application de l’annexe I, sous le titre “Étape 2”, du règlement délégué 2015/63] requises et autorisées par le règlement délégué afin de générer des résultats corrects et conformes aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité », elle ne précise pas la nature de telles adaptations.

546    En outre, la requérante a présenté une argumentation ambiguë concernant la méthode de binning. D’une part, en renvoyant à ses arguments présentés dans le cadre du septième moyen, elle reproche au CRU de ne pas avoir reconnu que l’application de l’étape 2 conduisait à une fourchette de valeurs disproportionnellement large pour les premier et dernier bins, que divers bins étaient vides et que les premiers bins comportaient un nombre manifestement trop élevé d’établissements. Par son grief, la requérante laisse ainsi sous-entendre qu’elle considère que la méthode de binning n’est pas conforme aux règles de droit supérieur, sans pourtant invoquer d’exception d’illégalité dans le cadre du présent moyen. Or, une telle exception doit être invoquée de manière claire, pour permettre à l’auteur de l’acte de défendre la légalité de celui-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 20 janvier 2009, Sack/Commission, C‑38/08 P, EU:C:2009:21, points 21 et 22). D’autre part, la requérante reproche au CRU d’avoir, pour les mêmes motifs, violé les prescriptions de l’annexe I du règlement délégué 2015/63. Dans ces circonstances, il est impossible pour le Tribunal d’identifier précisément la portée des arguments de la requérante à cet égard et d’en juger le bien-fondé.

547    En troisième lieu, pour ce qui est des opérations intragroupes et des opérations de partage interne des pertes de la requérante, il y a lieu de relever ce qui suit.

548    Le pilier de risque III se compose, conformément à l’article 6, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, de l’unique indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne, reflétant l’importance de l’établissement dans l’économie de l’État membre d’établissement » dont les définitions pertinentes figurent à l’annexe I, sous le titre « Étape 1 », de ce règlement délégué.

549    Or, d’une part, en prenant en compte les opérations intragroupes et les opérations de partage interne des pertes en vue de déterminer le pilier de risque III et, notamment, l’unique indicateur de risque qui compose ce pilier, le CRU n’a fait qu’appliquer l’annexe I, sous le titre « Étape 1 », et l’article 6, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, dont la requérante n’a pas démontré l’illégalité, ainsi que cela ressort des points 229 à 244 ci-dessus.

550    D’autre part, si la requérante soutient que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de cet examen, elle ne précise pas en quoi ce dernier bénéficierait d’un pouvoir d’appréciation pour ne pas tenir compte de ces opérations lorsqu’il détermine l’indicateur de risque du pilier de risque III et à quels résultats concrets cette absence de prise en compte aurait dû aboutir.

551    En tout état de cause, il convient de relever que, ainsi que l’indique le considérant 9 du règlement délégué 2015/63, en énonçant les dispositions relatives au calcul de la contribution annuelle de base, la Commission n’a pas entendu éliminer entièrement toute forme de double comptage des passifs (arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C414/18, EU:C:2019:1036, point 94). À cet égard, ni l’annexe I, sous le titre « Étape 1 », ni l’article 6, paragraphe 4, de ce règlement délégué ne confèrent de pouvoir discrétionnaire au CRU pour exclure les opérations intragroupes et les opérations de partage interne des pertes au titre du calcul de l’indicateur de risque du pilier de risque III.

552    Eu égard à ce qui précède, le neuvième moyen doit ainsi être rejeté.

7.      Sur le onzième moyen, tiré de la violation de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et d’une incompatibilité des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 avec les normes de rang supérieur

553    Il est constant que la requérante a invoqué le onzième moyen pour la première fois dans la réplique. Malgré cela, elle considère que ce moyen est recevable en ce qu’il est fondé sur des éléments de fait et de droit qui seraient apparus au cours de la procédure juridictionnelle. En effet, l’élément nécessaire pour comprendre si le niveau cible annuel dépasse le plafond de 12,5 % du niveau cible final, qui est prévu par l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, aurait été porté à sa connaissance par le biais de la décision SRB/ES/2022/18 du CRU, du 11 avril 2022, sur le calcul des contributions ex ante pour 2022 au FRU.

554    Le CRU conclut, d’une part, à l’irrecevabilité du présent moyen pour cause de tardiveté et, d’autre part, à son rejet sur le fond.

555    Conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ou qu’ils ne constituent l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T‑380/17, EU:T:2020:471, point 87 et jurisprudence citée).

556    Or, d’une part, il est constant que le CRU a indiqué dans la fiche descriptive mentionnée au point 349 ci-dessus le montant du niveau cible final pronostiqué par lui, sous la forme d’une fourchette comprise entre 70 et 75 milliards d’euros, aux fins de la fixation des contributions ex ante pour la période de contribution 2021. D’autre part, il ressort de la requête que la requérante avait pu prendre connaissance de cette fiche avant l’introduction de son recours, puisqu’elle y a fait référence dans le cadre de son argumentation invoquée au soutien de son deuxième moyen.

557    Dans ces conditions, la requérante ne saurait prétendre que les éléments de fait invoqués par elle au soutien du onzième moyen, qui justifieraient la production de ce moyen au stade de la réplique, ne lui étaient pas déjà connus au moment de l’introduction du recours.

558    En outre, la requérante n’a pas soutenu que le présent moyen constituait une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement.

559    Dans ces conditions, le onzième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

560    Par ailleurs, à supposer que le onzième moyen soit recevable, le Tribunal ne serait pas en mesure d’en apprécier le bien-fondé. En effet, ainsi qu’il ressort des points 331 à 363 ci-dessus, la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation concernant la détermination du niveau cible annuel pour la période de contribution 2021 et doit être annulée pour ce motif. Or, un tel défaut de motivation empêche le Tribunal d’examiner le bien-fondé du onzième moyen.

C.      Conclusion

561    Il résulte de tout ce qui précède que la troisième branche du deuxième moyen est fondée, tandis que les autres branches de ce moyen, ainsi que tous les autres moyens invoqués, doivent être rejetés. La troisième branche du deuxième moyen étant, à elle seule, de nature à fonder l’annulation de la décision attaquée, il y a lieu d’annuler cette dernière en tant qu’elle concerne la requérante.

V.      Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

562    Le CRU demande au Tribunal de maintenir, en cas d’annulation de la décision attaquée, les effets de celle-ci jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle l’arrêt est devenu définitif.

563    La requérante a indiqué à l’audience, en substance, qu’elle ne s’opposait pas à cette demande dans la mesure où la décision attaquée serait annulée sur la base de la violation d’une forme substantielle.

564    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, le juge de l’Union peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme étant définitifs.

565    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, eu égard à des motifs ayant trait à la sécurité juridique, les effets d’un tel acte peuvent être maintenus, notamment lorsque les effets immédiats de son annulation entraîneraient des conséquences négatives graves et que la légalité de l’acte attaqué est contestée non pas en raison de sa finalité ou de son contenu, mais pour des motifs de violation des formes substantielles (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 175 et jurisprudence citée).

566    En l’espèce, la décision attaquée a été prise en violation des formes substantielles. En revanche, le Tribunal n’a pas constaté, dans la présente procédure, d’erreur affectant la légalité au fond de cette décision.

567    En outre, à l’instar de ce que la Cour a jugé dans l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 177), il convient de constater que prononcer l’annulation de la décision attaquée sans prévoir le maintien de ses effets jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par un nouvel acte serait de nature à porter atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, qui constituent une partie essentielle de l’union bancaire, laquelle contribue à la stabilité de la zone euro.

568    Dans ces circonstances, il y a lieu de maintenir les effets de la décision attaquée, en ce qu’elle concerne la requérante, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au FRU de la requérante pour la période de contribution 2021.

VI.    Sur les dépens

569    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le CRU ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

570    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision SRB/ES/2021/22 du Conseil de résolution unique (CRU), du 14 avril 2021, sur le calcul des contributions ex ante pour 2021 au Fonds de résolution unique est annulée en ce qu’elle concerne Bayerische Landesbank.

2)      Les effets de la décision SRB/ES/2021/22, en ce qu’elle concerne Bayerische Landesbank, sont maintenus jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable qui ne saurait dépasser six mois à compter de la date du prononcé du présent arrêt, d’une nouvelle décision du CRU fixant la contribution ex ante au Fonds de résolution unique de cet établissement pour la période de contribution 2021.

3)      Le CRU supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Bayerische Landesbank.

4)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Kornezov

De Baere

Petrlík

Kecsmár

 

      Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 mars 2024.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Décision attaquée

III. Conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur les exceptions d’illégalité des articles 4 à 9 et 20 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63

1. Sur le quatrième moyen, tiré d’une exception d’illégalité des articles 4 à 9 ainsi que de l’annexe I du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils violeraient les principes de protection juridictionnelle effective et de sécurité juridique

a) Sur la première branche, portant sur une prétendue violation du principe de protection juridictionnelle effective

b) Sur la seconde branche, portant sur une prétendue violation du principe de sécurité juridique

1) Sur le premier grief, tiré de ce que les articles 4 à 9 ainsi que l’annexe I du règlement délégué 2015/63 ne permettraient pas aux établissements de calculer au préalable leurs contributions ex ante

2) Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission aurait pu établir une autre méthode de calcul des contributions ex ante

3) Sur le troisième grief, tiré d’une violation de l’article 12 du règlement 2016/1011

c) Conclusion sur le quatrième moyen

2. Sur le cinquième moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’il violerait plusieurs normes supérieures

a) Sur la première branche, portant sur l’incompatibilité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 avec l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59 et l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013

b) Sur la deuxième branche, portant sur l’incompatibilité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 avec le « principe du calcul des contributions adapté au risque » et le principe d’égalité de traitement

1) Sur le premier grief, tiré d’une violation du « principe du calcul des contributions adapté au risque »

2) Sur le second grief, portant sur une méconnaissance du principe d’égalité de traitement

c) Sur la troisième branche, portant sur l’incompatibilité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 avec le principe de sécurité juridique

d) Sur la quatrième branche, portant sur l’incompatibilité de l’article 7, paragraphe 4, second alinéa, du règlement délégué 2015/63 avec le principe de prise en compte intégrale des faits

e) Conclusion sur le cinquième moyen

3. Sur le septième moyen, tiré d’une exception d’illégalité des articles 6, 7 et 9 ainsi que de l’annexe I, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’ils violeraient plusieurs normes supérieures

a) Sur la première branche, portant sur la méthode de binning

b) Sur la seconde branche, portant sur l’intégration dans le total des prêts et des dépôts interbancaires des passifs intragroupes et des passifs de partage interne des pertes

4. Sur le dixième moyen, tiré d’une exception d’illégalité de l’article 20, paragraphe 1, première et deuxième phrases, du règlement délégué 2015/63, en ce qu’il violerait l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 et le « principe du calcul des contributions adapté au risque »

B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée

1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 3 du règlement no 1

2. Sur le deuxième moyen, tiré de défauts de motivation

a) Observations préliminaires

b) Sur la première branche, portant sur la langue de la version de la décision attaquée faisant foi

c) Sur la deuxième branche, portant sur la complexité de la motivation du calcul de la contribution ex ante

d) Sur la sixième branche, portant sur la rétention des données des autres établissements

e) Sur la troisième branche, portant sur la motivation du niveau cible annuel

f) Sur la quatrième branche, portant sur la motivation insuffisante de la contribution annuelle de base

g) Sur la cinquième branche, portant sur la motivation insuffisante de l’ajustement de la contribution annuelle de base au risque

1) Sur le premier grief, portant sur l’impossibilité de vérifier l’assujettissement de l’ensemble des établissements concernés à une contribution ajustée en fonction du profil de risque

2) Sur le deuxième grief, portant sur la prise en compte de l’indicateur de risque « activités de négociation et expositions hors bilan, instruments dérivés, complexité et résolvabilité »

3) Sur le troisième grief, portant sur la motivation des étapes 1 à 6 de l’adaptation de la contribution annuelle de base au profil de risque de la requérante

i) Étape 1

ii) Étape 2

iii) Étape 3

iv) Étape 4

v) Étape 5

vi) Étape 6

h) Sur la septième branche, portant sur l’existence des décisions intermédiaires non publiées

i) Conclusion sur le deuxième moyen

3. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective en raison du caractère invérifiable de la décision attaquée

4. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de plusieurs dispositions du droit primaire et du droit dérivé du fait de l’application d’un multiplicateur pour l’indicateur de risque SPI à la requérante

a) Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 113, paragraphe 7, du règlement no 575/2013 et de l’article 103, paragraphe 7, sous h), de la directive 2014/59

b) Sur la deuxième branche, portant sur la violation de l’article 16 de la Charte et du principe de proportionnalité

c) Sur la troisième branche, portant sur la violation de l’article 20 de la Charte et du principe d’égalité de traitement

d) Sur la quatrième branche, portant sur la violation du principe de bonne administration

1) Sur le premier grief, en ce que le CRU n’aurait pas dûment motivé la décision attaquée

2) Sur le second grief, en ce que le CRU aurait violé son obligation d’instruction

e) Conclusion sur le sixième moyen

5. Sur le huitième moyen, tiré de la violation des articles 16 et 52 de la Charte, en raison du caractère inapproprié du multiplicateur d’ajustement

6. Sur le neuvième moyen, tiré de la violation des articles 16, 20, 41 et 52 de la Charte en raison d’erreurs manifestes d’appréciation

7. Sur le onzième moyen, tiré de la violation de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014 et d’une incompatibilité des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 avec les normes de rang supérieur

C. Conclusion

V. Sur la limitation dans le temps des effets de l’arrêt

VI. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’allemand.


1 Données confidentielles occultées.