Language of document : ECLI:EU:T:2024:98

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

21 février 2024 (*) (1)

« Produits phytopharmaceutiques – Substance active cyperméthrine – Règlement d’exécution (UE) 2021/2049 – Demande de réexamen interne – Article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1367/2006 – Rejet de la demande – Identification de domaines critiques de préoccupation par l’EFSA – Évaluation et gestion des risques – Principe de précaution – Pouvoir d’appréciation de la Commission »

Dans l’affaire T‑536/22,

Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me A. Bailleux, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. C. Becker, MM. G. Gattinara et M. ter Haar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. R. da Silva Passos, président, Mmes I. Reine et T. Pynnä (rapporteure), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 12 octobre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 23 juin 2022 (ci-après la « décision attaquée ») par laquelle celle-ci a rejeté la demande de réexamen interne qu’elle avait introduite conformément à l’article 10 du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de l’Union européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), pour le règlement d’exécution (UE) 2021/2049 de la Commission, du 24 novembre 2021, renouvelant l’approbation de la substance active « cyperméthrine » comme substance dont la substitution est envisagée, conformément au règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, et modifiant l’annexe du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission (JO 2021, L 420, p. 6).

I.      Antécédents du litige

2        La cyperméthrine est un insecticide de la famille des pyréthrinoïdes. Cette famille d’insecticides est largement utilisée au sein de l’Union européenne afin de lutter contre les ravageurs des cultures. La cyperméthrine est hautement toxique pour les insectes.

3        Par sa directive 2005/53/CE, du 16 septembre 2005, modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil en vue d’y inscrire les substances actives chlorothalonil, chlorotoluron, cyperméthrine, daminozide et thiophanate-méthyl (JO 2005, L 241, p. 51), la Commission a inscrit la cyperméthrine en tant que substance active à l’annexe I de la directive 91/414/CEE du Conseil, du 15 juillet 1991, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO 1991, L 230, p. 1). Les substances actives inscrites à l’annexe I de la directive 91/414 sont réputées approuvées en vertu du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414 du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1), et figurent à l’annexe, partie A, du règlement d’exécution (UE) no 540/2011 de la Commission, du 25 mai 2011, portant application du règlement no 1107/2009, en ce qui concerne la liste des substances actives approuvées (JO 2011, L 153, p. 1).

4        Cette approbation devait expirer le 28 février 2016. Cependant, en raison d’importants retards dans les processus de réévaluation et de prise de décision, cette approbation a été prolongée, par le biais de règlements d’exécution de la Commission, d’un an en 2017, en 2018, en 2019, en 2020 et en 2021 par le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et aliments pour animaux (ci-après le « comité permanent »).

5        Dans le cadre de la procédure de renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine, l’État membre rapporteur (ci-après l’« EMR »), en concertation avec l’État membre corapporteur, a établi un projet de rapport d’évaluation du renouvellement, qu’il a transmis à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et à la Commission le 8 mai 2017.

6        L’EFSA a communiqué le projet de rapport d’évaluation du renouvellement aux demandeurs et aux États membres afin de recueillir leurs observations, et elle y a consacré une consultation publique. Elle a ensuite transmis les observations reçues à la Commission.

7        L’EFSA a remis, le 31 juillet 2018, un avis scientifique intitulé « Peer Review of the pesticide risk assessment of the active substance cypermethrin » (Examen par les pairs de l’évaluation des risques liés aux pesticides associés à la substance active cyperméthrine) (ci-après les « conclusions de l’EFSA »). L’EFSA y identifie quatre « domaines critiques de préoccupation ».

8        Ainsi qu’il ressort des conclusions de l’EFSA, celle-ci identifie un ou plusieurs domaines critiques de préoccupation dans les cas suivants :

–        lorsqu’il existe suffisamment d’informations disponibles pour effectuer une évaluation des utilisations représentatives selon les principes uniformes au titre de l’article 29, paragraphe 6, du règlement no 1107/2009 et ainsi qu’énoncé dans le règlement (UE) no 546/2011 de la Commission, du 10 juin 2011, portant application du règlement no 1107/2009 en ce qui concerne les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation des produits phytopharmaceutiques (JO 2011, L 155, p. 127), et que cette évaluation ne permet pas de conclure que, pour au moins l’une des utilisations représentatives, il est probable qu’un produit phytopharmaceutique (ci-après « PPP ») contenant la substance active n’aura aucun effet nocif sur la santé humaine, animale, l’environnement ou l’eau souterraine ou des effets inacceptables sur l’environnement ;

–        lorsque l’évaluation à un niveau plus élevé n’a pas pu être achevée en raison d’un manque d’informations, et que l’évaluation réalisée au niveau inférieur ne permet pas de conclure que, pour au moins l’une des utilisations représentatives, il est probable qu’un PPP contenant la substance active n’aura aucun effet nocif sur la santé humaine, animale, l’environnement ou l’eau souterraine ou des effets inacceptables sur l’environnement ;

–        si, compte tenu de l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, en utilisant les documents d’orientation disponibles au moment de la demande, la substance active n’est pas susceptible de satisfaire aux critères d’approbation de l’article 4 du règlement no 1107/2009.

9        Concernant la cyperméthrine, l’EFSA a identifié les domaines critiques de préoccupation suivants :

–        un haut risque pour les organismes aquatiques ;

–        un haut risque pour les abeilles mellifères ;

–        un haut risque pour les arthropodes non-ciblés situés en dehors de la zone traitée ;

–        une absence d’information concernant la composition des lots de pesticides utilisés dans les études écotoxicologiques soumises par les demandeurs de l’approbation, qui n’a pas permis à l’EFSA de s’assurer que ces lots de pesticides correspondaient bien aux utilisations représentatives d’un PPP contenant la substance active, au sens de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009.

10      Lors de la réunion du comité permanent de janvier 2019, la Commission a présenté une proposition de renouvellement de l’approbation limitant l’usage de la cyperméthrine aux saisons de l’automne et de l’hiver afin de protéger les abeilles et les milieux aquatiques, avec des mesures d’atténuation des risques réduisant de 95 % la dérive des pesticides dans l’environnement, pour en prévenir les effets néfastes pour celui-ci.

11      Devant le refus d’une majorité des États membres de soutenir une proposition de renouvellement de l’approbation assortie de telles limitations, la Commission a demandé à l’EFSA de publier une déclaration sur les mesures d’atténuation des risques de la cyperméthrine.

12      En septembre 2019, l’EFSA a publié une déclaration sur les mesures de réduction des risques pour la cyperméthrine (ci-après la « déclaration de 2019 »). L’EFSA y indique que seule une mesure de réduction des risques réduisant de plus de 95 % la dérive des pesticides permettrait de conclure à un niveau de risque faible pour les organismes aquatiques. Elle parvient au même constat pour les arthropodes non-ciblés. L’EFSA indique également que les études fournies ne couvrent pas l’usage de la cyperméthrine en automne. L’EFSA estime en outre que, pour protéger les abeilles, une absence d’adventices en fleurs dans la culture, une interdiction de pulvérisation de cultures en fleurs et une réduction de la dérive de 54 % seraient suffisantes et qu’il serait possible de conclure à un niveau de risque faible.

13      À la suite de nombreuses réunions du comité permanent, la Commission a adopté, le 24 novembre 2021, le règlement d’exécution 2021/2049. Ce renouvellement de l’approbation est toutefois assorti d’une série de dispositions spécifiques prévues à l’annexe I dudit règlement.

14      Le 20 janvier 2022, sur le fondement de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, la requérante a adressé à la Commission une demande de réexamen interne du règlement d’exécution 2021/2049 en vue d’obtenir son abrogation ou son remplacement par un règlement rejetant la demande de renouvellement de l’approbation de la substance active cyperméthrine. Dans cette demande, la requérante expose les raisons pour lesquelles elle considère que ledit règlement est contraire au principe de précaution et à l’obligation pour l’Union d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, telle qu’elle ressort des articles 9 et 11, de l’article 168, paragraphe 1, et de l’article 191, paragraphe 1, TFUE ainsi que des articles 35 et 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et telle qu’elle est concrétisée, pour ce qui concerne les produits phytosanitaires, par le règlement no 1107/2009, notamment dans son article 4.

15      Le 18 février 2022, la Commission a demandé à l’EFSA une assistance technique et scientifique relative à tous les éléments scientifiques pertinents présentés dans la demande de réexamen interne. En réponse à cette requête, l’EFSA a publié le 15 mars 2022 un rapport technique (ci‑après le « rapport technique ») se limitant à l’examen d’un seul grief avancé par la requérante, celui relatif à la non prise en compte de certaines études issues de la littérature indépendante dans l’examen de la propriété de perturbation endocrinienne de la cyperméthrine.

16      Dans un courriel du 18 juillet 2022, la Commission a communiqué à la requérante une copie en langue française de la décision attaquée, à laquelle était jointe une annexe exposant les motifs du rejet de la demande de réexamen interne.

II.    Conclusions des parties

17      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

19      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation du principe de précaution et de l’obligation pour l’Union d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, telle qu’elle ressort des articles 9 et 11, de l’article 168, paragraphe 1, et de l’article 191, paragraphe 1, TFUE, ainsi que des articles 35 et 37 de la charte des droits fondamentaux, et telle qu’elle est concrétisée, pour ce qui concerne les produits phytosanitaires, par le règlement no 1107/2009, notamment son article 4.

20      Le moyen unique de la requérante se subdivise en deux branches. La première branche est dirigée contre les remarques préliminaires contenues sous le titre I de l’annexe à la décision attaquée. La deuxième branche est dirigée contre les motifs spécifiques avancés dans le titre II de ladite annexe afin de rejeter les sept griefs soulevés par la requérante dans sa demande de réexamen interne.

21      À titre liminaire, il convient d’examiner la question du point de départ du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, ainsi que les arguments des parties relatifs à la recevabilité de certains arguments avancés par la requérante, dans la mesure où ceux-ci sont contestés par la Commission. Il conviendra également de rappeler l’étendue du contrôle juridictionnel du Tribunal.

A.      Observations liminaires

1.      Sur le point de départ du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE

22      Sans que la recevabilité du recours soit contestée par la Commission en l’espèce pour cause de tardivité, la requérante a rappelé, lors de l’audience, qu’il importait que le Tribunal clarifie le point de départ du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, en indiquant que celui-ci correspondait à la communication de la copie en langue française de la décision attaquée, effectuée le 18 juillet 2022, et non à la notification de cette décision en langue anglaise, le 23 juin 2022.

23      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, en vertu de l’article 2 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), les textes adressés aux institutions sont rédigés au choix de l’expéditeur dans l’une des langues officielles et la réponse est rédigée dans la même langue.

24      En outre, il convient d’observer qu’il ne ressort d’aucune disposition du règlement no 1367/2006 que le législateur ait entendu déroger aux dispositions générales relatives à l’emploi des langues du règlement no 1 et, en particulier, à l’article 2 de ce règlement, en ce qui concerne les demandes de réexamen internes introduites au titre de l’article 10 du règlement no 1367/2006.

25      En l’espèce, la requérante a introduit le 20 janvier 2022 une demande de réexamen interne en langue française concernant le règlement d’exécution 2021/2049. Il convient dès lors de considérer que c’est la communication en langue française de la décision attaquée, parvenue à la requérante le 18 juillet 2022, qui constitue le point de départ du délai de recours visé à l’article 263, sixième alinéa, TFUE.

26      Le présent recours ayant été déposé au greffe du Tribunal le 31 août 2022, il doit, dès lors, être déclaré recevable.

2.      Sur la nature du recours fondé sur l’article 12 du règlement no 1367/2006 et la portée de la règle de concordance entre la demande de réexamen et le recours en annulation

27      Sans conclure à l’irrecevabilité du recours dans son ensemble, la Commission objecte, dans plusieurs passages du mémoire en défense et de la duplique, que certains arguments présentés par la requérante n’avaient pas été soulevés dans sa demande de réexamen interne. De tels arguments devraient, dès lors, être déclarés irrecevables, conformément à la règle de concordance entre la demande de réexamen et le recours en annulation. Selon cette règle, un recours en annulation ne saurait être fondé sur des motifs nouveaux ou des éléments de preuve qui n’apparaissent pas dans la demande de réexamen (arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2019:719, points 38 et 39).

28      La Commission ne conteste pas que la requérante puisse répondre aux arguments avancés dans la décision attaquée, à l’appui de son argument initial, mais elle estime qu’elle ne peut pas, ce faisant, soutenir une nouvelle argumentation. Cela modifierait le « champ d’application » de la procédure déclenchée par la demande de réexamen, ce qu’il conviendrait précisément d’empêcher, comme indiqué au considérant 15 du règlement (UE) 2021/1767 du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 2021, modifiant le règlement no 1367/2006 (JO 2021, L 356, p. 1), et au point 39 de l’arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719). À cet égard, selon la Commission, si le but de la procédure de réexamen interne est, certes, celui de garantir l’accès à la justice à l’encontre des actes susceptibles de contrevenir au droit de l’environnement, l’usage de cette procédure ne devrait pas porter atteinte à son « effet utile », qui est lié au maintien du même « objet » tout le long de ladite procédure.

29      En outre, la Commission rappelle que, dans son arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719), la Cour a indiqué que la charge de la preuve d’un demandeur en réexamen interne concernait « les éléments de fait ou les arguments de droit », et ce sans aucune limitation. Il ne saurait donc y avoir d’« éléments contextuels » qui « échappe[raie]nt à la logique de [la] concordance ».

30      En effet, selon la Commission, la logique du recours en annulation, aux termes de l’article 12 du règlement no 1367/2006, ne concernerait que la qualité et le bien-fondé de la réponse apportée à la demande de réexamen, qui contient une appréciation sur la légalité d’une mesure déterminée. Si un demandeur en réexamen interne n’est pas satisfait de la réponse qu’il a reçue, comme sa contestation aux termes de l’article 12 vise précisément à invalider cette appréciation de légalité, il ne saurait rajouter de nouveaux arguments sans modifier l’objet de la procédure, enclenchée par la demande de réexamen interne.

31      Il ressortirait clairement du considérant 21 du règlement 2021/1767 qu’il est exigé du demandeur qu’il présente, dès le début de la procédure, des éléments de droit ou de fait suffisamment étayés qui suscitent des « doutes plausibles » quant à l’appréciation portée par l’institution ou l’organe de l’Union. La requérante ne saurait, dès lors, faire usage de la jurisprudence concernant d’autres procédures judiciaires, telles que le pourvoi ou le recours en manquement, cette interprétation par analogie ne pouvant pas déroger aux critères interprétatifs directement et spécifiquement établis par la Cour dans sa jurisprudence sur le règlement no 1367/2006.

32      Ainsi, le recours présenté par la requérante, à la suite de la réponse à sa demande de réexamen interne, ne saurait priver d’effet utile la procédure de réexamen et ne pourrait avoir pour objet que de vérifier concrètement si les arguments ou doutes réels avancés par la requérante dans la demande de réexamen ont été traités avec diligence et avec des arguments plausibles.

33      La requérante conteste, de manière générale, l’interprétation qui est faite par la Commission de la règle de concordance. Elle observe que la Commission semble vouloir la placer dans une situation impossible, étant donné que, tantôt elle lui reproche de répéter les arguments développés dans la demande de réexamen interne sans prendre en compte l’argumentation développée dans la décision attaquée, tantôt elle objecte que certains arguments seraient irrecevables, car nouveaux, en raison du fait qu’ils ont été avancés par la requérante en réponse à l’argumentation développée par la Commission pour la première fois dans la décision attaquée. Une telle interprétation serait manifestement contraire au droit à une protection juridictionnelle effective et à l’esprit du règlement no 1367/2006.

34      Il ressortirait du considérant 15 du règlement 2021/1767 que la règle de concordance interdit uniquement aux parties requérantes d’avancer des « motifs nouveaux » ou des « éléments de preuve qui n’apparaissent pas dans la demande de réexamen » en vue de sauvegarder « l’effet utile » de la demande de réexamen interne et d’empêcher les parties requérantes de « modifier l’objet de la procédure engagée par cette demande ». Au vu de leur sens usuel et de l’objectif poursuivi par la règle de la concordance, les notions de « motifs » et d’« éléments de preuve » ne pourraient pas être raisonnablement interprétées comme englobant tout élément visant à préciser ou contextualiser un argument déjà présent dans la demande de réexamen.

35      À cet égard, selon la requérante, il conviendrait de faire un parallèle entre cette règle de concordance et celle qui prévaut dans le cadre de la procédure de pourvoi ainsi que dans le cadre des procédures en constatation de manquement.

36      Les notions de « motifs » et d’« éléments de preuve » ne pourraient pas non plus être raisonnablement comprises comme empêchant une partie requérante de répondre à un argument soulevé par la Commission elle-même pour justifier sa décision de refus de réexamen.

37      Au regard de ces considérations, la requérante invite le Tribunal à constater qu’aucun des éléments dont la Commission conteste la recevabilité ne saurait s’analyser en un « motif » ou un « élément de preuve » nouveau. Ces éléments auraient tous été avancés par la requérante en vue de répondre à une argumentation développée par la Commission, dans la décision attaquée, pour justifier son refus de réexamen. Par ailleurs, il s’agirait d’éléments de contexte, de clarification ou de discussion, que la Commission connaissait déjà, et qui ne sauraient être considérés comme décisifs ou susceptibles, en eux-mêmes, de fonder un constat d’illégalité. En ce sens, ils n’altèreraient en rien l’objet de la procédure ni ne nuiraient à l’effet utile de la procédure de réexamen.

38      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 de ce règlement est habilitée à déclencher, par la voie d’une demande motivée, un réexamen interne d’un acte administratif auprès de l’institution ou de l’organe de l’Union qui l’a adopté au titre du droit de l’environnement. Lorsque l’objet de l’acte administratif en cause porte, comme en l’espèce, sur une décision de renouveler l’approbation d’une substance active, telle que la cyperméthrine, l’objet d’une demande de réexamen concerne, en application de cette disposition, la réévaluation d’une telle approbation.

39      La demande de réexamen interne d’un acte administratif tend donc à faire constater une prétendue illégalité ou l’absence de bien-fondé de l’acte visé. Le demandeur peut ensuite saisir, conformément à l’article 12 du règlement no 1367/2006, lu conjointement avec l’article 10 de ce règlement, le juge de l’Union en introduisant un recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application ou détournement de pouvoir contre la décision rejetant comme non fondée la demande de réexamen interne.

40      Il s’ensuit que, selon une lecture combinée des articles 10 et 12 du règlement no 1367/2006, un recours en annulation n’est recevable que s’il est dirigé contre la réponse à ladite demande et que les moyens invoqués au soutien de l’annulation visent spécifiquement cette réponse (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 56).

41      Un tel recours ne saurait être fondé sur des motifs nouveaux ou des éléments de preuve qui n’apparaissaient pas dans la demande de réexamen, sous peine de priver l’exigence relative à la motivation d’une telle demande, figurant à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, de son effet utile et de modifier l’objet de la procédure engagée par cette demande (arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 39).

42      Ainsi, il est inhérent au système du réexamen que le demandeur de réexamen présente des motifs concrets et précis susceptibles de remettre en cause les appréciations sur lesquelles la décision d’autorisation est fondée. Dès lors, afin de préciser les motifs de réexamen de la façon requise, un demandeur de réexamen interne d’un acte administratif au titre du droit de l’environnement est tenu d’indiquer les éléments de fait ou les arguments de droit substantiels susceptibles de fonder des doutes plausibles, à savoir substantiels, quant à l’appréciation portée par l’institution ou l’organe de l’Union dans l’acte visé (voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2019:719, points 68 et 69).

43      En outre, les moyens et les arguments soulevés devant le Tribunal dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision portant rejet d’une demande de réexamen interne ne sauraient être considérés comme étant recevables que dans la mesure où ces moyens et ces arguments ont déjà été présentés par la partie requérante dans la demande de réexamen interne et ce, de manière à ce que la Commission ait pu y répondre (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 68, et du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, point 55).

44      Toutefois, comme le reconnait la Commission, il ne saurait être exigé d’une partie requérante formant un recours devant le Tribunal au titre de l’article 12 du règlement no 1367/2006 qu’elle se limite à reproduire textuellement les arguments qu’elle avait invoqués dans sa demande de réexamen interne.

45      En effet, d’une part, de la même manière qu’une partie requérante est recevable à former un pourvoi en faisant valoir, devant la Cour, des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé (arrêts du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, non publié, EU:C:2007:730, point 17 ; du 10 avril 2014, Commission/Siemens Österreich e.a. et Siemens Transmission & Distribution e.a./Commission, C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 102, et du 25 janvier 2022, Commission/European Food e.a., C‑638/19 P, EU:C:2022:50, point 77), une partie requérante au titre de l’article 12 du règlement no 1367/2006 doit pouvoir soulever des arguments qui visent à critiquer, en droit, le bien-fondé de la décision adoptée en réponse à sa demande de réexamen interne. De tels arguments ne sauraient, toutefois, modifier l’objet de la procédure engagée par cette demande, sous peine de priver celle-ci de son effet utile. En particulier, ils ne sauraient inclure de nouveaux arguments ou éléments de preuve qui auraient pu être soulevés dès la demande de réexamen.

46      D’autre part, un argument qui n’a pas été soulevé au stade de la demande de réexamen ne saurait être considéré comme nouveau, irrecevable au stade du recours devant le Tribunal, s’il ne constitue que l’ampliation d’une argumentation déjà développée dans le cadre de cette demande (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 3 mars 2016, Espagne/Commission, C‑26/15 P, non publié, EU:C:2016:132, point 84 ; du 13 juillet 2017, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑60/15 P, EU:C:2017:540, point 51, et du 9 décembre 2020, Groupe Canal +/Commission, C‑132/19 P, EU:C:2020:1007, point 28). Pour pouvoir être regardé comme une ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 13 juillet 2022, Delifruit/Commission, T‑629/20, EU:T:2022:448, point 20 et jurisprudence citée).

47      Au vu de la nature particulière de la procédure de réexamen instaurée par le règlement no 1367/2006, une telle possibilité doit néanmoins être conciliée avec la nécessité de préserver l’effet utile de ladite procédure, de sorte qu’elle ne saurait permettre à une partie requérante de modifier l’objet de cette procédure en soulevant de nouveaux motifs ou des éléments de preuves qui ne présentent pas un lien suffisamment étroit avec des griefs soulevés au stade de la demande de réexamen. Ainsi, en l’espèce, comme le fait valoir la Commission, la requérante ne saurait invoquer de nouveaux arguments « contextuels » qui échapperaient à la logique de cette règle de concordance, sauf à admettre que de tels arguments sont, en tout état de cause, inopérants.

48      C’est à l’aune de ces considérations que le Tribunal examinera ci-après la recevabilité des arguments soulevés par la requérante, pour chacun des griefs spécifiques visant à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

3.      Sur l’étendue du contrôle juridictionnel du Tribunal

49      En vertu de son article 1er, paragraphe 3, le règlement no 1107/2009 vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement et à améliorer le fonctionnement du marché intérieur par l’harmonisation des règles concernant la mise sur le marché de PPP, tout en améliorant la production agricole.

50      En imposant le maintien d’un niveau élevé de protection de l’environnement, le règlement no 1107/2009 applique l’article 11 et l’article 114, paragraphe 3, TFUE. L’article 11 TFUE prévoit que les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable. Concrétisant cette obligation, l’article 114, paragraphe 3, TFUE dispose que, dans ses propositions en matière, notamment, de protection de l’environnement, faites au titre du rapprochement des législations ayant pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, la Commission prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques, et que, dans le cadre de leurs compétences respectives, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne s’efforcent également d’atteindre cet objectif. Cette protection de l’environnement a une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques, de sorte qu’elle est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 106 et jurisprudence citée).

51      Par ailleurs, le considérant 8 du règlement no 1107/2009 précise que le principe de précaution devrait être appliqué et que ledit règlement vise à assurer que l’industrie démontre que les substances ou produits fabriqués ou mis sur le marché n’ont aucun effet nocif sur la santé humaine ou animale ni aucun effet inacceptable sur l’environnement.

52      Dans ce cadre, afin de pouvoir poursuivre efficacement les objectifs qui lui sont assignés par le règlement no 1107/2009 et en considération des évaluations techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation doit être reconnu à la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 75). Cela vaut, notamment, pour les décisions en matière de gestion du risque qu’elle doit prendre en application dudit règlement (arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 143).

53      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par la Commission, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 18 juillet 2007, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P, EU:C:2007:443, point 76 et jurisprudence citée).

54      S’agissant de l’appréciation par le juge de l’Union de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, il convient de préciser que, afin d’établir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans l’acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de l’acte (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 145 et jurisprudence citée).

55      Les limites au contrôle du juge mentionnées ci-dessus n’affectent cependant pas le devoir de ce dernier de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39 ; du 9 juillet 2015, Allemagne/Commission, C‑360/14 P, non publié, EU:C:2015:457, point 37, et du 4 mai 2023, BCE/Crédit lyonnais, C‑389/21 P, EU:C:2023:368, point 56).

56      En outre, il y a lieu de rappeler que, dans les cas où une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle du respect de certaines garanties procédurales revêt une importance fondamentale. La Cour a eu l’occasion de préciser que, parmi ces garanties, figuraient notamment pour l’institution compétente l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et celle de motiver sa décision de façon suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 58 et jurisprudence citée).

B.      Sur les remarques liminaires formulées sous le titre I de l’annexe à la décision attaquée (première branche du moyen unique)

57      Cette première branche se compose de trois griefs distincts, portant, premièrement, sur le rôle de la Commission en tant que gestionnaire des risques au titre du règlement no 1107/2009, deuxièmement, sur le rôle du principe de précaution et, troisièmement, sur le rôle attribué aux États membres au titre du règlement no 1107/2009 pour l’autorisation des PPP.

58      À cet égard, il convient d’observer que, dans l’annexe de la décision attaquée, la Commission a souhaité formuler « un certain nombre de remarques liminaires générales sur les éléments qui sous-tendent ses décisions réglementaires au titre du règlement [no 1107/2009 et qui sont] pertinents pour la réalisation du réexamen interne ».

59      Comme le reconnaît la Commission dans son mémoire en défense, plusieurs arguments soulevés par la requérante portant sur ces remarques préliminaires en ce qui concerne, respectivement, le rôle de la Commission comme gestionnaire des risques, le principe de précaution et le rôle des États membres, sont susceptibles d’avoir un effet sur l’appréciation quant au fond du recours.

60      Dans ces conditions, les arguments de la requérante dirigés contre ces remarques préliminaires, même s’ils présentent un caractère transversal, ne sauraient être considérés comme irrecevables ou inopérants. Il convient, par conséquent, de les examiner au fond.

1.      Sur le rôle de la Commission en tant que gestionnaire des risques et sur le rôle du principe de précaution

61      En premier lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir considéré que, en tant que gestionnaire des risques, au sens de l’article 3 du règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires (JO 2002, L 31, p. 1), « elle n’[était] pas tenue de suivre, dans ses décisions réglementaires, les conclusions tirées de l’évaluation scientifique des risques » dès lors qu’elle pouvait prendre en compte d’autres facteurs légitimes et pouvait assortir ses décisions d’approbation de mesures d’atténuation des risques.

62      Tout d’abord, selon la requérante, il serait erroné d’appliquer en bloc au règlement no 1107/2009 l’économie et les principes du règlement no 178/2002. En effet, contrairement à ce dernier, le règlement no 1107/2009 serait fondé sur le principe de précaution, de sorte qu’il placerait systématiquement la préservation de ces intérêts au-dessus de la satisfaction des intérêts économiques. En outre, l’annexe II du règlement no 1107/2009 établirait un certain nombre de critères d’exclusion dont le non-respect interdit l’approbation de la substance active concernée, sans aucun pouvoir d’appréciation de la part de la Commission. Il en irait notamment ainsi des propriétés de perturbation endocrinienne, dont le risque a été soulevé par la requérante, ainsi que de plusieurs critères environnementaux. Plus généralement, sur le plan écotoxicologique, le point 3.8 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 ne permettrait à la Commission d’approuver une substance active que si « l’évaluation des risques démontre que ceux-ci sont acceptables », n’entraînant notamment qu’une « exposition négligeable des abeilles ».

63      Selon la requérante, il résulte de ces dispositions que la Commission n’est pas autorisée, au titre de la gestion des risques, à approuver des substances actives dont une évaluation scientifique indépendante démontre qu’elles ne sont pas conformes aux critères fixés à l’annexe II du règlement no 1107/2009. Il en irait également ainsi du caractère « acceptable » du risque, lequel peut parfois être déterminé au stade de l’évaluation, et non de la gestion de ce dernier. En effet, selon la Communication de la Commission sur le recours au principe de précaution, du 2 février 2000 [COM(2000) 1 final], cette opération de gestion des risques n’interviendrait qu’en présence d’une « évaluation scientifique du risque qui, en raison de l’insuffisance des données, de leur caractère non concluant ou encore de leur imprécision, ne permet pas de déterminer avec une certitude suffisante le risque en question ». En d’autres termes, lorsque le risque est établi avec suffisamment de certitude, la Commission ne pourrait pas passer outre les conclusions de l’évaluation scientifique en se fondant sur ses attributions de gestionnaire du risque. Ce serait le cas, notamment, lorsque l’EFSA indique la présence d’« un risque élevé » associé à la substance.

64      En outre, la requérante fait observer que, à supposer même que la Commission soit en mesure d’approuver, eu égard à d’autres intérêts, notamment de nature économique, une substance dont l’évaluation de l’EFSA démontre qu’elle ne satisfait pas aux critères de l’annexe II du règlement no 1107/2009, le règlement d’exécution 2021/2049 ne repose sur aucune motivation de ce type.

65      En second lieu, la requérante critique le constat de la Commission selon lequel un régime d’approbation assorti de « mesures strictes d’atténuation des risques », tel que le règlement d’exécution 2021/2049, peut être à la fois une application du principe de précaution et un moyen de respecter le principe de proportionnalité. D’une part, elle estime que l’invocation de tels principes ne peut avoir pour effet de rendre inopérantes les conditions d’approbation claires et précises fixées à l’article 4 et à l’annexe II du règlement no 1107/2009. Si l’évaluation scientifique conduit au constat qu’une substance ne remplit pas ces conditions, la Commission ne pourrait pas se substituer au législateur en approuvant néanmoins ladite substance pour des motifs politiques ou économiques. D’autre part, l’adoption de mesures d’atténuation des risques doit composer avec le principe d’effectivité. Or, ce principe serait mis à mal par des conditions à ce point strictes qu’elles en deviennent impraticables et risquent dès lors de ne pas être appliquées, respectées et contrôlées. Certaines conditions qui sous-tendent le règlement d’exécution 2021/2049, telles que des zones tampons de plus de cent mètres, seraient manifestement irréalistes. Du reste, aucune mesure spécifique ne serait imposée aux États membres, ce qui rendrait le respect de ces conditions encore davantage illusoire.

66      La Commission conteste ces arguments.

67      À titre liminaire, il convient d’observer que, contrairement à ce que fait valoir la Commission, la position de la requérante selon laquelle la Commission serait automatiquement privée de « tout pouvoir d’appréciation » en cas d’incertitudes sur la question de savoir si un des critères indiqués au point 3 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 est satisfait, présente un lien suffisamment étroit avec l’argument, soulevé par la requérante au point 16 de sa demande de réexamen interne, duquel il ressort que, « [e]n vertu des principes de précaution, de niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, et de l’article 4, [paragraphe] 1, du règlement [no 1107/2009], l’identification de ne serait-ce qu’un seul [domaine critique de préoccupation] devrait mener à un [non-renouvellement de l’approbation] de la substance, dans la mesure où la protection de la santé humaine ou de l’environnement ne peut être garantie ».

68      De même, en ce qui concerne l’argument fondé sur le point 3.8 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, il y a lieu de considérer que celui-ci présente un lien suffisamment étroit avec les arguments soulevés par la requérante dans sa demande de réexamen interne, de sorte qu’il doit être considéré comme étant recevable, en application de la jurisprudence mentionnée au point 46 ci-dessus.

69      Sur le fond, s’agissant du rôle de la Commission en tant que gestionnaire de risques et du rôle du principe de précaution, il convient tout d’abord de rappeler que les procédures d’autorisation et d’approbation mises en place par le règlement no 1107/2009 pour les PPP et leurs substances actives constituent une des expressions du principe de précaution (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 108 et jurisprudence citée).

70      Le principe de précaution constitue un principe général du droit de l’Union imposant aux autorités concernées de prendre, dans le cadre précis de l’exercice des compétences qui leur sont attribuées par la réglementation pertinente, des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement, en faisant prévaloir les exigences liées à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques. En effet, dans la mesure où les institutions de l’Union sont responsables, dans l’ensemble de leurs domaines de compétence, de la protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement, le principe de précaution peut être considéré comme un principe autonome découlant des dispositions du traité, en particulier de l’article 11, de l’article 168, paragraphe 1, de l’article 169, paragraphes 1 et 2, et de l’article 191, paragraphes 1 et 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 184 ; du 21 octobre 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T‑392/02, EU:T:2003:277, point 121, et du 11 juillet 2019, BP/FRA, T‑838/16, non publié, EU:T:2019:494, point 396).

71      Le principe de précaution implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques, notamment pour l’environnement, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué, en raison de la nature non concluante des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour l’environnement persiste dans l’hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives (voir arrêt du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 80 et jurisprudence citée).

72      Cela étant, il y a lieu de considérer que le principe de précaution ne justifie l’adoption de mesures restrictives qu’à la condition qu’elles soient non seulement non-discriminatoires et objectives, mais également proportionnées. Ainsi, le principe de précaution, tel que prévu à l’article 191, paragraphe 2, TFUE, s’adresse à l’action de l’Union et il ne peut être interprété en ce sens qu’une institution de l’Union est tenue, sur le seul fondement de ce principe, d’adopter une mesure précise, telle que le refus d’une autorisation. S’il est vrai que ce principe peut justifier l’adoption d’une mesure restrictive par une institution, il n’en reste pas moins qu’il ne l’impose pas en toutes circonstances (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, points 282 et 284).

73      Lorsque l’évaluation scientifique ne permet pas de déterminer l’existence du risque avec suffisamment de certitude, le recours ou l’absence de recours au principe de précaution dépend en règle générale du niveau de protection choisi par l’autorité compétente dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation. Ce choix doit cependant être conforme au principe de la prééminence de la protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement sur les intérêts économiques, ainsi qu’aux principes de proportionnalité et de non-discrimination (voir, en ce sens, arrêts du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 186, et du 21 octobre 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil, T‑392/02, EU:T:2003:277, point 125).

74      Au sein du processus aboutissant à l’adoption par une institution de mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l’environnement en vertu du principe de précaution, trois étapes successives peuvent être distinguées : premièrement, l’identification des effets potentiellement négatifs découlant d’un phénomène, deuxièmement, l’évaluation des risques pour la santé publique, la sécurité et l’environnement qui sont liés à ce phénomène et, troisièmement, lorsque les risques potentiels identifiés dépassent le seuil de ce qui est acceptable pour la société, la gestion du risque par l’adoption de mesures de protection appropriées (arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 111).

75      Premièrement, la requérante fait valoir, en substance, que, lorsqu’un risque est établi avec suffisamment de certitude par l’EFSA, la Commission ne pourrait pas passer outre les conclusions de l’évaluation scientifique en se fondant sur ses attributions de gestionnaire du risque.

76      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué ce qui suit :

« Lorsqu’elle adopte des règlements d’exécution concernant l’approbation ou le renouvellement de l’approbation d’une substance active en vertu du [règlement no 1107/2009], la Commission agit en qualité de gestionnaire des risques au sens de l’article 3 du règlement (CE) no 178/2002. Elle agit à la suite d’un processus d’évaluation des risques en deux étapes mené par un [EMR] et par l’EFSA, en étroite consultation avec les gestionnaires des risques des États membres représentés au sein du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux – section Produits phytopharmaceutiques – Législation.

La Commission tient donc à rappeler, en premier lieu, qu’en tant que gestionnaire des risques, elle n’est pas tenue de suivre, dans ses décisions réglementaires, les conclusions tirées de l’évaluation scientifique des risques, mais qu’elle s’en sert de base pour prendre des décisions en matière de gestion des risques en toute connaissance de cause [voir considérant 34 du règlement (CE) no 178/2002], en tenant compte de différents éléments. Parmi ces éléments figurent le projet de rapport d’évaluation du renouvellement élaboré par l’[EMR] et les conclusions de l’EFSA sur les résultats de l’examen par les pairs de ce projet d’évaluation du renouvellement, effectué sous sa direction. De fait, l’article 14, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement [d’exécution] (UE) no 844/2012 dispose que la Commission “tient compte” de ces résultats lorsqu’elle prend des décisions en matière de gestion des risques. En outre, la Commission peut demander à l’EFSA toute clarification qu’elle juge nécessaire pour prendre sa décision en matière de gestion des risques, conformément au règlement (CE) no 178/2002, en particulier lorsqu’elle estime qu’il est nécessaire de renforcer la certitude scientifique. Ces déclarations font également partie de l’évaluation des risques sur laquelle la Commission fonde sa décision.

Le rôle de la Commission en tant que gestionnaire des risques suppose que ses décisions peuvent impliquer un choix dans la sélection des options de prévention et de contrôle appropriées afin d’atténuer les risques recensés dans l’évaluation des risques. De fait, l’article 6 du [règlement no 1107/2009] dispose que l’approbation et le renouvellement des décisions d’approbation par la Commission peuvent être subordonnés à des conditions et restrictions telles que la “nécessité d’imposer des mesures d’atténuation des risques” [article 6, sous i)], afin de garantir le respect des critères d’approbation énoncés à l’article 4 et à l’annexe II du [règlement no 1107/2009]. 

La Commission tient à rappeler dans ce contexte que le critère d’approbation dans le domaine de l’environnement est l’absence d’effets “inacceptables” sur l’environnement [voir article 4, paragraphe 3, sous e), du règlement no 1107/2009], ce qui diffère du critère relatif à la santé humaine, à savoir “pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine [...] ou sur la santé animale” [voir article 4, paragraphe 3, point b), du règlement no 1107/2009]. »

77      Tout d’abord, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’évaluation des risques pour la santé publique, la sécurité et l’environnement consiste, pour l’institution qui doit faire face à des effets potentiellement négatifs découlant d’un phénomène, à apprécier de manière scientifique lesdits risques et à déterminer s’ils dépassent le niveau de risque jugé acceptable pour la société. Ainsi, afin que les institutions puissent procéder à une évaluation des risques, il leur importe, d’une part, de disposer d’une évaluation scientifique des risques et, d’autre part, de déterminer le niveau de risque jugé inacceptable pour la société (voir arrêt du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 65 et jurisprudence citée).

78      L’évaluation scientifique des risques est un processus scientifique qui consiste, autant que possible, à identifier un danger et à caractériser ledit danger, à évaluer l’exposition à ce danger et à caractériser le risque [voir arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 138 et jurisprudence citée].

79      En tant que processus scientifique, l’évaluation scientifique des risques doit être confiée par l’institution à des experts scientifiques (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 115 et jurisprudence citée).

80      L’évaluation scientifique des risques ne doit pas obligatoirement fournir aux institutions des preuves scientifiques concluantes de la réalité du risque et de la gravité des effets adverses potentiels en cas de réalisation de ce risque. En effet, le contexte de l’application du principe de précaution correspond par hypothèse à un contexte d’incertitude scientifique. En outre, l’adoption d’une mesure préventive ou, à l’inverse, son retrait ou son assouplissement ne sauraient être subordonnés à la preuve d’une absence de tout risque, car une telle preuve est, en général, impossible à fournir d’un point de vue scientifique dès lors qu’un niveau de risque zéro n’existe pas en pratique. Toutefois, une mesure préventive ne saurait valablement être motivée par une approche purement hypothétique du risque, fondée sur de simples suppositions scientifiquement non encore vérifiées (voir arrêt du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 69 et jurisprudence citée).

81      En effet, l’évaluation scientifique des risques doit se fonder sur les meilleures données scientifiques disponibles et doit être menée de manière indépendante, objective et transparente [voir arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 141 et jurisprudence citée].

82      En outre, une mesure préventive ne saurait être prise que si le risque, sans que son existence et sa portée aient été démontrées pleinement par des données scientifiques concluantes, apparaît néanmoins suffisamment documenté sur la base des données scientifiques disponibles au moment de la prise de cette mesure [arrêts du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 143 ; du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 120, et du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 73].

83      Ensuite, la détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société revient, moyennant le respect des normes applicables, aux institutions chargées du choix politique que constitue la fixation d’un niveau de protection approprié pour ladite société. C’est à ces institutions qu’il incombe de déterminer le seuil critique de probabilité des effets adverses pour la santé publique, la sécurité et l’environnement et le degré de ces effets potentiels qui ne leur semble plus acceptable pour cette société et qui, une fois dépassé, nécessite, dans l’intérêt de la protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement, le recours à des mesures préventives malgré l’incertitude scientifique subsistante (voir arrêt du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 75 et jurisprudence citée).

84      Lors de la détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société, les institutions sont tenues par leurs obligations d’assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement. Ce niveau élevé de protection ne doit pas nécessairement, pour être compatible avec l’article 114, paragraphe 3, TFUE, être techniquement le plus élevé possible. Par ailleurs, ces institutions ne peuvent adopter une approche purement hypothétique du risque et orienter leurs décisions à un niveau de « risque zéro » [arrêts du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 146, et du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 76].

85      La détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société dépend de l’appréciation portée par l’autorité publique compétente sur les circonstances particulières de chaque cas d’espèce. À cet égard, cette autorité peut tenir compte, notamment, de la gravité de l’impact d’une survenance de ce risque sur la santé publique, la sécurité et l’environnement, y compris l’étendue des effets adverses possibles, de la persistance, de la réversibilité ou des effets tardifs possibles de ces dégâts ainsi que de la perception plus ou moins concrète du risque sur la base de l’état des connaissances scientifiques disponibles [arrêts du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 147 ; du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 124, et du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 77].

86      Enfin, la gestion du risque correspond à l’ensemble des actions entreprises par une institution qui doit faire face à un risque afin de le ramener à un niveau jugé acceptable pour la société eu égard à son obligation, en vertu du principe de précaution, d’assurer un niveau élevé de protection de la santé publique, de la sécurité et de l’environnement [arrêts du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 148 ; du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 125, et du 17 mars 2021, FMC/Commission, T‑719/17, EU:T:2021:143, point 78].

87      Ces actions comprennent l’adoption de mesures provisoires qui doivent être proportionnées, non discriminatoires, transparentes et cohérentes par rapport à des mesures similaires déjà adoptées (voir arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 126 et jurisprudence citée).

88      Au regard de ce qui précède, la requérante ne saurait valablement soutenir que, dès lors que l’EFSA identifie certains domaines critiques de préoccupation, la Commission ne disposerait plus d’aucun pouvoir d’appréciation à cet égard.

89      En effet, si, en vertu de l’article 14, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement d’exécution (UE) no 844/2012 de la Commission, du 18 septembre 2012, établissant les dispositions nécessaires à la mise en œuvre de la procédure de renouvellement des substances actives, conformément au règlement no 1107/2009 (JO 2012, L 252, p. 26), la Commission doit « tenir compte » des conclusions de l’EFSA et du projet de rapport d’évaluation du renouvellement émis par l’EMR, lors de l’adoption d’un règlement relatif au renouvellement de l’approbation d’une substance active, en tant que gestionnaire des risques, elle n’est pas liée par les constats opérés par l’EFSA ou par l’EMR (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2023, Ascenza Agro et Industrias Afrasa/Commission, T‑77/20, EU:T:2023:602, points 246 et 247).

90      Une telle prise en compte ne peut en effet s’interpréter comme une obligation pour la Commission de suivre en tous points les conclusions de l’EFSA ou de l’EMR, même si ces conclusions sont le point de départ de l’évaluation et, partant, ont un poids important dans ladite évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 9 février 2022, Taminco et Arysta LifeScience Great Britain/Commission, T‑740/18, EU:T:2022:61, point 141).

91      Cependant, le large pouvoir d’appréciation de la Commission en tant que gestionnaire des risques demeure encadré par le nécessaire respect des dispositions du règlement no 1107/2009, en particulier son article 4, lu conjointement avec l’annexe II de ce règlement, ainsi que par le principe de précaution qui sous-tend l’ensemble des dispositions de ce règlement.

92      En particulier, lorsque l’évaluation des risques conduit à l’identification de plusieurs domaines critiques de préoccupation, au sens rappelé au point 8 ci-dessus, et à une recommandation de ne pas renouveler l’approbation de la substance active concernée, la Commission ne saurait, en principe, s’écarter des résultats d’une telle évaluation, sous peine de méconnaître le principe de précaution.

93      À cet égard, la Commission ne saurait renouveler l’approbation d’une substance active que s’il est démontré à suffisance que, nonobstant l’identification de domaines critiques de préoccupation, des mesures d’atténuation des risques permettent de conclure que les critères de l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1107/2009 sont respectés. Une telle démonstration ne saurait être considérée comme suffisante en l’absence de vérification scientifique du caractère approprié de telles mesures au regard des critères précités.

94      Ainsi, comme le fait valoir la Commission, et sous réserve du respect des principes énoncés aux points 89 à 93 ci-dessus, son rôle est précisément la détermination des risques qui sont acceptables pour la société, avec un seuil de tolérance plus élevé en ce qui concerne la protection de l’environnement qu’en ce qui concerne la santé humaine ou animale, et en prenant en considération des mesures de gestion pour mitiger des risques déterminés.

95      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cela ne signifie pas que, en renouvelant l’approbation de la substance active cyperméthrine, tout en imposant certaines mesures de gestion des risques, la Commission serait « passée outre » ou aurait ignoré les évaluations scientifiques de l’EFSA.

96      À cet égard, il convient de rappeler que, en l’espèce, l’évaluation des risques par l’EFSA dans ses conclusions a été précisée ultérieurement par sa déclaration de 2019, dans laquelle elle a confirmé la possibilité d’adopter des mesures de gestion des risques. Partant, le seul fait que l’EFSA ait identifié quatre domaines critiques de préoccupation dans ses conclusions ne permet pas de considérer que la Commission ne disposait plus d’aucune marge d’appréciation, en tant que gestionnaire des risques, sous réserve qu’elle assure que les critères indiqués à l’article 4 du règlement no 1107/2009 étaient satisfaits. En d’autres termes, il n’est pas exclu pour la Commission de vérifier, dans le respect du principe de précaution, si le risque aurait pu devenir acceptable en imposant certaines mesures.

97      En outre, c’est à tort que la requérante se réfère à de telles mesures de gestion des risques uniquement en présence d’un « manque de données ». En effet, l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1107/2009 se réfère à des « conditions réalistes d’utilisation » et permet donc aussi l’adoption des mesures en question pour des risques bien établis, et ce même lorsqu’un risque est établi sur la base d’un ensemble complet de données.

98      Le premier grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

99      Deuxièmement, la requérante fait valoir, en substance, que l’annexe II du règlement no 1107/2009 établit un certain nombre de critères d’exclusion dont le non-respect interdirait l’approbation de la substance active concernée, sans aucun pouvoir d’appréciation de la Commission. Tel serait le cas, en particulier, s’agissant des effets de perturbation endocrinienne prévus aux points 3.6.5 et 3.8.5 de l’annexe II dudit règlement.

100    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que les critères figurant aux points 3.6.2, 3.6.3 et 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 lesquels sont relatifs, respectivement, à la génotoxicité, à la carcinogénicité et aux effets perturbateurs endocriniens, sont libellés et doivent être interprétés de la même manière que celui qui est mentionné au point 3.6.4 de cette annexe, à savoir qu’une substance active « n’est approuvée que si » cette substance « n’est pas – ou ne doit pas être » – classée comme mutagène, cancérogène ou comme ayant des effets perturbateurs endocriniens. En ce sens, il s’agit de « critères d’exclusion », par opposition aux conditions de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1107/2009, pour lesquelles l’article 4, paragraphe 1, du même règlement dispose que, dès lors qu’il est prévisible qu’elles sont remplies, la substance en cause doit être approuvée (voir, en ce sens, arrêt du 4 octobre 2023, Ascenza Agro et Industrias Afrasa/Commission, T‑77/20, EU:T:2023:602, points 118 à 121).

101    Il suffit néanmoins de constater que, en l’espèce, il ne ressort pas de la décision attaquée, que le critère prévu au point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 ne constituerait pas un critère d’exclusion, au sens de la jurisprudence citée au point 100 ci-dessus. En outre, la cyperméthrine n’a, à aucun moment, été qualifiée par l’EFSA ou par l’EMR comme une substance active ayant des effets perturbateurs endocriniens, au sens du point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009. Par ailleurs, le respect du critère relatif aux effets de perturbation endocrinienne ne figurait pas parmi les « domaines critiques de préoccupation » identifiés par l’EFSA dans ses conclusions.

102    Le deuxième grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté comme inopérant.

103    Troisièmement, s’agissant des arguments de la requérante, tirés du nécessaire respect du principe d’effectivité, ainsi qu’il a été indiqué au point 91 ci-dessus, le large pouvoir d’appréciation de la Commission en tant que gestionnaire des risques demeure encadré par l’article 4 du règlement no 1107/2009, lu conjointement avec l’annexe II de ce règlement. À cet égard, il ressort de l’article 4, paragraphes 2 et 3, dudit règlement, que l’approbation d’une substance active ne saurait être accordée que s’il est démontré que les conditions d’approbation sont satisfaites, dans des conditions réalistes d’utilisation. Conformément au paragraphe 5 de ce même article, il doit être démontré qu’au moins une utilisation représentative d’au moins un PPP contenant cette substance satisfait auxdits critères, dans des conditions réalistes d’utilisation.

104    Aussi, la Commission, en tant que gestionnaire des risques, ne saurait considérer que les critères de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1107/2009 sont satisfaits lorsqu’une telle conclusion repose sur l’imposition de mesures d’atténuation des risques qui ne permettraient pas d’exclure les effets nocifs sur la santé humaine ou les effets inacceptables pour l’environnement, notamment parce que de telles mesures sont irréalistes. En d’autres termes, elle ne saurait identifier d’utilisation « sûre » sans s’assurer que les mesures d’atténuation des risques retenues à cet effet permettent effectivement, et non théoriquement, de ramener le risque identifié à un niveau acceptable.

105    Cela étant, dans la décision attaquée, la Commission n’a nullement fait valoir qu’elle serait en droit de prévoir des mesures d’atténuation des risques qui seraient irréalistes. Elle s’est, au contraire, fondée sur la déclaration de 2019 dans laquelle l’EFSA a elle-même constaté que les mesures d’atténuation des risques reprises à l’annexe I du règlement d’exécution 2021/2049, dont le respect doit être vérifié par les États membres dans le cadre des procédures d’autorisation des PPP contenant la substance active en cause, permettaient de conclure à un risque faible pour les organismes aquatiques, les arthropodes non ciblés et les abeilles. La Commission a par ailleurs considéré qu’il appartenait aux États membres, dans le cadre desdites procédures d’autorisation, de vérifier si de telles mesures étaient possibles dans la pratique. Partant, l’argument de la requérante doit être rejeté.

106    Quant à la référence aux considérations économiques ou politiques auxquelles la Commission aurait donné la priorité par l’adoption du règlement d’exécution 2021/2049, il s’agit d’un argument nouveau par rapport aux griefs soulevés dans la demande de réexamen et donc irrecevable dans le cadre du présent recours. En tout état de cause, un tel argument est trop vague et hypothétique pour pouvoir remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

107    Enfin, en affirmant, en substance, dans la décision attaquée, qu’elle pouvait recourir au principe de précaution dans l’application et la mise en œuvre du règlement no 1107/2009, tout en respectant le principe de proportionnalité, comme l’a confirmé la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2021:367, point 166), la Commission n’a commis aucune erreur de droit.

108    Dès lors, sans préjudice de la question de savoir si la Commission pouvait valablement considérer que la cyperméthrine remplissait les conditions d’approbation visées au point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, qui sera examinée ci-après, l’argumentation de la requérante doit être rejetée.

2.      Sur le rôle attribué aux États membres au titre du règlement no 1107/2009

109    La requérante estime que la Commission ne saurait valablement considérer que c’est aux États membres qu’il incombe, lors de la délivrance d’autorisations de mise sur le marché de produits contenant de la cyperméthrine, de « fixer des conditions appropriées, telles que des mesures d’atténuation des risques » et de procéder à l’évaluation comparative prévue à l’article 50 du règlement no 1107/2009, dès lors que la cyperméthrine a été classée comme substance dont on envisage la substitution.

110    Elle considère que la Commission ne peut pas se décharger de ses responsabilités sur les États membres. D’une part, la plupart des États membres n’auraient pas la capacité administrative de concevoir de telles mesures d’atténuation des risques et encore moins de veiller à leur respect en pratique. En se défaussant ainsi sur les États membres, la Commission méconnaitrait donc le principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE. D’autre part, le règlement no 1107/2009 prévoirait un principe de reconnaissance mutuelle qui permettrait au titulaire d’une autorisation dans un État membre de s’en prévaloir dans d’autres États. Ce mécanisme aurait pour conséquence de priver les États membres d’un véritable contrôle sur les produits utilisés sur leur territoire et serait susceptible de susciter une « course au moins-disant ». Eu égard à ce contexte, la position de la Commission compromettrait les deux objectifs du règlement no 1107/2009, à savoir l’harmonisation des règles en matière de produits phytosanitaires dans le marché intérieur et la réalisation d’un niveau élevé de protection de la santé et de l’environnement.

111    La Commission conteste ces arguments.

112    Dans l’annexe de la décision attaquée, la Commission a précisé ce qui suit, à titre de « remarques préliminaires », sous une section c) intitulée « Le rôle attribué aux États membres au titre du [règlement no 1107/2009] pour l’autorisation des PPP » :

« La Commission tient à rappeler que les législateurs ont décidé de distinguer le niveau d’action à l’échelle de l’Union en ce qui concerne l’approbation des substances actives, tout en laissant sous la responsabilité des États membres l’autorisation des produits contenant ces substances pour des utilisations en tant que pesticides (voir considérants 10 et 23 du [règlement no 1107/2009]). Aussi les États membres doivent-ils garantir la sécurité en fixant des conditions appropriées, telles que des mesures d’atténuation des risques, comprenant, sans s’y limiter, celles requises dans le cadre de l’approbation à l’échelle de l’[Union]. En outre, lorsqu’une substance est classée parmi les substances dont la substitution est envisagée, les États membres ne peuvent accorder d’autorisations que si les conditions énoncées à l’article 50 du [règlement no 1107/2009] sont remplies, c’est-à-dire après qu’une évaluation comparative a été réalisée.

Dans le cas de la cyperméthrine, la Commission a procédé avec soin, en examinant en détail les points de vue exprimés par les évaluateurs des risques sur le renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine. Elle a repris contact avec l’EFSA et avec l’[EMR]. Elle a renforcé encore sa décision en demandant à l’EFSA une déclaration supplémentaire sur l’efficacité des mesures potentielles d’atténuation des risques et en obligeant les États membres à imposer de telles mesures par l’intermédiaire de leurs autorisations (voir “conditions spécifiques” énoncées aux annexes I et II du règlement de la Commission), concernant entre autres les éléments ci-après :

–        Limitation de l’utilisation aux utilisateurs professionnels

–        Conditions spécifiques et mesurables de protection des organismes aquatiques et des arthropodes non ciblés, y compris les abeilles

–        Instructions spécifiques enjoignant les États membres, lorsqu’ils examinent une demande d’autorisation, à prêter une attention particulière à plusieurs aspects, dont la protection des organismes aquatiques et des arthropodes non ciblés, y compris les abeilles, l’évaluation des risques pour les consommateurs et la spécification technique de la substance active telle qu’elle est fabriquée

–        Prévision de mesures de suivi, le cas échéant. »

113    Or, ainsi que le fait valoir la Commission à juste titre, la requérante ne conteste pas le bien-fondé des arguments précités de l’annexe à la décision attaquée, mais se limite à relever, en substance, d’une part, que la Commission se soustrairait à ses obligations en se « défaussant » sur les États membres, et, d’autre part, que le principe de reconnaissance mutuelle des autorisations, consacré aux articles 40 et suivants du règlement no 1107/2009, serait contraire aux objectifs dudit règlement.

114    Or, s’agissant du premier argument, force est de constater que, en rappelant que, en vertu du règlement no 1107/2009, l’approbation de la substance active revient à la Commission, tandis que l’autorisation du produit revient aux États membres, la Commission n’a commis aucune erreur de droit. La requérante se limite d’ailleurs à faire état de problèmes de surcharge administrative dont les autorités nationales souffriraient, mais elle ne conteste pas l’argument selon lequel il incombe bien aux États membres, en vertu de l’article 50 du règlement no 1107/2009, d’effectuer une évaluation comparative avant d’accorder une autorisation relative à un PPP contenant une substance dont la substitution est envisagée.

115    Dans la réplique, la requérante affirme que l’article 50 du règlement no 1107/2009 n’empêchait en rien la Commission de fixer elle-même des mesures d’atténuation des risques dans le règlement d’exécution 2021/2049. Or, un tel argument est inopérant, dans la mesure où il ne remet pas en cause le constat effectué par la Commission dans la décision attaquée, selon lequel, sur la base du système du règlement no 1107/2009, il appartient aux États membres de fixer des conditions appropriées lors de l’autorisation des produits, qui peuvent aller au-delà des restrictions concernant la substance active imposées au niveau de l’Union. Les renvois effectués par la requérante à l’article 6 ainsi qu’à l’article 36, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, à les supposer recevables, ne permettent pas davantage de remettre en cause cette conclusion.

116    Quant au second argument, concernant la reconnaissance mutuelle, les éléments soulevés par la requérante sont également inopérants, dans la mesure où, s’agissant d’une substance dont on envisage la substitution, l’article 41, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1107/2009, exempte précisément une telle substance de l’application de la reconnaissance mutuelle obligatoire.

117    La requérante fait valoir néanmoins que, en vertu de cette disposition, les États membres sont autorisés à appliquer la procédure de reconnaissance mutuelle, ce qui, en pratique, mènerait à une course au moins-disant. Or, à supposer un tel phénomène avéré, en l’absence d’exception d’illégalité de l’article 41 du règlement no 1107/2009 soulevée par la requérante, un tel argument n’est pas non plus susceptible d’établir que la Commission aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d’appréciation en rappelant, dans la décision attaquée, le rôle des États membres au titre du règlement no 1107/2009.

118    Par conséquent, l’ensemble des arguments de la requérante portant sur les remarques préliminaires énoncées par la Commission dans l’annexe à la décision attaquée doivent être rejetés.

C.      Sur les griefs soulevés par la requérante à l’appui de sa demande de réexamen interne (seconde branche du moyen unique)

119    Dans le cadre de cette seconde branche, la requérante soulève plusieurs griefs, qu’elle avait également soulevés dans sa demande de réexamen interne, tirés, premièrement, de l’absence de prise en compte des domaines critiques de préoccupation exprimés par l’EFSA, deuxièmement, d’une méconnaissance des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien établis par le règlement (UE) 2018/605 de la Commission, du 19 avril 2018, modifiant l’annexe II du règlement no 1107/2009 en établissant des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien (JO 2018, L 101, p. 33), troisièmement, d’une non-prise en compte des autres manques de données identifiés par l’EFSA, quatrièmement, de ce que la Commission aurait abusivement demandé des données confirmatives au demandeur, cinquièmement, d’un manque de prise en compte des données scientifiques indépendantes, sixièmement, de l’application d’une approche obsolète de l’évaluation des risques sur les insectes ne permettant pas de démontrer des effets négatifs sur les arthropodes non ciblés et, septièmement, de l’absence d’examen de la toxicité chronique de la formulation représentative soumise par le demandeur.

1.      Sur le premier grief, tiré de l’absence de prise en compte des domaines critiques de préoccupation exprimés par l’EFSA

120    La requérante rappelle que l’EFSA avait identifié quatre domaines critiques de préoccupation au terme de son évaluation de la cyperméthrine (voir point 8 ci-dessus). Par ailleurs, l’EFSA aurait également identifié des « questions qui n’ont pas pu être finalisées ». Selon la requérante, les « questions qui n’ont pu être finalisées » caractérisent une situation d’incertitude où le manque d’information n’a pas permis de fournir une évaluation finale du risque posé par la substance, tandis que les « domaines critiques de préoccupation » désignent au contraire des situations où l’existence d’informations suffisantes a permis de lever toute incertitude et de conclure au constat que la substance active ne remplit pas les conditions du règlement no 1107/2009. Par conséquent, si les « questions qui n’ont pu être finalisées » aboutissent à donner à la Commission un pouvoir d’appréciation quant à la façon de gérer le risque en contexte d’incertitude et dans le respect du principe de précaution, les « domaines critiques de préoccupation » démontreraient, jusqu’à preuve du contraire, que les conditions prévues à l’article 4 et à l’annexe II du règlement no 1107/2009 ne sont pas satisfaites et, dès lors, que la substance ne peut pas être approuvée.

121    À cet égard, la requérante conteste la justification, avancée par la Commission dans la décision attaquée, selon laquelle les précédents qu’elle mentionne dans sa demande de réexamen interne concerneraient des refus de renouvellement de l’approbation à la suite de l’identification de domaines critiques de préoccupation pour la santé humaine et non pour l’environnement. En effet, s’il est vrai que le règlement no 1107/2009 établit des critères plus stricts pour la santé humaine que pour l’environnement, cette différence n’interviendrait qu’au stade de l’évaluation du risque. Si l’évaluation scientifique débouche sur l’identification de domaines critiques de préoccupation en matière environnementale, cela signifierait que des effets inacceptables ont été identifiés et que les conditions d’approbation de la substance ne sont pas remplies.

122    La Commission conteste cette argumentation.

123    Tout d’abord, il convient de rappeler que l’identification de domaines critiques de préoccupation par l’EFSA, comme en l’espèce, ne prive pas la Commission, en toutes circonstances, de son pouvoir d’appréciation en tant que gestionnaire des risques. Elle peut imposer certaines mesures de gestion des risques, pour les ramener à un niveau acceptable, dans le respect des principes énoncés aux points 89 à 93 et 104 ci-dessus.

124    Comme l’y invite la requérante dans sa demande de réexamen ainsi que dans le cadre du présent recours, il convient d’examiner, en revanche, si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les mesures d’atténuation des risques contenues à l’annexe I du règlement d’exécution 2021/2049 étaient suffisantes pour résoudre les problèmes identifiés par l’EFSA.

125    Ensuite, s’agissant des précédents invoqués par la requérante, qui concernent les substances actives chlorpyrifos et tricyclazole, comme le fait valoir la Commission, la requérante se borne à réitérer les arguments contenus dans sa demande de réexamen interne, sans contester les explications contenues dans la décision attaquée sur cette question.

126    Or, ainsi que la Commission l’a précisé dans la décision attaquée :

« [C]haque substance est évaluée, comme il se doit, en fonction de ses qualités intrinsèques. À cet égard, le cas du chlorpyrifos présente des particularités notables, telles que des risques graves pour la santé humaine et les nourrissons en particulier. De même, les préoccupations liées à la santé humaine ont été au cœur de la décision de non-renouvellement du tricyclazole. Dans les deux cas, aucune mesure d’atténuation des risques susceptible d’exclure les effets nocifs sur la santé humaine n’a pu être constatée, alors que, dans le cas présent, des mesures d’atténuation des risques appropriées ont été constatées. »

127    Enfin, pour les raisons déjà rappelées concernant le rôle de la Commission en tant que gestionnaire des risques (voir points 67 à 97 ci-dessus), la requérante ne saurait valablement soutenir que, lorsque des domaines critiques de préoccupation sont identifiés en matière environnementale, cela signifie automatiquement que la substance active concernée ne peut en aucun cas être approuvée. Au contraire, s’il est démontré que des mesures d’atténuation des risques réalistes peuvent permettre de ramener le risque à un niveau acceptable, la Commission est en droit de considérer que les critères de l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1107/2009 sont remplis.

128    La requérante conteste, par ailleurs, la pertinence des explications de la Commission selon lesquelles elle aurait pris en compte les différents domaines critiques de préoccupation identifiés par l’EFSA.

a)      Sur la représentativité des lots de pesticides utilisés

129    En ce qui concerne le domaine critique consistant dans « la représentativité des lots utilisés », la requérante estime que, dans la décision attaquée, la Commission a minimisé le problème tel qu’identifié par l’ESFA, qui aurait logiquement déduit que, en l’absence d’information concernant les impuretés, elle n’était pas en mesure d’exclure le potentiel génotoxique et écotoxique de la formulation représentative.

130    La requérante précise, dans la réplique, que l’EFSA ne serait pas en mesure de conclure à l’absence de potentiel génotoxique des impuretés autres que l’hexane qui, in  fine, seraient présentes dans les PPP à base de cyperméthrine.

131    En particulier, la requérante conteste plusieurs allégations précises formulées par la Commission dans la décision attaquée, en réponse à sa demande de réexamen interne.

132    Premièrement, la requérante ne voit pas en quoi la remarque selon laquelle il s’agirait d’un problème fréquent rendrait l’irrégularité moins sérieuse.

133    Dans la décision attaquée, la Commission s’est limitée à observer, à cet égard, que « [d]es différences dans l’identité du matériel technique utilisé pour les essais (éco)toxicologiques dans le cadre de la première approbation, d’une part, et l’analyse de cinq lots (ou des essais supplémentaires) dans le cadre de la procédure de renouvellement, d’autre part, se présentent fréquemment pour des substances qui sont sur le marché depuis de nombreuses années, voire des décennies ».

134    Comme le fait valoir la Commission, un tel constat, de nature purement contextuelle, ne saurait entacher la décision attaquée d’une illégalité. L’argument de la requérante doit donc être rejeté comme inopérant.

135    Deuxièmement, la requérante rappelle que, dans son projet de rapport d’évaluation sur le renouvellement, l’EMR avait affirmé avoir opéré un certain nombre de contrôles d’équivalence qui avaient permis de constater l’équivalence entre la formulation d’origine et la formulation représentative. La requérante ne comprend pas, toutefois, comment de tels contrôles d’équivalence auraient été possibles si les impuretés présentes dans la formulation d’origine n’étaient pas connues. De surcroît, le caractère vague et général de ces « contrôles » ne permettrait en aucun cas de se conformer aux prescriptions de l’article 4, paragraphe 5, combiné à l’article 29, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1107/2009, qui exige que « les impuretés et coformulants importants sur le plan toxicologique, écotoxicologique ou environnemental p[uiss]ent être déterminés à l’aide de méthodes appropriées ». Une telle méthodologie à ce point approximative rendrait par ailleurs impossible la mise en œuvre, par les autorités nationales, de l’article 29, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1107/2009, qui leur impose de connaître les impuretés des substances actives au moment de la délivrance des autorisations de mise sur le marché.

136    À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009 :

« Pour l’approbation d’une substance active, les dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 sont réputées respectées s’il a été établi que tel est le cas pour une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant cette substance active. »

137    En outre, selon l’article 29, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 :

« Sans préjudice de l’article 50, un produit phytopharmaceutique ne peut être autorisé que si, selon les principes uniformes visés au paragraphe 6, il satisfait aux exigences suivantes :

[…]

d) sa formulation technique est telle que l’exposition de l’utilisateur ou d’autres risques sont limités dans la mesure du possible sans compromettre le fonctionnement du produit ;

[…]

f) la nature et la quantité de ses substances actives, phytoprotecteurs et synergistes et, le cas échéant, les impuretés et coformulants importants sur le plan toxicologique, écotoxicologique ou environnemental peuvent être déterminés à l’aide de méthodes appropriées ;

[…] »

138    Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée que :

« Dans ce contexte [de différences dans l’identité du matériel technique utilisé dans le cadre de la première approbation, d’une part, et dans le cadre de la procédure de renouvellement, d’autre part], il convenait de décider si la spécification proposée par les demandeurs pour le renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine pouvait être considérée comme équivalente à la spécification de référence initiale. L’[EMR] a indiqué dans le projet de rapport d’évaluation du renouvellement qu’il avait effectué un certain nombre de contrôles d’équivalence qui avaient permis de constater l’équivalence. En outre, la stabilité des procédés de production dans le temps a été confirmée. Cela a permis à la Commission, en tant que gestionnaire des risques, d’être certaine que les spécifications des matériels techniques fabriqués par les demandeurs sont équivalentes à la spécification de référence initiale. »

139    Or, comme le fait valoir la Commission, ces dispositions traduisent le choix du législateur de donner du poids, à diverses occasions, à une évaluation indépendante et objective par des experts des États membres.

140    La requérante observe, cependant, que le règlement no 1107/2009 confie à l’EFSA le soin de revoir – et éventuellement compléter et corriger – et de conclure cette évaluation. Aucune disposition du règlement no 1107/2009 ne prévoirait la possibilité pour l’EMR d’intervenir après les conclusions de l’EFSA pour écarter, sur la base d’affirmations invérifiables, des domaines critiques de préoccupation soulevés par cette dernière.

141    Force est de constater, toutefois, que la requérante n’indique pas précisément quelle disposition du règlement no 1107/2009 ou quelle autre disposition ou principe général du droit de l’Union aurait été violé par la Commission en l’espèce.

142    En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission n’a pas considéré, dans la décision attaquée, que l’EMR avait la possibilité d’intervenir après les conclusions de l’EFSA « pour écarter, sur la base d’affirmations invérifiables, des domaines critiques présentés par cette dernière ». En l’espèce, comme l’a confirmé la Commission en réponse à une question écrite du Tribunal, l’EMR a clarifié sa propre évaluation dans le projet de rapport d’évaluation sur le renouvellement, qui était antérieur aux conclusions de l’EFSA et à la déclaration de 2019.

143    Il ressort, ainsi, du courrier électronique adressé par l’EMR à la Commission le 2 octobre 2019, dont le contenu ressort explicitement de la décision attaquée :

« L’EMR est d’accord avec le manque de données, mais ne considère pas que la question est essentielle en ce qui concerne le renouvellement de la cyperméthrine. Pour les deux sources, l’EMR a considéré, compte tenu de l’évaluation globale des impuretés (considérations QSAR, études soumises, représentativité présumée des anciennes et nouvelles études sur la (éco)toxicité en ce qui concerne l’ancienne et la spécification actuelle,...) que l’ensemble des études couvrait bien les dangers du [matériel technique utilisé] pour lequel l’autorisation est demandée, et considère par conséquent que le manque de données peut être comblé soit au niveau zonal/national, soit à l’occasion du prochain renouvellement. »

144    En tout état de cause, la requérante n’identifie aucune disposition qui empêcherait la Commission de demander des contributions à l’EMR et aux autres États membres après que les conclusions de l’EFSA sont disponibles, notamment dans le cadre des discussions au sein du comité permanent.

145    La requérante considère, par ailleurs, que la remarque de la Commission, dans son mémoire en défense, selon laquelle « il y avait suffisamment de preuves disponibles » et que « ce n’était qu’un élément parmi d’autres utilisés pour atteindre une certitude suffisante sur cet aspect », serait trop vague pour être pertinente.

146    Il convient toutefois de rappeler que, selon la jurisprudence, il appartient au demandeur de réexamen interne d’un acte administratif au titre du droit de l’environnement d’indiquer les éléments de fait ou les arguments de droit substantiels susceptibles de fonder des doutes plausibles, à savoir substantiels, quant à l’appréciation portée par l’institution ou l’organe de l’Union dans l’acte visé (arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 69).

147    Or, la Commission a répondu de manière détaillée aux arguments de la requérante dans la décision attaquée. La requérante ne saurait, dès lors, remettre en cause le bien-fondé de cette appréciation au moyen d’arguments vagues et spéculatifs, tels que le fait qu’elle « ne comprend pas comment de tels contrôles d’équivalence auraient été possibles si les impuretés présentes dans la formulation d’origine n’étaient pas connues ».

148    En effet, il ressort de la décision attaquée, en particulier de la référence au contenu du courriel visé au point 143 ci-dessus, que les contrôles d’équivalence ont été effectués par rapport aux spécifications de référence des matériaux techniques définies lors de la première approbation. Il ressort également de ladite décision que l’« [EMR] a souscrit à la constatation, par l’EFSA, d’un manque de données, mais n’a pas estimé, eu égard à l’ensemble de preuves disponible, que ledit manque de données empêchait le renouvellement », et que, « [d]e manière générale, il a été démontré que le nouveau matériel présentait une plus grande pureté, ce qui indique en soi des niveaux d’impuretés plus faibles par rapport à la situation précédente ».

149    La requérante n’ayant pas démontré que ces constatations seraient entachées d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation, cet argument doit également être rejeté.

150    En outre, ainsi que le rappelle la Commission, une évaluation des risques a été faite, qui a servi de base aux considérations et à la prise de décision des gestionnaires de risques. Les allégations de la requérante relatives à une « approche laxiste », ou une « confiance aveugle » dans les affirmations d’un État membre doivent dès lors être rejetées.

151    Troisièmement, la requérante conteste que « la stabilité des procédés de production dans le temps a[it] été confirmée », ce qui aurait permis à la Commission d’être « certaine » de l’équivalence entre les formulations. Sans autres informations disponibles, la requérante suppose que cette confirmation vient du demandeur du renouvellement de l’approbation, ce qu’elle juge manifestement contraire à l’exigence d’un examen diligent et impartial.

152    La Commission précise, à cet égard, que, en vertu des règles sur la charge de la preuve, à savoir, notamment, les articles 14 et 15 du règlement no 1107/2009, toutes les informations proviennent en principe des producteurs, mais sont soumises au contrôle des évaluateurs des risques. Si ces aspects sont vérifiés et conduisent à une évaluation globalement positive y compris après des clarifications, ils ne feraient pas obstacle à une décision positive de gestion des risques, lorsque le gestionnaire des risques conclut que le risque est acceptable et suffisamment contenu par des mesures d’atténuation des risques.

153    La requérante estime néanmoins que la Commission n’a apporté aucune réponse à son argumentation et qu’elle n’apporte aucune précision quant à l’auteur de cette confirmation de la stabilité des procédés de production.

154    Il convient de relever, au contraire, que, ainsi que la Commission l’a précisé, en raison de la nature de la procédure, si, en principe, toutes les informations sont soumises par le demandeur, elles font l’objet d’une évaluation approfondie et impartiale et l’EMR doit vérifier les informations et procéder à l’évaluation. Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée (voir point 138 ci-dessus), l’EMR a indiqué dans le projet de rapport d’évaluation du renouvellement qu’il avait effectué un certain nombre de contrôles d’équivalence qui avaient permis de constater l’équivalence entre le matériel technique utilisé lors de la première approbation et celui utilisé lors de la procédure de renouvellement.

155    Cet argument doit, dès lors, être rejeté.

156    Quatrièmement, la requérante ne voit pas en quoi le fait que deux études critiques comprenant des essais de neurotoxicité et de toxicité pour le développement et la reproduction ont porté sur des formulations représentatives actuelles répondrait à la préoccupation de l’EFSA.

157    À cet égard, la Commission a rappelé, dans la décision attaquée, que, selon l’EFSA, la génotoxicité de la cyperméthrine était à considérer comme étant peu probable et que le matériel nouveau utilisé pour les tests n’avait pas plus d’effets indésirables par rapport au matériel utilisé lors de la première décision d’approbation.

158    Cet argument de la requérante, à défaut d’être davantage étayé, doit, dès lors, être rejeté.

159    Cinquièmement, la requérante rappelle que l’EMR a estimé que les études disponibles couvraient les dangers de la molécule active de qualité technique et que « le manque de données p[ouvai]t être comblé soit au niveau zonal/national, soit à l’occasion du prochain renouvellement ». Or, elle estime qu’une telle approche laxiste est contraire au prescrit de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009, qui exige qu’une substance ne soit approuvée que si une formulation représentative, y compris donc avec les impuretés qu’elle contient, est jugée conforme aux exigences de l’article 4 dudit règlement.

160    À cet égard, il suffit de rappeler que le règlement d’exécution 2021/2049 ne se fonde pas uniquement sur l’évaluation menée par l’EMR, mais aussi sur les conclusions de l’EFSA et la déclaration de 2019. Or, comme indiqué dans les conclusions de l’EFSA, « la cyperméthrine peut être considérée comme peu susceptible d’être génotoxique sur la base des études disponibles ». Ainsi, une évaluation des risques a été réalisée, qui a servi de base aux considérations des gestionnaires des risques et à la prise de décision.

161    Sixièmement, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle « [i]l a été démontré que le nouveau matériel présentait une plus grande pureté », la requérante fait valoir que la décision attaquée ne dit rien de l’auteur de cette démonstration ni des moyens utilisés pour l’accomplir. Du reste, à la supposer exacte, cette démonstration ne préjugerait pas du type d’impuretés présentes. Or, la nature de l’impureté importerait au moins autant que sa quantité pour l’évaluation du potentiel génotoxique.

162    À cet égard, il ressort clairement de la décision attaquée qu’« il a été démontré que le nouveau matériel présentait une plus grande pureté, ce qui implique en soi des niveaux d’impuretés plus faibles par rapport à la situation précédente ». Si l’auteur de cette démonstration n’est pas spécifié, il ressort de la décision attaquée que la Commission s’est fondée, à cet égard, sur les conclusions de l’EFSA ainsi que sur le projet de rapport d’évaluation de l’EMR. Comme le précise la Commission, dans le cadre de toute évaluation d’une substance active, des analyses des lots de matière manufacturée sont réalisées. Les résultats de ces analyses figurent dans le projet de rapport d’évaluation, qui est confidentiel. Il est constant, cependant, que, dans la décision attaquée, la Commission a augmenté le niveau de pureté minimale de la cyperméthrine à 920 grammes par kilo (g/kg). Il ressort, par ailleurs, de la décision attaquée que l’EFSA a « confirmé, sur la base des informations données par les demandeurs, qu’aucune autre impureté que l’hexane ne serait considérée comme pertinente d’un point de vue toxicologique ».

163    La requérante fait valoir néanmoins que, contrairement à ce qu’avance la Commission dans la décision attaquée, les conclusions de l’EFSA ne contiennent aucune affirmation selon laquelle aucune autre impureté que l’hexane ne serait considérée comme pertinente d’un point de vue toxicologique.

164    À cet égard, s’il est vrai qu’il n’y a aucune phrase spécifique dans les conclusions de l’EFSA sur le sujet évoqué par la requérante, comme l’explique la Commission, ces informations ont été rassemblées sur la base des contacts avec l’EFSA et l’EMR au cours du processus de gestion des risques, à savoir après les conclusions de l’EFSA, en vue d’obtenir une assurance supplémentaire (voir points 142 et 143 ci-dessus).

165    Quant à l’argument selon lequel la nature des impuretés ne serait pas spécifiée, il suffit de constater qu’une telle précision n’était pas nécessaire, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée « à l’exception de l’hexane, aucune impureté ne serait considérée comme pertinente du point de vue toxicologique ».

166    Ces arguments doivent, dès lors, également être rejetés.

167    En outre, selon la requérante, l’allégation selon laquelle « l’EFSA [aurait] déclaré que la cyperméthrine pouvait être considérée comme étant peu susceptible d’être génotoxique » ne reflèterait pas correctement la position de l’EFSA et elle serait sans lien avec la préoccupation soulevée par cette dernière quant au potentiel génotoxique des impuretés et non de la cyperméthrine.

168    Par ailleurs, la requérante ne voit pas en quoi la mesure selon laquelle « [l]a Commission a augmenté le niveau minimal de cyperméthrine à 920 g/kg (contre 900 [grammes] auparavant) et a fixé une teneur maximale de 5 g/kg pour l’hexane » rencontrerait la préoccupation de l’EFSA. Elle en déduit que la Commission a approuvé une substance active dont 7,5 % (75 g/kg) sont susceptibles de contenir des impuretés non identifiées et dont le potentiel génotoxique n’a pas pu être évalué.

169    À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que l’EFSA n’a pas considéré, dans ses conclusions, que le potentiel génotoxique des impuretés constituait un domaine critique de préoccupation, mais bien qu’il existait un manque de données concernant les impuretés individuelles.

170    Ensuite, comme la Commission l’a expliqué à la page 5 de la décision attaquée, une évaluation de la génotoxicité de la substance active fabriquée est effectuée, en ce sens que le matériau constitué par la substance active et les impuretés est testé. En outre, un examen du danger de chaque impureté contenue dans le matériel technique est entrepris pour déterminer la pertinence toxicologique, compte tenu de la nécessité de fixer des limites spécifiques dans le matériau.

171    Enfin, s’agissant des appréciations de l’EFSA reprises par la requérante, il ressort textuellement des conclusions de l’EFSA qu’« il est peu probable que la cyperméthrine puisse être considérée comme étant génotoxique sur la base des données disponibles ».  Il ressort également desdites conclusions que, « en ce qui concerne la spécification technique nouvellement proposée, l’hexane est une impureté pertinente », et que « [des analyses] ont été faites pour les autres impuretés mais ne sont pas suffisantes pour exclure à tout le moins un potentiel génotoxique (manque de données) ».

172    Partant, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission n’a pas dénaturé les conclusions de l’EFSA ni commis d’erreur manifeste d’appréciation, en constatant, dans la décision attaquée, qu’il était peu probable que la substance soit génotoxique sur la base des études et des lignes directrices disponibles et que, sur la base des informations fournies par le demandeur, aucune autre impureté que l’hexane n’était considérée comme pertinente. S’il est vrai que l’EFSA a également constaté un manque de données en ce qui concerne le potentiel génotoxique des autres impuretés, ce manque de données a précisément fait l’objet d’une assurance supplémentaire de la part de l’EMR lors du processus de renouvellement (voir les points 142 et 143 ci-dessus).

173    Il en découle que les arguments de la requérante figurant aux points 167 et 168 ci-dessus doivent également être rejetés.

174    Par ailleurs, la requérante conteste l’allégation selon laquelle « [r]efuser le renouvellement de l’approbation sur cette base aurait été disproportionné ». En effet, elle rappelle qu’il n’appartient pas à la Commission de refuser d’appliquer les exigences claires de l’article 4 du règlement no 1107/2009 au motif, de surcroît discutable, que cela entraînerait des conséquences disproportionnées pour les demandeurs du renouvellement. En outre, cette motivation n’apparaîtrait nulle part dans la décision attaquée. La requérante conteste que la Commission puisse, sous couvert d’une appréciation globale des risques, ignorer les prescriptions claires de l’article 4, paragraphe 5, combiné à l’article 29, paragraphe 1, sous f), du règlement no 1107/2009, qui exige que « les impuretés et coformulants importants sur le plan toxicologique, écotoxicologique ou environnemental p[uiss]ent être déterminés à l’aide de méthodes appropriées ».

175    Tout d’abord, en ce qui concerne le rôle du principe de proportionnalité, cette question relève du rôle de gestionnaire des risques de la Commission, qui a été examinée aux points 69 à 73 ci-dessus. En outre, étant donné que cet aspect a été examiné par la Commission dans ses remarques préliminaires, c’est à tort que la requérante considère qu’il aurait dû faire l’objet d’une motivation plus détaillée dans la décision attaquée.

176    Ensuite, comme le fait valoir la Commission, celle-ci a expliqué dans la décision attaquée pourquoi le sujet de préoccupation critique identifié par l’EFSA concernant la représentativité des lots utilisés n’empêchait pas le renouvellement, au vu notamment des assurances fournies par l’EMR, ce qui, par conséquent, concernait aussi le profil d’impureté. En outre, la requérante n’établit pas que l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009 n’aurait pas été respecté, étant donné que l’hexane a été identifiée comme étant la seule « impureté pertinente » du point de vue toxicologique. La requérante ne démontre pas non plus que les méthodes utilisées auraient été manifestement inappropriées.

177    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel « vu la pratique de la Commission, il aurait été parfaitement possible, pour l’EMR, de demander des études de génotoxicité supplémentaires tout en utilisant la possibilité, prévue à l’article 17 du règlement no 1107/2009, de prolonger la période d’approbation de la substance active pour une durée strictement nécessaire à la conduite et à l’analyse de ces études », il convient de rappeler que, selon la jurisprudence (voir point 54 ci-dessus), il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle de la Commission, et encore moins à celle de l’EMR. Ainsi, à supposer que la Commission aurait pu adopter une décision différente, cela ne suffit pas pour établir l’illégalité de la décision attaquée.

178    Par conséquent, ces arguments doivent également être rejetés.

179    La requérante conteste encore l’affirmation de la Commission, dans la décision attaquée, selon laquelle le fait de « demander des essais supplémentaires aurait été contraire à l’obligation d’éviter toute étude inutile comprenant des essais sur les vertébrés ». La requérante observe que, loin d’être inutiles, de telles études sont même exigées par le point 4.3 de l’introduction de l’annexe du règlement (UE) no 283/2013 de la Commission, du 1er mars 2013, établissant les exigences en matière de données applicables aux substances actives, conformément au règlement [no 1107/2009] (JO 2013, L 93, p. 1).

180    Il convient de relever que, ainsi que l’observe la Commission, la référence aux exigences en matière de données prévues par le règlement no 283/2013 n’est pas pertinente, car elle relève de la vérification effectuée par l’EMR au stade du contrôle de recevabilité d’une demande de renouvellement, ce que la requérante ne conteste pas.

181    Selon la requérante, cependant, l’absence de ces données, quelle qu’en soit l’origine, ferait naître des doutes plausibles sur la légalité du règlement d’exécution 2021/2049, de sorte que la Commission aurait dû demander des informations supplémentaires.

182    La Commission a toutefois expliqué, dans la décision attaquée, que le fait de demander des études complémentaires aurait été contraire à l’obligation d’éviter des études inutiles, y compris des essais sur des animaux vertébrés, et serait disproportionné compte tenu de la période relativement courte d’approbation de la cyperméthrine en tant que substance dont on envisage la substitution et des conditions plus strictes qui en découlent pour les autorisations par les États membres.

183    Or, même s’il n’est pas exclu que la Commission aurait pu demander des études complémentaires, la requérante n’a pas démontré que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation ou une erreur de droit en concluant que de telles études n’étaient pas nécessaires en l’espèce.

184    Cet argument doit, dès lors, être rejeté également.

185    En outre, la requérante conteste l’allégation selon laquelle « [é]tant classée candidate pour la substitution, la période d’approbation de la cyperméthrine est de toute façon assez courte et les autorisations ne seront délivrées par les États membres qu’au terme d’une évaluation comparée ». En effet, la Commission ne serait pas autorisée à « atténuer » les effets du règlement no 1107/2009 au regard de ce type de considérations pratiques. Du reste, la période d’approbation serait tout de même de sept ans et serait probablement prolongée au-delà de cette date, dans la ligne d’une pratique désormais constante de la Commission.

186    Force est de constater, à nouveau, que la requérante n’explique pas, dans son argumentation, en quoi cette appréciation de la Commission serait entachée d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation, au sens de la jurisprudence (voir point 54 ci-dessus). En outre, elle n’avance aucun argument susceptible de fonder des doutes plausibles quant au fait que la Commission ait respecté les dispositions du règlement no 1107/2009.

187    En tout état de cause, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que cet argument procède d’une confusion. En effet, le domaine critique de préoccupation pour les lots concerne la représentativité du matériel technique au niveau de la substance et non la formulation représentative en tant que produit.

188    Par conséquent, l’ensemble des arguments de la requérante visant à remettre en cause l’analyse de la Commission, dans la décision attaquée, concernant la prise en compte du domaine critique de préoccupation identifié par l’EFSA relatif à la représentativité des lots utilisés, doivent être rejetés.

b)      Sur le haut risque pour les organismes aquatiques

189    En ce qui concerne le domaine de préoccupation relatif au « haut risque pour les organismes aquatiques », la requérante estime que la Commission n’a pas répondu à ses deux arguments, présentés dans sa demande de réexamen interne, afin de soutenir que le seuil maximal de concentration de substance active dans les masses d’eau, fixé à 0,0038 microgramme par litre (μg/l) dans la règlement d’exécution 2021/2049, ne permettait pas de respecter les conditions de l’article 4 du règlement no 1107/2009.

1)      Sur l’absence d’interdiction des produits contenant la cyperméthrine pour une utilisation en automne

190    Selon la requérante, le règlement d’exécution 2021/2049 n’exclurait pas le recours à des produits contenant de la cyperméthrine pendant l’automne, contrairement à ce que préconise l’EFSA. Or, la cyperméthrine serait actuellement massivement utilisée sur des cultures automnales ou hivernales, telles que l’orge, le froment, le seigle, l’avoine ou le colza. À cet égard, la Commission aurait répondu, dans la décision attaquée, en renvoyant au rapport final sur le renouvellement de la substance active cyperméthrine (ci-après le « rapport final »), que les États membres devront évaluer si une telle utilisation satisfait aux exigences de l’article 29, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009. Le rapport final préciserait encore que « les pulvérisations en automne nécessiteraient une attention particulière ».

191    La requérante ne voit pas en quoi ces éléments permettent de neutraliser son objection. La Commission confirmerait que les utilisations en automne ne sont pas interdites par le règlement d’exécution 2021/2049 et, par ailleurs, que de telles utilisations ne sont soumises à aucune valeur de présence dans les eaux de surface. Tout au plus observe-t-elle que le rapport final demande aux États membres d’accorder une « attention particulière » aux pulvérisations en automne. Or, en l’absence de preuve d’utilisation sûre de la cyperméthrine en automne, la Commission aurait dû interdire cette dernière. À nouveau, la Commission aurait préféré se décharger de ses obligations sur les États membres. Or, il serait évident que, si au terme de plusieurs années de travaux, l’EFSA n’est pas parvenue à dégager une utilisation sûre de la cyperméthrine en automne, les États membres n’y parviendront pas davantage. En ouvrant ainsi la porte à des abus, la Commission n’aurait pas respecté ses obligations aux termes de l’article 4 du règlement no 1107/2009 et, plus généralement, au regard des principes de précaution et de niveau élevé de protection de l’environnement.

192    La Commission conteste ces arguments.

193    À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que les conclusions de l’EFSA ont été complétées par une déclaration de 2019, dans laquelle elle a examiné les différentes options de réduction de l’exposition et explicité la mesure dans laquelle un faible risque pour les organismes aquatiques, les arthropodes non ciblés et les abeilles a pu être démontré. S’agissant des organismes aquatiques, l’EFSA a ainsi considéré qu’un tel risque pouvait être considéré comme faible lorsque l’exposition dans les plans d’eau hors champ était réduite à des niveaux ne dépassant pas 0,0038 μg/l dans le cas des applications au printemps.

194    En ce sens, le règlement d’exécution 2021/2049 prévoit que des mesures d’atténuation des risques sont requises pour réduire la dérive de manière à ce que l’exposition à la substance active soit inférieure ou égale à 5,8 milligrammes par hectare (mg/ha) dans les zones non cultivées et, dans le cas des applications au printemps, que la concentration en substance active dans les masses d’eau soit de plus inférieure ou égale à 0,0038 μg/l.

195    Ensuite, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué ce qui suit, en réponse aux arguments de la requérante, concernant, notamment, la possibilité d’utiliser les pesticides contenant de la cyperméthrine en automne, malgré la constatation par l’EFSA selon laquelle les études « mésocosme » ne couvent pas cette saison :

« La fixation de la limite de concentration reposait sur les données disponibles pour les applications au printemps (comme mentionné explicitement dans les conditions d’approbation), mais la Commission n’a pas ignoré les scénarios pour les applications pendant les autres saisons. En raison du manque d’informations sur les applications au cours des autres saisons, le rapport de renouvellement, accessible au public dans la base de données de l’Union sur les pesticides, auquel les annexes I et II du règlement [d’exécution 2021/2049] font référence dans la colonne “Dispositions spécifiques”, indique explicitement à la page 3 :

“En outre, ces conclusions ont été tirées dans le cadre des utilisations qui ont été proposées et soutenues par le demandeur et mentionnées dans la liste des utilisations étayées par les données disponibles (jointe en annexe II du présent rapport de renouvellement). Toutes les utilisations initialement proposées ne sont pas incluses dans l’annexe II parce que les données produites n’étaient pas suffisantes pour conclure à une utilisation acceptable (applications par pulvérisation en automne et utilisations lorsque les cultures sont en floraison) ;”

et à la page 6 :

“L’extension des modes d’utilisation nécessitera une évaluation au niveau des États membres afin d’établir si les extensions d’utilisation proposées peuvent satisfaire aux exigences de l’article 29, paragraphe 1, du règlement [no 1107/2009] et des principes uniformes établis dans le règlement (UE) no 546/2011. Les applications par pulvérisation en automne nécessiteraient une attention particulière.”

En conséquence, avant d’autoriser les utilisations en automne, les États membres devront exiger toutes les données nécessaires pour garantir que ces utilisations ne présentent pas de risques inacceptables pour l’environnement, y compris les données qui ont été jugées manquantes par l’EFSA dans ses conclusions de 2018. »

196    Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante à cet égard, l’EFSA n’a pas « imposé » de limiter les utilisations en automne, mais a constaté un manque de données concernant ce type d’utilisation en ce qui concerne les organismes aquatiques et les arthropodes non ciblés. Dès lors, en l’absence d’éléments scientifiques concernant l’utilisation de la cyperméthrine en automne, il est inexact d’affirmer que la Commission aurait dû interdire cette dernière. En effet, comme le fait valoir la Commission, il n’existait pas de données permettant d’appuyer une éventuelle décision d’interdire une telle utilisation.

197    Comme le souligne la requérante elle-même, la Commission a inclus cet élément dans le rapport final parmi ceux devant faire l’objet d’une attention particulière. Ledit rapport final, qui est public, a été présenté conjointement avec le projet de règlement de renouvellement, conformément à l’article 14 du règlement d’exécution no 844/2012.

198    D’une part, l’annexe II du rapport final fait uniquement référence à une utilisation au printemps et en été, excluant donc toute utilisation en automne ou en hiver. D’autre part, à la page 6 dudit rapport, il est indiqué qu’un profil d’utilisation au-delà de ce qui est décrit à l’annexe II nécessiterait une évaluation au niveau des États membres. Dans ce contexte, il est indiqué que les pulvérisations en automne devraient faire l’objet d’une attention particulière. Le rapport final est également mentionné aux annexes I et II du règlement d’exécution 2021/2049.

199    Or, il convient de constater que, en procédant de la sorte, il n’apparaît pas que la Commission aurait commis une erreur de droit ou qu’elle aurait manifestement méconnu la marge d’appréciation dont elle disposait en tant que gestionnaire des risques.

200    Par ailleurs, contrairement à ce que semble suggérer la requérante, les États membres ne sauraient approuver l’utilisation de la cyperméthrine en dehors des conditions d’utilisation qui sont prévues par le règlement d’exécution 2021/2049. À supposer que les États membres agissent en violation de leurs obligations, des recours pourraient être introduits devant les juridictions nationales contre les décisions d’autorisation des PPP contenant de la cyperméthrine adoptées par les autorités compétentes, ce que la requérante a confirmé lors de l’audience. Dès lors, les allégations de la requérante concernant le comportement prétendument abusif des États membres dans leur domaine de compétence sont purement spéculatives et doivent nécessairement être rejetées dans le cadre du présent recours.

201    Enfin, dans la réplique, la requérante soutient, à titre contextuel, que l’absence d’indication des noms des personnes ayant contribué à la déclaration de 2019 de l’EFSA est problématique dans la mesure où cette déclaration diverge significativement de la position défendue par l’EFSA dans ses conclusions. Dès lors, il serait important de savoir si la déclaration de 2019 émane de personnes qui se trouvent dans une situation de dépendance professionnelle directe par rapport aux États membres.

202    À cet égard, comme le soutient la Commission, un tel argument doit être rejeté comme irrecevable en tant que nouveau, conformément aux principes rappelés aux points 38 à 47 ci-dessus.

203    Partant, le premier argument de la requérante doit être rejeté.

2)      Sur le recours à la méthodologie « ORE »

204    La requérante fait valoir que la fixation d’une valeur de concentration sur la base d’une méthodologie d’évaluation du potentiel de récupération des organismes, à savoir la méthodologie basée sur l’« option de rétablissement écologique » (ci-après l’« ORE »), serait problématique, car elle reposerait sur le présupposé selon lequel l’écosystème ne sera exposé qu’une seule fois à un seul pesticide, après quoi l’écosystème est supposé avoir la possibilité de récupérer. Or, en pratique, l’agriculture conventionnelle recourrait plusieurs fois par an à plusieurs pulvérisations. Le règlement d’exécution 2021/2049 aurait dû, dès lors, retenir une concentration de 0,0017 μg/l. Dans la décision attaquée, la Commission aurait estimé que cette méthodologie ORE était acceptée par l’EFSA dans son guide intitulé « Guidance on tiered risk assessment for plant protection products for aquatic organisms in edge-of-field surface waters » (Orientation sur l’évaluation des risques par niveaux pour les produits phytopharmaceutiques destinés aux organismes aquatiques dans les eaux de surface en bordure de champ)  (ci-après le « guide de l’EFSA »).

205    La requérante estime que cette présentation n’est pas correcte. Tant le guide de l’EFSA que le seul article scientifique consacré par l’EFSA à l’ORE feraient état des nombreuses limites de cette technique. Le problème, reconnu tant par l’EFSA que par la littérature scientifique, tiendrait au caractère multifactoriel de la « récupération » d’un écosystème. Par exemple, des espèces dont le cycle de vie est très court seraient en général moins affectées que des espèces dont l’espérance de vie est d’une ou plusieurs années. De même, le climat, le paysage et la présence d’autres espèces auraient un impact sur le potentiel de récupération d’une espèce particulière. S’agissant des eaux de surface, il serait admis que la récupération sera plus ou moins rapide selon qu’il est question de rivières (où l’eau contaminée est rapidement déplacée), de fossés ou de mares (où l’eau stagne). Ces difficultés conduiraient les chercheurs et l’EFSA à prôner une « approche systémique » qui tiendrait compte de l’ensemble de ces variables. Or, les niveaux de concentration déduits de l’ORE seraient généralement élaborés à partir d’études dites « mésocosmes » qui s’efforceraient de reproduire, en laboratoire, des « conditions réelles » nécessairement toujours plus complexes et diversifiées. En outre, ces études ne devraient porter que sur un échantillon limité d’espèces et sur une période limitée. En l’occurrence, la concentration sur la base de l’ORE semble avoir été déduite d’une seule étude mésocosme, elle-même limitée à l’application d’une seule dose de cyperméthrine, étude de surcroît non publiée et vraisemblablement diligentée par le demandeur du renouvellement de l’approbation.

206    De manière générale, l’approche ORE serait fondée sur une analyse prospective dont les limites auraient été identifiées par l’EFSA elle-même, à commencer par l’« effet cocktail » de différents pesticides, l’incertitude relative aux effets à long terme, et l’importance du « stress environnemental », susceptible de multiplier les effets des pesticides par un facteur 10. L’EFSA reconnaîtrait, en outre, que cette méthode ignore également des aspects aussi essentiels que l’exposition multi-année séquentielle au pesticide et l’impact sur certaines espèces particulièrement sensibles. L’EFSA estimerait, dès lors, que ces limites devraient au moins en partie être rencontrées par une mise en œuvre appropriée de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2000, établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau (JO 2000, L 327, p. 1), et de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (JO 2009, L 309, p. 71) (ci-après, prises ensemble, la « législation sur l’eau »). Or, la requérante fait observer que la limite de 0,0038 μg/l fixée dans le règlement d’exécution 2021/2049 est 46 fois supérieure à la limite de 0,000082 μg/l prévue par la législation sur l’eau.

207    En tout état de cause, les éléments présentés ci-dessus suffiraient à démontrer que la valeur maximale de 0,038 μg/l dans les eaux de surface contenue dans le règlement d’exécution 2021/2049 n’était pas le résultat d’un travail scientifique répondant aux critères d’excellence et d’indépendance.

208    La Commission conteste ces arguments.

209    En ce qui concerne le recours à la méthodologie ORE, la Commission a constaté ce qui suit dans la décision attaquée :

« Aux points 25 à 27 de la demande, le demandeur affirme que la Commission a fixé le niveau nécessaire de réduction de l’exposition de manière illégale en utilisant l’option de rétablissement écologique (ORE) au lieu d’utiliser l’option de seuil écologique (OSE). Le demandeur a également affirmé que l’EFSA n’a pas indiqué d’utilisation sûre dans ce dernier cas.

Le règlement de la Commission s’appuie toutefois à juste titre sur l’utilisation de l’ORE. Le guide de l’EFSA […] traduit l’objectif de protection des organismes aquatiques fixé par le règlement no 1107/2009 en une méthode scientifique permettant de déterminer des concentrations acceptables pour protéger les populations d’organismes aquatiques. Il présente deux options à cet effet : 1) l’option de seuil écologique (OSE), qui n’accepte que des effets négligeables sur la population, et 2) l’option de rétablissement écologique (ORE), qui accepte certains effets transitoires au niveau de la population si le rétablissement de la population a lieu dans un délai acceptable. Par défaut, c’est l’OSE qui est utilisée [;] néanmoins, dans certains cas où les informations scientifiques disponibles permettent d’affiner l’évaluation des risques et que certaines conditions sont réunies, l’ORE est pertinente.

Dans le cas de la cyperméthrine, les deux valeurs, OSE et ORE, sont disponibles dans les conclusions de l’EFSA (la valeur de 0,0038 μg/l découle de l’ORE). Dans ses conclusions, l’EFSA indique que, lors de l’examen par les pairs de l’évaluation des risques, les experts des États membres ont confirmé que la valeur de l’ORE pouvait être appliquée sur la base des informations disponibles pour les utilisations représentatives, sauf concernant les applications en automne, conformément au guide de l’EFSA. Dans sa déclaration de 2019, l’EFSA confirme cela une nouvelle fois et décrit qu’il y a une utilisation sûre si les mesures d’atténuation des risques garantissent que l’exposition à l’environnement hors champ est limitée à cette valeur. Cette évaluation est pleinement conforme au cadre législatif applicable, qui prévoit qu’une substance active peut être approuvée à condition qu’aucun effet inacceptable sur l’environnement ne soit attendu à la lumière de la science et des connaissances validées, contenues dans un document d’orientation. La décision du gestionnaire des risques d’utiliser cette option, suivant en cela les conclusions de l’évaluation des risques ayant fait l’objet d’un examen par les pairs, est donc pleinement conforme au cadre législatif et aux informations et connaissances scientifiques les plus récentes, contenues dans les orientations disponibles. »

210    Ainsi, il ressort de la décision attaquée que la méthode ORE pouvait être utilisée et qu’elle avait été validée tant par l’EFSA que par les experts des États membres, conformément au guide de l’EFSA, cité à la note de bas de page no 21 de la décision attaquée. De plus, comme le fait valoir la Commission, le fait même que l’EFSA ait utilisé la méthode ORE dans ses conclusions démontre qu’elle a considéré cette option comme viable pour le cas spécifique de la cyperméthrine et qu’elle a considéré que les conditions d’utilisation telles que définies dans le guide de l’EFSA étaient remplies.

211    Dans la réplique, la requérante ne conteste pas que l’EFSA ait accepté la méthode ORE et qu’elle l’ait utilisée dans ses conclusions. Elle estime toutefois que cette affirmation n’est que partiellement vraie, dans la mesure où l’EFSA aurait considéré dans ses conclusions que le niveau de concentration déterminé sur la base de la méthode ORE n’était pas approprié pour ce qui concerne les applications en automne. En outre, les conclusions de l’EFSA signaleraient un risque élevé pour toutes les utilisations représentatives, tant au regard du niveau de concentration déduit de l’OSE que de celui déduit de l’ORE, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de choisir entre l’une ou l’autre méthode. De plus, même dans sa déclaration de 2019, l’EFSA mettrait en garde contre l’utilisation exclusive de l’ORE. Enfin, la Commission ne remettrait pas en cause les différentes limites de cette méthode, limites évoquées également par l’EFSA dans différents documents. À cet égard, dans le guide de l’EFSA, l’EFSA exprimerait clairement le caractère inapproprié de l’ORE pour déterminer les risques liés à l’utilisation répétée de produits phytosanitaires (typiquement, plusieurs pulvérisations par an, soit du même produit soit de différents produits). Par conséquent, dans la mesure où le règlement d’exécution 2021/2049 ne limite pas le nombre annuel d’applications des produits à base de cyperméthrine sur une même parcelle, il ne pourrait pas être fondé sur une évaluation des risques basée sur l’ORE. Enfin, le fait que le rapport technique n’aborde pas ce point ne pourrait être interprété que comme un soutien implicite au point de vue de la requérante sur cet aspect.

212    À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 195 à 198 ci-dessus, l’utilisation en automne, qui n’est pas reprise à l’annexe II du rapport final, devait être examinée au niveau des États membres en raison de l’étude « mésocosmes » réalisée au printemps et du manque de données concernant l’utilisation en automne. De même, s’agissant de la prétendue « mise en garde » concernant l’utilisation de l’ORE par l’EFSA, il suffit de relever que dans l’extrait de la déclaration de 2019 auquel la requérante se réfère, l’EFSA a uniquement considéré que l’utilisation de l’ORE pour la cyperméthrine n’était pas appropriée pour couvrir les utilisations en automne, étant donné que ces utilisations n’étaient pas inclues dans les études mésocosmes.

213    Ensuite, s’agissant d’un prétendu « risque élevé pour toutes les utilisations représentatives », tant au regard du niveau de concentration déduit de l’OSE que de celui déduit de l’ORE, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de choisir entre l’une ou l’autre méthode, outre le fait qu’il s’agit d’un argument nouveau et donc irrecevable, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que les conclusions de l’EFSA doivent être lues conjointement avec la déclaration de 2019 qui ne soutiennent pas les arguments de la requérante, de sorte que cet argument ne saurait, en tout état de cause prospérer.

214    S’agissant de l’argument selon lequel, même dans la déclaration de 2019, l’EFSA mettrait en garde contre l’utilisation exclusive de l’ORE, il suffit de relever que, dans sa déclaration de 2019, l’EFSA s’est limitée à observer, en substance, que la récupération écologique sur laquelle se fondait l’ORE, pouvait varier en fonction des conditions agro-climatiques. Il n’en reste pas moins que, comme l’observe la Commission, l’EFSA s’est elle-même fondée sur cette méthodologie pour constater que des mesures de réductions des risques pouvaient être adoptées en vue d’identifier un risque faible pour les organismes aquatiques. Le fait que la Commission ait également eu recours à cette méthodologie en adoptant le règlement d’exécution 2021/2049, ne saurait, dès lors, être constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation.

215    Aucun des autres arguments soulevés par la requérante ne saurait remettre en cause cette conclusion.

216    S’agissant du lien établi par la requérante avec les valeurs définies dans la législation sur l’eau, comme l’observe la Commission à juste titre, cet argument n’a pas été soulevé dans la demande de réexamen et est donc irrecevable. À cet égard, la requérante ne saurait valablement faire valoir que les éléments relatifs à la législation sur l’eau, mentionnés au point 50 de la requête, viseraient à répondre à l’argument de la Commission, avancé dans la décision attaquée, selon lequel l’EFSA aurait elle-même validé le recours à l’ORE pour la fixation de la concentration maximale de cyperméthrine dans l’eau. En effet, dans la décision attaquée, la Commission n’a nullement fait référence à la législation sur l’eau invoquée par la requérante, de sorte qu’il ne saurait être question de contester le raisonnement contenu dans la décision attaquée à cet égard (voir points 38 à 47 ci-dessus).

217    En tout état de cause, il convient de relever que, même si le guide de l’EFSA qui, lui, est mentionné dans la décision attaquée, fait référence à la législation sur l’eau, il n’en reste pas moins que, dans ses conclusions, l’EFSA a estimé que la méthode ORE était une option viable pour le cas spécifique de la cyperméthrine et que les conditions d’utilisation telles que définies dans le guide de l’EFSA étaient remplies. Ainsi, par son argument, la requérante vise en réalité à remettre en cause le travail scientifique de l’EFSA, en ce qu’il ne répondrait pas aux critères d’excellence et d’indépendance. Or, une telle remise en cause vague et générale des évaluations scientifiques de l’EFSA échappe au contrôle du Tribunal dans le cadre du présent recours, qui est dirigé contre la décision attaquée.

218    Enfin, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’EFSA a clairement indiqué à la page 6 du rapport technique, élaboré à la demande de la Commission à la suite de la demande de réexamen interne, sur quels éléments de la demande de la requérante elle s’est concentrée dans sa réponse. La conclusion de la requérante, selon laquelle l’absence de tout examen, dans ledit rapport technique, de la question de l’utilisation de la méthode ORE signifierait que l’EFSA est d’accord avec son argumentation, doit donc être rejetée comme étant manifestement non fondée.

219    Par conséquent, l’ensemble des arguments de la requérante dirigés contre l’analyse de la Commission, dans la décision attaquée, concernant la prise en compte du haut risque pour les organismes aquatiques, en tant que domaine citrique de préoccupation identifié par l’EFSA, doit être rejeté.

c)      Sur le haut risque pour les arthropodes non ciblés et les abeilles mellifères

220    S’agissant des domaines critiques de préoccupation relatifs au « haut risque pour les arthropodes non ciblés et les abeilles mellifères », la requérante rappelle qu’elle avait fait état de deux irrégularités dans sa demande de réexamen interne, concernant, d’une part, le caractère irréaliste et inadéquat des mesures d’atténuation des risques proposées, au regard des conclusions de l’EFSA et, d’autre part, l’absence de toute mesure d’atténuation des risques pour les arthropodes non ciblés.

1)      Sur le prétendu caractère irréaliste et inadéquat des mesures d’atténuation des risques, au regard des conclusions de l’EFSA

221    L’annexe I du règlement d’exécution 2021/2049 prévoit que « des mesures d’atténuation des risques sont requises pour réduire la dérive de manière [à ce] que l’exposition à la substance active soit inférieure ou égale à 5,8 mg/ha dans les zones non cultivées ». La requérante rappelle qu’elle s’était interrogée sur le caractère scientifique d’une telle mesure, étant donné que, dans ses conclusions, l’EFSA aurait affirmé qu’il était impossible de fixer une telle valeur maximale ou des mesures de réduction permettant d’aboutir à un risque faible pour les arthropodes non ciblés

222    Dans la décision attaquée, la Commission a souligné que, « dans sa déclaration de 2019, l’EFSA a estimé que […] la combinaison de diverses mesures d’atténuation des risques, à savoir des zones tampons où la pulvérisation est interdite et l’utilisation de buses de réduction de la dérive, permet d’atteindre le niveau d’exposition requis (5,8 mg/ha) de façon que le risque soit faible pour les arthropodes non ciblés[ ; p]ar conséquent, ces mesures de réduction de risques sont citées à titre d’exemple par la Commission dans le rapport de renouvellement, tandis que l’imposition de mesures concrètes d’atténuation des risques est laissée à la discrétion des États membres lors de l’évaluation des demandes d’autorisation de produits phytopharmaceutiques contenant de la cyperméthrine, afin qu’elles reflètent leur climat local et leur situation agricole ».

223    La requérante conteste la pertinence de cette explication. En effet, le renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine serait fondé sur le constat qu’il existe des mesures de réduction de risques susceptibles de ramener à un niveau acceptable le risque pour les arthropodes non ciblés. Or, de telles mesures auraient d’abord été jugées impossibles par l’EFSA dans ses conclusions avant d’apparaître subitement possibles dans la déclaration de 2019, mais sans réelle explication scientifique. Du reste, l’EFSA elle-même concèderait qu’arriver à un niveau aussi faible de contamination en bordure de champ constituera un défi en pratique, en raison notamment de l’action du vent et du fait que les champs ne sont pas plans, raisons pour lesquelles les lignes directrices du FOCUS Working Group on Landscape and Mitigation Factors in Ecological Risk Assessment (ci-après les « lignes directrices FOCUS ») ne concevraient pas de mesures de réduction de la dérive supérieure à 95 %. Par trois fois, l’EFSA aurait écrit également dans la déclaration de 2019 que ce type de réduction était possible « théoriquement ». Le caractère irréaliste de telles mesures aurait également été souligné par la République fédérale d’Allemagne lors de l’adoption du règlement d’exécution 2021/2049. Il en résulte, selon elle, que la Commission a renouvelé l’approbation d’une substance active sur la base de mesures de réduction des risques peu fondées scientifiquement, peu réalistes dans la plupart des exploitations agricoles (dont les parcelles sont trop petites pour prévoir des zones tampon de plusieurs dizaines, voire centaines de mètres), seulement efficaces « en théorie », et évoquées à titre simplement indicatif pour les États membres. Une telle pratique serait manifestement contraire aux principes de précaution, de niveau élevé de protection de l’environnement, et aux exigences de l’article 4 du règlement no 1107/2009.

224    En outre, concernant les mesures de réduction de risques évoquées par l’EFSA dans la déclaration de 2019, ce serait justement parce que toutes les études de terrain disponibles avaient montré un effet sur les arthropodes non ciblés que l’EFSA aurait dû chercher une autre manière de démontrer un risque acceptable, à savoir au regard de données de laboratoire générales. Ainsi, l’objectif de la déclaration de 2019 ne serait pas de déterminer si le risque, dans des conditions réalistes d’utilisation, est acceptable pour les arthropodes non ciblés, mais bien de démontrer un risque acceptable (« demonstrate an acceptable risk », comme l’écrit l’EFSA elle-même). En vertu du mandat qui lui avait été assigné par la Commission, l’EFSA était donc appelée à chercher tous les moyens possibles – même les moins réalistes – susceptibles de déboucher sur un risque acceptable. Ce mandat « orienté » s’expliquerait par le fait que, comme indiqué dans la requête, l’avis négatif de l’EFSA s’était heurté au refus de plusieurs États membres de conclure au non-renouvellement de l’approbation, ou au renouvellement de l’approbation pour certaines saisons seulement, de la cyperméthrine. Rompant avec sa pratique habituelle, la Commission aurait donc sollicité l’EFSA une seconde fois pour chercher un scénario, même théorique, démontrant que les produits à base de cyperméthrine pouvaient être utilisés d’une manière qui ne posait pas de risques inacceptables pour les arthropodes non ciblés. La déclaration de 2019 serait d’ailleurs très claire sur les limites des résultats auxquels l’EFSA peut parvenir par cette approche. En d’autres termes, l’EFSA ne s’engagerait à aucun moment à établir des mesures précises qui permettraient de manière certaine de conduire à un risque acceptable.

225    Certes, l’EFSA identifierait la possibilité de combiner le recours à des buses de réduction de la dérive et à des zones tampon pour parvenir à ce qui, en théorie, devrait être une absence d’effet. Cependant, l’EFSA soulignerait le caractère théorique de ce calcul et le fait qu’il présuppose une réduction de la dérive de plus de 99 % (99,3 % pour les cultures hivernales et printanières de céréales et de colza et plus de 99,6 % pour les pommes de terre), ce qui serait contraire à la limite de 95 % fixée par les lignes directrices FOCUS. Le malaise de l’EFSA transparaitrait également dans un extrait de la déclaration de 2019.

226    La Commission conteste ces arguments.

227    Il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée :

« Dans ses conclusions de 2018, l’EFSA avait conclu à l’absence d’utilisation sûre pour les organismes aquatiques et les arthropodes non ciblés, en tenant compte des mesures d’atténuation de la dérive jusqu’à la limite de 95 %, comme indiqué dans les lignes directrices [FOCUS].

Il convient de noter que les mesures permettant de réduire la dérive peuvent comprendre des combinaisons de mesures techniques de réduction de la dérive par pulvérisation et de zones tampons où la pulvérisation est interdite en bordure des zones non cultivées, qui conduisent globalement à une réduction de la dérive supérieure à 95 %. Les zones non cultivées comprennent toutes les surfaces en dehors du champ traité avec le pesticide, quelle que soit leur utilisation. Cela signifie que les restrictions visant à réduire la dérive vers les zones non cultivées protègent plusieurs organismes non ciblés en dehors du champ, par exemple les arthropodes non ciblés, les abeilles et les organismes aquatiques.

Comme l’EFSA n’avait pas examiné de telles combinaisons dans ses conclusions de 2018, ces discussions ont été suivies d’un mandat conféré à l’EFSA pour qu’elle donne son avis sur d’autres options de réduction de l’exposition que celles couvertes dans ses conclusions, et qu’elle indique si ces options ou des combinaisons de ces options permettent d’atteindre un faible risque pour les organismes aquatiques, les arthropodes non ciblés et les abeilles.

La déclaration de 2019 de l’EFSA présente les différentes options de réduction de l’exposition et expose la mesure dans laquelle un faible risque pour les organismes aquatiques, les arthropodes non ciblés et les abeilles a pu être démontré. Ces observations peuvent être résumées de la manière suivante :

[…]

–        pour les arthropodes non ciblés, lorsque l’exposition dans les zones hors champ est réduite à des niveaux ne dépassant pas 5,8 mg/ha en bordure de champ ;

[…]

Lors de la discussion qui a eu lieu par la suite au sein du comité permanent […], la plupart des experts ont confirmé – ou ont reconnu que cela est possible dans d’autres États membres – que les avancées techniques modernes, combinées à des zones tampons où la pulvérisation est interdite, peuvent permettre d’atteindre le niveau souhaité d’atténuation des risques (réduction de la dérive supérieure à 95 %), ce qui garantit une utilisation sûre des produits contenant de la cyperméthrine par la réduction de l’exposition aux zones non cultivées. »

228    Or, la requérante ne conteste pas que, dans la déclaration de 2019, l’EFSA a présenté différentes options de réduction de l’exposition qu’elle n’avait pas considérées initialement dans ses conclusions, et qu’elle a estimé qu’un faible risque pour les arthropodes non ciblés a pu être démontré, moyennant la mesure consistant à réduire l’exposition dans les zones hors champ à des niveaux ne dépassant pas 5,8 milligramme par litre (mg/l) dans le cas des applications au printemps.

229    Les arguments de la requérante selon lesquels l’EFSA aurait agi dans le cadre d’un « mandat orienté », « rompant avec sa pratique habituelle », qui suggèrent que la Commission aurait instrumentalisé l’EFSA, doivent d’emblée être écartés, dans la mesure où ils sont purement spéculatifs et que, au vu de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, ils ne sont pas susceptibles de remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

230    En outre, comme le rappelle la Commission, les procédures d’approbation se déroulent au cas par cas et elle a toujours la possibilité, lorsque cela est considéré comme nécessaire, de donner un mandat à l’EFSA pour approfondir certaines questions. En effet, même si aucune base légale explicite n’est prévue à cet égard dans le règlement no 1107/2009, une telle possibilité ressort notamment de l’article 23, sous c), du règlement 178/2002, qui prévoit que les tâches de l’EFSA sont, notamment, de « fournir une assistance scientifique et technique à la Commission dans les domaines relavant de sa mission et, lorsqu’elle en fait la demande, pour l’interprétation et l’examen de ses avis sur l’évaluation des risques ». Dans le même sens, l’article 29, paragraphe 1, sous a), du règlement 178/2002 prévoit que l’EFSA émet un avis scientifique « à la demande de la Commission, sur toute question relevant de sa mission ainsi que dans tous les cas où la législation [de l’Union] prévoit la consultation de l’[EFSA] ». Les termes « ainsi que » dans cette dernière disposition révèlent dès lors que la Commission peut toujours demander à l’EFSA de fournir une assistance scientifique dans les domaines relavant de sa mission, même lorsqu’une telle assistance n’est pas explicitement prévue par un texte législatif.

231    Par ailleurs, la requérante ne saurait faire valoir que l’EFSA n’avait aucune base scientifique pour concevoir des mesures d’atténuation des risques. En effet, dans la déclaration de 2019, l’EFSA a indiqué avoir utilisé la méthode scientifique de niveau 1 qui a abouti à des calculs conservateurs, au lieu de celle de niveau 2, qui n’était pas disponible. Or, comme l’a expliqué la Commission dans la duplique, sans être contredite par la requérante sur ce point, les évaluations des risques sont fondées sur une série d’évaluations qui progressent de manière séquentielle, de très prudente (niveau 1) à une situation moins prudente et plus proche de la situation réelle (niveaux 2, 3, et 4). Plus le niveau est élevé, plus l’évaluation est proche de la réalité. Plus le niveau est bas, plus l’évaluation est prudente.

232    La requérante ne saurait non plus soutenir que les mesures pour parvenir à une réduction de la dérive supérieure à 95 % ne sont pratiquement pas réalistes. En effet, comme expliqué dans la décision attaquée, « la plupart des experts [des États membres] ont confirmé – ou ont reconnu que cela est possible dans d’autres États membres – que les avancées techniques modernes, combinées à des zones tampons où la pulvérisation est interdite, peuvent permettre d’atteindre le niveau souhaité d’atténuation des risques (réduction de la dérive supérieure à 95 %), ce qui garantit une utilisation sûre des produits contenant de la cyperméthrine par la réduction de l’exposition aux zones non cultivées ».

233    La requérante critique néanmoins le fait que la Commission estime que les mesures de réduction de la dérive supérieure à 95 % étaient réalistes dès lors que certains États membres avaient jugé qu’elles l’étaient. En effet, la Commission ne saurait se fier aveuglément aux déclarations d’une poignée d’États membres. L’objectif de niveau élevé de protection de l’environnement et le principe de précaution qui sous-tendent le règlement no 1107/2009 exigeraient que les États membres démontrent pourquoi la limite recommandée de 95 % pouvait être dépassée et comment les réserves susmentionnées de l’EFSA relatives aux conditions météorologiques et pédologiques seraient surmontées sur leur territoire.

234    La requérante reconnaît cependant qu’une seule utilisation sûre dans un État membre est suffisante pour renouveler une substance. Elle estime, néanmoins, que cette affirmation n’est correcte que pour autant que le caractère réaliste de cette utilisation « sûre » ait été vérifié au niveau de l’Union. En effet, une substance ne pourrait être approuvée par la Commission que lorsqu’il est démontré qu’au moins une utilisation représentative, dans des conditions réalistes, n’a pas d’effet inacceptable sur les espèces non visées. Or, la Commission n’aurait fourni aucune information quant aux arguments avancés par les États membres concernés pour conclure à ce caractère réaliste. C’est pourquoi la requérante invite la Commission à verser au dossier l’ensemble des commentaires reçus de la part des États membres sur cette question. Plus fondamentalement, accepter le caractère réaliste d’une réduction de la dérive de près de 100 % sur la foi des affirmations de quelques États membres, voire d’un seul d’entre eux, alors même que l’EFSA a émis des doutes à ce sujet, reviendrait à priver de toute effectivité les garanties relatives aux espèces non ciblées prévues par l’article 4 du règlement no 1107/2009.

235    Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission ne s’est pas fiée aveuglement aux déclarations d’une poignée d’États membres. La Commission a précisé, à cet égard, qu’une utilisation sûre avait été identifiée au sein du comité permanent en ce qui concerne le renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine.

236    Or, ainsi que l’observe la Commission, sans être contredite par la requérante, il appartient en dernier ressort aux États membres d’examiner, lors de l’autorisation des PPP dans le cadre de leurs procédures nationales, si de telles mesures sont possibles dans la pratique, dans les conditions qu’ils fixent à leur niveau. Si ces mesures sont nécessaires, mais qu’il s’avère qu’elles ne peuvent pas être appliquées en pratique, ou qu’elles ne permettent pas d’atteindre le résultat exigé pour un produit, une utilisation ou une culture spécifique, alors le produit contenant la cyperméthrine ne peut tout simplement pas être autorisé au niveau national. Dans ce cas, en effet, l’État membre ne peut pas autoriser le produit, car ce dernier ne peut pas être utilisé en toute sécurité, en conformité avec le règlement d’exécution 2021/2049.

237    Il s’ensuit que le premier grief de la requérante doit être rejeté.

2)      Sur l’absence de mesure d’atténuation des risques pour les arthropodes non ciblés dans le champ

238    La requérante rappelle qu’elle avait relevé que le règlement d’exécution 2021/2049 ne prévoyait aucune mesure d’atténuation des risques pour les arthropodes non ciblés présents dans le champ et que le règlement no 1107/2009 ne permettait aucunement de détruire la biodiversité dans le champ. Dans la décision attaquée, la Commission a observé que, dans ses conclusions, l’EFSA avait jugé comme faible le risque pour les arthropodes non ciblés se trouvant dans le champ.

239    La requérante observe que l’EFSA a surtout identifié un manque de données sur ce point. Elle met par ailleurs sérieusement en doute la crédibilité scientifique d’un tel constat de « faible risque » et demande à la Commission d’expliquer comment une substance active pourrait, à toutes les doses, constituer un haut risque pour les arthropodes présents en dehors du champ traité, mais seulement un risque faible pour ceux se trouvant dans le champ et donc directement exposés aux pulvérisations. Face à des résultats à ce point contradictoires, l’EFSA et la Commission auraient dû examiner les études concernées et, le cas échéant, en commanditer d’autres avant de procéder au renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine.

240    À cet égard, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a exposé ce qui suit :

« Le règlement de la Commission ne contient en effet aucune disposition spécifique concernant la situation dans le champ pour les arthropodes non ciblés, car, dans ses conclusions, l’EFSA a estimé, sur la base des études disponibles, que le risque dans le champ concernant les arthropodes non ciblés pour les utilisations représentatives était faible. Toutefois, comme la Commission a indiqué que les informations disponibles peuvent ne pas permettre de couvrir les situations où les applications sont effectuées pendant l’automne et comme l’EFSA avait, dans ses conclusions, fait état d’un manque de données, la Commission a exclu les utilisations pendant l’automne, ainsi qu’indiqué à l’annexe II du rapport de renouvellement […] ».

241    Tout d’abord, s’agissant du manque de données, il ressort des conclusions de l’EFSA qu’il ne concerne que l’utilisation en automne pour une utilisation dans le champ. Ainsi, des informations supplémentaires ont été jugées nécessaires pour traiter le risque dans le champ pour les arthropodes non ciblés, en tenant compte des situations où une utilisation en automne est effectuée. Un tel manque de données a été pleinement pris en compte par la Commission, comme expliqué dans la décision attaquée (voir points 195 à 198 ci-dessus).

242    En revanche, contrairement à ce que suggère la requérante, l’EFSA a clairement considéré, dans ses conclusions, que, en dehors des cas d’utilisation en automne, un risque faible pour les arthropodes non ciblés pouvait être constaté pour une utilisation dans le champ.

243    Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante, dès lors que des garanties avaient été fixées dans le règlement d’exécution 2021/2049 afin d’assurer une utilisation sûre en ce qui concerne les arthropodes non ciblés hors champ sur la base de la déclaration de 2019 (voir point 198 ci-dessus), de nouvelles études n’étaient pas nécessaires. En outre, il ne saurait être considéré que la Commission n’a pas dûment tenu compte des conclusions de l’EFSA dans la décision attaquée.

244    Un tel constat suffit pour rejeter l’argumentation de la requérante, dans la mesure où il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation à celle de la Commission, en tant que gestionnaire des risques, et encore moins de substituer son analyse scientifique à celle de l’EFSA.

245    À titre surabondant, dans la mesure où la requérante invoque une contradiction entre l’analyse des risques effectuée pour une utilisation sur le champ et en dehors du champ, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que les conclusions de l’EFSA s’expliquent par des objectifs et des niveaux de protection différents, c’est-à-dire une protection plus faible dans le champ. À cet égard, le schéma d’évaluation des risques, qui est décrit dans la section 5 du document d’orientation de l’EFSA sur l’écotoxicologie terrestre (ci-après le « document d’orientation sur l’écotoxicologie terrestre »), prévoit une différenciation entre champ et hors champ, le « champ » étant la zone de production, tandis que le « hors champ » correspond aux zones dans lesquelles le produit n’est pas directement utilisé, mais qui peuvent être affectées. L’évaluation des risques est effectuée pour les deux zones, de sorte que le niveau d’effets inacceptables est différent pour les zones sur le terrain (zone cible-champ agricole) et les zones hors champ (en dehors du champ agricole).

246    Dans la réplique, la requérante fait valoir que la méthode d’évaluation des risques décrite à la section 5 du document d’orientation sur l’écotoxicologie terrestre, cité par la Commission, est doublement incompatible avec le règlement no 1107/2009 et le principe de précaution sur lequel il repose. Un tel argument, présenté pour la première fois au stade de la réplique, doit toutefois être rejeté comme irrecevable, au regard des principes rappelés aux points 38 à 47 ci-dessus.

247    Au vu de ce qui précède, l’ensemble des arguments présentés par la requérante dans le cadre du premier grief, tirés de l’absence de prise en compte, par la Commission, des domaines critiques de préoccupation exprimés par l’EFSA, doivent être rejetés.

2.      Sur le deuxième grief, tiré d’une méconnaissance des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien établis par le règlement 2018/605

248    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, dans sa demande de réexamen interne, la requérante avait fait valoir que, pour affirmer que la cyperméthrine n’était pas un perturbateur endocrinien, l’EFSA avait appliqué les critères établis à titre provisoire par le règlement no 1107/2009, alors que ces critères n’étaient plus applicables au moment de l’adoption du règlement d’exécution 2021/2049. Or, si les nouveaux critères entrés en vigueur en 2018 dans le cadre du règlement 2018/605 avaient été appliqués, conformément à l’article 2 dudit règlement, la cyperméthrine aurait été identifiée comme un perturbateur endocrinien. Partant, la Commission aurait dû exiger, avant le renouvellement de la substance, sa réévaluation à l’aune des nouveaux critères. En outre, il ressortirait des conclusions de l’EFSA que la cyperméthrine a une activité à médiation endocrinienne, mais que le potentiel de perturbation endocrinienne n’a pas pu être établi. Or, le point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 érigerait la propriété de perturbation endocrinienne en critère d’exclusion. Partant, en présence d’une incertitude scientifique en matière de perturbation endocrinienne, conformément au principe de précaution, l’EFSA aurait dû conclure qu’elle ne pouvait pas exclure que la cyperméthrine n’était pas un perturbateur endocrinien, plutôt que d’indiquer qu’elle ne pouvait confirmer que la cyperméthrine était un perturbateur endocrinien.

249    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré ce qui suit en réponse à ces arguments :

« Aux points 30 et 31, le demandeur prétend que des critères inadéquats pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien ont été appliqués dans le cas de la cyperméthrine.

Il est exact, comme l’indique le demandeur, que les conclusions de l’EFSA dans le domaine des propriétés perturbant le système endocrinien ont été formulées sur la base des critères dits provisoires figurant à l’annexe II du règlement no 1107/2009 avant sa modification par le règlement (UE) 2018/605, lequel a remplacé ces critères provisoires par des critères permanents, fondés sur la définition que l’[Organisation mondiale de la santé (OMS)] donne des perturbateurs endocriniens. Les conclusions de l’EFSA ont toutefois été publiées le 31 juillet 2018, c’est-à-dire avant que ces derniers critères et les orientations correspondantes de l’EFSA et de l’[Agence européenne des produits chimiques (ECHA)] ne deviennent applicables, le 10 novembre 2018. En outre, les dispositions pertinentes du règlement [d’exécution] (UE) no 844/2012, figurant à l’article 14 dudit règlement, prévoient précisément ces situations, mais laissent à la Commission le soin de décider si une analyse plus approfondie par l’Autorité est nécessaire. Ainsi, l’article 14, paragraphe 1 bis, dispose ce qui suit (soulignement ajouté) : “Aux fins de l’évaluation des critères d’approbation énoncés aux points 3.6.5 et 3.8.2 de l’annexe II du règlement [n o 1107/2009], telle que modifiée par le règlement (UE) 2018/605, en ce qui concerne les demandes pour lesquelles l’Autorité adopte des conclusions avant le 10 novembre 2018, et si le comité visé à l’article 79, paragraphe 1, du règlement n o 1107/2009 ne s’est pas encore prononcé, à cette date, sur un projet de règlement concernant le renouvellement ou le non-renouvellement de l’approbation de la substance active concernée, la Commission peut considérer qu’elle a besoin d’informations complémentaires pour déterminer s’il est satisfait à ces critères d’approbation. Dans ce cas, la Commission demande à l’Autorité de réévaluer les informations disponibles dans un délai raisonnable et en informe le demandeur”.

En outre, une évaluation très complète des propriétés perturbant le système endocrinien a été réalisée par l’[EMR] dans le cadre de l’établissement du projet de rapport de renouvellement (point 6.8.3, p. 418-508), avec un examen approfondi des modalités pertinentes relatives aux œstrogènes, aux androgènes, à la thyroïde et aux stéroïdogènes (EATS) [selon un raisonnement analogue à celui qui était derrière les critères introduits en 2018]. De même, comme elle l’a fait pour d’autres substances, l’EFSA a, en plus de ses conclusions fondées sur les critères provisoires – applicables au moment de l’évaluation – relatifs à la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, inclus un résumé des preuves scientifiques disponibles dans le dossier en ce qui concerne les propriétés perturbant le système endocrinien selon la définition de l’OMS. L’[EMR] et l’EFSA ont également confirmé que deux des quatre articles mentionnés au point 33 par le demandeur avaient déjà été étudiés lors de l’examen par les pairs, tandis que les deux autres articles n’ont été publiés qu’après l’examen par les pairs. L’EFSA a conclu en 2018, au regard des critères applicables à ce moment-là, que la cyperméthrine ne doit pas être considérée comme un perturbateur endocrinien (PE). L’EFSA a toutefois aussi indiqué, allant au-delà de ces critères, que même si, sur la base des études réglementaires et des résultats de la littérature disponibles, la cyperméthrine avait des effets à médiation endocrinienne, son potentiel de perturbation endocrinienne ne pouvait pas être déterminé.

Au point 32, le demandeur fait mention des conclusions d’une étude dont il ressort que la cyperméthrine remplit les critères pour être considérée comme perturbateur endocrinien au titre des options 2, 3 et 4, et il fait valoir que la Commission aurait dû exiger une réévaluation de la cyperméthrine à l’aune des nouveaux critères établis par le règlement (UE) 2018/605 avant le renouvellement.

D’une part, l’étude à laquelle se réfère le demandeur ne peut pas être utilisée à des fins réglementaires, comme l’indique clairement la clause de non-responsabilité de cette étude, qui souligne que cette dernière a été menée dans le cadre spécifique d’une analyse d’impact, laquelle a porté sur différentes options. Par conséquent, le fait que la cyperméthrine ait été considérée dans l’analyse d’impact comme satisfaisant aux critères des options 2, 3 et 4 est sans pertinence pour la prise de décision réglementaire et, d’autant plus dans ce cas précis, que le principal isomère de la cyperméthrine, à savoir l’alpha-cyperméthrine contenue à 22 %, n’a pas été considéré comme satisfaisant aux critères d’aucune option dans la même étude.

D’autre part, à partir des informations figurant dans le projet de rapport d’évaluation du renouvellement élaboré par l’[EMR] et dans les conclusions de l’EFSA, la Commission a conclu que même si l’un des trois critères de détermination des propriétés perturbant le système endocrinien pouvait être rempli (c’est-à-dire l’activité à médiation endocrinienne), le deuxième critère (effet nocif) ne l’était manifestement pas, car l’EFSA a indiqué qu’il n’y avait pas d’indication d’effets (concernant le sperme) qui pourraient être liés à une perturbation endocrinienne (ou une indication très faible, seulement à la dose la plus élevée). Pour cette raison, la Commission a estimé qu’il était peu probable que la cyperméthrine soit un perturbateur endocrinien, car, pour ce que ce soit le cas, trois critères auraient dû être remplis : activité à médiation endocrinienne, effet nocif et lien de causalité entre les deux. Il convient également de noter qu’au cours des discussions tenues au sein du comité permanent, aucun État membre n’a jamais exprimé d’inquiétude quant au fait que la cyperméthrine puisse être un perturbateur endocrinien potentiel. Néanmoins, pour accroître la confiance dans sa décision [comme prévu à l’annexe II, point 2.2, du règlement no 1107/2009], la Commission a fixé, dans [son] règlement […], l’obligation de fournir des données confirmatives dans un délai de deux ans, conformément aux critères actuels de détermination des propriétés perturbant le système endocrinien et en utilisant les orientations correspondantes. Cela déclenchera une réévaluation des possibles propriétés perturbant le système endocrinien de la cyperméthrine dans un délai plus court que celui qui aurait été nécessaire pour charger l’EFSA de procéder à une évaluation complémentaire avant l’adoption du règlement de la Commission, ce qui aurait également entraîné la fixation d’un délai pour la fourniture des informations par le demandeur, suivie de l’évaluation des informations.

En outre, il convient de noter que la décision prise par la Commission a conduit à une meilleure protection de facto de la santé humaine et de l’environnement que celle qu’aurait entraînée une extension de l’approbation existante (et moins restrictive) en vigueur – pour permettre la génération de davantage de données sur les propriétés perturbant le système endocrinien –, car l’approbation de la substance a été renouvelée avec des valeurs toxicologiques de référence sensiblement inférieures par rapport aux valeurs précédemment appliquées, et en tant que substance dont la substitution est envisagée, ce qui impose aux États membres l’obligation de procéder à une évaluation comparative avant d’accorder des autorisations de produits, ce qui, avec les mesures d’atténuation des risques imposées, est susceptible de conduire à une réduction de l’exposition de l’être humain et de l’environnement à cette substance active. »

250    La requérante critique cette analyse de la Commission contenue dans la décision attaquée, en réponse à sa demande de réexamen interne.

a)      Sur la première branche, tirée de l’absence de prise en compte des nouveaux critères du règlement 2018/605 

251    Selon la requérante, la Commission ne saurait faire valoir que, en vertu de l’article 14, paragraphe 1 bis, du règlement d’exécution no 844/2012, elle avait simplement la possibilité, et non l’obligation, d’appliquer les nouveaux critères scientifiques d’identification des propriétés de perturbation endocrinienne des substances actives prévus par le règlement 2018/605 à la procédure de renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine, dans la mesure où elle concernait une demande pour laquelle l’EFSA avait adopté des conclusions avant le 10 novembre 2018 et pour laquelle le comité permanent ne s’était pas prononcé à cette date. Selon la requérante, cette disposition n’a pas pour objet de modifier l’article 2 du règlement d’exécution 2018/605, lequel commande l’application des nouveaux critères à toutes les demandes pour lesquelles le comité permanent ne s’était pas prononcé à la date du 20 octobre 2018, y compris celles qui avaient déjà fait l’objet d’un avis de l’EFSA. Au contraire, cette disposition viserait à exécuter ledit article en octroyant à la Commission, en cas de doute sur le respect de ces nouveaux critères, le pouvoir de demander à l’EFSA une réévaluation des données pertinentes. Elle ne saurait en aucun cas être interprétée comme donnant à la Commission le choix d’appliquer les anciens ou les nouveaux critères.

252    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 14, paragraphe 1 bis, du règlement d’exécution no 844/2012, tel que modifié par le règlement d’exécution (UE) 2018/1659 de la Commission, du 7 novembre 2018, eu égard aux critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien introduits par le règlement 2018/605 (JO 2018, L 278, p. 3) :

« Aux fins de l’évaluation des critères d’approbation énoncés aux points 3.6.5 et 3.8.2 de l’annexe II du règlement (CE) no 1107/2009, telle que modifiée par le règlement (UE) 2018/605, en ce qui concerne les demandes pour lesquelles l’[EFSA] adopte des conclusions avant le 10 novembre 2018, et si le comité visé à l’article 79, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1107/2009 ne s’est pas encore prononcé, à cette date, sur un projet de règlement concernant le renouvellement ou le non-renouvellement de l’approbation de la substance active concernée, la Commission peut considérer qu’elle a besoin d’informations complémentaires pour déterminer s’il est satisfait à ces critères d’approbation. Dans ce cas, la Commission demande à l’[EFSA] de réévaluer les informations disponibles dans un délai raisonnable et en informe le demandeur. »

253    L’article 2 du règlement 2018/605 prévoit, par ailleurs :

« Les points 3.6.5 et 3.8.2 de l’annexe II du règlement (CE) no 1107/2009, tel que modifié par le présent règlement, s’appliquent à partir du 10 novembre 2018, excepté dans le cas des procédures pour lesquelles le comité a voté sur un projet de règlement au plus tard le 20 octobre 2018. »

254    En l’espèce, la Commission ne conteste pas qu’elle était tenue d’appliquer les points 3.6.5 et 3.8.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, tel que modifié par le règlement 2018/605, étant donné que, à la date du 10 novembre 2018, le comité permanent ne s’était pas encore prononcé sur les conclusions de l’EFSA.

255    Elle estime, en revanche, que la requérante confond l’obligation d’utiliser les nouveaux critères concernant les perturbateurs endocriniens sur la base du règlement 2018/605 de la Commission avec le choix de demander au demandeur de nouvelles informations et à l’EFSA la réévaluation des informations disponibles sur la base de l’article 14, paragraphe 1 bis, du règlement d’exécution no 844/2012 afin de parvenir à une évaluation sur la base de ces nouveaux critères.

256    Or, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, dans une situation comme celle de l’espèce où l’EFSA avait déjà rendu ses conclusions avant l’adoption des nouveaux critères d’appréciation, mais où le comité permanent ne s’était pas encore prononcé, l’article 14, paragraphe 1 bis, du règlement d’exécution no 844/2012 prévoit uniquement une faculté, pour la Commission, de demander des informations supplémentaires pour déterminer s’il est satisfait aux critères d’approbation.

257    L’argument de la requérante repose dès lors sur une prémisse erronée, dans la mesure où la Commission n’a pas considéré, dans la décision attaquée, en dépit de sa formulation ambigüe sur cette question, qu’elle n’était pas tenue d’appliquer les nouveaux critères d’appréciation prévus par le règlement 2018/605, mais uniquement qu’elle n’était pas tenue de demander des informations supplémentaires à ce sujet.

258    À cet égard, il ressort du considérant 9 du règlement d’exécution 2021/2049 que les nouveaux critères introduits par le règlement 2018/605 ont été utilisés. En effet, celui-ci indique ce qui suit :

« En ce qui concerne les critères d’identification des propriétés perturbant le système endocrinien introduits par le règlement (UE) 2018/605 de la Commission, sur la base des informations scientifiques disponibles résumées dans les conclusions de l’[EFSA], la Commission considère qu’il n’y a pas lieu de considérer la cyperméthrine comme ayant des propriétés perturbant le système endocrinien. »

259    L’utilisation des nouveaux critères est également confirmée à la page 5 du rapport final, dont il ressort que « les critères pour identifier des propriétés de perturbation endocrinienne introduits par le règlement 2018/605 ont été utilisés ».

260    En outre, dans la décision attaquée, la Commission a précisé qu’une évaluation très complète des propriétés de perturbation endocrinienne avait été réalisée par l’EMR « selon un raisonnement analogue à celui qui était derrière les critères introduits en 2018 ».

261    Par ailleurs, il ressort de ladite décision que l’EFSA a indiqué dans ses conclusions, qui ont été finalisées antérieurement au mois de novembre 2018, au regard des critères provisoires applicables à ce moment-là, que la cyperméthrine ne devait pas être considérée comme un perturbateur endocrinien. Il est précisé que « [l’]EFSA a toutefois indiqué, allant au-delà de ces critères, que même si, sur la base des études réglementaires et des résultats de la littérature disponible, la cyperméthrine avait des effets à médiation endocrinienne, son potentiel de perturbation endocrinienne ne pouvait pas être déterminé ».

262    Ces éléments confirment donc que la Commission a tenu compte des nouveaux critères concernant les perturbateurs endocriniens en vue de l’adoption du règlement d’exécution 2021/2049.

263    Dans la réplique, la requérante prend acte du fait que la Commission affirme que le règlement d’exécution 2021/2049 est basé sur une application des nouveaux critères pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien, c’est-à-dire les critères établis par le règlement 2018/605. Elle estime, cependant, que cette affirmation n’est pas conforme à la réalité, c’est-à-dire à la façon dont le risque a été effectivement évalué en l’espèce. En effet, il ne ressortirait pas des conclusions de l’EFSA que celle-ci aurait appliqué les nouveaux critères ou les critères établis par l’OMS. Par ailleurs, les documents de l’EFSA cités par la Commission ne feraient aucunement ressortir l’intention de l’EFSA de dépasser une évaluation fondée sur les critères provisoires. Il en ressortirait au contraire que, jusqu’à l’entrée en vigueur des nouveaux critères, l’EFSA ne s’autorisait pas à identifier un domaine critique de préoccupation si les critères provisoires n’étaient pas remplis. Par ailleurs, s’il est vrai que l’EFSA a examiné à titre complémentaire la propriété de perturbation endocrinienne de la cyperméthrine au regard de la littérature scientifique et des études réglementaires, elle en aurait déduit un manque de données et aurait très clairement demandé des informations complémentaires à ce sujet.

264    Ces arguments doivent être rejetés, au vu de la conclusion figurant au point 262 ci-dessus. En effet, à supposer même que l’EFSA n’ait pas examiné, à titre principal, dans ses conclusions, les propriétés de perturbation endocrinienne au regard des nouveaux critères introduits par le règlement 2018/605, il n’en reste pas moins que tant l’EMR dans son projet de rapport sur le renouvellement que la Commission dans l’élaboration du rapport final ont tenu compte de ces nouveaux critères (voir les points 258 à 260 ci-dessus). S’agissant de l’argument tiré du manque de données constaté par l’EFSA, il sera examiné dans le cadre de la deuxième branche ci-après.

265    En outre, la requérante ne saurait valablement faire valoir que, « si la Commission et l’EFSA avaient réellement appliqué [l’article 14, paragraphe 1 bis, du règlement d’exécution no 844/2012] et conclu qu’aucune information supplémentaire n’était requise, l’EFSA aurait dû en informer le demandeur – lequel aurait eu trois mois pour communiquer des informations complémentaires – et adopter un addendum à ses conclusions ».

266    En effet, il ressort de l’article 14, paragraphe 1 bis, quatrième alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012 ce qui suit :

« Si l’[EFSA], en concertation avec les États membres, est en mesure de conclure, sans demander d’informations complémentaires, que les critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien énoncés au point 3.6.5 et/ou au point 3.8.2 de l’annexe II du règlement (CE) no 1107/2009 sont remplis, elle en informe le demandeur. »

267    Partant, en vertu de cette disposition, ce n’est que lorsque l’EFSA estime que les critères scientifiques pour la détermination de propriétés de perturbation endocrinienne sont remplis ou, en d’autres termes, lorsqu’elle estime que la substance active a des effets perturbateurs endocriniens sur la base de ces critères, sans demander d’informations complémentaires, qu’elle doit en informer le demandeur, qui dispose alors d’un délai de trois mois pour faire valoir ses observations. Or, en l’espèce, l’EFSA n’a pas conclu que la cyperméthrine était un perturbateur endocrinien sur la base de tous les éléments de preuve fournis ou, en d’autres termes, que les critères susvisés étaient remplis, ce que la requérante a confirmé lors de l’audience.

268    Par ailleurs, comme l’explique la Commission, celle-ci s’est fondée, pour la demande d’informations confirmatives portant sur les critères de perturbation endocrinienne, sur l’annexe II, point 2.2, du règlement no 1107/2009, c’est-à-dire sur des considérations visant à « renforcer la confiance dans la décision », comme indiqué au considérant 16 du règlement d’exécution 2021/2049, et non sur l’article 14, paragraphe 1 bis, premier alinéa, du règlement d’exécution no 844/2012, de sorte qu’elle ne devait pas non plus informer le demandeur sur cette base.

269    Par conséquent, la première branche doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième branche, tirée du manque de données sur le potentiel de perturbation endocrinienne

270    La requérante rappelle que, dans la décision attaquée, la Commission a noté que, allant au-delà des critères provisoires établis au troisième alinéa du point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, l’EFSA avait reconnu, dans ses conclusions, que la cyperméthrine avait un mode d’action endocrinien, mais que son potentiel de perturbation endocrinienne ne pouvait être déterminé en raison d’un manque de données. Or, selon la requérante, face à un manque de données portant sur un critère d’exclusion, la Commission ne pouvait raisonnablement considérer qu’elle n’avait pas besoin d’informations supplémentaires pour conclure au respect de cette exigence. Le fait que la Commission considère que la condition relative à l’existence d’un effet nocif n’était « manifestement pas » remplie serait, à cet égard, incompréhensible.

271    La Commission conteste cette argumentation.

272    Tout d’abord, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel une substance active pour laquelle demeurent des lacunes dans les données concernant les critères de l’annexe II du règlement no 1107/2009 ne pourrait jamais être approuvée, il convient de le rejeter comme non fondé, au regard des considérations énoncées aux points 69 à 97 ci-dessus. Comme le fait valoir la Commission à juste titre, l’existence d’un manque de données n’indique pas nécessairement que les critères de l’article 4 du règlement no 1107/2009 ne sont pas remplis.

273    Ensuite, en ce qui concerne l’argument selon lequel le critère relatif aux perturbateurs endocriniens constituerait un critère d’exclusion, il convient de rappeler que, en l’espèce, la Commission a considéré que le critère indiqué au point 3.6.5, cinquième alinéa, de l’annexe II du règlement no 1107/2009 était satisfait, dès lors qu’il était peu probable que la substance active cyperméthrine soit un perturbateur endocrinien.

274    Enfin, quant à l’argument selon lequel il serait « incompréhensible » que la Commission ait considéré que la condition relative à l’existence d’un effet nocif n’était « manifestement pas » remplie, il convient d’observer que la Commission a motivé sa décision en tenant compte du fait qu’une activité de « médiation endocrinienne » avait effectivement été observée par l’EFSA dans ses conclusions, sans toutefois pouvoir constater la production d’effets indésirables. En effet, il ressort desdites conclusions que, « sur la base des études réglementaires et de la littérature disponibles, il a été reconnu que la cyperméthrine avait des effets à médiation endocrinienne mais que son potentiel de perturbation endocrinienne ne pouvait pas être déterminé (manque de données) ». Sur la base de ces considérations, la Commission a, dès lors, conclu que l’un des trois critères, qui devaient tous être remplis de manière cumulative selon le règlement 2018/605, à savoir celui relatif à l’effet nocif, n’était manifestement pas rempli, « car l’EFSA a indiqué qu’il n’y avait pas d’indication d’effets (concernant le sperme) qui pourraient être liés à une perturbation endocrinienne (ou une indication très faible, seulement à la dose la plus élevée) ».

275    À cet égard, à supposer même que la Commission ait considéré, à tort, que les critères indiqués au point 3.6.5, cinquième alinéa, de l’annexe II du règlement no 1107/2009 n’étaient « manifestement » pas remplis, au vu de l’absence de données constatée par l’EFSA dans ses conclusions, la requérante n’établit pas que la décision attaquée serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation à cet égard et que la Commission aurait dû considérer que ces critères étaient remplis en se fondant non seulement sur les conclusions de l’EFSA, mais aussi sur le projet de rapport de renouvellement établi par l’EMR.

276    À cet égard il convient de rappeler que le critère du point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 prévoit que la substance active n’est approuvée « que si » elle n’est pas considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens pouvant être néfastes pour l’homme. De tels effets n’ayant pas été constatés en l’espèce, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu estimer, au vu de la large marge d’appréciation dont elle disposait en tant que gestionnaire des risques, que l’approbation de la cyperméthrine pouvait être renouvelée, sous réserve de l’obligation, pour le demandeur, de donner des informations confirmatives dans un délai de deux ans.

277    Partant, la deuxième branche doit être rejetée.

c)      Sur la troisième branche, tirée de l’absence de prise en compte de l’étude Benaki

278    S’agissant de l’étude d’impact réalisée à la demande de la Commission par l’institut Benaki dans le cadre de l’élaboration des critères concernant les perturbateurs endocriniens (ci-après l’ « étude Benaki »), la décision attaquée se limiterait à rappeler que celle-ci contient une clause de non-responsabilité aux termes desquels cette étude ne préjuge pas du résultat de l’évaluation individuelle des substances actives aux fins du renouvellement de leur approbation. La requérante précise, à cet égard, qu’elle n’a jamais prétendu que cette étude permettait, à elle seule, de clore l’évaluation en concluant à l’existence de propriétés de perturbation endocrinienne de la cyperméthrine. Elle fait valoir, en revanche, que la Commission ne pouvait pas, sans méconnaître les principes de précaution, de haut niveau de protection de la santé humaine et de l’environnement ainsi que les exigences de l’article 4 du règlement no 1107/2009, faire comme si cette étude, qu’elle a elle-même commandée, n’existait pas et n’appelait aucune investigation complémentaire.

279    La Commission conteste cette argumentation.

280    Il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles l’étude Benaki n’a pas été considérée comme déterminante lors du processus de renouvellement (voir point 249 ci-dessus, quatrième et cinquième alinéas). Elle a notamment précisé, à cet égard, que le principal isomère de la cyperméthrine, à savoir l’alpha-cyperméthrine, n’avait pas été considéré comme perturbateur endocrinien par l’étude Benaki, quelle que soit l’option retenue. De plus, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, les critères concernant les perturbateurs endocriniens ont été à nouveau évalués et la Commission a conclu que ces critères n’étaient pas remplis (voir point 249, sixième alinéa). La Commission a néanmoins établi l’exigence de fournir des informations supplémentaires sur la base du point 2.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, en vue d’accroître la « confiance dans la décision ».

281    Partant, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait ignoré les résultats de l’étude Benaki doit être rejeté.

282    Par suite, la troisième branche doit également être rejetée.

d)      Sur la quatrième branche, tirée d’inquiétudes exprimées par des États membres

283    La requérante rappelle que, dans la décision attaquée, la Commission a fait observer qu’aucun État membre n’avait jamais exprimé d’inquiétude quant au fait que la cyperméthrine était un perturbateur endocrinien au stade des discussions au sein du comité permanent. Elle estime que cette affirmation est sans pertinence et est contredite par le fait que certains États membres ont bel et bien manifesté des réserves ou des inquiétudes quant aux propriétés de perturbation endocrinienne de la cyperméthrine dans le processus de réévaluation, y compris au stade de l’évaluation par les pairs (ayant précédé les conclusions de l’EFSA) dans le cadre de laquelle des experts dans le domaine de la perturbation endocrinienne ont été consultés. En amont de ces réunions, la République française aurait ainsi fait observer que les études réglementaires concluant à une perturbation endocrinienne marginale n’incluaient pas de paramètres suffisamment sensibles et ne testaient pas le niveau d’hormone. Les conclusions du groupe d’experts seraient venues donner raison à ces commentaires préliminaires en soulignant que « le potentiel de perturbation endocrinienne de la cyperméthrine ne peut être déterminé » et qu’« [i]l a été confirmé qu’un test de puberté masculine GLP (incluant le dosage d’hormones) devrait être réalisé afin d’évaluer plus précisément le potentiel de perturbation endocrinienne de la cyperméthrine ».

284    La Commission conteste cette argumentation.

285    Il convient de relever que la requérante se réfère, d’une part, à des commentaires formulés lors de l’examen par les pairs ayant précédé les conclusions de l’EFSA et, d’autre part, aux conclusions du groupe d’experts. Or, par ces arguments, la requérante ne remet pas en cause le constat, figurant dans la décision attaquée, selon lequel « au cours des discussions tenues au sein du comité permanent, aucun État membre n’a jamais exprimé d’inquiétude quant au fait que la cyperméthrine puisse être un perturbateur endocrinien potentiel ». Ces arguments, de nature contextuelle, doivent dès lors être rejetés comme inopérants, dans la mesure où, à les supposer fondés, ils ne permettent d’identifier aucune erreur de droit ni aucune erreur manifeste d’appréciation qui aurait été commise par la Commission dans la décision attaquée, ce d’autant plus que la conclusion de la Commission selon laquelle « il est peu probable que la cyperméthrine soit un perturbateur endocrinien » ne repose pas sur ce seul constat.

286    La quatrième branche doit, dès lors, être rejetée.

e)      Sur la cinquième branche, tirée de l’existence d’un doute significatif sur les propriétés de perturbation endocrinienne

287    La requérante rappelle qu’il ressort de la décision attaquée que la Commission a tout de même exigé du demandeur qu’il fournisse des « informations confirmatives » dans un délai de deux ans. Outre que ce recours systématique aux informations confirmatives serait problématique, la requérante constate que la Commission a cru nécessaire de demander de telles informations alors même qu’elle soutient qu’au moins l’un des critères de propriété endocrinienne n’est « manifestement » pas rempli. La demande de telles informations démontrerait qu’un doute significatif subsiste à ce sujet, qui, en vertu du principe de précaution, aurait dû conduire la Commission à ne pas renouveler l’approbation.

288    La Commission conteste cet argument.

289    Il convient tout d’abord de rappeler que, en vertu de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 :

« L’approbation peut être subordonnée à des conditions et restrictions telles que :

[…]

f)      La communication d’informations confirmatives supplémentaires aux États membres, à la Commission et à l’[EFSA], lorsque de nouvelles prescriptions sont établies durant le processus d’évaluation ou sur la base de nouvelles connaissances scientifiques et techniques ; »

290    Le point 2.2. de l’annexe II du règlement no 1107/2009 prévoit, par ailleurs, ce qui suit :

« En principe, l’approbation d’une substance active […] est subordonnée au dépôt d’un dossier complet.

Dans certains cas exceptionnels, l’approbation de la substance active […] peut être accordée bien que certaines informations n’aient pas encore été communiquées. Cette disposition s’applique :

a)      lorsque les exigences relatives aux données visées ont été modifiées ou précisées après le dépôt du dossier, ou

b)      lorsque ces informations sont considérées comme étant de nature confirmative et comme requises pour accroître la confiance dans la décision. »

291    Partant, il ressort de ces dispositions que des informations confirmatives ne sont demandées que lorsque le résultat de l’évaluation des risques permet de fonder la décision d’approbation de la substance.

292    Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée (voir point 249, sixième alinéa, ci-dessus), la Commission a conclu, en sa qualité de gestionnaire des risques, à partir des informations figurant dans le projet de rapport d’évaluation du renouvellement élaboré par l’EMR et dans les conclusions de l’EFSA, qu’il était peu probable que la cyperméthrine soit un perturbateur endocrinien, même en appliquant les nouveaux critères introduits par le règlement 2018/605.

293    Le seul fait qu’elle ait estimé utile de demander des données confirmatives au demandeur, en vue d’accroître la confiance dans sa décision, comme prévu au point 2.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, ne saurait constituer une indication suffisante du fait que la Commission aurait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d’appréciation en adoptant le règlement d’exécution 2021/2049 et la décision attaquée.

294    En effet, il convient de rappeler, à cet égard, que, lorsqu’elle agit en tant que gestionnaire des risques, la Commission dispose d’une large marge d’appréciation et qu’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de la Commission (voir jurisprudence citée aux points 52 à 56 ci-dessus). Le fait que la requérante soit en désaccord avec cette gestion des risques ou que celle-ci aurait peut-être pu être effectuée différemment par la Commission ne suffit pas pour conclure que la décision attaquée est illégale.

295    Il convient, par conséquent, de rejeter la cinquième branche.

f)      Sur la sixième branche, tirée de l’absence de prise en compte de la littérature scientifique indépendante

296    La requérante rappelle que, dans la décision attaquée, la Commission a relevé, en substance, que, en prévoyant des valeurs toxicologiques et des mesures de réduction des risques plus sévères et en classant la cyperméthrine comme substance candidate à la substitution, le renouvellement de l’approbation constituerait déjà une amélioration par rapport à la situation antérieure. Or, à supposer même que de telles mesures, y compris l’évaluation comparative prévue à l’article 50 du règlement no 1107/2009, soient mises en œuvre par les États membres, la requérante ne voit pas en quoi l’« amélioration » qu’elles apporteraient serait de nature à justifier l’approbation d’une substance active qui, au regard de la littérature scientifique indépendante, ne remplit pas un critère d’exclusion du règlement no 1107/2009.

297    Il convient de relever, cependant, que l’argument de la requérante se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle la substance active cyperméthrine devait être considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens, en vertu du critère visé au point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009. Or, ainsi que cela a déjà été relevé au point 101 ci-dessus, il ne ressort d’aucun élément du dossier que tel serait le cas, ni qu’un quelconque critère d’approbation du règlement no 1107/2009 aurait été méconnu par la Commission en l’espèce.

298    Partant, cet argument doit être rejeté comme non fondé.

299    En outre, la requérante critique le fait que, s’agissant de la littérature indépendante mentionnée dans sa demande de réexamen interne, la Commission renverrait, dans la décision attaquée, au rapport technique préparé par l’EFSA en vue d’assister la Commission dans la réponse à ladite demande. Rédigé par l’EFSA en collaboration avec l’EMR, ce rapport technique revient sur les quatre études citées par la requérante. Concernant les deux premières, à savoir « Jin 2011 » et « Marettova 2017 », le rapport technique indique qu’elles ont bel et bien été évaluées. Quant aux deux dernières, à savoir « Singh 2020 » et « Wang 2021 », le rapport technique indique qu’elles sont trop récentes pour avoir été évaluées. Le rapport technique contient toutefois des évaluations sommaires de ces deux études, réalisées par l’EMR et par l’EFSA, qui concluent tous deux que ces études ne changent pas leurs conclusions.

300    La requérante fait néanmoins valoir que ce rapport technique serait problématique, tant sur le contenu des affirmations qui s’y trouvent que sur la méthodologie qui le sous-tend.

301    À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur la validité des évaluations scientifiques de l’EFSA ou sur le bien-fondé de la méthodologie qui sous-tend ces évaluations, dans le cadre d’un recours, comme en l’espèce, qui est dirigé contre la décision par laquelle la Commission a rejeté la demande de réexamen interne du requérant. En effet, sous réserve d’un examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de l’acte, dans un tel cadre (voir jurisprudence citée au point 54 ci-dessus). A fortiori, il n’appartient pas au Tribunal de remettre en cause la validité ou la crédibilité des évaluations scientifiques dont la Commission doit tenir compte lorsqu’elle adopte une telle décision, sous réserve du respect des principes rappelés aux points 55 et 56 ci-dessus.

302    En outre, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la procédure de réexamen interne visée par l’article 10 du règlement no 1367/2006 est si intimement liée dans le temps à la procédure d’autorisation qu’elle ne peut avoir pour objet de tenir compte de nouvelles connaissances scientifiques et techniques et des données de contrôle. La procédure de réexamen interne vise plutôt à établir si des éléments ont pu être négligés au cours de la procédure d’autorisation (conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2018:837, point 32).

303    En l’espèce, après avoir été consultée dans le cadre de la vérification par la Commission de certains aspects techniques lors de l’instruction de la demande de réexamen interne, l’EFSA a confirmé, dans le rapport technique, le bien-fondé de la décision prise. Or, il ressort clairement dudit rapport qu’aucune des études mentionnées par la requérante dans sa demande de réexamen interne n’a été négligée.

304    Quant à l’argument de la requérante selon lequel l’importance de ces études indépendantes publiées aurait été systématiquement minorée par rapport aux études réalisées pour le compte du demandeur de l’autorisation, il sera examiné dans le cadre du cinquième grief ci-après.

305    Il s’ensuit que la sixième branche doit également être rejetée, tout comme le deuxième grief dans son ensemble.

3.      Sur le troisième grief, tiré de l’absence de prise en compte des autres manques de données identifiés par l’EFSA 

306    D’une part, la requérante fait valoir que certains manques de données étaient immédiatement perceptibles et auraient dû être identifiés par l’EMR dès le stade de la recevabilité. Ce serait en particulier le cas pour les impuretés dans la formulation représentative, pour le profil toxicologique du métabolite contenant le groupe 3-phénoxybenzoyle et pour la toxicité relative des différents isomères. L’arrêt du 9 décembre 2021, Agrochem-Maks/Commission (C‑374/20 P, non publié, EU:C:2021:990), cité par la Commission dans la décision attaquée, ne dédouanerait pas l’EMR d’un tel devoir de vigilance. Il indiquerait simplement que cet examen préalable ne permet pas de garantir au demandeur que des manques de données supplémentaires ne seront pas identifiés par la suite.

307    D’autre part, les manques de données identifiés par l’EFSA dans son avis seraient non seulement très nombreux, mais ils concerneraient, en outre, des aspects cruciaux et souvent spécifiquement réglementés (abeilles, résidus, perturbation endocrinienne). Ils établiraient donc une incertitude scientifique sur des éléments essentiels, incertitude qui déclencherait l’application du principe de précaution. La Commission ne pourrait pas se retrancher derrière son rôle de gestionnaire des risques pour écarter ces incertitudes sans motivation spécifique. Du reste, selon la Cour, dans l’hypothèse où les autorités compétentes parviendraient à la conclusion que, au regard de l’ensemble des éléments dont elles disposent, le demandeur n’a pas établi à suffisance que les conditions auxquelles est subordonnée l’approbation ou l’autorisation demandée sont satisfaites, elles sont tenues de conclure au rejet de la demande, sans qu’il soit nécessaire, afin de parvenir à une telle conclusion, de procéder à une contre-expertise (arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 95). De la même manière, saisie par la requérante, le Médiateur européen aurait considéré dans une décision de février 2016 que l’approbation ou le renouvellement de l’approbation d’une substance active en présence de manques de données était « particulièrement préoccupante », « illégale et contraire au principe de bonne administration ».

308    La Commission conteste ces arguments.

309    À cet égard, il convient de rappeler que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’existence d’un manque de données n’indique pas nécessairement que les critères de l’article 4 du règlement no 1107/2009 ne sont pas satisfaits (voir points 69 à 97 ci-dessus). Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a pu considérer, dans la décision attaquée, que « les manques de données en tant que tels ne conduisent pas nécessairement à la non-approbation (ou au non-renouvellement de l’approbation) d’une substance active » et que « [l]’objet, l’étendue et l’importance des manques de données sont évalués par le gestionnaire des risques à la lumière des conclusions générales des évaluateurs des risques, qui se prononcent en fin de compte sur la question de savoir si l’existence de tels manques met en cause les conclusions relatives à une éventuelle utilisation représentative sûre conformément à l’article 4 du [règlement no 1107/2009], en tenant compte également du rôle des États membres dans l’autorisation des produits ».

310    Par ailleurs, ainsi que l’a observé la Commission dans la décision attaquée, l’argument de la requérante semble procéder d’une confusion entre le caractère complet d’un point de vue factuel d’un dossier soumis à l’EMR en vertu du règlement no 283/2013, d’une part, et les possibles manques de données susceptibles d’être constatés au cours de l’évaluation des risques, d’autre part. Or, compte tenu de la différence entre ces deux aspects, qui concernent, respectivement, une vérification du dossier faite par l’État membre dans le contexte de la recevabilité d’une demande et une évaluation des risques faite par l’EFSA, un manque de données relevé par l’EFSA peut être constaté même en présence d’un dossier soumis de manière complète à l’EMR. En d’autres termes, les manques de données que l’EFSA peut relever concernent son évaluation des risques et non la question de savoir si un dossier est complet.

311    Le point 76 de l’arrêt du 9 décembre 2021, Agrochem-Maks/Commission (C‑374/20 P, non publié, EU:C:2021:990), cité par la Commission dans la décision attaquée, ne contredit en rien cette conclusion. Au dit point, la Cour a en effet considéré qu’une fois que l’EMR a admis la recevabilité de la demande de renouvellement d’une substance active, au sens des articles 7 et 8 du règlement d’exécution no 844/2012, l’EFSA est en droit de remettre en cause le caractère complet des informations communiquées par le demandeur au stade de l’examen au fond de sa demande de renouvellement. Toute autre interprétation méconnaîtrait les dispositions du règlement no 1107/2009 et du règlement d’exécution no 844/2012.

312    En l’espèce, force est de constater que la requérante n’indique pas en quoi les « nombreux manques de données » auxquels elle se réfère auraient nécessairement dû amener la Commission à constater que les critères de l’article 4 du règlement no 1107/2009 n’étaient pas satisfaits et à refuser le renouvellement de la cyperméthrine.

313    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une mesure préventive ne saurait valablement être motivée par une approche purement hypothétique du risque, fondée sur de simples suppositions scientifiquement non encore vérifiées. Par ailleurs, les institutions chargées de la détermination du niveau de risque jugé inacceptable pour la société ne peuvent orienter leurs décisions à un niveau de « risque zéro » (voir jurisprudence citée aux points 80 et 84 ci-dessus).

314    Partant, le fait qu’il y ait de « nombreux manques de données » ne permet pas de conclure, de manière systématique, que les critères de l’article 4 du règlement no 1107/2009 ne sont pas remplis. En effet, comme le fait valoir la Commission, son rôle de gestionnaire des risques lui permet de prendre des décisions au cas par cas, en considérant notamment le principe de précaution, sur la question de savoir si les critères d’approbation sont susceptibles d’être remplis pour une substance dans des usages spécifiques, sans préjudice d’éventuels manques de données.

315    En ce qui concerne plus particulièrement l’argumentation tirée de la décision du Médiateur européen de février 2016, il suffit de constater que la procédure devant le Médiateur est une autre voie extrajudiciaire possible pour les citoyens de l’Union que celle du recours devant le juge de l’Union, qui répond à des critères spécifiques et n’a pas nécessairement le même objectif que celui d’un recours en justice (voir point 328 ci-dessous).

316    Au vu de ce qui précède, le troisième grief doit être rejeté comme non fondé.

4.      Sur le quatrième grief, tiré de la formulation abusive de demandes confirmatives 

317    La requérante rappelle que, selon l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009, des demandes confirmatives ne sont possibles que « lorsque de nouvelles prescriptions sont établies durant le processus d’évaluation ou sur la base de nouvelles connaissances scientifiques et techniques ». Le point 2.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 préciserait que ces demandes d’informations confirmatives correspondent à des « cas exceptionnels », ce qui ne serait pas le cas pour au moins trois des quatre demandes confirmatives adressées au demandeur.

318    Elle observe, par ailleurs, que ce problème n’est pas neuf et que, dans sa décision de février 2016, le Médiateur avait déjà noté que le recours à de telles informations confirmatives était, dans l’esprit du législateur, réservé aux « cas exceptionnels dans lesquels le risque que l’évaluation soit modifiée est mineur ». Le Médiateur avait également fait état de ses doutes sur le fait que l’utilisation massive de telles demandes par la Commission, comme substitut à un refus d’approbation ou un renouvellement d’approbation, était conforme au principe de précaution et aux exigences du règlement no 1107/2009 et avait exprimé sa confiance dans le fait que la Commission ferait désormais de ces demandes un usage plus restreint et précautionneux. Le renouvellement de l’approbation, combiné à d’autres données, semblerait suggérer que cette confiance était peut-être mal placée.

319    S’agissant de la première demande d’information confirmative, qui concerne le profil toxicologique du métabolite contenant le groupe 3-phénoxybenzoyle, il ressortirait clairement du point 1.3 de l’annexe du règlement no 283/2013 que le demandeur doit fournir « toute information sur les effets potentiellement nocifs de la substance active, de ses métabolites et de ses impuretés sur la santé humaine ou animale ou sur les eaux souterraines ». L’absence de cette information aurait donc dû apparaître lors de l’évaluation préliminaire du dossier par l’EMR et celui-ci aurait dû être refusé.

320    En outre, la requérante fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission n’explique pas en quoi cette demande serait liée à « de nouvelles prescriptions » ou « de nouvelles connaissances scientifiques et techniques ». La Commission se serait bornée à observer que :

–        « le point 1.3 de l’annexe ne ferait qu’exprimer un “principe général” » ; selon la requérante, il ressort, au contraire, clairement de cette disposition que le demandeur doit fournir toute information sur les effets potentiellement nocifs des métabolites de la substance active, ce qui implique nécessairement leur profil toxicologique ;

–        « l’EFSA a confirmé que le demandeur avait effectivement fourni les données sur les métabolites qui permettait de tirer des conclusions sur la toxicité » ; la requérante note, au contraire, que le rapport final indique, à propos des métabolites, que l’EFSA « n’a pas pu finaliser l’évaluation des risques ». Cette demande serait à mettre en lien avec une évaluation en cours dans un autre dossier, concernant la toxicité du groupe de métabolites comportant le fragment 3-phénoxybenzoyle. La requérante observe que, dans le rapport final, il est précisé que cette évaluation porte notamment sur le potentiel génotoxique de certains de ces métabolites ; l’absence de génotoxicité étant un critère d’exclusion, toute incertitude à ce propos aurait dû conduire à un refus de renouvellement de l’approbation.

321    La deuxième demande d’information confirmative concerne la toxicité relative des différents isomères de la cyperméthrine, et en particulier de l’énantiomère. Or, le point 1.9 de la partie A de l’annexe du règlement no 283/2013 indiquerait clairement que « si la substance active est un mélange d’isomères, il convient d’indiquer le ratio ou la plage de ratios des teneurs en isomères » et que « [l]’activité biologique relative de chaque isomère, tant du point de vue de l’efficacité que de la toxicité, doit être mentionnée ».

322    Dans la décision attaquée, la Commission objecte que :

–        « des informations ont été fournies » ; ceci contredirait pourtant pleinement l’affirmation de l’EFSA dans son avis selon laquelle aucune étude toxicologique spécifique n’a été fournie pour les différents isomères afin de permettre une conclusion concernant leur toxicité relative.

–        cette demande serait liée à la publication, en 2019, d’un document de guidance de l’EFSA traitant de l’évaluation de substances actives comportant des stéréoisomères ; la requérante observe que ce document de guidance ne contient aucune « nouvelle prescription », mais se présente comme une simple aide pour remplir les exigences du règlement no 283/2013, de sorte qu’il peut difficilement être considéré comme une « nouvelle connaissance scientifique ou technique », dès lors qu’il n’est pas fondé sur des découvertes récentes particulières à propos des isomères.

323    La dernière demande confirmative concerne la propriété de perturbation endocrinienne. Selon la requérante, les informations demandées feraient partie des exigences en matière de données depuis 2018, de sorte que ces données auraient pu être demandées dès cette époque. En tout état de cause, la requérante rappelle que la perturbation endocrinienne constitue un critère d’exclusion qui, comme expliqué ci-dessus, a donné lieu à des conclusions inquiétantes dans la littérature scientifique indépendante. La Commission ne pouvait donc pas simplement demander à son propos des informations « confirmatives » tout en réapprouvant la substance. Elle renouerait ici manifestement avec les pratiques dénoncées par le Médiateur dans sa décision précitée. De même, la Cour aurait rappelé dans l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800, point 92), que, au cas où les autorités considèrent que les renseignements fournis par le demandeur sont insuffisants pour conclure à l’absence d’effet nocif, il leur incombe « de solliciter, en application de l’article 11, paragraphe 3, de l’article 12, paragraphe 3, et de l’article 37, paragraphe 1, dudit règlement, la fourniture d’informations supplémentaires par le demandeur ». Le règlement no 1107/2009 prévoirait ainsi la possibilité, tant pour l’EMR que pour l’EFSA, de demander des informations supplémentaires en amont de la décision finale.

324    La Commission conteste ces arguments.

325    Il convient de rappeler que, dans sa demande de réexamen interne, la requérante faisait essentiellement valoir que les demandes confirmatives visées à l’annexe I du règlement d’exécution 2021/2049 étaient contraires à l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 (voir point 289 ci-dessus). Dans le cadre du présent recours, elle fait valoir, en outre, que la Commission n’a pas clairement expliqué, dans la décision attaquée, en quoi les prescriptions de cette disposition avaient été respectées.

326    Il convient donc d’examiner si chacune des demandes confirmatives respectent les prescriptions de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 et si les réponses données par la Commission aux arguments de la requérante dans la décision attaquée respectent les règles de procédure applicables et ne sont entachées d’aucune erreur manifeste d’appréciation ni d’aucun défaut de motivation (voir jurisprudence citée aux points 53 à 56 ci-dessus).

327    À titre liminaire, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, dans la mesure où la requérante se réfère à certaines recommandations du Médiateur, ces arguments sont inopérants, dans la mesure où, comme le reconnaît la requérante, il s’agit d’éléments purement contextuels, qui ont trait, par ailleurs, à des cas d’approbation et à des procédures différentes de celle qui est en cause en l’espèce.

328    En outre, il convient de rappeler que les conclusions du Médiateur constatant l’existence d’un « acte de mauvaise administration » ne lient pas le juge de l’Union et ne peuvent constituer qu’un simple indice de la violation, par l’institution concernée, du principe de bonne administration. En effet, la procédure devant le Médiateur, lequel n’a pas le pouvoir de prendre des décisions contraignantes, est une autre voie extrajudiciaire possible pour les citoyens de l’Union que celle du recours devant le juge de l’Union, qui répond à des critères spécifiques et n’a pas nécessairement le même objectif que celui d’un recours en justice (arrêt du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission, C‑167/06 P, non publié, EU:C:2007:633, point 44). A fortiori, des interprétations du droit de l’Union effectuées par le Médiateur ne sauraient être de nature à lier le juge de l’Union (arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission, T‑691/14, sous pourvoi, EU:T:2018:922, point 130).

a)      Sur la première demande d’informations confirmatives

329    S’agissant de la première demande d’informations confirmatives, le point 1.3 de la section 1 de l’annexe au règlement no 283/2013 se lit comme suit :

« Toute information, y compris toute donnée connue, sur les effets potentiellement inacceptables de la substance active, de ses métabolites et de ses impuretés sur l’environnement, les végétaux et les produits végétaux doit être incluse. »

330    Ainsi, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, en vertu de cette disposition, un demandeur doit soumettre toutes les informations dont il dispose sur les effets potentiellement inacceptables de la substance active ou de ses métabolites sur l’environnement, mais non toutes les informations qui pourraient éventuellement exister.

331    En outre, par son argumentation, la requérante semble confondre à nouveau le non-respect des exigences en matière de données lors de la transmission d’un dossier à l’EMR avec des questions susceptibles de résulter de l’évaluation des risques. En effet, le point 1.3 de la section 1 de l’annexe du règlement no 283/2013, invoquée par la requérante dans la requête, porte sur l’examen de la recevabilité d’une demande et non sur la seconde étape, au cours de laquelle l’EFSA prend en considération la qualité des données pour établir si les critères d’approbation sont remplis. Cette distinction résulte des articles 7 et 8 du règlement d’exécution no 844/2012 en ce qui concerne l’examen de la recevabilité de la demande, et des articles 11 à 14 du règlement d’exécution no 844/2012 en ce qui concerne l’évaluation de la demande. Par ailleurs, l’article 1er du règlement no 283/2013 précise que les exigences en matière de données applicables aux substances actives qui sont énoncées à l’annexe de ce règlement sont celles visées à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1107/2009.

332    Or, comme la Cour l’a rappelé dans son arrêt du 9 décembre 2021, Agrochem-Maks/Commission (C‑374/20 P, non publié, EU:C:2021:990, point 71), le fait que le dossier contienne formellement tous les éléments exigés pour que l’[EMR] puisse déclarer ladite demande recevable ne préjuge pas, à lui seul, de la qualité desdits éléments d’un point de vue scientifique, qualité qui sera examinée sur la base d’une étude approfondie et qui pourrait même faire l’objet de divergences entre cet État membre et l’EFSA.

333    En l’espèce, il convient de relever que l’EFSA a confirmé, dans ses conclusions, que l’EMR avait vérifié que le dossier était complet et qu’il avait informé les demandeurs, l’État membre co-rapporteur et l’EFSA de sa recevabilité.

334    En outre, la Commission a expliqué, dans la décision attaquée, que la question de la toxicité des métabolites « était en cours dans un contexte différent », c’est-à-dire en raison des évaluations d’un autre dossier. Elle a précisé, par ailleurs, que cette approche était détaillée dans le rapport de renouvellement et que, « en adoptant une approche prudente » le demandeur avait été invité à transmettre des données confirmatives à ce sujet, dans un court laps de temps. Il est précisé, en outre, que la Commission « a chargé l’EFSA de réaliser une évaluation commune qui tienne compte de toutes les données de toxicité disponibles concernant toutes les substances actives pyréthroïdes, afin de garantir une évaluation harmonisée et permettre la réalisation d’une évaluation de risques pour le consommateur ».

335    Il s’ensuit, comme le fait valoir la Commission, que de nouvelles connaissances scientifiques et techniques, quoique provenant d’un dossier différent, ont été constatées aux termes de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009, permettant le recours à une demande d’informations confirmatives.

336    Or, force est de constater que la requérante ne conteste pas ces explications, mais limite sa critique à des remarques générales sur le fait que la génotoxicité, qui est réglementée au point 3.6.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, constituerait un critère d’exclusion, de sorte que toute incertitude à ce propos aurait dû conduire à un refus de renouvellement de l’approbation. La requérante rappelle, à cet égard, que, selon la définition donnée par l’EFSA, une question qui n’a pu être finalisée porte sur un aspect qui empêche de conclure au respect des critères établis à l’article 4 du règlement no 1107/2009. Or, l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009 subordonnerait l’approbation d’un substance active à la condition que ses résidus lesquels incluent les métabolites, en vertu de l’article 3, point 1, du règlement no 1107/2009, n’aient pas d’effet nocif sur la santé des êtres humains ou d’effet inacceptable sur l’environnement. En outre, il ressortirait du point 3.3 de l’annexe II au règlement no 1107/2009 que, « le cas échéant, la documentation soumise [par le demandeur] doit permettre d’établir l’importance des métabolites du point de vue toxicologique, écotoxicologique ou environnemental ».

337    Il convient de constater, toutefois, que de tels arguments sont irrecevables, dans la mesure où ils ne présentent pas de lien suffisamment étroit avec celui formulé par la requérante dans sa demande de réexamen interne, qui portait uniquement sur le respect de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009 (voir jurisprudence citée au point 46 ci-dessus).

338    En tout état de cause, il convient de rejeter ces arguments comme étant non fondés, dans la mesure où, en l’espèce, il ne ressort d’aucun élément du dossier que la substance active cyperméthrine ou ses métabolites ont été considérés comme étant génotoxiques, au sens du point 3.6.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, ou que les critères d’approbation fixés à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1107/2009 n’étaient pas remplis.

339    Enfin, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le constat, par l’EFSA, d’une « question qui n’a pas pu être finalisée » ne signifie pas nécessairement que les critères de l’article 4 du règlement no 1107/2009 ne seraient pas remplis. Comme le rappelle l’EFSA dans ses conclusions, cela signifie uniquement que les informations disponibles sont insuffisantes pour parvenir à une conclusion sur la question de savoir si une substance active est susceptible de remplir les critères d’approbation prévus à l’article 4 du règlement no 1107/2009. Dès lors, sauf à priver la Commission de toute marge d’appréciation en tant que gestionnaire des risques et à lui imposer une exigence généralisée de risque zéro, un tel constat ne saurait valablement empêcher la Commission de recourir à une demande d’informations confirmatives, comme en l’espèce.

340    Partant, les arguments de la requérante portant sur la première demande d’informations confirmatives doivent être rejetés.

b)      Sur la deuxième demande d’informations confirmatives

341    S’agissant de la deuxième demande d’informations confirmatives, concernant les isomères, la Commission a précisé, dans la décision attaquée, que « contrairement à l’avis exprimé par le demandeur, des informations ont été fournies et jugées suffisantes par l’EMR pour effectuer l’évaluation des risques », que, « [t]outefois, des observations ont été formulées au cours de l’examen par les pairs et, par conséquent, l’EFSA a finalement conclu à l’existence d’un manque de données », que, « [a]u moment de la soumission du dossier, il n’y avait pas de lignes directrices sur la manière d’évaluer et de prendre en considération les isomères, mais des lignes directrices étaient en cours d’élaboration », que, « [e]ntre-temps, de telles lignes directrices ont été élaborées » et que, « [p]ar conséquent, la Commission estime que la question peut être classée comme un domaine dans lequel de nouvelles connaissances scientifiques et techniques sont devenues disponibles, et qu’elle relève donc clairement du mandat défini à l’article 6, point f), du [règlement no 1107/2009]. »

342    Premièrement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, en considérant que les nouvelles lignes directrices citées par la Commission dans la décision attaquée pouvaient être regardées comme une « nouvelle connaissance scientifique ou technique » au sens de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009, la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation ni méconnu les règles de procédure applicables.

343    Deuxièmement, la requérante conteste que « des informations ont été fournies ». À cet égard, s’il est vrai que l’EFSA a considéré, dans ses conclusions, qu’aucune étude toxicologique spécifique n’a été fournie pour les différents isomères afin de permettre d’arriver à une conclusion concernant leur toxicité relative, un tel constat ne contredit en rien la position contenue dans la décision attaquée, selon laquelle le dossier avait bien été transmis de manière complète, comme l’EMR l’a aussi confirmé, en considérant le dossier recevable.

344    Ainsi, l’argument de la requérante procède à nouveau d’une confusion entre les stades de l’examen de la recevabilité du dossier et celui de l’évaluation des risques (voir points 331 et 332 ci-dessus). En effet, alors que la décision attaquée mentionne que des informations suffisantes ont été fournies, sous l’angle de l’examen de la recevabilité du dossier par l’EMR, la citation des conclusions de l’EFSA à laquelle la requérante se réfère se rapporte uniquement aux données examinées au stade de l’évaluation des risques.

345    S’agissant de l’argument de la requérante, présenté au stade de la réplique, selon lequel le demandeur n’aurait pas mentionné l’activité biologique de chaque isomère, tant du point de vue de l’efficacité que de la toxicité, comme le préconiserait le point 1.9 de la partie A de l’annexe du règlement no 283/2013, il convient de le rejeter comme irrecevable, pour les mêmes raisons que celles exposées au point 337 ci-dessus.

346    En tout état de cause, comme le fait valoir la Commission et ainsi qu’il ressort de la décision attaquée (voir point 341 ci-dessus), les isomères ont bien été pris en considération, mais l’EFSA a conclu que des informations plus spécifiques étaient nécessaires et a établi une lacune dans les données.

347    En outre, la requérante ne saurait valablement faire valoir que, selon le point 2.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, des données confirmatives ne sont demandées qu’à titre exceptionnel lorsque le dossier soumis par le demandeur n’est pas complet. En effet, alors que le point 2.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 prévoit la possibilité de demander des informations confirmatives, même si le dossier n’est pas complet, « pour accroître la confiance dans la décision » (voir point 290 ci-dessus), l’article 6, sous f), dudit règlement prévoit d’autres conditions dans lesquelles des informations confirmatives peuvent être demandées, y compris « sur la base de nouvelles connaissances scientifiques et techniques ».

348    Par conséquent, les arguments de la requérante portant sur la deuxième demande d’informations confirmatives doivent également être rejetés.

c)      Sur la troisième demande d’informations confirmatives

349    S’agissant de la troisième demande confirmative, qui porte sur le respect des nouveaux critères de perturbation endocrinienne, introduits par le règlement 2018/605, la requérante a fait valoir, en substance, deux arguments distincts dans sa demande de réexamen interne. Premièrement, elle a fait valoir que cette demande d’informations confirmatives aurait dû être envoyée au demandeur dès 2018, ce qui aurait permis d’éviter un manque de données pour statuer sur un critère d’exclusion aussi important. Deuxièmement, la requérante a fait valoir qu’elle s’opposait à une telle demande vague de la part de la Commission qui ne pourrait mener qu’à des délais supplémentaires et de nouveaux manques de données. Selon elle, le demandeur ne saurait actualiser des informations déjà soumises, mais devrait se conformer aux nouvelles exigences réglementaires, mener de nouveaux tests réglementaires et fournir les données manquantes à la Commission.

350    La Commission a répondu à ces allégations dans la décision attaquée de la manière suivante :

« Ce point est intimement lié à la question examinée en détail à la section 2 [de la décision attaquée], qui explique pourquoi la Commission a adopté cette approche. Pour ce qui est de la formulation prétendument vague de l’exigence d’informations confirmatives […] la Commission ne partage pas l’avis du demandeur. Le libellé des annexes du règlement de la Commission renvoie clairement aux points 3.6.5 et 3.8.2 de l’annexe II du [règlement no 1107/2009], tel que modifié par le règlement (UE) 2018/605, qui clarifie de manière claire la portée des informations à fournir. Les informations doivent être telles qu’elles permettent d’évaluer si les critères définis par ces points sont respectés. En outre, depuis 2018, des lignes directrices spécifiques […], élaborées conjointement par l’EFSA et l’ECHA, sur la manière de procéder à l’évaluation visant à déterminer les propriétés perturbant le système endocrinien sont disponibles, qui fournissent des indications claires aux demandeurs. »

351    Dans le cadre du présent recours, la requérante réitère, en substance, le premier argument énoncé dans sa demande de réexamen interne. Elle ajoute, à cet égard, une référence au point 92 de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), dont il ressortirait que, au cas où les autorités considèrent que les renseignement fournis sont insuffisants pour conclure à l’absence d’effet nocif, il leur incombe de solliciter des informations supplémentaires au demandeur, en amont de la décision finale.

352    À cet égard, il convient de rappeler que, en l’espèce, l’EFSA a considéré, dans ses conclusions, que, « sur la base des études réglementaires et de la littérature disponibles, il a été reconnu que la cyperméthrine avait des effets à médiation endocrinienne mais que son potentiel de perturbation endocrinienne ne pouvait pas être déterminé (manque de données) ».

353    Ainsi qu’il ressort de la décision attaquée (voir point 249, sixième alinéa, ci-dessus), la Commission a conclu, cependant, en sa qualité de gestionnaire des risques, à partir des informations figurant dans le projet de rapport d’évaluation du renouvellement élaboré par l’EMR et dans les conclusions de l’EFSA, qu’il était peu probable que la cyperméthrine soit un perturbateur endocrinien, même en appliquant les nouveaux critères introduits par le règlement 2018/605. Néanmoins, « pour accroître la confiance dans sa décision », comme prévu au point 2.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, la Commission a fixé « l’obligation de fournir des données confirmatives dans un délai de deux ans, conformément aux critères actuels de détermination des propriétés perturbant le système endocrinien et en utilisant les orientations correspondantes ».

354    Comme le fait valoir la Commission, la requérante s’appuie sur des considérations générales, qui ne sont pas susceptibles de remettre en cause les explications contenues dans la décision attaquée.

355    S’agissant, en particulier, de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), cité par la requérante, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le point 92 de cet arrêt ne saurait être isolé de son contexte, qui concernait la fiabilité des essais, études et analyses pris en compte pour l’autorisation d’un PPP.

356    La Cour a ainsi considéré, aux points 90 à 92 de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), que le point 1.2 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 exige que l’évaluation d’une substance active par l’Autorité et par l’[EMR] soit fondée sur des principes scientifiques et sur les recommandations d’experts. Il en résulte, d’une part, que, en vue de s’assurer que l’absence d’effet nocif d’un produit phytopharmaceutique, imposée à l’article 4, paragraphe 3, sous b), et à l’article 29, paragraphe 1, sous e), de ce règlement, est établie par le demandeur, les autorités compétentes ne sauraient se fonder sur des essais, des analyses et des études pour lesquels celui-ci n’aurait pas fourni d’éléments démontrant qu’ils ont été réalisés par une institution fiable sur la base de méthodes conformes aux principes scientifiques admis. Si lesdites autorités considèrent que les éléments fournis à cet égard par le demandeur sont insuffisants, il leur incombe de solliciter, en application de l’article 11, paragraphe 3, de l’article 12, paragraphe 3, et de l’article 37, paragraphe 1, dudit règlement, la fourniture d’informations supplémentaires par le demandeur.

357    Ainsi, le point 92 de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), ne concerne que les situations dans lesquelles l’autorité « considère que les informations sont insuffisantes » pour conclure à l’absence d’effet nocif d’un PPP, comme en témoigne l’utilisation des termes « à cet égard », qui renvoie aux considérations énoncées au point 91 dudit arrêt.

358    Or, en l’espèce, la Commission n’a pas considéré que les informations étaient insuffisantes pour conclure à l’absence d’effet nocif de la substance active cyperméthrine, mais a considéré, au contraire, qu’il était peu probable que la cyperméthrine soit un perturbateur endocrinien.

359    À cet égard, il convient à nouveau de rappeler que le critère du point 3.6.5 de l’annexe II du règlement no 1107/2009 prévoit que la substance active n’est approuvée que si elle n’est pas considérée comme ayant des effets perturbateurs endocriniens pouvant être néfastes pour l’homme (voir également point 276 ci-dessus) Or, en l’espèce, la cyperméthrine n’a pas été considérée comme ayant de tels effets (voir point 101 ci-dessus).

360    Les informations confirmatives supplémentaires sur les perturbateurs endocriniens ont été justifiées par le but d’« accroître la confiance dans la décision », conformément au point 2.2, second alinéa, sous b), de l’annexe II du règlement no 1107/2009 (voir point 353 ci-dessus). La Commission a par ailleurs clarifié, en réponse à une question écrite du Tribunal, que cette demande d’informations confirmatives était également justifiée en vertu de l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009, afin de tenir compte des nouvelles exigences établies au cours du processus d’évaluation par le règlement 2018/605.

361    Or, contrairement à ce que fait valoir la requérante, les nouveaux critères fixés par le règlement 2018/605 afin de déterminer si une substance active est un perturbateur endocrinien constituent bien des « nouvelles prescriptions établies durant le processus d’évaluation », conformément à l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009.

362    Dès lors, il ne ressort pas des arguments de la requérante que la Commission, en tant que gestionnaire des risques, aurait méconnu la large marge d’appréciation dont elle disposait en formulant une demande d’informations confirmatives au demandeur en l’espèce, en vue de confirmer que les nouveaux critères d’évaluation des propriétés de perturbation endocrinienne prévus par le règlement 2018/605 étaient satisfaits.

363    En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le point 92 de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), ne vise pas, de manière exhaustive, tous les cas dans lesquels le recours à une demande d’informations confirmatives est possible. En effet, ledit point ne vise pas, en particulier, la possibilité de recourir à des demandes d’informations confirmatives, en vue d’accroître la confiance dans la décision, conformément au point 2.2, second alinéa, sous b), de l’annexe II du règlement no 1107/2009, ou en vue de tenir compte de nouvelles prescriptions établies durant le processus d’évaluation, conformément à l’article 6, sous f), du règlement no 1107/2009, comme en l’espèce.

364    Enfin, dans la mesure où la requérante réitère que des informations sur les perturbateurs endocriniens auraient dû être demandées, il convient de renvoyer aux points 252 à 256 ci-dessus, en ce qui concerne l’article 14, paragraphe 1 bis, du règlement d’exécution no 844/2012.

365    Au regard de l’ensemble de ces considérations, les arguments de la requérante portant sur la troisième demande d’informations confirmatives doivent être rejetés, tout comme le quatrième grief dans son ensemble.

5.      Sur le cinquième grief, tiré d’un manque de prise en compte des données scientifiques indépendantes

366    Dans sa demande de réexamen interne, la requérante faisait valoir ce qui suit :

« Le règlement [no 1107/2009] impose à la Commission européenne de prendre en compte toute donnée scientifique, y inclus la littérature scientifique revue par les pairs. [L’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800, point 94),] indique également qu’un poids plus élevé ne doit pas systématiquement être donné aux études réglementaires et que les études les plus récentes doivent être prises en compte […] Nous constatons que la Commission européenne, dans sa décision, ne respecte pas ce jugement.

Par exemple, le dossier réglementaire indique ne pas observer de toxicité neurodéveloppementale de la cyperméthrine sur rongeurs à la dose de 15 milligrammes par kilo (mg/kg) de poids corporel. L’EFSA a donc conclu une dose sans effet de 15 mg/kg (NOAEL : No Observable Adverse Effect Level). Or une étude de 2017 [Laugeray et al] indique un effet à partir de 5 mg/kg. L’EFSA a donc identifié 15 mg/kg comme une dose n’induisant pas d’effet alors que la littérature scientifique en montre un à 5 mg/kg.

En ce qui concerne les propriétés de perturbateur endocrinien de la substance, la littérature scientifique contient de nombreux articles indiquant que la cyperméthrine est un perturbateur endocrinien. Par exemple, en 2009, Wang et al. ont mis en évidence que l’exposition de souris allaitantes à la cyperméthrine avait un impact négatif sur le développement des organes sexuels de sa descendance. De même, en 2012, Sangha et al. a mis en évidence l’influence d’une exposition de rattes à ce pesticide sur leurs organes génitaux. Il existe de nombreuses autres publications scientifiques et l’EFSA et la Commission européenne semblent les avoir ignorées. Ces publications auraient dû, en complément des informations obtenues dans les études réglementaires, mener la Commission à ne pas réapprouver la cyperméthrine pour protéger la santé humaine. »

367    La Commission a répondu à ces arguments dans la décision attaquée. Elle y a considéré, notamment, sans remettre en cause les enseignements de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), que « le demandeur n’a pas apporté de preuves montrant quand ou en quoi les principes établis par la Cour pour tenir compte des études indépendantes ont été violés au cours de l’évaluation de la cyperméthrine ».

368    La requérante conteste cette l’allégation dans le cadre du présent recours. Elle conteste également le fait que les études qu’elle a citées auraient bel et bien été prises en compte par l’EMR dans le cadre de son projet de rapport d’évaluation. Selon la requérante, la Commission serait victime d’une confusion entre l’identification de données issues de la littérature scientifique indépendante et leur prise en compte. La requérante ne conteste pas que plusieurs études universitaires ont été identifiées et mentionnées dans le projet de rapport d’évaluation de l’EMR, même si d’autres sont manifestement passées « sous le radar ». Elle souligne, en revanche, que les résultats de ces études n’ont pas été dûment pris en compte.

369    En effet, ces études se seraient systématiquement vu assigner un score Klimisch de 3 (non fiable) ou de 4 (non attribuable). Cette classification de la fiabilité est effectuée en fonction du respect, par les études concernées, d’une série de protocoles et de lignes directrices émis par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et d’autres organismes publics et du respect des règles de bonnes pratiques de laboratoire. Les études de l’industrie devraient obligatoirement se plier à ces règles, en vertu des exigences imposées par le règlement no 283/2013 et par le règlement (UE) no 284/2013 de la Commission, du 1er mars 2013, établissant les exigences en matière de données applicables aux PPP, conformément au règlement n° 1107/2009 (JO 2013, L 93, p. 85). Le résultat serait que le recours à cette classification aurait pour effet quasi systématique de donner aux études réalisées par l’industrie pour les besoins de l’évaluation un poids plus important qu’aux études académiques indépendantes. Or, si les lignes directrices émises par l’OCDE et d’autres organismes publics garantissent un haut niveau de spécificité et de reproductibilité, elles seraient en revanche réputées très peu sensibles, à l’inverse des protocoles utilisés dans le milieu universitaire. Pourtant cette sensibilité (qui permet une diminution du nombre de faux négatifs) devrait être la pierre angulaire de l’évaluation des risques.

370    Selon la requérante, ces études indépendantes ont, sans exception, été considérées comme « non fiables » ou « non assignables » (score Klimisch 3 ou 4) par le demandeur et, dès lors, par l’EMR lui-même, sur la base d’un article non publié, écrit semble-t-il par des employés d’une entreprise active dans le domaine des produits chimiques. À l’inverse, les études conduites pour le compte du demandeur se seraient vu attacher un poids prépondérant, en contrariété avec la jurisprudence découlant de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800, points 93 et 94).

371    Ce biais méthodologique serait en partie imputable aux recommandations émises par l’EFSA en 2011 à l’adresse des demandeurs d’approbation à propos de la façon dont il convenait de remplir l’obligation, prévue à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009, de joindre à leur dossier la documentation scientifique accessible validée par la communauté scientifique et publiée au cours des dix dernières années. Il n’en reste pas moins qu’il serait régulièrement dénoncé dans la littérature scientifique. Ce biais méthodologique consisterait, d’une part, à exclure ou à sous-pondérer un grand nombre d’études menées au sein d’instituts universitaires indépendants, évaluées par les pairs, et publiées dans des revues faisant autorité et, d’autre part, à accorder le plus grand crédit aux essais non publiés, commandités et soumis par les demandeurs. Il serait manifestement contraire aux principes de complétude, d’excellence et, surtout, d’indépendance censés guider l’évaluation de la nocivité d’une substance.

372    Cette asymétrie serait encore plus problématique étant donné que les essais commandités par les demandeurs demeurent la propriété de ces entreprises. En d’autres termes, et en dehors de l’hypothèse d’une inspection, les laboratoires qui effectuent les études pour le compte de ces entreprises ne seraient pas autorisés à en divulguer le contenu à des tiers sans l’accord de leur « propriétaire ». Seuls les commanditaires seraient en position de décider lesquelles parmi les études réalisées seront communiquées et jointes au dossier d’approbation ou de renouvellement de l’approbation de la substance concernée. L’article 56, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 prévoit certes que « le titulaire de l’autorisation consigne et signale toutes les réactions indésirables, chez l’homme, chez l’animal et dans l’environnement, suspectées d’être liées à l’utilisation du produit phytopharmaceutique ». À la connaissance de la requérante, cependant, cette obligation ne serait assortie d’aucun mécanisme de contrôle, et il ne résulterait d’aucun élément du dossier que les autorités nationales et européennes ont, en l’espèce, vérifié son respect.

373    Le résultat sur lequel débouche cette « méthodologie » serait problématique. Alors que la majorité des études et essais publiés, revus par les pairs, et réalisés par des chercheurs indépendants, se verraient exclus ou sous-pondérés, la plupart des études et essais réalisés par ou pour le compte des demandeurs du renouvellement de l’approbation, souvent non publiés, et communiqués discrétionnairement par ces derniers, seraient pris en compte par les autorités au motif de leur « fiabilité », et constitueraient l’essentiel des données servant à leur évaluation.

374    Ces défaillances seraient clairement observables dans le dossier relatif à la cyperméthrine. Très concrètement, l’absence de prise en compte des études issues de la littérature indépendante dans la décision de renouveler l’approbation de la cyperméthrine serait démontrée par le fait que ces études :

–        n’ont, sur aucun point, conduit les autorités à remettre en cause les résultats des études fournies par le demandeur, lesquelles se sont vu systématiquement attribuer un poids prépondérant, en méconnaissance de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800) ;

–        n’ont servi directement ou indirectement à établir aucune valeur‑limite, ni aucune des conclusions de l’EFSA ou de l’EMR.

375    La Commission conteste ces arguments.

376    À cet égard, il ressort des points 93 et 94 de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), que dans le cadre de l’évaluation que ces mêmes autorités doivent mener, dès lors que cette évaluation doit être, en particulier, indépendante et objective, celles-ci sont tenues impérativement de prendre en compte les éléments pertinents autres que les essais, les analyses et les études produits par le demandeur qui contrediraient ces derniers. Une telle approche est conforme au principe de précaution. Dans cette perspective, il incombe aux autorités compétentes, en particulier, de tenir compte des données scientifiques disponibles les plus fiables ainsi que des résultats les plus récents de la recherche internationale et de ne pas donner dans tous les cas un poids prépondérant aux études fournies par le demandeur.

377    Ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la Commission ne conteste pas les enseignements de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800). Elle a considéré, cependant, que la requérante n’avait pas démontré en quoi elle n’aurait pas tenu compte des études indépendantes en adoptant le règlement d’exécution 2021/2049. La Commission a ensuite expliqué, de manière détaillée, dans la décision attaquée, la manière dont les études citées par la requérante dans sa demande de réexamen interne avaient été évaluées et prises en compte.

378    Or, force est de constater que la requérante ne conteste pas ces explications, mais se limite à observer, de manière générale, que la Commission aurait confondu l’identification de ces études et leur prise en compte, sans davantage étayer son grief selon lequel le renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine aurait été adopté sans véritable prise en compte de la littérature scientifique publiée et indépendante.

379    Il convient pourtant de rappeler, à l’instar de la Commission, que, dans une demande de réexamen interne, aux termes de l’article 10 du règlement no 1367/2006, une partie requérante se doit d’indiquer des éléments suffisants pour faire surgir des « doutes plausibles » sur la légalité de la décision contestée (voir jurisprudence citée au point 42 ci-dessus), ce qui n’est manifestement pas le cas lorsque ces éléments se limitent à de simples spéculations, comme en l’espèce.

380    En outre, s’agissant des arguments de la requérante relatifs au prétendu « biais méthodologique » de la Commission en ce qui concerne la prise en compte des études indépendantes, ou concernant le caractère inadéquat des protocoles et lignes directrices émis par l’OCDE et d’autres organismes publics, ou encore concernant l’absence de mécanisme de contrôle en ce qui concerne les exigences prévues à l’article 56, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009 (voir points 369 à 374 ci-dessus), il convient de les rejeter comme irrecevables, conformément aux principes énoncés aux points 38 à 47 ci-dessus, car ils n’ont pas été présentés au stade de la demande de réexamen interne. La requérante ne saurait valablement faire valoir que, par ces arguments, elle viserait à clarifier la confusion, prétendument opérée par la Commission, entre « identification » et « prise en compte » des données qu’elle a soumises.

381    En tout état de cause, il convient de rappeler que, s’agissant d’évaluations scientifiques et techniques complexes, la Commission doit se voir reconnaître une large marge d’appréciation, de sorte qu’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de la Commission (voir jurisprudence citée aux points 52 et 54 ci-dessus) ni, a fortiori, de substituer son appréciation, relative à la crédibilité et au poids à donner aux différentes études scientifiques, à celle de l’EFSA ou à celle des experts des États membres.

382    Au vu des considérations qui précèdent, le cinquième grief doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.

6.      Sur le sixième grief, tiré de l’application d’une approche obsolète de l’évaluation des risques sur les insectes, ne permettant pas de démontrer des effets négatifs sur les arthropodes non ciblés

383    À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans sa demande de réexamen interne, la requérante a fait valoir ce qui suit :

« L’EFSA a conclu que, d’après les études réglementaires, il n’y avait pas de risque de toxicité pour les insectes présents dans le champ lors de la pulvérisation. Les lignes directrices concernant la toxicité des pesticides sur les communautés d’insectes sont très anciennes (2001) et ne sont plus à jour, vis-à-vis de l’état des connaissances scientifiques. Il est très surprenant qu’un insecticide aussi toxique pour les abeilles ait été considéré comme ne présentant pas de problème pour les communautés d’insectes présentes dans les champs traités. Au-delà des données complémentaires demandées sur les pollinisateurs, nous considérons que la Commission européenne, face au déclin massif des insectes dans l’[Union], aurait dû mettre à jour le système d’évaluation des risques sur les arthropodes non-ciblés depuis de nombreuses années et demander des données complémentaires au demandeur. »

384    La Commission a répondu à ce grief, dans la décision attaquée, de la manière suivante :

« Au point 50 de sa demande, le demandeur critique l’ancienneté des lignes directrices utilisées (2001), qui ont conduit l’EFSA à conclure que le risque de toxicité dans le champ pour les arthropodes non ciblés (ANC) n’entraîne pas d’effet inacceptable sur l’environnement. En conséquence, le demandeur considère que la Commission, face au déclin massif des insectes, aurait dû mettre à jour le système d’évaluation des risques sur les ANC depuis de nombreuses années et aurait dû demander des informations complémentaires à cet égard.

La Commission conteste ces allégations. D’une part, le règlement d’exécution (UE) no 844/2012 (voir son article 13, paragraphe 1) exige que l’EFSA utilise les documents d’orientation en vigueur, quelle que soit leur ancienneté. Ainsi, l’ancienneté d’un document d’orientation ne lui fait pas nécessairement perdre sa pertinence. D’autre part, aucune information concrète n’est avancée pour préciser quels éléments des lignes directrices sont considérés comme inadéquats dans le cas de la cyperméthrine.

Toutefois, indépendamment de l’obligation claire d’utiliser les documents d’orientation applicables, il est courant de mettre à jour les orientations lorsque cela est nécessaire pour tenir compte des avancées scientifiques et technologiques. Des travaux sont en cours depuis plusieurs années afin de renforcer l’évaluation des risques pour l’environnement dans le cadre du [règlement no 1107/2009], et l’on a, en effet, déjà pris acte de la nécessité d’une mise à jour du document d’orientation sur l’écotoxicologie terrestre.

Comme pour tout document d’orientation nouveau ou actualisé, l’harmonisation et la recherche d’un consensus seront essentielles au cours du processus – parmi non seulement les États membres, mais aussi les parties prenantes – et prendront beaucoup de temps. Une fois que de nouvelles orientations seront disponibles, les exigences en matière de données seront adaptées, et les orientations seront appliquées aux évaluations réglementaires des produits phytopharmaceutiques. »

385    Dans le cadre du présent recours, la requérante prend note du fait que, dans la décision attaquée, la Commission reconnaît que le document d’orientation sur l’écotoxicologie terrestre est ancien et doit être mis à jour. La Commission aurait ajouté, toutefois, que, en attendant l’issue de ce processus difficile, ce document d’orientation n’en demeure pas moins obligatoire.

386    Selon la requérante, le caractère prétendument « contraignant » de ce document d’orientation ne peut constituer une justification valable pour l’application d’une méthodologie qui n’est plus à jour. Premièrement, l’article 13, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012 ne concernerait que l’EFSA. Il ne lierait pas la Commission elle-même au stade de la décision d’approbation ou de renouvellement de l’approbation. Deuxièmement, cette disposition prescrirait simplement d’« utiliser » les documents d’orientation, et non de s’y limiter. Troisièmement, cette disposition exigerait de tenir compte également « de l’état des connaissances scientifiques et techniques », ce qui impliquerait la possibilité de dépasser des documents d’orientation obsolètes. Quatrièmement, ce document d’orientation, qui n’aurait jamais été publié au Journal officiel de l’Union européenne, n’existerait que sous la forme d’un « projet » sur le site de la direction générale « Santé » de la Commission. Enfin, ces prétendues obligations se trouveraient consacrées dans des règlements adoptés par la Commission elle-même. Celle-ci ne saurait donc alléguer l’impossibilité pour elle de se délier de telles contraintes. Elle ne saurait davantage s’en prévaloir contre des normes issues d’actes législatifs et des traités.

387    Le manquement de la Commission serait d’autant plus problématique que le document d’orientation sur l’écotoxicologie terrestre serait lui-même fondé sur des standards proposés par les firmes agrochimiques. Or, il serait de jurisprudence constante que l’évaluation des risques doit être « compréhensive » ou « complète », fondée sur « les données scientifiques disponibles les plus fiables », sur « les résultats les plus récents de la recherche internationale » ainsi que sur « les principes d’excellence, de transparence et d’indépendance ».

388    Dès lors, selon la requérante, l’évaluation du risque de toxicité de la cyperméthrine pour les insectes présents dans le champ à la lumière exclusive d’un document d’orientation qui n’existe que sous la forme de « projet », qui est obsolète et qui se fonde, sans les discuter, sur des propositions de l’industrie agrochimique, ne remplirait à l’évidence pas ces exigences.

389    La Commission conteste ces arguments.

390    Il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission n’a pas considéré, dans la décision attaquée, que le document d’orientation sur l’écotoxicologie terrestre était devenu « obsolète », mais qu’elle avait été pris acte de la nécessité d’une mise à jour et du fait que des travaux étaient en cours. Elle a relevé, toutefois, que, dans l’attente de cette mise à jour, ce document d’orientation demeurait pleinement en vigueur et devait dès lors être appliqué par l’EFSA.

391    Un tel raisonnement est conforme à l’article 13, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012, qui prévoit :

« Dans les cinq mois suivant l’expiration du délai visé à l’article 12, paragraphe 3, ou, le cas échéant, dans les deux semaines suivant l’adoption de l’avis du comité d’évaluation des risques visé à l’article 37, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1272/2008 si cette date est ultérieure, l’[EFSA] adopte, compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques, en utilisant les documents d’orientation en vigueur à la date de la soumission des dossiers complémentaires et au vu de l’avis du comité d’évaluation des risques, des conclusions dans lesquelles elle indique s’il est permis d’escompter que la substance active satisfait aux critères d’approbation énoncés à l’article 4 du règlement (CE) no 1107/2009. S’il y a lieu, l’[EFSA] organise une consultation d’experts, y compris d’experts de l’[EMR] et de l’État membre corapporteur. L’[EFSA] communique ses conclusions au demandeur, aux États membres et à la Commission. »

392    En outre, force est de constater que, par son argumentation, la requérante se limite à faire valoir, de manière générale, que la Commission n’aurait pas dû se limiter à ce document d’orientation, en raison essentiellement de son ancienneté, sans toutefois identifier les éléments de ce document qui seraient inadéquats ou en précisant les nouvelles connaissances scientifiques ou techniques qui, si elle avaient été prises en compte, auraient été susceptibles de conduire à une conclusion différente en ce qui concerne le renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine.

393    À cet égard, comme le fait valoir la Commission, le caractère ancien du document d’orientation en question ne signifie pas que, de ce seul fait, ce document serait en tant que tel obsolète. En effet, il est inévitable que les connaissances scientifiques et techniques évoluent, mais il n’en découle pas automatiquement que les orientations concernant l’utilisation d’études scientifiques aux fins de l’évaluation des risques seraient devenues obsolètes. À cet égard, le législateur a défini des points de référence clairs tant pour le demandeur que pour l’EFSA quant aux critères scientifiques et techniques qui doivent être respectés. Le fait d’évaluer une demande d’approbation ou de renouvellement d’approbation sur la base des dispositions en vigueur constitue donc, pour le demandeur qui doit s’acquitter de la charge de la preuve, un élément objectif permettant d’assurer la sécurité juridique.

394    Cela ne signifie pas, toutefois, que l’EFSA puisse ignorer de nouveaux éléments, dans la mesure où, en vertu de l’article 13, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 844/2012, l’EFSA adopte ses conclusions « compte tenu de l’état des connaissances scientifiques et techniques ».

395    Comme le fait valoir la requérante, l’article 21, paragraphe 3, du règlement no 1107/2009, lu en combinaison avec le paragraphe 1, second alinéa, de cet article, prévoit que, lorsque la Commission, compte tenu des nouvelles connaissances scientifiques et techniques, arrive à la conclusion qu’il n’est plus satisfait aux critères d’approbation prévus à l’article 4 dudit règlement, un règlement retirant ou modifiant l’approbation est adopté. Une telle interprétation de l’article 21, paragraphe 3, de ce règlement, qui implique que, lors dudit réexamen, il est tenu compte des meilleures connaissances scientifiques et techniques disponibles, est, au demeurant, en accord avec l’objectif visé au considérant 8 dudit règlement de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement (arrêt du 6 mai 2021, Bayer CropScience et Bayer/Commission, C‑499/18 P, EU:C:2021:367, points 68 et 70).

396    En l’espèce, cependant, force est de constater que la requérante n’a identifié aucune étude ou aucun autre élément scientifique ou technique récent qui aurait été méconnu par l’EFSA ou par la Commission. Ce n’est qu’en réponse à une question du Tribunal, visant à clarifier si la requérante avait invoqué de tels éléments dans sa demande de réexamen interne ou dans la requête, que la requérante a produit trois études scientifiques afin de démontrer le caractère obsolète du document d’orientation sur l’écotoxicologie terrestre. Or, accepter que la requérante présente des éléments de preuve, qui n’apparaissaient pas dans la demande de réexamen interne, à un tel stade avancé de la procédure, aurait pour effet de priver l’exigence relative à la motivation d’une telle demande, figurant à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, de son effet utile et de modifier l’objet de la procédure engagée par cette demande (voir jurisprudence citée au point 41 ci-dessus).

397    S’il est vrai qu’une de ces études a également été mentionnée en note de bas de page dans la réplique, une telle mention, outre le fait qu’elle n’est pas conforme à la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus, n’est pas non plus conforme à l’article 85 du règlement de procédure du Tribunal, qui prévoit, en substance, que les preuves et les offres de preuve ne peuvent être présentées après le premier échange de mémoires qu’à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. Or, en l’espèce, la requérante n’a apporté aucune justification à la présentation tardive de cette étude.

398    C’est donc à juste titre que la Commission a rejeté ce grief dans la décision attaquée, dans la mesure où, en l’absence d’élément de preuve avancé par la requérante à ce stade, il n’était pas susceptible de faire surgir des doutes plausibles, à savoir substantiels, quant à l’appréciation portée par la Commission dans le règlement d’exécution 2021/2049, par lequel l’approbation de la substance active cyperméthrine a été renouvelée, sous conditions (voir jurisprudence citée au point 42 ci‑dessus).

399    Les autres arguments soulevés par la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause cette conclusion.

400    Premièrement, s’agissant des arguments de la requérante, tirés de l’absence de caractère contraignant du document d’orientation sur l’écotoxicologie terrestre, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il ne s’agit pas d’arguments nouveaux et irrecevables, étant donné qu’ils présentent un lien suffisamment étroit avec le grief soulevé par la requérante dans sa demande de réexamen, selon lequel la Commission aurait dû mettre à jour ce document d’orientation et demander des données complémentaires au demandeur.

401    Sur le fond, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, en adoptant des lignes directrices, l’institution ou l’agence concernée s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que les principes d’égalité de traitement, de sécurité juridique ou de protection de la confiance légitime (voir, par analogie, arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 69 et jurisprudence citée), sauf à expliciter spécifiquement les motifs qui justifient, le cas échéant, de s’en écarter sur un point précis (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, point 138 et jurisprudence citée).

402    Il n’en reste pas moins que l’institution ou l’agence qui adopte de telles règles ne saurait être liée par celles-ci que dans la mesure où elles ne s’écartent pas des règles du traité. De même, de telles règles, ne sauraient, en tout état de cause, lier le juge de l’Union, lequel demeure seul compétent aux fins d’interpréter le droit de l’Union, en application de l’article 19 TUE (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, point 52 ; du 1er octobre 2015, Electrabel et Dunamenti Erőmű/Commission, C‑357/14 P, EU:C:2015:642, point 68, et du 13 décembre 2017, Crédit mutuel Arkéa/BCE, T‑712/15, EU:T:2017:900, point 75).

403    En l’espèce, la Commission ne conteste pas que le document d’orientation n’est pas, en soi, contraignant, mais que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, les déviations par rapport à son contenu doivent être justifiées. Il s’ensuit que des écarts justifiés sont possibles lorsque, par exemple, des éléments supplémentaires peuvent être pris en compte s’ils sont identifiés par l’EFSA comme des nouvelles données scientifiques. Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 396 ci-dessus, la requérante n’a pas identifié, dans sa demande de réexamen interne, de nouvelles données scientifiques qui auraient dû être prises en compte par l’EFSA.

404    Deuxièmement, ainsi qu’il ressort du point 90 ci-dessus, la Commission ne saurait ignorer ou passer outre l’évaluation de l’EFSA. En effet, comme le fait valoir la Commission, une telle possibilité compromettrait la construction du système, étant donné que la décision de gestion des risques s’appuie sur le résultat de l’évaluation des risques.

405    La requérante précise néanmoins, dans la réplique, que la Commission aurait sans difficulté pu et dû demander à l’EFSA d’intégrer à son évaluation des risques en matière d’écotoxicologie terrestre des considérations issues de la recherche scientifique de ces 20 dernières années, par exemple en ce qui concerne la sensibilité des espèces d’insectes utilisées dans les études de niveau 1 ou en ce qui concerne les voies d’exposition des insectes présents dans le champ ou en bordure du champ.

406    À cet égard, il convient de relever, certes, que la Commission a toujours la possibilité de s’adresser à l’EFSA pour demander des éclaircissements, des vérifications ou des avis sur des questions scientifiques qu’elle estime pertinentes pour une bonne décision de gestion des risques. En l’espèce, toutefois, la Commission n’a pas considéré nécessaire de demander de tels éclaircissements, au vu des assurances données par l’EFSA (voir points 242 à 244 ci-dessus), sans qu’il apparaisse qu’une telle omission soit constitutive d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation.

407    Troisièmement, s’agissant des arguments de la requérante concernant les défauts affectant la présentation formelle et l’accessibilité du document d’orientation sur l’écotoxicologie terrestre, ainsi que ceux visant, indirectement, à remettre en cause la légalité dudit document, il convient de les rejeter comme irrecevables, conformément aux principes énoncés aux points 38 à 47 ci-dessus. En effet, il convient de rappeler que, dans sa demande de réexamen interne, la requérante s’est limitée à faire valoir que la Commission aurait dû mettre à jour le document d’orientation ou, à tout le moins, demander des informations complémentaires au demandeur à cet égard.

408    Partant, il y a lieu de rejeter le sixième grief comme étant, en partie, non-fondé et, en partie, irrecevable.

7.      Sur le septième grief, tiré de l’absence d’examen de la toxicité chronique de la formulation représentative soumise par le demandeur

409    Pour rappel, dans sa demande de réexamen interne, la requérante faisait valoir, en substance, que, en n’évaluant pas la toxicité chronique de la formulation représentative, la Commission n’a pas pris en considération l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), et a ainsi violé l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009.

410    La Commission a répondu à ces arguments de la façon suivante, dans la décision attaquée :

« La Commission ne partage pas le point de vue selon lequel l’article 4, paragraphe 5, [du règlement no 1107/2009] a été violé.

Dans le cadre du dossier d’approbation ou de renouvellement d’une substance active, les demandeurs doivent toujours soumettre la composition exacte d’au moins un produit phytopharmaceutique pour une ou plusieurs utilisations représentatives.

Dans le cadre de l’évaluation par l’EMR et par l’EFSA, les propriétés dangereuses des PPP contenant la substance active pour laquelle des informations sont soumises dans le cadre du dossier de renouvellement doivent être examinées sur la base des études réalisées avec celle-ci (des études de toxicité aiguë ou d’écotoxicité, par exemple) ou, pour la toxicité chronique, sur la base des propriétés dangereuses de ses composants (substances actives et coformulants).

Dans le cas de la cyperméthrine, le produit pour lequel des informations ont été soumises pour le renouvellement était la “cyperméthrine 500 EC”. La composition détaillée a été fournie dans le cadre du dossier et évaluée dans le volume 4 du projet de rapport d’évaluation du renouvellement. Des fiches de données de sécurité ont été fournies pour chaque composant. Compte tenu des informations disponibles, ni l’[EMR] ni l’EFSA n’ont émis de réserves quant à la toxicité à long terme du produit. En outre, aucune observation n’a été reçue sur cet aspect lors de la consultation publique sur le projet de rapport d’évaluation du renouvellement. Par conséquent, il n’a été soulevé aucune préoccupation concernant la toxicité chronique du mélange qui nécessitait une attention particulière lors de la prise de décision.

Enfin, l’affirmation du demandeur selon laquelle la mutagénicité, la cancérogénicité et la toxicité pour la reproduction sont des critères qui empêchent normalement le renouvellement de l’approbation d’une substance active (également appelés critères d’exclusion) n’a aucune incidence sur ces points de vue. Comme le point 3.6 de l’annexe II du [règlement no 1107/2009] l’indique clairement dans ses sous-points, c’est la classification de la substance active (et non du produit phytopharmaceutique) qui est pertinente pour l’application des critères d’exclusion. »

411    Dans le cadre du présent recours, la requérante réaffirme, en se fondant sur l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009 et l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), que, dans le processus ayant mené au renouvellement de l’approbation de la cyperméthrine, la toxicité chronique de la formulation représentative soumise par le demandeur n’a pas été examinée.

412    En premier lieu, la requérante estime que la Commission se déchargerait d’un véritable examen de la toxicité du produit à long terme, ce qui méconnaîtrait gravement l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009. Premièrement, la méthode décrite par la Commission dans la décision attaquée n’aurait aucun fondement textuel dans le règlement no 1107/2009 ou dans toute autre réglementation de l’Union. Deuxièmement, des études scientifiques auraient montré que l’interaction entre des coformulants et la substance active pouvait démultiplier la toxicité de cette dernière (par un facteur 1000 pour le glyphosate, par exemple). Un calcul basé sur l’évaluation isolée de chacun des composants du produit ne permettrait donc pas d’évaluer la toxicité globale qui surgit de leur interaction. Troisièmement, de nombreux coformulants n’auraient pas de « dossier REACH » ou de « classification CLP », tout simplement parce que leur volume de commercialisation dans l’Union resterait en dessous des seuils pour l’enregistrement. Quant à ceux qui ont un « dossier REACH », il serait de notoriété publique que la majorité des « dossiers REACH » contiennent des données incomplètes. Quatrièmement, les exigences en matière de données qui ressortent de la « réglementation REACH et CLP » seraient nettement plus limitées que celles nécessaires pour répondre aux exigences du règlement no 1107/2009. Elles ne permettraient pas, notamment, d’examiner la toxicité à long terme sur les abeilles, les arthropodes non ciblés, les vers de terre, etc. En résumé, la méthode retenue par la Commission, explicitée pour la première fois dans la décision attaquée, pour déterminer la toxicité chronique de la formulation représentative serait manifestement inappropriée pour examiner la toxicité à long terme de la formulation représentative.

413    En deuxième lieu, dans la mesure où la Commission relève que, dans le cas de la cyperméthrine, ni l’EMR, ni l’EFSA, ni des membres du public n’ont soulevé d’inquiétude quant à la toxicité chronique de la formulation représentative, la requérante observe que, s’agissant des deux premiers, cela n’est pas très étonnant dans la mesure où, d’une part, aucune étude sur la toxicité chronique n’a été fournie par le demandeur et où, d’autre part, les enseignements de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), datent de 2019. Ce ne serait au demeurant pas tout à fait exact concernant l’EFSA qui, parmi les domaines critiques de préoccupation identifiés, observerait que, en l’absence d’information concernant les impuretés de la formulation utilisée, elle n’est pas en mesure d’exclure le potentiel génotoxique et écotoxique de la formulation représentative. S’agissant des membres du public tels que la requérante, ce silence ne serait pas davantage surprenant dans la mesure où la composition de la formulation représentative n’était pas publique au stade de la consultation.

414    En troisième lieu, la requérante critique l’argumentation de la Commission, selon laquelle, sur la base d’une lecture littérale du point 3.6 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, la mutagénicité, la cancérogénicité et la toxicité pour la reproduction ne sont des critères d’exclusion que lorsqu’ils ont trait à la substance active elle-même, et non à la formulation représentative. Une telle argumentation est, de l’avis de la requérante, à la fois absurde et choquante. Elle signifierait, en effet, que la Commission s’estime autorisée à approuver une substance active dont le seul produit phytosanitaire testé apparaîtrait comme mutagène, cancérogène ou toxique pour la reproduction. Pareille interprétation aboutirait à priver d’effet utile l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009 et, plus largement, compromettrait l’objectif de cette réglementation, qui consiste en définitive à s’assurer que les produits réellement utilisés ne causent pas d’effets nocifs ou inacceptables sur la santé humaine ou sur l’environnement. Par ailleurs, elle serait également démentie par une lecture combinée de l’article 4 et des points 3.6 et 3.7 de l’annexe II du règlement no 1107/2009. En effet, l’article 4, paragraphe 5, prévoit que « pour l’approbation d’une substance active, les dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 sont réputées respectées s’il a été établi que tel est le cas pour une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant cette substance active ». Il ne viendrait à l’esprit de personne de considérer que, en dépit de cette disposition, les paragraphes 1, 2 et 3 de l’article 4 du règlement no 1107/2009 ne s’appliquent pas à la formulation représentative dès lors que ces paragraphes ne parlent que de « substances actives ». Ce serait précisément l’objet du paragraphe 5 d’étendre aux formulations représentatives les exigences posées, à l’égard des substances actives, dans les trois premiers paragraphes. Or, l’article 4, paragraphe 1, second alinéa, renverrait lui-même aux points 2 et 3 de l’annexe II. Il faudrait donc considérer que, même si ces points ne parlent eux aussi que de « substances actives », leurs exigences sont étendues aux formulations représentatives par le truchement de l’article 4, paragraphe 5.

415    La Commission conteste ces arguments.

416    À titre de remarque préliminaire, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la référence faite par la requérante aux termes « formulation représentative » doit être comprise comme renvoyant en réalité aux termes « utilisation représentative », tels qu’employés, notamment, à l’article 4 du règlement no 1107/2009.

417    Pour rappel, l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009 instaure une présomption selon laquelle :

« Pour l’approbation d’une substance active, les dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 sont réputées respectées s’il a été établi que tel est le cas pour une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un produit phytopharmaceutique contenant cette substance active. »

418    Contrairement à ce que fait valoir la requérante, toutefois, cette disposition n’a pas pour objet d’étendre les exigences fixées aux paragraphes 1 à 3 de l’article 4 du règlement no 1107/2009 aux PPP, dans une ou plusieurs de leurs utilisations représentatives. En effet, comme le fait valoir la Commission à juste titre, ces trois paragraphes s’appliquent aux substances actives, comme en témoigne l’intitulé « Critères d’approbation des substances actives » de l’article 4.

419    Comme l’a rappelé à juste titre la Commission dans la décision attaquée, les colégislateurs de l’Union ont décidé de distinguer l’approbation, au niveau de l’Union, des substances actives et l’autorisation, sous la responsabilité des États membres, des produits contenant ces substances pour des utilisations en tant que pesticides (voir considérants 10 et 23 du règlement no 1107/2009).

420    Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a pu considérer, dans la décision attaquée, que les critères énoncés aux points 2 et 3 de l’annexe II du règlement no 1107/2009, auxquels renvoie l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement (et non l’article 1er, comme visé par la requérante dans sa demande de réexamen), sont des critères d’approbation d’une substance active et non d’un PPP.

421    Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cela ne signifie pas pour autant que la Commission serait autorisée à approuver une substance active dont le seul produit phytosanitaire testé apparaîtrait comme toxique à long terme.

422    En effet, pour pouvoir être autorisé dans les États membres, un PPP doit satisfaire à l’ensemble des exigences prévues à l’article 29, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009.

423    En outre, il importe de souligner que le règlement no 1107/2009 prévoit à la fois une procédure d’approbation des substances actives, régie par son chapitre II, et une procédure d’autorisation des PPP, régie par son chapitre III (arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 63).

424    Ces deux procédures sont étroitement liées, dans la mesure où, notamment, l’autorisation d’un PPP présuppose, en vertu de l’article 29, paragraphe 1, sous a), de ce règlement, que ses substances actives aient déjà été approuvées. Le législateur de l’Union a ainsi imposé la prise en compte des effets potentiels du cumul des divers composants d’un PPP aussi bien lors de la procédure d’approbation des substances actives que lors de la procédure d’autorisation des PPP (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, points 64 et 65).

425    En effet, conformément à l’article 11, paragraphe 2, et à l’article 36, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, l’État membre saisi d’une demande d’approbation d’une substance active ou d’une demande d’autorisation d’un PPP doit procéder à une évaluation indépendante, objective et transparente de cette demande à la lumière des connaissances scientifiques et techniques actuelles. Lors de la procédure d’approbation d’une substance active, cette évaluation a notamment pour objet, en application de l’article 4, paragraphes 1 à 3 et 5, de ce règlement, de vérifier qu’une ou plusieurs utilisations représentatives d’au moins un PPP contenant cette substance et les résidus d’un tel produit n’ont pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, points 66 et 67).

426    À cet égard, la Cour a précisé que la prise en compte des effets cumulés et synergiques connus des composants d’un PPP s’imposait également, dès lors que, en vertu de l’article 29, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1107/2009, figurait au nombre des exigences requises pour qu’un PPP soit autorisé celle qu’il satisfasse, dans l’état actuel des connaissances scientifiques et techniques, aux conditions prévues à l’article 4, paragraphe 3, de ce règlement (arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 71). Cette dernière disposition prévoit, en effet, les conditions auxquelles un PPP doit satisfaire, « dans des conditions d’application conformes aux bonnes pratiques phytosanitaires et dans des conditions réalistes d’utilisation ».

427    Partant, faute d’être davantage étayé, l’argument de la requérante selon lequel la réponse de la Commission dans la décision attaquée (voir point 410 ci-dessus) serait contraire à l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800), et, en particulier, au point 115 de cet arrêt, qui prévoit qu’un produit phytopharmaceutique ne saurait être considéré comme satisfaisant à la condition, prévue à l’article 29, paragraphe 1, sous e), du règlement no 1107/2009, selon laquelle un produit phytopharmaceutique ne peut être autorisé que s’il est établi qu’il n’a pas d’effet nocif immédiat ou différé sur la santé humaine lorsqu’il présente une forme de carcinogénicité ou de toxicité à long terme, doit être rejeté. En effet, la requérante n’a pas avancé le moindre élément permettant d’avoir des « doutes plausibles » quant à la légalité du constat opéré par la Commission dans la décision attaquée, selon lequel la cyperméthrine, dans l’une de ses utilisations représentatives, ne présentait aucune forme de carcinogénicité ou de toxicité à long terme.

428    En outre, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel il ne serait pas tout à fait exact d’affirmer que ni l’EMR, ni l’EFSA, ni des membres du public n’ont soulevé d’inquiétude quant à la toxicité de la cyperméthrine, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission, après avoir rappelé les règles applicables et le contexte, a estimé que l’absence de préoccupations exprimées était un élément suffisant pour considérer que ce point n’avait pas été considéré comme problématique lors de l’évaluation des risques. S’il est vrai que ni les conclusions de l’EFSA ni le projet de rapport d’évaluation préparé par l’EMR ne contiennent de référence explicite à la toxicité à long terme, rien n’indique que le produit, dans une ou plusieurs utilisations représentatives, présentait des aspects problématiques.

429    En outre, comme le fait valoir la Commission, en l’espèce, le produit en question était déjà présent sur le marché, à la suite d’autorisations lors desquelles les États membres ont nécessairement vérifié, au niveau national, l’absence de toxicité à long terme. Dans ces conditions, dans la mesure où ni les États membres ni l’ESFA n’ont signalé un problème potentiel, la Commission n’était pas tenue de procéder à sa propre évaluation complémentaire.

430    Il convient par ailleurs de rappeler, à l’instar de la Commission, que le domaine critique de préoccupation identifié par l’EFSA dans ses conclusions concernait la « représentativité des lots utilisés », au sens de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009, et non la toxicité de la cyperméthrine en tant que telle.

431    Par ailleurs, la requérante ne saurait déduire de cette absence de référence explicite à la toxicité à long terme dans les documents d’évaluation que cette question n’aurait pas été examinée. En effet, comme le fait valoir la Commission, les documents d’évaluation se rapportent à la procédure relative à l’évaluation de la substance et dont la sécurité de la formulation fait partie de cette procédure, selon l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1107/2009. Selon la Commission, le volume 4 de l’évaluation de l’EMR contient les informations sur la base desquelles la formulation est évaluée. Or, un tel volume est confidentiel, sauf en ce qui concerne les informations ayant trait à des émissions dans l’environnement.

432    Partant, cet argument doit être rejeté, dans la mesure où il est fondé sur de simples spéculations, ne permettant pas de faire surgir des « doutes plausibles » sur la légalité de la décision attaquée, au sens de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus.

433    Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel le recours à la méthode utilisée dans le cadre du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1) et du règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1), serait « inadéquate », il convient de relever, à l’instar de la Commission, que la requérante déforme le contenu de cet extrait de la décision attaquée. La requérante ne saurait affirmer que la Commission aurait réduit l’examen de la toxicité chronique de la « formulation représentative » à un « simple calcul ». En effet, comme l’a précisé la Commission, la « classification des mélanges » est soumise à des méthodes établies au niveau de l’Union, y compris en ce qui concerne leur calcul, et ce également dans le but d’éviter les tests sur les animaux où les dangers qui pourraient surgir par l’emploi de méthodes ou de calculs sans tests sur les animaux. Cela découle notamment de l’annexe I du règlement no 1272/2008. Comme le souligne la Commission, il s’agit de méthodes acceptées, applicables aux substances chimiques en général, en vertu des règlements no 1272/2008 et REACH, qui s’appliquent également aux pesticides. Dès lors, le fait qu’il y ait des discussions scientifiques sur ces méthodes n’est pas suffisant pour susciter des doutes plausibles quant à la légalité de la décision attaquée et pour considérer que la Commission aurait dû faire droit à la demande de réexamen.

434    Au vu de ce qui précède, l’ensemble des arguments de la requérante, tirés de l’absence d’examen de la toxicité chronique de la formulation représentative soumise par le demandeur, doivent être rejetés.

435    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le septième grief ainsi que le recours dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

436    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pesticide Action Network Europe (PAN Europe) est condamnée aux dépens.

da Silva Passos

Reine

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 février 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

S. Papasavvas


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Observations liminaires

1. Sur le point de départ du délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE

2. Sur la nature du recours fondé sur l’article 12 du règlement no 1367/2006 et la portée de la règle de concordance entre la demande de réexamen et le recours en annulation

3. Sur l’étendue du contrôle juridictionnel du Tribunal

B. Sur les remarques liminaires formulées sous le titre I de l’annexe à la décision attaquée (première branche du moyen unique)

1. Sur le rôle de la Commission en tant que gestionnaire des risques et sur le rôle du principe de précaution

2. Sur le rôle attribué aux États membres au titre du règlement no 1107/2009

C. Sur les griefs soulevés par la requérante à l’appui de sa demande de réexamen interne (seconde branche du moyen unique)

1. Sur le premier grief, tiré de l’absence de prise en compte des domaines critiques de préoccupation exprimés par l’EFSA

a) Sur la représentativité des lots de pesticides utilisés

b) Sur le haut risque pour les organismes aquatiques

1) Sur l’absence d’interdiction des produits contenant la cyperméthrine pour une utilisation en automne

2) Sur le recours à la méthodologie « ORE »

c) Sur le haut risque pour les arthropodes non ciblés et les abeilles mellifères

1) Sur le prétendu caractère irréaliste et inadéquat des mesures d’atténuation des risques, au regard des conclusions de l’EFSA

2) Sur l’absence de mesure d’atténuation des risques pour les arthropodes non ciblés dans le champ

2. Sur le deuxième grief, tiré d’une méconnaissance des critères scientifiques pour la détermination des propriétés perturbant le système endocrinien établis par le règlement 2018/605

a) Sur la première branche, tirée de l’absence de prise en compte des nouveaux critères du règlement 2018/605

b) Sur la deuxième branche, tirée du manque de données sur le potentiel de perturbation endocrinienne

c) Sur la troisième branche, tirée de l’absence de prise en compte de l’étude Benaki

d) Sur la quatrième branche, tirée d’inquiétudes exprimées par des États membres

e) Sur la cinquième branche, tirée de l’existence d’un doute significatif sur les propriétés de perturbation endocrinienne

f) Sur la sixième branche, tirée de l’absence de prise en compte de la littérature scientifique indépendante

3. Sur le troisième grief, tiré de l’absence de prise en compte des autres manques de données identifiés par l’EFSA

4. Sur le quatrième grief, tiré de la formulation abusive de demandes confirmatives

a) Sur la première demande d’informations confirmatives

b) Sur la deuxième demande d’informations confirmatives

c) Sur la troisième demande d’informations confirmatives

5. Sur le cinquième grief, tiré d’un manque de prise en compte des données scientifiques indépendantes

6. Sur le sixième grief, tiré de l’application d’une approche obsolète de l’évaluation des risques sur les insectes, ne permettant pas de démontrer des effets négatifs sur les arthropodes non ciblés

7. Sur le septième grief, tiré de l’absence d’examen de la toxicité chronique de la formulation représentative soumise par le demandeur

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.