Language of document : ECLI:EU:T:2023:235

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

3 mai 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative TEHA – Marque nationale figurative antérieure tema – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Absence d’usage sérieux de la marque – Article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001) – Usage sous une forme qui diffère par des éléments altérant le caractère distinctif de la marque – Article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑52/22,

Chambre de commerce et d’industrie territoriale de la Marne en Champagne, établie à Châlons-en-Champagne (France), représentée par Me T. de Haan, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Ambrosetti Group Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Me G. Guglielmetti, avocat,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. U. Öberg et Mme E. Tichy-Fisslberger (rapporteure), juges,

greffier : M. T. Henze, greffier faisant fonction,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, la chambre de commerce et d’industrie territoriale de la Marne en Champagne, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 novembre 2021 (affaire R 837/2021‑4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 9 août 2017, l’intervenante, Ambrosetti Group Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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4        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

5        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 163/2017, du 29 août 2017.

6        Le 29 novembre 2017, le prédécesseur en droit de la requérante, la chambre de commerce et d’industrie de Reims Épernay, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 4 ci-dessus.

7        L’opposition était fondée sur la marque française figurative antérieure reproduite ci-après et désignant, notamment, des services relevant de la classe 41 :

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8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

9        À la suite d’une demande formulée par l’intervenante, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

10      Les éléments de preuve portent sur l’usage d’un signe correspondant au seul élément verbal « tema », écrit en lettres minuscules ou majuscules, ainsi que sur l’usage des deux signes figuratifs suivants :

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11      Le 19 mars 2021, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

12      Le 10 mai 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

13      Par la décision attaquée, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a considéré que la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure. Elle a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante portaient sur une forme de la marque antérieure qui différait par des éléments altérant le caractère distinctif de la marque antérieure dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours de l’EUIPO.

15      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours

–        condamner la requérante aux dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux des procédures devant l’EUIPO et devant la chambre de recours.

 En droit

17      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 9 août 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

18      En ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans l’argumentation soulevée devant le Tribunal à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 42, paragraphes 2 et 3, d’une teneur identique, du règlement no 207/2009. En outre, les références à l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’instance dans leurs écritures, visent l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009, dont la teneur est certes légèrement différente, mais sans que cela ait d’incidence en l’espèce.

19      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009. Plus précisément, elle ne conteste pas que les éléments de preuve qu’elle a déposés devant l’EUIPO ne portent pas sur l’usage de la marque antérieure dans la forme exacte sous laquelle elle a été enregistrée, mais soutient que ses éléments dominants y sont utilisés d’une façon qui ne modifie pas son caractère distinctif.

20      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante et considère que la chambre de recours a pu conclure à bon droit que la requérante n’avait pas démontré avoir fait un usage sérieux de la marque antérieure.

21      En l’espèce, il est établi qu’aucun des éléments de preuve produits par la requérante devant l’EUIPO ne porte sur la marque antérieure dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée. Il y a donc lieu d’examiner si la chambre de recours a, en substance, considéré à juste titre que la requérante n’avait pas non plus démontré l’usage sérieux de la marque antérieure sous une forme qui constituait une différence recevable, au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009.

22      Aux points 18 à 20 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la marque antérieure était composée d’un rectangle divisé en deux parties, à savoir, à gauche, un rectangle bleu, dans lequel était placée la combinaison des lettres « t » et « e » au contour blanc, et, à droite, un rectangle noir, dans lequel était placée la combinaison des lettres « m » et « a » écrite en blanc, chaque lettre présentant une police de caractère spécifique. Elle a considéré que le caractère distinctif de la marque antérieure découlait, d’une part, de la stylisation spécifique des lettres « te » par opposition à « ma » et, d’autre part, du contraste de la combinaison des couleurs bleue et noire. En raison des polices de caractères différentes et de la combinaison de couleurs, la marque antérieure n’était pas dominée par l’élément verbal « tema ». Étant donné que la combinaison des lettres « t » et « e » ainsi que celle des lettres « m » et « a » sont écrites dans des polices de caractères différentes, le terme espagnol « tema » ne serait reconnu qu’après une seconde analyse. En outre, la chambre de recours a souligné que ce terme n’existait pas en français.

23      Au point 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a, en substance, conclu que les différences entre la marque telle qu’enregistrée et les signes figuratifs tels qu’utilisés ne sauraient être considérées comme négligeables et constituaient, au contraire, une altération du caractère distinctif de la marque antérieure. L’utilisation d’une combinaison de couleurs totalement différentes modifie le caractère distinctif de la marque antérieure. Les rectangles de couleurs bleue et noire, présents dans la marque telle qu’enregistrée, soit n’étaient pas présents dans les signes figuratifs tels qu’utilisés, soit ne l’étaient qu’en partie. La marque antérieure telle qu’enregistrée présentait une combinaison de couleurs dominante tandis que les signes figuratifs tels qu’utilisés étaient discrets. En outre, étant donné que les éléments distinctifs de la marque antérieure telle qu’enregistrée étaient la stylisation spécifique différente et visuellement accrocheuse des lettres « t » et « e » par rapport à « ma » et le contraste de la combinaison des couleurs bleue et noire, à savoir la combinaison des lettres « te » blanches encadrées sur un fond bleu et des lettres blanches « ma » en caractères gras sur un fond noir, les consommateurs seraient amenés à percevoir « te » et « ma » comme deux éléments distincts. En revanche, en raison de l’utilisation de la même police de caractères et de la même couleur des lettres dans les signes figuratifs tels qu’utilisés, les lettres seraient immédiatement perçues comme un seul mot, à savoir « tema ». Ainsi, l’utilisation du seul mot « tema », sans ces éléments figuratifs, modifierait le caractère distinctif du signe. Le même raisonnement s’appliquerait aux signes figuratifs sur lesquels portent les éléments de preuve produits, dans lesquels le mot « tema » serait écrit en une seule unité homogène, accompagné d’un élément figuratif circulaire.

24      La chambre de recours a également constaté que les éléments incurvés présents dans les signes figuratifs tels qu’utilisés n’étaient pas de simples éléments décoratifs, mais plutôt des éléments distinctifs qui n’avaient pas d’équivalent dans la marque telle qu’enregistrée.

25      À titre liminaire, il convient de rappeler que, bien que l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 se réfère uniquement à l’usage d’une marque de l’Union européenne, il doit s’appliquer, par analogie, à l’usage d’une marque nationale, dans la mesure où l’article 42, paragraphe 3, du même règlement prévoit que le paragraphe 2 de cet article s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, sous a), dudit règlement, « étant entendu que l’usage dans [l’Union] est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée » [arrêt du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 17].

26      Par ailleurs, en vertu d’une application combinée de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du même règlement, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou de l’Union européenne, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque de l’Union européenne, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 30 et jurisprudence citée].

27      L’objet de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no 207/2009 est d’éviter d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée et de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [arrêts du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, EU:T:2006:65, point 50, et du 15 décembre 2015, ARTHUR & ASTON, T‑83/14, EU:T:2015:974, point 18].

28      Le caractère distinctif d’une marque au sens du règlement no 207/2009 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 22 et jurisprudence citée).

29      Le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [voir arrêt du 23 septembre 2020, CEDC International/EUIPO – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑796/16, EU:T:2020:439, point 139 (non publié) et jurisprudence citée].

30      En outre, lorsqu’une marque est constituée ou composée de plusieurs éléments et que l’un ou plusieurs d’entre eux ne sont pas distinctifs, l’altération de ces éléments ou leur omission n’est pas de nature à affecter le caractère distinctif de la marque dans son ensemble [voir arrêt du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 30 et jurisprudence citée].

31      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, en substance, les trois griefs de la requérante au soutien de son moyen unique. Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner, d’abord, le deuxième, ensuite, le troisième et, enfin, le premier grief de la requérante.

32      En ce qui concerne le deuxième grief de la requérante, s’agissant de la marque antérieure telle qu’enregistrée, la requérante rappelle que les éléments verbaux sont, en principe, plus distinctifs que les éléments figuratifs. La requérante soutient que l’élément verbal « tema » serait dominant étant donné sa position centrale. Les éléments figuratifs, qui, selon la requérante, seraient des éléments décoratifs, se limiteraient à une présentation stylisée et à des couleurs encadrant l’élément verbal. L’omission de ces éléments dans les signes figuratifs tels qu’utilisés n’altérerait pas le caractère distinctif de la marque antérieure. Par ailleurs, la requérante conteste le découpage de l’élément verbal « tema » en « te » et « ma » étant donné que ces éléments n’ont aucune signification. En effet, le public pertinent ferait référence aux services en cause en retenant l’élément verbal « tema » dans son ensemble indépendamment de la faible stylisation des éléments.

33      En outre, la requérante souligne que le public pertinent est le public français qui ne parle pas l’espagnol, de sorte que la signification du terme « tema » en espagnol n’aurait pas d’incidence sur la perception de la marque antérieure par ce public.

34      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

35      À titre liminaire, il est constant entre les parties que l’élément verbal « tema » n’a aucune signification en français. Force est de constater que cet élément fantaisiste confère un certain caractère distinctif à la marque antérieure. En revanche, il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a, en substance, considéré à juste titre que l’élément figuratif était distinctif.

36      À cet égard, il convient de rappeler d’emblée que si, comme le soutient la requérante, lorsqu’une marque complexe est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux produits en cause en citant le nom de la marque qu’en décrivant l’élément figuratif de celle-ci, il ne s’ensuit pas que les éléments verbaux d’une marque doivent toujours être considérés comme plus distinctifs que les éléments figuratifs. En effet, dans le cas d’une marque complexe, l’élément figuratif peut détenir une place équivalente à celle de l’élément verbal. Il convient alors d’examiner les qualités intrinsèques de l’élément figuratif et celles de l’élément verbal de la marque contestée ainsi que leurs positions respectives, afin d’identifier le composant dominant [voir arrêt du 20 septembre 2017, Jordi Nogues/EUIPO – Grupo Osborne (BADTORO), T‑350/13, EU:T:2017:633, point 29 et jurisprudence citée].

37      En l’espèce, la marque antérieure est un signe figuratif composé d’un rectangle divisé en deux parties : à gauche, un rectangle bleu dans lequel est placée la combinaison des lettres « t » et « e », au contour blanc, et, à droite, un rectangle noir dans lequel est placée la combinaison des lettres « m » et « a », chaque lettre dans une police de caractères spécifique, ces deux lettres étant en blanc.

38      Au point 19 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que le caractère distinctif de la marque antérieure résidait dans la stylisation spécifique très différente et visuellement accrocheuse des lettres « t » et « e » par opposition à « ma » et dans le contraste de la combinaison des couleurs bleue et noire.

39      Au point 20 de la décision attaquée, la chambre de recours a précisé que, en raison des polices de caractères différentes utilisées et de la combinaison de couleurs, la marque antérieure n’était pas dominée par la combinaison des lettres formant l’élément « tema ».

40      Il ressort de la jurisprudence qu’un style graphique, même s’il possède une certaine particularité, ne saurait être considéré comme étant un élément figuratif distinctif que s’il est susceptible de marquer immédiatement et durablement la mémoire du public pertinent d’une manière qui permette à ce dernier de distinguer les produits du titulaire de la marque figurative de ceux des autres fournisseurs sur le marché. Cela n’est pas le cas si le style graphique utilisé demeure largement usuel aux yeux du public pertinent ou si l’élément figuratif n’a pour fonction que de mettre en exergue l’information véhiculée par les éléments verbaux [voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2016, Caffè Nero Group/EUIPO (CAFFÈ NERO), T‑37/16, non publié, EU:T:2016:634, point 42 et jurisprudence citée].

41      Or, en l’espèce, la stylisation graphique de la marque antérieure est susceptible de marquer immédiatement et durablement la mémoire des consommateurs. En effet, la combinaison des couleurs, associée à la stylisation spécifique des lettres composant l’élément verbal, confère à l’élément figuratif un caractère distinctif, de sorte que l’élément figuratif ne sera pas considéré comme négligeable.

42      Par suite, le caractère distinctif de la marque antérieure réside également dans la stylisation spécifique très différente et visuellement accrocheuse des lettres « te » par opposition à « ma » et du contraste de la combinaison de couleurs.

43      Partant, c’est sans commettre d’erreur de droit que la chambre de recours a considéré, d’une part, au point 20 de la décision attaquée, qu’en raison des polices de caractères différentes et de la combinaison de couleurs le signe n’était pas dominé dans son ensemble par l’élément verbal « tema », et, d’autre part, au point 23 de la décision attaquée, que l’utilisation du seul mot « tema », sans ces éléments figuratifs, modifiait en effet le caractère distinctif du signe.

44      Il s’ensuit que le deuxième grief de la requérante, selon lequel le caractère distinctif découle de l’élément verbal, doit être écarté.

45      En ce qui concerne le troisième grief de la requérante, s’agissant des signes figuratifs tels qu’utilisés, celle-ci conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’utilisation d’une combinaison de couleurs différentes altère le caractère distinctif, dès lors qu’elle considère que les couleurs utilisées dans la marque antérieure telle qu’enregistrée ne sont pas distinctives. En outre, les couleurs des signes figuratifs tels qu’utilisés seraient les mêmes que celles de la marque antérieure, à savoir le bleu, le noir et le blanc. Par ailleurs, l’utilisation de couleurs basiques qui ne seraient ni distinctives ni dominantes n’altérerait pas le caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée.

46      La requérante fait également valoir que les éléments incurvés de ces signes figuratifs tels qu’utilisés ne seraient que des éléments décoratifs de petite taille avec une position décentrée. Par conséquent, ces éléments seraient peu distinctifs, voire pas distinctifs.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

48      À titre liminaire, il convient de relever d’emblée que, contrairement à ce que prétend la requérante, les couleurs de la marque telle qu’enregistrée et celles des signes figuratifs tels qu’utilisés ne sont pas les mêmes. En effet, la marque telle qu’enregistrée est composée de bleu, de noir et de blanc alors que les signes figuratifs tels qu’utilisés sont composés de turquoise, de brun, de blanc et de bleu clair.

49      En l’espèce, les signes figuratifs tels qu’utilisés sont composés de l’élément verbal « tema », écrit en majuscules, en une seule couleur, soit brune soit blanche, dans une police de caractères standard et sans arrière-plan ou sur un arrière-plan rectangulaire de couleur turquoise. Ils sont également composés d’un élément figuratif représentant deux éléments incurvés, placés au-dessus de l’élément verbal, dans le coin supérieur droit de celui-ci. Ces éléments incurvés sont soit de la même taille soit d’une taille plus grande que l’élément verbal et de couleurs variées, à savoir, respectivement, le brun, le bleu clair et le blanc.

50      Or, la stylisation spécifique de l’élément verbal et le contraste de la combinaison de couleurs desquels découle notamment le caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée ne sont pas reproduits dans les signes figuratifs tels qu’utilisés.

51      C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré, au point 23 de la décision attaquée, que les différences entre la marque antérieure telle qu’enregistrée et les signes figuratifs tels qu’utilisés ne sauraient être considérées comme négligeables et sont constitutives d’une altération du caractère distinctif.

52      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

53      D’une part, en ce qui concerne les couleurs des signes figuratifs tels qu’utilisés, il suffit de relever que le caractère distinctif de l’élément figuratif ne découle pas des couleurs proprement dites, mais de la stylisation des lettres de l’élément verbal associée au contraste de la combinaison des couleurs bleue et noire.

54      D’autre part, en ce qui concerne le caractère distinctif des éléments incurvés, il convient de constater, ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, que ces éléments sont visuellement frappants par rapport à l’élément verbal, compte tenu de leur taille et du contraste de couleurs apparent. Ces éléments ne sont donc pas, comme le soutient la requérante, des éléments décoratifs peu distinctifs, voire pas distinctifs. Partant, leur ajout altère le caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée.

55      Par conséquent, la chambre de recours a correctement conclu, au point 25 de la décision attaquée, que l’usage sérieux n’avait pas été démontré au sens de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009. Partant, il y a lieu d’écarter le troisième grief de la requérante.

56      En ce qui concerne le premier grief de la requérante, selon lequel l’EUIPO a commis une erreur de droit quand il a conclu au point 17 de la décision attaquée que toute différence entre la marque telle qu’enregistrée et la marque telle qu’utilisée devait se limiter à des éléments négligeables et que les signes figuratifs tels qu’utilisés et enregistrés devaient être globalement équivalents, la requérante soutient qu’il est possible qu’existent des différences non négligeables entre des signes qui n’altèrent pas pour autant le caractère distinctif de la marque telle qu’enregistrée.

57      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

58      D’une part, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO, soutenu par l’intervenante, que la chambre de recours a correctement rappelé, aux points 13 à 17 de la décision attaquée, les bases juridiques telles qu’elles découlent de la jurisprudence citée, notamment aux points 26 à 30 ci-dessus. En effet, selon cette jurisprudence, le signe utilisé dans le commerce peut différer de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents.

59      D’autre part, force est également de constater que, au regard de ce qui précède, la chambre de recours a, à bon droit, conclu que les différences entre les signes, qui sont non négligeables, altèrent le caractère distinctif de la marque antérieure telle qu’enregistrée.

60      Par conséquent, le premier grief de la requérante doit être écarté comme non fondé.

61      Aucun des arguments de la requérante n’étant fondé, il y a donc lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

63      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément, en substance, aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

64      À cet égard, il suffit de constater que, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le point 2 du dispositif de cette dernière qui continue à régler les dépens exposés dans la procédure d’opposition et dans la procédure de recours devant l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2017, Aldi/EUIPO – Sky (SKYLITe), T‑736/15, non publié, EU:T:2017:729, point 131].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La chambre de commerce et d’industrie territoriale de la Marne en Champagne est condamnée aux dépens.

Costeira

Öberg

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.