Language of document : ECLI:EU:T:2023:78

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

15 février 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale V10 – Motif absolu de refus – Signe alphanumérique – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑741/21,

LG Electronics, Inc., établie à Séoul (Corée du Sud), représentée par Me M. Bölling, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

ZTE Deutschland GmbH, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes T. M. Müller et C. Sauerborn, avocats,

LE TRIBUNAL (juge unique),

juge : M. U. Öberg,

greffier : M. R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

vu la décision du Tribunal (cinquième chambre), en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 3, et de l’article 29 du règlement de procédure du Tribunal, d’attribuer l’affaire à M. U. Öberg, siégeant en qualité de juge unique,

à la suite de l’audience du 23 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, LG Electronics, Inc., demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 14 septembre 2021 (affaire R 2101/2020-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 14 juin 2019, l’intervenante, ZTE Deutschland GmbH, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne verbale V10, qui avait été enregistrée à la suite d’une demande déposée le 2 juillet 2015, avec date de priorité du 17 juin 2015, pour des produits relevant des classes 9 et 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Lunettes 3D ; appareils photographiques numériques ; caméras de surveillance de réseaux, à savoir pour la surveillance ; récepteurs de télévision ; système à composants audio composé d’enceintes, haut-parleurs, syntoniseurs, mixeurs de son, égaliseurs, enregistreurs audio, récepteurs radio ; appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; casques d’écoute ; lecteurs de disques numériques polyvalents [DVD] ; baladeurs multimédias ; ordiphones [smartphones] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables ; écouteurs sans fil ; casques d’écoute ; casques sans fil pour téléphones mobiles ; casques sans fil pour téléphones intelligents ; décodeurs numériques ; housse en cuir pour téléphones portables ; étuis en cuir pour téléphones intelligents ; étuis à rabat pour téléphones mobiles ; coques à clapet latéral pour téléphones intelligents ; logiciels d’applications ; tablettes électroniques ; moniteurs d’ordinateurs ; moniteurs à usage commercial ; ordinateurs vestimentaires ; ordinateurs ; imprimantes d’ordinateurs ; afficheurs à DEL ; étuis en cuir pour tablettes ; étuis à rabat pour tablettes électroniques ; ordinateurs portables ; casques d’écoute sans fil pour tablettes électroniques » ;

–        classe 14 : « Montres ; pièces et accessoires de montres ; montres-bracelets ; horloges et montres électroniques ; bracelets (joaillerie) ; bracelets de montres ; horloges de contrôle ; montres avec fonction de communication sans fil ; montres permettant de communiquer des données à des assistants numériques personnels, des smartphones, des tablettes électroniques et des ordinateurs personnels via des sites web sur l’internet et d’autres réseaux de communications informatiques et électroniques ; bracelets de montre permettant de communiquer des données à des assistants numériques personnels, des smartphones, des tablettes électroniques et des ordinateurs personnels via des sites web sur l’internet et d’autres réseaux de communications informatiques et électroniques ; bracelets permettant de communiquer des données à des assistants numériques personnels, des smartphones, des tablettes électroniques et des ordinateurs personnels via des sites web sur l’internet et d’autres réseaux de communications informatiques et électroniques ; montres avec appareils photographiques et lecteurs MP3 intégrés, pouvant communiquer des données à des téléphones intelligents et assistants numériques personnels ».

3        La demande en nullité était fondée sur les motifs visés à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement, en ce que la marque contestée aurait été enregistrée alors qu’elle était dépourvue de caractère distinctif ou qu’elle présentait un caractère descriptif pour l’ensemble des produits visés au point 2 ci-dessus.

4        Le 21 octobre 2020, la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité dans son intégralité. Elle a, en substance, considéré que les produits concernés consistaient en divers produits technologiques et auxiliaires pour lesquels l’intervenante avait démontré qu’il était extrêmement courant d’utiliser des codes alphanumériques pour indiquer le numéro de modèle, de sorte que la marque contestée ne pouvait fonctionner comme une indication de l’origine commerciale desdits produits. Elle en a conclu que ladite marque était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) (remplacé par le règlement 2017/1001), et l’a déclaré nulle pour l’ensemble des produits concernés, sans examiner la question de savoir si la marque contestée avait également été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

5        Le 5 novembre 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement annulé la décision de la division d’annulation et a accueilli le recours pour l’ensemble des produits concernés, à l’exception des « ordiphones [smartphone] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables » et les « logiciels d’applications » relevant de la classe 9, pour lesquels elle a considéré qu’il convenait de déclarer la nullité de la marque contestée.

7        En premier lieu, ayant débuté son analyse par l’examen de l’éventuel caractère descriptif de la marque contestée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, la chambre de recours a, tout d’abord, indiqué que le public pertinent était composé du public de l’Union européenne ayant un niveau d’attention variant de moyen à supérieur à la moyenne, sans toutefois être particulièrement élevé.

8        Ensuite, la chambre de recours a regroupé les produits concernés relevant de la classe 9 en trois catégories, la première, reprenant les smartphones et logiciels et étant composée des « ordiphones [smartphones] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables » et des « logiciels d’applications », la seconde, étant celle des autres dispositifs électroniques et, la troisième, rassemblant les accessoires non électroniques pour les dispositifs des deux premières catégories. Elle a également regroupé tous les produits concernés relevant de la classe 14 en une catégorie homogène.

9        S’agissant de la signification de la marque contestée, composée de la lettre « v », suivie du chiffre 10, la chambre de recours a estimé que la plupart des éléments de preuve produits par l’intervenante ne fournissaient pas d’informations fiables aux fins de l’appréciation de la perception de la signification de ladite marque par le public pertinent à la date de priorité du 17 juin 2015 (ci-après la « date pertinente ») pour les produits concernés. Il n’en allait autrement qu’à l’égard des produits relevant de la classe 9 et figurant dans la catégorie des smartphones et des logiciels, à savoir les « ordiphones [smartphones] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables » et les « logiciels d’applications », pour lesquels la chambre de recours a considéré qu’il avait été démontré que, à la date pertinente, au moins une partie du public pertinent pouvait percevoir le signe V10 de la marque contestée comme étant l’abréviation de « version 10 » ou de « 10e version ».

10      Enfin, la chambre de recours a considéré que l’intervenante n’avait pas démontré que, à la date pertinente, le lien entre le signe V10 et les produits concernés, autres que ceux figurant dans la catégorie des smartphones et des logiciels, était suffisamment direct, de sorte qu’il soit utilisé ou perçu par le public pertinent de manière descriptive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Elle en a conclu que, à la date de la demande d’enregistrement, la marque contestée était exclue du motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement uniquement pour les « ordiphones [smartphones] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables » et les « logiciels d’applications » relevant de la classe 9.

11      En second lieu, la chambre de recours a indiqué que, en ce qui concerne les produits pour lesquels le signe V10 avait été considéré comme simplement descriptif, ce dernier était également dépourvu de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Elle a ajouté, en revanche, que l’intervenante n’avait pas démontré de manière convaincante que, à la date pertinente, la marque contestée n’aurait pu être perçue comme une indication de l’origine pour les autres produits concernés.

12      La chambre de recours en a conclu que c’était à tort que la division d’annulation avait établi que la marque contestée a été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 pour les produits concernés autres que les « ordiphones [smartphones] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables » et les « logiciels d’applications » relevant de la classe 9.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté le recours quant aux « ordiphones [smartphones] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables » ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

15      À titre liminaire, il convient de relever que le recours doit être regardé comme étant uniquement dirigé contre la décision attaquée en tant qu’elle a conclu que la marque contestée avait été enregistrée en violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 pour les « ordiphones [smartphones] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables » relevant de la classe 9, la requérante ne contestant pas que la marque contestée doit être déclarée nulle pour les « logiciels d’applications » relevant de la classe 9.

 Sur la détermination du règlement applicable ratione temporis

16      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 2 juillet 2015, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40).

17      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par la requérante dans l’argumentation soulevée à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, relative à l’enregistrement de la marque contestée contrairement aux motifs absolus de refus tirés d’une absence de caractère distinctif ou du caractère descriptif de ladite marque pour les produits concernés, comme visant, respectivement, l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’une teneur identique.

18      Par ailleurs, dans la mesure où les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

 Sur le fond

19      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009, en ce que la chambre de recours aurait erronément considéré que la marque contestée était descriptive et dépourvue de caractère distinctif pour les produits « ordiphones [smartphones] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables » relevant de la classe 9 (ci-après, les « produits en cause »). Elle articule ce moyen en cinq branches, tirées, en substance, la première, de l’absence d’une appréciation différenciée de l’existence du caractère descriptif de la marque contestée au regard de chacun des produits en cause et des « logiciels d’applications » relevant de la classe 9, la deuxième, d’une contradiction entachant le raisonnement relatif au caractère distinctif et descriptif de ladite marque et, les troisième, quatrième et cinquième, du fait que les conditions pour conclure au caractère descriptif ou à l’absence de caractère distinctif de ladite marque pour les produits en cause ne seraient pas réunies.

20      Pour les besoins de la présente affaire, le Tribunal examinera, en premier lieu, les arguments de la requérante tirés des troisième, quatrième et cinquième branches, ayant trait à l’absence de caractère descriptif de la marque contestée pour les produits en cause.

 Sur l’absence de caractère descriptif de la marque contestée pour les produits en cause

21      La chambre de recours a, en substance, considéré que l’intervenante avait fourni des informations fiables aux fins de l’appréciation de la perception de la signification de la marque contestée par le public pertinent, à la date pertinente, pour les produits en cause. Ainsi, la combinaison de la lettre « v » et du chiffre 10 serait utilisée ou comprise dans un sens descriptif par une partie dudit public comme une référence spécifique et directe aux caractéristiques desdits produits.

22      La requérante soutient que, même à considérer qu’une partie du public pertinent puisse percevoir l’élément « v10 » de la marque contestée comme étant une abréviation de la « version 10 » des produits en cause, ladite marque n’en aurait pas pour autant une nature purement descriptive. Les conditions fixées par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, selon lequel cette signification devrait décrire les caractéristiques intrinsèques, inhérentes, aisément identifiables, spécifiques, précises et objectives desdits produits pour être descriptive, ne seraient pas remplies.

23      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

24      Conformément à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, la nullité de la marque de l’Union européenne est déclarée, notamment sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsqu’elle a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 dudit règlement.

25      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

26      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il doit présenter avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE), T‑458/13, EU:T:2014:891, point 16].

27      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services concernés [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 38, et du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37].

28      Il n’est d’ailleurs pas nécessaire que les signes ou les indications composant la marque et visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives des produits ou des services tels que ceux visés par la marque ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32).

29      Par l’emploi, à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, des termes « l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci », le législateur de l’Union a, d’une part, indiqué que ces termes devaient tous être considérés comme correspondant à des caractéristiques de produits ou de services et, d’autre part, précisé que cette liste n’était pas exhaustive, toute autre caractéristique de produits ou de services pouvant également être prise en compte (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 49).

30      Le choix du terme « caractéristique » opéré par le législateur met en outre en exergue le fait que les signes visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par les milieux intéressés, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de cette disposition que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par les milieux intéressés comme une description de l’une desdites caractéristiques (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 50 et jurisprudence citée).

31      S’il est indifférent qu’une telle caractéristique soit essentielle ou accessoire sur le plan commercial (arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, EU:C:2004:86, point 102), une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, doit néanmoins être objective et inhérente à la nature du produit ou du service en cause (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 44).

32      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 en concluant que la marque contestée était descriptive des produits en cause.

33      En l’espèce, à titre liminaire, le Tribunal constate que les parties ne contestent pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les produits concernés relevant de la classe 9 s’adressent au public de l’Union, qui fera preuve d’un niveau d’attention moyen à supérieur à la moyenne.

34      La marque contestée est composée exclusivement de la lettre « v » suivie du chiffre, 10 et les produits en cause sont les « ordiphones [smartphones] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables » relevant de la classe 9.

35      Afin de démontrer que l’élément « v10 » de la marque contestée est un terme qui sera compris du public pertinent comme étant descriptif des produits en cause, la chambre de recours s’est fondée sur des impressions de diverses pages Internet produites par l’intervenante, antérieures à la date pertinente, qui présentaient des exemples de smartphones ou téléphones portables dont le nom était composé d’un élément verbal et d’une combinaison alphanumérique constituée de la lettre « v » suivie d’un chiffre.

36      À cet égard, il a déjà été jugé que l’utilisation d’une abréviation par plusieurs opérateurs dans un domaine concerné sur Internet peut confirmer l’usage effectif de l’abréviation dans la pratique. En outre, le Tribunal a déjà eu l’occasion de considérer comme suffisante la preuve de l’utilisation effective d’un sigle en tant qu’abréviation des mots auxquels il se rapporte dès lors que cette preuve résulte notamment de documents de nature commerciale [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2017, LG Electronics/EUIPO (QD), T‑650/16, non publié, EU:T:2017:489, point 23 et jurisprudence citée]. Or, plusieurs sources citées par l’intervenante et reprises par la chambre de recours dans la décision attaquée confirment précisément un tel usage.

37      En effet, il résulte des documents produits par l’intervenante et sur lesquels la chambre de recours s’est fondée que les combinaisons alphanumériques sont fréquemment utilisées dans le domaine des téléphones portables et des smartphones. Force est également de constater que ces combinaisons se présentent généralement sous la forme de la lettre « v » suivie d’un chiffre croissant, selon l’année ou le mois de lancement du téléphone portable ou du smartphone sur le marché.

38      Les produits visés par la marque contestée étant des « ordiphones [smartphones] ; téléphones portables ; téléphones intelligents portables », il est évident que, en présence de ces appareils identifiés par le signe V10, le public pertinent lui donnera la signification qui est la sienne dans un contexte technologique. Il comprendra qu’elle renvoie à l’abréviation du mot version, suivi du numéro de la version des produits en question. La combinaison alphanumérique « v10 » de la marque contestée sera donc aisément susceptible d’être comprise par le public pertinent comme visant à identifier la dixième version desdits produits.

39      Ainsi, la combinaison alphanumérique composée de la lettre « v » suivie d’un chiffre indique au public pertinent une caractéristique des produits en cause relative à leur évolution technologique et vise à identifier les différentes versions de ces produits, en tant que variante des formes précédentes ou ultérieures, intégrant vraisemblablement certaines modifications.

40      Une telle conclusion est par ailleurs corroborée par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (cour d’appel de Düsseldorf, Allemagne), qui, dans une décision du 6 aout 2020 relative à une affaire entre la requérante et l’intervenante, ayant un lien avec la violation alléguée de la marque contestée, a confirmé que le public pertinent allemand comprendrait le code alphanumérique « v10 » de ladite marque comme une simple désignation du modèle ou comme une désignation de la version.

41      Par ailleurs, il a déjà été jugé que, lorsqu’un signe possède plusieurs significations, il doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits concernés, ce principe étant valable tant pour les signes verbaux que pour les signes figuratifs [arrêt du 17 décembre 2015, Olympus Medical Systems/OHMI (3D), T‑79/15, non publié, EU:T:2015:999, point 26 et jurisprudence citée].

42      En outre, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus, il n’est pas nécessaire que l’élément « v10 » soit effectivement utilisé, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives des produits en cause ou des caractéristiques de ces produits. Il suffit, comme l’indique la lettre même de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, que cet élément puisse être utilisé à de telles fins.

43      Or, il résulte de ce qui précède que l’intervenante a avancé des preuves convaincantes que la marque contestée V10 présentait, pour le public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret avec les produits en cause en renvoyant, notamment, à plusieurs impressions de sites Internet, desquels il ressort que la lettre « v » est l’abréviation évidente du terme « version » et que le chiffre qui la suit se réfère au numéro de la version en question.

44      À l’instar de la chambre de recours, il y a donc lieu de considérer que l’intervenante a démontré à suffisance de droit que la combinaison alphanumérique « v10 » de la marque contestée revêtait une connotation descriptive des produits en cause, dû au fait que la lettre « v » combinée avec le chiffre 10 pouvait être immédiatement perçue, sans autre réflexion, par le public pertinent comme une référence à l’une des caractéristique intrinsèque, inhérente et objective desdits produits, à savoir une dixième version, présentant vraisemblablement de nouvelles mises à jour ou de nouvelles fonctionnalités par rapport aux précédentes versions.

45      Partant, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu au caractère descriptif de ladite marque pour les produits en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

46      Il s’en suit que les troisième, quatrième et cinquième branches doivent être rejetées, sans qu’il soit nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur le caractère distinctif inhérent de ladite marque pour lesdits produits.

 Sur l’absence d’une appréciation différenciée de l’existence du caractère descriptif de la marque contestée au regard des produits en cause et des « logiciels d’applications » relevant de la classe 9

47      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas exposé les raisons pour lesquelles les produits en cause, à savoir les « ordiphones [smartphones], téléphones portables, téléphones intelligents portables », et les « logiciels d’applications » relevant de la classe 9, présentaient un lien suffisamment direct et spécifique entre eux au point de former une catégorie d’une homogénéité suffisante, ces produits présentant des différences évidentes. Elle estime ainsi, en substance, que la décision attaquée n’a pas été motivée de manière concrète au regard de chacun de ces produits et que la chambre de recours se serait limitée à une motivation globale appliquée indifféremment à chacun d’entre eux. Or, le seul élément de preuve dont disposerait la chambre de recours attestant l’utilisation d’un signe alphanumérique composé de la lettre « v » suivie d’un chiffre en tant qu’abréviation du mot « version » se rapporterait exclusivement aux « logiciels d’applications ».

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

49      Selon la jurisprudence de la Cour, l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et la décision par laquelle l’autorité compétente refuse l’enregistrement d’une marque doit, en principe, être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (voir arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 29 et jurisprudence citée).

50      Toutefois, s’agissant de cette dernière exigence, l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou les services concernés, lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services. Cependant, une telle faculté ne s’étend qu’à des produits et à des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante (voir arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, points 30 et 31 et jurisprudence citée).

51      En l’espèce, la décision attaquée indique que la chambre de recours a tenu compte des différentes catégories de produits concernés et a considéré que l’homogénéité desdits produits relevant de la classe 9 résultait du fait qu’ils pouvaient être considérés comme regroupant, sur la base de caractéristiques leur étant communes, en premier lieu, des smartphones et des logiciels, en deuxième lieu, d’autres dispositifs électroniques et, en troisième lieu, des accessoires non électroniques pour les dispositifs des deux premières catégories.

52      À cet égard, il ne saurait être déduit de la qualification de « smartphones et logiciels », d’« autres dispositifs électroniques » et d’« accessoires non électroniques pour les dispositifs des deux premières catégories », faite par la chambre de recours, qu’elle n’a pas apprécié les produits concrets visés par la marque contestée.

53      Si la chambre de recours a, dans le cadre de son analyse du caractère descriptif de la marque contestée, renvoyé globalement aux éléments de preuve relatifs aux catégories de produits concernés pour constater que le public pertinent aurait tendance à lire ladite marque, uniquement pour ceux des produits relevant de la catégorie « smartphones et logiciels », comme une abréviation des termes « version 10 » ou « 10e version », elle s’est fondée, dans la décision attaquée, sur des éléments de preuve différents pour ceux des produits relevant de cette catégorie qu’elle a considérés comme étant des « smartphones » et ceux d’entre eux tombant sous la dénomination de « logiciels ».

54      En effet, s’agissant des « logiciels », la chambre de recours s’est fondée sur un article de Wikipédia relatif à un système d’exploitation. Elle a en revanche tenu compte d’autres documents à l’égard des « ordiphones [smartphones], téléphones portables, téléphones intelligents portables », à savoir diverses pages Internet présentant des exemples de smartphones ou de téléphones portables dont le nom est composé d’un élément verbal et d’une combinaison alphanumérique constituée de la lettre « v » suivie d’un chiffre croissant, selon l’année ou le mois de lancement du téléphone portable ou du smartphone sur le marché.

55      Force est par ailleurs de relever que, par son argumentation, la requérante vise en réalité à contester la conclusion de la chambre de recours portant sur le caractère descriptif de la marque contestée pour les produits en cause. Un tel argument porte sur l’inexactitude alléguée des motifs de la décision attaquée, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision, lequel a été effectué par le Tribunal lors de l’examen des troisième, quatrième et cinquième branches ci-dessus.

56      Or, le Tribunal a constaté que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu au caractère descriptif de la marque contestée pour les produits en cause, après avoir considéré que l’élément « v10 » de ladite marque pouvait être immédiatement perçu par le public pertinent comme une abréviation du mot « version » suivi du chiffre 10, renvoyant à l’une des caractéristiques intrinsèques, inhérentes et objectives desdits produits, à savoir une dixième version, présentant de nouvelles mises à jour ou de nouvelles fonctionnalités par rapport aux précédentes versions.

57      Il s’ensuit que le même motif de refus, à savoir le caractère descriptif de la marque contestée pour les produits en cause et les « logiciels d’applications », est applicable pour l’ensemble desdits produits. La chambre de recours n’a donc commis aucune erreur en étendant sa motivation relative au caractère descriptif de la combinaison alphanumérique composée de la lettre « v » suivie du chiffre 10 à l’ensemble d’entre eux.

58      Il s’ensuit que la première branche doit être rejetée, ainsi que le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque contestée, comme l’y invite l’intervenante, ou sur la contradiction qui entacherait l’analyse du caractère distinctif et descriptif de la marque contestée, telle qu’alléguée par la requérante.

59      En effet, il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 qu’il suffit qu’un des motifs absolus de refus énumérés dans cette disposition s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré en tant que marque de l’Union européenne [voir, en ce sens, arrêts du 14 septembre 2004, Applied Molecular Evolution/OHMI (APPLIED MOLECULAR EVOLUTION), T‑183/03, EU:T:2004:263, point 29, et du 15 janvier 2013, BSH/OHMI (ecoDoor), T‑625/11, EU:T:2013:14, point 36 et jurisprudence citée].

 Sur les dépens

60      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

61      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      LG Electronics, Inc. est condamnée aux dépens.

 

      Öberg       

 

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 février 2023.

Signature



*      Langue de procédure : l’anglais.